Gaston Bertaux et Roger Cailly
Sur la Libération de Vayres-sur-Essonne
notes des 13 septembre et 10 octobre 1944
Le 22 septembre 1944, Roger Léonard, nouveau préfet de Seine-et-Oise
adressa à toutes les mairies de Seine-et-Oise une circulaire enjoignant
à tous les maires de faire parvenir aux archives de Seine-et-Oise
un compte-rendu des faits qui s’étaient déroulés
sur leur territoire pendant la guerre, et spécialement à
l’occasion de la Libération. Déjà le sous-préfet
de Corbeil avait adressé une circulaire analogue aux communes de
sa circonscription le 6 septembre.
Toutes
les communes ne se rendirent pas à cette invitation, loin de
là; et, quand ces comptes-rendus existent, ils sont de nature,
de longueur et de qualité très variables. Voici ceux de
Vayres-sur-Essonne, le premier rédigé par le maire, et l'autre
par un érudit local.
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1. Rapport de Gaston Bertaux (13 septembre)
DÉPARTEMENT
de
SEINE-ET-OISE
ARRONDISSEMENT
DE CORBEIL
CANTON
de La Ferté-Alais
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ETAT FRANÇAIS
Mairie de Vayres-sur-Essonne
par BOUTIGNY (S.-et-O.)
Le 13 septembre 1944
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Compte-rendu
succint des faits qui se sont déroulés dans la commune durant
les derniers jours de l’occupation et les premiers temps de la libération.
1) Occupation allemande.
Aucun fait important à signaler. Les derniers
Allemands quittent le territoire communal le 22 août vers 10 heures.
2) Libération.
Le premier élément avancé américain
traverse le territoire communal le 17 août vers 14 heures sans rencontrer
aucune résistance. Le vendredi 25 août un groupe important de
l’armée américaine (génie) s’installe pour trois jours
dans les bois situés entre la route d’Étampes et la route de
la Ferté-Alais. Acccueil particulièrement chaleureux de la part
de la population. T.SV.P. [p.2]
A
Vayres s. Essonnes, le 13 septembre 1944.
Le Pt du Comité local de Résistance,
[tampon:]
MAIRIE DE VAYRES-SUR-ESSONNES * (SEINE-ET-OISE)
*
[signé:] Bertaux
[tampon:] ARCHIVES DE SEINE-et-OISE — Propriété Publique
264
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2. Lettre d'envoi de Cailly (20 novembre 1944)
Vayres s/ Essonne, le 20 Novembre
1944.
Cher Monsieur,
J’ai bien reçu mon petit sac. Je vous prie
de m’excuser si je vous ai fait attendre le petit envoi ci-joint…. Cela était
fait depuis longtemps… mais c’est “ma dactylo” qui n’en finissait pas!!
Je vous ai joint quelques journaux locaux et ma
feuille de réquisition — comme pièce authentique. Je mets au
point l’inventaire des monuments ayant subi des dégâts par faits
de guerre.
Veuillez agréer, cher Monsieur, l’assurance
de mes bien dévoués sentiments.
[signé:] Roger Bailly
[tampon:] ARCHIVES DE SEINE-et-OISE
— Propriété Publique 262
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3. Document: Réquisition de Cailly (7 juillet 1944)
DÉPARTEMENT
de
SEINE-ET-OISE
ARRONDISSEMENT
DE CORBEIL
CANTON
de La Ferté-Alais
|
ETAT FRANÇAIS
Mairie de Vayres-sur-Essonne
par BOUTIGNY (S.-et-O.)
Le [sans date ici]…19…..
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ORDRE DE REQUISITION
En vertu d’une délégation délivrée
par Monsieur le Préfet de S et O,
Monsieur Bailly Roger
Demeurant à Vayres est requis pour la construction
d’abris le long des routes.
A Vayres le 3 Juillet 1944
Le Maire
[tampon:] MAIRIE DE VAYRES-SUR-ESSONNES * (SEINE-ET-OISE) *
[signé:] Veudray
[nom à vérifier]
[tampon:] ARCHIVES DE SEINE-et-OISE — Propriété Publique
263
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4. Relation de Bailly (10 octobre)
[tampon:] ARCHIVES DE SEINE-et-OISE
— Propriété Publique 263
VAYRES-sur-ESSONNES (début
juin 1944 – fin août 1944)
“NOTRE LIBÉRATION”
Depuis le début du débarquement
allié, les passages massifs de formations de bombardement, déjà
fréquents auparavant, se font plus nombreux, il est vrai que le temps
superbe de cet été exceptionnel a dû faciliter grandement
les choses.
Le 6 juin 1944, à l’instant où nous
apprenions, par la radio, l’attaque des forces alliées en Normandie,
des avions américains mitraillent le train de voyageurs du matin alors
qu’il quittait la gare de BOUTIGNY. Cette attaque ayant été
précédée d’un avertissement et faite avec une rare maîtrise,
ne fait aucune victime, la locomotive est seule mise hors d’usage. Le train
étant bondé, une certaine panique a lieu, des bombardements,
des rafales de D.C.A. se font entendre au loin, les routes restent désertes
toute la journée: on sent que la guerre est entrée, pour nous,
dans une phase nouvelle… tous espèrent que ce sera rapide… beaucoup
sont très optimistes…
Puis, les jours suivants, tout se calme dans la
région, seule la route nationale N°834, d’ETAMPES à FONTAINEBLEAU,
est le théâtre d’une circulation extraordinaire de convois allemands
camouflés avec des branchages et accompagnés de guetteurs qui
scrutent le ciel…
Dans la nuit du 9 au 10 juin, le village est éveillé
par un vacarme épouvantable bine qu’assourdi: portes et fenêtres
sont rudement secouées… tous les habitants sortent dans la rue ou se
mettent aux fenêtre… le ciel est en feu à l’ouest, dans les lueurs
éblouissantes des bombes éclairantes on voit briller des avions,
d’autres passent en grondant au dessus des maisons. On suppose que c’est
ETAMPES qui est bombardé et on apprend, en effet, le lendemain que
la malheureuse cité a subi un effroyable bombardement.
Le dimanche 11 juin, de bon matin, le train des
voyageurs du C.G.B allant à ETAMPES est mitraillé à VALPUISEAU
[sic]… il y a des blessé.
Le temps est splendide, un beau ciel bleu avec de grands coups d’air; presque
chaque jour et chaque nuit, l’atmosphère est secouée par de
lointains bombardements, parfois on entend les bombes siffler comme le jeudi
15 juin, vers neuf heures, où elles vont labourer les champs entre
GIRONVILLE et MAISSE, de part et d’autre de la route nationale 449.
Au début de juillet, 3 juillet, la Kommandantur
donne l’ordre aux Municipalités de faire creuser des abris le long
des routes, petites tranchées pour trois ou quatre personnes, disposées
en quinconces tous les cinquante mètres. Les habitants sont requis
[p.2] et ont chacun une tranchée
et demie à creuser sur les bords de la route nationale 449.
Les trains circulent très mal. VILLENEUVE,
MALESHERBES voient leurs lignes bombardées. Le train de voyageurs du
matin N°3314 est coupé en deux par une bombe à BRIARES-SUR-ESSONNE.
Les routes vient défiler une grande quantité de bicyclettes,
chargées de cagettes et de valises, de citadins allant au ravitaillement
par ce moyen.
Dans la nuit du 7 juillet, des bombes que l’on
dit allemandes tombent à JARCY, hameau de BOUTIGNY, près de
la voie ferrée — aucun dégât — d’autres tombent à
MAISSE.
Le 11 juillet, nous apprenons que la ligne de
chemin de fer a été sabotée de nuit à BUNO-GIRONVILLE.
Le dimanche 23 juillet, dans la soirée,
des avions à deux fuselages nous survolent à basse altitude,
des explosions rapprochées secouent le village, des rafales de mitrailleuses
éveillent longuement des échos: c’est un train de houille venant
de la FERT2-ALAIS qui est attaqué à la hauteur de LERGY-GUIGNEVILLE.
Pas de victimes, mais les deux voies sont coupées et la machine indemne
vient se garer à BOUTIGNY où elle reste la nuit et le jour suivant.
La gare de MALESHERBES est attaquée le même jour ainsi que celle
de MAISSE et de la FERTÉ-ALAIS. Les dégâts matériels
sont assez importants.
Quelques jours après, les allemands installent
un centre de ravitaillement d’essence à la gare de BOUTIGNY. Des camions
stationnent jour et nuit sous les ombrages du pays. Les village de BOUTIGNY,
qui n’avait jamais été occupé, est envahi de “feldgrau”
qui, cependant, se comportent à peu près correctement. On remarque
la fatigue des conducteurs de camions et l’énervement de tous. On sent
que la guerre se rapproche de nous. Les habitants domiciliés près
de la gare sont affolés par le danger couru en présence
de ce train d’essence et d’huile; ils fuient au passage des avions alliés,
ce qui se produit plusieurs fois par jour. Les allemands d’ailleurs ne paraissent
pas très rassurés et s’empressent de se cacher prudemment à
ces moments sous les arbres du parc de BELESBAT.
Début août… des soldats allemands
s’installent fréquemment aux carrefours routiers: à d’HUISON,
au transformateur de VAYRES et au pont de BOUTIGNY et, sans connaître
un traître mot de français, contrôlent nos papiers… où
la prsence d’une photo leur suffit!! Ils ont l’air “désabusés”
et nous questionnent ainsi: “Vous… pas terroriste??” — Nous leur répondons
négativement et ils ajoutent “Gut… Allez”.
Les Américains ont percé en Bretagne…
ils sont à LAVAL… Depuis le début du mois, les convois allemands,
filent vers l’est en désordre sur la route nationale N°837, reflètent
la panique [p.3] qui gagne l’armée ennemie.
Les soldats démoralisés regardent constamment le ciel si lourd
de menaces. Tout cela nous fait espérer la débâcle à
brève échéance.
Jeudi 10 août. On parle de l’avance alliée
comme ayant atteint CHARTRES et ORLÉANS… Tout le monde s’attend à
des événements imminents… Des camions allemands chargés
de meubles et de matelas passent… Les soldats du train d’essence de BOUTIGNY
laissent entendre qu’ils ne se font pas d’illusions… Tous sont terrorisés
par les avions alliés.
Vendredi 11 août. Les gens sensés
se rendent compte que l’on a un peu exagéré hier. La radio n’annonce
rien de sensationnel et reste muette sur la situation des armées. Les
esprits sont pourtant très surexcités partout ce soir-là
où l’on apprend que les cheminots seraient en grève à
PARIS. En effet, les trains ne passent plus… Des cyclistes venant de PARIS
par des itinéraires détournés annoncent que l’on quitte
difficilement la capitale.
Samedi 12 août… la route nationale si animée
tous ces temps-ci est déserte: plus de cyclistes, plus de camions.
Dans la nuit du 11 au 12 un fort contingent de gardes mobiles et gendarmes
ayant stationné dans le village, la présence d’uniformes français
e effrayé les habitants de la route de la FERTÉ-ALAIS qui ont
pensé à un barrage de la route nationale par des “Maquisards”!!
Un nouveau train d’essence ; conduits par des
allemands, arrive à BOUTIGNY.
Dimanche 13 août. Des avions mitraillent
sans répit autour de nous par cette journée splendide… le soir
une grosse formation de bombardiers défile très haut dans nos
cieux… Elle attaque CORBEIL… nous percevons le bruit lointain des explosions.
15 AOÛT… C’est l’Assomption, mais les routes
sont vides. Les commentaires vont leur train… et toujours, sans relâche…
des avions à cocardes, des avions étoilés, passent au
dessus de nous, parfois même en rase-mottes. Nous apprenons que le bombardement
de la gare de CORBEIL a été épouvantable.
Mercredi 16 août. Des soldats allemands
passent à pied poussant devant eux un troupeau lamentable de vaches
et de poulains; ils stationnent sous l’avenue du Château. D’autres
campent dans le verger du moulin. Ils ont des charrettes et des chars à
bancs comme véhicules!… La journée paraît longue… au loin
par moment, on commence à entendre le canon gronder. Plus de lumière…
pas de nouvelles, les journaux n’arrivant plus depuis plusieurs jours et
les postes de T.S.F., où chacun est aux écoutes de la B.B.C.
ne fonctionnant plus faute d’électricité. Les bobards
circulent… [p.4]
Dans la nuit, nous sommes éveillés
par trois ou quatre violentes explosions. On se met aux fenêtres… Au
lointain, vers le Nord-Ouest, semble-t-il, on entend le bruit de remue-ménage
d’une escarmouche… mitrailleuses et grenades… Nous sommes vraiment inquiets
cette fois. Des traînards allemands passent individuellement, certains
demandent à boire. Un voisin leur ayant refusé, deux d’entre
eux boivent des rinçures dans un seau à ordures abandonné
dans la cour!!
Jeudi 17 août. Avec le jour qui se lève
radieux, nos craintes de la nuit semblent se dissiper… Tout tumulte ayant
cessé, tout est très calme. Dans les dernières heures
de la matinée, des gendarmes de la Police d’Etat, montés à
motocyclette sont entrés dans une maison et ont demandé s’il
y avait des Boches dans la région.
Puis vers 14 heures, comme une traînée
de poudre qui s’enflamme, se répand la nouvelle: Des Américains
sont à BOUTIGNY… Ils sont là…
Une colonne composée de quelques automobiles
blindées et de voiturettes de reconnaissances [sic], précédées des gendarmes
venus le matin, s’avance lentement sur la route (G.C.153) venant de BOUVILLE,
balançant leurs longues antennes comme de gros insectes noirs… Certains
les prennent pour des allemands !… tant leur présence nous surprend
et nous paraît impossible. Mais à la vue de l’étoile blanche,
les habitants fous de joie se précipitent vers les véhicules
et acclament les soldats. Ces derniers sont très jeunes et supérieurement
équipés… Quelle joie de voir ces calmes et souriants visages
anglo-saxons sous le lourd casque à filet. Ils ont l’air très
fatigués et constamment sur le qui-vive, le doigt sur la détente
de leurs mitrailleuses.
Ils vont attaquer la gare de BOUTIGNY, pensons-nous
immédiatement et enthousiasmés, sans se rendre compte du danger,
tous les hommes à pied ou à bicyclette filent sur BOUTIGNY…
La colonne s’arrête un instant devant la porte de Bélesbat, un
habitant donne des indications aux Américains… Tous brûlent de
les aider… Les voitures blindées prennent position et les mitrailleuses
commencent à bégayer, fouettant les échos de la vallée
de leurs salves sèches.
Les allemands surpris croeint da’bord à
une attaque de “terroristes”! Ils se réfugient dans la gare où
ils se barricadent, d’autres sous le noyer de la cour de la Petite vitesse…
Une voiture blindée sur les voies, une
autre au carrefour, prennent la gare et la place sous leur feu, un coup de
canon de 37 est tiré dans la gare… Un allemand est tué, deux
autres blessés, un prisonnier est fait.
Des avions “Mustangs” survolent la gare et bombardent…
des wagons stationnés à MAISSE. [p.5]
Nombreux sont les
civils qui, couchés le long des voitures américaines ou abrités
au bord des murs du parc de Bélesbat, assistent, au péril de
leur vie, à la bataille.
Puis les Américains, sans que nous saisission
spourquoi, rompent le combat et se retirent, laissant l’allemand blessé
et le prisonnier aux mains des Français présents qui les emmènenet
au château de Bélesbat. Le soir même ne sachant que faire
de leur prise, les allemands restant dans la gare toute proche, les prisonnier
sera lâché!… Le blessé sera évacué quelques
jours plus tard par les allemands avertis.
La colonne Américaine reprenant le G.C.
153 va s’abriter une heure environ dans les bois au pied de la côte
de BOUVILLE où les habitants vont les fêter. Là, ils se
reposent et se restaurent puis repartent, prennent la Route Nationale 449
et s’éloignent vers la FERTÉ-ALAIS acclamés encore par
la population qui se croit définitivement libérée. Quelle
est notre surprise lorsque nous voyons passer quelques heures après
des camions allemands et que nous apprenons que ceux de la gare de BOUTIGNY
sont toujours là et que la plupart, ivres, se promènent dans
BOUTIGNY en fanfaronnant. Un dépôt de carburant saute à
l’Est, assez proche.
La nuit qui suit est plus calme que la précédente
et le 18 août, seuls quelques camions allemands passent sur la route;
les bobards vont leur train. Vers le soir, des avions ronflent au dessus de
nous et nous apprenons que la colonne américaine d’hier, venant de
la FERTÉ, est passée à d’HUISON-LONGUEVILLE, BOUVILLE,
retournant vers sa base.
Samedi 19 août. Le canon a tonné
au loin toute la nuit, mais le pays et les environs sont très calmes;
les allemands ont presque totalement évacué la gare de BOUTIGNY.
Dimanche 20 août. L’effervescence croît…
On attend les troupes américaines d’un moment à l’autre. On
apprend que des colonnes sont passées à BOIGNEVILLE, GIRONVILLE,
que l’on se bat vers MALESHERBES. Le canon tonne sourdement.
Lundi 21 août. La canonnade d’est rapprochée…
Il fait un temps maussade. Il semble que le combat se déroule sur le
plateau entre Juine et Essonne. Des habitants montent sur le plateau de COGNEMPUIS…
ils voient au loin de la fumée et deux camions allemands qui brûlent
sur la route nationale 837, non loin le cadavre d’un motocycliste feldgrau.
Un soir, sous la pluie, des canons allemands tractés
stoppent au faite du parc de Bélesbat. On craint qu’ils ne se mettent
en position et on aménage sa cave ou sa tranchée-abri pour s’y
réfugier au besoin. Dans la nuit, l’électricité absente
depuis plusieurs jours, fonctionne quelques heures. Tout est calme, puis,
de bon matin, la bataille renaît toute proche… coups de canon, rafales
de mitrailleuses… On voit des Boches descendre du plateau par le vieux chemin
de PITHIVIERS, harassés, traînant des caisses [p.6] de grenades; des avions règleurs de tir,
étoilés, les survolent. On entend siffler des obus au dessus
de BOUTIGNY puis éclater vers RIVIERE. Plusieurs salves sont tirées.
Deux voitures passent pleines de soldats gris, elles font demi-tour dans
les bois de Laroche… repassent; les hommes traqués, le fusil au poing,
le visage mauvais sous leur casque d’acier, ont l’ait furieux. Ce sont les
derniers qui passeront à VAYRES.
Vers deux heures, en quelques instants, les allemands
qui avaient pris position à BOUTIGNY évacuent le village. Tout
se calme brusquement. On apprend coup sur coup que les Américains sont
à GIRONVILLE, à la FERTÉ-ALAIS, à MONDEVILLE…
Nous sommes pratiquement libérés. Le canon aboie toujours
au loin… On s’attend à voir des chars amis surgir d’un moment à
l’autre et on s’installe au bord de la route!
Il fait un temps superbe… Les plus pressés
vont à MAISSE où, au milieu de l’enthousiasme délirant
de la foule, la formidable armée Américaine commence à
défiler, tandis que des avions d’observation passent au dessus des
toits, salués par des applaudissements fous. Les soldats alliés,
noirs de poussière, émergent des tanks et saluent en souriant…
Les cloches sonnent.
23 août. Aujourd’hui c’est fête. On
s’attendait ici que passent des Américains pour pavoiser. Mais rien
encore sur la route nationale 449. Enfin, vers 9 heures, deux Jeeps de la
Military Police passent… Aussitôt les trois couleurs surgissent partout
et la vieille “Clémentine Pierre” tinte dans le matin ensoleillé…
Les maisons se vident… Tous, à bicyclette, en char à bancs,
à pied, vont voir, à MAISSE ou à la FERTÉ, leurs
libérateurs et restent émerveillés devant cet extraordinaire
déploiement de forces mécanisées et conquis par l’amabilité
souriante des Yankee.
On porte des tomates, des fruits et… de l’eau-de-vie
aux soldats alliés qui sourient et offrent inlassablement des cigarettes
et des conserves. Les bosquets, les rues sont imprégnés de l’odeur
parfumé du tabac américain.
Des avions de reconnaissance et d’observation
atterrissent dans un champ à COURDIMANCHE, grosse attraction… L’un
des sous-officiers aviateurs fait des baptêmes de l’air!
24 août. Les soldats américains patrouillent
dans les champs et les bois… Sur notre route, circulation à peu près
nulle. L’après-midi, le Président du Comité de Libération,
Gaston BERTAUX, boulanger de la commune, réunit toute la population
devant la Mairie et lit la déclaration des F.F.I. en présence
de l’enseigne de vaisseau de REMUSSON d’HAUTEVILLE, chef de secteur F.F.I..
[Correctif manuscrit en marge: C’est
l’enseigne de vaisseau de Remusson d’Hauteville qui a lu lui-même la
déclaration des F.F.I.] Tous entonnent
la Marseillaise, les mebres des F.F.I. de la commune vont boire ensuite
un vin d’honneur. [p.7]
Le premier train de service est passé à
BOUTIGNY, sa vieille machine de manœuvre pavoisée avec de grands drapeaux.
25 août. Plusieurs compagnies du Génie
viennent stationner dans nos bois. Sans arrêt, les camions chargés
de pièces de pont et de barques arrivent et partent dans des nuages
de poussière. Personne ne travaille… nous passons nos journées
avec les américains dans les bois. Ils resteront là plusieurs
jours puis partiront progressivement et le mardi 29 août il ne restera
plus dans les bois que d’innombrables emballages vides “Rations K”, des paquets
de cigarettes froissés et quelques boîtes à conserves.
Dès lors, il ne passera que très
peu de soldats alliés ici. Vers la mi-septembre quelques anglais, cantonnés
à BOUVILLE, viendront acheter des pommes de terres et des légumes
et seront cordialement fêtés dans plusieurs familles.
Nous avons vécu des journées magnifiques
que nous ne sommes pas près d’oublier
VAYRES-sur-ESSONNES, le 10
Octobre 1944.
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Toute critique, correction
ou contribution seront les bienvenues. Any criticism
or contribution welcome.
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NOTE SUR
ROGER BAILLY
Roger Bailly est mentionné
par Paulette Cavaillet comme un passionné d’histoire locale, qui fit
partie en 1943 de l’équipe qui fit renaître la Société
historique et archéologique du Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix:
«En 1921, une dernière
assemblée générale et une promenade précédèrent
un long assoupissement jusqu’en 1943. A cette date, Emile Houth, sous-archiviste
aux Archives départementales et secrétaire de la Commission
des Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise réunit, à
La Ferté-Alais, quelques amoureux d’histoire locale: le docteur
Subercaze, Roger Bailly, Armand Caillet, René Cornesse, Robert
de Courcel, André Cros, Raymond Devevey, le comte de Ganay, l’abbé
Guibourgé, Pierre Rainai et Jacques Zeller»
Cf. Bulletin de la Société
historique et archéologique du Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix.
Table 1895-1984. Supplément au Bulletin n° 54 de 1984,
Corbeil-Essones, 1989, p. 4; dont une réédition par le Corpus
Étampois, ici, http://www.corpusetampois.com/cbe-shaceh1.html.
Publications
de Roger Cailly
Roger BAILLY (né en 1920, professeur de
collège), Vayres-sur-Essonne. Autour de mon village [20
cm; 148 p.; 3 dépliants; illustrations; notes bibliographiques], Vayres-sur-Essonne,
R. Bailly, dont un exemplaire déposé aux archives de Seine-et-Oise.
Dont une réédition en fac-similé
avec une préface de Sylvie Rahard], Paris, Le Livre d'histoire [«Monographies
des villes et villages de France» 2706], 2008.
Roger BAILLY (né en 1920), La Ligne
de Villeneuve à Montargis par Malesherbes au fil des ans [24 cm;
111+18 p. ; 1 dépliant; illustrations; notes bibliographiques], Vayres-sur-Essonne,
R. Bailly (impr.: Largentière, Humbert et fils), 1972.
Roger BAILLY, Les routes, le rail et l'eau
dans le canton de Milly-la-Forêt [24 cm; 256 p.; illustrations],
Le Mée-sur-Seine, Amattéis, 1992.
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