Le 22 septembre 1944, Roger Léonard, nouveau préfet de Seine-et-Oise adressa à toutes les mairies de Seine-et-Oise une circulaire enjoignant à tous les maires de faire parvenir aux archives de Seine-et-Oise un compte-rendu des faits qui s’étaient déroulés sur leur territoire pendant la guerre, et spécialement à l’occasion de la Libération. Déjà le sous-préfet de Corbeil avait adressé une circulaire analogue aux communes de sa circonscription le 6 septembre.

     Toutes les communes ne se rendirent pas à cette invitation, loin de là; et, quand ces comptes-rendus existent, ils sont de nature, de longueur et de qualité très variables. Voici celui de Boissy-le-Sec qui est dû à son maire provisoire Edmond Dobler. Il était avant guerre un inspecteur des finances et habitait à Paris; il possédait le château de Boissy-le-Sec qui ne lui servait alors que de résidence secondaire. A la Libération il fut nommé maire, poste qu’il occupa de septembre 1944 à février 1945, mais il ne se présenta pas aux élections de mars parce qu’entre-temps il avait été remobilisé avec grade de colonel; il partit pour l’Allemagne où il occupa pendant une dizaine d’années, à Baden-Baden, en zone d’occupation française, de hautes fonctions administratives, avec le rang de général: il y fut directeur de l’économie et des finances.
     Son fils Jean-Pierre Dobler, toujours propriétaire du château, et maire de la commune de 2006 à 2008, a lui-même publié en 2002 un ouvrage remarqué sur l’histoire de Boissy-le-Sec.

[Mot d’envoi aux Archives] DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE — ARRONDISSEMENT DE RAMBOUILLET — CANTON DÉTAMPES [Rayé:] ÉTAT FRANÇAIS [Ajouté à la main:] République Française — Mairie de Boissy-le-Sec — Boissy-le-Sec, le [tampon:] 31 DEC 1944 Monsieur l’Archiviste,      Conformément aux instructions de Monsieur le Préfet, en date du 22 septembre, j’ai l’honneur de vous adresser un précis succint de l’histoire de la guerre dans la commune, de 1939 à la libération.       Veuillez agréer, Monsieur l’Archiviste, l’assurance de mes sentiments distingués. [tampon:] LE MAIRE [signé:] E. Dobler [tampon:] ARCHIVES DE SEINE-et-OISE Propriété Publique 58 [tampon:] MAIRIE DE BOISSY-LE-SEC *  (SEINE-ET-OISE) * Monsieur l’Archiviste départemental 12 rue Neuve Versailles

[tampon:] MAIRIE DE BOISSY-LE-SEC *  (SEINE-ET-OISE) * [tampon:] BOISSY-LE-SEC SEINE-ET-OISE Vie de Boissy le Sec de 1939 à la Libération     En septembre 1939 plus de 50 hommes de la Commune furent rappelés sous les drapeaux. 23 furent faits prisonniers, 1 seul a été libéré, 5 bénéficièrent de congé en captivité, 17 sont encore en Allemagne.     Les opérations militaires ont commencé dans la Commune le 15 juin 1940 (Le 85e régiment d’artillerie Nord Africaine a placé quelques heures un 75 en position anti char au hameau de Venant, et recueilli des blessés français dans le village) mais à cette date la grande majorité de la population avait déjà pris la route vers le Sud ou l’Ouste.      Le 16 juin, à 8h du matin, des pointes allemandes traversaient le village, qui ne fut toutefois sérieusement occupé que du 19 juin au 2 août 1940. Cettte période a été marquée par le déchaînement des instincts du pillage et de “schaden freud” propres aux Allemands: champs et jardins dévastés, bétail volé, arbres coupés, fruits et légumes arrachés avant leur maturité, et surtout pillage organisé des maisons dont les occupants étaient partis en exode; la plupart des meubles qui ne pouvaient être emportés (comme les matelas, le linge, l’argenterie) furent abîmés ou brûlés, et des matières fécales répandues partout: au presbytère, les pots de confiture préalablement vidés en furent remplis avant d’être rangés avec beaucoup d’ordre sur la table de la salle à manger…      Après le 2 août, aucune troupe allemande ne cantonna dans le village, mais de nombreuses visites furent effectuées et des réquisitions opérées. Des stocks dissimulés chez certains cultivateurs furent saisis, 3 jours de prison infligés à un contrevenant. [p.2] A la suite du vol de cartes d’alimentation, en mars 1944, le maire et l’adjoint furent convoqués à la Feldkommandantur de St Cloud et menacés d’arrestation.      Heureusement, la Résistance s’organisait et dès juillet 1943 deux habitants de la Commune, MM. Meurger et Trieu s’inscrivaient aux FFI, adhérant au groupe de St Sulpice de Favières, malheureusement désorganisé peu avant la libération par l’arrestation de 7 de ses membres, dont 1 fut fusillé et 6 déportés.      Quelques habitants furent requis au titre du Travail Obligatoire et envoyés en Allemagne (5). Quelques-uns purent s’échapper ou revenir d’Allemagne. Quatre sont encore déportés. En même temps, plusieurs réfractaires des villes trouvaient un emploi plus discret sur le territoire de notre commune.      Lors du bombardement d’Étampes, le 10 juin 1944, les habitants de Boissy reçurent dans un bel élan de solidarité des sinistrés et réfugiés de cette ville, et s’efforcèrent d’adoucir leur misère. Puis l’activité aérienne alliée s’intensifia, et fut marquée sur le territoire de notre commune par le mitraillage d’un camion civil et de la locomotive du chemin de fer d’intérêt local.      En août, 8 soldats coloniaux, évadés d’un train de prisonniers, furent recueillis et cachés dans des fermes. Le canon commençait à se faire entendre. A partir du 18 août, des détachements allemands munis de pièces anti chars cantonnèrent dans les écarts de Venant et du Rottoir. Le 21 août, alors que le canon tonnait sur Boutervilliers, une compagnie de la Wehrmacht occupait de 11 à 13 h la rue principale de Boissy, et obligeait les habitants à [p.3] regagner leurs maisons. Deux réfugiés d’Étampes qui se trouvaient dans les champs furent arrêtés, puis heureusement relâchés. Un habitant de la commune manqua être abattu alors qu’il cherchait à gagner un abri creusé dans son jardin, parce qu’étant sourd il n’entendait pas les ordres de la sentinelle allemande. L’intervention de M. Roger Leblanc le sauva de justesse. Les Allemands paraissaient fort nerveux. L’officier s’inquiétait des “terroristes”, et des mines étaient posées. Mais, à 13 h, ce dernier détachement quittait la commune se dirigeant vers le Chesnay, oubliant une sentinelle (d’origine polonaise) qui se rendait vers 16h 30 à un groupe de civils sans armes qui marchait à sa rencontre. Pendant ce temps le combat continuait plus au Sud est, et des obus tombaient, peu sur le territoire de la commune, mais assez nombreux sur le chemin voisin du Chesnay.      Ce n’est que le lendemain, en apprenant la chute d’Étampes, que les habitants de notre commune purent enfin faire éclater la joie qu’ils éprouvaient pour leur libération, et qu’ils purent aller acclamer les divisions américaines qui déferlaient à Villeconin et sur la route Chartres Étampes. [tampon:] LE MAIRE E. Dobler  [tampon:] MAIRIE DE BOISSY-LE-SEC *  (SEINE-ET-OISE) * [tampon:] 31 DEC 1944