CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
René de Saint-Périer
Étampes: le XVIIe siècle
[La grande histoire d’une petite ville, chapitre IV] 
1938-1969

Jules Lepoint-Duclos: Tour du Loup (gravure sur bois, 1938)    

     La personnalité et l’œuvre du Comte de Saint-Périer ont dominé l’historiographie étampoise pendant la première moitié du 20e siècle. Sa Grande histoire d’une petite ville, Étampes, parue en 1938, reste à ce jour la seule synthèse complète publiée sur l’histoire de cette ville; elle a vieilli sans doute, comme on a pu le constater en lisant le premier volume du Pays d’Étampes, paru en 2004, mais on la relira avec plaisir, en attendant la parution des prochains volumes du Pays d’Étampes, et ne serait-ce que pour mesurer le chemin parcouru.
B.G.

Avertissement
Chapitre I.
Chapitre II. Chapitre III. Chapitre IV. Chapitre V. Chapitre VI. Chapitre VII. Chapitre VIII. Index. Table.
 
COMTE DE POILLOÜE DE SAINT-PÉRIER
LA GRANDE HISTOIRE D’UNE PETITE VILLE, ÉTAMPES

IV. Le XVIIe siècle


 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT
IV. Le XVIIe siècle


     Gabrielle d’Estrées, duchesse d’Étampes.Les derniers possesseurs du duché.Passages de Louis XIII à Étampes.La vie joyeuse.La peste.Encore la guerre civile.Les frondeurs occupent Étampes.Premier siège et batailles de rues.Le second siège.Ruines, épidémies et désolation.La plus malheureuse ville du royaume.Méfaits des garnisons.Louvois contre le maire.Passages de Louis XIV à Étampes.Nos premiers historiens.


Jules Lepoint-Duclos: Tour du Loup (gravure sur bois, 1938)      Nous avons vu que le duché d’Étampes avait été donné par Henri III, en 1582, à Marguerite de Valois, la femme du futur Henri IV. Simple usufruitière, elle ne joua aucun rôle politique dans son duché, n’y vint sans doute jamais et n’y a pas laissé de marques quelconques de son intérêt. Il en avait été ainsi, à des degrés divers, pour d’autres donataires du duché, ou même plus anciennement du comté, mais désormais ce sera la règle pour tous ceux qui seront honorés du titre de duc ou duchesse d’Etampes. Ils touchent les revenus du domaine, sans y résider, sous le contrôle du Parlement et de la Chambre des comptes, mais, en raison même de la puissance acquise par la monarchie, les pouvoirs politiques, administratifs, militaires, judiciaires, appartiennent d’abord et tous au roi et à ses fonctionnaires, ensuite, et seulement pour quelques-uns, aux seigneurs laïcs et ecclésiastique du bailliage et à la municipalité.

     En 1598, Marguerite de Valois, alors reine de France, céda son duché à Gabrielle d’Estrées, marquise de Monceaux, duchesse de Beaufort, la maîtresse d’Henri IV depuis 1590. Cette donation peut être jugée quelque peu singulière, même si l’on tient compte de la [p.52] liberté des mœurs de l’époque, et du roi, en particulier. Mais elle s’explique aisément: le ménage royal était en désaccord complet, non pas seulement à cause des infidélités du Béarnais trop galant; la reine, d’ailleurs elle-même fort galante, s’était séparée de lui dés 1585 pour prendre le parti de ses pires ennemis et vivait maintenant recluse, presque prisonnière en raison de ses intrigues, au château d’Usson, près d’Issoire. Henri IV était décidé depuis l’année 1593 à faire annuler son mariage, mais il lui fallait le consentement écrit de Marguerite de Valois: elle le lui fit chèrement payer par des pensions, des règlements de dettes, des places, des abbayes. Ces marchandages durèrent des années. La donation à Gabrielle d’Estrées en est encore un, sous une forme déguisée : par des complaisances à l’égard de la favorite, un supplément d’avantages pouvait être obtenu du roi. Le duché d’Etampes dut faire l’objet de quelque transaction de ce genre.

     A la mort prématurée de Gabrielle d’Estrées, en 1599, le duché d’Étampes fut transmis à son fils aîné, César, duc de Vendôme, qu’elle avait eu d’Henri IV en 1594. Légitimé par le roi, il avait, en outre, été mis en mesure de recevoir «toutes sortes de dons et, en particulier, la succession éventuelle de sa mère, dès 1596, par des lettres patentes. La maison de Vendôme fut usufruitière du duché pendant plus d’un siècle Louis, duc de Mercœur, fils de César, le reçut en dot de son père lors de son mariage avec Laure Mancini, la nièce de Mazarin, en 1654. Mais leur fils, Louis-Joseph, à son tour duc d’Étampes. vaillant capitaine «qui faisait la guerre en héros, en grand homme et en honnête homme», mourut sans enfants en 1712. Il avait épousé la petite-fille du Grand Condé, Marie-Anne de Bourbon, fille d’Henri, prince de Condé, qui garda le duché jusqu’à sa mort en 1718; sa mère, Marie-Anne de Bavière, douairière de Condé, en hérita et le laissa à son autre fille, Louise-Elisabeth de Bourbon.

     Des Bourbon-Condé, le duché d’Étampes passa aux Bourbon-Conti par le mariage de cette Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé avec son cousin Louis-Armand, prince de Conti, dont une fille, Louise-Henriette de Bourbon-Conti est duchesse d’Étampes au milieu du XVIIIe siècle.

     Elle épousa, en 1752, le petit-fils du Régent, Louis-Philippe d’Orléans et ainsi le duché d’Étampes entrait dans la maison d’Orléans. Leur fils, Louis-Philippe-Joseph d’Orléans, plus connu sous le nom de Philippe-Égalité, qu’on lui donna après son élection comme député à la Convention, reçut les domaines d’Étampes et de la Ferté-Alais dans le partage, entre sa sœur et lui, de la succession de leur mère, en 1779. Ils lui étaient attribués pour la somme assez considérable de 480.000 livres. Philippe-Égalité fut le dernier duc d’Étampes.

     Cette sèche énumération nous amène à l’aube de la Révolution sans que nous ayons participé à la vie de notre cité depuis a mort d’Henri IV, parce que, nous l’avons dit, sa vie s’écoule à l’écart [p.53] des princes qui portent son nom, entre autres titres, et elle ne les connaît guère que par leurs noms précisément, qui figurent en tête de tous les actes du bailliage.

     Louis XIII, qui voyageait beaucoup, s’arrêta quelquefois à Étampes, mais non aussi souvent qu’il a été dit. Nous retiendrons seulement ses passages certains, attestés en particulier par le précieux journal d’Héroard, son médecin, qui ne le quitta guère jusqu’en 1628, séjours très courts, d’une journée ou d’une nuit, sans apparat et sans conséquences pour notre ville. Le premier a lieu le 6 et le 7 juillet 1614; le roi avait treize ans, il arrive en carrosse à quatre heures, la reine mère le rejoint le soir et il repart pour Angerville dès le lendemain matin, après avoir assisté à la messe à Notre-Dame. Le 9 mai 1615, allant en Touraine, il y passe toute la journée parce que l’Ascension, et enfin, le 13 et le 14 mars 1631, alors qu’il se rend à Orléans pour combattre son frère, Gaston d’Orléans, toujours en rébellion. Le roi descendait tout simplement à l’auberge, comme il le faisait dans toutes les petites villes; le palais du Séjour n’était plus, depuis Claude de France, à l’usage des princes et nul d’entre eux n’avait songé à en édifier un nouveau, le temps étant loin où ils faisaient d’Étampes leur séjour préféré.

     Il s’en fallait cependant de beaucoup que ce fût alors une ville triste et morne. Des mémoires inédits d’un gentilhomme étampois de l’époque nous apprennent, au contraire, qu’elle était fort vivante. Elle demeurait, en effet, un grand passage et une étape importante; s’il y avait moins de pèlerins qu’au XIIe siècle, il y avait plus de voyageurs; le développement de la culture et du commerce, les nécessités ou les menaces de la guerre, y entretenaient une activité incessante. On y comptait plus de cinquante auberges. La garnison, qui l’occupait alors presque constamment, était souvent renouvelée, ce qui contribuait à l’animation de la cité et donnait lieu à de nombreuses réjouissances, bals, festins, parties de jeu qui se tenaient dans la rue des Tripots, aujourd’hui, la rue de la Plâtrerie. Il s’ensuivait, d’ailleurs, beaucoup d’intrigues et de désordres, des tapages nocturnes, des sérénades aux violons et autres instruments, qui se terminaient quelquefois par des coups d’épée ou même des duels. Si cette vie d’agitation satisfaisait la jeunesse, elle excitait parfois les murmures «des meilleurs habitants et des personnes de qualité passant ès-hotelleries»; elle enlevait aussi du crédit aux plaintes formulées par la municipalité auprès des autorités sur les misères, pourtant si réelles, de leur ville. Aussi en vint-elle à défendre expressément dans les rues, la nuit et même le jour, tous violons et autres instruments à peine de quarante livres d’amende et de prison.

     Le duc d’Étampes, César de Vendôme, fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, ne demeura pas tout à fait un inconnu pour notre ville puisqu’il y vint le 24 février 1615 poser la première pierre de [p.54] l’église des Capucins, au faubourg Évezard. Ces moines, comme nous l’avons vu, avaient obtenu, en 1580, de succéder à la commanderie de Saint-Jacques, dont ils avaient reçu tous les bâtiments. Ils en ajoutèrent d’autres et leur monastère était un important ensemble au XVIIe siècle, comme le montre une gravure de l’époque. Ce sont eux qui, en 1621, détournèrent la rivière et lui firent faire ainsi ce coude accentué, derrière l’abattoir, afin d’enclore dans leur jardin un pré situé au delà et l’ancien port de la commanderie, qui ne servait donc plus, ayant été peu à peu supplanté par le port communal, plus grand et mieux placé. Il reste du long séjour de ces moines à Étampes le nom du chemin qui longe la rivière, dit la sente des Capucins.

     En 1630, un ordre enseignant de femmes, les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame, nouvellement fondé par un curé de la Lorraine, Pierre Fourier, s’établit à Étampes, d’abord rue Saint-Jacques et rue de la Plâtrerie, dans des maisons louées ou achetées. Mais, au milieu du XVIe siècle, elles étaient installées au carrefour qui porte encore leur nom, à l’extrémité de la rue des Cordeliers, dans un vaste monastère qu’elles avaient fait bâtir, après maintes acquisitions successives de terrains. Il ne leur manquait qu’une église, pour laquelle elles obtinrent en 1663, de Louis de Vendôme, malgré l’opposition du corps de ville, un terrain joignant la place Saint-Gilles «qui était de temps immémorial un lieu public, de belle symétrie et grande décoration destiné tant aux exécutions qu’aux marchés et s’appelant de toute ancienneté le marché aux Porcs», ce qui justifiait la désapprobation des officiers de ville. Mais ils durent s’incliner: l’église fut construite et dédiée à Saint-Joseph. La congrégation était, en effet, puissante et fort riche, possédant, outre la ferme de Guinette et des prés à Étampes, de nombreuses terres à Étréchy, à Bois-Herpin, à la Montagne, à Dhuilet, à Bouville; elle avait placé «chez le roi» plus de cent mille livres et prêtait même de l’argent aux particuliers. En 1695, elle comprenait plus de cinquante sœurs professes, qui donnaient gratuitement l’instruction aux jeunes filles externes, et il y avait aussi de nombreuses pensionnaires. Après la Révolution, qui les avaient chassées et dépossédées, elles purent racheter leur couvent et ce qui restait du monastère des Cordeliers. On sait qu’elles y demeurèrent jusqu’à une époque toute proche de nous. Elles possédaient encore un graduel du XVIIe siècle, décoré pour elles, qui est un magnifique spécimen de l’art des miniaturistes et des calligraphes de l’époque, chef-d’œuvre de grâce et d’élégance. Il avait conservé toute la fraîcheur de son coloris lorsqu’il nous fut donné de le voir plus tard chez un libraire, qui nous permit d’en publier quelques reproductions.

     Encore sous le règne de Louis XIII, un événement notable dont nous trouvons une mention est une épidémie de peste qui sévit sur [p.55] Étampes et les environs, en l’automne de 1631 et durait encore, semble-t-il, au début de 1632. Les habitants, tant ecclésiastiques qu’officiers et autres, sont convoqués le 26 septembre, à l’Hôtel de ville, pour aviser aux moyens d’enrayer le mal qui augmente de jour en jour et de secourir les pauvres qui en sont affligés. Le maire était alors Pierre Baron, seigneur de l’Humery, une des belles figures de nos magistrats étampois. On procéda à la nomination d’un chirurgien, d’un confesseur et d’un «enterreur» et l’on interdit de recevoir des malades, qui étaient venus, avec des hardes, de Janville et autres lieux; ces hardes devaient être confisquées et brûlées à l’instant. Le 6 février 1632, une autre assemblée se réunit pour décider de «l’achat et bâtiment d’un lieu propre et particulier pour retirer et faire traiter les habitants qui se trouveront atteints de la peste».

     Vingt ans plus tard, une autre calamité, déjà trop connue, s’abat sur notre ville et cette fois lui infligera les pires ravages qu’elle ait eu jamais à subir: c’est encore la guerre civile. On sait que pendant la minorité de Louis XIV, la régente Anne d’Autriche et son ministre Mazarin virent se dresser contre eux, et ainsi contre le jeune roi lui-même, le Parlement, les Princes, avec une partie de la noblesse et le peuple de Paris, qui s’unirent, en dépit de tout ce qui les séparait, et engagèrent une véritable guerre, qu’on appela la Fronde. Mazarin avait levé une petite armée à ses frais, que commandait Turenne tandis que Condé, le vainqueur de Rocroi, qui voulait la place de Mazarin, dirigeait l’armée des Princes. Condé, ayant été mis en dé route par Turenne à Bléneau, près de Montargis, en avril 1652, voulut rapprocher ses troupes de la capitale, dont il craignait la défection. Il se rendit lui-même à Paris et son armée, qui commençait à manquer de pain, sinon de vin, puisqu’elle en avait bu toutes les réserves à Montargis, gagna Milly, Maisse, la Ferté-Alais, où elle se heurta à quelques éléments de l’armée royale, qui était de l’autre côté de la ville. Ne pouvant ainsi atteindre directement Paris par Corbeil, les lieutenants de Condé jetèrent leur dévolu sur Étampes, pour s’abriter derrière ses murs, qui subsistaient en partie malgré l’autorisation de démantèlement d’Henri IV, et pour se ravitailler en blé et en fourrage. Le seigneur de la Boulaye se fit fort d’obtenir l’ouverture des portes, déclarant qu’il était connu «de quelques-uns d’Étampes» et qu’il la demanderait de la part de Monsieur de Beaufort, le second fils de César de Vendôme, duc d’Étampes. Ce qui se réalisa, en effet: bien qu’il fût dix heures du soir, des paysans, qui en l’absence bien malencontreuse du capitaine du corps de garde, gardaient la porte Saint Pierre, juste à l’endroit où vient aboutir la route actuelle de la Ferté, «aussitôt qu’ils ouïrent le sieur de la Boulaye parler de la part de Monsieur de Beaufort», ouvrirent tout simplement la porte. L’ennemi était dans la place. Il y eut bien une tentative de résistance de la part des autorités et notre ville doit être justifiée de [p.56] l’accusation, qui fut plus tard portée contre elle, d’avoir trahi son roi. Mais elle était fort mal informée, tant des intrigues complexes qui se nouaient à Paris que de la composition et des mouvements respectifs des deux armées adverses, au point que les responsables de l’ouverture de la porte Saint-Pierre jurèrent qu’ils croyaient que Mon sieur de Beaufort était du parti du roi et qu’ainsi ils donnaient pas sage à des troupes royales. Cependant, dès cette nouvelle connue, les principaux habitants s’assemblent «tumultuairement» à l’Hôtel de ville. On leur annonce qu’il s’agit seulement de quelques centaines d’hommes: ils décident de refuser l’entrée, et aussitôt, sans perdre leur temps en vains discours, ils se transportent en corps au Perray. La rumeur y était extrême. Monsieur de la Boulaye et les commandants, le comte de Tavannes, le baron de Clinchamp, étaient déjà dans le faubourg et toute une armée, au lieu des six cents hommes annoncés, apparaissait sur les hauteurs, à la lumière des torches. Les pourparlers commencèrent: les chefs de l’armée des Princes feignirent de ne vouloir que passer la rivière, demandèrent l’entrée pour qua rante officiers seulement, le reste devant rester dans les faubourgs, et promirent de lever le camp dès le lendemain, vers Paris. On hésitait encore lorsque tous les habitants du faubourg, mêlés aux gens de guerre, accoururent épouvantés, prétendant que les canons étaient déjà dans la rue et qu’on allait tirer; mille hurlements d’enfants et de femmes fuyant à demi nues retentissaient dans la nuit. Il fallut bien céder, autant à l’affolement de la population qu’à la force de l’ennemi; il n’y avait plus de garnison: elle avait été appelée en Guyenne contre Condé, et pas de nouvelles de l’armée du roi. Le lendemain matin, 24 avril, à sept heures du matin, neuf mille hommes entraient dans la ville en conquérants, l’épée nue à la main «et la plupart se promettant le sac et le viol et s’installant en maîtres dans toutes les maisons». Ils se répandirent dans les villages voisins jusqu’à trois lieues aux alentours.

     L’armée du roi, aussitôt informée de l’occupation d’Étampes quitta la Ferté-Alais, vint camper à Châtres (Arpajon) pour barrer la route de Paris aux rebelles et, de là, obtenir des renseignements sur les intentions ou les mouvements des troupes qui tenaient Étampes. C’est ainsi que Turenne apprit que Mademoiselle de Montpensier, la sœur de Gaston d’Orléans, frondeuse acharnée, avait quitté Orléans pour se rendre à Paris, était arrivée à Étampes le 2 mai et y attendait un passeport qu’elle n’avait pas craint de demander au roi. Si singulier que cela nous paraisse, elle l’obtint et sortit d’Étampes, le matin du 4 mai. Les lieutenants généraux de l’armée rebelle, galants, mais fort malavisés, avaient résolu de faire à cette amazone «une galanterie guerrière», en mettant toute l’armée hors des murs et sous les armes, pour lui faire honneur et l’escorter jusqu’aux Capucins, c’est à dire jusqu’à l’abattoir actuel. Turenne, en ayant été [p.57] instruit à temps, fit avancer ses régiments toute la nuit précédente par les chemins creux de Villeconin et la plaine de Boissy-le-Sec jusqu’au-dessus du faubourg Saint-Martin. A cette nouvelle, Mademoiselle, qui était en train «de faire distribuer quantité d’écharpes et de rubans» à ses gracieux officiers, les congédia vivement et le comte de Tavannes fit rentrer ses troupes en hâte dans la ville. Mais l’armée royale descendit «comme un foudre». On se battit affreusement, de 9 heures du matin jusqu’à 4 heures du soir, de la rue de Chauffour à la rue de Saclas et jusqu’au Petit-Saint-Mard, autour de l’église et du cimetière Saint-Martin, dans les maisons et les jardins, à coups de pierre quand il n’y eut plus de munitions. Les troupes du roi étaient entièrement victorieuses. Elles se jetèrent dans les habitations pour les piller. Dès qu’il le sut, Turenne donna l’ordre d’en faire sortir les soldats, mais lorsqu’ils quittèrent la ville, ils n’en emmenaient pas moins de «très amples et riches dépouille ». Ils partaient en bon ordre et ne furent aucunement harcelés jusqu’à Étréchy par les rebelles, comme il a été dit à tort. L’armée des Princes avait perdu 2.600 hommes, dont plus de 1.500 prisonniers et plusieurs de ses chefs. Le baron de Clinchamp, qui commandait le contingent des Allemands et des Espagnols, avait reçu un coup de mousquet, mais dont il n’eut aucun mal, «sauvé par l’argent de sa poche contre lequel la balle s’aplatit».

     Tout le faubourg Saint-Martin offrait des spectacles lamentables sur le pont des moulins, des hommes, des chevaux et des chariots, amoncelés et à demi brûlés, fumaient encore; partout l’on entendait gémir des mourants; des femmes chargées d’enfants avaient cherché un refuge dans la rivière, dont l’eau leur montait jusqu’au cou.

     Mais l’armée rebelle ne voulait ni reconnaître sa défaite, ni abandonner Étampes, qui assurait d’autant mieux son ravitaillement que depuis le début des troubles, on y avait apporté du blé «en grandissime et prodigieuse quantité», de toute la Beauce, dans l’illusion qu’il y serait plus en sûreté. Les lieutenants généraux des Princes en constituèrent un magasin dans le couvent des Cordeliers. Ils installèrent toute l’armée à l’intérieur de la ville, en délaissant les faubourgs. Toutes les maisons furent envahies d’officiers, de gendarmes, de valets et de chevaux, tandis que les soldats campaient sur les places et dans les jardins. Beaucoup d’habitants, auxquels les vivres et le vin étaient enlevés en même temps que le gîte, se réunirent aux Cordeliers et dans l’église Notre-Dame, «pour y faire feu et ménage». Le pouvoir du maire et des échevins était entièrement aboli. Mais la ville ne suffisait point à l’avidité de cette soldatesque tous les jours, des cavaliers armés parcouraient la campagne jusqu’à dix lieues aux alentours, pillant les maisons, les fermes, les châteaux et rapportant le soir des grains, de la paille, des moutons, des volailles, des vaches, des chevaux et même du linge, des couvertures, [p.58] de la literie. Des paysans qui résistaient furent massacrés, à Guillerval, en particulier. Mais parfois les pillards aussi disparaissaient.

     D’autre part, en prévision d’un nouveau siège, que le roi, disait-on, avait résolu d’entreprendre, des munitions furent entassées dans l’église Sainte-Croix et divers points furent fortifiés. On construisit des palissades le long des fossés, des bastions dans le port, des ouvrages en demi-lune à la porte Dorée et aux portes Saint-Jacques, Saint-Pierre et Saint-Martin. A la porte 1 on éleva une forte barricade de tonneaux. Le roi étant venu de Saint-Germain à Melun pour être plus près d’Étampes, on ne douta «plus d’une prompte et rude visite» et de nouveaux préparatifs commencèrent la dévastation que devait achever le siège. En effet, toutes les maisons voisines des murailles, au-dedans et au dehors, furent abattues ainsi que les clôtures des cimetières, les murs et les arbres des jardins pour assurer la liberté du passage. On n’épargna même pas la chapelle Saint-Jacques de Bédégond, dont les destructeurs furent d’ailleurs écrasés sous ses ruines. Enfin, le comte de Tavannes fit mettre deux fois le feu dans tous les faubourgs. De tels apprêts donnaient à penser que cette fois les rebelles étaient résolus à déployer toutes les ressources de la tactique et à demander à leurs troupes une farouche résistance. Les événements le confirmèrent. L’armée royale forte de 10 à 12.000 hommes apparut devant la ville le 27 mai, sous la conduite de Turenne. Le siège devait durer douze jours. Les assiégés exécutèrent vingt-deux sorties, dont plusieurs réussirent à repousser momentané ment les assaillants. La demi-lune de la porte Saint-Martin fut prise et reprise trois fois dans la même nuit. Afin de se fortifier encore de ce côté, les rebelles renversèrent des murailles et des maisons pour en faire des retranchements; la cavalerie portait des fascines, l’infanterie, de la terre et du fumier, et les habitants eux-mêmes étaient contraints de participer à ces travaux. Turenne somma par trois fois les assiégés de se rendre, sinon il donnerait l’assaut et ne ferait pas de quartier: ils refusèrent de se rendre, disant qu’ils étaient prêts à recevoir l’assaut et qu’eux-mêmes ne feraient pas de quartier. Et une brèche ayant été faite à la courtine, ils y mirent cinq cents cavaliers à pied, armés de faux emmanchées à l’envers. Le lendemain, des batteries royales, établies au milieu de la rue du faubourg Saint-Martin tirèrent plus de deux cents coups contre la porte, qui fut rompue. Les chaînes du pont-levis étant brisées, le pont s’abattit, mais aussitôt les assiégés y mirent le feu et barricadèrent la porte. Une autre sommation de se rendre reçut la même réponse. Le lendemain encore, bien qu’une autre brèche ait été faite à la courtine, l’armée royale renonça à donner l’assaut.

     Le 29 mai, le roi qui était venu de Corbeil et logeait, comme Henri IV, au château de Brières, se rendit au camp.Le sieur de Sainte [p.59] Marie, lieutenant des Cent-Suisses, fut envoyé aux assiégés pour avertir leurs chefs de la présence du roi afin qu’on cessât le tir, selon l’usage qui, par respect pour les souverains, interdisait de tirer le canon sur leur quartier. Mais le comte de Tavannes, pressentant ce dont il s’agissait, «fit le malade» et envoya un Allemand à Sainte-Marie: ils ne se comprirent pas et plusieurs volées de canons furent aussitôt tirées, dont une démonta un cavalier à cent pas derrière le roi. Cet incident scandalisa tout l’entourage royal: «crime capital, procédé honteux, dont toute l’armée fut touchée d’étonnement et d’horreur» dit Jean Valuer, maître d’hôtel du roi, dans son Journal, en rappelant que des Espagnols eux-mêmes, au siège de Perpignan, en 1642, avaient cessé leur feu chaque fois que Louis XIII était venu visiter son camp.

     Enfin, le 7 juin, après une nouvelle sortie des assiégés sans grands résultats, l’on vit avec surprise le camp royal en feu et l’armée s’éloigner en bon ordre le siège était levé. On donna comme raison de cette brusque décision là nécessité pour Turenne d’aller combattre le duc de Lorraine, qui venait d’entrer en France appelé par les Princes et cherchait à dégager Étampes. En réalité, la levée du siège paraît avoir été la condition d’un accord entre le duc de Lorraine et M. de Châteauneuf, pour le roi: le duc promettait de se retirer dès que le siège d’Étampes serait levé. Il fallut tout de même le chasser à coups de canon, mais, au moins, notre ville fut délivrée.

     Ce douloureux siège, où tant de courage fut dépensé, ne valut cependant de gloire à personne. Turenne se retira mécontent, dit-on; c’était, en effet, un échec assez surprenant chez ce grand homme de guerre. Il semble bien que, devant Étampes, il ait manqué tantôt d’impétuosité, tantôt de ténacité, même au premier siège dont il n’exploita pas le succès: s’il eût fait donner vigoureusement l’as saut dès le début, le désordre était alors si grand dans l’armée des Princes qu’elle se serait enfuie par le faubourg Saint-Pierre, le second siège eût été épargné à notre malheureuse ville avec toutes ses conséquences et bien des morts eussent été évitées de part et d’autre. Mais peut-être faut-il penser que Turenne dirigeait à contre-cœur ces opérations de guerre civile, où des amis, des parents se reconnaissaient d’un camp à l’autre, où des prisonniers se faisaient prendre pour mieux servir leur parti. Et sans doute bien des gens de cœur, officiers de Turenne, éprouvaient-ils ce sentiment qui suspendait leur élan et même leur fit discuter les ordres de leur chef, puisqu’on sait que plusieurs fois Turenne avait commandé de donner l’assaut et qu’il accepta de ne pas être obéi. Si les assiégés montrèrent bien plus de fougue et d’acharnement, c’est surtout à cause de l’ascendant qu’exerçait sur eux le héros de Rocroi et de Lens. Condé, cependant, ne vint pas à Étampes, mais il y était constamment attendu et annoncé. Les sorties meurtrières se renouvelaient avec la même ardeur, parce [p.60] qu’on croyait toujours aller au-devant de lui, accouru avec des troupes fraîches au secours des assiégés: le plus rustre des soldats voyait déjà son impérieuse figure au delà des remparts et s’élançait vers ce fantôme. Etonnant prestige de la gloire. Même absent, le jeune chef victorieux «donnait une âme guerrière à toute cette armée, qui se portait au combat comme aux noces».

     La levée du siège par Turenne fut évidemment transformée en un succès éclatant des Princes, comme en témoignent les nombreuses «mazarinades», pamphlets haineux parus dès l’époque, qui altèrent la vérité des faits. Mais forts de la victoire complète qu’ils s’attribuaient, les rebelles ne se hâtaient point de quitter Étampes.

     Ils y restèrent jusqu’au 23 juin. Ils laissaient dans notre malheureuse ville un amas de ruines et un immense charnier. Des monceaux de cadavres d’hommes et de chevaux, mêlés d’ordures et de fumier, emplissaient les rues et s’entassaient contre les murailles. La population n’avait pas la force de les enlever, trop affaiblie par la rareté des vivres et les angoisses du siège. Il se forma des quantités «de vilaines mouches de grosseur prodigieuse» qui semèrent rapidement, sinon la peste, comme disent les contemporains, au moins diverses maladies contagieuses parmi ces malheureux déjà épuisés. Et presque tous les malades demeuraient sans soins, tandis que les morts étaient portés en brouette et sans bière, aux cimetières, où «croassaient des oiseaux sinistres et carnassiers, inconnus jusqu’alors au pays». Cette tragique situation amena dans notre ville Vincent de Paul, qui multipliait ses bienfaits dans toute la région ravagée par la guerre. Il fit venir d’abord, pour procéder aux travaux de nettoyage et d’assainissement, des hommes robustes, qu’on appelait des «aéreux», tandis que lui-même, bien qu’il eût plus de soixante-dix ans, soignait les malades, recueillait les orphelins et nourrissait les pauvres. Il avait appelé auprès de lui quelques membres des congrégations qu’il avait fondées, les Pères de la Mission et les Sœurs de la Charité, dont plusieurs moururent à la tâche. Leur dévouement hâta sans doute l’extinction de l’épidémie; elle dura des mois cependant et fut terrible ment meurtrière. Il n’y eut guère qu’une vingtaine de maisons où la mort ne passa point et des familles entières disparurent. Le lieutenant particulier du bailliage, Bouttevillain, seigneur de la Coudraye, fut emporté, avec sa femme et ses six enfants, ainsi que le lieutenant de la prévôté, le procureur du roi et son substitut, six avocats du roi; il ne restait plus de greffiers pour délivrer les actes. Et cependant, parmi ces fonctionnaires, comme parmi les nobles et les bourgeois, ceux qui étaient en mesure de fuir «le mauvais air d’Étampes» avaient cherché refuge ailleurs, à Dourdan, à Boissy-sous-Saint-Yon, ou dans la campagne, et la mort faucha davantage encore dans les rangs des artisans et des pauvres. En peu de temps, la ville fut toute changée «de nouveaux ecclésiastiques dans les bénéfices, de nouveaux [p.61] officiers dans les charges, nouveaux marchands, nouveaux artisans, quantité de successions remplies ou vacantes, quantité de scellés, tutelles, émancipation de jeunes gens et jamais tant de nouveaux mariages». Les registres paroissiaux confirment ce tableau d’un témoin.

     La détresse de notre malheureuse ville suscita les plus grands dévouements chez les officiers de ville qui avaient la lourde charge de travailler à son relèvement. Au moment du siège, le maire était encore Pierre Baron, qui l’était déjà lors de la peste de 1631. Il avait près de quatre-vingts ans, mais il avait conservé une étonnante vigueur, dont nous avons une preuve sous la forme d’un poème latin qui lui fut inspiré par les horreurs du siège et la désolation qui les suivit. Il les évoque avec autant d’émotion que d’exactitude, après avoir décrit, par antithèse, tous les charmes de notre petite cité. Il y témoigne en même temps une vaste culture, qui ne lui était pas particulière, d’ailleurs. Presque tous les officiers municipaux ou royaux de cette époque en possédaient une semblable, qui donne à leurs discours, que nous lisons encore avec intérêt, une force peu commune et qui contribuait certainement à la sagesse de leur administration, à la haute idée qu’ils se faisaient de leur tâche et à l’autorité qu’ils exerçaient autour d’eux.

     Cependant, l’ordre et la paix renaissaient dans le royaume, sinon la prospérité, et la guerre étrangère se terminait par le traité des Pyrénées, qui agrandissait la France. Notre ville, se détournant de ses propres misères, participa à la joie générale. Le 7 mars 1660, un Te Deum fut chanté à Notre-Dame, en présence du maire, des échevins, de tous les officiers du bailliage et de tous les notables. Puis, des feux de joie furent allumés, avec des flambeaux tenus par le maire et le lieutenant du bailliage, sur un bâcher dressé devant l’Hôtel de ville. Le surlendemain 9 mars, Turenne traversait Étampes pour aller à Paris assister au mariage du roi. Le maire et les échevins allèrent le saluer et lui offrir le présent de la ville. Cependant, toutes les souffrances que rappelaient le nom et la personne de Turenne étaient bien loin d’être effacées. La misère, les ruines dans les rues, la dévastation des champs d’alentour, subsistèrent pendant des années et même, certaines traces de cette terrible épreuve ne disparurent jamais. Un intéressant témoignage sur l’aspect qu’offrait notre ville en 1663, nous est fourni par La Fontaine, le fabuliste, qui la traversa au mois d’août, allant en Limousin par «le carrosse de Poitiers». Il écrivait à sa femme ses impressions de voyage et lui dit à propos d’Étampes: «Nous remarquâmes en entrant quelques monuments de nos guerres: ce ne sont pas les plus riches que j’aie vus, aussi est-ce l’ouvrage de Mars, méchant maçon s’il en fut jamais. Enfin, nous regardâmes avec pitié les faubourgs d’Étampes. Imaginez-vous une suite de maisons sans toits, sans fenêtres, percées [p.62] de tous les cités; il n’y a rien de plus laid et de plus hideux. Cela me remet en mémoire les ruines de Troie-la-grande». Ainsi, onze ans après le siège, loin d’avoir été reconstruites, les maisons étaient encore en l’état où les avait mises l’effroyable tourmente. A cette époque, la misère avait même augmenté par suite de récoltes si insuffisantes en 1661 et 1662 que la famine régnait à Étampes et dans les environs. Les pauvres s’étaient multipliés au point que des femmes charitables étaient venues de Paris aider celles d’Étampes à organiser des «soupes et des secours». Un peu plus tard, en 1668, le maire, René Hémard, écrit dans ses Mémoires «Etampes est la plus malheureuse ville du royaume. Les trafics de blé et de laine, autrefois si célèbres, aussi bien que les transports de vin d’Orléans sur la rivière, y demeurent entièrement rompus, tant par le nouvel établissement du canal de Briare et les fréquents logements des troupes que par la hauteur des tailles, lesquelles ont chassé la moitié du peuple que les maladies d’armée y avaient laissé de reste en 1652.» Il nous dit aussi que la grande enceinte est encore semée de trous où se réfugient des mendiants et de chétifs manœuvres, que de vastes logis sont quasi vides ou sans autres locataires que des jardiniers misérables.

     Et plus tard encore, en 1677, le corps de ville sera réduit à deux échevins, en raison du petit nombre d’habitants de la ville.

     L’appauvrissement universel, le ralentissement du commerce, la diminution de la population étaient des conséquences directes du siège. Mais la situation générale du royaume, l’état toujours lamentable des finances et la fréquence toujours renouvelée des guerres aggravaient encore ces funestes effets, empêchaient qu’ils s’effacent et, par surcroît, en ajoutaient d’autres, comme l’augmentation des impôts et les passages de troupes. Même en temps de paix, ces passages si redoutés des habitants devenaient des séjours: un régiment s’installait en garnison pour des mois: «On n’a guère vu, dans les autres siècles, de paix qui fût plus guerrière», dit René Hémard. En 1664, c’est la compagnie des chevau-légers du dauphin, dont le lieutenant général du bailliage et le fils de l’ancien maire Baron obtiennent à grand’peine le départ, mais peu après, elle est remplacée par les gendarmes écossais, qui restent tout l’hiver de 1665; en 1667, les chevau-légers, étant revenus, partent pour la guerre des Flandres sans payer leurs dettes. Tout l’automne de 1667 et les premiers mois de 1668 «fourmillent de passages de gens de guerre», qui surexcitent l’esprit des habitants, non seulement par la gêne et la dépense qu’ils occasionnent, mais aussi par leurs brutalités. Les officiers eux-mêmes donnent le mauvais exemple par l’arrogance de leur attitude à l’égard des autorités civiles, s’imaginant que «qui n’a point d’épée au côté n’a pas de cœur», et par le dérèglement de leur conduite. Un capitaine pris de boisson se fait dire avec justice par le maire «qu’il est [p.63] moins en état de commander que le dernier de ses goujats». Ainsi, les plaintes se multiplient et des désordres éclatent: un habitant ayant été blessé d’un coup de hallebarde, on sonne le tocsin sans l’avis du maire, la foule s’amasse, court à travers les rues répandant le bruit que c’est un échevin qui a été tué par un officier d’un coup de pistolet.

     Le maire était alors René Hémard, le gendre de l’ancien maire, Pierre Baron. C’était un homme de valeur et de devoir, d’une intégrité absolue et pitoyable à toutes les misères qui l’environnaient. par ailleurs, un esprit puissant, nourri de lettres et de philosophie. Il publia en 1653, à Paris, un recueil d’épigrammes qu’il intitula Les Restes de la Guerre d’Étampes, bien qu’elles n’aient pas de rapport avec le siège, mais il explique dans son épitre liminaire que «ces pièces démanchées, ces lambeaux fantastiques» étaient bien tout ce qui pouvait naître de «l’état présent de la ville où il ne reste qu’infection» . Il est bien vrai que ces épigrammes sont dénuées de valeur. Mais René Hémard, les jugeant lui-même avec sévérité, montre qu’il était supérieur à cette œuvre médiocre de jeunesse. Sa vraie personnalité apparaît dans ses Mémoires, en grande partie inédits et dans une peinture, elle entièrement inédite, des vices et des abus de son temps, Le Carème prenant moral. Son style est lourd, parfois obscur, encombré d’érudition: c’est de son époque; mais il est aussi vigoureux, imagé, incisif. Une haute et généreuse pensée, souvent hardie pour son temps, l’anime constamment et sa connaissance des hommes est profonde. En outre, ses Mémoires constituent, pour nous Étampois, un document historique aussi précieux qu’émouvant. Dans sa charge municipale, il eut à se débattre au milieu de difficultés sans nombre. Il se rendit lui-même maintes fois à Paris pour «crier au Louvre» au sujet des affaires de la ville, presque toujours en vain, et à son retour, il se trouvait en butte aux reproches de ses concitoyens, mal informés de ses efforts et de l’indifférence que rencontraient en haut lieu les plus justes des causes. Il valait mieux faire appel à la justice du roi «qui ne la refusait à personne», mais la difficulté était d’atteindre le roi, à travers la haie serrée des courtisans et des ministres, qui le séparait du meilleur de son peuple. Le pauvre Hémard l’apprit à ses dépens. En février 1669, le bruit courut qu’Étampes était menacée de recevoir encore des chevau-légers du dauphin, de si fâcheuse mémoire. Il retourne aussitôt à Paris: la nouvelle est bien vraie et il s’efforce, en vain, d’obtenir le changement de garnison. Il laisse un placet pour le roi, n’ayant pas réussi à le lui remettre lui-même, quand il est rappelé par les échevins d’Étampes. En effet, les chevau-légers y sont déjà installés et déjà les plaintes abondent, non seulement des habitants, mais encore des chevau-légers: ils se répandent en menaces et en blasphèmes et prétendent ne payer que le prix dérisoire de huit sols par jour pour [p.64] le logement et la nourriture d’un cavalier, de son valet et de deux chevaux. La réponse du roi au placet du maire arrive pourtant et c’est la promesse du prochain délogement. Mais elle ne reçoit pas d’exécution. Alors excédé, après de longs et vains pourparlers avec le duc de la Vallière, le commandant de la compagnie, René Hémard repart pour Paris, avec un nouveau placet pour le roi. Mais il ne peut encore le lui remettre; il tente de l’approcher lors d’une rencontre fortuite dans l’escalier que le roi descend pour aller à la messe: il veut se jeter à ses genoux et le supplier d’avoir égard à «sa ville désolée», mais la presse est si grande qu’il n’y parvient pas. Il ne se décourage pas encore: il revoit La Vallière qui l’amène à Louvois, le ministre de la Guerre. Mais là, son affaire se gâte de plus en plus: Louvois, avec sa violence habituelle, l’apostrophe brutalement, prétend que c’est lui, les échevins, les habitants qui ont une conduite blâmable envers la compagnie du dauphin. Il se défend avec un beau courage, assurant qu’il n’a fait et ne fera jamais que son devoir. Mais sur un ordre de Louvois, des suisses de service, la hallebarde en main, l’obligent à s’éloigner. Cette lutte vraiment pathétique n’est pas terminée. On lui conseille de voir Le Tellier, le père de Louvois, dont les manières passent pour être plus courtoises. Mais Louvois l’avait prévenu contre le malheureux Hémard et c’est une nouvelle insulte qu’il reçoit; Le Tellier déchire le placet qu’il venait de lui remettre sans même le lire. Cette fois, il est vaincu. Sa résistance aura du moins valu à sa pauvre ville une légère augmentation sur l’indemnité de huit sols offerte primitivement: d’abord fixée à quatorze sols, elle sera réduite à douze, par une dernière chicane des chevau-légers au moment de leur départ, le 9 décembre 1669.

     Ce violent conflit n’était pas un cas isolé. Le bailli de la Ferté, celui d’Arpajon, le lieutenant de la prévôté de Melun, avaient été l’objet d’injures semblables dans la défense d’une cause aussi juste. Le vrai service du roi, «qui n’avait pas moins d’intérêt à la conservation de ses villes qu’à celui de ses troupes», était constamment méconnu. Mais l’organisation même des régiments leur assurait alors des libertés et des privilèges qui, s’ajoutant pour certains à la gloire des combats, entraînaient fatalement tous ceux qui portaient l’épée à s’arroger des droits partout. Si l’on saisissait le ministre de la guerre, il prenait évidemment presque toujours le parti de ses officiers. C’est donc une erreur de voir dans l’injuste et brutale attitude de Louvois à l’égard du maire d’Étampes, comme l’a fait un historien moderne de notre ville, un effet lointain des coups de canon tirés au siège d’Étampes, dans la direction du roi, qui aurait fait épouser cette vieille rancune à son ministre. D’abord Louvois a montré en bien d’autres circonstances l’emportement de son caractère, son mépris de toute justice, même son inhumanité. Et si Louis XIV a certes donné des marques de la ténacité de ses ressentiments, [p.65] il n’en a jamais manifesté aucun envers notre ville, ayant sans doute compris qu’elle était bien étrangère à l’incorrection du comte de Tavannes. Nous en avons une preuve dans la manière dont il reçut l’accueil de la municipalité et des habitants lors de ses passages à Étampes.

     Le premier eut lieu le 21 septembre 1668. Louis XIV et la reine se rendaient à Chambord avec une cour pompeuse et un tel déploiement de troupes, «qu’on eût cru plutôt à une marche d’armée qu’à un voyage». Le maître des cérémonies avait dit à l’émissaire envoyé par notre ville au devant du roi, à Châtres, pour s’informer du caractère qu’il fallait donner à la réception, «qu’il n’y aurait à faire ni harangue, ni présent, en tout le voyage». Malgré cela, René Hémard prépara un petit compliment où il célèbre la gloire du jeune roi, qui n’avait alors connu que des victoires. Il le prononça entouré des échevins, sur la route, à la hauteur du couvent des Capucins, devant le carrosse royal, que le roi avait fait arrêter: c’est là, précisément, qu’il eût pu manifester la rancune qui lui a été attribuée, et d’autant plus aisément que les harangues avaient été en quelque sorte interdites. Mais il écouta Hémard jusqu’au bout et dit «avec un visage ouvert et satisfait», lorsque le maire lui présenta les clefs dorées de la ville dans une corbeille de gaze d’argent: «Gardez-les: je vous les rends, elles sont en bonnes mains», ce qui, dit Hémard, «acheva de nous charmer». Les Pères capucins offrirent quelque chose de plus substantiel: de beaux et bons fruits de leur jardin. Puis, après une autre harangue des officiers royaux, le roi et la reine entrèrent en ville par la porte Saint-Jacques, décorée de tapis et d’armoiries, au son de toutes les cloches. Ils logèrent à l’hôtel des Trois Rois, rue Saint-Jacques, et partirent le lendemain, après avoir entendu la messe chez les Cordeliers. On renonça vite à leur offrir des présents, le maître des cérémonies en ayant dissuadé les échevins, parce que, dit-on, le roi s’était moqué de la façon dont il avait su faire observer la défense des harangues. Les cadeaux avaient plus d’inconvénients au milieu de la détresse financière de tout le pays. Le temps n’était plus des présents magnifiques offerts par notre ville à Gaston de Foix ou au grand maître de France. Mais le bon Hémard avait espéré que ce serait peut-être une occasion d’attendrir la reine sur les misères d’Étampes, vraiment plus cruelles encore qu’ailleurs, et ainsi d’en recevoir quelque secours: il fallut y renoncer aussi.

     Turenne accompagnait le roi et dès son arrivée, il était monté à cheval pour aller revoir les restes des demi-lunes de 1652 et les brèches de l’enceinte: curiosité de stratège sans doute, mais aussi manque de tact, qui rouvrit des plaies mal fermées. Ce petit trait montre à lui seul quels sentiments différents et vite hostiles, à cette époque plus peut-être qu’à aucune autre, animaient d’une part les gens de guerre et d’autre part, tout le reste de la population. [p.66]

     Le second passage du roi eut lieu le 19 octobre, à son retour de Chambord. Il fut reçu plus simplement et sans harangue, cette fois; le corps de ville l’accueillit aux dernières maisons du faubourg Saint-Martin et, comme le maire lui présentait à nouveau les clefs d’or, le roi lui dit en riant, avec un petit signe de la main: «Elles sont bien, je vous l’ai déjà dit».

     Ces passages du roi eussent été un divertissement salutaire pour la malheureuse population clairsemée de notre ville s’ils n’avaient été fatalement accompagnés d’un millier de soldats, qui, en une seule nuit, causaient tant de désordres, à réparer ensuite, «que les pauvres habitants n’ont plus de goût pour les véritables joies», nous dit Hémard, dans sa juste compréhension des choses.

     La vie d’Étampes est désormais très ralentie, nous l’avons vu. L’état de ses finances s’améliora quelque peu par des remboursements de ses débiteurs ou par la condamnation de ses créanciers malhonnêtes qu’obtint à grand’peine le maire René Hémard. Malgré son dévouement, il fut l’objet d’une telle ingratitude de la part de ses concitoyens, après les difficultés causées par les chevau-légers, qu’il refusa de rester maire à l’expiration de son mandat en 1670. Les malheurs avaient aigri les esprits, faussé les jugements et partout, note un autre témoin de la même époque, la discorde éclate, entre les habitants et la municipalité, entre le clergé et les curés, entre les marguilliers et les officiers de ville ou du roi, qui sont même chassés de l’église. Les victoires des armées de Louis XIV et la paix qui les suit sont célébrées à Étampes par des Te Deum et des feux de joie en 1678, en 1679, mais elles sont trop chèrement achetées et la paix, si désirée, qu’on espère chaque fois définitive, est toujours rompue par une nouvelle guerre.

     Un spectacle plus réconfortant nous est donné à cette même époque par ceux qui ont patiemment réuni tous les documents, les informations et les souvenirs qu’ils possédaient alors sur l’histoire de notre petite ville. C’est grâce à leur effort que nous connaissons son passé. Outre les Mémoires de René Hémard, nous avons un précieux ensemble de pièces disparates, relatives à l’administration de la ville, et de réflexions personnelles sur les événements de l’époque, assemblées sous le titre aussi exact que pittoresque de Rapsodie, par un avocat du roi à Étampes au XVIIe siècle, Pierre Plisson, issu d’une famille étampoise. Elle est contenue dans un gros volume manuscrit à la suite de quelques délibérations du corps de ville. Ce volume était resté soit à l’Hôtel de ville, soit dans la famille de Plisson, à sa mort, mais il se trouva, par une destinée inexpliquée, dans la bibliothèque de la famille Geoffroy-Saint-Hilaire à la fin du XVIII siècle. Le neveu du grand naturaliste, Louis Geoffroy-Château, eut la généreuse pensée, en 1855, de le remettre aux Archives municipales où il est heureusement maintenant. Cette Rapsodie a été publiée par Forteau, [p.67] en 1909. En outre, Pierre Plisson avait écrit un autre ouvrage, qu’il avait déposé lui-même «au coffre de la ville». L’original a disparu: il en existe à l’Hôtel de ville une copie du XVIIIe siècle intitulée: «Registres de notes et remarques». Il contient encore de précieux détails sur des évènements historiques, mais aussi le Règlement des droits du bourreau d’Étampes et enfin, un important exposé de l’état de l’Hôtel-Dieu après le siège de 1652, avec l’inventaire de ses biens et des actes établis en sa faveur. Plisson fut aidé dans la recherche des titres dispersés et leur classement par l’ancien curé de Blandy, Michel Heurtault, qui, chassé de sa paroisse par la guerre civile, était venu chercher refuge à l’Hôtel-Dieu d’Étampes et y resta jusqu’à sa mort en 1689: il avait, en effet, passé un contrat en 1653 avec les officiers du roi et de la ville, administrateurs temporels de l’Hospice, par lequel il s’engageait à laisser à l’Hôtel-Dieu une rente annuelle de 200 livres à la condition qu’il y fût logé, nourri et entretenu sa vie durant. C’est aussi grâce à un don de Michel Heurtault, de 1.800 livres, que le moulin de l’Hospice, qui avait été détruit par les gens de guerre en 1652, put être réédifié, rue de Saclas, où il en reste encore quelques vestiges. Si le travail de Plisson offre pour nous un réel intérêt historique, il a été un exemple pour ses contemporains et une œuvre charitable pour les pauvres de son temps et de l’avenir, en rétablissant l’ordre dans la plus extrême confusion et en permettant à l’Hôtel-Dieu de réparer au moins une partie des atteintes portées à son fonds et à ses revenus. Que d’efforts auront été ainsi déployés par de modestes magistrats de notre ville pour reconstruire ce qu’avaient anéanti l’avidité et la fureur des autres hommes! Pierre Plisson mourut en 1695 et fut inhumé dans l’église Saint-Gilles, comme l’avaient été son père et sa mère, tous deux morts durant l’épidémie de 1652, et dont la pierre tombale existe encore.

     La figure du Père barnabite Dom Basile Fleureau est plus familière aux Étampois, sans doute parce qu’il a écrit une œuvre considérable et qu’elle a été publiée quelques années seulement après sa mort, dès 1683. On sait qu’il naquit à Étampes dans la paroisse Saint-Basile, en 1612, d’une famille de magistrats, son père et son grand’père paternel ayant été procureurs au bailliage d’Étampes et son grand’père maternel, Alexandre Duquesnel, procureur à la Ferté-Alais. Il commença ses études à Étampes et les acheva à Paris, où il entra dans la congrégation des barnabites à 19 ans, en 1631. Il enseigna d’abord la philosophie au collège de Montargis, visita en suite l’Italie, puis fut appelé à la direction du collège d’Étampes en 1662, qu’il conserva jusqu’en 1668 et mourut à Étampes en avril 1674. Il fut inhumé dans la chapelle du collège. Son œuvre, Les Antiquités de la ville et du duché d’Étampes, fut sans doute écrite tout entière à Étampes. Les innombrables pièces justificatives qu’il y a introduites [p.68] montrent quel soin il apportait à sa documentation. On sait que la municipalité lui communiqua tous les titres dont il avait besoin; une délibération écrite par le maire, René Hémard, le 6 août 1670, signale que le trésorier de France ayant demandé les titres du barrage, «la plupart se sont trouvés perdus, enlevés par des particuliers, et qu’on n’a retrouvé qu’une petite liasse apostillée en 1664 ou 1665 par le Père Fleureau, auquel ces titres avaient été communiqués pour servir à l’histoire composée par lui», ce qui prouve au moins l’honnêteté du bon Père barnabite. Sa connaissance profonde de tout ce qui concernait l’histoire de la ville, jointe aux informations orales et aux souvenirs qu’il était encore en mesure de recueillir, ont pu suppléer à l’absence déjà constatée de certaines pièces. Après lui, la Révolution ajouta son œuvre destructive à celle des troubles du XVIe et du XVIIe siècles et beaucoup de documents ont été ainsi sauvés par lui. Sa recherche a dépassé le cadre d’Étampes: il a consulté le Trésor des Chartes, les actes du Parlement et des Chambres, les cartulaires, les Historiens français. On sait aussi par des lettres de lui, retrouvées à la bibliothèque de l’Institut, qu’il demandait des éclaircissements au célèbre géographe Adrien de Valois sur des points qui lui semblaient obscurs dans les titres anciens. Il y ajoute qu’il se fait une grande joie de voir, à son premier voyage à Paris, de la monnaie battue à Étampes, montrant ainsi son amour pour sa petite patrie et son ardente curiosité de tout ce qui se rattachait à elle, double sentiment qui détermina la composition de son ouvrage et beaucoup de ses qualités. Ces diverses raisons font de son œuvre, pour nous Étampois, un monument auquel on ne saurait rendre assez hommage. Elle embrasse aussi bien l’histoire de la ville que celle des seigneuries et des fondations ecclésiastiques et dans ce vaste ensemble, le souci du détail exact ne l’abandonne jamais. Sa méthode est véritablement scientifique et digne d’un historien moderne. C’est être trompé par sa langue archaïque que prétendre le contraire. On lui a reproché son absence de sens critique et ses lacunes: cela ne nous paraît pas juste. Il a tout le sens critique qu’il pouvait avoir à son époque et dans son état de religieux; son jugement, en certaines circonstances, est loin, au contraire, de manquer d’indépendance.

     Ses lacunes proviennent des mêmes causes: il passe sous silence la Saint-Barthélemy, le meurtre de Petau et d’Audren par les Ligueurs et même saint Vincent de Paul, parce qu’il est barnabite. Il n’étudie pas toutes les institutions communales, sans doute parce qu’il croyait à l’immutabilité du régime sous lequel il vivait et qu’il s’adressait à des lecteurs qui en connaissaient comme lui tout le détail. Il ne perçoit pas les abus, les réformes à accomplir, l’évolution qui commence à se faire jour dans certains esprits parce qu’il vit un peu à l’écart du monde extérieur, de même qu’il n’expose pas toutes les conséquences des guerres et des troubles de son époque il en a été [p.69] le témoin quelque peu abrité et non la victime, aussi n’éveillent-elles pas chez lui le même écho que chez Plisson ou René Hémard. Il ne pouvait ni juger, ni sentir autrement. S’il a des lacunes inévitables, il demeure une source incomparable de renseignements, où l’on peut puiser avec confiance, à cause de sa méthode et de sa conscience. Il ne faut pas s’étonner non plus qu’il manque de sens archéologique, personne n’en ayant à son époque, si ce n’est de très rares érudits, comme Gaignières ou Montfaucon. Mais on peut regretter amèrement qu’ainsi, il n’ait pas songé à nous donner une description de tant de monuments, qu’il a connus et qui ont disparu: le château, les monastères, les églises, en particulier Sainte-Croix, dont la seule date de construction, 1183, et les rares vestiges que nous avons encore connus permettent de penser qu’elle était un des joyaux de notre ville. Enfin, on lui a reproché sa langue: elle est incontestablement ancienne et retarde même sur son époque; on y sent une longue familiarité du latin, ce qui l’alourdit, mais pour peu que l’on s’y applique, elle cesse vite d’être obscure, elle est extrêmement précise, montre un souci constant du terme exact, ce qui est capital dans un ouvrage de ce genre, et que de fois elle est, au contraire, pleine de saveur ou de naïveté charmante!

     Fleureau écrit dans les dernières pages de son manuscrit, à propos du bourg de Sermaises, «en cette présente année 1668». Il n’y a donc rien ajouté jusqu’à sa mort, en 1674. Comme nous savons par une note de sa main qu’il termina dans l’intervalle, en 1669, une «brève histoire de l’abbaye de Villiers, proche de la Ferté-Alais» il y a lieu de penser qu’il considérait comme achevé son ouvrage sur Étampes. Il mourut cependant sans en avoir commencé la publication, peut-être faute des ressources nécessaires. Mais après sa mort, les magistrats d’Étampes, donnant une nouvelle preuve de leur souci des choses de l’esprit, chargèrent un autre barnabite, Dom Rémy de Montmeslier, de revoir son manuscrit en vue de la publication; les frais en furent assumés par sa sœur Elisabeth Fleureau, qui avait épousé Noél Joly, élu en l’élection d’Étampes, officier du duc d’Orléans, et qui mourut à Étampes seulement en 1704. Ainsi Les Antiquités de la ville et du duché d’Étampes parurent chez Jean-Baptiste Coignard en 1683, en un volume in-4° de 640 pages. On sait qu’il n’a jamais été réédité; plusieurs tentatives, dont la première en 1870, ne purent aboutir, ce qui n’est pas à la louange de notre époque. Les exemplaires de 1683 sont devenus fort rares nous n’en connaissons qu’une douzaine et le prix de ceux qui passent à intervalles éloignés, chez les libraires ou dans les ventes, est fort élevé, lointain hommage rendu au grand labeur de notre barnabite. [p.70]



 
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BIBLIOGRAPHIE

Éditions

Le Comte de Saint-Périer (Emile Bouneau, 1951) Couverture de l'édition séparée de La grande histoire d'une petite ville par le Comte de Saint-Périer (1938)     Édition princeps: René de SAINT-PÉRIER, La grande histoire d’une petite ville: Étampes [in-4° (16 cm sur 25); 143 p.; 8 gravures sur bois originales in-texto de Jules Lepoint-Duclos; 16 planches hors-texte dont deux croquis et 14 photographies originales de Jules Lepoint-Duclos; ouvrage couronne par l’Institut], Étampes, Édition du Centenaire de la Caisse d’Épargne (1838-1938), 1938 [AME, ADE]. Dont une réédition remaniée posthume à partir de 1964 dans le Bulletin Municipal d’Étampes.

     Réédition partielle corrigée et augmentée: Raymonde-Suzanne de SAINT-PÉRIER [éd.] & René de SAINT-PÉRIER [†1950], «La grande histoire d’une petite ville: Étampes» [réédition mise à jour publiée en feuilleton], in Étampes. Bulletin Official Minicipal 2 (janvier 1964), pp. 20-30; 3 (2e semestre 1964), pp. 24-29; 4 (hiver 1964-1965), pp. 25-31; 5 (janvier 1966), pp. 13-16; 6 (septembre 1967), pp. 13-15; 7 [et non 6 comme indiqué aux AME] (2e semestre 1967), pp. 9-11; 10 [et non 9 comme indiqué aux AME] (1er semestre 1969), pp. 17-19 [AME, ADE].


    
Réédition en fac-similé du texte de 1938: René de SAINT-PÉRIER, La grande histoire d’une petite ville: Étampes [20 cm; 140 p.; illustrations; reproduction en fac-similé de l’édition de 1938], Paris Le Livre d’Histoire [«Monographies des villes et villages de France»], 2004 [Cette réédition ne tient pas compte des remaniements posthumes et sa notice introductive est un plagiat de notre page bibliographique.]

     Édition électronique des seules gravures sur bois de Jules Lepoint-Duclos: Bernard GINESTE [éd.], «Jules Lepoint-Duclos: Monuments étampois (gravures sur bois, 1938)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-lepointduclos1938huitgravures.html, 2004.

     Édition électronique des seules photographies de Jules Lepoint-Duclos: Bernard GINESTE [éd.], «Jules Lepoint-Duclos: Monuments étampois (photographies, 1938)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-lepointduclos1938photographies.html, 2004.

    
Édition électronique intégrale: Bernard GINESTE [éd.], «René de Saint-Périer: Grande histoire d’une petite ville, Étampes (1957-1969)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-saintperier1938grandehistoire.html (9 pages web), 2005.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «René de Saint-Périer: Étampes, le XVIIe siècle (1957-1969)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-saintperier1938grandehistoire04.html, 2005.
Sur le Comte de Saint-Périer

     Adrien GAIGNON, «Le Comte de Poilloüe de Saint-Périer» [notice nécrologique], in Bulletin de l’Association Les Amis d’Étampes et de sa région 7 (janvier 1951), pp. 117-119 [AME, ADE].
     Réédition partielle: BILLARD 1984, pp. 115-118.
     Réédition
numérique intégrale: Bernard GINESTE [éd.], «Adrien Gaignon: Le Comte de Poilloüe de Saint-Périer (nécrologie, 1951)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cpe-20-saintperier-gaignon1.html, 2004].

     Émile BOUNEAU, «Dernier portrait du comte de Saint-Périer (juillet
1950)», in Bulletin de l’Association Les Amis d’Étampes et de sa région 7 (1951), p. 120 [dont l’image au début de la présente page].

     Pour une bibliographie plus complète et évolutive: Bernard GINESTE [éd.], «Le Comte de Saint-Périer et son épouse: une bibliographie», in Corpus Étampois,http://www.corpusetampois.com/cbe-saint-perier.html, 2003.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: L’édition de 1938 et ses remaniements posthumes édités par la Comtesse. Saisie et mise en page de Bernard Gineste, 2005.
    
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