CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
René de Saint-Périer
Étampes: la Renaissance
[La grande histoire d’une petite ville, chapitre II] 
éditions de 1938 et de 1964

Jules Lepoint-Duclos: Le Pont-Doré (gravure sur bois, 1938)    

     La personnalité et l’œuvre du Comte de Saint-Périer ont dominé l’historiographie étampoise pendant la première moitié du 20e siècle. Sa Grande histoire d’une petite ville, Étampes, parue en 1938, reste à ce jour la seule synthèse complète publiée sur l’histoire de cette ville Nous donnons en deuxième partie lédition posthume très légèrement remaniée publiée en 1964 par la Comtesse de Saint-Périer, en regard de la première.
B.G.

Avertissement
Chapitre I.
Chapitre II. Chapitre III. Chapitre IV. Chapitre V. Chapitre VI. Chapitre VII. Chapitre VIII. Index. Table.
 
COMTE DE POILLOÜE DE SAINT-PÉRIER
LA GRANDE HISTOIRE D’UNE PETITE VILLE, ÉTAMPES

II. La Renaissance


 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT
II. La Renaissance


     Étampes port fluvial.Fêtes et deuils. La municipalité et les officiers du roi.Le maire et la maison de ville.  Le tribunal. Les belles favorites. Travaux, réformes et progrès.Les établissements hospitaliers.Le collège et ses vicissitudes.  L’Arquebuse et l’Arbalète.  La coutume d’Étampes. Sage administration et douloureux destin.

    
Jules Lepoint-Duclos: Le Pont-Doré (gravure sur bois, 1938)      L’autorité et l’adresse de Louis XI avaient enfin ramené la paix et l’ordre dans le royaume. Mais il y avait bien des ruines à relever, en particulier dans notre région. La belle énergie de notre race y sera déployée avec une telle vigueur que la prospérité ne tardera pas à renaître. Redevenu libre de disposer du comté d’Étampes, Louis XI en fit don presque aussitôt à Jean de Foix, comte de Narbonne, qui était digne de cette faveur. Il s’attacha ses nouveaux sujets en leur accordant un important privilège, qui devait contribuer au relèvement économique du pays, le droit de port. La navigation existait depuis longtemps sur quelques rivières d’Étampes et les chevaliers de Saint-Jacques de l’Épée avaient construit un port, derrière leur commanderie qui occupait l’emplacement de l’abattoir actuel et dont la rivière, non détournée alors, était toute proche; mais il appartenait au commandeur, qui, bien entendu, percevait des droits élevés. Déjà Louis XI, sur le conseil du prévôt des marchands de Paris, avait ordonné aux habitants d’Étampes de rendre navigable la rivière d’Étampes, afin d’assurer par eau le transport des blés de Beauce jusqu’à Paris. De grands travaux furent entrepris; on détourna les ruisseaux qui se perdaient dans les prairies pour les réunir à la rivière d’Étampes qu’on canalisa et le nouveau port, [p.24] autorisé par Jean de Foix, fut construit près des murailles. Mais de longues années passèrent avant qu’il pût fonctionner régulièrement, car de nombreuses difficultés surgirent, d’abord l’opposition du commandeur de Saint-Jacques qui ne voulait pas être dessaisi de ses droits, puis, les frais considérables d’entretien dus aux risques d’assèchement et à la nécessité de curages fréquents, surtout en deux points, improprement appelés alors des gouris, où s’accumulaient des amas détritiques amenés par ruissellement. Il s’ensuivit des requêtes sans nombre auprès du roi ou devant le Parlement. Mais ces difficultés vaincues ou au moins aplanies, la navigation connut un succès grandissant; elle était lente, certes, le halage ne pouvant guère se faire qu’à bras d’hommes et les écluses étant nombreuses à cause des moulins, mais elle était beaucoup plus sûre que la route terrestre, infestée de brigands. Ce fut pour notre ville, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, un précieux élément de vie et de richesse. Il n’en reste aujourd’hui qu’un nom, celui du beau mail ombragé qui occupe l’emplacement du port du XVIe siècle.
 
     Les marchés d’Étampes augmentèrent d’importance avec la création du port. Pendant la guerre de Cent Ans, le marché Saint-Gilles avait été transféré place Notre-Dame pour des raisons de sécurité, l’église Notre-Dame ayant été en partie entourée de fossés. La paix revenue, les habitants du quartier Saint-Gilles soucieux de retrouver les avantages de leur marché, obtinrent du roi en 1478 qu’il fût tenu de nouveau place Saint-Gilles et bientôt après, un arrêt du Parlement interdisait aux habitants des quartiers Notre-Dame et Saint-Basile d’acheter ou de vendre du blé, du vin, des draps, du bétail, en dehors du jeudi place Saint-Gilles. Ces restrictions soulevèrent de vives protestations, des ventes s’organisèrent place Notre-Dame malgré l’arrêt, un huissier envoyé par le Parlement, pour en assurer l’exécution, fut battu, blessé «d’une plaie en la teste et lui fut osté un anneau d’or» et des procès furent entamés, dont nous ignorons l’issue. Une transaction dut intervenir, puisqu’au XVIe siècle, on sait qu’il se tenait deux marchés par semaine, le samedi, place Notre-Dame, pour «les menues victuailles, beurre, œufs, fromages, fruits et autres choses», le jeudi, place Saint-Gilles, pour le blé, le vin et le bétail. Ce dernier marché fut reporté un peu plus tard au samedi, sans doute parce que les bateaux du port d’Étampes partaient ce jour-là, pour arriver à Paris le mercredi, et ainsi le blé, comme les autres marchandises, pouvait être embarqué aussitôt. On voit que la répartition actuelle de nos marchés est restée sensiblement la même.

     C’est également Jean de Foix qui permit aux boulangers d’Étampes ainsi qu’aux «brenassiers», c’est-à-dire ceux qui fabriquaient du pain de son ou de «bren», d’avoir chez eux «des fours pour cuire le petit pain et d’autres pour cuire le gros , moyennant une taxe [p.25] annuelle de 6 sols parisis, alors qu’auparavant ils étaient obligés d’aller cuire au four banal.

     Jean de Foix mourut à Étampes en 1500, après avoir combattu en Italie avec Charles VIII et Louis XII, et fut enterré en grande pompe dans le chœur de l’église Notre-Dame. Son fils Gaston, le héros des guerres d’Italie, ne devait posséder le comté d’Étampes qu’un court espace de temps, puisqu’il fut tué glorieusement en 1512 à Ravenne, de quinze coups de lance au visage «montrant bien, le gentil prince, qu’il n’avait pas tourné le dos». Sa jeunesse, sa séduction, ses brillantes qualités, lui avaient gagné le cœur des habitants d’Étampes qui lors de son entrée solennelle dans la ville, en 1506, lui firent un accueil triomphal, dont le souvenir s’est conservé. Deux cents cavaliers suivis de six cents petits garçons portant des banderolles aux armes du comte allèrent au devant de lui; les échevins le reçurent à la porte Évezard «aux fanfares des trompettes et au son des violons et des hautbois, accompagnés de mille cris de joie d’une multitude innombrable de personnes et qui le suivit jusques au logis qui lui avait été préparé, devant lequel une vache dorée jetait par ses cornes du vin, suffisamment pour éteindre la soif de tous ceux qui assistaient à cette cérémonie». Les frais de cette réception furent considérables, tant pour l’achat d’écussons, de rubans, de drap pour les robes des échevins, de taffetas pour les bannières, de vin, tartes, pâtés et galettes, que pour la fabrication des nombreuses pièces d’orfèvrerie offertes au prince et la location des trompettes et ménétriers et les travaux de peinture et de montage des échafauds, etc.
 
Fig. 4. Hôtel Saint-Yon. Photo Lepoint-Duclos, Etampes
 
     Sept ans après, c’était la reine Anne de Bretagne qui, nouvelle comtesse d’Étampes, faisait dans la ville une entrée moins solennelle, selon le désir qu’elle en avait exprimé. Mais on aménagea pour elle le château, où elle devait loger, en commandant des travaux «aux maçons, charpentiers, pionniers et autres manouvriers»; les habitants reçurent l’ordre « de curer les rues et ôter les fiens et de mettre des feuilles et jonchées par les dites rues». La reine trouva «le paysage si agréable et l’air du château si bon qu’elle y séjourna un temps assez considérable, au grand contentement des habitants». Mais dès l’année suivante, en 1514, la pauvre reine mourait au château de Blois. Son corps, pour être inhumé à Saint-Denis, fut accompagné sur toute la route d’un long cortège, composé des princes et princesses du sang montés sur des mules noires, des dames d’honneur, sur des haquenées conduites par des valets de pied, des archers du roi, qui marchaient en tète pour écarter la foule et enfin, des Suisses de la garde, qui faisaient la haie de chaque côté, la hallebarde sur l’épaule. Le convoi quitta Blois le 4 février pour n’arriver que le 12 à Paris. Au passage d’Étampes, les échevins, en robes et chaperons de deuil, les officiers de justice [p.26] et tout le peuple l’attendaient à la porte Saint-Martin. En outre, se joignirent au cortège des hommes qui portaient un millier de torches armoriées, quatre cents aux armes de la reine, quatre cents aux armes d’Étampes; les deux cents autres étaient aux armes du fameux Eudes le Maire, de Châlo-Saint-Mard, dont nous parlerons plus loin, parce qu’elles étaient portées par des chevaliers descendants de lui et que leur charge consistait à venir au devant des princes morts, de passage à Étampes, et à veiller leur corps. Le char funèbre, qui était traîné par six grands chevaux, houssés de velours noir croisé de satin blanc de sorte qu’on ne leur voyait que les yeux, fut dirigé vers l’église Notre-Dame et reconduit, après la célébration du service, jusqu’à la sortie de la ville du côté de Paris, avec la même pompe.

     La fille aînée d’Anne de Bretagne, Claude, alors âgée de 15 ans, devenait comtesse d’Étampes en vertu de l’acte de la donation faite par Louis XII à la reine. Elle était fiancée au duc de Valois, le futur François Ier, et le mariage eut lieu quatre mois après la mort d’Anne de Bretagne, qui, disait-on, n’y était pas favorable. Dès l’année 1515, Louis XII mourait à son tour et la nouvelle comtesse d’Étampes montait sur le trône. Bientôt après, elle se démit de son comté en faveur d’Arthus de Gouffier, sire de Boissy, grand maître de France, qui porta le titre de comte d’Étampes. Il vint dans notre ville et «pour le remercier de quelque grâce», on lui offrit une coupe d’argent «bien dorée d’or», qui avait coûté plus de cent livres et avait été faite à Paris, et à son barbier, un étui garni de deux rasoirs et ciseaux dorés, d’un peigne, d’un miroir et d’un cure-oreilles d’argent. Arthus de Gouffier mourut en 1519 et Claude de France reprit possession de son bien. Cette «bonne reine», comme elle fut appelée, aussi modeste, douce, effacée, que son mari était audacieux, belliqueux et galant, n’a guère laissé dans l’histoire que le souvenir discret de ses vertus domestiques et c’est surtout par la prune savoureuse qui porte son nom qu’elle est connue de la plupart de nos contemporains. Cependant, les marques de sa bonté envers Étampes ne furent pas tout à fait négligeables. C’est grâce à son intervention auprès de Louis XII que notre municipalité acquit quelque indépendance à l’égard des officiers du roi. Ceux-ci, pour la plupart, étaient à la fois des administrateurs et des juges. Ils comprenaient d’abord le bailli, qualifié en même temps de capitaine et gouverneur, qui devait toujours être un gentilhomme, puis, ses lieutenants, le lieutenant général et le lieutenant particulier, qui étaient, le plus souvent, docteurs ou licenciés en droit, le procureur et l’avocat du roi, dont les attributions consistaient à défendre les intérêts de la couronne, et le receveur, chargé seulement de l’administration des finances. A côté d’eux, le prévôt, très ancien fonctionnaire puisqu’il existait [p.27] déjà sous Robert le Pieux, faisait partie du conseil de bailliage, mais il avait la préséance sur le procureur, l’avocat et le receveur et jugeait, aussi bien en appel qu’en première instance. Il était assisté également d’un lieutenant et les charges du garde du scel, du greffier et du tabellion, toutes trois affermées et consistant à percevoir des droits, étaient rattachées à son office. Enfin, les notaires et les sergents royaux étaient sous les ordres des officiers bailliagers et prévôtaux. En face de ces nombreux officiers qui dépendaient du roi, la municipalité était réduite jusqu’alors à quatre syndics, qualifiés d’échevins sans en avoir toutes les prérogatives, élus pour trois ans par les habitants; l’élection était présidée par le lieutenant général du bailliage, chacun pouvait voter, mais le conseil de bailliage, auquel étaient adjoints six notables de la circonscription, avait le choix en dernier ressort. Il n’y avait pas de maire alors que son existence est prouvée sous le règne de Philippe-Auguste, comme nous l’avons vu, il ne semble pas avoir été rétabli en même temps que l’organisation communale au XIIIe siècle. Il n’y avait pas non plus d’hôtel de ville; les réunions et les élections avaient lieu dans la salle des plaids, au-dessus de la halle de la boucherie, ou bien «en un autre lieu». Les échevins avaient pour principale fonction d’administrer les deniers communs de la ville, mais ils ne pouvaient disposer d’une somme supérieure à 20 sols parisis, sans une ordonnance de justice. Ces deniers communs, comme leur nom l’indique, ne pouvaient être utilisés que pour la communauté. Ils provenaient alors uniquement des droits de barrage, octroi perçu aux portes de la ville sur les chariots char gés, les bêtes de somme et le bétail, et des droits payés sur le sel vendu au grenier d’Étampes; plus tard, il s’y ajouta, quand il y j eut une maison de ville, le montant de la location des greniers de cette maison, puis, le droit de courtepinte, prélevé sur les vins. Ces deniers communs devaient servir d’abord à l’entretien du pavé et des chemins de la ville, entretien fort onéreux en raison de la circulation très active, puis, aux réparations de l’enceinte et des portes et enfin, aux frais du séjour des rois et des princes, égale ment fort élevés, comme on a pu le voir. Le contrôle de l’emploi des deniers communs était fait par les agents royaux et la Chambre des comptes.

     Les échevins d’Étampes, supportant avec peine que la ville d’Orléans eût acquis de nombreux privilèges et possédât un hôtel de ville, demandèrent aux bourgeois d’Orléans une copie des lettres qui lui accordaient ces avantages afin de s’en inspirer pour une requête auprès du roi. Un bourgeois d’Orléans vint à Étampes leur apporter ladite copie et comme il ne voulut point accepter d’argent en retour, ils lui offrirent quatre pintes de bon vin et du gibier. Et ils obtinrent du roi Louis XII, moyennant finances d’ailleurs, le [p.28] jour du mariage de sa fille Claude avec François, duc de Valois, une charte, qui les autorisait à nommer un maire et à construire ou acheter une maison commune, où ils pourraient mettre en sûreté leurs titres, et s’assembler quand bon leur semblerait C’est ainsi que fut élu, en 1517, le premier maire dont nous connaissions le nom, Jean de Villette, qui était lieutenant particulier du bailliage. Cette charte donna lieu à un procès parce qu’elle rencontra aussitôt l’opposition du lieutenant général, du prévôt, du procureur du roi, tous craignant l’extension des pouvoirs de la municipalité à leur détriment. Elle accordait, cependant, peu de chose, en fait. Louis XII avait passé adroitement sous silence toutes les questions qui pouvaient devenir litigieuses. Les échevins désiraient être élus sans l’intervention des officiers du bailliage: ils ne l’obtinrent pas. Leurs ressources restaient à peu près ce qu’elles étaient. Ils ne pouvaient prendre d’initiatives importantes sans l’avis des officiers du roi, qu’ils eurent ainsi intérêt à se concilier: l’élection du lieutenant du bailliage, Jean de Villette, comme maire, est significative à cet égard. Louis XII, comme tous les rois, voulait la collaboration de ses fonctionnaires avec la municipalité et sa charte ne promettait rien qui y fît obstacle. C’est ainsi qu’elle fut enregistrée finalement en 1518 et les échevins purent acheter une maison de ville, avec une somme de 2.000 livres tournois, qu’ils furent autorisés par François Ier à prendre sur les octrois royaux.

Fig. 3. Hôtel de Ville. Photo Lepoint-Duclos, Etampes

     C’est également Claude de France qui accorda aux officiers royaux d’Étampes l’autorisation de tenir leurs audiences dans son palais du Séjour afin de leur donner un siège «plus convenable» que la salle de la boucherie. L’inauguration du nouvel auditoire eut lieu le 28 novembre 1518, en présence des officiers de toutes les justices du bailliage et des notables de la ville. C’est là que se trouve encore notre tribunal depuis plus de quatre siècles. Au XVIe siècle, les assises s’y tenaient deux fois par an, sous la présidence du lieutenant général du bailliage, pendant une semaine, et les plaids avaient lieu tous les jours, sauf le jeudi, le prévôt jugeant trois jours de la semaine, et les officiers du bailliage, deux jours, ce qui montre les habitudes processives de l’époque.

     A la mort prématurée de la reine, en 1524, le comté d’Étampes rentra dans le domaine royal. En 1526, François Ier le donnait à Jean de la Barre, premier gentilhomme de sa chambre, pour les bons services qu’il lui avait rendus, particulièrement à la bataille de Pavie «en laquelle il ne l’abandonna jamais». Cette donation, très large, puisqu’elle accordait au donataire la perception de tous les revenus, même ceux du grenier à sel, et le pouvoir de nommer à tous les offices vacants, rencontra une vive opposition à la Chambre des comptes. Le roi dut faire un commandement exprès. La Chambre ne céda que sur la question des offices. Mais Jean de la Barre [p.29] reçut directement de Francois Ier une part des revenus du grenier à sel d’Étampes. Par une autre marque de la faveur royale, il fut maintenu dans la possession de son comté jusqu’à sa mort en 1533, en dépit d’un acte promulgué par le roi en 1531, qui révoquait toutes les donations de terres qu’il avait consenties. Mais cet acte, comme on pouvait le prévoir, eut toujours des applications inconstantes.

     François Ier était alors sous l’empire de sa passion pour une ancienne fille d’honneur de sa mère, Anne de Pisseleu, la plus belle des savantes et la plus savante des belles, qui l’avait conquis dès son retour de captivité par sa beauté et son esprit. Elle avait épousé Jean de Brosses, issu de la vieille famille féodale des vicomtes de Limoges, mais complètement ruiné et ainsi fort impatient de reconstituer sa fortune par ce rôle de mari complaisant. Tous deux obtinrent du roi, en 1534, le comté d’Étampes, qui moins de deux ans après était érigé en duché. Dans l’acte qui établit cette nouvelle prérogative, François Ier déclare qu’«il considère que le comté d’Étampes est de belle et grande étendue, et de bon et gros revenu, tenu et réputé une des plus notables et anciennes maisons du royaume, dont dépendent plusieurs beaux fiefs et arrière-fiefs et seigneuries et il veut pour la décoration dudit royaume élever ledit comté en plus haut titre et degré». Ces mentions flatteuses, qui contenaient certes une part de vérité, cherchaient à masquer l’insigne faveur que le roi accordait à sa maîtresse et l’ascendant qu’elle possédait sur lui. Ambitieuse, avare, vindicative, elle sut en user pour acquérir un important domaine, ruiner ses ennemis, favoriser ses partisans et surtout les membres de sa famille, fort nombreux puisque, son père s’étant marié trois fois, elle n’avait pas moins de trente frères et sœurs. Aussi ne fut-elle guère aimée de ses contemporains qui l’appelaient «la méchante», encore qu’elle encourageât les lettres et les arts et qu’elle eût beaucoup de courtisans intéressés. La ville d’Étampes ne peut lui être reconnaissante d’aucune libéralité et la trace de la possession de son duché aurait presque entièrement disparu, si son nom n’était demeuré attaché à une maison charmante, au coin de la place de l’Hôtel-de-Ville et de la rue Sainte-Croix. La date de 1538 gravée sur l’encadrement d’une fenêtre et un buste mutilé, qui semble représenter François Ier, ont permis cette attribution. L’édifice et sa décoration sont bien certainement de l’époque de la favorite. En 1547, François Ier mourait à Rambouillet et le jour même de sa mort, Anne de Pisseleu était bannie de la cour et le duché d’Étampes lui fut enlevé. Mais son propre mari lui ayant intenté un procès en reddition, c’est à lui seul que le nouveau roi Henri II confirme la donation du duché «en considération et contemplation des bons, grands et recommandables services qu’il a ci-devant et par longtemps faits [p.30] au feu roi et à lui pareillement». Cependant, Henri II ne tarda pas à le retirer à Jean de Brosses pour l’offrir à la belle duchesse de Valentinois, Diane de Poitiers, qu’il aimait déjà dauphin, bien qu’elle eût environ vingt-cinq ans de plus que lui. Cette favorite «si belle, dit Brantôme, que je ne sache cœur de rocher qui ne s’en fût ému», douée, en outre, de toutes les grâces de l’esprit, protectrice et inspiratrice de tous les arts, mais sèche, âpre, intrigante, exerçait sur Henri II une véritable fascination et seule la mort brutale du roi en 1559, devait lui arracher presque tous les biens immenses qu’elle avait su obtenir. En vertu de l’édit de révocation des dons royaux, publié de nouveau par François II dès son avènement, son duché lui fut enlevé. Elle fut chassée de la cour avec infamie, par Catherine de Médicis et sous l’influence des Guise, auxquels elle était cependant alliée. Mais le roi était mort.

Fig. 1. Hôtel de la Caisse d'Epargne. Ancienne Maison de Diane de Poitiers. Photo Lepoint-Duclos, Etampes      Cette courte possession du duché d’Étampes par Diane de Poitiers nous a valu au moins l’élégante demeure qui est aujourd’hui celle de la Caisse d’Épargne. Plusieurs faits permettent de croire qu’elle a bien été construite et ornée pour la favorite la date de 1554, gravée sur une fenêtre de la plus jolie partie de cet hôtel, alors que le titre de duchesse d’Étampes lui fut accordé par Henri II en 1553, la décoration, où l’on retrouve ça et là les armoiries de France mêlées aux armes de Diane et au croissant, les lettres H et D entrelacées, enfin la présence, assez insolite, à Étampes cette même année 1554, authentiquement prouvée par une pièce des Archives nationales, de Jean Goujon lui-même, le sculpteur du roi. Ce dernier fait paraît démonstratif, car on ne s’expliquerait guère le séjour à Étampes de Jean Goujon, si ce n’est parce qu’il était chargé d’y embellir une habitation de la duchesse, comme il venait précisément de le faire au château d’Anet. La pièce d’archives qui le concerne nous apprend qu’il fut emprisonné à Étampes, pour une raison qui demeure ignorée.

     Au cours du XVIe siècle, d’autres travaux furent accomplis dans notre ville et beaucoup d’améliorations furent apportées à l’administration de ses biens. La porte Saint-Jacques fut construite en 1512. Une très médiocre, mais bien curieuse peinture, conservée au Musée, nous la montre coiffée d’un comble aigu en ardoises et bastionnée de deux tours, avec la ligne de murailles qui ceignait la ville. Mais nous n’y voyons point l’état ruineux de cette enceinte, conséquence des sièges qu’elle avait eu à subir. Elle s’étendait tout le long du boulevard Henri IV actuel depuis la ruelle d’Enfer, puis, au delà, jusqu’à la petite place de notre monument aux Morts, descendait comme la rue des Remparts, suivait la rivière d’Étampes au sud et rejoignait le boulevard Henri IV par la rue du Filoir. En outre, les faubourgs eux-mêmes étaient fortifiés, Il y avait quinze portes, dont les huit principales, défendues par deux tours [p.31] et munies de ponts-levis, étaient la porte Saint-Martin, la porte Dorée, la porte des Lions ou du Châtel, la porte Saint-Jacques, la porte Évezard, la porte Saint-Pierre, la porte Saint-Fiacre et la porte Saint-Gilles. A chacune, étaient perçues des taxes, de péage pour le roi et de barrage pour la municipalité, dont le montant élevé prouve l’importance commerciale d’Etampes à cette époque. Mais la valeur défensive de la fortification délabrée était presque nulle. Or, les brigandages aussi bien que les guerres constantes rendaient nécessaires les enceintes fortifiées. François Ier alors en lutte avec Charles-Quint, qui venait de ravager la Provence et menaçait de s’avancer jusqu’à Paris, prescrivit aux habitants d’Étampes, par des lettres datées de Lyon, 1536, de réparer leurs murs. Les habitants furent aussitôt assemblés et l’on reprit un projet de restauration du XIVe siècle, qui s’appliquait d’abord aux tours de la porte Évezard, puis, à la courtine jusqu’à la porte Saint-Fiacre et qui comprenait, entre l’enceinte et les terrains particuliers, des boulevards, qui devaient faciliter l’organisation de la défense. On devait, en outre, garnir de ponts-levis toutes les portes. Les frais de l’exécution de ce plan seraient pris sur les deniers communs et même sur une taxe nouvelle, s’ils n’y suffisaient pas. La prompte adhésion des habitants à ces projets montre qu’ils sentaient l’urgence de la restauration des murs qui les protégeaient. Et cependant, c’est l’obstination d’un petit groupe d’entre eux qui y mit obstacle. Car il fallait raser quelques maisons. L’un des propriétaires en question, un bourgeois riche, nommé Martin Auper, gagnant d’abord à sa mauvaise cause les officiers royaux, réussit, sans doute par corruption, à obtenir de la Chancellerie elle-même l’ordre de cesser les travaux. Les échevins ne se tinrent pas pour battus, ils en appelèrent au roi, qui désigna le bailli d’Orléans pour juger du différend. Ce fut le lieutenant général de ce bailli qui décida, en l’hôtel du Cheval bardé, à Étampes, que Martin Auper et ses commettants recevraient, pour les dommages qui seraient causés à leurs biens, une indemnité à dire d’experts. Il semblait que toutes les difficultés fussent aplanies et que les travaux pour raient être poursuivis Il n’en fut rien. L’on se heurta à un obstacle insurmontable les ressources de la ville étaient trop modestes pour faire face aux indemnités en même temps qu’aux frais de la restauration de l’enceinte. Quand survinrent les guerres de religion, on n’avait rien pu contre cet état de choses et notre malheureuse ville se trouva sans défense. Malgré les efforts des échevins et de la majorité des habitants, quelques intérêts particuliers l’avaient emporté sur l’intérêt général.

     Nous avons vu que la municipalité avait été autorisée par Louis XII à construire ou acheter une maison de ville et par François Ier à y consacrer 2.000 livres. L’Hôtel de Ville ne fut pas construit, [p.32] comme il a été dit, mais acheté pour cette somme, en 1514, à Jacques Doulcet, conseiller du roi, qui le tenait de Jeanne Doulcet, femme du grenetier d’Étampes à la fin du XVe siècle. C’était un bel hôtel, qui ne dut pas nécessiter d’aménagements pour sa nouvelle affectation.

     La fondation de l’Hôtel-Dieu d’Étampes doit remonter à la fin du XIIe siècle, sans qu’on ait plus de précision à cet égard. Auparavant, si l’on s’en rapporte à une tradition, les lits des malades pauvres étaient installés dans l’église même de Notre-Dame, à l’extrémité de la nef. L’incommodité de ce procédé fit décider la construction d’un bâtiment séparé, dans la cour des chanoines, à l’emplacement de l’hôpital actuel. Il s’appela d’abord l’aumônerie de Notre-Dame. Au XVIe siècle, on y adjoignit un dortoir des pauvres, converti plus tard en une chapelle, qui nous a été conservée.

     A la même époque, des changements furent apportés à l’administration de l’Hôtel-Dieu, qui laissait fort à désirer. Elle était confiée à un prêtre, désigné comme maître et administrateur par l’archevêque de Sens. C’était, en 1537, un nommé Jacques de la Vallée, dont l’incurie avait entraîné la mort de plusieurs pauvres dans les rues, faute de secours. Les habitants adressèrent à l’archevêque des plaintes qui ne restèrent pas sans effet. Une transaction s’ensuivit, par laquelle l’administration du revenu temporel de l’Hôtel-Dieu appartiendrait désormais au maire et aux échevins, qui donneraient un traitement et une maison près de l’hôpital au dit Jacques de la Vallée et à ses successeurs. Dès ce moment, il fut établi, pour le service des malades, des religieuses de l’ordre de Saint-Augustin qui furent d’abord des filles d’Étampes.

     Il existait encore à cette époque plusieurs autres établissements hospitaliers dans notre ville. Leur administration fut désormais surveillée par le maire et les échevins, qui devaient élire deux administrateurs tous les trois ans, en vertu d’un édit de Charles IX, de 1561, motivé par les désordres et les malversations qui s’exerçaient partout. L’hôpital Saint-Jean-au-Haut-Pavé était la plus ancienne de ces fondations, de par sa situation même dans la vieille ville, rue du Haut-Pavé, un peu avant la rue Saint-Jean. En outre, nous savons par une charte de 1085 que Philippe Ier en fut le bienfaiteur.

     La commanderie ou l’hôpital de Saint-Jacques de l’Épée avait été fondée par des chevaliers de cet ordre, sur l’emplacement de l’abattoir actuel, à une date que nous ignorons: un acte de François Ier de 1518 confère cette commanderie à un nommé Pierre Dance, par un acte qui ne doit pas être confondu, comme il l’a été par certains historiens d’Étampes, avec un acte de fondation. L’ordre de Saint-Jacques de l’Épée fondé en Espagne dès le XIIe siècle, pour enrayer les troubles causés par les Maures aux pèlerinages [p.33] de Saint-Jacques de Compostelle, avait établi en France des refuges pour les pèlerins, principalement sur la route de Saint-Jacques, et c’est ainsi qu’ils en créèrent un à Étampes, à une époque certainement bien antérieure à l’acte de François Ier, puisque son existence est mentionnée dans le droit de port accordé par Jean de Foix en 1490. En 1580, cet hôpital et ses dépendances furent donnés par le roi à des capucins, qui y entreprirent divers travaux, mais sans que son affectation en fût modifiée, ni son administration soustraite à la surveillance du maire.

     La maladrerie de Saint-Lazare, sur la route de Paris, avait reçu dès le XIIe siècle des donations importantes des rois Louis VI et Louis VII, et plus tard, de nombreux autres bienfaiteurs. Mais au début du XVIe siècle, elle était administrée d’une manière déplorable. Les fonds étaient détournés, les lépreux, ne recevant plus de soins, mendiaient dans la ville et risquaient de propager leur mal. Cette situation n’étant pas spéciale à Étampes, François Ier, en 1543, avait chargé les baillis de surveiller les léproseries et de destituer les administrateurs coupables. Mais les abus persistaient, en particulier à la maladrerie de Saint-Lazare, où les lépreux, en 1544, n’étaient plus que quatre. Une part des revenus étaient employés par un administrateur, Jacques Yvon, à poursuivre un procès pour conserver sa charge. Ses successeurs ne furent pas plus honnêtes et s’efforçaient de corrompre les officiers royaux, si bien qu’en 1560, un bourgeois d’Étampes fut désigné comme administrateur et à partir de 1561, le bienfaisant édit de Charles IX fut appliqué là comme dans les autres établissements.

     Enfin, l’hôpital Saint-Antoine, qui existait dès le début du XIIIe siècle, était destiné à loger «des passants valides». Il était situé en face de l’ancien collège, c’est-à-dire à l’emplacement du collège actuel, et comprenait une chapelle pour cette double raison, il fut donné au début du XVIIe siècle, aux Pères barnabites qui venaient d’être appelés à la direction du collège comme nous allons le voir.

     La première mention des écoles d’Étampes nous est donnée par une bulle du pape Luce III en 1183, qui accordait au chapitre de Sainte-Croix le droit d’instituer un maître des écoles. Mais aussitôt les chanoines de Notre-Dame, qui étaient précisément alors en lutte ouverte avec ceux de Sainte-Croix, firent opposition à ce privilège. Ils réussirent à l’enlever à leurs rivaux, en 1191, par une sentence des juges ecclésiastiques qu’avait désignés le roi pour régler les nombreux points contestés entre les deux chapitres. Mais cet enseignement n’avait pas de siège; il était donné tout simple ment dans la maison du maître, auquel on ne sait s’il était alloué un bénéfice de l’église en paiement de sa tâche. C’est seulement en 1515 que nous voyons les habitants d’Étampes se préoccuper [p.34] d’avoir une maison d’école et des «maîtres gagés» pour instruire gratuitement leurs enfants. Il demandent à François Ier l’autorisation de consacrer une partie des deniers qui avaient été affectés aux fortifications de la ville à l’achat ou à l’édification «d’une maison commode pour y tenir les écoliers, estimant que leur ville serait mieux défendue par des citoyens bien instruits aux bonnes lettres, avec la connaissance desquelles l’on acquiert aussi la prudence, que par des murailles et autres fortifications». On voit que nos bourgeois d’Étampes étaient pleins d’illusions sur l’usage que font les hommes de la science qu’ils ont acquise, reflet de cette belle époque de la Renaissance, où la supériorité des choses de l’esprit s’imposait à tous.

     Le roi accorda son autorisation, mais on ne sait quand ni par qui fut donnée à la ville, pour en faire un collège, la maison sise à l’angle de la rue Saint-Antoine et de la rue du Pont-Quesneaux, aujourd’hui rue Magne, en face du collège actuel. Elle était en mauvais état et nécessita dès 1561 des réparations urgentes, en vue des quelles François II, tout en accordant 600 livres, ordonna une visite des maçons et charpentiers experts, sous la foi du serment. L’expertise eut lieu en présence du bailli, Nicolas Petau, du lieu tenant de la prévôté, du maire, des échevins et d’un grand nombre d’habitants. La conclusion fut qu’il fallait «abattre la dicte mai son et la rebastir de nouvel», les murailles étant crevées, le bout du logis pourri, les planchers rompus... Grâce à une somme de 1200 livres, octroyée en deux fois, par le roi Charles IX, la ville put acheter en 1564 une maison contiguë à l’ancienne et la faire aménager. Mais il fallait d’autres ressources pour l’entretien des maîtres. Une prébende du chapitre de Notre-Dame d’un revenu annuel de 300 livres étant vacante par le décès de son titulaire, Louis Guibour, le maire et les échevins obtinrent du roi, en 1566, qu’elle leur fût concédée pour cet objet. Mais dès 1569, elle leur était enlevée par un arrêt du Parlement en faveur d’un frère de Louis Guibour, qui, en vertu des provisions qu’il avait reçues de cette prébende, avait poursuivi le maire et les échevins. Ceux-ci ne se découragèrent point cependant. Ils savaient que le revenu de la maladrerie de Saint-Lazare dépassait ses besoins, les lépreux n’y étant plus qu’en très petit nombre: ils se firent accorder par le roi en 1575 une rente de 300 livres sur ce revenu. C’est ainsi qu’un principal, Nicolas Charrier, prêtre et maître ès-arts de l’Université de Paris, fut enfin appelé à la direction des «grandes écoles d’Étampes». Il avait la charge d’instruire et faire instruire les enfants d’Étampes et des environs «ès bonnes mœurs et vie suivant l’institution de l’Eglise catholique, en la connaissance des lettres et A B C, lire, écrire, jeter comptes tant au jet qu’à la plume, en la grammaire et les premiers rudiments de la langue latine et lettres [p.35] humaines». Le principal était assisté de deux régents, qu’il devait loger et entretenir sur les trois cents livres de revenu, et, en outre, il était tenu de loger, nourrir et instruire gratuitement deux enfants pauvres, appelés déjà boursiers, qui étaient chargés de nettoyer les classes et de «faire autre service honnête sans être distrait de leur étude». Le collège semble avoir bien fonctionné pendant une cinquantaine d’années, puisqu’il comptait plus de cent élèves en 1626. Mais le désordre y fut alors introduit par un principal incapable, presque toujours absent, Claude Vuaflard, et dès 1628, il n’y avait plus que douze élèves. Vuaflard fut révoqué par le maire et les échevins, auxquels le bailli, puis, le Parlement donnèrent raison. Mais ils rencontrèrent encore des difficultés avec un nouveau principal et c’est alors qu’ayant reçu dans l’intervalle une somme de 8000 livres léguée au collège par le lieutenant général du bailliage, Jacques Petau, ils firent appel aux Pères barnabites, établis depuis peu à Montargis. Leur administration, qui devait durer plus d’un siècle, ne s’écoula pas sans nuages, contrairement à ce qu’on eût pu espérer. Ils ne tinrent pas l’engagement qu’ils avaient pris, pour satisfaire aux clauses du testament de Jacques Petau, de construire un nouveau bâtiment et laissèrent l’ancien tomber en ruines. Ils ne résidèrent pas au collège, mais dans l’hôpital Saint-Antoine, qui ne leur avait été donné qu’en attendant l’édification du nouveau bâtiment et d’une chapelle. Enfin, leur enseignement laissait tant à désirer qu’un mémoire dressé contre eux par le maire et les échevins signale, entre autres griefs, que «c’est un hasard quand quelqu’un des pensionnaires apprend le latin» et qu’un des régents est un Suisse «qui a toutes les peines du monde à s’exprimer eu français». En dépit de nombreux mémoires semblables causés par «l’état affreux du collège» et consécutifs aux plaintes réitérées des habitants, les barnabites furent maintenus à la direction du collège jusqu’en 1779, après quoi ils ne demeurèrent qu’en petit nombre à Étampes.

     Parmi les améliorations qui furent apportées à notre ville au XVIe siècle, il faut compter encore l’organisation de la police les ravages des pillards et des assassins s’ajoutaient, en effet, à ceux des gens de guerre et il devenait urgent de «purger» toute la région. Un prévôt des maréchaux et un lieutenant criminel assisté d’un lieutenant, d’un greffier et d’abord de quatre, puis de six archers, en furent chargés. En 1563, Étampes était devenue le centre d’une maréchaussée, qu’elle conserva après la répression des désordres.

     A la même époque, les habitants d’Étampes, désireux d’épargner aux jeunes gens les dangers de l’oisiveté et «l’occasion d’aller fréquenter les tavernes et jeux scandaleux», obtinrent du roi Henri II l’autorisation d’organiser des jeux d’arbalète et d’arquebuse, avec un concours et l’exemption d’impôts durant un an pour [p.36] les vainqueurs. Le concours eut lieu chaque année le 1er mai sur une place d’Étampes celui qui abattait le «papegaut», l’oiseau de bois monté sur un mât, du trait de son arbalète, était proclamé roi des arbalétriers, et celui qui triomphait de même en tirant à l’arquebuse, roi des arquebusiers. L’un et l’autre recevaient un mouton d’or ou quarante sols tournois. L’hôtel de l’Arquebuse, où se faisaient les exercices, longtemps situé rue Saint-Jacques, fut transféré au XVIIIe siècle sur le Port, à l’emplacement du casino actuel; il était alors le siège d’une compagnie nombreuse de chevaliers, au somptueux costume, dont un portrait conservé au musée d’Étampes nous donne quelque idée. Ils se réunirent pour la dernière fois le 15 août 1790 et firent la remise de leurs drapeaux, qui furent suspendus à la voûte de Notre-Dame.

     Enfin, c’est encore au XVIe siècle, en 1556, que fut rédigée «la coutume d’Étampes» c’est-à-dire l’ensemble des usages locaux en matière de droit, grâce à laquelle les jugements pourraient s’inspirer des mœurs et des traditions du lieu. Jusqu’alors, on suivait la coutume de Paris qui avait été rédigée en 1510. A cet effet, les trois états du bailliage furent convoqués à l’auditoire d’Étampes et les officiers royaux établirent des cahiers préparatoires, qui furent ensuite discutés en la présence de Christophe de Thou, premier président au Parlement de Paris et de deux conseillers. La rédaction fut publiée dès 1557. Le procès-verbal de cette réunion des trois ordres est un document précieux par les noms et l’état des personnes qu’il nous fait connaître à cette date.

     Cet examen des travaux et des progrès réalisés dans notre ville au cours de ce siècle nous montre qu’elle était assez sagement administrée, aussi bien par les officiers royaux que par la municipalité, comme l’avait voulu le prudent Louis XII. La municipalité eut, en effet, le bon sens d’accepter sa subordination, au lieu d’engager de stériles querelles, et l’habileté de se rendre presque toujours favorables les fonctionnaires du roi et ainsi le roi lui-même. Elle n’en fut ni moins vigilante, ni moins dévouée aux intérêts de la cité et c’est ainsi que peu à peu son rôle grandit. Elle ne réussit pas, cependant, à faire d’Étampes une ville heureuse, comme le montre trop bien le triste ensemble des plaintes, des suppliques des requêtes, des procès. Mais cela tenait à deux causes indépendantes de sa volonté, qui réagirent constamment l’une sur l’autre, et non pas seulement dans la période que nous venons de considérer: d’abord la fréquence des guerres, civiles ou étrangères, puis, le déplorable état des finances, entretenu précisément par les frais de guerre. Les institutions financières présentaient à Étampes la même complexité que dans les autres villes du royaume et nous n’entreprendrons pas de les exposer ici. On sait que les impôts, qu’ils fussent le cens, les aides, la taille ou la gabelle accablaient [p.37] tous les non-privilégiés d’un véritable fardeau, encore aggravé par le détestable système de l’affermage des taxes à percevoir et par les malversations des receveurs. Notre région constituait «l’élection d’Étampes», en tant que circonscription financière, vieille dénomination conservée du temps oit le peuple choisissait les hommes, dits «élus», qui levaient ensuite les impôts sur un ordre du roi. Elle fut spécialement atteinte par ces abus et ces charges, pour diverses raisons: sa réputation de contrée riche, en dépit de sa faible étendue, l’impôt étant arbitrairement réparti, le grand nombre de ses habitants exemptés de taxes et en fin, les ruines qu’y avaient accumulées tantôt les guerres, dont elle fut si longtemps le théâtre même, tantôt le passage dévastateur des troupes et des pillards. [p.38]


 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT

II. La Renaissance
(éditions comparées de 1938 et de 1964)


1938


1964

     L’autorité et l’adresse de Louis XI avaient enfin ramené la paix et l’ordre dans le royaume. Mais il y avait bien des ruines à relever, en particulier dans notre région. La belle énergie de notre race y sera déployée avec une telle vigueur que la prospérité ne tardera pas à renaître. Redevenu libre de disposer du comté d’Étampes, Louis XI en fit don presque aussitôt à Jean de Foix, comte de Narbonne, qui était digne de cette faveur. Il s’attacha ses nouveaux sujets en leur accordant un important privilège, qui devait contribuer au relèvement économique du pays, le droit de port. La navigation existait depuis longtemps sur quelques rivières d’Étampes et les chevaliers de Saint-Jacques de l’Épée avaient construit un port, derrière leur commanderie qui occupait l’emplacement de l’abattoir actuel et dont la rivière, non détournée alors, était toute proche; mais il appartenait au commandeur, qui, bien entendu, percevait des droits élevés. Déjà Louis XI, sur le conseil du prévôt des marchands de Paris, avait ordonné aux habitants d’Étampes de rendre navigable la rivière d’Étampes, afin d’assurer par eau le transport des blés de Beauce jusqu’à Paris. De grands travaux furent entrepris; on détourna les ruisseaux qui se perdaient dans les prairies pour les réunir à la rivière d’Étampes qu’on canalisa et le nouveau port, [p.24] autorisé par Jean de Foix, fut construit près des murailles. Mais de longues années passèrent avant qu’il pût fonctionner régulièrement, car de nombreuses difficultés surgirent, d’abord l’opposition du commandeur de Saint-Jacques qui ne voulait pas être dessaisi de ses droits, puis, les frais considérables d’entretien dus aux risques d’assèchement et à la nécessité de curages fréquents, surtout en deux points, improprement appelés alors des gourts, où s’accumulaient des amas détritiques amenés par ruissellement. Il s’ensuivit des requêtes sans nombre auprès du roi ou devant le Parlement. Mais ces difficultés vaincues ou au moins aplanies, la navigation connut un succès grandissant; elle était lente, certes, le halage ne pouvant guère se faire qu’à bras d’hommes et les écluses étant nombreuses à cause des moulins, mais elle était beaucoup plus sûre que la route terrestre, infestée de brigands. Ce fut pour notre ville, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, un précieux élément de vie et de richesse. Il n’en reste aujourd’hui qu’un nom, celui du beau mail ombragé qui occupe l’emplacement du port du XVIe siècle.

     L’autorité et l’adresse de Louis XI avaient enfin ramené la paix et l’ordre dans le royaume, Mais il y avait bien des ruines à relever, en particulier dans notre région. La belle énergie de notre race y sera déployée avec une telle vigueur que la prospérité ne tardera pas à renaître. Redevenu libre de disposer du comté d’Etampes, Louis XI en fit don presque aussitôt à Jean de Foix, comte de Narbonne, qui était digne de cette faveur. Il s’attacha ses nouveaux sujets en leur accordant un important privilège, qui devait contribuer au relèvement économique du pays, le droit de port. La navigation existait depuis longtemps sur quelques rivières d’Etampes et les chevaliers de Saint-Jacques de l’Epée avaient construit un port, derrière leur commanderie qui occupait l’emplacement de l’abattoir actuel et dont la rivière, non détournée alors, était toute proche mais il appartenait au commandeur, qui, bien entendu, percevait des droits élevés. Déjà Louis XI, sur le conseil du prévôt des marchands de Paris, avait ordonné aux habitants d’Etampes de rendre navigable la rivière d’Etampes, afin d’assurer par eau le transport des blés de Beauce jusqu’à Paris. De grands travaux furent entrepris on détourna les ruisseaux qui se perdaient dans les prairies pour les réunir à la rivière d’Etampes qu’on canalisa et le nouveau port, autorisé par Jean de Foix, fut construit près des murailles. Mais de longues années passèrent avant qu’il pût fonctionner régulièrement, car de nombreuses difficultés surgirent, d’abord l’opposition du commandeur de Saint-Jacques qui ne voulait pas être dessaisi de ses droits, puis, les frais considérables d’entretien dus aux risques d’assèchement et à la nécessité de curages fréquents, surtout en deux points, improprement appelés alors des gourts, où s’accumulaient des amas détritiques amenés par ruissellement. Il s’ensuivit des requêtes sans nombre auprès du roi ou devant le Parlement. Mais ces difficultés vaincues ou au moins aplanies, la navigation connut un succès grandissant elle était lente, certes, le halage ne pouvant guère se faire qu’à bras d’hommes et les écluses étant nombreuses à cause des moulins, mais elle était beaucoup plus sûre que la route terrestre, infestée de brigands. Ce fut pour notre ville, jusqu’au milieu du XVIIe, siècle, un précieux élément de vie et de richesse. Il n’en reste aujourd’hui qu’un nom, celui du beau mail ombragé qui occupe l’emplacement du port du XVIe siècle.

     Les marchés d’Étampes augmentèrent d’importance avec la création du port. Pendant la guerre de Cent Ans, le marché Saint-Gilles avait été transféré place Notre-Dame pour des raisons de sécurité, l’église Notre-Dame ayant été en partie entourée de fossés. La paix revenue, les habitants du quartier Saint-Gilles soucieux de retrouver les avantages de leur marché, obtinrent du roi en 1478 qu’il fût tenu de nouveau place Saint-Gilles et bientôt après, un arrêt du Parlement interdisait aux habitants des quartiers Notre-Dame et Saint-Basile d’acheter ou de vendre du blé, du vin, des draps, du bétail, en dehors du jeudi place Saint-Gilles. Ces restrictions soulevèrent de vives protestations, des ventes s’organisèrent place Notre-Dame malgré l’arrêt, un huissier envoyé par le Parlement, pour en assurer l’exécution, fut battu, blessé «d’une plaie en la teste et lui fut osté un anneau d’or» et des procès furent entamés, dont nous ignorons l’issue. Une transaction dut intervenir, puisqu’au XVIe siècle, on sait qu’il se tenait deux marchés par semaine, le samedi, place Notre-Dame, pour «les menues victuailles, beurre, œufs, fromages, fruits et autres choses», le jeudi, place Saint-Gilles, pour le blé, le vin et le bétail. Ce dernier marché fut reporté un peu plus tard au samedi, sans doute parce que les bateaux du port d’Étampes partaient ce jour-là, pour arriver à Paris le mercredi, et ainsi le blé, comme les autres marchandises, pouvait être embarqué aussitôt. On voit que la répartition actuelle de nos marchés est restée sensiblement la même.


     Les marchés d’Etampes augmentèrent en importance avec la création du port. Pendant la guerre de Cent Ans, le marché Saint-Gilles avait été transféré place Notre-Dame pour des raisons de sécurité, l’église Notre-Dame ayant été en partie entourée de fossés. La paix revenue, les habitants du quartier Saint-Gilles soucieux de retrouver les avantages de leur marché, obtinrent du roi en 1478 qu’il fû tenu de nouveau place Saint-Gilles et bientôt après, un arrêt du Parlement interdisait aux habitants des quartiers Notre-Dame et Saint-Basile d’acheter ou de vendre du blé, du vin, des draps, du bétail, en dehors du jeudi place Saint-Gilles. Ces restrictions soulevèrent de vives protestations, des ventes s’organisèrent place Notre-Dame malgré l’arrêt, un huissier envoyé par le Parlement, pour en assurer l’exécution, fut battu, blessé «d’une plaie en la teste et lui fut osté un anneau d’or» et des procès furent entamés, dont nous ignorons l’issue. Une transaction dut intervenir, puisqu’au XVIe siècle, on sait qu’il se tenait deux marchés par semaine, le samedi, place Notre-Dame, pour «les menues victuailles, beurre, œufs, fromages, fruits et autres choses», le jeudi, place Saint-Gilles, pour le blé, le vin et le bétail. Ce dernier marché fut reporté un peu plus tard au samedi, sans doute parce que les bateaux du port d’Etampes partaient ce jour-là, pour arriver à Paris le mercredi, et ainsi le blé, comme les autres marchandises, pouvait être embarqué aussitôt. On voit que la répartition actuelle de nos marchés est restée sensiblement la même.

     C’est également Jean de Poix qui permit aux boulangers d’Étampes ainsi qu’aux «brenassiers», c’est-à-dire ceux qui fabriquaient du pain de son ou de «bren», d’avoir chez eux «des fours pour cuire le petit pain et d’autres pour cuire le gros , moyennant une taxe [p.25] annuelle de 6 sols parisis, alors qu’auparavant ils étaient obligés d’aller cuire au four banal.


     C’est également Jean de Foix qui permit aux boulangers d’Etampes ainsi qu’aux «brenassiers», c’est-à-dire ceux qui fabriquaient du pain de son ou de «bren», d’avoir chez eux «des fours pour cuire le petit pain et d’autres pour cuire le gros», moyennant une taxe annuelle de 6 sols parisis, alors qu’auparavant ils étaient obligés d’aller cuire au four banal.

     Jean de Foix mourut à Étampes en 1500, après avoir combattu en Italie avec Charles VIII et Louis XII, et fut enterré en grande pompe dans le chœur de l’église Notre-Dame. Son fils Gaston, le héros des guerres d’Italie, ne devait posséder le comté d’Étampes qu’un court espace de temps, puisqu’il fut tué glorieusement en 1512 à Ravenne, de quinze coups de lance au visage «montrant bien, le gentil prince, qu’il n’avait pas tourné le dos». Sa jeunesse, sa séduction, ses brillantes qualités, lui avaient gagné le cœur des habitants d’Étampes qui lors de son entrée solennelle dans la ville, en 1506, lui firent un accueil triomphal, dont le souvenir s’est conservé. Deux cents cavaliers suivis de six cents petits garçons portant des banderolles aux armes du comte allèrent au devant de lui; les échevins le reçurent à la porte Évezard «aux fanfares des trompettes et au son des violons et des hautbois, accompagnés de mille cris de joie d’une multitude innombrable de personnes et qui le suivit jusques au logis qui lui avait été préparé, devant lequel une vache dorée jetait par ses cornes du vin, suffisamment pour éteindre la soif de tous ceux qui assistaient à cette cérémonie». Les frais de cette réception furent considérables, tant pour l’achat d’écussons, de rubans, de drap pour les robes des échevins, de taffetas pour les bannières, de vin, tartes, pâtés et galettes, que pour la fabrication des nombreuses pièces d’orfèvrerie offertes au prince et la location des trompettes et ménétriers et les travaux de peinture et de montage des échafauds, etc.


Jean de Foix mourut à Etampes en 1500, après avoir combattu en Italie avec Charles VIII et Louis XII, et fut enterré en grande pompe dans le chœur de l’église Notre-Dame. Son fils Gaston, le héros des guerres d’Italie, ne devait posséder le comté d’Etampes qu’un court espace de temps, puisqu’il fut tué glorieusement en 1512 à Ravenne, de quinze coups de lance au visage «montrant bien, le gentil prince, qu’il n’avait pas tourné le dos». Sa jeunesse, sa séduction, sis brillantes qua lités, lui avaient gagné le coeur des habitants d’Etampes, qui lors de son entrée solennelle dans la ville, en 1506, lui firent un accueil triomphal, dont le souvenir s’est conservé. Deux cents cavaliers suivis de six cents petits garçons portant des banderolles aux armes du comte allèrent au devant de lui les échevins le reçurent à la porte Evezard «aux fanfares des trompettes et au son des violons et des hautbois, accompagnés de mille cris de joie d’une multitude innombrable de personnes et qui le suivit jusques au logis qui lui avait été pré paré, devant lequel une vache dorée jetait par ses cornes du vin, suffisamment pour éteindre la soif de tous ceux qui assistaient à cette cérémonie». Les frais de cette réception furent considérables, tant pour l’achat d’écussons, de rubans, de drap pour les robes des échevins, de taffetas pour les bannières, de vin, tartes, pâtés et galettes, que pour la fabrication des nombreuses pièces d’orfèvrerie offertes au prince et la location des trompettes et ménétriers et les travaux de peinture et de montage des échafauds, etc.

     Sept ans après, c’était la reine Anne de Bretagne qui, nouvelle comtesse d’Étampes, faisait dans la ville une entrée moins solennelle, selon le désir qu’elle en avait exprimé. Mais on aménagea pour elle le château, où elle devait loger, en commandant des travaux «aux maçons, charpentiers, pionniers et autres manouvriers»; les habitants reçurent l’ordre « de curer les rues et ôter les fiens et de mettre des feuilles et jonchées par les dites rues». La reine trouva «le paysage si agréable et l’air du château si bon qu’elle y séjourna un temps assez considérable, au grand contentement des habitants». Mais dès l’année suivante, en 1514, la pauvre reine mourait au château de Blois. Son corps, pour être inhumé à Saint-Denis, fut accompagné sur toute la route d’un long cortège, composé des princes et princesses du sang montés sur des mules noires, des dames d’honneur, sur des haquenées conduites par des valets de pied, des archers du roi, qui marchaient en tète pour écarter la foule et enfin, des Suisses de la garde, qui faisaient la haie de chaque côté, la hallebarde sur l’épaule. Le convoi quitta Blois le 4 février pour n’arriver que le 12 à Paris. Au passage d’Étampes, les échevins, en robes et chaperons de deuil, les officiers de justice [p.26] et tout le peuple l’attendaient à la porte Saint-Martin. En outre, se joignirent au cortège des hommes qui portaient un millier de torches armoriées, quatre cents aux armes de la reine, quatre cents aux armes d’Étampes; les deux cents autres étaient aux armes du fameux Eudes le Maire, de Châlo-Saint-Mard, dont nous parlerons plus loin, parce qu’elles étaient portées par des chevaliers descendants de lui et que leur charge consistait à venir au devant des princes morts, de passage à Étampes, et à veiller leur corps. Le char funèbre, qui était traîné par six grands chevaux, houssés de velours noir croisé de satin blanc de sorte qu’on ne leur voyait que les yeux, fut dirigé vers l’église Notre-Dame et reconduit, après la célébration du service, jusqu’à la sortie de la ville du côté de Paris, avec la même pompe.
 

     Sept ans après, c’était la reine Anne de Bretagne qui, nouvelle comtesse d’Etampes, faisait dans la ville une entrée moins solennelle, selon le désir qu’elle en avait exprimé. Mais on aménagea pour elle le château, où elle devait loger, en commandant des travaux «aux maçons, charpentiers, pionniers et autres manouvriers» les habitants reçurent l’ordre «de curer les rues et ôter les liens et de mettre des feuilles et jonchées par les dites rues». La reine trouva «le paysage si agréable et l’air du château si bon qu’elle y séjourna un temps assez considérable, au grand contentement des habitants». Mais dès l’année suivante, en 1514, la pauvre reine mourait au château de Blois. Son corps, pour être inhumé à Saint-Denis, fut accompagné sur toute la route d’un long cortège, composé des princes et princesses du sang montés sur des mules noires, des dames d’honneur, sur des haquenées conduites par des valets de pied, des archers du roi, qui marchaient en tête pour écarter la foule et enfin, des Suisses de la garde, qui faisaient la haie de chaque côté, la hallebarde sur l’épaule. Le convoi quitta Blois le 4 février pour n’arriver que le 12 à Paris. Au passage d’Etampes, les échevins, en robes et chaperons de deuil, les officiers de justice et tout le peuple l’attendaient à la porte Saint-Martin. En outre, se joignirent au cortège des hommes qui portaient un millier de torches armoriées, quatre cents aux armes de la reine, quatre cents aux armes d’Etampes les deux cents autres étaient aux armes du fameux Eudes le Maire, de Châlo-Saint-Mard, dont nous parlerons plus loin, parce qu’elles étaient portées par des chevaliers descendants de lui et que leur charge consistait à venir au devant des princes morts, de passage à Etampes, et à veiller leur corps. Le char funèbre, qui était trame par six grands chevaux, houssés de velours noir croisé de satin blanc de sorte qu’on ne leur voyait que les yeux, fut dirigé vers l’église Notre-Dame et reconduit, après la célébration du service, jusqu’à la sortie de la ville du côté de Paris, avec la même pompe.


     La fille aînée d’Anne de Bretagne, Claude, alors âgée de 15 ans, devenait comtesse d’Étampes en vertu de l’acte de la donation faite par Louis XII à la reine. Elle était fiancée au duc de Valois, le futur François Ier, et le mariage eut lieu quatre mois après la mort d’Anne de Bretagne, qui, disait-on, n’y était pas favorable. Dès l’année 1515, Louis XII mourait à son tour et la nouvelle comtesse d’Étampes montait sur le trône. Bientôt après, elle se démit de son comté en faveur d’Arthus de Gouffier, sire de Boissy, grand maître de France, qui porta le titre de comte d’Étampes. Il vint dans notre ville et «pour le remercier de quelque grâce», on lui offrit une coupe d’argent «bien dorée d’or», qui avait coûté plus de cent livres et avait été faite à Paris, et à son barbier, un étui garni de deux rasoirs et ciseaux dorés, d’un peigne, d’un miroir et d’un cure-oreilles d’argent. Arthus de Gouffier mourut en 1519 et Claude de France reprit possession de son bien. Cette «bonne reine», comme elle fut appelée, aussi modeste, douce, effacée, que son mari était audacieux, belliqueux et galant, n’a guère laissé dans l’histoire que le souvenir discret de ses vertus domestiques et c’est surtout par la prune savoureuse qui porte son nom qu’elle est connue de la plupart de nos contemporains. Cependant, les marques de sa bonté envers Étampes ne furent pas tout à fait négligeables. C’est grâce à son intervention auprès de Louis XII que notre municipalité acquit quelque indépendance à l’égard des officiers du roi. Ceux-ci, pour la plupart, étaient à la fois des administrateurs et des juges. Ils comprenaient d’abord le bailli, qualifié en même temps de capitaine et gouverneur, qui devait toujours être un gentilhomme, puis, ses lieutenants, le lieutenant général et le lieutenant particulier, qui étaient, le plus souvent, docteurs ou licenciés en droit, le procureur et l’avocat du roi, dont les attributions consistaient à défendre les intérêts de la couronne, et le receveur, chargé seulement de l’administration des finances. A côté d’eux, le prévôt, très ancien fonctionnaire puisqu’il existait [p.27] déjà sous Robert le Pieux, faisait partie du conseil de bailliage, mais il avait la préséance sur le procureur, l’avocat et le receveur et jugeait, aussi bien en appel qu’en première instance. Il était assisté également d’un lieutenant et les charges du garde du scel, du greffier et du tabellion, toutes trois affermées et consistant à percevoir des droits, étaient rattachées à son office. Enfin, les notaires et les sergents royaux étaient sous les ordres des officiers bailliagers et prévôtaux. En face de ces nombreux officiers qui dépendaient du roi, la municipalité était réduite jusqu’alors à quatre syndics, qualifiés d’échevins sans en avoir toutes les prérogatives, élus pour trois ans par les habitants; l’élection était présidée par le lieutenant général du bailliage, chacun pouvait voter, mais le conseil de bailliage, auquel étaient adjoints six notables de la circonscription, avait le choix en dernier ressort. Il n’y avait pas de maire alors que son existence est prouvée sous le règne de Philippe-Auguste, comme nous l’avons vu, il ne semble pas avoir été rétabli en même temps que l’organisation communale au XIIIe siècle. Il n’y avait pas non plus d’hôtel de ville; les réunions et les élections avaient lieu dans la salle des plaids, au-dessus de la halle de la boucherie, ou bien «en un autre lieu». Les échevins avaient pour principale fonction d’administrer les deniers communs de la ville, mais ils ne pouvaient disposer d’une somme supérieure à 20 sols parisis, sans une ordonnance de justice. Ces deniers communs, comme leur nom l’indique, ne pouvaient être utilisés que pour la communauté. Ils provenaient alors uniquement des droits de barrage, octroi perçu aux portes de la ville sur les chariots char gés, les bêtes de somme et le bétail, et des droits payés sur le sel vendu au grenier d’Étampes; plus tard, il s’y ajouta, quand il y j eut une maison de ville, le montant de la location des greniers de cette maison, puis, le droit de courtepinte, prélevé sur les vins. Ces deniers communs devaient servir d’abord à l’entretien du pavé et des chemins de la ville, entretien fort onéreux en raison de la circulation très active, puis, aux réparations de l’enceinte et des portes et enfin, aux frais du séjour des rois et des princes, égale ment fort élevés, comme on a pu le voir. Le contrôle de l’emploi des deniers communs était fait par les agents royaux et la Chambre des comptes.


     La fille aînée d’Anne de Bretagne, Claude, alors àgée de 15 ans, devenait comtesse d’Etampes, en vertu de l’acte de la donation faite par Louis XII à la reine. Elle était fiancée au [p.28] duc de Valois, le futur François Ier et le mariage eut lieu quatre mois après la mort d’Anne de Bretagne, qui, disait-on, n’y était pas favorable. Dès l’année 1515, Louis XII mourait à son tour et la nouvelle comtesse d’Etampes montait sur le trône. Bientôt après, elle se démit de son comté en faveur d’Arthus de Gouffier, sire de Boissy, grand maître de France, qui porta le titre de comte d’Etampes. Il vint dans notre ville et «pour le remercier de quelque grâce», on lui oint une coupe d’argent «bien dorée d’or», qui avait coûté plus de cent livres et avait été faite à Paris, et à son barbier, un étui garni de deux rasoirs et ciseaux dorés, d’un peigne, d’un miroir et d’un cure-oreilles d’argent. Arthus de Gouffier mourut en 1519 et Claude de France reprit possession de son bien. Cette «bonne reine», comme elle fut appelée, aussi modeste, douce, effacée, que son mari était audacieux, belliqueux et galant, n’a guère laissé dans l’histoire que le souvenir discret de ses vertus domestiques et c’est surtout par la prune savoureuse qui porte son nom qu’elle est connue de la plupart de nos contemporains. Cependant, les marques de sa bonté envers Etampes ne furent pas tout à fait négligeables. C’est grâce à son intervention auprès de Louis XII que notre municipalité acquit quelque indépendance à l’égard des officiers du roi. Ceux-ci, pour la plupart, étaient à la fois des administrateurs et des juges. Ils comprenaient d’abord le bailli, qualité en même temps de capitaine et gouverneur, qui devait toujours être un gentilhomme, puis, ses lieutenants, le lieutenant général et le lieutenant particulier, qui étaient, le plus souvent, docteurs ou licenciés en droit, le procureur et l’avocat du roi, dont les attributions consistaient à défendre les intérêts de la couronne, et le receveur, chargé seulement de l’administration des finances. A côté d’eux, le prévôt, très ancien fonctionnaire puisqu’il existait déjà sous Robert le Pieux, faisait partie du conseil de bailliage, mais il avait la préséance sur le procureur, l’avocat et le receveur et jugeait, aussi bien en appel qu’en première instance. Il était assisté également d’un lieutenant et les charges du garde du scel, du greffier et du tabellion, toutes trois affermées et consistant à percevoir des droits, étaient rattachées à son office. Enfin, les notaires et les sergents royaux étaient sous les ordres des officiers bailliagers et prévôtaux. En face de ces nombreux officiers qui dépendaient du roi, la municipalité était réduite jusqu’alors à quatre syndics, qualifiés d’échevins sans en avoir toutes les prérogatives, élus pour trois ans par les habitants; l’élection était présidée par le lieutenant général du bailliage, chacun pouvait voter, mais le conseil de bailliage, auquel étaient adjoints six notables de la circonscription, avait le choix en dernier ressort. Il n’y avait pas de maire: alors que son existence est prouvée sous le règne de Philippe-Auguste, comme nous l’avons vu, il ne semble pas avoir été rétabli en même temps que l’organisation communale au XIIIe siècle. Il n’y avait pas nos plus d’hôtel de ville les réunions et les élections avaient lieu dans la salle des plaids, au-dessus de la halle de la boucherie ou bien «en un autre lieu». Les échevins avaient pour principale fonction d’administrer les deniers communs de la ville, mais ils ne pouvaient disposer d’une somme supérieure à 20 sols parisis, sans une ordonnance de justice. Ces deniers communs, comme leur nom l’indique, ne pouvaient être utilisés que pour la communauté. Ils provenaient alors uniquement des droits de barrage, octroi perçu aux portes de la ville sur les chariots chargés, les bêtes de somme et le bétail, et des droits payés sur le sel vendu au grenier d’Etampes; plus tard, il s’y ajouta, quand il y eut une maison de ville, le montant de la location des greniers de cette maison, puis, le droit de courtepinte, prélevé sur les vins. Ces deniers communs devaient servir d’abord à l’entretien du pavé et des chemins de la ville, entretien fort onéreux en raison de la circulation très active, puis, aux réparations de l’enceinte et des portes et enfin, aux frais du séjour des rois et des princes, également fort élevés, comme on a pu le voir. Le contrôle de l’emploi des deniers communs était fait par les agents royaux et la Chambre des comptes.

     Les échevins d’Étampes, supportant avec peine que la ville d’Orléans eût acquis de nombreux privilèges et possédât un hôtel de ville, demandèrent aux bourgeois d’Orléans une copie des lettres qui lui accordaient ces avantages afin de s’en inspirer pour une requête auprès du roi. Un bourgeois d’Orléans vint à Étampes leur apporter ladite copie et comme il ne voulut point accepter d’argent en retour, ils lui offrirent quatre pintes de bon vin et du gibier. Et ils obtinrent du roi Louis XII, moyennant finances d’ailleurs, le [p.28] jour du mariage de sa fille Claude avec François, duc de Valois, une charte, qui les autorisait à nommer un maire et à construire ou acheter une maison commune, où ils pourraient mettre en sûreté leurs titres, et s’assembler quand bon leur semblerait C’est ainsi que fut élu, en 1517, le premier maire dont nous connaissions le nom, Jean de Villette, qui était lieutenant particulier du bailliage. Cette charte donna lieu à un procès parce qu’elle rencontra aussitôt l’opposition du lieutenant général, du prévôt, du procureur du roi, tous craignant l’extension des pouvoirs de la municipalité à leur détriment. Elle accordait, cependant, peu de chose, en fait. Louis XII avait passé adroitement sous silence toutes les questions qui pouvaient devenir litigieuses. Les échevins désiraient être élus sans l’intervention des officiers du bailliage: ils ne l’obtinrent pas. Leurs ressources restaient à peu près ce qu’elles étaient. Ils ne pouvaient prendre d’initiatives importantes sans l’avis des officiers du roi, qu’ils eurent ainsi intérêt à se concilier: l’élection du lieutenant du bailliage, Jean de Villette, comme maire, est significative à cet égard. Louis XII, comme tous les rois, voulait la collaboration de ses fonctionnaires avec la municipalité et sa charte ne promettait rien qui y fît obstacle. C’est ainsi qu’elle fut enregistrée finalement en 1518 et les échevins purent acheter une maison de ville, avec une somme de 2.000 livres tournois, qu’ils furent autorisés par François Ier à prendre sur les octrois royaux.


     Les échevins d’Etampes, supportant avec peine que la vile d’Orléans eût acquis de nombreux privilèges et possédât un hôtel de ville, demandèrent aux bourgeois d’Orléans une copie des lettres qui lui accordaient ces avantages afin de s’en inspirer pour une requête auprès du roi. Un bourgeois d’Orléans vint à Etampes leur apporter ladite copie et comme il ne voulut point accepter d’argent en retour, ils lui offrirent quatre pintes de bon vin et du gibier. Et ils obtinrent du roi Louis XII, moyennant finances d’ailleurs, le jour du mariage de sa fille Claude avec Français, duc de Valais, une charte, qui les autorisait à nommer un maire et à construire ou acheter une maison commune, où ils pourraient mettre en sûreté leurs titres, et s’assembler quand bon leur semblerait. C’est ainsi que fut élu, en 1517, le premier maire dont nous connaissions le nom, Jean de Villette, qui était lieutenant particulier du bailliage. Cette charte donna lieu à un procès parce qu’elle rencontra aussitôt l’opposition du lieutenant général, du prévôt, du procureur du roi, tous craignant l’extension des pouvoirs de la municipalité à leur détriment. Elle accordait, cependant, peu de chose, en fait. Louis XII avait passé adroitement sous silence toutes les questions qui pouvaient devenir litigieuses. Les échevins désiraient être élus sans l’intervention des officiers du bailliage ils ne l’obtinrent pas. Leurs ressources restaient à peu près ce qu’elles étaient. Ils ne pouvaient prendre d’initiatives importantes sans l’avis des officiers du roi, qu’ils eurent ainsi intérêt à se concilier: l’élection du lieutenant du bailliage, Jean de Villette, comme maire, est significative à cet égard. Louis XII, comme tous les rois, voulait la collaboration de ses fonctionnaires avec la municipalité et sa charte ne promettait rien qui y lit obstacle. C’est ainsi qu’elle fut enregistrée finalement en 1518 et le échevins purent acheter une maison de ville, avec une somme de 2.000 livres tournois, qu’ils furent autorisés par François Ier à prendre sur les octrois royaux.

     C’est également Claude de France qui accorda aux officiers royaux d’Étampes l’autorisation de tenir leurs audiences dans son palais du Séjour afin de leur donner un siège «plus convenable» que la salle de la boucherie. L’inauguration du nouvel auditoire eut lieu le 28 novembre 1518, en présence des officiers de toutes les justices du bailliage et des notables de la ville. C’est là que se trouve encore notre tribunal depuis plus de quatre siècles. Au XVIe siècle, les assises s’y tenaient deux fois par an, sous la présidence du lieutenant général du bailliage, pendant une semaine, et les plaids avaient lieu tous les jours, sauf le jeudi, le prévôt jugeant trois jours de la semaine, et les officiers du bailliage, deux jours, ce qui montre les habitudes processives de l’époque.


     C’est également Claude de France qui accorda aux officier royaux d’Etampes l’autorisation de tenir leurs audiences dans son palais du Séjour afin de leur donner un siège «plus convenable» que la salle de la boucherie. L’inauguration du nouvel auditoire eut lieu le 28 novembre 1518, en présence des officiers de toutes les justices du bailliage et des notables de la ville. C’est là que se trouve encore notre tribunal depuis plus de quatre siècles. Au XVIe siècle, les assises s’y tenaient deux fois par an, sous la présidence du lieutenant général du bailliage, pendant une semaine, et les plaids avaient lieu tous les jours, sauf le jeudi, le prévôt jugeant trois jours de la semaine, et les officiers du bailliage, deux jours, ce qui montre les habitudes processives de l’époque.

     A la mort prématurée de la reine, en 1524, le comté d’Étampes rentra dans le domaine royal. En 1526, François Ier le donnait à Jean de la Barre, premier gentilhomme de sa chambre, pour les bons services qu’il lui avait rendus, particulièrement à la bataille de Pavie «en laquelle il ne l’abandonna jamais». Cette donation, très large, puisqu’elle accordait au donataire la perception de tous les revenus, même ceux du grenier à sel, et le pouvoir de nommer à tous les offices vacants, rencontra une vive opposition à la Chambre des comptes. Le roi dut faire un commandement exprès. La Chambre ne céda que sur la question des offices. Mais Jean de la Barre [p.29] reçut directement de Francois Ier une part des revenus du grenier à sel d’Étampes. Par une autre marque de la faveur royale, il fut maintenu dans la possession de son comté jusqu’à sa mort en 1533, en dépit d’un acte promulgué par le roi en 1531, qui révoquait toutes les donations de terres qu’il avait consenties. Mais cet acte, comme on pouvait le prévoir, eut toujours des applications inconstantes.


     A la mort prématurée de la reine, en 1524, le comté d’Etampes rentra dans le domaine royal. En 1523, François Ier le donnait à Jean de la Barre, premier gentilhomme de sa chambre, pour les bons services qu’il lui avait rendus, particulièrement à la bataille de Pavie «en laquelle il ne l’abandonna jamais». Cette donation, très large, puisqu’elle accordait au donataire la perception de tous les revenus, même ceux du grenier à sel, et le pouvoir de nommer à tous les offices vacants, rencontra une vive opposition à la Chambre des comptes. Le roi dut faire un commandement exprès. La Chambre ne céda que sur la question des offices. Mais Jean de la Barre reçut directement de François Ier une part des revenus du grenier à sel d’Etampes. Par une autre marque de la faveur royale, il fut maintenu dans la possession de son comté jusqu’à sa mort en 1533, en dépit d’un acte promulgué par le roi en 1531, qui révoquait toutes les donations de terres qu’il avait consenties. Mais cet acte, comme on pouvait le prévoir, eut toujours des applications inconstantes.

     François Ier était alors sous l’empire de sa passion pour une ancienne fille d’honneur de sa mère, Anne de Pisseleu, la plus belle des savantes et la plus savante des belles, qui l’avait conquis dès son retour de captivité par sa beauté et son esprit. Elle avait épousé Jean de Brosses, issu de la vieille famille féodale des vicomtes de Limoges, mais complètement ruiné et ainsi fort impatient de reconstituer sa fortune par ce rôle de mari complaisant. Tous deux obtinrent du roi, en 1534, le comté d’Étampes, qui moins de deux ans après était érigé en duché. Dans l’acte qui établit cette nouvelle prérogative, François Ier déclare qu’«il considère que le comté d’Étampes est de belle et grande étendue, et de bon et gros revenu, tenu et réputé une des plus notables et anciennes maisons du royaume, dont dépendent plusieurs beaux fiefs et arrière-fiefs et seigneuries et il veut pour la décoration dudit royaume élever ledit comté en plus haut titre et degré». Ces mentions flatteuses, qui contenaient certes une part de vérité, cherchaient à masquer l’insigne faveur que le roi accordait à sa maîtresse et l’ascendant qu’elle possédait sur lui. Ambitieuse, avare, vindicative, elle sut en user pour acquérir un important domaine, ruiner ses ennemis, favoriser ses partisans et surtout les membres de sa famille, fort nombreux puisque, son père s’étant marié trois fois, elle n’avait pas moins de trente frères et sœurs. Aussi ne fut-elle guère aimée de ses contemporains qui l’appelaient «la méchante», encore qu’elle encourageât les lettres et les arts et qu’elle eût beaucoup de courtisans intéressés. La ville d’Étampes ne peut lui être reconnaissante d’aucune libéralité et la trace de la possession de son duché aurait presque entièrement disparu, si son nom n’était demeuré attaché à une maison charmante, au coin de la place de l’Hôtel-de-Ville et de la rue Sainte-Croix. La date de 1538 gravée sur l’encadrement d’une fenêtre et un buste mutilé, qui semble représenter François Ier, ont permis cette attribution. L’édifice et sa décoration sont bien certainement de l’époque de la favorite. En 1547, François Ier mourait à Rambouillet et le jour même de sa mort, Anne de Pisseleu était bannie de la cour et le duché d’Étampes lui fut enlevé. Mais son propre mari lui ayant intenté un procès en reddition, c’est à lui seul que le nouveau roi Henri II confirme la donation du duché «en considération et contemplation des bons, grands et recommandables services qu’il a ci-devant et par longtemps faits [p.30] au feu roi et à lui pareillement». Cependant, Henri II ne tarda pas à le retirer à Jean de Brosses pour l’offrir à la belle duchesse de Valentinois, Diane de Poitiers, qu’il aimait déjà dauphin, bien qu’elle eût environ vingt-cinq ans de plus que lui. Cette favorite «si belle, dit Brantôme, que je ne sache cœur de rocher qui ne s’en fût ému», douée, en outre, de toutes les grâces de l’esprit, protectrice et inspiratrice de tous les arts, mais sèche, âpre, intrigante, exerçait sur Henri II une véritable fascination et seule la mort brutale du roi en 1559, devait lui arracher presque tous les biens immenses qu’elle avait su obtenir. En vertu de l’édit de révocation des dons royaux, publié de nouveau par François II dès son avènement, son duché lui fut enlevé. Elle fut chassée de la cour avec infamie, par Catherine de Médicis et sous l’influence des Guise, auxquels elle était cependant alliée. Mais le roi était mort.


     François Ier était alors sous l’empire de sa passion pour uni ancienne fille d’honneur de sa mère, Anne de Pisseleu, la plus belle des savantes et la plus savante des belles, qui l’avait conquis dès son retour de captivité par sa beauté et son esprit. Elle avait épousé Jean de Brosses, issu de la vieille famille féodale des vicomtes de Limoges, mais en complètement ruiné et ainsi fort impatient de reconstituer sa fortune par ce rôle de mari complaisant. Tous deux obtinrent du roi, en 1534, le comté d’Etampes, qui moins de deux ans après était érigé en duché. Dans l’acte qui établit cette nouvelle prérogative Français Ier déclare qu’«il considère que le comté d’Etampes est de belle et grande étendue, et de bon et gros revenu, tenu et réputé une des plus notables et anciennes maisons du royaume, dont dépendent plusieurs beaux fiefs et arrière-fiefs et seigneuries et il veut pour la décoration dudit royaume élever ledit comté en plus haut titre et degré». Ces mentions flatteuses, qui contenaient certes une part de vérité, cherchaient à masquer l’insigne faveur que le roi accordait à  sa maîtresse et l’ascendant qu’elle possédait sur lui. Ambitieuse avare, vindicative, elle sut en user pour acquérir un important domaine, ruiner ses ennemis, favoriser ses partisans et surtout les membres de sa famille, fort nombreux puisque, son père s’étant marié trois fois, elle n’avait pas moins de trente frère et sœurs. Aussi ne fut-elle guère aimée de ses contemporains qui l’appelaient «la méchante», encore qu’elle encourageât les lettres et les arts et qu’elle eût beaucoup de courtisans intéressés. La ville d’Etampes ne peut lui être reconnaissante d’aucune libéralité et la trace de la possession de son duché aurait presque entièrement disparu, si son nom n’était demeuré attaché à une maison charmante, au coin de la place d l’Hôtel-de-Ville et de la rue Sainte-Croix. La date de 1533 gravée sur l’encadrement d’une fenêtre et un buste mutilé qui semble représenter Français Ier ont permis cette attribution. L’édifice et sa décoration sont bien certainement de l’époque de la favorite. En 1547, Français Ier mourait à Rambouillet et le jour même de sa mort, Anne de Pisseleu était bannie de la cour et le duché d’Etampes lui fut enlevé. Mais son propre mari lui ayant intenté un procès en reddition, c’est à lui seul que le nouveau roi Henri II confirme la donation du duché «en considération et contemplation des bons, grands et recommandables services qu’il a ci-devant et par longtemps faits au feu roi et à lui pareillement». Cependant, Henri II ne tarda pas à le retirer à Jean de Brosses pour l’offrir à la belle duchesse de Valentinois, Diane de Poitiers, qu’il aimait déjà dauphin, bien qu’elle eût environ vingt-cinq ans de plus que lui. Cette favorite «si belle, dit Brantôme, que je ne sache cœur de rocher qui ne s’en fût ému», douée, en outre, de toutes les grâces de l’esprit, protectrice et inspiratrice de tous les arts, mais sèche, âpre, intrigante, exerçait sur Henri II une véritable fascination et seule la mort brutale du roi en 1559, devait lui arracher presque tous les biens immenses [p.29] qu’elle avait su obtenir. En vertu de l’édit de révocation des dons royaux, publié de nouveau par François II dès son avènement, son duché lui fut enlevé. Elle fut chassée de la cour avec infamie, par Catherine de Médicis et sous l’influence des Guise, auxquels elle était cependant alliée. Mais le roi était mort...

     Cette courte possession du duché d’Étampes par Diane de Poitiers nous a valu au moins l’élégante demeure qui est aujourd’hui celle de la Caisse d’Épargne. Plusieurs faits permettent de croire qu’elle a bien été construite et ornée pour la favorite la date de 1554, gravée sur une fenêtre de la plus jolie partie de cet hôtel, alors que le titre de duchesse d’Étampes lui fut accordé par Henri II en 1553, la décoration, où l’on retrouve ça et là les armoiries de France mêlées aux armes de Diane et au croissant, les lettres H et D entrelacées, enfin la présence, assez insolite, à Étampes cette même année 1554, authentiquement prouvée par une pièce des Archives nationales, de Jean Goujon lui-même, le sculpteur du roi. Ce dernier fait paraît démonstratif, car on ne s’expliquerait guère le séjour à Étampes de Jean Goujon, si ce n’est parce qu’il était chargé d’y embellir une habitation de la duchesse, comme il venait précisément de le faire au château d’Anet. La pièce d’archives qui le concerne nous apprend qu’il fut emprisonné à Étampes, pour une raison qui demeure ignorée.
 

     Cette courte possession du duché d’Etampes par Diane de Poitiers nous a valu au moins l’élégante demeure qui est aujourd’hui celle de la Caisse d’Epargne. Plusieurs faits permettent de croire qu’elle a bien été construite et ornée pour la favorite: la date de 1554, gravée sur une fenêtre de la plus jolie partie de cet hôtel, alors que le titre de duchesse d’Etampes lui fut accordé par Henri II en 1553, la décoration, où l’on retrouve ça et là les armoiries de France mêlées aux armes de Diane et au croissant, les lettres H et D entrelacées, enfin la présence, assez insolite, à Etampes cette même année 1554, authentiquement prouvée par une pièce des Archives nationales, de Jean Goujon lui-même, le sculpteur du roi. Ce dernier fait paraît démonstratif, car on ne s’expliquerait guère le séjour à Etampes de Jean Goujon, si ce n’est parce qu’il était chargé d’y embellir une habitation de la duchesse, comme il venait précisément de le faire au château d’Anet. La pièce d’archives qui le concerne nous apprend qu’il fut emprisonné à Etampes, pour une raison qui n’est pas précisée, sans doute des dettes.

     Au cours du XVIe siècle, d’autres travaux furent accomplis dans notre ville et beaucoup d’améliorations furent apportées à l’administration de ses biens. La porte Saint-Jacques fut construite en 1512. Une très médiocre, mais bien curieuse peinture, conservée au Musée, nous la montre coiffée d’un comble aigu en ardoises et bastionnée de deux tours, avec la ligne de murailles qui ceignait la ville. Mais nous n’y voyons point l’état ruineux de cette enceinte, conséquence des sièges qu’elle avait eu à subir. Elle s’étendait tout le long du boulevard Henri IV actuel depuis la ruelle d’Enfer, puis, au delà, jusqu’à la petite place de notre monument aux Morts, descendait comme la rue des Remparts, suivait la rivière d’Étampes au sud et rejoignait le boulevard Henri IV par la rue du Filoir. En outre, les faubourgs eux-mêmes étaient fortifiés, Il y avait quinze portes, dont les huit principales, défendues par deux tours [p.31] et munies de ponts-levis, étaient la porte Saint-Martin, la porte Dorée, la porte des Lions ou du Châtel, la porte Saint-Jacques, la porte Évezard, la porte Saint-Pierre, la porte Saint-Fiacre et la porte Saint-Gilles. A chacune, étaient perçues des taxes, de péage pour le roi et de barrage pour la municipalité, dont le montant élevé prouve l’importance commerciale d’Etampes à cette époque. Mais la valeur défensive de la fortification délabrée était presque nulle. Or, les brigandages aussi bien que les guerres constantes rendaient nécessaires les enceintes fortifiées. François Ier alors en lutte avec Charles-Quint, qui venait de ravager la Provence et menaçait de s’avancer jusqu’à Paris, prescrivit aux habitants d’Étampes, par des lettres datées de Lyon, 1536, de réparer leurs murs. Les habitants furent aussitôt assemblés et l’on reprit un projet de restauration du XIVe siècle, qui s’appliquait d’abord aux tours de la porte Évezard, puis, à la courtine jusqu’à la porte Saint-Fiacre et qui comprenait, entre l’enceinte et les terrains particuliers, des boulevards, qui devaient faciliter l’organisation de la défense. On devait, en outre, garnir de ponts-levis toutes les portes. Les frais de l’exécution de ce plan seraient pris sur les deniers communs et même sur une taxe nouvelle, s’ils n’y suffisaient pas. La prompte adhésion des habitants à ces projets montre qu’ils sentaient l’urgence de la restauration des murs qui les protégeaient. Et cependant, c’est l’obstination d’un petit groupe d’entre eux qui y mit obstacle. Car il fallait raser quelques maisons. L’un des propriétaires en question, un bourgeois riche, nommé Martin Auper, gagnant d’abord à sa mauvaise cause les officiers royaux, réussit, sans doute par corruption, à obtenir de la Chancellerie elle-même l’ordre de cesser les travaux. Les échevins ne se tinrent pas pour battus, ils en appelèrent au roi, qui désigna le bailli d’Orléans pour juger du différend. Ce fut le lieutenant général de ce bailli qui décida, en l’hôtel du Cheval bardé, à Étampes, que Martin Auper et ses commettants recevraient, pour les dommages qui seraient causés à leurs biens, une indemnité à dire d’experts. Il semblait que toutes les difficultés fussent aplanies et que les travaux pour raient être poursuivis Il n’en fut rien. L’on se heurta à un obstacle insurmontable les ressources de la ville étaient trop modestes pour faire face aux indemnités en même temps qu’aux frais de la restauration de l’enceinte. Quand survinrent les guerres de religion, on n’avait rien pu contre cet état de choses et notre malheureuse ville se trouva sans défense. Malgré les efforts des échevins et de la majorité des habitants, quelques intérêts particuliers l’avaient emporté sur l’intérêt général.


     Au cours du XVIe siècle, d’autres travaux furent accomplis dans notre ville et beaucoup d’améliorations furent apportées à l’administration de ses biens. La porte Saint-Jacques fut construite en 1512. Une bien curieuse peinture, conservee au Musée, nous la montre coiffée d’un comble aigu en ardoises et bastionnée de deux tours, avec la ligne de murailles qui ceignait la ville. Mais nous n’y voyons point l’état ruineux de cette enceinte, conséquence des sièges qu’elle avait eu a subir. Elle s’étendait tout le long du boulevard Henri IV actuel depuis la ruelle d’Enfer, puis, au-delà, jusqu’à la petite place de notre monument aux Morts, descendait comme la rue des Remparts, suivait la rivière d’Etampes au sud et rejoignait le boulevard Henri-IV par la rue du Filoir. En outre, les faubourgs eux-mêmes étaient fortifiés. Il y avait quinze portes, dont les huit principales, défendues par deux tours et munies de ponts-levis, étaient: la porte Saint-Martin, la porte Dorée, la porte des Lions ou du Château, la porte Saint-Jacques, la porte Evezard, la porte Saint-Pierre, la porte Saint-Fiacre et la porte Saint-Gilles. A chacune, étaient perçues des taxes, de péage pour le roi et de barrage pour la municipalité, dont le montant élevé prouve l’importance commerciale d’Etampes à cette époque. Mais la valeur défensive de la fortification délabrée était presque nulle. Or, les brigandages aussi bien que les guerres constantes rendaient nécessaires les enceintes fortifiées. François Ier, alors en lutte avec Charles-Quint, qui venait de ravager la Provence et menaçait de s’avancer jusqu’à Paris, prescrivit aux habitants d’Etampes, par des lettres datées de Lyon, 1536, de réparer leurs murs. Les habitants furent aussitôt assemblés et l’on reprit un projet de restauration du XIVe siècle, qui s’appliquait d’abord aux tours de la porte Evezard, puis, à la courtine jusqu’à la porte Saint-Fiacre et qui comprenait, entre l’enceinte et les terrains particuliers, des boulevards, qui devaient faciliter l’organisation et la défense. On devait, en outre, garnir de ponts-levis toutes les portes. Les frais de l’exécution de ce plan seraient pris sur les deniers communs et même sur une taxe nouvelle, s’ils n’y suffisaient pas. La prompte adhésion des habitants à ces projets montre qu’ils sentaient l’urgence de la restauration des murs qui les protégeaient. Et cependant, c’est l’obstination d’un petit groupe d’entre eux qui y mit obstacle. Car il fallait raser quelques maisons. L’un des propriétaires en question, un bourgeois riche, nommé Martin Auper, gagnant d’abord à sa mauvaise cause les officiers royaux, réussit, sans doute par corruption, à obtenir de la Chancellerie elle-même l’ordre de cesser les travaux. Les échevins ne se tinrent pas pour battus, ils en appelèrent au roi, qui désigna le bailli d’Orléans pour juger du différend. Ce fut le lieutenant-général de ce bailli qui décida, en l’hôtel du Cheval bardé, à Etampes, que Martin Auper et ses commettants recevraient, pour les dommages qui seraient causés à leurs biens, une indemnité à dire d’experts. Il semblait que toutes les difficultés fussent aplanies et que les travaux pourraient être poursuivis. Il n’en fut rien. L’on se heurta à un obstacle insurmontable: les ressources de la ville étaient trop modestes pour faire face aux indemnités en même temps qu’aux frais de la restauration de l’enceinte. Quand survinrent les guerres de religion, on n’avait rien pu contre cet état de choses et notre malheureuse ville se trouva sans défense. Malgré les efforts des échevins et de la majorité des habitants, quelques intérêts particuliers l’avaient emporté sur l’intérêt général.

     Nous avons vu que la municipalité avait été autorisée par Louis XII à construire ou acheter une maison de ville et par François Ier à y consacrer 2.000 livres. L’Hôtel de Ville ne fut pas construit, [p.32] comme il a été dit, mais acheté pour cette somme, en 1514, à Jacques Doulcet, conseiller du roi, qui le tenait de Jeanne Doulcet, femme du grenetier d’Étampes à la fin du XVe siècle. C’était un bel hôtel, qui ne dut pas nécessiter d’aménagements pour sa nouvelle affectation.


     Nous avons vu que la municipalité avait été autorisée par Louis XII à construire ou acheter une maison de ville et par François r y consacrer 2.000 livres. L’Hôtel de ville ne fut pas construit, comme il a été dit, mais acheté pour cette somme, en 1514, à Jacques Doulcet, conseiller du roi, qui le tenait de Jeanne Doulcet, femme du grenetier d’Etampes à la fin du XV siècle. C’était un bel hôtel, qui ne dut pas nécessiter d’aménagements pour sa nouvelle affectation.

     La fondation de l’Hôtel-Dieu d’Étampes doit remonter à la fin du XIIe siècle, sans qu’on ait plus de précision à cet égard. Auparavant, si l’on s’en rapporte à une tradition, les lits des malades pauvres étaient installés dans l’église même de Notre-Dame, à l’extrémité de la nef. L’incommodité de ce procédé fit décider la construction d’un bâtiment séparé, dans la cour des chanoines, à l’emplacement de l’hôpital actuel. Il s’appela d’abord l’aumônerie de Notre-Dame. Au XVIe siècle, on y adjoignit un dortoir des pauvres, converti plus tard en une chapelle, qui nous a été conservée.


     La fondation de l’Hôtel-Dieu d’Etampes doit remonter à la fin du XXe [sic] siècle, sans qu’on ait plus de précision à cet égard. Auparavant, si l’on s’en rapporte à une tradition, les lits des malades pauvres étaient installés dans l’église même de Notre- Dame, à l’extrémité de la nef. L’incommodité de ce procédé fit décider la construction d’un bâtiment séparé, dans la cour des chanoines, à l’emplacement de l’hôpital actuel, Il s’appela d’abord l’aumônerie de Notre-Dame. Au XVIe siècle, on y adjoignit un dortoir des pauvres, converti plus tard en une chapelle, qui nous a été conservée.

     A la même époque, des changements furent apportés à l’administration de l’Hôtel-Dieu, qui laissait fort à désirer. Elle était confiée à un prêtre, désigné comme maître et administrateur par l’archevêque de Sens. C’était, en 1537, un nommé Jacques de la Vallée, dont l’incurie avait entraîné la mort de plusieurs pauvres dans les rues, faute de secours. Les habitants adressèrent à l’archevêque des plaintes qui ne restèrent pas sans effet. Une transaction s’ensuivit, par laquelle l’administration du revenu temporel de l’Hôtel-Dieu appartiendrait désormais au maire et aux échevins, qui donneraient un traitement et une maison près de l’hôpital au dit Jacques de la Vallée et à ses successeurs. Dès ce moment, il fut établi, pour le service des malades, des religieuses de l’ordre de Saint-Augustin qui furent d’abord des filles d’Étampes.


     A la même époque, des changements furent apportés à l’administration de l’Hôtel-Dieu, qui laissait fort à désirer. Elle était confiée à un prêtre, désigné comme maître et administrateur par l’archevêque de Sens. C’était, en 1537, un nommé Jacques de la Vallée, dont l’incurie avait entraîné la mort de plusieurs pauvres dans les rues, faute de secours. Les habitants adressèrent à l’archevêque des plaintes qui ne restèrent pas sans effet. Une transaction s’ensuivit, par laquelle l’administration du revenu temporel de l’Hôtel-Dieu appartiendrait désormais au maire et aux échevins, qui donneraient un traitement et une maison près de l’hôpital au dit Jacques de la Vallée et à ses successeurs. Dès ce moment, il fut établi, pour le service des malades, des religieuses de l’ordre de Saint Augustin qui furent d’abord les filles d’Etampes.

     Il existait encore à cette époque plusieurs autres établissements hospitaliers dans notre ville. Leur administration fut désormais surveillée par le maire et les échevins, qui devaient élire deux administrateurs tous les trois ans, en vertu d’un édit de Charles IX, de 1561, motivé par les désordres et les malversations qui s’exerçaient partout. L’hôpital Saint-Jean-au-Haut-Pavé était la plus ancienne de ces fondations, de par sa situation même dans la vieille ville, rue du Haut-Pavé, un peu avant la rue Saint-Jean. En outre, nous savons par une charte de 1085 que Philippe Ier en fut le bienfaiteur.


     Il existait encore à cette époque plusieurs autres établissements hospitaliers dans notre ville. Leur administration fut désormais surveillée par le maire et les échevins, qui devaient élire deux administrateurs tous les trois ans, en vertu d’un édit de Charles IX, de 1561, motivé par les désordres et les malversations qui s’exerçaient partout. L’hôpital Saint-Jean-au-Haut-Pavé était la plus ancienne de ces fondations, de par sa situation même dans la vieille ville, rue du Haut-Pavé, un peu avant la rue Saint-Jean. En outre, nous savons par une charte de 1085 que Philippe Ier en fut le bienfaiteur.

     La commanderie ou l’hôpital de Saint-Jacques de l’Épée avait été fondée par des chevaliers de cet ordre, sur l’emplacement de l’abattoir actuel, à une date que nous ignorons: un acte de François Ier de 1518 confère cette commanderie à un nommé Pierre Dance, par un acte qui ne doit pas être confondu, comme il l’a été par certains historiens d’Étampes, avec un acte de fondation. L’ordre de Saint-Jacques de l’Épée fondé en Espagne dès le XIIe siècle, pour enrayer les troubles causés par les Maures aux pèlerinages [p.33] de Saint-Jacques de Compostelle, avait établi en France des refuges pour les pèlerins, principalement sur la route de Saint-Jacques, et c’est ainsi qu’ils en créèrent un à Étampes, à une époque certainement bien antérieure à l’acte de François Ier, puisque son existence est mentionnée dans le droit de port accordé par Jean de Foix en 1490. En 1580, cet hôpital et ses dépendances furent donnés par le roi à des capucins, qui y entreprirent divers travaux, mais sans que son affectation en fût modifiée, ni son administration soustraite à la surveillance du maire.


     L’existence à Etampes d’une Commanderie de l’ordre de Saint-Jacques de l’Epée, maison d’accueil, tout particulière ment ouverte aux pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, est attestée en 1490 par le droit de port que Jean de Foix accorde au commandeur. Mais on ignorait jusqu’à ces dernières années la date de fondation de cette Commanderie à Etampes. Nous avons eu la bonne fortune de l’apprendre par un érudit français qui découvrit, au cours de ses recherches dans les archives espagnoles de l’Ordre de Saint-Jacques, que notre roi Philippe-Auguste fit don en 1184 à l’ordre militaire espagnol d’un domaine près d’Etampes: Donatio Villaenovae prope Stampas sub colle Montis Falconis. Il s’agit du lieu-dit Villeneuve-sous-Montfaucon, situé tout près de Morigny. La donation de Philippe-Auguste, authentifiée par une bulle apostolique du pape Lueius III n’autorise pas à conclure que la Commanderie a d’abord été édifiée en ce lieu, puisqu’il n’en reste aucune trace, mais elle permet d’affirmer que la fondation remonte au XIIe siècle, à l’époque où fut créé l’ordre en Espagne. Il est possible que les chevaliers de Saint-Jacques aient préféré au domaine de Villeneuve, proche de la Maladrerie de Saint-Lazare, voisinage peu souhaitable, le terrain près du port où nous les trouvons établis en 1480, où leur souvenir demeure sous le nom de la petite rue du Chevalier de l’Epée. En 1580, leur hôpital et ses dépendances furent donnés par le roi à des capucins, qui y entreprirent divers travaux, mais sans que son affectation en fût modifiée, ni son administration soustraite à la surveillance du maire.

     La maladrerie de Saint-Lazare, sur la route de Paris, avait reçu dès le XIIe siècle des donations importantes des rois Louis VI et Louis VII, et plus tard, de nombreux autres bienfaiteurs. Mais au début du XVIe siècle, elle était administrée d’une manière déplorable. Les fonds étaient détournés, les lépreux, ne recevant plus de soins, mendiaient dans la ville et risquaient de propager leur mal. Cette situation n’étant pas spéciale à Étampes, François Ier, en 1543, avait chargé les baillis de surveiller les léproseries et de destituer les administrateurs coupables. Mais les abus persistaient, en particulier à la maladrerie de Saint-Lazare, où les lépreux, en 1544, n’étaient plus que quatre. Une part des revenus étaient employés par un administrateur, Jacques Yvon, à poursuivre un procès pour conserver sa charge. Ses successeurs ne furent pas plus honnêtes et s’efforçaient de corrompre les officiers royaux, si bien qu’en 1560, un bourgeois d’Étampes fut désigné comme administrateur et à partir de 1561, le bienfaisant édit de Charles IX fut appliqué là comme dans les autres établissements.


     La maladrerie de Saint-Lazare, sur la route de Paris, avait reçu dès le XIIe siècle des donations importantes des rois Louis VI et Louis VII, et plus tard, de nombreux autres bienfaiteurs. Mais au début du XVI siècle, elle était administrée d’une manière déplorable. Les fonds étaient détournés, les lépreux, ne recevant plus de soins, mendiaient dans la ville et risquaient de propager leur mal. Cette situation n’étant pas spéciale à Etampes, François en 1543, avait chargé les baillis de surveiller les léproseries et de destituer les administrateurs coupables. Mais les abus persistaient, en particulier à la maladrerie d’Etampes, où les lépreux, en 1544, n’étaient plus que quatre. Une part des revenus étaient employés par un administrateur, Jacques Yvon, à poursuivre un procès pour conserver sa charge. Ses successeurs ne furent pas plus honnêtes et s’efforçaient de corrompre les officiers royaux, si bien qu’en 1560, un bourgeois d’Etampes fut désigné comme administrateur et à partir de 1561, le bienfaisant édit de Charles IX fut appliqué là comme dans les autres établissements.

     Enfin, l’hôpital Saint-Antoine, qui existait dès le début du XIIIe siècle, était destiné à loger «des passants valides». Il était situé en face de l’ancien collège, c’est-à-dire à l’emplacement du collège actuel, et comprenait une chapelle pour cette double raison, il fut donné au début du XVIIe siècle, aux Pères barnabites qui venaient d’être appelés à la direction du collège comme nous allons le voir.


     Enfin, l’hôpital Saint-Antoine, qui existait dès le début du XIIIe siècle, était destiné à loger «des passants valides». Il était situé en face de l’ancien collège, c’est-à-dire à l’emplacement du collège jusqu’en 1963, et comprenait une chapelle pour cette double raison, il fut donné au début du XVIIe siècle, aux Pères barnabites qui venaient d’être appelés à la direction du collège comme nous allons le voir.

     La première mention des écoles d’Étampes nous est donnée par une bulle du pape Luce III en 1183, qui accordait au chapitre de Sainte-Croix le droit d’instituer un maître des écoles. Mais aussitôt les chanoines de Notre-Dame, qui étaient précisément alors en lutte ouverte avec ceux de Sainte-Croix, firent opposition à ce privilège. Ils réussirent à l’enlever à leurs rivaux, en 1191, par une sentence des juges ecclésiastiques qu’avait désignés le roi pour régler les nombreux points contestés entre les deux chapitres. Mais cet enseignement n’avait pas de siège; il était donné tout simple ment dans la maison du maître, auquel on ne sait s’il était alloué un bénéfice de l’église en paiement de sa tâche. C’est seulement en 1515 que nous voyons les habitants d’Étampes se préoccuper [p.34] d’avoir une maison d’école et des «maîtres gagés» pour instruire gratuitement leurs enfants. Il demandent à François Ier l’autorisation de consacrer une partie des deniers qui avaient été affectés aux fortifications de la ville à l’achat ou à l’édification «d’une maison commode pour y tenir les écoliers, estimant que leur ville serait mieux défendue par des citoyens bien instruits aux bonnes lettres, avec la connaissance desquelles l’on acquiert aussi la prudence, que par des murailles et autres fortifications». On voit que nos bourgeois d’Étampes étaient pleins d’illusions sur l’usage que font les hommes de la science qu’ils ont acquise, reflet de cette belle époque de la Renaissance, où la supériorité des choses de l’esprit s’imposait à tous.


     La première mention des écoles d’Etampes nous est donnée par une bulle du pape Luce III en 1183, qui accordait au chapitre de Sainte-Croix le droit d’instituer un maître des écoles. Mais aussitôt les chanoines de Notre-Dame, qui étaient précisément alors en lutte ouverte avec ceux de Sainte-Croix, firent [p.30] opposition à ce privilège. Ils réussirent à l’enlever à leurs rivaux, en 1191, par une sentence des juges ecclésiastiques qu’avait désignés le roi pour régler les nombreux points con testés entre les deux chapitres. Mais cet enseignement n’avait pas de siège; il était donné tout simplement dans la maison du maître, auquel on ne sait s’il était alloué un bénéfice de l’église en paiement de sa tâche, C’est seulement en 1515 que nous voyons les habitants d’Etampes se préoccuper d’avoir une maison d’école et des «maîtres gagés» pour instruire gratuitement leurs enfants. Ils demandent à François Ier l’autorisation de consacrer une partie des deniers qui avaient été affectés aux fortifications de la ville à l’achat ou à l’édification «d’une maison commode pour y tenir les écoliers, estimant que leur ville serait mieux défendue par des citoyens bien instruits aux bonnes lettres, avec la connaissance desquelles l’on acquiert aussi la prudence, que par des murailles et autres fortifications». On voit que nos bourgeois d’Etampes étaient pleins d’espérances ou d’illusions sur l’usage que font les hommes de la science qu’ils ont acquise, reflet de cette belle époque de la Renaissance, où la supériorité des choses de l’esprit s’imposait à tous.

     Le roi accorda son autorisation, mais on ne sait quand ni par qui fut donnée à la ville, pour en faire un collège, la maison sise à l’angle de la rue Saint-Antoine et de la rue du Pont-Quesneaux, aujourd’hui rue Magne, en face du collège actuel. Elle était en mauvais état et nécessita dès 1561 des réparations urgentes, en vue des quelles François II, tout en accordant 600 livres, ordonna une visite des maçons et charpentiers experts, sous la foi du serment. L’expertise eut lieu en présence du bailli, Nicolas Petau, du lieu tenant de la prévôté, du maire, des échevins et d’un grand nombre d’habitants. La conclusion fut qu’il fallait «abattre la dicte mai son et la rebastir de nouvel», les murailles étant crevées, le bout du logis pourri, les planchers rompus... Grâce à une somme de 1200 livres, octroyée en deux fois, par le roi Charles IX, la ville put acheter en 1564 une maison contiguë à l’ancienne et la faire aménager. Mais il fallait d’autres ressources pour l’entretien des maîtres. Une prébende du chapitre de Notre-Dame d’un revenu annuel de 300 livres étant vacante par le décès de son titulaire, Louis Guibour, le maire et les échevins obtinrent du roi, en 1566, qu’elle leur fût concédée pour cet objet. Mais dès 1569, elle leur était enlevée par un arrêt du Parlement en faveur d’un frère de Louis Guibour, qui, en vertu des provisions qu’il avait reçues de cette prébende, avait poursuivi le maire et les échevins. Ceux-ci ne se découragèrent point cependant. Ils savaient que le revenu de la maladrerie de Saint-Lazare dépassait ses besoins, les lépreux n’y étant plus qu’en très petit nombre: ils se firent accorder par le roi en 1575 une rente de 300 livres sur ce revenu. C’est ainsi qu’un principal, Nicolas Charrier, prêtre et maître ès-arts de l’Université de Paris, fut enfin appelé à la direction des «grandes écoles d’Étampes». Il avait la charge d’instruire et faire instruire les enfants d’Étampes et des environs «ès bonnes mœurs et vie suivant l’institution de l’Eglise catholique, en la connaissance des lettres et A B C, lire, écrire, jeter comptes tant au jet qu’à la plume, en la grammaire et les premiers rudiments de la langue latine et lettres [p.35] humaines». Le principal était assisté de deux régents, qu’il devait loger et entretenir sur les trois cents livres de revenu, et, en outre, il était tenu de loger, nourrir et instruire gratuitement deux enfants pauvres, appelés déjà boursiers, qui étaient chargés de nettoyer les classes et de «faire autre service honnête sans être distrait de leur étude». Le collège semble avoir bien fonctionné pendant une cinquantaine d’années, puisqu’il comptait plus de cent élèves en 1626. Mais le désordre y fut alors introduit par un principal incapable, presque toujours absent, Claude Vuaflard, et dès 1628, il n’y avait plus que douze élèves. Vuaflard fut révoqué par le maire et les échevins, auxquels le bailli, puis, le Parlement donnèrent raison. Mais ils rencontrèrent encore des difficultés avec un nouveau principal et c’est alors qu’ayant reçu dans l’intervalle une somme de 8000 livres léguée au collège par le lieutenant général du bailliage, Jacques Petau, ils firent appel aux Pères barnabites, établis depuis peu à Montargis. Leur administration, qui devait durer plus d’un siècle, ne s’écoula pas sans nuages, contrairement à ce qu’on eût pu espérer. Ils ne tinrent pas l’engagement qu’ils avaient pris, pour satisfaire aux clauses du testament de Jacques Petau, de construire un nouveau bâtiment et laissèrent l’ancien tomber en ruines. Ils ne résidèrent pas au collège, mais dans l’hôpital Saint-Antoine, qui ne leur avait été donné qu’en attendant l’édification du nouveau bâtiment et d’une chapelle. Enfin, leur enseignement laissait tant à désirer qu’un mémoire dressé contre eux par le maire et les échevins signale, entre autres griefs, que «c’est un hasard quand quelqu’un des pensionnaires apprend le latin» et qu’un des régents est un Suisse «qui a toutes les peines du monde à s’exprimer eu français». En dépit de nombreux mémoires semblables causés par «l’état affreux du collège» et consécutifs aux plaintes réitérées des habitants, les barnabites furent maintenus à la direction du collège jusqu’en 1779, après quoi ils ne demeurèrent qu’en petit nombre à Étampes.


     Le roi accorda son autorisation, mais on ne sait quand ni par qui fut donnée à la ville, pour en faire un collège, la maison sise à l’angle de la rue Saint-Antoine et de la rue du Pont-Quesnaux, aujourd’hui rue Magne, Elle était en mauvais état et nécessita dès 1561 des réparations urgentes, en vue desquelles François II, tout en accordant 600 livres, ordonna une visite des maçons et charpentiers experts, sous la foi du serment, L’expertise eut lieu en présence du bailli, Nicolas Petau, du lieutenant de la prévôté, du maire, des échevins et d’un grand nombre d’habitants. La conclusion fut qu’il fallait «abattre la dicte maison et la rebastir de nouvel, les murailles étant crevées, le bout du logis pourri, les planchers rompus», Grâce à une somme de 1.200 livres, octroyée en deux fois, par le roi Charles IX, la ville put acheter en 1564 une maison contiguë à l’ancienne et la faire aménager, Mais il fallait d’autres ressources pour l’entretien des maîtres, Une prébende du chapitre de Notre-Dame d’un revenu annuel de 300 livres étant vacante par le décès de son titulaire, Louis Guibour, le maire et les échevins obtinrent du roi, en 1566, qu’elle leur fût concédée pour cet objet. Mais dès 1569, elle leur était enlevée par un arrêt du Parlement en faveur d’un frère de Louis Guibour, qui, en vertu des provisions qu’il avait reçues de cette prébende, avait poursuivi le maire et les échevins. Ceux-ci ne se découragèrent point cependant. Ils savaient que le revenu de la maladrerie de Saint-Lazare dépassait ses besoins, les lépreux n’y étant plus qu’en très petit nombre ils se firent accorder par le roi en 1575 une rente de 300 livres sur ce revenu. C’est ainsi qu’un principal, Nicolas Charrier, prêtre et maître ès-arts de l’Université de Paris, fut enfin appelé à la direction des «grandes écoles d’Etampes». Il avait la charge d’instruire et faire instruire les enfants d’Etampes et des environs «ès bonnes mœurs et vie suivant l’institution de l’Eglise catholique, en la connaissance des lettres et A B C, lire, écrire, jeter comptes tant au jet qu’à la plume, en la grammaire et les premiers rudiments de la langue latine et lettres humaines». Le principal était assisté de deux régents, qu’il devait loger et entretenir sur les trois cents livres de revenu, et, en outre, il était tenu de loger, nourrir et instruire gratuitement deux enfants pauvres, appelés déjà boursiers, qui étaient chargés de nettoyer les classes et de «faire autre service honnête sans être distrait de leur étude». Le collège semble avoir bien fonctionné pendant une cinquantaine d’années, puisqu’il comptait plus de cent élèves en 1626. Mais le désordre y fut alors introduit par un principal incapable, presque toujours absent, Claude Vuaflard, et dès 1628, il n’y avait plus que douze élèves. Vuaflard fut révoqué par le maire et les échevins, auxquels le bailli, puis, le Parlement donnèrent raison. Mais ils rencontrèrent encore des difficultés avec un nouveau principal et c’est alors qu’ayant reçu dans l’intervalle une somme de 8.000 livres léguée au collège par le lieutenant général du bailliage, Jacques Petau, ils firent appel aux Pères barnabites, établis depuis peu à Montargis. Leur administration, qui devait durer plus d’un siècle, ne s’écoula pas sans nuages, contrairement à ce qu’on eût pu espérer. Ils ne tinrent pas l’engagement qu’ils avaient pris, pour satisfaire aux clauses du testament de Jacques Petau, de construire un nouveau bâtiment et laissèrent l’ancien tomber en ruines. Ils ne résidèrent pas au Collège, mais dans l’hôpital Saint-Antoine, qui ne leur avait été donné qu’en attendant l’édification du nouveau bâtiment et d’une chapelle. Enfin, leur enseignement laissait tant à désirer qu’un mémoire dressé contre eux par le maire et les échevins signale, entre autres griefs, que «c’est un hasard quand quelqu’un des pensionnaires apprend le latin» et qu’un des régents est un Suisse «qui a toutes les peines du monde à s’exprimer en français». En dépit de nombreux mémoires semblables causés par «l’état affreux du collège» et consécutifs aux plaintes réitérées des habitants, les barnabites furent maintenus à la direction du collège jusqu’en 1779, après quoi ils ne demeurèrent qu’en petit nombre à Etampes.
     Parmi les améliorations qui furent apportées à notre ville au XVIe siècle, il faut compter encore l’organisation de la police les ravages des pillards et des assassins s’ajoutaient, en effet, à ceux des gens de guerre et il devenait urgent de «purger» toute la région. Un prévôt des maréchaux et un lieutenant criminel assisté d’un lieutenant, d’un greffier et d’abord de quatre, puis de six archers, en furent chargés. En 1563, Étampes était devenue le centre d’une maréchaussée, qu’elle conserva après la répression des désordres.


     Parmi les améliorations qui furent apportées à notre ville au XVI’ siècle, il faut compter encore l’organisation de la police les ravages des pillards et des assassins s’ajoutaient, en effet, à ceux des gens de guerre et il devenait urgent de «purger» toute la région. Un prévôt des maréchaux et un lieutenant criminel assisté d’un lieutenant, d’un greffier et d’abord de quatre, puis de six archers, en furent chargés. En 1563, Etampes était devenue le centre d’une maréchaussée, qu’elle conserva après la répression des désordres.
     A la même époque, les habitants d’Étampes, désireux d’épargner aux jeunes gens les dangers de l’oisiveté et «l’occasion d’aller fréquenter les tavernes et jeux scandaleux», obtinrent du roi Henri II l’autorisation d’organiser des jeux d’arbalète et d’arquebuse, avec un concours et l’exemption d’impôts durant un an pour [p.36] les vainqueurs. Le concours eut lieu chaque année le 1er mai sur une place d’Étampes celui qui abattait le «papegaut», l’oiseau de bois monté sur un mât, du trait de son arbalète, était proclamé roi des arbalétriers, et celui qui triomphait de même en tirant à l’arquebuse, roi des arquebusiers. L’un et l’autre recevaient un mouton d’or ou quarante sols tournois. L’hôtel de l’Arquebuse, où se faisaient les exercices, longtemps situé rue Saint-Jacques, fut transféré au XVIIIe siècle sur le Port, à l’emplacement du casino actuel; il était alors le siège d’une compagnie nombreuse de chevaliers, au somptueux costume, dont un portrait conservé au musée d’Étampes nous donne quelque idée. Ils se réunirent pour la dernière fois le 15 août 1790 et firent la remise de leurs drapeaux, qui furent suspendus à la voûte de Notre-Dame.


     A la même époque, les habitants d’Etampes, désireux d’épargner aux jeunes gens les dangers de l’oisiveté et «l’occasion d’aller fréquenter les tavernes et jeux scandaleux», obtinrent du roi Henri II l’autorisation d’organiser des jeux d’arbalète et d’arquebuse, avec un concours et l’exemption d’impôts durant un an pour les vainqueurs. Le concours eut lieu chaque année le 1er mai sur une place d’Etampes: celui qui abattait le «papegaut», l’oiseau de bois monté sur un mât, du trait de son arbalète, était proclamé roi des arbalétriers, et celui qui triomphait de même en tirant à l’arquebuse, roi des arquebusiers. L’un et l’autre recevaient un mouton d’or ou quarante sols tournois. L’hôtel de l’Arquebuse, où se faisaient les exercices, longtemps situé rue Saint-Jacques, fut transféré au XVIIIe siècle sur le Port, à l’emplacement du casino actuel; il était alors le siège d’une compagnie nombreuse de chevaliers, au somptueux costume, dont un portrait conservé au musée d’Etampes nous donne quelque idée. Ils se réunirent pour la dernière fois le 15 août 1790 et firent la remise de leurs drapeaux, qui furent suspendus à la voûte de Notre-Dame.
     Enfin, c’est encore au XVIe siècle, en 1556, que fut rédigée «la coutume d’Étampes» c’est-à-dire l’ensemble des usages locaux en matière de droit, grâce à laquelle les jugements pourraient s’inspirer des mœurs et des traditions du lieu. Jusqu’alors, on suivait la coutume de Paris qui avait été rédigée en 1510. A cet effet, les trois états du bailliage furent convoqués à l’auditoire d’Étampes et les officiers royaux établirent des cahiers préparatoires, qui furent ensuite discutés en la présence de Christophe de Thou, premier président au Parlement de Paris et de deux conseillers. La rédaction fut publiée dès 1557. Le procès-verbal de cette réunion des trois ordres est un document précieux par les noms et l’état des personnes qu’il nous fait connaître à cette date.


     Enfin, c’est encore au XVIe siècle, en 1556, que fut rédigée «la coutume d’Etampes», c’est-à-dire l’ensemble des usages locaux en matière de droit, grâce à laquelle les jugements pourraient s’inspirer des mœurs et des traditions du lieu. Jusqu’alors, on suivait la coutume de Paris qui avait été rédigée en 1510. A cet effet les trois états du bailliage furent convoqués à l’auditoire d’Etampes et les officiers royaux établirent des cahiers préparatoires, qui furent ensuite discutés en la présence de Christophe de Thou, premier président au Parlement de Paris et de deux conseillers. La rédaction fut publiée en 1557. Le procès-verbal de cette réunion des trois ordres est un document précieux par les noms et l’état des personnes qu’il nous fait connaître à cette date.

     Cet examen des travaux et des progrès réalisés dans notre ville au cours de ce siècle nous montre qu’elle était assez sagement administrée, aussi bien par les officiers royaux que par la municipalité, comme l’avait voulu le prudent Louis XII. La municipalité eut, en effet, le bon sens d’accepter sa subordination, au lieu d’engager de stériles querelles, et l’habileté de se rendre presque toujours favorables les fonctionnaires du roi et ainsi le roi lui-même. Elle n’en fut ni moins vigilante, ni moins dévouée aux intérêts de la cité et c’est ainsi que peu à peu son rôle grandit. Elle ne réussit pas, cependant, à faire d’Étampes une ville heureuse, comme le montre trop bien le triste ensemble des plaintes, des suppliques des requêtes, des procès. Mais cela tenait à deux causes indépendantes de sa volonté, qui réagirent constamment l’une sur l’autre, et non pas seulement dans la période que nous venons de considérer: d’abord la fréquence des guerres, civiles ou étrangères, puis, le déplorable état des finances, entretenu précisément par les frais de guerre. Les institutions financières présentaient à Étampes la même complexité que dans les autres villes du royaume et nous n’entreprendrons pas de les exposer ici. On sait que les impôts, qu’ils fussent le cens, les aides, la taille ou la gabelle accablaient [p.37] tous les non-privilégiés d’un véritable fardeau, encore aggravé par le détestable système de l’affermage des taxes à percevoir et par les malversations des receveurs. Notre région constituait «l’élection d’Étampes», en tant que circonscription financière, vieille dénomination conservée du temps oit le peuple choisissait les hommes, dits «élus», qui levaient ensuite les impôts sur un ordre du roi. Elle fut spécialement atteinte par ces abus et ces charges, pour diverses raisons: sa réputation de contrée riche, en dépit de sa faible étendue, l’impôt étant arbitrairement réparti, le grand nombre de ses habitants exemptés de taxes et en fin, les ruines qu’y avaient accumulées tantôt les guerres, dont elle fut si longtemps le théâtre même, tantôt le passage dévastateur des troupes et des pillards. [p.38]


     Cet examen des travaux et des progrès réalisés dans notre ville au cours de ce siècle nous montre qu’elle était assez sagement administrée, aussi bien par les officiers royaux que par la municipalité, comme l’avait voulu le prudent Louis XII. La municipalité eut, en effet, le bon sens d’accepter sa subordination, au lieu d’engager de stériles querelles, et l’habileté de se rendre presque toujours favorables les fonctionnaires du roi et ainsi le roi lui-même. Elle n’en fut ni moins vigilante, ni moins dévouée aux intérêts de la cité et c’est ainsi que peu à peu son rôle grandit. Elle ne réussit pas, cependant, à faire d’Etampes une ville heureuse, comme le montre trop bien le triste ensemble des plaintes, des suppliques, des requêtes, des procès. Mais cela tenait à deux causes indépendantes de sa volonté, qui réagirent constamment l’une sur l’autre, et non pas seulement dans la période que nous venons de considérer: d’abord la fréquence des guerres, civiles ou étrangères, puis, le déplorable état des finances, entretenu précisément par les frais de guerre. Les institutions financières présentaient à Etampes la même complexité que dans les autres villes du royaume et nous n’entreprendrons pas de les exposer ici. On sait que les impôts, qu’ils fussent le cens, les aides, la taille ou la gabelle accablaient tous les non-privilégiés d’un véritable fardeau, encore aggravé par le détestable système de l’affermage des taxes à percevoir et par les malversations des receveurs. Notre région constituait «l’élection d’Etampes», en tant que circonscription financière, vieille dénomination conservée du temps où le peuple choisissait les hommes, dits «élus», qui levaient ensuite les impôts sur un ordre du roi. Elle fut spécialement atteinte par ces abus et ces charges, pour diverses raisons sa réputation de contrée riche, en dépit de sa faible étendue, l’impôt étant arbitrairement réparti, le grand nombre de ses habitants exemptés de taxes et enfin, les ruines qu’y avaient accumulées tantôt les guerres, dont elle fut si longtemps le théâtre même, tantôt le passage dévastateur des troupes et des pillards.

Édition de 1938, pp. 23-37.



Édition de 1964, pp. 27-30.

BIBLIOGRAPHIE

Éditions

Le Comte de Saint-Périer (Emile Bouneau, 1951) Couverture de l'édition séparée de La grande histoire d'une petite ville par le Comte de Saint-Périer (1938)     Édition princeps: René de SAINT-PÉRIER, La grande histoire d’une petite ville: Étampes [in-4° (16 cm sur 25); 143 p.; 8 gravures sur bois originales in-texto de Jules Lepoint-Duclos; 16 planches hors-texte dont deux croquis et 14 photographies originales de Jules Lepoint-Duclos; ouvrage couronne par l’Institut], Étampes, Édition du Centenaire de la Caisse d’Épargne (1838-1938), 1938 [AME, ADE]. Dont une réédition remaniée posthume à partir de 1964 dans le Bulletin Municipal d’Étampes.

     Réédition partielle corrigée et augmentée: Raymonde-Suzanne de SAINT-PÉRIER [éd.] & René de SAINT-PÉRIER [†1950], «La grande histoire d’une petite ville: Étampes» [réédition mise à jour publiée en feuilleton], in Étampes. Bulletin Officiel Minicipal 2 (janvier 1964), pp. 20-30; 3 (2e semestre 1964), pp. 24-29; 4 (hiver 1964-1965), pp. 25-31; 5 (janvier 1966), pp. 13-16; 6 (septembre 1967), pp. 13-15; 7 (2e semestre 1967), pp. 9-11; 10 (1er semestre 1969), pp. 17-19 [AME, ADE].


    
Réédition en fac-similé du texte de 1938: René de SAINT-PÉRIER, La grande histoire d’une petite ville: Étampes [20 cm; 140 p.; illustrations; reproduction en fac-similé de l’édition de 1938], Paris Le Livre d’Histoire [«Monographies des villes et villages de France»], 2004 [Cette réédition ne tient pas compte des remaniements posthumes et sa notice introductive est un plagiat de notre page bibliographique.]

     Édition électronique des seules gravures sur bois de Jules Lepoint-Duclos: Bernard GINESTE [éd.], «Jules Lepoint-Duclos: Monuments étampois (gravures sur bois, 1938)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-lepointduclos1938huitgravures.html, 2004.

     Édition électronique des seules photographies de Jules Lepoint-Duclos: Bernard GINESTE [éd.], «Jules Lepoint-Duclos: Monuments étampois (photographies, 1938)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-lepointduclos1938photographies.html, 2004.

    
Édition électronique intégrale: Bernard GINESTE [éd.], «René de Saint-Périer: Grande histoire d’une petite ville, Étampes (1957-1969)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-saintperier1938grandehistoire.html (9 pages web), 2005.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «René de Saint-Périer: Étampes, la Renaissance (1957-1969)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-saintperier1938grandehistoire02.html, 2005.

Sur le Comte de Saint-Périer

     Adrien GAIGNON, «Le Comte de Poilloüe de Saint-Périer» [notice nécrologique], in Bulletin de l’Association Les Amis d’Étampes et de sa région 7 (janvier 1951), pp. 117-119 [AME, ADE].
     Réédition partielle: BILLARD 1984, pp. 115-118.
     Réédition
numérique intégrale: Bernard GINESTE [éd.], «Adrien Gaignon: Le Comte de Poilloüe de Saint-Périer (nécrologie, 1951)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cpe-20-saintperier-gaignon1.html, 2004].

     Émile BOUNEAU, «Dernier portrait du comte de Saint-Périer (juillet
1950)», in Bulletin de l’Association Les Amis d’Étampes et de sa région 7 (1951), p. 120 [dont l’image au début de la présente page].

     Pour une bibliographie plus complète et évolutive: Bernard GINESTE [éd.], «Le Comte de Saint-Périer et son épouse: une bibliographie», in Corpus Étampois,http://www.corpusetampois.com/cbe-saint-perier.html, 2003.

Documents mis en ligne par le Corpus Étampois relatifs à cette période

     Le seizième siècle étampois (liste des documents et études mis en ligne sur le site du Corpus Étampois), http://www.corpusetampois.com/index-16esiecle.html, depuis 2009.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: L’édition de 1938 et ses remaniements posthumes édités par la Comtesse. Saisie et mise en page de Bernard Gineste, 2005.
    
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