I. Les origines et le Moyen Age
(édition de 1938)
Situation favorable et fertilité
du sol. — Stampae. — Campements préhistoriques et stations gallo-romaines.
— La ville mérovingienne. — Première bataille à Étampes. —
Premières destructions.
— Relèvement et fondations nouvelles.
— Vieille ville, ville forte et ville-marché. La malheureuse
Ingeburge. — Étampes apanage et comté.
— Les ravages de la Guerre de Cent ans.
— Un fastueux comte d’Étampes, Jean
de Berry. — La guerre civile.
A mi-chemin entre Paris et Orléans, la ville d’Étampes
s’étend sur la grande route qui relie ces deux villes et qui
fut la route des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle,
autour de trois rivières, divisées elles-mêmes
en de nombreux bras, au pied du grand plateau de Beauce. Son territoire
confine aux anciens pays de Chartres, d’Orléans, du Hurepoix
et du Gâtinais, de longtemps riches et peuplés. Le sol
en est très fertile, on y a cultivé dès une haute
époque le blé dans la plaine, la vigne sur les pentes des
collines et plus tard, les plantes maraîchères dans la vallée.
La rivière de Juine, alors navigable, offrait ainsi une communication
directe avec Paris par l’Essonne et la Seine. Ces diverses conditions
particulièrement favorables à la vie sociale ont déterminé
sans doute la fondation en ce lieu de la première bourgade, entraîné
son développement dès ses débuts et lui valurent
peut-être son nom. L’étymologie du
nom d’Étampes, que portent quatre localités françaises,
demeure, en effet, incertaine; mais, entre les diverses hypothèses
dont elle a fait l’objet, l’une des plus satisfaisantes la rattache au
bas latin stapula, dérivé du mot germanique stapel,
amas, d’où entrepôt, place publique, que l’on retrouve modifié
sous la forme [p.10] Stampae,
dans les plus anciens textes. Lieu de réunion sur un pas sage
fréquenté, où l’on assemble les marchandises
venues par route et par eau, telle est l’origine vraisemblable de notre
ville; mais nous n’avons aucune preuve de son existence, en tant que
cité, avant le VIe siècle de notre ère. Aux âges préhistoriques, son emplacement
n’a pas été occupé par des groupements humains.
Non loin d’Étampes, nous avons bien relevé la trace de
campements remontant à l’époque paléolithique,
mais ces témoins sont fort peu nombreux et n’indiquent pas une
occupation de quelque importance. II en est de même pour l’âge
de la pierre polie, pour les âges du bronze et du fer. On connaît
des stations de ces époques aux environs d’Étampes, mais
leur dispersion et leur faible densité ne permettent pas de les
considérer comme un ancien centre d’habitation.
A l’époque gallo-romaine, notre région, comprise
dans le pays des Senones, près de la frontière des
Carnutes, était traversée par des voies importantes, notamment
celle de Lutetia à Genabum, c’est-à-dire
de Paris à Gien, Orléans ou Châteauneuf-sur-Loire,
car la position de Genabum donne encore lieu à de nombreuses
controverses. Dans l’itinéraire d’Antonin, cette voie passe
à Salioclita, que l’on a voulu à tort identifier
avec Étampes et qui doit être Saclas, à 10 kilomètres
au sud, ou l’on reconnaît encore le dallage de la voie antique.
Mais cette route ne semble pas avoir traversé l’emplacement
actuel d’Étampes; elle passait au nord de la ville, au lieu dit
Brunehaut, où l’on a retrouvé des monnaies, une statuette
de Mercure en bronze, des substructions et un Priape en pierre, qui témoignent
d’établissements romains en ce point; quelques autres découvertes
isolées dans les environs d’Étampes prouvent que la région
était fréquentée, mais sans qu’une ville fût
encore établie aux bords de la Juine.
Ce sont les divisions entre les rois mérovingiens, successeurs
de Clovis, et les guerres si fréquentes entre ces chefs de
bandes encore à demi barbares, qui nous apportent la première
mention historique de l’existence d’Étampes à cette
époque. Grégoire de Tours nous dit, en effet, dans sa
précieuse Historia, qu’en 587, une transaction passée
entre Childebert, roi d’Austrasie, et son oncle Gontran, roi de Bourgogne,
attribuait à Gontran une partie de Paris, Châteaudun, Vendôme
et le territoire d’Étampes Pagus Stampensis.
Peu après, suivant
le même chroniqueur, Étampes était ravagée
par les troupes du roi Childebert, puis, en 612, Clotaire, roi de Neustrie,
et Thierry, roi d’Austrasie, se livrent une sanglante bataille sous les
murs mêmes d’Étampes. Un récit de Frédégaire
précise que la lutte eut lieu à Stampas per
fluvium Loa, ce qui correspond au débouché de la vallée
de la Louette. Plusieurs noms de lieux dits aux alentours de cet emplacement,
la Croix de Vaux-Mille-Cent ou Vomit-le-Sang, [p.11] le Meurger de la Bataille,
le Champ des Morts, montrent que le souvenir et le lieu
même de ce combat n’ont pas été oubliés.
Il est vrai qu’aucune découverte d’armes n’est venue confirmer
cette tradition, mais l’emplacement des anciennes batailles, si singulier
que cela puisse paraître, est le plus souvent très difficile
à déterminer. En effet, les corps n’étaient
inhumés qu’après avoir été entièrement
dépouillés de leurs armes et les squelettes que l’on
pourrait découvrir, n’étant accompagnés d’aucun
mobilier funéraire, ne peuvent être datés.
Ces mentions d’Étampes, si modestes qu’elles soient, nous
font connaître, outre son existence certaine au VIe siècle,
l’emplacement de la première bourgade qui porta ce nom c’est
celui du quartier Saint-Martin actuel. La tradition attribue la fondation
de l’église Saint-Martin au roi Clovis: aucun texte ne le confirme,
mais ce vocable indique, en général, une origine ancienne
et il fut sans doute appliqué à la première
église d’Étampes.
Une autre tradition rapporte que des religieux bénédictins
seraient venus de l’abbaye de Fleury-sur-Loire, vers le milieu
du VIIIe siècle, bâtir, en dehors de la ville, une
église et un monastère dédiés à
Saint-Pierre. Quelques restes de murs qui présentent le vieux
mode de construction dit opus spicatum confirment l’origine
mérovingienne de ces édifices, dont notre faubourg actuel
conserve encore le nom.
Si les documents nous manquent au sujet de ces fondations, comme
les traces matérielles de la bataille d’Étampes en 612,
nous ignorons également si la reine Brunehaut, comme le veut une
autre tradition locale, vécut à Étampes et si elle
subit, près de la ville, dans la vallée de Brières,
l’affreux supplice qui lui fut infligé par le fils de sa rivale
Frédégonde. Son mari Sigebert eut bien Étampes
dans son domaine, mais rien ne prouve que sa veuve y fit sa résidence.
Le nom de Brunehaut ayant été conservé dans tout
le nord de la France, sous la forme de «chaussée ou chemin
Brunehaut» pour désigner d’anciennes voies romaines qui
furent réparées et améliorées sur les ordres
de cette reine d’Austrasie, il serait imprudent d’affirmer que Brunehaut
elle-même vécut au lieu qui porte encore son nom près
d’Étampes. Nous avons dit déjà que les vestiges
antiques trouvés en ce point sont gallo-romains et non pas mérovingiens.
Des rapports de ces rois de la première race avec Étampes,
il nous reste donc peu de chose. Les Carolingiens n’ont pas laissé
non plus d’actes importants de leur règne où figure
notre ville. Nous savons seulement que, dans le partage qui suivit
la mort de Charlemagne, Étampes fut attribué à
Louis le Débonnaire, puis à son fils, Charles le Chauve,
et que l’un et l’autre de ces princes donnèrent à des
monastères, en particulier à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, [p.12] à Paris, et à
un «fidèle sujet», des terres aux environs d’Étampes.
Mais après ces règnes pendant lesquels le calme régnait
sans doute à Étampes, puisque les monastères
y pouvaient recevoir des donations, les invasions normandes vinrent
apporter de nouveaux désordres. Rollon lui-même, au dire
du chroniqueur Guillaume de Jumièges, entra dans Étampes,
détruisit la ville, emmena comme prisonniers un grand nombre
de ses habitants. Il est probable, bien que nous n’ayons pas d’autres
détails sur ces événements, que les monuments d’Étampes
furent alors démolis, puisque nous n’avons malheureusement aucun
fragment d’architecture de cette haute époque, car rien ne demeurait
derrière le passage des Normands. Et, pendant près de
cent ans, les chroniques ne parlent plus d’Étampes.
Mais
les premiers rois capétiens devaient relever notre ville
et lui donner une importance et même un lustre qu’elle n’avait
jamais encore connus et qu’elle ne retrouvera plus aux époques
modernes. Issus des ducs d’entre Seine et Loire, vassaux révoltés
contre l’autorité défaillante des derniers Carolingiens,
ces rois ne possédaient lors de leur ascension à la
dignité royale qu’un bien petit domaine. Rois d’Ile de France,
plutôt que de France, ils s’appuyaient sur Dourdan et sur Étampes
pour lutter contre leurs puissants voisins et affermir leur domination.
Étampes leur demeura toujours fidèle et ne cessa pas de
faire partie du domaine royal. Dans le cours des siècles, lorsque
les descendants de Hugues le Grand, père de Hugues Capet, qui
possédait déjà Étampes au Xe siècle,
eurent agrandi leur domaine et constitué la France de nos jours,
notre ville devint un apanage accordé tantôt à des
princes du sang, tantôt à de fidèles vassaux ou à
des favorites du roi, mais revenant toujours à la couronne, dont
elle était un des plus beaux fleurons.
Dès le règne de Robert le Pieux (970-1031), les chroniques
citent Étampes comme l’un des séjours fréquents
et préférés de ce prince. C’est lui qui aurait
fait édifier, sur le bord septentrional du plateau, une forteresse
dont la tour de Guinette marque l’emplacement, mais non pas un vestige
de cette haute époque, puisque sa construction ne peut être
datée que du milieu du XIIe siècle. En outre, la troisième
femme du roi Robert, Constance, fit construire, pour leur résidence,
un palais dit du Séjour ou des Quatre-Tours, à cause
des tourelles d’angle, qui subsistaient encore au XVIIe siècle.
Il comprenait de nombreux bâtiments, des écuries, un oratoire,
et des jardins, qui occupaient le lieu actuel du tribunal et le terrain
compris entre la rue de la Juiverie et la rue de la Roche-Plate. Autour
du château fort et du palais, une nouvelle ville se constitua,
que les documents du xIe siècle désignent sous le nom de
Stampae castrum ou Stampae novae: Étampes-le-Châtel
ou Étampes-les-Nouvelles. Cette dernière appellation
confirme que la plus ancienne ville, Étampes-les-Vieilles, [p.13] fondée vers le VIe
siècle, ne s’étendait pas là. Nous avons vu qu’elle
s’était établie plus au sud et que sans doute la première
église de cette petite cité mérovingienne avait été
dédiée à Saint-Martin. Mais la nouvelle ville en était
trop éloignée pour que le roi qui avait assuré sa défense
par des fortifications et pourvu à l’agrément de sa propre résidence ne songeât
pas à y fonder des églises. Ailleurs déjà, Robert
le Pieux avait encouragé le grand élan religieux suscité
à la fois par les approches de l’an 1000, qui, dans l’esprit des
peuples devait amener la fin du monde, et par la coïncidence des calamités,
famines, épidémies, brigandages, qui marquèrent les
dernières années du Xe siècle. Selon le joli mot de
l’humble moine chroniqueur, le monde se parait alors «d’une blanche
robe d’églises neuves». Dans le nouvel Étampes, le roi
fit édifier Notre-Dame, sur les ruines d’une chapelle, et Saint-Basile
au pied de la forteresse. Pour donner plus de lustre à l’une de ses
nouvelles églises, il fit apporter à Notre-Dame des reliques
qu’il avait obtenues du pape Benoit VIII, sans doute lors de son voyage en
Italie en 1020. C’est ainsi que les trois martyrs, Can, Cantien et Cantienne,
deux frères et leur sœur, morts pour leur foi, à Aquilée,
en Vénétie, au 11 siècle, devinrent les patrons d’Étampes.
Ces reliques furent l’objet pendant des siècles d’une grande vénération;
elles attirèrent à Étampes, pour la fête
des «corps saints», le 31 mai, pour les processions dans
la ville, à Pâques et à la Pentecôte, et
lors des grandes sécheresses ou des disettes, une foule de fidèles
et de curieux qui contribuèrent jadis à sa prospérité.
Le cimetière commun aux deux paroisses de Notre-Dame et de
Saint-Basile, dit le Grand Cimetière, fut établi hors
des murs, dans le hameau de Bédégond, qui s’étendait
entre le faubourg Saint-Jacques et le faubourg Évezard. Le roi
Philippe Ier fit don de ce hameau aux chanoines de Notre-Dame pour qu’ils
élèvent une chapelle dans le cimetière. Elle fut
construite le long de la rue actuelle qui a pris son nom Saint-Jacques-de-Bédégond.
Le petit bâtiment, orné d’une jolie porte du XVe siècle,
qui est aujourd’hui non loin de là, du côté
du Port, ne représente pas un reste de cette chapelle du XIIe
siècle, puisqu’elle fut détruite au moment de la Fronde.
C’est encore sous le règne des premiers rois capétiens,
sans doute dès Robert le Pieux, que les eaux de la Louette
et de la Chalouette, qui serpentaient auparavant dans la partie la
plus déclive de la vallée, furent canalisées dans
la ville en formation. Ce canal, qui passe toujours derrière
les maisons des rues basses, devait servir non seulement aux usages ordinaires,
mais permettre l’établissement des moulins à farine
et favoriser l’industrie des foulons.
Ainsi, vers le milieu du XIe siècle, Étampes se composait
de deux villes, l’une, ouverte, ancienne et de quelque importance
puisque des actes de Philippe Ier (1060-1108) nous apprennent qu’elle
ne comprenait pas moins de trois églises, Saint-Martin, Saint-Alban [p.14] et Saint-Mard, l’autre,
véritable place forte, comme nous le confirme la légende
d’une monnaie de Philippe Ier frappée à Étampes,
Castellum Stampis, à la fois ville militaire
et résidence royale, qui avait pris, de ce fait, un rapide
développement. Entre les deux agglomérations, s’étendait
un vaste espace inhabité, qui le demeura seulement jusqu’au
jour où le roi Louis VI eut l’idée d’y établir
un marché, en 1123. Il accordait en même temps des privilèges
aux marchands pour assurer leur sécurité et faciliter
le transport et la vente de leurs marchandises. En outre, il cherche
à donner une rapide activité à ce nouveau marché
en peuplant ses abords. Pour cela, il y attire des hôtes,
c’est-à-dire des sujets presque entièrement affranchis
du servage, auxquels il concède une maison et quelques arpents de
terre, avec l’exemption de l’impôt de la taille et du service de
guerre pour dix ans et la réduction du taux des amendes et du droit
de mesurage des grains, le minage, qui était dû au
roi. Cette politique, qui accentuait celle de ses prédécesseurs,
intéressée, sans doute, les rois ayant besoin des ressources
et de l’appui que leur offrait Étampes, mais évidemment
favorable à son développement, donna des résultats
rapides. Une vraie ville ne tarda pas à se constituer comme un
trait d’union entre les deux autres, autour du marché et d’une
nouvelle église, bientôt édifiée, Saint-Gilles.
D’autre part, Louis VI prend Étampes comme base stratégique
dans sa lutte contre ses redoutables vassaux, Hugues du Puiset, le
sire de Montlhéry, les comtes de Corbeil, de la Ferté-Alais,
de Rochefort. Plusieurs conciles s’y tiennent et celui de 1130, qui réunit
à Étampes tous les prélats du royaume, y confirme
l’élection d’un pape, Innocent II. Les fondations se multiplient
et les monuments s’élèvent ou s’agrandissent: la maladrerie
de Saint-Lazare, l’hospice de Saint-Jean, l’Hôtel-Dieu, le couvent
des Mathurins.
Le
roi Louis VII, dès son avènement, s’engage à
ne pas altérer durant tout son règne la monnaie frappée
à Étampes; il encourage par plusieurs ordonnances les
divers métiers, le commerce du vin et de la boucherie; il
s’efforce d’enrayer les abus des duels judiciaires, d’adoucir le sort
des vilains en les autorisant à acheter des terres. En 1147,
il institue la foire de la Saint-Michel en abandonnant ses droits de
marché à la léproserie de Saint-Lazare, près
de laquelle la foire devait se tenir. Comme son père, il apporte
aussi tous ses soins au remaniement et à l’extension de la forteresse
dont le donjon — notre tour de Guinette — dut être achevé
vers 1150. Ces diverses mesures nous apportent de précieuses indications
sur le développement qu’avait pris notre ville. Nous savons ainsi
qu’il y avait à Étampes, en 1179, de nombreux moulins,
des bouchers, des mégissiers, des ciriers, des vendeurs d’arc;
le défrichement des terres et la production agricole ne cessaient
de croître, avec le nombre des habitants. A la fin du XIIe siècle,
Étampes avait pris à peu près son étendue [p.15] actuelle, ajoutant la
prospérité commerciale à l’importance de ses ouvrages
militaires.
Philippe-Auguste, qui l’appelle «une de ses meilleures villes»,
fonde une nouvelle et grande église, Sainte-Croix, dotée
d’un chapitre, à l’emplacement de la synagogue — rue de la
Juiverie — dont l’expulsion des Juifs hors du royaume, en 1182, avait
entraîné la destruction. Ce roi montre encore l’intérêt
qu’il porte aux habitants d’Étampes en octroyant aux foulons
ou tisserands d’importants privilèges, qui favorisent en même
temps les producteurs de laine de la région, puis, en faisant
construire place Dauphine un grand bâtiment, qui comprenait au
rez-de-chaussée une halle pour les bouchers, avec de nouveaux étaux,
et peut-être aussi une dépendance, de l’autre côté
de la rue sur la rivière, des règlements rédigés
bien plus tard, mais qui peuvent avoir été imposés
dès lors, obligeant à tuer les animaux «sur les
rivières et non en les maisons». De ce fait, d’ailleurs,
le roi touchait directement des droits, ce qui n’était pas négligeable;
en même temps son autorité en était assurée
et la ville y gagnait quelque avantage. Au-dessus de la halle, une vaste
salle fut aménagée pour les «plaids», c’est-à-dire
le tribunal civil, dont les audiences se tinrent là jusqu’au
début du XVIe siècle.
Une question qui demeure obscure à cette époque est
celle de l’administration municipale. Le droit de commune, accordé
par Louis VI à bien d’autres villes, n’est l’objet d’aucune
des chartes qui subsistent en faveur de la nôtre. Elle dut
cependant l’obtenir puisqu’un acte de 1188, qui fut d’ailleurs ignoré
des premiers historiens d’Étampes, nous apprend qu’elle avait
un maire. Mais, dès 1199, les franchises communales lui sont
enlevées, par Philippe-Auguste, en raison des abus commis au
détriment des intérêts de l’Église et des
seigneurs, que le roi avait à ménager. Elles lui seront
restituées au XIIIe siècle et la ville, au surplus,
ne semble pas y avoir perdu ses avantages, qu’elle tenait avant tout du
roi.
La vie privée de Philippe-Auguste le rattache au moins autant
à Étampes que ses actes publics. Il avait épousé
en secondes noces une princesse venue d’un pays lointain, comme son
aïeul Henri Ier qui avait pris alliance dans la maison des ducs
de Kiev, en Russie. Philippe-Auguste avait demandé et obtenu
la main d’Ingeburge, fille de Waldemar, roi de Danemark, et la jeune
fille avait reçu en France un accueil triomphal que justifiaient
sa beauté et sa bonne grâce, encore qu’elle ignorât
notre langue. Le mariage fut célébré à
Amiens, la veille de l’Assomption, en l’an 1193. Que se passa-t-il
entre les époux ? Nul ne le saura jamais. Toujours est-il que
le lendemain des noces, le roi, saisi d’une étrange aversion
pour sa femme, déclara qu’il la répudierait. Aussitôt,
en effet, il commença des démarches pour obtenir l’annulation
de son mariage, invoquant une parenté d’Ingeburge tantôt
avec sa première femme, Isabeau de
[p.16] Hainaut, tantôt avec sa trisaïeule,
Anne de Russie. Ces parentés, qui constituaient alors des obstacles
au mariage, étaient établies sur de faux actes généalogiques,
mais sous la pression du roi, une assemblée des évêques
de France prononça le divorce. La malheureuse reine refusa
cependant de quitter la France et chercha d’abord asile en divers monastères,
réduite même, dit-on, à demander l’aumône,
tandis que Philippe-Auguste se hâtait d’épouser une autre
princesse étrangère, Agnès de Méranie.
Mais le pape ayant d’abord cassé la sentence du divorce et ce
nouveau mariage, puis, jeté l’interdit sur tout le royaume, le
roi fit enfermer Ingeburge dans le donjon d’Étampes, où
elle devait demeurer des années prisonnière. Elle ne recouvra
véritablement sa liberté et ses prérogatives d’épouse
et de reine qu’en 1213, après maintes vicissitudes, des retours
du roi vers elle sans lendemain et suivis de nouvelles périodes
de captivité. Mais les durs effets de l’excommunication, qui menaçait
de ruine à cette époque un pays tout entier, la réprobation
de plus en plus vive du clergé et du peuple, sans doute aussi
la mort d’Agnès de Méranie, amenèrent enfin le roi
à se soumettre définitivement. Bien des points de cette
lutte singulière demeurent obscurs d’ailleurs, les textes étant
souvent en désaccord sur ce sujet. Nous citerons cependant une
mention manuscrite peu connue, retrouvée sur le psautier d’Ingeburge,
qui met comme un terme à cette dramatique histoire, en donnant
à penser que la malheureuse reine avait pardonné au roi
sa longue injure et conservé du dévouement pour ses intérêts
et ceux de la France. Elle a fait écrire, en effet, sur le calendrier
de son psautier à la date de la victoire de Bouvines, le 27 juillet
1214, cette courte note: Sexto kalendas augusti, anno Domini M°
CC° quarto decimo, veinqui Phelippe, li rois de France, en bataille,
le roi Othon et le conte de Flandres et le conte de Boloigrie et plusors
autres barons.
C’est le petit-fils de Philippe-Auguste, Saint Louis, qui le premier
détacha provisoirement du domaine royal Étampes et
son territoire pour le donner à sa mère Blanche de Castille
en échange de son douaire en Berry qu’elle avait abandonné
à son troisième fils, Robert d’Artois, pour faciliter
son mariage. La régence de Blanche de Castille avait été
traversée de nouvelles luttes contre les vassaux de la couronne,
rebelles à l’autorité d’une femme. Mais on sait que celle-ci
était d’une vertu peu commune. Son courage eut raison de tous
les ennemis du jeune roi, auxquels, s’il faut en croire Joinville, ne
s’étaient pas joints les seigneurs du pays d’Étampes: ayant,
au contraire, averti leur souverain, ils lui permirent ainsi de triompher
à Montlhéry et de rentrer à Paris. La paix revenue,
Blanche de Castille fit construire à Étampes un monastère
et une église pour des Pères cordeliers. Les huguenots
devaient incendier ces bâtiments en 1567, ainsi que les archives
de la communauté, ce qui fit disparaître toutes les chartes
de cette fondation. Elle fut rétablie par Henri III [p.17] et détruite
encore à la Révolution, mais le souvenir du moins en subsiste
dans le nom actuel de la rue, où s’élevait sans doute
le couvent du XIIIe siècle.
Par la mort de la reine Blanche, la seigneurie d’Étampes
avait fait retour à la couronne comme il se devait et elle
fut donnée en 1272 à la veuve de Saint Louis, Marguerite
de Provence, également en échange de son douaire, au
comté du Mans, qui lui avait été repris pour
accroître l’apanage de Charles d’Anjou, le frère de Louis
IX. Cette donation n’était faite qu’à la reine et s’éteignit
avec elle. Celle que le roi Philippe le Bel accorde en 1307 à
son frère Louis d’Evreux est plus large elle ne représente
pas un simple échange et il reçoit la châtellenie
d’Étampes pour lui et ses enfants mâles et légitimes,
ce qui en fait un apanage. Une curieuse peinture murale, malheureusement
très altérée, dont on voit encore les vestiges dans
un grenier du palais de justice, l’ancien palais du Séjour, parait
bien représenter la cérémonie de cette donation
du roi Philippe IV à son frère, au dé but du XIVe
siècle. Le nouveau seigneur d’Étampes se signala par
la vente qu’il consentit en 1309 aux habitants d’Étampes et de
Brières, moyennant 2.000 livres tournois, d’une «belle garenne»
qui s’étendait alors sur toute la plaine des Sablons, jusque
près de la ville et du château. Le gibier abondait dans
cette chasse gardée, cette «garenne jurée»
comme on disait alors, et causait de si grands dégâts aux
cultures voisines que Louis d’Évreux céda aux plaintes
de ses sujets. C’est donc à cette époque que dut commencer
le défrichement des bois de la vallée d’Étampes.
A la mort de Louis, son fils aîné recevant le comté
d’Évreux, Étampes fut attribué au cadet, Charles,
de par la volonté de son père. C’est pour lui que
le roi Charles IV le Bel, son cousin, érigea en 1327 la baronnie
d’Étampes en comté, «nom plus élégant»,
dit le titre d’érection, conservé aux Archives nationales,
«et que justifient le charme du lieu, l’abondance et la richesse
de ses fruits». En dépit de ces agréments reconnus
à notre ville, les premiers comtes d’Étampes, Charles
et son fils Louis II, n’y ont pas laissé de grands souvenirs
de leur passage. Ils semblent lui avoir préféré
le séjour de Dourdan, si l’on s’en réfère du moins
au témoignage, peut-être partial, du vieil historien de
Dourdan, Delescornay. En tout cas, aucun
monument ne fut élevé par leurs soins, mais la guerre
apportait alors ses ravages qu’il fallait d’abord réparer. En
1367, des troupes anglaises parties de Troyes, sous la conduite du
prince de Galles, étaient venues jusqu’à Étampes
et Étréchy, dévastant tout sur leur passage. D’autres,
en 1370, refoulées des abords de Paris, prirent Étampes,
la saccagèrent, et poursuivirent leurs destructions à
travers toute la Beauce et jusqu’en Anjou. L’église Sainte-Croix
avait été pillée, un grand nombre des habitants
ruinés, la collégiale de Notre-Dame, qui possédait
de nombreux biens dans les pays d’alentour, si appauvrie, [p.18] qu’une partie de
ses chanoines et de ses clercs étaient réduits à
la mendicité. Pour compenser ces ruines, Louis II, comte d’Étampes
fit une importante donation de fiefs et de rentes à l’église
Notre- Dame, à condition «qu’il sera chanté tous
les jours à perpétuité, avant le soleil levé
ou environ, une messe à notes et plainchant», qui fut appelée
la Messe au Comte. D’autre part, il fit remise aux habitants
de la paroisse Saint-Gilles, contre une rente annuelle de dix livres
parisis, d’une charge singulière et fort onéreuse qu’ils
supportaient depuis plus de deux siècles, celle de fournir aux
rois, puis, aux comtes d’Etampes, lorsqu’ils séjournaient dans
la ville, tout le linge, «tant pour lits comme pour table»,
et toute la vaisselle nécessaires pour eux et leur suite.
Le troisième comte d’Étampes fut Jean, duc de Berry
et d’Auvergne, le frère de Charles V, qui dut ce titre à
une grâce spéciale du roi, car Louis II n’ayant pas d’enfants
mâles, le comté d’Étampes eût dû
revenir à la couronne, suivant les stipulations ordinaires des
apanages. Déjà Louis II l’avait irrégulièrement
cédé, avec réserve de jouissance sa vie durant,
à Louis d’Anjou, le second fils du roi Jean, mais Louis d’Anjou
étant mort avant son donateur, ses enfants transportèrent
la donation du comté d’Étampes à leur oncle,
Jean de Berry, qui sut obtenir l’assentiment du roi Charles VI, en
1384. Si le duc Jean était un homme habile, il fut aussi une puissante
personnalité et un prince magnifique. Comme son frère
Charles V, qui le premier des rois de France ne combattait pas lui-même
à la tête de ses armées, il n’aimait pas la guerre,
en un temps où ses pairs ne concevaient guère d’autre
idéal de leur activité. Instruit, curieux de tout, collectionneur
passionné de beaux manuscrits à peintures, d’objets d’art
et d’orfèvrerie, de bijoux, de curiosités de toutes sortes,
ce dilettante préférait à la politique et aux
chocs des armes les loisirs qu’il goûtait dans ses douze châteaux,
en compagnie des artistes et des lettrés. Il lui fallut cependant
choisir entre les factions qui déchiraient la France. Armagnacs
et Bourguignons se disputaient sa faveur et il inclinait tantôt
pour les uns, tantôt pour les autres. Le résultat inévitable
de cette sceptique modération fut de le rendre suspect à
tous et de le faire rejeter des deux camps. Appauvri par ses libéralités
et ses dépenses de collectionneur, malgré les sommes énormes
qu’il extorquait de ses provinces, il mourut endetté et maudit
d’une partie de ses sujets. Mais sa mémoire est chère à
bien des amateurs d’art pour ce qui demeure encore de tout ce que ses
goûts raffinés ont suscité, dans les ordres les plus
divers. Si ses innombrables bijoux et ses précieuses vaisselles
ont disparu, il nous reste les beaux monuments de Bourges et d’Auvergne,
dus aux grands architectes qu’il protégeait, les somptueux manuscrits
à peintures, comme son Livre d’Heures, et d’autres œuvres moins
connues: la Vierge charmante, en pierre blanche du [p.19] Berry, qui sourit au seuil
de la sombre église de Riom; dans notre région, une autre
statue de Vierge, donnée par lui aux célestins de Marcoussis,
d’un admirable réalisme, qui en fait un des plus intéressants
spécimens de la sculpture française du XIVe siècle.
Et nul Étampois ne devrait ignorer le nom de Jean duc de Berry,
puisque c’est à lui que nous devons la grosse cloche de Notre-Dame,
dont la voix si grave et si pure résonne, bien au-delà de
la ville, chaque jour, depuis l’an 1401.
On aurait cependant une idée incomplète de notre
comte d’Étampes si l’on ne voyait en lui que cette captivante
figure de mécène pacifique. Il offrait d’étranges
contrastes: despote et cupide au tant que libéral et généreux,
il était dénué de tout scrupule pour satisfaire
ses désirs ou même des fantaisies parfois bizarres. C’est
ainsi qu’il utilisa le donjon d’Étampes pour y séquestrer
une fillette de huit ans, Gillette la Mercière, qu’il avait
résolu de marier, malgré son jeune âge et l’opposition
légitime de ses parents, à un peintre allemand qui «besoignait»
pour lui. Furieux de la résistance qu’il rencontrait, il fit
enlever la malheureuse enfant et la retint prisonnière pendant
près d’un an. Le Parlement et le Conseil du Roi furent saisis
et le duc ne céda qu’après maintes interventions.
Le comté d’Étampes devait revenir à la couronne,
si Jean de Berry mourait sans enfants mâles, selon l’engagement
qu’il avait pris et qu’il avait fait largement payer, d’ailleurs, au
roi, par des dons à ses filles. Mais abusant de la faiblesse
de Charles VI, le duc, n’ayant pas de fils, obtint encore la grâce
de disposer de son comté, ce qu’il fit dès 1387, en faveur
de son frère Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Cette nouvelle
dérogation aux prudentes règles des apanages eut, contrairement
à la précédente, de funestes conséquences
elle allait faire le malheur de notre région pendant près
d’un siècle. Entre les mains des ducs de Bourgogne, elle devait,
en effet, être entraînée dans la guerre sans merci
que ces princes puissants, ambitieux et âpres menèrent
alors contre la couronne. Bien plus, elle eut le triste privilège
d’être un enjeu de ces luttes ni les rois, ni les ducs ne voulaient
y renoncer, marquant ainsi l’importance qu’ils attachaient à
sa possession. Mais déjà ravagée par la guerre
de Cent ans, elle sortira ruinée des guerres civiles. Philippe
de Bourgogne mourut avant son donateur, Jean de Berry. Si l’usufruit
du comté d’Étampes demeurait à ce dernier, la nue
propriété passait au fils aîné de Philippe,
Jean, dit Jean sans Peur. A ce moment, la démence du roi Charles
VI laissait libre cours à toutes les rivalités qui s’agitaient
autour de lui. Jean sans Peur, pris de haine contre le duc d’Orléans,
frère du roi, le fit assassiner dans la rue Barbette, à
Paris. Indigné de ce crime, le duc de Berry révoqua sa donation
du comté d’Étampes, et prit enfin le parti des Armagnacs,
formé autour de Charles d’Orléans, le charmant poète,
fils de la victime de Jean sans Peur, qui [p.20]
avait épousé la fille du comte
d’Armagnac. Une véritable guerre commença. Les Armagnacs
ayant rassemblé dans Étampes et la région des
troupes qui s’avançaient jusqu’à Paris et désolaient
le pays, Jean sans Peur, que soutenait le pauvre roi, vint mettre
le siège devant Étampes en 1411, avec le dauphin Louis,
duc de Guyenne. Dès la première sommation, les Étampois,
peu belliqueux, ouvrirent les portes et implorèrent la clémence
du dauphin et de ses alliés pour éviter le pillage, qui
d’ailleurs n’en eut pas moins lieu. La garnison d’Étampes était
commandée par un gentilhomme d’Auvergne, fidèle serviteur
du duc de Berry, Louis de Bosredon. Plus vaillant que les habitants de
la ville, il s’enferma dans le château avec ses troupes, s’y fortifia
et soutint une résistance désespérée,
comme il l’avait promis à son prince. Les entrées du château
ayant été forcées, une tour écroulée
par le choc d’énormes pierres que lançaient les assaillants,
il dut se retirer dans le donjon — la tour de Guinette — où il
tint encore plusieurs jours. Les historiens de l’époque rapportent
que les dames de la ville s’y étaient réfugiées
et, du haut des murs, pour narguer les assiégeants, tendaient
leurs tabliers vers les pierres projetées par les machines, qui
ne réussissaient pas à les atteindre. Bosredon ne capitula
que sous la menace de la sape et de l’incendie. Sa bravoure lui valut
au moins la grâce du dauphin: il fut emmené prisonnier à
Paris, avec quelques chefs de la ligue des Armagnacs, tandis que d’autres
étaient mis à mort. L’héroïque défenseur
du château d’Étampes n’en eut pas moins une fin lamentable.
Après la mort de Jean de Berry, il changea de camp, puisqu’on
le retrouve en 1416 dans l’entourage de la reine Isabeau de Bavière,
commandant la 4e compagnie de ses gardes du corps. Il fut accusé
d’être son amant, sans doute à tort, la reine étant
alors si atteinte par l’âge, l’obésité et la goutte
qu’elle ne se déplaçait plus qu’en chaise roulante.
Mais il n’en était pas de même de ses dames d’honneur,
dont les mœurs étaient fort dissolues. Toujours est-il que les
Armagnacs et le nouveau dauphin Charles, acquis à leur parti,
voulaient faire exiler la reine favorable aux Bourguignons et pour cela
faire disparaître d’abord son vigilant défenseur Bosredon.
Ils dénoncèrent au roi ses mœurs scandaleuses, en l’accusant
d’être l’amant de la reine. Bosredon fut arrêté,
mis à la torture, enfermé à Montlhéry et finalement
jeté dans la Seine, pendant la nuit, en un sac de cuir sur lequel
on avait écrit: «Laissez passer la justice du roi».
Nous avons du siège de 1411 un très modeste, mais curieux
témoignage, au musée d’Étampes. Il s’agit d’une
vervelle, petit écus son de bronze qu’on fixait au collier des
chiens pour indiquer leur maître: elle porte les armes des Mailly:
d’or à trois maillets de gueules, avec une brisure
de la branche des Mailly-l’Orsignol, et fut découverte au pied
de la tour de Guinette en 1897. Or un membre de cette famille, Robert
de Mailly, seigneur de l’Orsignol, était précisément [p.21] chambellan de Jean sans Peur
à l’époque du siège d’Étampes. Il est donc
probable qu’il y prit part et c’est ainsi qu’un de ses chiens dut perdre
sa vervelle sous les murs de la forteresse.
Le duc Jean de Berry mourut en 1415 et son comté d’Étampes,
bien qu’il en eût révoqué la donation à
son neveu Jean sans Peur, fut revendiqué par ce prince. Mais
il n’avait plus pour lui l’appui du dauphin Louis, son gendre, mort
dès l’année 1415, et le nouveau dauphin, le futur Charles
VII, appartenait, nous l’avons vu, au parti des Armagnacs. Le résultat
de ces funestes guerres intérieures qui renaissaient constamment,
malgré des conventions que nul ne respectait, fut que notre malheureuse
ville fut encore assiégée et prise en 1417. Ainsi, en
moins de six ans, elle avait subi deux sièges et pour comble de
désordre, le premier avait été soutenu contre le
fils aîné du roi et le second, au contraire, en faveur d’un
autre fils du roi. Et ce ne fut pas la fin des vicissitudes du comté
d’Étampes: pendant plus de cinquante ans, les ducs de Bourgogne
le revendiqueront obstinément, tantôt par les armes, tantôt
au cours de conférences qui exaspéraient le différend,
tantôt, enfin, devant le Parlement. Le roi, bien faible en face
de ces puissants adversaires, essayait de maintenir les droits de la couronne
en donnant le comté d’Étampes à des vassaux fidèles,
comme Richard de Bretagne, qui avait sauvé la dauphine à
l’entrée des Anglais à Paris en 1421, en confirmant ensuite
à sa veuve, puis à son fils, cette donation qui demeurait
fictive, puisque les donataires mouraient sans avoir pu prendre possession
de son objet. Enfin, dans les dernières années du règne
de Louis XI, en 1478, un arrêt du Parlement rendait le comté
à la couronne, comme il était juste et comme il aurait
dû en être dès 1400 à la mort de Louis II,
qui était sans enfants. François de Bretagne et même
le duc de Bourgogne, Jean, comte de Nevers, s’inclinèrent: Charles
le Téméraire était mort et Louis XI était
puissant.
Le fait le plus mémorable de cette longue période
de troubles fut le séjour que fit à Étampes,
en 1465, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, et
ses alliés, après avoir livré contre Louis XI
la bataille de Montlhéry. Ils venaient y rafraîchir leurs
troupes, qui comptaient un grand nombre de blessés et de malades.
Malgré ces circonstances favorables, le défenseur de la
ville, Robinet du Ruth ne s’inspira pas de l’héroïque exemple
de Bosredon en 1411: il rendit le château sans coup férir.
Il est vrai qu’il n’avait avec lui qu’une faible garnison. Il fut cependant
châtié de sa lâcheté et emprisonné
à Bourges. Mais il obtint sa liberté dès 1467
«étant chargé de femme et de plusieurs petits
enfants et n’ayant jamais été convaincu d’aucun autre
vilain cas», par une lettre de rémission de Louis XI,
petite preuve de la justice d’un roi fort calomnié.
Les habitants d’Étampes et des villages voisins subirent
la charge d’héberger et de soigner les soldats des ennemis
du roi. Beaucoup [p.22] moururent,
qui appartenaient à l’armée du duc de Bretagne, que
les intrigues de Charles le Téméraire avaient réussi
à détacher du parti royal. On les enterra au delà
de l’église Saint-Pierre en un lieu qui prit le nom de cimetière
des Bretons, d’où vint celui de Bretagne au
hameau environnant.
Une légende attribue à un Breton de cette armée,
pendant son séjour à Étampes, l’invention des
fusées, parce qu’il en avait jeté, par mégarde,
quelques-unes contre le meneau d’une fenêtre où se tenaient
appuyés le duc de Berry et Charles le Téméraire.
II est impossible de faire d’Étampes le berceau de cette découverte,
attendu que les fusées, connues de temps immémorial
en Chine, avaient depuis longtemps pénétré en
Europe. [p.23]
|
I. Les origines et le Moyen Age
(éditions comparées
de 1938 et de 1964)
1938
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1964
|
A mi-chemin entre Paris et Orléans, la ville d’Étampes
s’étend sur la grande route qui relie ces deux villes et qui
fut la route des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle,
autour de trois rivières, divisées elles-mêmes
en de nombreux bras, au pied du grand plateau de Beauce. Son territoire
confine aux anciens pays de Chartres, d’Orléans, du Hurepoix
et du Gâtinais, de longtemps riches et peuplés. Le sol
en est très fertile, on y a cultivé dès une haute
époque le blé dans la plaine, la vigne sur les pentes des
collines et plus tard, les plantes maraîchères dans la vallée.
La rivière de Juine, alors navigable, offrait ainsi une communication
directe avec Paris par l’Essonne et la Seine. Ces diverses conditions
particulièrement favorables à la vie sociale ont déterminé
sans doute la fondation en ce lieu de la première bourgade, entraîné
son développement dès ses débuts et lui valurent
peut-être son nom. L’étymologie du nom d’Étampes,
que portent quatre localités françaises, demeure, en effet,
incertaine; mais, entre les diverses hypothèses dont elle a fait
l’objet, l’une des plus satisfaisantes la rattache au bas latin stapula,
dérivé du mot germanique stapel, amas, d’où
entrepôt, place publique, que l’on retrouve modifié sous
la forme [p.10] Stampae,
dans les plus anciens textes. Lieu de réunion sur un pas sage
fréquenté, où l’on assemble les marchandises
venues par route et par eau, telle est l’origine vraisemblable de notre
ville; mais nous n’avons aucune preuve de son existence, en tant que
cité, avant le VIe siècle de notre ère.
|
|
A mi-chemin entre Paris et Orléans, sur la route même
qui les relie, la ville d’Etampes s’allonge dans une vallée étroite,
que domine de part et d’autre le majestueux plateau de la Beauce. Cinq
modestes rivières, qui tantôt se divisent, tantôt
s’unissent, forment tout un jeu de méandres à travers la
ville. Son territoire confine aux anciens pays de Chartres, d’Orléans,
du Hurepoix et du Gâtinais, de longtemps riches et peuples. Le sol
en est très fertile, on y a cultivé dès une haute
époque le blé dans la plaine, la vigne sur les pentes dus
collines et plus tard, les plantes maraîchères dans la vallée.
La rivière principale, la Juine, jadis navigable, offrait ainsi
une communication directe avec Paris par l’Essonne et la Seine. Ces diverses
conditions particulièrement favorables à la vie sociale
ont déterminé sans doute la fondation en ce lieu de la première
bourgade, entraîné son développement dès ses
débuts et lui valurent peut-être son nom. L’étymologie
du nom d’Etampes, que portent quatre localités françaises,
demeure, en effet, incertaine mais, entre les diverses hypothèses
dont elle a fait l’objet, l’une des plus satisfaisantes la rattache au
bas latin stapula, dérivé du mot germanique stapel,
amas, d’où entrepôt, place publique, que l’on retrouve modifié
sous la forme Stampae, dans les plus anciens textes. Lieu de réunion
sur un passage fréquenté, où l’on assemble les marchandises
venues par route et par eau, telle est l’origine vraisemblable de notre
ville mais nous n’avons aucune preuve de son existence, en tant que cité,
avant le VIe siècle de notre ère.
|
Aux âges préhistoriques, son
emplacement n’a pas été occupé par des groupements
humains. Non loin d’Étampes, nous avons bien relevé la
trace de campements remontant à l’époque paléolithique,
mais ces témoins sont fort peu nombreux et n’indiquent pas une
occupation de quelque importance. II en est de même pour l’âge
de la pierre polie, pour les âges du bronze et du fer. On connaît
des stations de ces époques aux environs d’Étampes, mais
leur dispersion et leur faible densité ne permettent pas de
les considérer comme un ancien centre d’habitation.
|
|
En revanche, la région environnant
son emplacement actuel fut habitée ça et là dès
les premiers âges de l’humanité en raison des avantages naturels
qu’elle offrait à l’homme, encore incapable de construire un gîte
durable et de cultiver son sol les eaux et les poissons de ses rivières,
l’abri, le matériau et le gibier de ses bois. En effet, des vestiges
indiscutables de la présence et de l’ingéniosité
humaines ont été retrouvés, sous forme d’outils de
pierre, tantôt dans les alluvions de la Juine, tantôt dans
les éboulis des pentes, vestiges qui remontent à des millénaires
de 500.000 à 30.000 ans.
Aux temps moins lointains du Paléolithique
supérieur, les hommes ont établi des campements sur les
crêtes ou les versants de nos vallées, utilisant, faute
des grottes plus hospitalières du Sud-Ouest de la France, nos innombrables
roches de grès, qui constituaient au moins des abris faciles à
clôturer par des faisceaux de branchages. Des découvertes
récentes en ont donné la preuve et montré que c’était
une erreur de supposer, comme on l’a fait longtemps, que le bassin de
Paris était resté inhabité durant cette longue période
parce qu’il n’offrait pas l’abri des belles grottes méridionales.
Mais la grande époque de l’installation
humaine dans notre région est le Néolithique, qui apporte
une évolution profonde dans la vie des hommes par la connaissance
de la culture, de la domestication des animaux, du polissage des instruments
de pierre, de la poterie, et bientôt après du métal.
Une immense forêt couvrait alors notre pays, depuis Orléans
jusqu’au-delà de l’Yveline et de Fontainebleau. Ces hommes en
commencent le défrichement, qui est toujours lié à
la marche de la civilisation, et ils découvrent la fertilité
de la terre de Beauce. Ils nous ont laissé des marques de leur
activité sur tout le plateau, dans toutes les vallées,
soit en des «ateliers» (deux tout proches d’Etampes), soit
en des «cachettes» souterraines, sous forme d’outils divers,
haches, pics, poignards (dont notre musée possède d’admirables
spécimens) ou de polissoirs ou de monuments mégalithiques
ou enfin d’innombrables gravures sur nos roches de grès, qui sont
une des caractéristiques les plus attachantes de notre région
étampoise. Elles représentent, non des signes alphabétiques,
mais une des premières expressions graphiques d’une pensée
dont le sens demeure mystérieux, très différentes
des gravures du Paléolithique qui sont, au contraire, tout imprégnées
de naturalisme. L’âge du bronze, au second millénaire avant
notre ère, et le premier âge du fer ont laissé des
traces moins abondantes que le Néolithique au tour d’Etampes, peut
être parce qu’elles ont été détruites par l’ampleur
des cultures, cependant des épées, des haches, des bracelets,
des poteries attestent la continuité de l’habitat.
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Mais bientôt, les Gaulois se répandent dans tout notre pays,
amenant avec eux des progrès considérables dans la métallurgie,
la construction, le développement du commerce, de l’usage de la
monnaie, enfin de la vie intellectuelle, artistique, religieuse. Des vestiges
de cette civilisation grandissante, dans tous les domaines, ont été
recueillis en Beauce et à Maisse, à Auvers, à Bouray
(notre Musée en conserve plusieurs) tandis que le site même
de la ville semble encore inhabité, comme à la grande époque
qui suit la conquête romaine, conquête qui s’achève
par une admirable pacification dont les signes sont multiples: très
peu d’armes en sont demeurées, mais des quantités innombrables
de substructions, toiles, verreries, poteries, marbres, bijoux, fibules,
monnaies, objets d’art. Il est impossible de citer tous les lieux de trouvailles,
mais il en existe un relevé aux Archives de Seine-et-Oise, qui donne
une [p.24] idée précise
de la prospérité de notre région, en particulier,
a cette époque. Nous mentionnerons seulement deux grands centres,
parce qu’ils s’étendaient sur plusieurs hectares et qu’ils ont fait
l’objet de fouilles méthodiques qui ont abouti à des résultats
importants: exposés au Musée d’Etampes, Souzy-la-Briche, tout
près d’Etampes et Blandy, en Beauce. En cette période heureuse caractérisée par
une paix — la Pax Romana — qui dura près d’un siècle
(le IIe après Jésus-Christ), les Romains accomplissent de
grands travaux en étroite union avec les Gaulois qui s’affinent et
développent leurs propres qualités au contact de leurs vainqueurs.
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A l’époque gallo-romaine, notre
région, comprise dans le pays des Senones, près de
la frontière des Carnutes, était traversée par
des voies importantes, notamment celle de Lutetia à Genabum,
c’est-à-dire de Paris à Gien, Orléans ou Châteauneuf-sur-Loire,
car la position de Genabum donne encore lieu à de nombreuses
controverses. Dans l’itinéraire d’Antonin, cette voie passe
à Salioclita, que l’on a voulu à tort identifier
avec Étampes et qui doit être Saclas, à 10 kilomètres
au sud, ou l’on reconnaît encore le dallage de la voie antique.
Mais cette route ne semble pas avoir traversé l’emplacement
actuel d’Étampes; elle passait au nord de la ville, au lieu dit
Brunehaut, où l’on a retrouvé des monnaies, une statuette
de Mercure en bronze, des substructions et un Priape en pierre, qui témoignent
d’établissements romains en ce point; quelques autres découvertes
isolées dans les environs d’Étampes prouvent que la région
était fréquentée, mais sans qu’une ville fût
encore établie aux bords de la Juine.
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|
Des routes sont construites partout, dont quelques-unes nous
touchent de près, de Paris à Gien, de Sens à Orléans,
à Chartres. Tout au long de ces voies, s’élèvent des
groupes de maisons dont nos villages seront les lointains successeurs. La
route de Gien ne passait pas à Etampes, ce qui confirme l’absence
d’une agglomération à cette époque: elle déviait
à Brunehaut (où l’on a trouvé de nombreux objets romains,
encore en 1942) pour se diriger vers Saclas, qui avait conservé une
partie de ce dallage antique il y a seulement quelques années.
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Au
milieu du IIIe siècle de notre ère, les hordes barbares venues
de l’Est commencent à déferler sur l’empire romain, dont elles
anéantiront toute la civilisation pour des siècles. Elles ne
parviennent qu’au début du Ve siècle dans nos pays, où
ils s’établissent en maîtres.
|
Ce sont les divisions entre les rois
mérovingiens, successeurs de Clovis, et les guerres si fréquentes
entre ces chefs de bandes encore à demi barbares, qui nous
apportent la première mention historique de l’existence d’Étampes
à cette époque. Grégoire de Tours nous dit,
en effet, dans sa précieuse Historia, qu’en 587,
une transaction passée entre Childebert, roi d’Austrasie, et
son oncle Gontran, roi de Bourgogne, attribuait à Gontran une
partie de Paris, Châteaudun, Vendôme et le territoire d’Étampes
Pagus Stampensis. Peu après, suivant le même
chroniqueur, Étampes était ravagée par les troupes
du roi Childebert, puis, en 612, Clotaire, roi de Neustrie, et Thierry,
roi d’Austrasie, se livrent une sanglante bataille sous les murs mêmes
d’Étampes. Un récit de Frédégaire précise
que la lutte eut lieu à Stampas per fluvium Loa,
ce qui correspond au débouché de la vallée de
la Louette. Plusieurs noms de lieux dits aux alentours de cet emplacement,
la Croix de Vaux-Mille-Cent ou Vomit-le-Sang, [p.11] le Meurger
de la Bataille, le Champ des Morts, montrent que le
souvenir et le lieu même de ce combat n’ont pas été
oubliés. Il est vrai qu’aucune découverte d’armes n’est
venue confirmer cette tradition, mais l’emplacement des anciennes batailles,
si singulier que cela puisse paraître, est le plus souvent très
difficile à déterminer. En effet, les corps n’étaient
inhumés qu’après avoir été entièrement
dépouillés de leurs armes et les squelettes que l’on
pourrait découvrir, n’étant accompagnés d’aucun
mobilier funéraire, ne peuvent être datés.
|
|
Ce sont les divisions entre les premiers rois mérovingiens, et
les guerres si fréquentes entre ces chefs de bandes encore à
demi-barbares, qui nous apportent la première mention historique
de l’existence d’Etampes. Grégoire de Tours nous dit, en effet, dans
sa précieuse Historia, qu’en 587, une transaction
passée entre Childebert II, roi d’Austrasie, et son oncle Gontran,
roi de Bourgogne, attribuait à Gontran une partie de Paris, Châteaudun,
Vendôme et le territoire d’Etampes: Pagus Stampensis. Peu après,
suivant le même chroniqueur, Etampes était ravagée par
les troupes du roi Childebert, puis, en 604. Clotaire II, roi de Neustrie,
et Théodoric, roi d’Austrasie, se livrent une sanglante bataille
dans ses murs: c’est le symbole de la destinée qui est réservée
dans l’avenir à notre ville. Un récit de Frédégaire
précise que la lutte eut lieu à Stampas per
fluvium Loa, ce qui correspond au débouché de la vallée
de la Louette. Plusieurs noms de lieux dits aux alentours de cet emplacement,
la Croix de Vaux-Mille-Cent ou Vomit-le- Sang,
le Meurger de la Bataille, le Champ des Morts,
montrent que le souvenir et le lieu même de ce combat n’ont pas été
oubliés. Il est vrai qu’aucune découverte d’armes n’est
venue confirmer cette tradition, mais l’emplacement des anciennes batailles,
si singulier que cela puisse paraître, est le plus souvent très
difficile à déterminer. En effet, les corps n’étaient
inhumés qu’après avoir été entièrement
dépouillés de leurs armes et les squelettes que l’on pourrait
découvrir, n’étant accompagnés d’aucun mobilier funéraire,
ne peuvent être datés.
|
Ces mentions d’Étampes, si modestes
qu’elles soient, nous font connaître, outre son existence
certaine au VIe siècle, l’emplacement de la première
bourgade qui porta ce nom c’est celui du quartier Saint-Martin actuel.
La tradition attribue la fondation de l’église Saint-Martin
au roi Clovis: aucun texte ne le confirme, mais ce vocable indique,
en général, une origine ancienne et il fut sans doute
appliqué à la première église d’Étampes.
|
|
Ces mentions d’Etampes, si modestes qu’elles soient, nous font connaître,
outre son existence certaine au VIe siècle, l’emplacement de la
première bourgade qui porta ce nom c’est celui du quartier Saint-Martin
actuel. La tradition attribue la fondation de l’église Saint-Martin
au roi Clovis aucun texte ne le confirme, mais ce vocable indique, en général,
une origine ancienne et il fut sans doute appliqué à la
première église d’Etampes.
|
Une autre tradition rapporte que des religieux bénédictins
seraient venus de l’abbaye de Fleury-sur-Loire, vers le milieu
du VIIIe siècle, bâtir, en dehors de la ville, une église
et un monastère dédiés à Saint-Pierre.
Quelques restes de murs qui présentent le vieux mode de construction
dit opus spicatum confirment l’origine mérovingienne
de ces édifices, dont notre faubourg actuel conserve encore
le nom.
|
|
Une tradition plus sûre rapporte que des religieux bénédictins
seraient venus de l’abbaye de Fleury-sur-Loire, vers le milieu du VIIIe
siècle, bâtir, en dehors de la ville, une église et
un monastère dédiés à Saint-Pierre. Quelques
restes de murs qui présentent le vieux mode de construction dit opus
spicatum confirment l’origine mérovingienne de ces édifices,
dont notre faubourg actuel conserve encore le nom.
|
Si les documents nous manquent au sujet
de ces fondations, comme les traces matérielles de la bataille
d’Étampes en 612, nous ignorons également si la reine
Brunehaut, comme le veut une autre tradition locale, vécut à
Étampes et si elle subit, près de la ville, dans la vallée
de Brières, l’affreux supplice qui lui fut infligé par
le fils de sa rivale Frédégonde. Son mari Sigebert eut
bien Étampes dans son domaine, mais rien ne prouve que sa veuve
y fit sa résidence. Le nom de Brunehaut ayant été
conservé dans tout le nord de la France, sous la forme de «chaussée
ou chemin Brunehaut» pour désigner d’anciennes voies romaines
qui furent réparées et améliorées sur les
ordres de cette reine d’Austrasie, il serait imprudent d’affirmer que
Brunehaut elle-même vécut au lieu qui porte encore son nom
près d’Étampes. Nous avons dit déjà que les
vestiges antiques trouvés en ce point sont gallo-romains et non
pas mérovingiens.
|
|
Si les documents nous manquent au sujet de ces fondations, comme les traces
matérielles de la bataille d’Etampes en 604, nous ignorons également
si la reine Brunehaut, comme le veut une autre tradition locale, vécut
à Etampes et si elle subit, près de la ville, dans la vallée
de Brières, l’affreux supplice qui lui fut infligé par le
fils de sa rivale Frédégonde. Son mari Sigebert eut bien
Etampes dans son domaine, mais rien ne prouve que sa veuve y fit sa résidence,
Le nom de Brunehaut ayant été conservé, dans tout
le nord de la France, sous la forme de «chaussée ou chemin
Brunehaut» pour désigner d’anciennes voies romaines qui furent
réparées et améliorées sur les ordres de cette
reine d’Austrasie, il serait imprudent d’affirmer que Brunehaut elle-même
vécut au lieu qui porte encore son nom près d’Etampes.
|
Des rapports de ces rois de la première
race avec Étampes, il nous reste donc peu de chose. Les
Carolingiens n’ont pas laissé non plus d’actes importants
de leur règne où figure notre ville. Nous savons seulement
que, dans le partage qui suivit la mort de Charlemagne, Étampes
fut attribué à Louis le Débonnaire, puis à
son fils, Charles le Chauve, et que l’un et l’autre de ces princes
donnèrent à des monastères, en particulier
à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés,
[p.12] à Paris, et à un «fidèle
sujet», des terres aux environs d’Étampes.
|
|
Des rapports de ces rois de la première race avec Etampes,
il nous reste donc peu de chose. Les Carolingiens n’ont pas laissé
non plus d’actes importants où figure notre ville. Nous savons
seulement que, dans le partage qui suivit la mort de Charlemagne, Etampes
fut attribué à Louis le Débonnaire, puis à
son fils, Charles le Chauve, et que l’un et l’autre de ces princes donnèrent
à des monastères, en particulier à l’abbaye de Saint-Germain-des-prés,
à Paris, et à un «fidèle sujet», des terres
aux environs d’Etampes.
|
Mais après ces règnes
pendant lesquels le calme régnait sans doute à Étampes,
puisque les monastères y pouvaient recevoir des donations,
les invasions normandes vinrent apporter de nouveaux désordres.
Rollon lui-même, au dire du chroniqueur Guillaume de Jumièges,
entra dans Étampes, détruisit la ville, emmena comme prisonniers
un grand nombre de ses habitants. Il est probable, bien que nous n’ayons
pas d’autres détails sur ces événements, que
les monuments d’Étampes furent alors démolis, puisque nous
n’avons malheureusement aucun fragment d’architecture de cette haute époque,
car rien ne demeurait derrière le passage des Normands. Et, pendant
près de cent ans, les chroniques ne parlent plus d’Étampes.
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Mais après ces règnes pendant lesquels le calme régnait
sans doute à Etampes, puisque les monastères y pouvaient
recevoir des donations, les invasions normandes vinrent apporter de nouveaux
désordres. Rollon lui-même, au dire du chroniqueur Guillaume
de Jumièges, entra dans Etampes, détruisit la ville, emmena
comme prisonniers un grand nombre de ses habitants. Il est probable, bien
que nous n’ayons pas d’autres détails sur ces événements,
que les monuments d’Etampes furent alors démolis, puisque nous n’avons
malheureusement aucun fragment d’architecture de cette haute époque
et que rien ne demeurait derrière le passage des Normands. Pendant
près de cent ans, les chroniques ne parlent plus d’Etampes.
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Mais les premiers rois capétiens devaient
relever notre ville et lui donner une importance et même
un lustre qu’elle n’avait jamais encore connus et qu’elle ne retrouvera
plus aux époques modernes. Issus des ducs d’entre Seine et
Loire, vassaux révoltés contre l’autorité défaillante
des derniers Carolingiens, ces rois ne possédaient lors de
leur ascension à la dignité royale qu’un bien petit
domaine. Rois d’Ile de France, plutôt que de France, ils s’appuyaient
sur Dourdan et sur Étampes pour lutter contre leurs puissants
voisins et affermir leur domination. Étampes leur demeura toujours
fidèle et ne cessa pas de faire partie du domaine royal. Dans
le cours des siècles, lorsque les descendants de Hugues le Grand,
père de Hugues Capet, qui possédait déjà
Étampes au Xe siècle, eurent agrandi leur domaine et constitué
la France de nos jours, notre ville devint un apanage accordé
tantôt à des princes du sang, tantôt à de fidèles
vassaux ou à des favorites du roi, mais revenant toujours à
la couronne, dont elle était un des plus beaux fleurons.
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Mais les premiers rois capétiens devaient relever notre ville et
lui donner une importance et même un lustre qu’elle n’avait jamais
encore connus et qu’elle ne retrouvera plus aux époques modernes.
Issus des ducs d’entre Seine et Loire, vassaux révoltés contre
l’autorité défaillante des derniers Carolingiens, ces rois
ne possédaient lors de leur ascension à la dignité
royale qu’un bien petit domaine. Rois d’Île de France. plutôt
que de France, ils s’appuyaient sur Dourdan et sur Etampes pour lutter contre
leurs puissants voisins et affermir leur domination. Etampes leur demeura
toujours fidèle et ne cessa pas de faire partie du domaine royal.
Dans le cours des siècles, lorsque les descendants de Hugues le Grand,
père de Hugues Capet, qui possédait déjà Etampes
au Xe siècle, eurent agrandi leur domaine et constitué la France
de nos jours, notre ville devint un apanage accordé tantôt à
des princes du sang, tantôt à de fidèles vassaux ou à
des favorites du roi, mais revenant toujours à la couronne, dont elle
était un des plus beaux fleurons.
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Dès le règne de Robert
le Pieux (970-1031), les chroniques citent Étampes comme l’un
des séjours fréquents et préférés
de ce prince. C’est lui qui aurait fait édifier, sur le bord
septentrional du plateau, une forteresse dont la tour de Guinette marque
l’emplacement, mais non pas un vestige de cette haute époque,
puisque sa construction ne peut être datée que du milieu
du XIIe siècle. En outre, la troisième femme du roi Robert,
Constance, fit construire, pour leur résidence, un palais dit
du Séjour ou des Quatre-Tours, à cause des tourelles d’angle,
qui subsistaient encore au XVIIe siècle. Il comprenait de nombreux
bâtiments, des écuries, un oratoire, et des jardins, qui
occupaient le lieu actuel du tribunal et le terrain compris entre la rue
de la Juiverie et la rue de la Roche-Plate. Autour du château fort
et du palais, une nouvelle ville se constitua, que les documents du xIe
siècle désignent sous le nom de Stampae castrum
ou Stampae novae: Étampes-le-Châtel ou Étampes-les-Nouvelles.
Cette dernière appellation confirme que la plus ancienne ville,
Étampes-les-Vieilles, [p.13] fondée
vers le VIe siècle, ne s’étendait pas là. Nous avons
vu qu’elle s’était établie plus au sud et que sans doute la
première église de cette petite cité mérovingienne
avait été dédiée à Saint-Martin. Mais
la nouvelle ville en était trop éloignée pour que le
roi qui avait assuré sa défense par des fortifications et pourvu
à l de sa propre résidence ne songeât pas à y
fonder des églises. Ailleurs déjà, Robert le Pieux avait
encouragé le grand élan religieux suscité à la
fois par les approches de l’an 1000, qui, dans l’esprit des peuples devait
amener la fin du monde, et par la coïncidence des calamités, famines,
épidémies, brigandages, qui marquèrent les dernières
années du Xe siècle. Selon le joli mot de l’humble moine chroniqueur,
le monde se parait alors «d’une blanche robe d’églises neuves».
Dans le nouvel Étampes, le roi fit édifier Notre-Dame, sur
les ruines d’une chapelle, et Saint-Basile au pied de la forteresse. Pour
donner plus de lustre à l’une de ses nouvelles églises, il
fit apporter à Notre-Dame des reliques qu’il avait obtenues du pape
Benoit VIII, sans doute lors de son voyage en Italie en 1020. C’est ainsi
que les trois martyrs, Can, Cantien et Cantienne, deux frères et leur
sœur, morts pour leur foi, à Aquilée, en Vénétie,
au 11 siècle, devinrent les patrons d’Étampes. Ces reliques
furent l’objet pendant des siècles d’une grande vénération;
elles attirèrent à Étampes, pour la fête
des «corps saints», le 31 mai, pour les processions dans
la ville, à Pâques et à la Pentecôte, et
lors des grandes sécheresses ou des disettes, une foule de fidèles
et de curieux qui contribuèrent jadis à sa prospérité.
Le cimetière commun aux deux paroisses de Notre-Dame et de Saint-Basile,
dit le Grand Cimetière, fut établi hors des murs, dans
le hameau de Bédégond, qui s’étendait entre le
faubourg Saint-Jacques et le faubourg Évezard. Le roi Philippe
Ier fit don de ce hameau aux chanoines de Notre-Dame pour qu’ils élèvent
une chapelle dans le cimetière. Elle fut construite le long
de la rue actuelle qui a pris son nom Saint-Jacques-de-Bédégond.
Le petit bâtiment, orné d’une jolie porte du XVe siècle,
qui est aujourd’hui non loin de là, du côté du
Port, ne représente pas un reste de cette chapelle du XIIe siècle,
puisqu’elle fut détruite au moment de la Fronde.
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Dès le règne de Robert le Pieux (970-1031), les chroniques
citent Etampes comme l’un des séjours fréquents et préférés
de ce prince. C’est lui qui aurait fait édifier, sur le bord septentrional
du plateau, une forteresse dont la tour de Guinette marque l’emplacement,
mais non pas un vestige de cette époque, sa construction ne pouvant
être datée que du milieu du XIIe siècle. En outre,
la troisième femme du roi Robert, Constance, fit construire, pour
leur résidence, un palais dit du Séjour ou des Quatre-Tours,
à cause des tourelles d’angle, qui subsistaient encore au XVIIe
siècle. Il comprenait de nombreux bâtiments, des écuries,
un oratoire, et des jardins, qui occupaient le lieu actuel du tribunal
et le terrain compris entre la rue de la Juiverie et la rue de la Roche-Plate.
Autour du château fort et du palais, une nouvelle ville se constitua,
que les documents du XIe siècle désignent sous le nom de Stampae
castrum ou Stampae novae: Etampes-le-Châtel ou Etampes-les-Nouvelles.
Cette dernière appellation confirme que la plus ancienne ville,
Etampes-les-Vieilles, fondée vers le VIe siècle, ne s’étendait
pas là. Nous avons vu qu’elle s’était établie plus
au sud et que sans doute la première église de cette petite
cité mérovingienne avait été dédiée
à saint Martin. Mais la nouvelle ville en était trop éloignée
pour que le roi qui avait assuré sa défense par des fortifications
et pourvu à l’agrément de sa propre résidence ne songeât
pas à y fonder des églises. Ailleurs déjà,
Robert le Pieux avait encouragé le grand élan religieux suscité
à la fois par les approches de l’an 1000, qui, dans l’esprit des
peuples devait amener la fin du monde, et par la coïncidence des calamités,
famines, épidémies, brigandages, qui marquèrent les
dernières années du Xe siècle. Selon le joli mot de
l’humble moine chroniqueur, le monde se parait alors «d’une blanche
robe d’églises neuves». Dans le nouvel Etampes, le roi fit
édifier Notre-Dame, sur les ruines d’une chapelle, et Saint-Basile
au pied de la forteresse. Pour donner plus de lustre à l’une de ses
églises, il fit apporter à Notre-Dame des reliques qu’il avait
obtenues du Pape Benoit VIII, sans doute lors de son voyage en Italie en
1020. C’est ainsi que les trois martyrs, Can, Cantien et Cantienne, deux
frères et leur sœur, morts pour leur foi, à Aquilée,
en Vénétie, au IIIe siècle, devinrent les patrons d’Etampes.
Ces reliques furent l’objet pendant des siècles d’une grande vénération
elles attirèrent à Etampes, pour la fête des «corps
saints», le 31 mai, pour les processions dans la ville, à Pâques
et à la Pentecôte, et lors des grandes sécheresses ou
des disettes, une foule de fidèles et de curieux qui contribuèrent
jadis à sa prospérité. Le cimetière commun aux
deux paroisses de Notre-Dame et de Saint-Basile, dit le Grand Cimetière,
fut établi hors des murs, dans le hameau de Bédégond,
qui s’étendait entre le faubourg Saint-Jacques et le faubourg Evezard.
Le roi Philippe Ier (1060-1108) fit don de ce hameau aux chanoines de
Notre-Dame pour qu’ils élèvent une chapelle dans le cimetière,
Elle fut construite le long de la rue actuelle qui a pris sou nom: Saint-Jacques-de-Bédégond.
Le petit bâtiment, orné d’une jolie porte du XVe siècle,
qui est aujourd’hui non loin de là, du côté du Port,
ne représente pas un reste de cette chapelle du XIIe siècle,
puisqu’elle fut détruite au moment de la Fronde.
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C’est encore sous le règne des
premiers rois capétiens, sans doute dès Robert le Pieux,
que les eaux de la Louette et de la Chalouette, qui serpentaient auparavant
dans la partie la plus déclive de la vallée, furent canalisées
dans la ville en formation. Ce canal, qui passe toujours derrière
les maisons des rues basses, devait servir non seulement aux usages
ordinaires, mais permettre l’établissement des moulins à
farine et favoriser l’industrie des foulons.
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C’est encore sous le règne des premiers rois capétiens,
sans doute dès Robert le Pieux, que les eaux de la Louette et de
la Chalouette, qui serpentaient auparavant dans la partie la plus déclive
de la vallée, furent canalisées dans la ville en formation.
Ce canal, qui passe toujours derrière les maisons des rues basses,
devait servir non seulement aux usages ordinaires, mais permettre l’établissement
des moulins à farine et favoriser l’industrie des foulons (tisserands). [p.25]
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Ainsi, vers le milieu du XIe siècle,
Étampes se composait de deux villes, l’une, ouverte, ancienne
et de quelque importance puisque des actes de Philippe Ier (1060-1108)
nous apprennent qu’elle ne comprenait pas moins de trois églises,
Saint-Martin, Saint-Alban [p.14] et
Saint-Mard, l’autre, véritable place forte, comme nous le
confirme la légende d’une monnaie de Philippe Ier frappée
à Étampes, Castellum Stampis, à la
fois ville militaire et résidence royale, qui avait pris, de
ce fait, un rapide développement. Entre les deux agglomérations,
s’étendait un vaste espace inhabité, qui le demeura
seulement jusqu’au jour où le roi Louis VI eut l’idée
d’y établir un marché, en 1123. Il accordait en même
temps des privilèges aux marchands pour assurer leur sécurité
et faciliter le transport et la vente de leurs marchandises. En outre,
il cherche à donner une rapide activité à ce nouveau
marché en peuplant ses abords. Pour cela, il y attire des hôtes,
c’est-à-dire des sujets presque entièrement affranchis du
servage, auxquels il concède une maison et quelques arpents de terre,
avec l’exemption de l’impôt de la taille et du service de guerre pour
dix ans et la réduction du taux des amendes et du droit de mesurage
des grains, le minage, qui était dû au roi. Cette politique,
qui accentuait celle de ses prédécesseurs, intéressée,
sans doute, les rois ayant besoin des ressources et de l’appui que leur
offrait Étampes, mais évidemment favorable à son
développement, donna des résultats rapides. Une vraie ville
ne tarda pas à se constituer comme un trait d’union entre les deux
autres, autour du marché et d’une nouvelle église, bientôt
édifiée, Saint-Gilles. D’autre part, Louis VI prend
Étampes comme base stratégique dans sa lutte contre
ses redoutables vassaux, Hugues du Puiset, le sire de Montlhéry,
les comtes de Corbeil, de la Ferté-Alais, de Rochefort. Plusieurs
conciles s’y tiennent et celui de 1130, qui réunit à Étampes
tous les prélats du royaume, y confirme l’élection d’un
pape, Innocent II. Les fondations se multiplient et les monuments s’élèvent
ou s’agrandissent: la maladrerie de Saint-Lazare, l’hospice de Saint-Jean,
l’Hôtel-Dieu, le couvent des Mathurins.
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Ainsi, vers le milieu du XIe siècle, Etampes se composait de deux
villes, l’une, ouverte, ancienne et de quelque importance puisque des actes
de Philippe Ier nous apprennent qu’elle ne comprenait pas moins de trois
églises, Saint-Martin, Saint Alban et Saint-Mard, l’autre, véritable
place forte, comme nous le confirme la légende d’une monnaie de Philippe
Ier frappée à Etampes Castellum Stampis, à
la fois ville militaire et résidence royale, qui avait pris, de
ce fait, un rapide développement. Entre les deux agglomérations,
s’étendait un vaste espace inhabité, qui le demeura seulement
jusqu’au jour ou le roi Louis VI (1108-1137), eut l’idée d’y établir
un marché, en 1123. Il accordait en même temps des privilèges
aux marchands pour assurer leur sécurité et faciliter le
transport et la vente de leurs marchandises. En outre, il cherche à
donner une rapide activité à ce nouveau marché en peuplant
ses abords. Pour cela, il y attire des hôtes, c’est-à-dire
des sujets presque entièrement affranchis du servage, auxquels il
concède une maison et quelques arpents de terre, avec l’exemption
de l’impôt de la taille et du service de guerre pour dix ans et la
réduction du taux des amendes et du droit de mesurage des grains,
le minage, qui était dû au roi. Cette politique,
qui accentuait celle de ses prédécesseurs, intéressée,
sans doute, les rois ayant besoin des ressources et de l’appui que leur
offrait Etampes, mais évidemment favorable à son développement,
donna des résultats rapides. Une vraie ville ne tarda pas à
se constituer comme un trait d’union entre les deux autres, autour du marché
et d’une nouvelle église, bientôt édifiée, Saint-Gilles.
D’autre part, Louis VI prend Etampes comme base stratégique dans
sa lutte contre ses redoutables vassaux, Hugues du Puiset, le sire de Montlhéry,
les comtes de Corbeil et de la Ferté-Alais, de Rochefort. Plusieurs
conciles s’y tiennent et celui de 1130, qui réunit à Etampes
tous les prélats du royaume, y confirme l’élection d’un pape,
Innocent II. Les fondations se multiplient et les monuments s’élèvent
ou s’agrandissent la maladrerie de Saint-Lazare, l’hospice de Saint-Jean,
l’Hôtel-Dieu, le couvent des Mathurins.
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Le roi Louis VII, dès son avènement, s’engage
à ne pas altérer durant tout son règne la monnaie
frappée à Étampes; il encourage par plusieurs
ordonnances les divers métiers, le commerce du vin et de la boucherie;
il s’efforce d’enrayer les abus des duels judiciaires, d’adoucir le
sort des vilains en les autorisant à acheter des terres. En
1147, il institue la foire de la Saint-Michel en abandonnant ses droits
de marché à la léproserie de Saint-Lazare, près
de laquelle la foire devait se tenir. Comme son père, il apporte
aussi tous ses soins au remaniement et à l’extension de la forteresse
dont le donjon — notre tour de Guinette — dut être achevé
vers 1150. Ces diverses mesures nous apportent de précieuses indications
sur le développement qu’avait pris notre ville. Nous savons
ainsi qu’il y avait à Étampes, en 1179, de nombreux moulins,
des bouchers, des mégissiers, des ciriers, des vendeurs d’arc;
le défrichement des terres et la production agricole ne cessaient
de croître, avec le nombre des habitants. A la fin du XIIe siècle,
Étampes avait pris à peu près son étendue [p.15] actuelle, ajoutant la prospérité
commerciale à l’importance de ses ouvrages militaires.
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Le roi Louis VII (1157-1180), dès son avènement, s’engage
à ne pas altérer durant tout son règne la monnaie
frappée à Etampes il encourage par plusieurs ordonnances
les divers métiers, le commerce du vin et de la boucherie il s’efforce
d’enrayer les abus des duels judiciaires, d’adoucir le sort des vilains
en les autorisant à acheter des terres. En 1147, il institue la
foire de la Saint en abandonnant ses droits de marché à
la léproserie de Saint-Lazare, près de laquelle la foire
devait se tenir. Comme son père, il apporte aussi tous ses soins
au remaniement et à l’extension do la forteresse dont le donjon
— notre tour de Guinette — dut être achevé vers 1150. Ces
diverses mesures nous apportent de précieuses indications sur le
développement qu’avait pris notre ville, Nous savons ainsi qu’il
y avait à Etampes, en 1179, de nombreux moulins, des bouchers, des
mégissiers, des ciriers, des vendeurs d’arc; le défrichement
des terres et la production agricole ne cessaient de croître, avec
le nombre des habitants. A la fin du XIIe siècle, Etampes avait
pris à peu près son étendue actuelle, ajoutant la
prospérité commerciale à l’importance de ses ouvrages
militaires.
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Philippe-Auguste, qui l’appelle «une
de ses meilleures villes», fonde une nouvelle et grande église,
Sainte-Croix, dotée d’un chapitre, à l’emplacement
de la synagogue — rue de la Juiverie — dont l’expulsion des Juifs hors
du royaume, en 1182, avait entraîné la destruction. Ce
roi montre encore l’intérêt qu’il porte aux habitants d’Étampes
en octroyant aux foulons ou tisserands d’importants privilèges,
qui favorisent en même temps les producteurs de laine de la région,
puis, en faisant construire place Dauphine un grand bâtiment, qui
comprenait au rez-de-chaussée une halle pour les bouchers, avec
de nouveaux étaux, et peut-être aussi une dépendance,
de l’autre côté de la rue sur la rivière, des règlements
rédigés bien plus tard, mais qui peuvent avoir été
imposés dès lors, obligeant à tuer les animaux
«sur les rivières et non en les maisons». De ce
fait, d’ailleurs, le roi touchait directement des droits, ce qui n’était
pas négligeable; en même temps son autorité en
était assurée et la ville y gagnait quelque avantage. Au-dessus
de la halle, une vaste salle fut aménagée pour les «plaids»,
c’est-à-dire le tribunal civil, dont les audiences se tinrent
là jusqu’au début du XVIe siècle.
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Philippe-Auguste (1180-1223), qui l’appelle «une de ses meilleures
villes» fonde une nouvelle et grande église, Sainte-Croix,
dotée d’un chapitre, à l’emplacement de la synagogue — rue
de la Juiverie — dont l’expulsion des Juifs hors du royaume, en 1182, avait
entraîné la destruction. Ce roi montre encore l’intérêt
qu’il porte aux habitants d’Etampes en octroyant aux foulons d’importants
privilèges, qui favorisent en même temps les producteurs de
laine de la région, puis, en faisant construire place Dauphine,
tout près de l’hôtel Saint-Yon actuel, un grand bâtiment,
qui comprenait au rez-de-chaussée une halle pour les bouchers, avec
de nouveaux étaux, et peut-être aussi une dépendance,
de l’autre côté de la rue sur la rivière, des règlements
rédigés bien plus tard, mais qui peuvent avoir été
imposés dès lors, obligeant à tuer les animaux «sur
les rivières et non en les maisons». De ce fait, d’ailleurs,
le roi touchait directement des droits, ce qui n’était pas négligeable
en môme temps son autorité en était assurée et
la ville y gagnait quelque avantage. Au-dessus de la halle, une vaste salle
fut aménagée pour les «plaids», c’est-à-dire
le tribunal civil, dont les audiences se tinrent là jusqu’au début
du XVIe siècle.
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Une question qui demeure obscure à
cette époque est celle de l’administration municipale. Le
droit de commune, accordé par Louis VI à bien d’autres
villes, n’est l’objet d’aucune des chartes qui subsistent en faveur
de la nôtre. Elle dut cependant l’obtenir puisqu’un acte de 1188,
qui fut d’ailleurs ignoré des premiers historiens d’Étampes,
nous apprend qu’elle avait un maire. Mais, dès 1199, les franchises
communales lui sont enlevées, par Philippe-Auguste, en raison
des abus commis au détriment des intérêts de l’Église
et des seigneurs, que le roi avait à ménager. Elles
lui seront restituées au XIIIe siècle et la ville, au
surplus, ne semble pas y avoir perdu ses avantages, qu’elle tenait avant
tout du roi.
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Une question qui demeure obscure à cette époque est celle
de l’administration municipale. Le droit de commune, accordé par
Louis VI à bien d’autres villes, n’est l’objet d’aucune des chartes
qui subsistent en faveur de la nôtre. Elle dut cependant l’obtenir
puisqu’un acte de 1188, qui fut d’ailleurs ignoré des premiers historiens
d’Etampes, nous apprend qu’elle avait un maire. Mais, dès 1199, les
franchises communales lui sont enlevées, par Philippe-Auguste, en
raison des abus commis au détriment des intérêts de 1’Eglise
et des seigneurs, que le roi avait à ménager. Elles lui seront
restitué au XIIIe siècle et la ville, au surplus, ne semble
pas y avoir perdu ses avantages, qu’elle tenait avant tout du roi.
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La vie privée de Philippe-Auguste
le rattache au moins autant à Étampes que ses actes
publics. Il avait épousé en secondes noces une princesse
venue d’un pays lointain, comme son aïeul Henri Ier qui avait
pris alliance dans la maison des ducs de Kiev, en Russie. Philippe-Auguste
avait demandé et obtenu la main d’Ingeburge, fille de Waldemar,
roi de Danemark, et la jeune fille avait reçu en France un accueil
triomphal que justifiaient sa beauté et sa bonne grâce,
encore qu’elle ignorât notre langue. Le mariage fut célébré
à Amiens, la veille de l’Assomption, en l’an 1193. Que se passa-t-il
entre les époux ? Nul ne le saura jamais. Toujours est-il que
le lendemain des noces, le roi, saisi d’une étrange aversion
pour sa femme, déclara qu’il la répudierait. Aussitôt,
en effet, il commença des démarches pour obtenir l’annulation
de son mariage, invoquant une parenté d’Ingeburge tantôt
avec sa première femme, Isabeau de
[p.16] Hainaut, tantôt avec sa trisaïeule,
Anne de Russie. Ces parentés, qui constituaient alors des obstacles
au mariage, étaient établies sur de faux actes généalogiques,
mais sous la pression du roi, une assemblée des évêques
de France prononça le divorce. La malheureuse reine refusa
cependant de quitter la France et chercha d’abord asile en divers monastères,
réduite même, dit-on, à demander l’aumône,
tandis que Philippe-Auguste se hâtait d’épouser une autre
princesse étrangère, Agnès de Méranie.
Mais le pape ayant d’abord cassé la sentence du divorce et ce
nouveau mariage, puis, jeté l’interdit sur tout le royaume, le
roi fit enfermer Ingeburge dans le donjon d’Étampes, où
elle devait demeurer des années prisonnière. Elle ne recouvra
véritablement sa liberté et ses prérogatives d’épouse
et de reine qu’en 1213, après maintes vicissitudes, des retours
du roi vers elle sans lendemain et suivis de nouvelles périodes
de captivité. Mais les durs effets de l’excommunication, qui menaçait
de ruine à cette époque un pays tout entier, la réprobation
de plus en plus vive du clergé et du peuple, sans doute aussi
la mort d’Agnès de Méranie, amenèrent enfin le roi
à se soumettre définitivement. Bien des points de cette
lutte singulière demeurent obscurs d’ailleurs, les textes étant
souvent en désaccord sur ce sujet. Nous citerons cependant une
mention manuscrite peu connue, retrouvée sur le psautier d’Ingeburge,
qui met comme un terme à cette dramatique histoire, en donnant
à penser que la malheureuse reine avait pardonné au roi
sa longue injure et conservé du dévouement pour ses intérêts
et ceux de la France. Elle a fait écrire, en effet, sur le calendrier
de son psautier à la date de la victoire de Bouvines, le 27 juillet
1214, cette courte note: Sexto kalendas augusti, anno Domini M°
CC° quarto decimo, veinqui Phelippe, li rois de France, en bataille,
le roi Othon et le conte de Flandres et le conte de Boloigrie et plusors
autres barons.
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La vie privée de Philippc-Auguste le rattache au moins au tant
à Etampes que ses actes publics. Il avait épousé
en secondes noces une princesse venue d’un pays lointain, comme son aïeul
Henri Ier qui avait pris alliance dans la maison des ducs de Kiev, en Russie.
Philippe-Auguste avait demandé et obtenu la main d’Ingeburge, fille
de Waldemar, roi de Danemark, et la jeune fille avait reçu en France
un accueil triomphal que justifiaient sa beauté et sa bonne grâce,
encore qu’elle ignore notre langue. Le mariage fut célébré
à Amiens, la veille de l’Assomption, en l’an 1193. Que se passa-t-il
entre les époux? Nul ne le saura jamais. Toujours est-il que le lendemain
dos noces, le roi, saisi d’une étrange aversion pour sa femme, déclara
qu’il la répudierait. Aussitôt, en effet, il commença
des démarches pour obtenir l’annulation de son mariage, invoquant
une parenté d’Ingeburge avec sa première femme, Isabeau de
Hainaut, tantôt avec sa trisaïeule, Anne de Russie. Ces parentés,
qui constituaient alors des obstacles au mariage, furent établies
sur de faux actes généalogiques, mais sous la pression du
roi, une assemblée des évêques de France prononça
le divorce. La malheureuse reine refusa cependant de quitter la France et
chercha d’abord asile en divers monastères, réduite même,
dit-on, à demander l’aumône, tandis que Philippe Auguste se
hâtait d’épouser une autre princesse étrangère,
Agnès de Méranie. Mais le pape ayant d’abord cassé
la sentence du divorce et ce nouveau mariage, puis, jeté l’interdit
sur tout le royaume, le roi fit enfermer Ingeburge dans le donjon d’Etampes,
où elle devait demeurer des années prisonnière. Elle
ne recouvra véritablement sa liberté et ses prérogatives
d’épouse et de reine qu’en 1213, après maintes vicissitudes,
des retours du roi vers elle sans lendemain et suivis de nouvelles périodes
de captivité. Mais les durs effets de l’excommunication, qui menaçait
de ruine à cette époque un pays tout entier, la réprobation
de plus en plus vive du clergé et du peuple, sans doute aussi la
mort d’Agnès de Méranie, amenèrent enfin le roi à
se soumettre définitivement. Bien des points de cette lutte singulière
demeurent obscurs d’ailleurs, les textes étant en désaccord
sur ce sujet. Nous citerons ce pendant une mention manuscrite peu connue,
retrouvée sur le psautier d’Ingeburge, qui met comme un terme à
cette dramatique histoire, en donnant à penser que la malheureuse
reine avait pardonné au roi sa longue injure et conservé du
dévouement pour ses intérêts et ceux de la France. Elle
a fait écrire, en effet, sur le calendrier de son psautier à
la date de la victoire de Bouvines, le 27 juillet 1214, cette courte note:
Sexto kalendas augusti, anno Domini M° CC° quarto
decimo, veinqui Phelippe rois de France, en bataille, le roi Othon et le
conte de Flandres et le conte de Boloigne et plusors autres barons.
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C’est le petit-fils de Philippe-Auguste,
Saint Louis, qui le premier détacha provisoirement du domaine
royal Étampes et son territoire pour le donner à sa
mère Blanche de Castille en échange de son douaire
en Berry qu’elle avait abandonné à son troisième
fils, Robert d’Artois, pour faciliter son mariage. La régence
de Blanche de Castille avait été traversée de nouvelles
luttes contre les vassaux de la couronne, rebelles à l’autorité
d’une femme. Mais on sait que celle-ci était d’une vertu peu commune.
Son courage eut raison de tous les ennemis du jeune roi, auxquels, s’il
faut en croire Joinville, ne s’étaient pas joints les seigneurs
du pays d’Étampes: ayant, au contraire, averti leur souverain,
ils lui permirent ainsi de triompher à Montlhéry et de rentrer
à Paris. La paix revenue, Blanche de Castille fit construire
à Étampes un monastère et une église pour
des Pères cordeliers. Les huguenots devaient incendier ces bâtiments
en 1567, ainsi que les archives de la communauté, ce qui fit
disparaître toutes les chartes de cette fondation. Elle fut rétablie
par Henri III [p.17] et
détruite encore à la Révolution, mais le souvenir
du moins en subsiste dans le nom actuel de la rue, où s’élevait
sans doute le couvent du XIIIe siècle.
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C’est le petit-fils de Philippe-Auguste, saint Louis (1226-l270), qui
le premier détacha provisoirement du domaine royal Etampes et son
territoire pour le donner à sa mère Blanche de Castille en
échange de son douaire en Berry qu’elle avait abandonné à
son troisième fils, Robert d’Artois, pour faciliter son mariage.
La régence de Blanche de Castille avait été traversé
de nouvelles luttes contre les vassaux de la couronne, rebelles à
l’autorité d’une femme. Mais on sait que celle-ci était d’une
vertu peu commune. Son courage eut raison de tous les ennemis du jeune
roi, auxquels, s’il faut en croire Joinville, ne s’étaient pas joints
les seigneurs du pays d’Etampes: ayant, au contraire, averti leur souverain,
ils lui permirent ainsi de triompher à Montlhéry et de rentrer
à Paris. La paix revenue, Blanche de Castille fit construire à
Etampes un monastère et une église pour des Pères cordeliers.
Les huguenots devaient incendier ces bâtiments en 1567, ainsi que
les archives de la communauté, ce qui fit disparaître toutes
les chartes de cette fondation. Elle fut rétablie par Henri III et
détruite encore à la Révolution, mais le souvenir du
moins en subsiste dans le nom actuel de la rue, où s’élevait
sans doute le couvent du XIIIe siècle.
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Par la mort de la reine Blanche, la seigneurie d’Étampes
avait fait retour à la couronne comme il se devait et elle
fut donnée en 1272 à la veuve de Saint Louis, Marguerite
de Provence, également en échange de son douaire, au
comté du Mans, qui lui avait été repris pour
accroître l’apanage de Charles d’Anjou, le frère de Louis
IX. Cette donation n’était faite qu’à la reine et s’éteignit
avec elle. Celle que le roi Philippe le Bel accorde en 1307 à
son frère Louis d’Evreux est plus large elle ne représente
pas un simple échange et il reçoit la châtellenie
d’Étampes pour lui et ses enfants mâles et légitimes,
ce qui en fait un apanage. Une curieuse peinture murale, malheureusement
très altérée, dont on voit encore les vestiges dans
un grenier du palais de justice, l’ancien palais du Séjour, parait
bien représenter la cérémonie de cette donation
du roi Philippe IV à son frère, au dé but du XIVe
siècle. Le nouveau seigneur d’Étampes se signala par
la vente qu’il consentit en 1309 aux habitants d’Étampes et de
Brières, moyennant 2.000 livres tournois, d’une «belle garenne»
qui s’étendait alors sur toute la plaine des Sablons, jusque
près de la ville et du château. Le gibier abondait dans
cette chasse gardée, cette «garenne jurée»
comme on disait alors, et causait de si grands dégâts aux
cultures voisines que Louis d’Évreux céda aux plaintes
de ses sujets. C’est donc à cette époque que dut commencer
le défrichement des bois de la vallée d’Étampes.
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Par la mort de la reine Blanche, la seigneurie d’Etampes avait tait retour
à la couronne comme il se devait et elle fut donnée en 1272
à la veuve de saint Louis, Marguerite de Provence, également
en échange de son douaire, au conté du Mans, qui lui avait
été repris pour accroître l’apanage de Charles d’Anjou,
le frère de Louis IX. Cette donation n’était faite qu’à
la reine et s’éteignit avec elle. Celle que le roi Philippe le Bel
accorde en 1307 à son frère Louis d’Evreux est plus large:
elle ne représente pas un simple échange et il reçoit
la châtellenie d’Etampes pour lui et ses enfants mâles et légitimes,
ce qui en fait un apanage. Une curieuse peinture murale, malheureusement
très altérée, dont on voit encore les vestiges dans
un grenier du palais de justice, l’ancien palais du Séjour, paraît
bien représenter la cérémonie de cette donation du
roi Philippe IV à son frère, au début du XIVe siècle.
Le nouveau seigneur d’Etampes se signala par la vente qu’il consentit en
1309 aux habitants d’Etampes et de Brières, moyennant 2.000 livres
tournois, d’une «belle garenne» qui s’étendait alors sur
toute la plaine des Sablons, jusque près de la ville et du château.
Le gibier abondait dans cette chasse gardée, cette «garenne
jurée» comme on disait alors, et causait de si grands dégâts
aux cultures voisines que Louis d’Evreux céda aux plaintes de ses
sujets. C’est donc à cette époque que dut commencer le défrichement
des bois de la vallée d’Etampes.
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A la mort de Louis, son fils aîné
recevant le comté d’Évreux, Étampes fut attribué
au cadet, Charles, de par la volonté de son père.
C’est pour lui que le roi Charles IV le Bel, son cousin, érigea
en 1327 la baronnie d’Étampes en comté, «nom plus
élégant», dit le titre d’érection, conservé
aux Archives nationales, «et que justifient le charme du lieu,
l’abondance et la richesse de ses fruits». En dépit de
ces agréments reconnus à notre ville, les premiers comtes
d’Étampes, Charles et son fils Louis II, n’y ont pas laissé
de grands souvenirs de leur passage. Ils semblent lui avoir préféré
le séjour de Dourdan, si l’on s’en réfère du moins
au témoignage, peut-être partial, du vieil historien de
Dourdan, Delescornay. En tout cas, aucun monument ne fut élevé
par leurs soins, mais la guerre apportait alors ses ravages qu’il fallait
d’abord réparer. En 1367, des troupes anglaises parties de
Troyes, sous la conduite du prince de Galles, étaient venues
jusqu’à Étampes et Étréchy, dévastant
tout sur leur passage. D’autres, en 1370, refoulées des abords
de Paris, prirent Étampes, la saccagèrent, et poursuivirent
leurs destructions à travers toute la Beauce et jusqu’en Anjou.
L’église Sainte-Croix avait été pillée,
un grand nombre des habitants ruinés, la collégiale de
Notre-Dame, qui possédait de nombreux biens dans les pays d’alentour,
si appauvrie, [p.18] qu’une
partie de ses chanoines et de ses clercs étaient réduits
à la mendicité. Pour compenser ces ruines, Louis II, comte
d’Étampes fit une importante donation de fiefs et de rentes à
l’église Notre- Dame, à condition «qu’il sera chanté
tous les jours à perpétuité, avant le soleil levé
ou environ, une messe à notes et plainchant», qui fut appelée
la Messe au Comte. D’autre part, il fit remise aux
habitants de la paroisse Saint-Gilles, contre une rente annuelle de
dix livres parisis, d’une charge singulière et fort onéreuse
qu’ils supportaient depuis plus de deux siècles, celle de fournir
aux rois, puis, aux comtes d’Etampes, lorsqu’ils séjournaient
dans la ville, tout le linge, «tant pour lits comme pour table»,
et toute la vaisselle nécessaires pour eux et leur suite.
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A la mort de Louis, son fils aîné recevant le comté
d’Evreux, [p.26] Etampes fut
attribué au cadet, Charles, de par la volonté de sou père.
C’est pour lui que le roi Charles IV le Bel, son cousin, érigea en
1327 la baronnie d’Etampes en comté, «nom plus élégant»,
dit le titre d’érection, conserve aux Archives nationales, «et
que justifient le charme du lieu, l’abondance et la richesse de ses fruits».
En dépit de ces agréments reconnus à notre ville,
les premiers comtes d’Etampes, Charles et son fils Louis II, n’y ont pas
laissé de grands souvenirs de leur passage. Ils semblent lui avoir
préféré le séjour de Dourdan, si l’on s’en
réfère du moins au témoignage, peut-être partial,
du vieil historien de Dourdan, Delescornay. En tout cas, aucun monument
ne fut élevé par leurs soins, mais la guerre apportait alors
ses ravages qu’il fallait d’abord réparer. En 1367, des troupes anglaises
parties de Troyes, sous la conduite du prince de Galles, étaient
venues jusqu’à Etampes et Etréchy, dévastant tout sur
leur passage. D’autres, en 1370, refoulées des abords de Paris, prirent
Etampes, la saccagèrent, et pour suivirent leurs destructions à
travers toute la Beauce et jus qu’en Anjou. L’église Sainte-Croix
avait été pillée, un grand nombre des habitants ruinés,
la collégiale de Notre-Dame, qui possédait de nombreux biens
dans les pays d’alentour, si appauvrie, qu’une partie de ses chanoines
et de ses clercs étaient réduits à la mendicité.
Pour compenser ces ruines, Louis II, comte d’Etampes, fit une importante
donation de fiefs et de rentes à l’église Notre-Dame, à
condition «qu’il sera chanté tous les jours à perpétuité,
avant le soleil levé ou environ, une messe à notes et plainchant»,
qui fut appelée la Messe au Comte. D’autre part, il fit remise aux
habitants de la paroisse Saint-Gilles, contre une rente annuelle de dix
livres parisis, d’une charge singulière et fort onéreuse
qu’ils supportaient depuis plus de deux siècles, celle de fournir
aux rois, puis aux comtes d’Etampes, lorsqu’ils séjournaient dans
la ville, tout le linge, «tant pour lits comme pour table»,
et toute la vaisselle nécessaires pour eux et leur suite.
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Le troisième comte d’Étampes
fut Jean, duc de Berry et d’Auvergne, le frère de Charles
V, qui dut ce titre à une grâce spéciale du roi,
car Louis II n’ayant pas d’enfants mâles, le comté d’Étampes
eût dû revenir à la couronne, suivant les stipulations
ordinaires des apanages. Déjà Louis II l’avait irrégulièrement
cédé, avec réserve de jouissance sa vie durant,
à Louis d’Anjou, le second fils du roi Jean, mais Louis d’Anjou
étant mort avant son donateur, ses enfants transportèrent
la donation du comté d’Étampes à leur oncle,
Jean de Berry, qui sut obtenir l’assentiment du roi Charles VI, en
1384.
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Le troisième comte d’Etampes fut Jean, duc de Berry et d’Auvergne,
le frère de Charles V. qui dut ce titre à une grâce
spéciale du roi, car Louis II n’ayant pas d’enfants mâles,
le comté d’Etampes eût dû revenir à la couronne,
suivant les stipulations ordinaires des apanages.
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Si le duc Jean était un homme habile, il fut aussi une
puissante personnalité et un prince magnifique. Comme son frère Charles V, qui le premier des rois de
France ne combattait pas lui-même à la tête de ses
armées, il n’aimait pas la guerre, en un temps où ses
pairs ne concevaient guère d’autre idéal de leur activité.
Instruit, curieux de tout, collectionneur passionné
de beaux manuscrits à peintures, d’objets d’art et d’orfèvrerie,
de bijoux, de curiosités de toutes sortes, ce dilettante préférait
à la politique et aux chocs des armes les loisirs qu’il goûtait
dans ses douze châteaux, en compagnie des artistes et des lettrés.
Il lui fallut cependant choisir entre les factions qui déchiraient
la France. Armagnacs et Bourguignons se disputaient sa faveur et il
inclinait tantôt pour les uns, tantôt pour les autres. Le
résultat inévitable de cette sceptique modération
fut de le rendre suspect à tous et de le faire rejeter des deux
camps.
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Si
le duc Jean était un homme habile, il fut aussi une puissante personnalité
et un prince magnifique. Comme son frère Charles V, qui le premier
des rois de France ne combattait pas lui-même à la tête
de ses armées, il n’aimait pas la guerre, en un temps où
ses pairs ne concevaient guère d’autre idéal pour leur activité.
Instruit, curieux de tout, collectionneur passionné de beaux manuscrits
à peintures, d’objets d’art et d’orfèvrerie, de bijoux,
de curiosités de toutes sortes, ce dilettante préférait
à la politique et aux chocs des armes les loisirs qu’il goûtait
dans ses douze châteaux, en compagnie des artistes et des lettrés.
Il lui fallut cependant choisir entre les factions qui déchiraient
la France. Armagnacs et Bourguignons se disputaient sa faveur et il inclinait
tantôt pour les uns, tantôt pour les autres. Le résultat
inévitable de cette sceptique modération fut de le rendre
suspect à tous et de le faire rejeter des deux camps.
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Appauvri
par ses libéralités et ses dépenses de collectionneur,
malgré les sommes énormes qu’il extorquait de ses provinces,
il mourut endetté et maudit d’une partie de ses sujets. Mais
sa mémoire est chère à bien des amateurs d’art pour
ce qui demeure encore de tout ce que ses goûts raffinés
ont suscité, dans les ordres les plus divers. Si ses innombrables
bijoux et ses précieuses vaisselles ont disparu, il nous reste
les beaux monuments de Bourges et d’Auvergne, dus aux grands architectes
qu’il protégeait, les somptueux manuscrits à peintures,
comme son Livre d’Heures, et d’autres œuvres moins connues: la Vierge charmante,
en pierre blanche du [p.19] Berry,
qui sourit au seuil de la sombre église de Riom; dans notre région,
une autre statue de Vierge, donnée par lui aux célestins
de Marcoussis, d’un admirable réalisme, qui en fait un des plus
intéressants spécimens de la sculpture française
du XIVe siècle. Et nul Étampois ne devrait ignorer le nom
de Jean duc de Berry, puisque c’est à lui que nous devons la grosse
cloche de Notre-Dame, dont la voix si grave et si pure résonne,
bien au-delà de la ville, chaque jour, depuis l’an 1401.
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Appauvri
par ses libéralités et ses dépenses de collectionneur,
malgré les sommes énormes qu’il extorquait de ses provinces,
il mourut endetté et maudit d’une partie de ses sujets. Mais sa
mémoire est chère à bien des amateurs d’art pour ce
qui demeure encore de tout ce que ses goûts raffinés ont suscité,
dans les ordres les plus divers. Si ses innombrables bijoux et ses précieuses
vaisselles ont disparu, il nous reste les beaux monuments de Bourges et
d’Auvergne, dus aux grands architectes qu’il protégeait, les somptueux
manuscrits à peintures, comme son Livre d’Heures, et d’autres œuvres
moins connues la Vierge charmante, en pierre blanche du Berry, qui sourit
au seuil de la sombre église de Riom dans noire région, une
autre statue de Vierge, donnée par lui aux célestins de Marcoussis,
d’un admirable réalisme, qui en fait un des plus intéressants
spécimens de la sculpture française du XIV siècle.
Et nul Etampois ne devrait ignorer le nom de Jean duc de Berry, puisque
c’est à lui que nous devons la grosse cloche de Notre-Dame, dont
la voix si grave et si pure résonne, bien au-delà de la ville,
chaque jour, depuis l’an 1401.
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On aurait cependant une idée
incomplète de notre comte d’Étampes si l’on ne voyait
en lui que cette captivante figure de mécène pacifique.
Il offrait d’étranges contrastes: despote et cupide au tant
que libéral et généreux, il était dénué
de tout scrupule pour satisfaire ses désirs ou même des
fantaisies parfois bizarres. C’est ainsi qu’il utilisa le donjon d’Étampes
pour y séquestrer une fillette de huit ans, Gillette la Mercière,
qu’il avait résolu de marier, malgré son jeune âge
et l’opposition légitime de ses parents, à un peintre
allemand qui «besoignait» pour lui. Furieux de la résistance
qu’il rencontrait, il fit enlever la malheureuse enfant et la retint
prisonnière pendant près d’un an. Le Parlement et le Conseil
du Roi furent saisis et le duc ne céda qu’après maintes
interventions.
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Le comté d’Étampes devait
revenir à la couronne, si Jean de Berry mourait sans enfants
mâles, selon l’engagement qu’il avait pris et qu’il avait fait
largement payer, d’ailleurs, au roi, par des dons à ses filles.
Mais abusant de la faiblesse de Charles VI, le duc, n’ayant pas de fils,
obtint encore la grâce de disposer de son comté, ce qu’il
fit dès 1387, en faveur de son frère Philippe le Hardi, duc
de Bourgogne. Cette nouvelle dérogation aux prudentes règles
des apanages eut, contrairement à la précédente,
de funestes conséquences elle allait faire le malheur de notre région
pendant près d’un siècle. Entre les mains des ducs de
Bourgogne, elle devait, en effet, être entraînée dans
la guerre sans merci que ces princes puissants, ambitieux et âpres
menèrent alors contre la couronne. Bien plus, elle eut le triste
privilège d’être un enjeu de ces luttes ni les rois, ni les
ducs ne voulaient y renoncer, marquant ainsi l’importance qu’ils attachaient
à sa possession. Mais déjà ravagée par la
guerre de Cent ans, elle sortira ruinée des guerres civiles.
Philippe de Bourgogne mourut avant son donateur, Jean de Berry. Si l’usufruit
du comté d’Étampes demeurait à ce dernier, la nue
propriété passait au fils aîné de Philippe,
Jean, dit Jean sans Peur. A ce moment, la démence du roi Charles
VI laissait libre cours à toutes les rivalités qui s’agitaient
autour de lui. Jean sans Peur, pris de haine contre le duc d’Orléans,
frère du roi, le fit assassiner dans la rue Barbette, à Paris.
Indigné de ce crime, le duc de Berry révoqua sa donation
du comté d’Étampes, et prit enfin le parti des Armagnacs,
formé autour de Charles d’Orléans, le charmant poète,
fils de la victime de Jean sans Peur, qui [p.20]
avait épousé la fille du comte
d’Armagnac. Une véritable guerre commença. Les Armagnacs
ayant rassemblé dans Étampes et la région des
troupes qui s’avançaient jusqu’à Paris et désolaient
le pays, Jean sans Peur, que soutenait le pauvre roi, vint mettre
le siège devant Étampes en 1411, avec le dauphin Louis,
duc de Guyenne. Dès la première sommation, les Étampois,
peu belliqueux, ouvrirent les portes et implorèrent la clémence
du dauphin et de ses alliés pour éviter le pillage, qui
d’ailleurs n’en eut pas moins lieu. La garnison d’Étampes était
commandée par un gentilhomme d’Auvergne, fidèle serviteur
du duc de Berry, Louis de Bosredon. Plus vaillant que les habitants de
la ville, il s’enferma dans le château avec ses troupes, s’y fortifia
et soutint une résistance désespérée,
comme il l’avait promis à son prince. Les entrées du château
ayant été forcées, une tour écroulée
par le choc d’énormes pierres que lançaient les assaillants,
il dut se retirer dans le donjon — la tour de Guinette — où il
tint encore plusieurs jours. Les historiens de l’époque rapportent
que les dames de la ville s’y étaient réfugiées
et, du haut des murs, pour narguer les assiégeants, tendaient
leurs tabliers vers les pierres projetées par les machines, qui
ne réussissaient pas à les atteindre. Bosredon ne capitula
que sous la menace de la sape et de l’incendie. Sa bravoure lui valut
au moins la grâce du dauphin: il fut emmené prisonnier à
Paris, avec quelques chefs de la ligue des Armagnacs, tandis que d’autres
étaient mis à mort. L’héroïque défenseur
du château d’Étampes n’en eut pas moins une fin lamentable.
Après la mort de Jean de Berry, il changea de camp, puisqu’on
le retrouve en 1416 dans l’entourage de la reine Isabeau de Bavière,
commandant la 4e compagnie de ses gardes du corps. Il fut accusé
d’être son amant, sans doute à tort, la reine étant
alors si atteinte par l’âge, l’obésité et la goutte
qu’elle ne se déplaçait plus qu’en chaise roulante.
Mais il n’en était pas de même de ses dames d’honneur,
dont les mœurs étaient fort dissolues. Toujours est-il que les
Armagnacs et le nouveau dauphin Charles, acquis à leur parti,
voulaient faire exiler la reine favorable aux Bourguignons et pour cela
faire disparaître d’abord son vigilant défenseur Bosredon.
Ils dénoncèrent au roi ses mœurs scandaleuses, en l’accusant
d’être l’amant de la reine. Bosredon fut arrêté,
mis à la torture, enfermé à Montlhéry et finalement
jeté dans la Seine, pendant la nuit, en un sac de cuir sur lequel
on avait écrit: «Laissez passer la justice du roi».
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Le comté d’Etampes devait revenir à la couronne, si Jean
de Berry mourait sans enfants mâles, selon l’engagement qu’il avait
pris et qu’il avait fait largement payer, d’ailleurs, au roi, par des dons
à ses filles. Mais abusant de la faiblesse de Charles VI, le duc,
n’ayant pas de fils, obtint encore la grâce de disposer de son comté,
ce qu’il fit dés 1387, en faveur de son frère Philippe le
Hardi, duc de Bourgogne. Cette nouvelle dérogation aux prudentes
règles des apanages eut, contrairement à la précédente,
de funestes conséquences: elle allait faire le malheur de noire région
pendant près d’un siècle. Entre les mains des ducs de Bourgogne,
elle devait, en effet, être entraînée dans la guerre
sans merci que ces princes puissants, ambitieux et âpres menèrent
alors contre la couronne. Bien plus, elle eut le triste privilège
d’être un enjeu de ces luttes ni les rois, ni les ducs ne voulaient
y renoncer, marquant ainsi l’importance qu’ils attachaient à sa
possession. Mais déjà ravagée par la guerre de Cent
ans, elle sortira ruinée des guerres civiles. Philippe de Bourgogne
mourut avant son donateur, Jean de Berry. Si l’usufruit du comté
d’Etampes demeurait à ce dernier, la nue propriété
passait au fils aîné de Philippe, Jean dit Jean sans Peur.
A ce moment, la démence du roi Charles VI laissait libre cours à
toutes les rivalités qui s’agitaient autour de lui. Jean sans Peur,
pris de haine contre le duc d’Orléans, frère du roi, le fit
assassiner dans la rue Barbette, à Paris. Indigné de ce crime,
le duc de Berry révoqua sa donation du comté d’Etampes, et
prit enfin le parti des Armagnacs, formé autour de Charles d’Orleans,
le charmant poète, fils de la victime de Jean sans Peur, qui avait
épousé la fille du comte d’Armagnac. Une véritable
guerre commença. Les Armagnacs ayant rassemblé dans Etampes,
et la région des troupes qui s’avançaient jusqu’à
Paris et désolaient le pays, Jean sans Peur, que soutenait le pauvre
roi, vint mettre le siège devant Etampes en 1411, avec le dauphin
Louis, duc de Guyenne. Dès la première sommation, les Etampois,
peu belliqueux, ouvrirent les portes et implorèrent la clémence
du dauphin et de ses alliés nous éviter le pillage, oui d’ailleurs
n’en eut pas moins lieu, La garnison d’Etampes était commandée
par un gentilhomme d’Auvergne, fidèle serviteur du duc de Berry,
Louis de Bosredon. Plus vaillant que les habitants de la ville, il s’enferma
dans le château avec ses troupes, s’y fortifia et soutint une résistance
désespérée, comme il l’avait promis à son prince.
Les entrées du château ayant été forcées,
une tour écroulée par le choc d’énormes pierres que
lançaient les assaillants, il dut se retirer dans le donjon — la
tour de Guinette — où il tint encore plusieurs jours. Les historiens
de l’époque rapportent que les dames de la ville s’y étaient
réfugiées et, du haut des murs, pour narguer les assiégeants,
tendaient leurs tabliers vers les pierres projetées par les machines,
qui ne réussissaient pas à les atteindre. Bosredon ne capitula
que sous la menace de la sape et de l’incendie. Sa bravoure lui valut au
moins la grâce du dauphin il fui emmené prisonnier à
Paris, avec quelques chefs de la ligue des Armagnacs, tandis que d’autres
étaient mis à mort. L’héroïque défenseur
du château d’Etampes n’en eut pas moins une fin lamentable. Après
la mort de Jean de Berry, il changea de camp, puisqu’on le retrouve en 1416
dans l’entourage de la reine Isabeau de Bavière, commandant la 4e
compagnie de ses gardes du corps. Il fut accusé d’être son amant,
sans doute à tort, la reine étant alors si atteinte par l’âge,
l’obésité et la goutte qu’elle ne se déplaçait
plus qu’en chaise roulante. Mais il n’en était pas de même de
ses dames d’honneur, dont les mœurs étaient fort dissolues. Toujours
est-il que les Armagnacs et le nouveau dauphin Charles, acquis à leur
parti, voulaient faire exiler la reine favorable aux Bourguignons et pour
cela faire disparaître d’abord son vigilant défenseur Bosredon.
Ils dénoncèrent au roi ses mœurs scandaleuses, en l’accusant
d’être l’amant de la reine. Bosredon fut arrêteé mis à
la torture, enfermé à Montlhéry et finalement jeté
dans la Seine, pendant la nuit, en un sac de cuir sur lequel on avait écrit:
«Laissez passer la justice du roi».
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Nous avons du siège de 1411 un très modeste,
mais curieux témoignage, au musée d’Étampes. Il
s’agit d’une vervelle, petit écus son de bronze qu’on fixait au
collier des chiens pour indiquer leur maître: elle porte les armes
des Mailly: d’or à trois maillets de gueules, avec
une brisure de la branche des Mailly-l’Orsignol, et fut découverte
au pied de la tour de Guinette en 1897. Or un membre de cette famille,
Robert de Mailly, seigneur de l’Orsignol, était précisément [p.21] chambellan de Jean sans Peur
à l’époque du siège d’Étampes. Il est
donc probable qu’il y prit part et c’est ainsi qu’un de ses chiens
dut perdre sa vervelle sous les murs de la forteresse.
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Nous avons du siège de 1411 un très modeste, mais curieux
témoignage, au musée d’Etampes. Il s’agit d’une vervelle,
petit écusson de bronze qu’on fixait au collier des chiens pour indiquer
leur maure elle porte les armes des Mailly: d’or à trois maillets
de gueules, avec une brisure de la branche des Mailly-l’Orsignol, et fut
découverte au pied de la tour de Guinette en 1897. Or un membre
de cette famille, Robert de Mailly, seigneur de l’Orsignol, était
précisément chambellan de Jean sans Peur à l’époque
du siège d’Etampes. Il est donc probable qu’il y prit part et c’est
ainsi qu’un de ses chiens dut perdre sa vervelle sous les murs de la forteresse.
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Le duc Jean de Berry mourut en 1415
et son comté d’Étampes, bien qu’il en eût révoqué
la donation à son neveu Jean sans Peur, fut revendiqué
par ce prince. Mais il n’avait plus pour lui l’appui du dauphin Louis,
son gendre, mort dès l’année 1415, et le nouveau dauphin,
le futur Charles VII, appartenait, nous l’avons vu, au parti des Armagnacs.
Le résultat de ces funestes guerres intérieures qui
renaissaient constamment, malgré des conventions que nul ne
respectait, fut que notre malheureuse ville fut encore assiégée
et prise en 1417. Ainsi, en moins de six ans, elle avait subi deux
sièges et pour comble de désordre, le premier avait été
soutenu contre le fils aîné du roi et le second, au contraire,
en faveur d’un autre fils du roi. Et ce ne fut pas la fin des vicissitudes
du comté d’Étampes: pendant plus de cinquante ans, les
ducs de Bourgogne le revendiqueront obstinément, tantôt
par les armes, tantôt au cours de conférences qui exaspéraient
le différend, tantôt, enfin, devant le Parlement. Le roi,
bien faible en face de ces puissants adversaires, essayait de maintenir
les droits de la couronne en donnant le comté d’Étampes
à des vassaux fidèles, comme Richard de Bretagne, qui
avait sauvé la dauphine à l’entrée des Anglais
à Paris en 1421, en confirmant ensuite à sa veuve, puis
à son fils, cette donation qui demeurait fictive, puisque les
donataires mouraient sans avoir pu prendre possession de son objet.
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Le duc Jean de Berry mourut en 1415 et son comté d’Etampes, bien
qu’il en eût révoqué la donation à son neveu
Jean sans Peur, fut revendiqué par ce prince. Mais il n’avait plus
pour lui l’appui du dauphin Louis, son gendre, mort dès l’année
1415, et le nouveau dauphin, le futur Charles VII, appartenait, nous l’avons
vu, au parti des Armagnacs. Le résultat de ces funestes guerres intérieures
qui renaissaient constamment, malgré des conventions que nul ne
respectait, fut que notre malheureuse ville fut encore assiégée
et prise en 1417. Ainsi, en moins de six ans, elle avait subi deux sièges
et pour comble de désordre, le premier avait été soutenu
contre le fils aîné du roi et le second, au contraire, en
faveur d’un autre fils du roi. Et ce ne fut pas la fin des vicissitudes
du comté d’Etampes: pendant plus de cinquante ans, les ducs de Bourgogne
le revendiqueront obstinément, tantôt par les armes, tantôt
au cours de conférences qui exaspéraient le différend,
tantôt, enfin, devant le Parlement.
|
Enfin,
dans les dernières années du règne de Louis XI,
en 1478, un arrêt du Parlement rendait le comté à
la couronne, comme il était juste et comme il aurait dû
en être dès 1400 à la mort de Louis II, qui était
sans enfants. François de Bretagne et même le duc de Bourgogne,
Jean, comte de Nevers, s’inclinèrent: Charles le Téméraire
était mort et Louis XI était puissant.
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Enfin,
dans les dernières années du règne de Louis XI, en 1478,
un arrêt du Parlement rendait le comté à la couronne,
comme il était juste et comme il aurait dû en être dès
1400 à la mort de Louis II, qui était sans enfants. Français
de Bretagne et même le duc de Bourgogne, Jean, comte de Nevers, s’inclinèrent:
Charles le Téméraire était mort et Louis XI était
puissant.
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Le fait le plus mémorable de
cette longue période de troubles fut le séjour que
fit à Étampes, en 1465, Charles le Téméraire,
duc de Bourgogne, et ses alliés, après avoir livré
contre Louis XI la bataille de Montlhéry. Ils venaient y rafraîchir
leurs troupes, qui comptaient un grand nombre de blessés et
de malades. Malgré ces circonstances favorables, le défenseur
de la ville, Robinet du Ruth ne s’inspira pas de l’héroïque
exemple de Bosredon en 1411: il rendit le château sans coup férir.
Il est vrai qu’il n’avait avec lui qu’une faible garnison. Il fut cependant
châtié de sa lâcheté et emprisonné
à Bourges. Mais il obtint sa liberté dès 1467
«étant chargé de femme et de plusieurs petits
enfants et n’ayant jamais été convaincu d’aucun autre
vilain cas», par une lettre de rémission de Louis XI, petite
preuve de la justice d’un roi fort calomnié.
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Le fait le plus mémorable de cette langue période de troubles
fut le séjour que fit à Etampes, en 1465, Charles le Téméraire,
duc de Bourgogne, et ses alliés, après avoir livré
contre Louis XI la bataille de Montlhéry. Ils venaient y rafraîchir
leurs troupes, qui comptaient un grand nombre de blessés et de
malades. Malgré ces circonstances favorables, le défenseur
de la ville, Robinet du Ruth ne s’inspira pas de
[p.27] l’héroïque exemple de Bosredon
en 1411: il rendit le château sans coup férir. Il est vrai
qu’il n’avait avec lui qu’une faible garnison. Il fut cependant châtié
de sa lâcheté et emprisonné à Bourges. Mais
il obtint sa liberté dés 1467 «étant chargé
de femme et de plusieurs petits enfants et n’ayant jamais été
convaincu d’aucun autre vilain cas», par une lettre de rémission
de Louis XI, petite preuve de la justice d’un roi fort calomnié.
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Les habitants d’Étampes et des
villages voisins subirent la charge d’héberger et de soigner
les soldats des ennemis du roi. Beaucoup
[p.22] moururent, qui appartenaient à l’armée
du duc de Bretagne, que les intrigues de Charles le Téméraire
avaient réussi à détacher du parti royal. On
les enterra au delà de l’église Saint-Pierre en un lieu
qui prit le nom de cimetière des Bretons, d’où
vint celui de Bretagne au hameau environnant.
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Les habitants d’Etampes et des villages voisins subirent la charge d’héberger
et de soigner les soldats des ennemis du roi, Beaucoup moururent, qui appartenaient
à l’armée du duc de Bretagne, que les intrigues de Charles
le Téméraire avaient réussi à détacher
du parti royal. On les enterra au-delà de l’église Saint-Pierre
en un lieu qui prit le nom de cimetière des Bretons, d’où
vint celui de Bretagne au hameau environnant.
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Une légende attribue à
un Breton de cette armée, pendant son séjour à
Étampes, l’invention des fusées, parce qu’il en avait
jeté, par mégarde, quelques-unes contre le meneau d’une
fenêtre où se tenaient appuyés le duc de Berry
et Charles le Téméraire. II est impossible de faire
d’Étampes le berceau de cette découverte, attendu que
les fusées, connues de temps immémorial en Chine, avaient
depuis longtemps pénétré en Europe.
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Une légende attribue à un Breton de cette armée,
pendant son séjour à Etampes, l’invention des fusées,
parce qu’il en avait jeté, par mégarde, quelques-unes contre
le meneau d’une fenêtre où se tenaient appuyés le duc
de Berry et Charles le Téméraire. Il est impossible de faire
d’Etampes le berceau de cette découverte, attendu que les fusées,
connues de temps immémorial en Chine, avaient depuis longtemps pénétré
en Europe.
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Édition de 1938, pp. 9-22
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Édition de 1964, pp. 23-27
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