CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
René de Saint-Périer
L’Ancien Arrondissement d’Étampes
[La grande histoire d’une petite ville, chapitre VIII] 
1938-1969

Jules Lepoint-Duclos: Chateau de Farcheville (gravure sur bois, 1938)    

     La personnalité et l’œuvre du Comte de Saint-Périer ont dominé l’historiographie étampoise pendant la première moitié du 20e siècle. Sa Grande histoire d’une petite ville, Étampes, parue en 1938, reste à ce jour la seule synthèse complète publiée sur l’histoire de cette ville.
B.G.
   
Avertissement
Chapitre I.
Chapitre II. Chapitre III. Chapitre IV. Chapitre V. Chapitre VI. Chapitre VII. Chapitre VIII. Index. Table.
 
COMTE DE POILLOÜE DE SAINT-PÉRIER
LA GRANDE HISTOIRE D’UNE PETITE VILLE, ÉTAMPES

VIII. L’Ancien Arrondissement d’Étampes.

 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
FIN
VIII. L’Ancien Arrondissement d’Étampes.

     Boissy-le-Sec.Bouville.Chalo-Saint-Mard.Étréchy.Morigny.Souzy-la-Briche.Villeconin.Méréville.Boissy-la-Rivière.Chalou-Moulineux.Congerville.Estouches.Guillerval.Pussay.Saclas.Saint-Cyr-la-Rivière.La Ferté-Alais.Auvers-Saint-Georges.Bouray.Boutigny, Courdimanche et Champmotteux.Cerny.Chamarande.Janville-sur-Juine.Vayres.Milly.Courances.

Jules Lepoint-Duclos: Château de Farcheville (gravure sur bois, 1938)      L’ancien arrondissement d’Étampes, divisé aujourd’hui entre l’arrondissement de Corbeil et celui de Rambouillet, comprenait quatre cantons et soixante-dix communes. Ses limites étaient plus restreintes que celles de l’ancien bailliage qui s’étendait beaucoup plus à l’ouest et au sud, comprenant des paroisses qui ne font même plus partie de notre département. Nous nous proposons de rappeler en quelques mots les faits historiques essentiels et d’examiner brièvement les vestiges archéologiques que renferment un certain nombre de communes de notre ancien arrondissement. Dans ce choix, nous laisserons de côté les villages ruraux, dont l’histoire ne serait pas cependant sans intérêt, mais qui ne furent le siège ni d’un monument important, ni d’un fait historique notable.

Canton d’Étampes

BOISSY-LE-SEC

     Cette commune du grand plateau de Beauce connut, dès le moyen âge, une certaine notoriété. C’est de Boissy qu’étaient originaires Godefroy et Etienne Chartier, personnages se rattachant directement à la lignée d’Eudes le Maire, dont nous parlerons à propos de Châlo-Saint-Mard, qui fondèrent à Paris, derrière Saint-André-des-Arts, en 1359, un collège où l’on enseignait la théologie, le droit [p.114] et les lettres. Il devint célèbre sous le nom de collège de Boissy et le principal devait appartenir à la lignée d’Eudes-le-Maire.

     Le château de Boissy-le-Sec fut bâti par la famille de Paviot, d’origine normande, dès la fin du XIIIe siècle; devenue «une des plus considérables du pays d’Étampes», dit Fleureau, cette branche s’y éteignit au début du XVIIIe siècle. Le principal corps de logis a été reconstruit au XVIIe et au XVIIIe siècles, mais il demeure une grosse tour et des caves voûtées du XIVe siècle. II fut pris par les Anglais pendant la guerre de Cent Ans.

     Le hameau de Venant montre encore un pigeonnier et les restes d’un fief de la famille du Rû ou du Ruth, dont un membre, Robinet du Ruth, rendit le château d’Étampes, en 1465, à Charles le Téméraire. Au XVIe siècle, Joachim du Ruth, seigneur de Venant, se conduisit plus mal encore il souilla sa noblesse d’extraction en commettant un vol à main armée à l’abbaye de Morigny, dont il déroba le trésor et d’insignes reliques, avec des malandrins qu’il avait été recruter à Paris, place Maubert. Découvert par son voisin, Charles de Paviot, il fut décapité et brûlé à Étampes, en 1557.

BOUVILLE

Fig. 10: Château de Farcheville


     Cette commune, composée de deux agglomérations, le Grand et le Petit-Bouville, s’étend dans une vallée sèche dont les pentes sont couronnées d’éboulis de grès. Dès la fin du XIIe siècle, Raoul de Bouville est un seigneur important, auquel l’abbé de Morigny fait appel dans un de ses nombreux différends avec quelque voisin. Son petit-fils, Hugues de Bouville, baron de Milly, construisit en 1291 le château de Farcheville (fig. 10), qui conserve de précieux vestiges de cette haute époque une bonne partie de la courtine, of de grands arcs bandés servent de contreforts, disposition rare et très belle, en outre, plusieurs atours et une vaste cuisine, avec une grande cheminée à hotte et un puits intérieur. La chapelle, fondée en 1304, possède un beau plafond de l’époque, malheureusement très altéré ses caissons peints montrent des anges musiciens, dont les instruments de musique variés offrent un grand intérêt. Le pavillon d’entrée, à grand comble, de bon style, est du début du XVIIe siècle. Hugues de Bouville était chambellan du roi Philippe le Bel et fut «employé par lui à de grandes affaires». Il fut tué en 1304 la bataille de Mons-en-Puelle. Farcheville demeura dans la puissante maison de Châtillon, issue de ses descendants, jusqu’au milieu du XVIIe siècle et fut ensuite à de riches parlementaires, les Japin, les Maynon, jusqu’à la Révolution. [p.115]

CHALO-SAINT-MARD

     Ce village fut au XIe siècle le berceau du fameux Eudes le Maire, personnage dont la postérité connut une fortune singulière. C’est lui qui prit la charge d’accomplir le vœu qu’avait formé, vers 1080, le roi Philippe Ier de faire le pèlerinage de Jérusalem à pied et armé de toutes pièces. Ce vœu imprudent n’avait pas été imposé au roi comme pénitence, car «l’histoire ne nous apprend pas, dit Fleureau, qu’il eût encore commis de crimes énormes comme il en commit depuis». Aussi les prélats du royaume, craignant des désordres en son absence, se joignirent-ils aux seigneurs pour lui conseiller d’y renoncer. Le roi voulut au moins faire exécuter son vœu par un autre et c’est ainsi que son fidèle serviteur, Eudes le Maire, accomplit cette odyssée, peut-être à demi-légendaire, pour laquelle il employa deux années «tant à cause de la longueur et de la difficulté du chemin que pour le poids des armes dont il était chargé». Il méritait certes une récompense et celle que lui aurait accordée le roi était considérable: il l’exemptait avec toute sa famille et tous ceux qui descendraient de lui, de tous péages, tributs et autres droits. Par cette étonnante franchise, tous ses descendants étaient nobles et affranchis d’impôts, même issus de l’union d’une fille de la lignée d’Eudes avec un serf et vice versa. On conçoit dès lors que le mariage avec l’un de ses descendants si privilégiés fût extrêmement recherché «jusqu’aux frontières du royaume» et que la lignée ne risquât point de s’éteindre: elle se multiplia si bien qu’au XVIe siècle, on ne comptait pas moins de 7 à 8.000 «hoirs Chalo», comme on les appelait. Cette belle famille possédait à Étampes une chambre, «lieu voûté» destiné à la conservation de ses titres et quatre descendants de la lignée étaient préposés à leur garde. En revanche, elle était astreinte à certains devoirs, comme celui de veiller le corps des rois de passage à Étampes, ainsi que nous l’avons vu lors du convoi de la reine Anne de Bretagne se rendant à Saint-Denis. Cependant, comme la France entière eût fini par descendre d’Eudes le Maire pour ne plus payer d’impôts, des rois soucieux de leur budget commencèrent d’apporter des restrictions à l’exorbitante franchise. Henri IV crut l’avoir abolie par un édit de 1601, mais les héritiers d’Eudes conservèrent encore longtemps des privilèges considérables, fondés non pas seulement sur une simple tradition, mais encore sur une mystification. En effet, la charte originale de Philippe Ier a disparu, non par la seule faute «du temps qui consume tout ou du malheur des guerres qui furent grandes en France», comme le croit le bon Fleureau, mais bien plutôt parce qu’elle ne concédait que des avantages limités, semblables à ceux que les rois du XIe et du XIIe siècles accordaient habituellement: les descendants mâles d’Eudes le Maire, s’ils épousaient des filles serves échapperaient malgré cela, au rebours de la coutume, à la condition [p.116] servile. Mais les héritiers du pèlerin ne s’en contentèrent pas. Ils fabriquèrent un diplôme qui satisfaisait mieux leur avidité, en empruntant les formules solennelles des actes authentiques et les souscriptions des grands officiers, et plus tard, ils y substituèrent une notice qu’ils eurent l’adresse de faire homologuer par la chancellerie de Philippe VI. Mais ils avaient commis dans leur rédaction quelques erreurs qui déjà les avaient fait soupçonner de supercherie par le généalogiste d’Hozier, au XVIIe siècle, et qui ont permis à l’érudition moderne d’affirmer la falsification. Il reste de cette bien curieuse histoire, outre une foule de pièces d’archives, des armoiries écartelées de celles de Jérusalem, qui avaient été octroyées, sinon au pèlerin lui-même, étant donné la haute époque, du moins à ses enfants et que leurs innombrables descendants ajoutèrent à leurs propres armes. C’est ainsi qu’on les retrouve quelquefois sur des écussons de notre région. En outre, elles sont sculptées sur des clefs de voûte de l’église de Chalo.

     Le château, construction moderne ainsi que sa chapelle, est cependant d’ancienne origine. Il appartint aux Prunelé, vieille famille de Beauce souvent mêlée à notre histoire locale; ils furent également seigneurs d’un autre fief de Chalo, les Carneaux, mais dont il reste heureusement un charmant logis à tourelles du XVIe siècle. Ce n’est plus qu’une ferme, comme trois autres petits manoirs de la même époque, La Fosse, Ezeaux et Gueurville; ces deux derniers étaient jadis les fiefs d’une autre famille beauceronne, les d’Allonville. Le Tronchet, tout en abritant une ferme, offre encore au bord du plateau une belle habitation seigneuriale, construite dans un bon style de la fin du XVIe siècle et qui conserve une grosse tour, une partie de ses fossés et de son pare. Elle évoque non seulement le souvenir de la famille des Mazis, elle aussi mêlée à tous les événements de notre histoire, mais encore celui d’Alfred de Vigny qui y vint souvent chez son oncle, les Vigny descendant d’une des Mazis. Le vaste horizon qui se déroule devant le Tronchet permet de penser que là, autant qu’à Emerville, le poète subit la séduction de la Beauce.
… Les champs de la Beauce avaient leurs cœurs, leurs âmes.
                                                               … Devant notre porte,
Les grands pays muets longuement s’étendront.


     Enfin, Chérel et Longuetoise sont encore deux anciens fiefs. Si le premier n’est plus qu’une maison modeste, Longuetoise est une belle demeure du XVIIe siècle, qui conserve des restes antérieurs. Domaine des Sève à cette époque, elle fut acquise en 1685 par la famille Hénin, éteinte récemment, qui l’a conservée jusqu’à nos jours. [p.117]

ÉTRECHY

     Ce gros bourg existait dès l’époque mérovingienne, sans doute en raison de sa situation sur la grande route. Il était fortifié au moyen âge et comprenait, outre son église qui est un bel édifice du XIIIe siècle, avec quelques restes du XIIe, un prieuré et une léproserie. Le gouverneur du château d’Étampes en 1230, Guillaume Ménier, qui possédait de nombreux biens à Étréchy et aux alentours, fut enterré dans l’église, dont les sépultures furent violées sous la Terreur; mais dans l’ossuaire constitué plus tard, on a retrouvé la matrice en bronze du sceau de ce grand officier c’est une des pièces les plus précieuses du musée d’Étampes. Étréchy eut à souffrir, comme Étampes, de toutes les guerres. En 1359, un dur combat contre les Anglais eut lieu sur son territoire et les nôtres furent battus. Le roi Louis XI y amena ses troupes après la bataille de Montlhéry et y séjourna à plusieurs reprises. Sous la Fronde, l’armée royale y vint camper après le siège d’Étampes et les maladies y firent également d’affreux ravages. Saint Vincent de Paul avait installé des soupes populaires dans la maladrerie. A la suite de ces troubles, les bois d’alentour abritèrent des bandes de malandrins, qui en joignant leurs exploits à ceux des voleurs et des pipeurs de dés qui détroussaient les voyageurs dans les hôtelleries, valurent au malheureux village le surnom d’Étréchy-le-Larron.

     La ferme du Roussay est bâtie sur l’emplacement d’un château féodal, dont il reste des pans de murs et les fossés. Sa construction est attribuée, sans preuves, aux Templiers, peut-être en raison de la commanderie de Saint-Jean-de-Jérusalem qui s’élevait non loin à Chauffour, et dont il ne reste qu’une cave voûtée. Reconstruit au XVe siècle, le château du Roussay appartenait alors aux Paviot de Boissy-le-Sec, puis, il passa aux Brisay de Denonville, vieille famille établie en Beauce, et enfin, au XVIIIe siècle, n’étant déjà plus qu’une ferme, au marquis de Talaru, de Chamarande. Il reste une jolie porte du XVe siècle, tout encadrée de verdure, et un logis de la même époque, dont la disposition intérieure était conservée il y a peu de temps encore.

     Le hameau de Vaucelas n’a gardé aucune trace de la seigneurie des Cochefilet, importante famille au XVIe et au XVIIe siècles, dont une fille, Rachel, épousa Sully. Mais non loin de là,la ferme du Touchet possède encore une admirable porte du XIIIe siècle et des caves voûtées à deux étages. Elle appartint d’abord aux abbés de Morigny, à qui l’on doit sans doute cette belle construction, puis; à la commanderie de Chauffour: une clef de voûte des caves porte la croix de Malte. [p.118]

MORIGNY

     Au moyen âge, Morigny ne constituait qu’une grande abbaye bénédictine et ses dépendances. Le village, du nom de Saint-Germain lès-Étampes, s’étendait au voisinage du cimetière, qui a gardé son ancien emplacement, et autour de l’église Saint-Germain, entièrement démolie à la Révolution. C’est vers 1090 que des moines de Saint-Germer-de-Fly, dans le Beauvaisis, vinrent d’abord à Étréchy, puis à Morigny, fonder une filiale de leur monastère sur des terres qui leur avaient été concédées par Anseau, fils d’Aremhert, «tant il avait été touché de la sainteté de leur vie». Ils bâtirent une église, qui fut consacrée en 1119 par le pape Calixte II. La nouvelle abbaye connut au XIIe et au XIIIe siècles une grande prospérité, traversée de démêlés avec les chanoines de Saint-Martin, mais elle fut toujours protégée par les rois, dont elle avait reçu des privilèges considérables. Sa chronique constitue un document important pour l’histoire de cette époque dont peu de sources subsistent. Dès le XVe siècle, elle déclina devenue abbaye commendataire au XVIe siècle, réunie à la manse épiscopale de Sens en 1743, elle fut vendue en 1791 comme bien national. De la grande église romane, qui s’étendait sur presque toute la place plantée aujourd’hui de tilleuls, il reste une seule travée, retombant sur des colonnes engagées, aux curieux chapiteaux, ornés de pommes de pin et de masques archaïques. Une travée du XIVe siècle la relie au chœur de la Renaissance qui fut achevé en 1542, comme la façade, construction maladroite. Les voûtes ont été refaites. Mais il subsiste heureusement un beau clocher du XIIIe siècle, un élégant arc-boutant à colonnette et, çà et là, quelques colonnes avec leurs chapiteaux, de la même époque, témoignages aussi émouvants que pleins d’intérêt archéologique parce qu’ils représentent, les uns, des ruines caractéristiques, les autres, de grands projets qui ne purent être réalisés. La tourelle d’escalier est du XVIe siècle. Deux beaux bas-reliefs du XIIIe siècle, retrouvés sous la place de l’église, ont fait partie d’un Jugement dernier, fragment d’un tympan ou de l’ébrasement d’un portail aujourd’hui disparu: ils sont fixés au mur du collatéral gauche.

     Les bâtiments conventuels ont été reconstruits au XVIIIe siècle, à l’exception d’une tour, qui est plus ancienne, et constituent une partie du château actuel. D’un cloître et d’une chapelle capitulaire, il ne demeure que des colonnes isolées. Une grille qui fut sans doute celle du chœur, très beau travail de ferronnerie du XIIIe siècle et peut-être même antérieur, a été conservée au château. Une jolie maison à tourelle, du XVe siècle, en face de la mairie, devait être une dépendance de l’abbaye.

     Il ne reste que des ruines informes et embroussaillées de la Tour de Brunehaut, station gallo-romaine et non mérovingienne, ainsi [p.119] nommée à cause de sa proximité de la grande route, qui dut s’appeler dès le haut moyen âge, comme beaucoup d’autres voies romaines, «chaussée Brunehaut». Le château est entièrement moderne, mais il a remplacé un édifice, dont l’aspect était celui d’un «fort isolé», construit à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe par le vicomte de Viart, ou son père, famille établie un siècle auparavant à Étampes et aux environs. C’est lui qui dessina, en outre, et fort bien, une partie du parc, le reste étant plus ancien, mais non pas l’œuvre de Le Nôtre, comme l’a écrit le vicomte de Viart, aucune mention n’étant faite nulle part, à l’époque de Le Nôtre, d’une demeure importante à Brunehaut qui seule rendrait vraisemblable l’intervention de cet artiste.

     Champigny, hameau de Morigny, fut jusqu’à la Révolution une paroisse distincte, dont l’église, détruite alors, était dédiée à Saint Martin. Le petit château est tout moderne en dépit de son apparence. Mais en face de lui, sous une motte féodale encore visible, demeurent des caves anciennes, dites de la Barre, vestiges d’une habitation seigneuriale, qui a peut-être appartenu à Jean de la Barre, comte d’Étampes, le fidèle compagnon de François Villemartin est également un fief ancien dont il reste un beau vestige, la porte de la ferme, encadrée de deux échauguettes. C’est l’ancien domaine de Baugeois de Wicardel, gentilhomme picard, que la gratitude de Louis XI établit en 1472 dans notre région ou ses descendants demeurèrent longtemps: nous les retrouverons à Villeconin.

     Le fief de Jeurres fut dès le XVe siècle aux Paviot de Boissy-le-Sec; le château, qui remonte pour une part à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, fut peut-être construit par les Regnault des Barres, dont l’un fut bailli d’Étampes; il appartint ensuite au financier Dufresne de Saint-Léon, dans la famille duquel il est revenu après avoir été longtemps la propriété du comte Mollien, le ministre de Napoléon Ier

SOUZY-LA-BRICHE

     Cette petite commune, bien modeste aujourd’hui, connut à l’époque romaine une certaine splendeur. Il y a été découvert par notre grand-père et par nous-même, au lieu dit La Cave sarrazine, les substructions d’un ancien établissement important, thermes ou villa, comprenant un grand nombre de pièces, revêtues de marbres et de stucs coloriés, pavées de très belles mosaïques, qui ont été relevées et qui sont conservées, les unes dans notre demeure, les autres au musée d’Étampes. Les éléments d’un hypocauste, ou calorifère à air chaud, y ont été retrouvés. Les objets mobiliers étaient fort rares, en dehors des fragments de poteries: la villa dut être pillée et incendiée. En [p.120] d’autres points de la commune, et sur la commune voisine de Saint Sulpice, au moulin de l’Écury, on a retrouvé, outre d’autres témoignages ordinaires d’une importante station: tuiles à rebord, marbres, poteries, des colonnes avec leurs chapiteaux, un élégant vase en verre de la forme dite diotis (IVe siècle), un beau torse d’homme en marbre et une tête douloureuse, très expressive.

     Si le château de Souzy, fief ancien, est entièrement modernisé, son parc renferme les ruines d’une charmante église du XIIIe siècle, pittoresquement située dans une petite île.

     Sur le plateau, le château de la Briche, bien que restauré, garde encore des restes du XVIe siècle. Il fut, depuis cette époque jusqu’après la Révolution, aux Saint-Pol, dont l’un avait épousé une Vigny: c’est ainsi qu’Alfred de Vigny séjourna parfois à la Briche et y écrivit quelques-uns de ses poèmes. Il appartient encore de nos jours à la très ancienne famille des Mazis, que nous avons vue déjà au Tronchet. La terrasse du château, dominant les vallées boisées de la Renarde et de l’Orge, offre une vue incomparable et d’une exceptionnelle étendue pour notre région.

VILLECONIN

     Ce village, également modeste aujourd’hui, est d’origine médiévale, comme l’indiquent d’abord son nom, qui en langue du moyen âge signifie la Ville-aux-Lapins, puis, la vieille tour féodale qui le domine. Elle fit partie du château de la Grange, dont il ne demeure que des ruines et qui appartenait au XIVe siècle aux La Grange, d’où il passa par mariage au fastueux et infortuné surintendant des finances de Charles VI, Jehan de Montagu. On sait qu’il fut accusé de malversations, peut-être à tort puisque sa mémoire fut réhabilitée, poursuivi surtout, en sa qualité de partisan des Armagnacs, par la haine des Bourguignons, qui réussirent à le faire décapiter à Paris en 1409 et son corps ne fut enlevé du gibet que trois ans après. Grand amateur d’art, comme notre Jean de Berry, comte d’Étampes, qui avait intercédé vainement en sa faveur, il possédait encore le second château de Villeconin, près de l’église. Il ne reste aucun bâtiment de cette haute époque, mais le château fut réédifié au XVe et au XVIe siècles, comme le montrent une belle tour d’entrée fortifiée et le grand corps de logis flanqué d’une tourelle. Le propriétaire actuel, le comte de Jouvencel, a très heureusement restauré, à l’intérieur comme à l’extérieur, ces témoins imposants.

     L’église est en majeure partie du XVe siècle, mais garde d’intéressants détails de constructions antérieures et de nombreux écussons aux armes des familles seigneuriales du lieu et des environs Montagu, Barville, Rotrou.

     Nous retrouvons les Rotrou au château de Saudreville, sur le plateau. [p.121] Bel ensemble homogène du XVIIe siècle, mais fief beaucoup plus ancien, il appartenait sous Louis XIV au frère du poète, Pierre de Rotrou, secrétaire du maréchal de Guébriant, puis secrétaire du roi, qui joua un certain rôle à la cour.

     Un peu plus loin sur le plateau, nous avons encore connu, il y a quelques années, un charmant petit château Louis XIII, le Fresne, qui n’est plus, hélas! qu’une ruine. Il évoquait par ses possesseurs successifs de vieux noms de l’Étampois, mêlés à toute notre histoire les Wicardel, les Hémard, les Barville et il constituait un précieux spécimen de l’élégante et sobre architecture du début du XVIIe siècle: grand corps d’hôtel avec quatre pavillons aux longs rampants, encadré d’un côté par les immenses champs de la Beauce, de l’autre, par un parc admirable, aux ombres profondes comme une forêt.

Canton de Méréville

MÉRÉVILLE

     Dès le XIe siècle, Méréville possédait un château fort et de puissantes fortifications. Les sires du Puiset, qui en étaient maîtres, combattirent avec acharnement le pouvoir royal. La victoire finale du roi amena l’apaisement et l’octroi d’une municipalité à la commune. Mais la guerre de Cent Ans, puis, la lutte entre les Armagnacs et les Bourguignons, apportèrent de nouveaux ravages: en 1357, le château fut détruit, le bourg occupé par les Anglais, et des batailles sans nombre se livrèrent aux alentours. Le calme renaît seulement au XVe siècle, lorsque la puissante maison des Reilhac possède Méréville pendant un siècle. Ils reconstruisent le château sur un nouvel emplacement, dans la vallée, et font bâtir la belle halle qui existe encore. Mais les violences et la misère reparaissent avec les guerres de religion, d’autant plus cruellement que la région compte de nombreux huguenots. En 1562, Condé et ses reîtres s’emparent de Méréville, comme d’Étampes. Sous Henri IV enfin, la prospérité revient, tandis que les des Monstiers sont seigneurs de Méréville les services qu’ils rendent, au milieu du XVIIe siècle, amènent l’érection de Méréville en comté. Mais en 1698, ils vendent leur seigneurie à Jean Delpech, riche parlementaire, qui restaure le château et obtient de Louis XIV l’érection de sa terre en marquisat. Enfin, en 1784, Méréville, alors propriété d’un La Tour du Pin, est acheté par le célèbre financier Jean-Joseph de Laborde, seigneur de la Ferté Vidame, qui en fait un somptueux domaine. Il respecte le château qui gardera presque tout son cachet ancien, n’y ajoutant que deux ailes, et le décore avec les œuvres des meilleurs artistes de son temps Greuze, Vernet, Hubert Robert, Pajou; ses travaux, pour lesquels il [p.122] dépense seize millions, s’appliquent surtout à transformer «à l’anglaise» le parc et les jardins, selon le bel art paysagiste de l’époque, en étendant leurs perspectives, en les ornant de grottes de rocailles, de fontaines, de maisons rustiques et de monuments imités de l’antique: une laiterie précédée d’un portique comme un temple, une colonne rostrale élevée à la glorification des fils du marquis de Laborde, lieutenants de vaisseau morts sur les côtes de Californie dans l’expédition de la Pérouse, un charmant petit temple rond, copié sur celui de Tivoli, un monument à la mémoire de Cook, œuvre de Pajou. Mais la Révolution se fit durement sentir à Méréville, après le passage du fanatique Couturier: le marquis de Laborde fut arrêté et guillotiné, malgré les suppliques des habitants qui l’aimaient comme «leur père», selon leur expression, en raison de ses innombrables bienfaits. Sous l’Empire, le château, qui avait été restitué à la famille de Laborde, fut à nouveau le siège de brillantes réceptions Chateaubriand y lut Les Martyrs. Depuis il n’a cessé de passer en diverses mains. Le beau parc fut en partie abattu, les monuments presque tous enlevés, mais heureusement transportés dans le parc du château de Jeunes. Enfin, des lotissement modernes achèvent la destruction de l’œuvre du marquis de Laborde, cet ensemble aussi riche d’art que de pittoresque.

BOISSY-LA-RIVIÈRE

     Une partie du territoire de cette commune, comprenant Bierville, appartenait à des seigneurs laïcs; ce sont, au XVIIe siècle, les Fuzée, dont les armes, trois fusées, se retrouvent sur une grande borne au milieu des champs, dans la plaine, puis, au XVIIIe siècle, une branche des Poilloüe, qui ajoutait à son nom celui de Bierville. Le château, très restauré, est d’origine ancienne. L’autre partie de Boissy constituait une importante châtellenie indépendante du bailliage d’Étampes, sise au hameau de Mesnil-Girault, dont les seigneurs étaient, dès le XIIIe siècle, les chanoines de l’église Saint-Croix d’Orléans possédant, en outre, Ormoy, Fontaine-la-Rivière, la Forêt-Sainte- Croix, ils avaient justice haute, moyenne et basse sur tous ces fiefs et la faisaient exercer à Étampes en «l’hôtel de Mesnil-Girault», rue de la Tannerie, à côté du Coq-en-Pâte. Dans le hameau, il subsiste du château, qui était en même temps un domaine agricole, une belle porte fortifiée, ou les rainures du pont-levis et les fenêtres du logis des guetteurs sont encore visibles. Contre elle, un bâtiment très élevé, percé d’étroites ouvertures et soutenu d’un contrefort est également ancien. Dans la ferme actuelle, il reste peu de traces de la vieille construction, sauf une salle basse, voûtée.


CHALOU-MOULINEUX

Fig. 11: Eglise de Moulineux

     Comme son double nom l’indique, cette commune a été constituée par la réunion de deux paroisses très anciennes. Chalou appartenait depuis Charlemagne au chapitre de Saint-Aignan d’Orléans, qui le céda en 1174, à la reine Alix, femme de Louis VII, d’où le nom de Chalou-la-Reine attribué à cette paroisse jusqu’à la Révolution. Cette reine fit don du territoire de Chalou aux Templiers qui y installèrent une commanderie dont une dépendance, entre beaucoup d’autres, fut fondée à Étampes même, au-dessus du moulin de Vaujouan: les ruines qu’on y voit encore sont celles d’une église dédiée à Saint-Georges, d’une maison pour le commandeur et d’une ferme, bâtiments qui furent réédifiés au XVe siècle, après les ravages des guerres, mais dont l’origine remonte aux Templiers. Après la suppression de l’ordre du Temple en 1312, ces biens d’Étampes et de Chalou passèrent aux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, qui relevèrent à plusieurs reprises les ruines causées successivement à Chalou par les Anglais, les Armagnacs et les Bourguignons, les protestants, les frondeurs et qui furent enfin dépossédés de leur commanderie à la Révolution. De leur longue et puissante possession puisque, indépendants du bailliage d’Étampes, ils avaient droit de haute justice comme les seigneurs de Mesnil-Girault, il subsiste des traces à Chalou: à côté de l’église, un grand bâtiment appuyé de contre-forts, une dépendance qui a conservé ses portes anciennes, représentent la commanderie. L’église, par son vocable de Saint Aignan, rappelle ses possesseurs d’avant 1174, les chanoines d’Orléans; mais la jolie nef du XIIe siècle, le portail, de la même époque, où l’on voit, avec quelque peine à cause de leur altération, un chat et un loup, rébus (Chalou) sculpté sur un chapiteau, le chevet du XIIIe siècle avec des adjonctions postérieures, indiquent les constructions successives des Templiers et des chevaliers de Saint-Jean.

     Moulineux eut une destinée semblable à celle de Chalou. Il fut d’abord aux chanoines de Saint-Aignan d’Orléans, puis aux Templiers et à leurs successeurs, et les mêmes ravages s’y accomplirent, mais les ruines ont subsisté. Il reste seulement quelques vestiges du Château-Gaillard, où les commandeurs vendaient le poisson recueilli dans les étangs. Ce qui demeure de l’église offre peu de traces du XIIe siècle, mais son vocable — Saint-Thomas — indique qu’elle fut édifiée ou reconstruite une première fois à cette époque, parce qu’il dut lui être donné à la suite de l’assassinat, en 1170, de Thomas Becket, l’archevêque de Cantorbéry, presque aussitôt canonisé, qui avait séjourné en France, où son meurtre eut ainsi un grand retentissement. La majeure partie des ruines appartiennent au XIIIe siècle, donc à une seconde ou troisième église, qui fut encore [p.124] détruite en partie et non relevée. Le pittoresque y gagne: ces belles ruines, du meilleur style ogival, qui s’élèvent au-dessus des eaux dormantes et dans un cirque de verdure, offrent un des plus séduisants spectacles de notre région (fig. 11). Les étangs sont artificiels: alimentés par les sources de la Chalouette, ils ont été obtenus par le barrage de la vallée, qui fut sans doute exécuté par les Templiers. La pêche était faite solennellement tous les trois ans et le poisson vendu jusqu’à Paris ou les «carpes de Moulineux» étaient criées dans les rues.

CONGERVILLE

     Cet humble village mérite une mention parce qu’il a conservé depuis le XVIe siècle une gentilhommière pleine de cachet qui se dresse au-dessus de la plaine sans bornes. Elle possède une haute tour ronde coiffée en bâtière, un grand corps de logis à tourelle, des vestiges de fortifications, des fenêtres à meneaux, une autre avec sa vieille grille, des portes Renaissance et même, à l’intérieur, de belles cheminées. Très ancien fief de Notre-Dame de Cléry, puis des du Moillart et des d’Aumale, il appartenait, à la Révolution, à la marquise d’Oysonville.

ESTOUCHES

     Nous citerons pour la même raison cette commune aussi modeste que Congerville. Une de ses fermes actuelles est un ancien petit château du XVe siècle, auquel on accède par une très belle porte en ogive. S’il a perdu les meneaux de ses fenêtres, il a conservé une jolie tourelle polygonale, appuyée de contreforts et percée d’une porte à moulures, en anse de panier. Le domaine appartenait à l’époque aux du Monceau, vieille et importante famille de notre région, dont une fille fut aimée d’Henri IV. Il passa depuis aux Selve, que nous retrouverons à Cerny, et qui l’avaient encore à la Révolution.

GUILLERVAL

     L’existence de ce petit village remonte à une haute époque de notre histoire puisqu’une partie de son territoire fut l’objet d’une donation de Dagobert à l’abbaye de Saint-Denis, qui la conserva jusqu’aux approches de la Révolution. Mais de vieilles familles de notre région y possédaient également des fiefs: les Prunelé, les Poilloüe, les Villezan. Il reste de ces anciens domaines, outre un petit manoir à tourelle, une ferme, à côté de l’église, qui se compose encore d’un vieux logis Renaissance, dont une jolie fenêtre porte l’écu des Villezan [p.125] supporté par deux écureuils, et qui conserve à l’intérieur une grande cheminée ornée. Le château actuel, entièrement modernisé, garde des traces du XVIe siècle, mais on ne sait qui le possédait alors.

PUSSAY

     Au XIIe siècle, l’abbaye de Saint-Jean de Chartres et l’Hôtel-Dieu d’Étampes possédaient des biens à Pussay. Au XVe siècle, la famille des Languedoue y apparaît, fortifie le bourg et y demeure jusqu’à la Révolution. Ayant d’abord construit un château fort à quatre tours, ils le modifièrent au XVIe siècle en une habitation plus aimable dont il reste aujourd’hui d’élégants vestiges: tourelle d’escalier, fenêtres à meneaux, portes en anse de panier. L’église de Pussay renferme la pierre tombale de François de Languedoue et de sa femme, beau spécimen de la fin de la Renaissance.

SACLAS

     Il semble bien établi que Saclas représente la bourgade gallo romaine Salioclita de l’itinéraire d’Antonin, située sur la voie romaine de Lutetia à Genabum, dont on voit encore les grandes dalles sur le plateau, au-dessus de Saclas. D’autres vestiges romains, poteries, tuiles, monnaies ont été abondamment retrouvés en divers points, ainsi qu’une borne miliaire, inscrite au nom de l’empereur Aurélien (270-275), qui est aujourd’hui au musée archéologique d’Orléans.

     Au haut moyen âge, Saclas appartient, comme Guillerval, à l’abbaye de Saint-Denis, puis, au XVe siècle, à Jehan de Montagu, le surintendant des finances de Charles VI que nous avons vu seigneur de Villeconin. Mais il abandonne presque aussitôt tous ses biens aux célestins de Marcoussis, qui les conserveront, avec droit de haute justice, jusqu’à la Révolution. A la même époque, le bourg est fortifié et les Poilloüe, seigneurs en partie du fief de Saclas depuis le début du XIVe siècle, en sont capitaines pour le roi. Cette vieille famille de Beauce, non encore éteinte, est demeurée dans notre région comme les Prunelé et les des Mazis. Ils possédaient un «ostel» à Saclas, dont toute trace n’a pas encore disparu, bien qu’aujourd’hui ce ne soit plus qu’une ferme, comme tant d’autres de ces manoirs anciens. On le reconnaît dès l’abord, sur la route de Guillerval, à la petite porte de son portail, dont le tympan, en cadré d’une ogive à moulures, est orné d’un joli motif trilobé et de deux petites niches à colonnettes. Dans la cour, il reste, heureusement isolée, des bâtiments modernes, une partie caractéristique de ces élégantes gentilhommières de notre région; c’est un corps de logis de la fin du XVe siècle, avec une tour d’escalier polygonale, qui a [p.126] conservé de larges fenêtres à meneaux, de jolies portes et, dans une salle transformée en grenier, une grande cheminée, avec un inté ressant fragment de peinture murale (fig 13).
Fig. 13: Restes de "l'ostel" des Poilloüe à Saclas
     L’église fut rebâtie au XVIe siècle, ayant été ravagée en même temps que toutes les églises voisines durant les troubles et les guerres. Mais elle conserve des fragments de constructions antérieures, comme le portail ouest. Une cloche de 1386, refondue en 1845, reproduit l’inscription ancienne: sa marraine fut Elisabeth de Poilloüe.

SAINT-CYR-LA-RIVIÈRE

     Ce petit village qu’arrosent la Juine et le rû de Climont, possède un vieux donjon, encore imposant et assez inattendu au fond de f cette vallée marécageuse. Il faisait partie d’un château féodal dont, à l’exception d’une tour, il ne reste que des ruines. D’une autre demeure seigneuriale édifiée plus loin des eaux, au XVIe siècle, il ne subsiste qu’un ensemble très restauré. Ce domaine appartint à de très anciennes familles de Beauce aux Tignonville dès le XIIIe siècle. plus tard aux du Monceau, aux d’Allonville, aux Sève de Rochechouart. Dans l’église existaient deux pierres tombales que nous connaissons seulement par une description de Fleureau, la Révolution les ayant détruites. L’une, du XVIe siècle, recouvrait François du Monceau, qui avait participé aux batailles d’Agnadel, de Ravenne, de Marignan et de Pavie. L’autre était celle d’un Rochechouart. mort en 1652: son épitaphe exprimait une sage et mélancolique philosophie, digne d’être citée: «Son génie l’ayant porté à voir diverses nations, il n’a jamais trouvé plus de repos qu’en ce lieu avec ses aïeux».

Canton de La Ferté-Alais

LA FERTÉ-ALAIS

     Cette très ancienne petite ville fut une place forte, comme l’indiquent Ferté, qui signifiait forteresse, et ses boulevards actuels qui suivent le tracé de ses fortifications détruites. Elle s’appela d’abord La Ferté-Baudouin sans doute par le nom du seigneur qui la possédait; c’est le nom qu’elle porte dans les textes relatifs au siège qu’elle subit en 1108, de la part du roi Louis VI, et en d’autres documents jusqu’à la fin du XIIe siècle. Le nom d’Aalès ou Aleps, devenu Alais, apparaît au XIIIe siècle: il lui était venu, comme l’a prouvé un travail récent qui a corrigé une erreur de notre Fleureau, d’une dame Alix ou Adèle, dont c’était le fief, femme d’un maréchal de France, Aubry Clément, mort en se couvrant de gloire au siège de Saint-Jean-d’Acre en 1191, lors de la troisième croisade, entreprise par Philippe [p.127] Auguste. La Ferté entra dans le domaine royal par acquisition de saint Louis, en 1259, et dès lors constitua un apanage, accordé par le roi, en général avec Étampes, à ses favoris ou aux princes du sang. C’est ainsi que François Ier le fit entrer dans le duché d’Étampes pour Anne de Pisseleu. Mais le bailliage de la Ferté-Alais, indépendant de celui d’Étampes, subsista, d’abord avec deux juridictions, celle d’un prévôt et celle d’un bailli, puis, seulement avec un bailli. Le château fort, démantelé au XVIIe siècle, tomba bientôt en ruines et il n’en demeure plus trace, mais la ville conserve un certain cachet ancien, avec ses petites rues étroites, quelques vieilles maisons et surtout sa belle église, qui a gardé du XIIe siècle son élégant clocher de pierre et son abside à deux absidioles, sans être trop altérée par les additions postérieures du XIIIe et du XIVe siècles.

     Le territoire actuel du canton de la Ferté comprend un grand nombre de seigneuries anciennes, jadis riches et puissantes, sur lesquelles furent édifiées d’importantes demeures qui nous ont été conservées. Elles font un intéressant contraste avec les gentilhommières de Beauce, pittoresques,mais toujours modestes et de caractère beaucoup plus rural, en raison de leur éloignement des routes de Paris.

AUVERS-SAINT-GEORGES

     Ce village fut très anciennement habité puisqu’on y a découvert en 1876 des sépultures du premier âge du fer, avec des bracelets et des colliers de bronze, dont quelques-uns sont conservés aujourd’hui au musée d’Étampes. On y a relevé par ailleurs de nombreux témoins de l’époque gallo-romaine.

     Au moyen âge, dès le XIIe siècle, Auvers appartenait pour une large part aux chanoines de Notre-Dame de Chartres, qui y avaient un prévôt, et pour l’autre, au seigneur de Gravelles, bailli d’Étampes. Cette double possession valut au modeste village de nos jours la construction de deux églises, édifiées l’une à côté de l’autre dès cette haute époque. Celle qui fut bâtie par le chapitre de Chartres, sous le vocable de Notre-Dame, fut détruite à la Révolution, et communiquait, par deux portes aujourd’hui bouchées, avec l’église Saint-Georges, qui subsiste, mais bien fâcheusement remaniée. Hugues de Gravelles, en 1202, recevait de l’argent de Philippe-Auguste pour la vendange du clos d’Auvers, dont le vin figurait parmi les vingt-deux crus admis à la table royale. Au XVe siècle, c’est une fille naturelle de Louis XI, Jeanne de France, femme de Louis de Bourbon, qui est dame de Gravelles. Au XVIe siècle, la seigneurie passe au président Brisson, pendu par les Ligueurs à Paris en 1591, auquel Henri III avait accordé la haute justice à Gravelles, puis, au maréchal de la Ferté Senecterre, aux Vigny et enfin, lors de la Révolution, à Pierre-Etienne Choiseau, qui voulut siéger parmi le tiers état, comme nous l’avons [p.128] vu, bien qu’il eût été anobli. Le fief ecclésiastique, possession plus stable, appartenait encore au chapitre de Chartres.
C’est sans doute le maréchal de la Ferté qui édifia le château, belle demeure de la fin du XVIIe siècle, composée d’un grand corps de bâtiment accosté de deux ailes, que baignent les eaux d’un canal alimenté par la Juine. Un beau parc ancien l’entourait encore il y a peu d’années.

BOURAY
Fig. 12: Château du Mesnil
     Ici encore, l’on a recueilli de nombreux vestiges d’une habitation très ancienne: préhistoriques, gaulois, sous forme de monnaies et surtout d’une statue très curieuse, en bronze, représentant sans doute un dieu, qui est heureusement conservée aujourd’hui au musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye; enfin des objets gallo-romains, dont quelques-uns très remarquables, ont été trouvés surtout à la Boissière, où passait une voie romaine allant â la Ferlé. En revanche, les documents du moyen âge et même d’une époque postérieure ne nous apportent aucune indication précise sur les seigneurs de Bouray. Il faut parvenir au XVIIe siècle pour trouver le fief du Mesail en la possession de familles parlementaires: les Sabathier, les Hérouard, les Cornuel. C’est Claude Cornuel, président de la Chambre des comptes, qui dut édifier, entre 1620 et 1640, le château dit d’abord le Mesnil-Cornuel, qui est, dans notre région, avec Courances, le plus beau spécimen de l’architecture de cette période (fig. 12), période elle-même la plus belle du XVIIe siècle quant au style architectural. Il est entouré d’un pare admirable, traversé par la Juine. Ce domaine passe au début du XVIIIe siècle au chancelier Voysin, Garde des Sceaux de France, qui y apporte encore des embellissements, d’où le nom de Mesnil-Voysin, puis à son gendre, le marquis de Broglie, enfin à sa petite-fille, la comtesse de Lignerac qui le possédait à la Révolution; il lui fut confisqué par Couturier et plus tard restitué. La tour de Pocancy, qui n’est point d’origine féodale, fut construite par le marquis de Broglie, comme point de vue pittoresque pour le château.

     Sur un autre fief de Bouray, Frémigny, l’on possède plus de renseignements. Il appartint dès le XIIIe siècle aux Beauclerc, qui le conservèrent jusqu’au milieu du XVIIe siècle, mais il ne reste rien de leur demeure. Une pierre tombale, œuvre médiocre de la Renaissance, dans l’église de Bouray, est celle de Jean de Beauclerc, mort en 1572. Son fils Charles fut secrétaire d’Etat sous Louis XIII et redouté de Richelieu, pour l’influence qu’il avait sur le roi. Les Thoisy leur succèdent, puis, aux Thoisy, les Semonville et les Montholon-Semonville, qui construisirent le château actuel. C’est une luxueuse demeure du premier Empire, précédée d’une belle galerie [p.129] à colonnes, entourée d’un grand parc, moitié à l’anglaise, moitié à la française. Elle fut habitée par le comte de Montholon, le fidèle aide-de-camp de Napoléon Ier qu’il accompagna à Sainte-Hélène.

BOUTIGNY, COURDIMANCHE et CHAMPMOTTEUX

     On a trouvé sur le territoire de Boutigny des objets assez remarquables de l’âge du bronze: deux très belles lames de silex, atteignant près de trente centimètres de longueur, aujourd’hui au musée d’Étampes, et un dépôt de fondeur, comprenant deux haches, une pointe de lance, des fragments d’épées et de casques.

     L’important fief de Bélesbat, jadis de la paroisse de Boutigny, a été rattaché à la commune de Courdimanche. Au XVe siècle, il fut donné par Louis XI à Olivier Le Daim, que nous retrouverons à Vayres. Confisqué à ses héritiers, il passa à Jean de Foix, notre comte d’Étampes, puis, aux Hurault, branche de la vieille famille du Blaisois, les Hurault de Cheverny. Ils construisirent un château dont il ne reste qu’un grand pavillon d’entrée à leurs armes, flanqué de deux tourelles en poivrière, et les bases de grosses tours baignant dans l’eau des fossés. L’habitation est moderne. Plusieurs Hurault furent abbés de Morigny au XVIe siècle. Robert Hurault, conseiller du roi, épousa la fille unique de Michel de l’Hospital, à la condition que leurs enfants joindraient à leur nom celui de l’Hospital; ils furent enterrés dans l’église de Morigny, un de leurs sept fils y étant abbé. C’est à Bélesbat, chez sa fille, que mourut le chancelier de l’Hospital, le 13 mars 1573. Mis en disgrâce en 1568 par Charles IX à cause de sa tolérance, il s’était retiré, non loin de Bélesbat, en son château de Vignay, à Champmotteux, qu’il avait acquis en 1546 et reconstruit dans le style italien, avec une ferme attenante. Il y fut menacé par une bande de fanatiques le jour de la Saint-Barthélemy. Ses descendants, seigneurs de Bélesbat et de Vignay, s’éteignirent au XVIIIe siècle. Le château de Vignay fut démoli en 1873, mais il en demeure des gravures bien connues, d’Ambroise Tardieu, qui le visita en 1824 et nous a fait connaître ainsi sa belle galerie à arcades, ses tourelles carrées à grands combles, le fameux if du chancelier, taillé en boule, et même les bergeries de la ferme. C’est dans cette ferme que demeure le seul vestige de l’ancien Vignay, une bergerie qui conserve de beaux piliers. Michel de l’Hospital ne fut pas enterré à Bélesbat, mais à Champmotteux, dans la vieille petite église, où son tombeau, en partie détruit à la Révolution, fut recueilli par la piété des habitants et reconstitué en 1818. Si les ornements du sarcophage manquent de simplicité, la statue couchée du chancelier montre une belle tête, qui doit être celle du XVIe siècle, où s’exprime toute la noblesse de cette pure figure de notre histoire. [p.130]

CERNY

     Ce village, que l’extension de la vie moderne fait presque confondre avec La Ferté, eut jadis une certaine importance. Habité dès l’époque préhistorique, comme en témoignent des découvertes d’armes de silex et de bronze et le chemin de la Pierre Debout, qui révèle l’existence d’un menhir, il comprenait au moyen âge de nombreux fiefs ecclésiastiques et laïques; plusieurs furent accordés, outre une donation spéciale du roi saint Louis, à des moniales de l’ordre de Citeaux pour y fonder une abbaye. Ce monastère fut construit dès le début du XIIIe siècle à l’emplacement du château actuel de Montmirault, édifice moderne, et connut dans notre région une grande célébrité, sous le joli nom d’abbaye royale de Villiers-la-Joie ou Villiers-aux-Nonains. Elle fut incendiée au milieu du XVe siècle pendant la guerre de Cent Ans pillée et brûlée en partie par les reîtres de Condé, qui campèrent à Montmirault en 1562 et enfin, réduite en cendres par les huguenots en 1567. Mais elle se releva sous la puissante administration, qui dura cinquante ans, de l’abbesse Jeanne de la Trémoille, puis d’Odette Clausse, fille du seigneur de Fleury-en-Bière. Ainsi les bâtiments conventuels et l’église furent reconstruits, des procès entamés, et la possession fut recouvrée des innombrables biens dont l’abbaye avait été dotée, dans toute la région d’Étampes et à Étampes même depuis sa fondation. Encore une fois pillée par les frondeurs et les Allemands en 1652, elle connut enfin une calme prospérité jusqu’à la Révolution. Notre historien d’Étampes, Fleureau, a écrit une «brève histoire», mais bien précieuse de cette abbaye. A côte d’elle le fief de Villiers-le-Chatel appartenait au XVe siècle encore à Olivier Le Daim, le favori de Louis XI, puis au début du XVIe siècle, à Jean de Selve, premier président au Parlement, qui négocia avec Charles-Quint la liberté de François Ier après Pavie. Les Selve, que nous avons vus seigneurs d’Estouches, sont restés jusqu’à ces dernières années à Villiers. Ils y ont construit, au début du XVIIe siècle, une belle demeure qui subsiste, mais que gâte malheureusement le voisinage immédiat de dépendances modernes. Ils possédaient avant la Révolution de nombreux autres fiefs à Cerny. Dans la plaine, au delà du hameau d’Orgemont, une ferme isolée dite La Chapelle d’Orgemont qui appartint, dès le XIIIe siècle aux moines de Morigny, possède encore une belle porte d’entrée du XVIe siècle.

CHAMARANDE

     Ce village, autrefois nommé Bonnes, ne prit son nom actuel qu’en 1685, alors qu’il fut érigé en comté pour Gilbert d’Ornaison de Chamarande, conseiller du roi, gouverneur de Phalsbourg et [p.131] Sarrebourg, qui venait de faire l’acquisition de la terre, seigneurie et paroisse de Bonnes. Avant lui, la seigneurie avait appartenu, en remontant le cours des siècles, aux Mérault, à François Miron, prévôt des marchands de Paris, aux Hurault, à Jehan de Montagu, enfin au XIVe siècle à Jean Cocatrix, qui a laissé son curieux nom au petit hameau. Pierre Mérault avait déjà fait élever un château considérable, que Gilbert d’Ornaison compléta. Conçu sous l’inspiration de Mansard, c’est un vaste corps de logis dont les deux ailes hautes et très sortantes ont deux étages, ensemble massif et trop élevé, construit en brique et grès local. Il est entouré d’un immense parc, planté sur des dessins de Le Nôtre et qu’animent les détours de la Juine. La possession en fut apportée à Français de Talaru, marquis de Chalmazel, par son mariage avec la fille de Gilbert d’Ornaison; les Talaru, famille lyonnaise, la gardèrent jusqu’à la mort du marquis de Talaru, pair de France, en 1850, après qui le domaine fut au duc de Persigny, ministre de Napoléon III.

JANVILLE-SUR-JUINE

     Cet ancien hameau de la paroisse Notre-Dame d’Anvers, commune depuis 1889, possède, sur le plateau, un beau dolmen, fouillé sans soin vers 1865, qui contenait une vingtaine de squelettes et un mobilier funéraire important. Tous ces témoins de l’époque néolithique ont disparu.

     Le fief de Gillevoisin n’est mentionné qu’à partir du XVe siècle, comme appartenant à des familles dont le nom n’a pas laissé d’autres traces, mais depuis le XVIe siècle, au contraire, il est associé à des noms évocateurs de grands souvenirs. D’abord possédé pendant quelques années par Jacques Amyot, le traducteur de Plutarque, il passa au malheureux président Brisson, que nous avons vu seigneur de Gravelles, puis à Français Miron, déjà seigneur de Chamarande, le prévôt des marchands à qui Paris dut tant de ses embellissements, aux Gobelin, descendants des fondateurs de la Manufacture de tapisseries, enfin au fastueux chancelier Voysin qui, possesseur du Mesnil et de Gillevoisin, agrandira le premier domaine aux dépens du second. Le fief réduit de Gillevoisin passera ensuite en de nombreuses mains jusqu’à la famille Dufaure qui le possède encore. Le château se compose de deux édifices d’époque différente; le plus ancien, dont il ne subsiste sans doute qu’un côté, remonte au XVe et au XVIe siècles; il comprend, outre deux corps de bâtiment servant actuellement de communs, un grand pavillon d’entrée du meilleur style. La partie plus récente est à elle seule une belle habitation du XVIIe siècle, mais avec une tour centrale moderne. Le parc, aux arbres séculaires, est traversé par la Juine et renferme une petite chapelle du XVIIe siècle où repose Nicolas Gobelin. [p.132]

VAYRES

     C’est par des souvenirs seulement historiques que cette commune mérite d’être signalée, son château étant moderne. Mais c’est un ancien fief, qui après avoir donné son nom à une famille de Vères, dont un membre fut secrétaire de Charles V, fut acquis en 1480 par Olivier le Daim, barbier et confident de Louis XI qui l’avait anobli et comblé de richesses. On sait, par un acte qui lui accorde tous les droits de justice et de garenne sur son nouveau domaine, «qu’il était enclin à y faire construire une belle maison». Mais il ne dut pas avoir le temps de l’y édifier, car dès 1484, il était condamné à la potence, sous Charles VIII, pour des crimes peut-être imaginaires. La seigneurie confisquée passa à Jean de Foix, comte d’Étampes. Au XVIIe siècle, elle fut érigée en marquisat par Louis XIV en faveur des Bussy-Rabutin, mais les lettres de don ne furent point enregistrées au Parlement. Au début du XIXe siècle, le château appartenait au célèbre mathématicien Cauchy.

Canton de Milly

MILLY


     Le territoire de Milly fut peuplé dès l’époque néolithique, comme en témoigne son beau menhir, puis à l’époque gallo-romaine, puis qu’une ancienne voie romaine traverse la ville et rejoint un camp, dit de César, à peu de distance. A la fin du XIe siècle, apparaît dans les textes une famille de Milly, qui fait place, après deux siècles, à Hugues de Bouville, seigneur de Farcheville, acquéreur de la terre de Milly. Entre temps, dès la première moitié du XIIe siècle, Milly avait obtenu le droit de commune avec un maire. Olivier de Clisson, le connétable, coupable de trahison et décapité en 1343, était seigneur de Milly, ayant épousé Blanche de Bouville. La guerre de Cent Ans fait de terrible ravages, à la suite desquels les habitants obtiennent, de Guillaume de Montenay, encore un descendant des Bouville, la propriété de terres et de vignes, qui les affranchit ainsi du servage, et le droit de pacage. En 1433, la ville est prise et brûlée par les Anglais. En 1462 un Montenay vend sa seigneurie de Milly à Malet de Graville, seigneur de Marcoussis, amiral de France, qui obtient de Louis XI, en 1479, l’autorisation d’ériger une halle. Par le mariage de sa fille, la seigneurie passe aux Vendôme. En 1570, Milly est pillée par les protestants, mais dès lors, elle est épargnée par les troubles et les guerres qui affligent tant d’autres cités. La Révolution elle-même s’y est écoulée sans violences. Après les Vendôme, la seigneurie appartint au connétable de Montmorency qui l’avait reçue en don de François de Vendôme en 1560. Le fils du [p.133] connétable la vendit à Henri Clausse, seigneur de Fleury-en-Bière, ambassadeur de France, elle passa ensuite aux Faudoas d’Averton, aux Beaupoil de Saint-Aulaire, enfin aux du Lau d’Allemans qui en furent les derniers seigneurs.

     La ville de Milly était, bien entendu, fortifiée et munie de six portes. Le château primitif ayant été détruit par les Anglais en 1433, l’amiral de Graville le fit reconstruire vers 1470. Une faible partie en a seulement subsisté au milieu des bâtiments modernes: le donjon sous lequel on passe pour pénétrer dans la cour d’honneur, et trois tours d’enceinte, restaurées et aux toitures réduites. L’église Notre-Dame fut également reconstruite par l’amiral de Graville à l’exception du beau clocher qui est de l’époque de la fondation du chapitre par Hugues III de Bouville, le début du XIVe siècle. Enfin, la halle, due encore à l’amiral de Graville, est un beau spécimen de ces monuments; elle comprend onze travées, quarante-huit piliers et de savants assemblages dans sa charpente, toute en châtaignier. A un kilomètre à l’est de Milly, on n découvert en 1861, à plus d’un mètre de profondeur, au milieu de substructions, un joli carrelage émaillé, composé de très petits carreaux, à dessins d’animaux et à fleurs de lys, de quatre couleurs. Quelques-uns sont conservés au musée d’Étampes. Il s’agit d’un pavage du XIIIe siècle, qui se trouvait dans un pavillon de chasse royal, appelé le château Saint-Georges ou la Maison-Forêt.

COURANCES

     L’histoire de ce village se confond presque entièrement avec celle de la seigneurie, dont l’importance nous est encore attestée aujourd’hui par la somptueuse demeure qui fut édifiée sur son territoire. Au XIIIe siècle, il existe une famille qui porte le nom de ce fief; un de ses membres, Henri de Gourances, maréchal de France, est tué en 1268 à la bataille de Tagliacozzo, victoire remportée par Charles d’Anjou, mais cette maison s’éteint dès le milieu du XIVe siècle. Après elle, Gourances passe en diverses mains jusqu’à ce que le seigneur de Fleury-en-Bière, Cosme Clausse, secrétaire d’État d’Henri II, s’en rende acquéreur vers 1550. Les Clausse, riche et puissante fa mille de robe, gardent Gourances jusqu’en 1622 et construisent un château â fossés d’eaux vives, à pont-levis et à tourelles, avec parc, jardins, fontaines et canaux. Mais il est en mauvais état lors de la vente à Claude Gallard, secrétaire du roi, et celui-ci en commence la transformation. Son fils achève de l’embellir en confiant à Le Nôtre l’aménagement du parc et des jardins. Les descendants des Gallard, par les femmes, conserveront le domaine jusqu’en 1872. A la Révolution, il appartenait au marquis de Nicolaÿ premier président à la Chambre des comptes, qu’on appelait le «grand Nicolaÿ» autant [p.134] pour Son grand cœur que pour son esprit et son illustration. Il mourut sur l’échafaud le 10 juillet 1794, ainsi que son fils et son oncle. Tous ses biens furent séquestrés par un délégué de Couturier, mais ils furent ensuite restitués à la marquise de Nicolaÿ. Le château, intelligemment restauré par le baron de Haber, qui l’avait acquis en 1872, nous offre aujourd’hui un magnifique ensemble du début du XVIIe siècle, en brique et pierre: un grand corps de logis à deux étages, accosté d’ailes aux grands combles et précédé d’un escalier à double révolution. De grands bassins et de majestueuses avenues encadrent (fig. 14).
Fig. 14: Château de Courances
     Pour les autres communes du canton de Milly, nous citerons seulement le polissoir et la sépulture néolithique de Buno-Bonnevaux, des vestiges de château fort à Moigny, à Puiselet-le-Marais, qui possède aussi une intéressante église dont le clocher et la flèche sont du XIIe siècle. Ce sont pour la plupart de petites communes éloignées des grandes voies, serrées au creux de vallées étroites et boisées, où ne furent édifiées ni de belles églises, ni de luxueuses demeures. Leur site agreste, évoquant déjà la forêt de Fontainebleau, et leur nudité archéologique leur donnent une tout autre apparence que les riches et riants villages des bords de la Juine ou que les groupements des maisons rurales de Beauce, allongées sur le vaste et libre horizon, que domine seule la haute silhouette d’un clocher ou parfois de quelque tourelle ancienne.

     Ainsi, dans ses étroites limites, notre région d’Étampes offre autant par son archéologie que par son paysage une variété d’aspects, une diversité de sujets d’étude et de grands souvenirs qui la font apparaître comme une image réduite de la France elle même, éternellement chère à ceux que retiennent les enchantements de la nature, de l’art et du passé.


Morigny, le 27 avril 1938.


CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
FIN

BIBLIOGRAPHIE

Éditions

Le Comte de Saint-Périer (Emile Bouneau, 1951) Couverture de l'édition séparée de La grande histoire d'une petite ville par le Comte de Saint-Périer (1938)     Édition princeps: René de SAINT-PÉRIER, La grande histoire d’une petite ville: Étampes [in-4° (16 cm sur 25); 143 p.; 8 gravures sur bois originales in-texto de Jules Lepoint-Duclos; 16 planches hors-texte dont deux croquis et 14 photographies originales de Jules Lepoint-Duclos; ouvrage couronne par l’Institut], Étampes, Édition du Centenaire de la Caisse d’Épargne (1838-1938), 1938 [AME, ADE]. Dont une réédition remaniée posthume à partir de 1964 dans le Bulletin Municipal d’Étampes.

     Réédition partielle corrigée et augmentée: Raymonde-Suzanne de SAINT-PÉRIER [éd.] & René de SAINT-PÉRIER [†1950], «La grande histoire d’une petite ville: Étampes» [réédition mise à jour publiée en feuilleton], in Étampes. Bulletin Official Minicipal 2 (janvier 1964), pp. 20-30; 3 (2e semestre 1964), pp. 24-29; 4 (hiver 1964-1965), pp. 25-31; 5 (janvier 1966), pp. 13-16; 6 (septembre 1967), pp. 13-15; 7 [et non 6 comme indiqué aux AME] (2e semestre 1967), pp. 9-11; 10 [et non 9 comme indiqué aux AME] (1er semestre 1969), pp. 17-19 [AME, ADE].


    
Réédition en fac-similé du texte de 1938: René de SAINT-PÉRIER, La grande histoire d’une petite ville: Étampes [20 cm; 140 p.; illustrations; reproduction en fac-similé de l’édition de 1938], Paris, Le Livre d’Histoire [«Monographies des villes et villages de France»], 2004 [On notera que cette réédition ne tient aucun compte des remaniements posthumes de l’ouvrage, qui ne sont même pas mentionnés, et que sa notice introductive est entièrement repompée sur celle que le Corpus Étampois avait mis en tête de sa page bibliographique, qui n’est pas non plus mentionnée bien qu’on y fasse allusion à ces recherches bibliographiques "en cours" dont le plagiaire semble ainsi s’attribuer le mérite.]

     Édition électronique des seules gravures sur bois de Jules Lepoint-Duclos: Bernard GINESTE [éd.], «Jules Lepoint-Duclos: Monuments étampois (gravures sur bois, 1938)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-lepointduclos1938huitgravures.html, 2004.

     Édition électronique des seules photographies de Jules Lepoint-Duclos: Bernard GINESTE [éd.], «Jules Lepoint-Duclos: Monuments étampois (photographies, 1938)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-lepointduclos1938photographies.html, 2004.

    
Édition électronique intégrale: Bernard GINESTE [éd.], «René de Saint-Périer: Grande histoire d’une petite ville, Étampes (1957-1969)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-saintperier1938grandehistoire.html (9 pages web), 2005.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «René de Saint-Périer: Lancien arrondissement dÉtampes (1957-1969)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-saintperier1938grandehistoire08.html, 2005.

Sur le Comte de Saint-Périer

     Adrien GAIGNON, «Le Comte de Poilloüe de Saint-Périer» [notice nécrologique], in Bulletin de l’Association Les Amis d’Étampes et de sa région 7 (janvier 1951), pp. 117-119 [AME, ADE].
     Réédition partielle: BILLARD 1984, pp. 115-118.
     Réédition
numérique intégrale: Bernard GINESTE [éd.], «Adrien Gaignon: Le Comte de Poilloüe de Saint-Périer (nécrologie, 1951)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cpe-20-saintperier-gaignon1.html, 2004].

     Émile BOUNEAU, «Dernier portrait du comte de Saint-Périer (juillet
1950)», in Bulletin de l’Association Les Amis d’Étampes et de sa région 7 (1951), p. 120 [dont l’image au début de la présente page].

     Pour une bibliographie plus complète et évolutive: Bernard GINESTE [éd.], «Le Comte de Saint-Périer et son épouse: une bibliographie», in Corpus Étampois,http://www.corpusetampois.com/cbe-saint-perier.html, 2003.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: L’édition de 1938 et ses remaniements posthumes édités par la Comtesse. Saisie et mise en page de Bernard Gineste, 2005.
    
Explicit
   
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