VIII. L’Ancien Arrondissement
d’Étampes.
Boissy-le-Sec. — Bouville. — Chalo-Saint-Mard.—
Étréchy.— Morigny.— Souzy-la-Briche.—
Villeconin.— Méréville.— Boissy-la-Rivière.— Chalou-Moulineux.— Congerville.—
Estouches.— Guillerval.— Pussay.—
Saclas.— Saint-Cyr-la-Rivière.— La
Ferté-Alais.— Auvers-Saint-Georges.—
Bouray.— Boutigny, Courdimanche et Champmotteux.— Cerny.—
Chamarande.— Janville-sur-Juine.—
Vayres.— Milly.— Courances.
L’ancien arrondissement d’Étampes, divisé aujourd’hui entre
l’arrondissement de Corbeil et celui de Rambouillet, comprenait quatre
cantons et soixante-dix communes. Ses limites étaient plus restreintes
que celles de l’ancien bailliage qui s’étendait beaucoup plus à
l’ouest et au sud, comprenant des paroisses qui ne font même plus
partie de notre département. Nous nous proposons de rappeler en quelques
mots les faits historiques essentiels et d’examiner brièvement les
vestiges archéologiques que renferment un certain nombre de communes
de notre ancien arrondissement. Dans ce choix, nous laisserons de côté
les villages ruraux, dont l’histoire ne serait pas cependant sans intérêt,
mais qui ne furent le siège ni d’un monument important, ni d’un
fait historique notable.
Canton d’Étampes
BOISSY-LE-SEC
Cette commune
du grand plateau de Beauce connut, dès le moyen âge, une certaine
notoriété. C’est de Boissy qu’étaient originaires
Godefroy et Etienne Chartier, personnages se rattachant directement à
la lignée d’Eudes le Maire, dont nous parlerons à propos
de Châlo-Saint-Mard, qui fondèrent à Paris, derrière
Saint-André-des-Arts, en 1359, un collège où l’on enseignait
la théologie, le droit [p.114] et
les lettres. Il devint célèbre sous le nom de collège
de Boissy et le principal devait appartenir à la lignée d’Eudes-le-Maire.
Le château
de Boissy-le-Sec fut bâti par la famille de Paviot, d’origine normande,
dès la fin du XIIIe siècle; devenue «une des plus considérables
du pays d’Étampes», dit Fleureau, cette branche s’y éteignit
au début du XVIIIe siècle. Le principal corps de logis a été
reconstruit au XVIIe et au XVIIIe siècles, mais il demeure une grosse
tour et des caves voûtées du XIVe siècle. II fut pris
par les Anglais pendant la guerre de Cent Ans.
Le hameau
de Venant montre encore un pigeonnier et les restes d’un fief de la famille
du Rû ou du Ruth, dont un membre, Robinet du Ruth, rendit le château
d’Étampes, en 1465, à Charles le Téméraire.
Au XVIe siècle, Joachim du Ruth, seigneur de Venant, se conduisit
plus mal encore il souilla sa noblesse d’extraction en commettant un vol
à main armée à l’abbaye de Morigny, dont il déroba
le trésor et d’insignes reliques, avec des malandrins qu’il avait
été recruter à Paris, place Maubert. Découvert
par son voisin, Charles de Paviot, il fut décapité et brûlé
à Étampes, en 1557.
BOUVILLE
Cette
commune, composée de deux agglomérations, le Grand et le
Petit-Bouville, s’étend dans une vallée sèche dont
les pentes sont couronnées d’éboulis de grès. Dès
la fin du XIIe siècle, Raoul de Bouville est un seigneur important,
auquel l’abbé de Morigny fait appel dans un de ses nombreux différends
avec quelque voisin. Son petit-fils, Hugues de Bouville, baron de Milly,
construisit en 1291 le château de Farcheville (fig. 10), qui conserve
de précieux vestiges de cette haute époque une bonne partie
de la courtine, of de grands arcs bandés servent de contreforts, disposition
rare et très belle, en outre, plusieurs atours et une vaste cuisine,
avec une grande cheminée à hotte et un puits intérieur.
La chapelle, fondée en 1304, possède un beau plafond de l’époque,
malheureusement très altéré ses caissons peints montrent
des anges musiciens, dont les instruments de musique variés offrent
un grand intérêt. Le pavillon d’entrée, à grand
comble, de bon style, est du début du XVIIe siècle. Hugues
de Bouville était chambellan du roi Philippe le Bel et fut «employé
par lui à de grandes affaires». Il fut tué en 1304 la
bataille de Mons-en-Puelle. Farcheville demeura dans la puissante maison
de Châtillon, issue de ses descendants, jusqu’au milieu du XVIIe siècle
et fut ensuite à de riches parlementaires, les Japin, les Maynon,
jusqu’à la Révolution. [p.115]
CHALO-SAINT-MARD
Ce village
fut au XIe siècle le berceau du fameux Eudes le Maire, personnage
dont la postérité connut une fortune singulière. C’est
lui qui prit la charge d’accomplir le vœu qu’avait formé, vers 1080,
le roi Philippe Ier de faire le pèlerinage de Jérusalem à
pied et armé de toutes pièces. Ce vœu imprudent n’avait pas
été imposé au roi comme pénitence, car «l’histoire
ne nous apprend pas, dit Fleureau, qu’il eût encore commis de crimes
énormes comme il en commit depuis». Aussi les prélats
du royaume, craignant des désordres en son absence, se joignirent-ils
aux seigneurs pour lui conseiller d’y renoncer. Le roi voulut au moins faire
exécuter son vœu par un autre et c’est ainsi que son fidèle
serviteur, Eudes le Maire, accomplit cette odyssée, peut-être
à demi-légendaire, pour laquelle il employa deux années
«tant à cause de la longueur et de la difficulté du chemin
que pour le poids des armes dont il était chargé».
Il méritait certes une récompense et celle que lui aurait accordée
le roi était considérable: il l’exemptait avec toute sa famille
et tous ceux qui descendraient de lui, de tous péages, tributs et
autres droits. Par cette étonnante franchise, tous ses descendants
étaient nobles et affranchis d’impôts, même issus de
l’union d’une fille de la lignée d’Eudes avec un serf et
vice versa. On conçoit dès lors que le
mariage avec l’un de ses descendants si privilégiés fût
extrêmement recherché «jusqu’aux frontières du
royaume» et que la lignée ne risquât point de s’éteindre:
elle se multiplia si bien qu’au XVIe siècle, on ne comptait pas
moins de 7 à 8.000 «hoirs Chalo», comme on les appelait.
Cette belle famille possédait à Étampes une chambre,
«lieu voûté» destiné à la conservation
de ses titres et quatre descendants de la lignée étaient préposés
à leur garde. En revanche, elle était astreinte à
certains devoirs, comme celui de veiller le corps des rois de passage à
Étampes, ainsi que nous l’avons vu lors du convoi de la reine Anne
de Bretagne se rendant à Saint-Denis. Cependant, comme la France
entière eût fini par descendre d’Eudes le Maire pour ne plus
payer d’impôts, des rois soucieux de leur budget commencèrent
d’apporter des restrictions à l’exorbitante franchise. Henri IV
crut l’avoir abolie par un édit de 1601, mais les héritiers
d’Eudes conservèrent encore longtemps des privilèges considérables,
fondés non pas seulement sur une simple tradition, mais encore sur
une mystification. En effet, la charte originale de Philippe Ier a disparu,
non par la seule faute «du temps qui consume tout ou du malheur des
guerres qui furent grandes en France», comme le croit le bon Fleureau,
mais bien plutôt parce qu’elle ne concédait que des avantages
limités, semblables à ceux que les rois du XIe et du XIIe
siècles accordaient habituellement: les descendants mâles d’Eudes
le Maire, s’ils épousaient des filles serves échapperaient
malgré cela, au rebours de la coutume, à la condition [p.116] servile. Mais les héritiers
du pèlerin ne s’en contentèrent pas. Ils fabriquèrent
un diplôme qui satisfaisait mieux leur avidité, en empruntant
les formules solennelles des actes authentiques et les souscriptions des
grands officiers, et plus tard, ils y substituèrent une notice qu’ils
eurent l’adresse de faire homologuer par la chancellerie de Philippe VI.
Mais ils avaient commis dans leur rédaction quelques erreurs qui déjà
les avaient fait soupçonner de supercherie par le généalogiste
d’Hozier, au XVIIe siècle, et qui ont permis à l’érudition
moderne d’affirmer la falsification. Il reste de cette bien curieuse histoire,
outre une foule de pièces d’archives, des armoiries écartelées
de celles de Jérusalem, qui avaient été octroyées,
sinon au pèlerin lui-même, étant donné la haute
époque, du moins à ses enfants et que leurs innombrables descendants
ajoutèrent à leurs propres armes. C’est ainsi qu’on les retrouve
quelquefois sur des écussons de notre région. En outre, elles
sont sculptées sur des clefs de voûte de l’église de
Chalo.
Le château,
construction moderne ainsi que sa chapelle, est cependant d’ancienne origine.
Il appartint aux Prunelé, vieille famille de Beauce souvent mêlée
à notre histoire locale; ils furent également seigneurs d’un
autre fief de Chalo, les Carneaux, mais dont il reste heureusement un charmant
logis à tourelles du XVIe siècle. Ce n’est plus qu’une ferme,
comme trois autres petits manoirs de la même époque, La Fosse,
Ezeaux et Gueurville; ces deux derniers étaient jadis les fiefs d’une
autre famille beauceronne, les d’Allonville. Le Tronchet, tout en abritant
une ferme, offre encore au bord du plateau une belle habitation seigneuriale,
construite dans un bon style de la fin du XVIe siècle et qui conserve
une grosse tour, une partie de ses fossés et de son pare. Elle évoque
non seulement le souvenir de la famille des Mazis, elle aussi mêlée
à tous les événements de notre histoire, mais encore
celui d’Alfred de Vigny qui y vint souvent chez son oncle, les Vigny descendant
d’une des Mazis. Le vaste horizon qui se déroule devant le Tronchet
permet de penser que là, autant qu’à Emerville, le poète
subit la séduction de la Beauce.
… Les champs de
la Beauce avaient leurs cœurs, leurs âmes.
… Devant notre porte,
Les grands pays muets longuement s’étendront.
Enfin,
Chérel et Longuetoise sont encore deux anciens fiefs. Si le premier
n’est plus qu’une maison modeste, Longuetoise est une belle demeure du XVIIe
siècle, qui conserve des restes antérieurs. Domaine des Sève
à cette époque, elle fut acquise en 1685 par la famille Hénin,
éteinte récemment, qui l’a conservée jusqu’à
nos jours. [p.117]
ÉTRECHY
Ce gros
bourg existait dès l’époque mérovingienne, sans doute
en raison de sa situation sur la grande route. Il était fortifié
au moyen âge et comprenait, outre son église qui est un bel édifice
du XIIIe siècle, avec quelques restes du XIIe, un prieuré et
une léproserie. Le gouverneur du château d’Étampes en
1230, Guillaume Ménier, qui possédait de nombreux biens à
Étréchy et aux alentours, fut enterré dans l’église,
dont les sépultures furent violées sous la Terreur; mais dans
l’ossuaire constitué plus tard, on a retrouvé la matrice en
bronze du sceau de ce grand officier c’est une des pièces les plus
précieuses du musée d’Étampes. Étréchy
eut à souffrir, comme Étampes, de toutes les guerres. En 1359,
un dur combat contre les Anglais eut lieu sur son territoire et les nôtres
furent battus. Le roi Louis XI y amena ses troupes après la bataille
de Montlhéry et y séjourna à plusieurs reprises. Sous
la Fronde, l’armée royale y vint camper après le siège
d’Étampes et les maladies y firent également d’affreux ravages.
Saint Vincent de Paul avait installé des soupes populaires dans la
maladrerie. A la suite de ces troubles, les bois d’alentour abritèrent
des bandes de malandrins, qui en joignant leurs exploits à ceux des
voleurs et des pipeurs de dés qui détroussaient les voyageurs
dans les hôtelleries, valurent au malheureux village le surnom d’Étréchy-le-Larron.
La ferme du Roussay
est bâtie sur l’emplacement d’un château féodal, dont
il reste des pans de murs et les fossés. Sa construction est attribuée,
sans preuves, aux Templiers, peut-être en raison de la commanderie
de Saint-Jean-de-Jérusalem qui s’élevait non loin à
Chauffour, et dont il ne reste qu’une cave voûtée. Reconstruit
au XVe siècle, le château du Roussay appartenait alors aux
Paviot de Boissy-le-Sec, puis, il passa aux Brisay de Denonville, vieille
famille établie en Beauce, et enfin, au XVIIIe siècle, n’étant
déjà plus qu’une ferme, au marquis de Talaru, de Chamarande.
Il reste une jolie porte du XVe siècle, tout encadrée de verdure,
et un logis de la même époque, dont la disposition intérieure
était conservée il y a peu de temps encore.
Le hameau
de Vaucelas n’a gardé aucune trace de la seigneurie des Cochefilet,
importante famille au XVIe et au XVIIe siècles, dont une fille, Rachel,
épousa Sully. Mais non loin de là,la ferme du Touchet possède
encore une admirable porte du XIIIe siècle et des caves voûtées
à deux étages. Elle appartint d’abord aux abbés de Morigny,
à qui l’on doit sans doute cette belle construction, puis; à
la commanderie de Chauffour: une clef de voûte des caves porte la croix
de Malte. [p.118]
MORIGNY
Au moyen
âge, Morigny ne constituait qu’une grande abbaye bénédictine
et ses dépendances. Le village, du nom de Saint-Germain lès-Étampes,
s’étendait au voisinage du cimetière, qui a gardé son
ancien emplacement, et autour de l’église Saint-Germain, entièrement
démolie à la Révolution. C’est vers 1090 que des moines
de Saint-Germer-de-Fly, dans le Beauvaisis, vinrent d’abord à Étréchy,
puis à Morigny, fonder une filiale de leur monastère sur des
terres qui leur avaient été concédées par Anseau,
fils d’Aremhert, «tant il avait été touché de
la sainteté de leur vie». Ils bâtirent une église,
qui fut consacrée en 1119 par le pape Calixte II. La nouvelle abbaye
connut au XIIe et au XIIIe siècles une grande prospérité,
traversée de démêlés avec les chanoines de Saint-Martin,
mais elle fut toujours protégée par les rois, dont elle avait
reçu des privilèges considérables. Sa chronique constitue
un document important pour l’histoire de cette époque dont peu de
sources subsistent. Dès le XVe siècle, elle déclina
devenue abbaye commendataire au XVIe siècle, réunie à
la manse épiscopale de Sens en 1743, elle fut vendue en 1791 comme
bien national. De la grande église romane, qui s’étendait
sur presque toute la place plantée aujourd’hui de tilleuls, il reste
une seule travée, retombant sur des colonnes engagées, aux
curieux chapiteaux, ornés de pommes de pin et de masques archaïques.
Une travée du XIVe siècle la relie au chœur de la Renaissance
qui fut achevé en 1542, comme la façade, construction maladroite.
Les voûtes ont été refaites. Mais il subsiste heureusement
un beau clocher du XIIIe siècle, un élégant arc-boutant
à colonnette et, çà et là, quelques colonnes
avec leurs chapiteaux, de la même époque, témoignages
aussi émouvants que pleins d’intérêt archéologique
parce qu’ils représentent, les uns, des ruines caractéristiques,
les autres, de grands projets qui ne purent être réalisés.
La tourelle d’escalier est du XVIe siècle. Deux beaux bas-reliefs
du XIIIe siècle, retrouvés sous la place de l’église,
ont fait partie d’un Jugement dernier, fragment d’un tympan ou de
l’ébrasement d’un portail aujourd’hui disparu: ils sont fixés
au mur du collatéral gauche.
Les bâtiments
conventuels ont été reconstruits au XVIIIe siècle,
à l’exception d’une tour, qui est plus ancienne, et constituent une
partie du château actuel. D’un cloître et d’une chapelle capitulaire,
il ne demeure que des colonnes isolées. Une grille qui fut sans
doute celle du chœur, très beau travail de ferronnerie du XIIIe
siècle et peut-être même antérieur, a été
conservée au château. Une jolie maison à tourelle, du
XVe siècle, en face de la mairie, devait être une dépendance
de l’abbaye.
Il ne reste
que des ruines informes et embroussaillées de la Tour de Brunehaut,
station gallo-romaine et non mérovingienne, ainsi [p.119] nommée à cause
de sa proximité de la grande route, qui dut s’appeler dès le
haut moyen âge, comme beaucoup d’autres voies romaines, «chaussée
Brunehaut». Le château est entièrement moderne, mais
il a remplacé un édifice, dont l’aspect était celui
d’un «fort isolé», construit à la fin du XVIIIe
ou au début du XIXe par le vicomte de Viart, ou son père,
famille établie un siècle auparavant à Étampes
et aux environs. C’est lui qui dessina, en outre, et fort bien, une partie
du parc, le reste étant plus ancien, mais non pas l’œuvre de Le
Nôtre, comme l’a écrit le vicomte de Viart, aucune mention
n’étant faite nulle part, à l’époque de Le Nôtre,
d’une demeure importante à Brunehaut qui seule rendrait vraisemblable
l’intervention de cet artiste.
Champigny,
hameau de Morigny, fut jusqu’à la Révolution une paroisse
distincte, dont l’église, détruite alors, était dédiée
à Saint Martin. Le petit château est tout moderne en dépit
de son apparence. Mais en face de lui, sous une motte féodale encore
visible, demeurent des caves anciennes, dites de la Barre, vestiges d’une
habitation seigneuriale, qui a peut-être appartenu à Jean de
la Barre, comte d’Étampes, le fidèle compagnon de François
Villemartin est également un fief ancien dont il reste un beau vestige,
la porte de la ferme, encadrée de deux échauguettes. C’est
l’ancien domaine de Baugeois de Wicardel, gentilhomme picard, que la gratitude
de Louis XI établit en 1472 dans notre région ou ses descendants
demeurèrent longtemps: nous les retrouverons à Villeconin.
Le fief
de Jeurres fut dès le XVe siècle aux Paviot de Boissy-le-Sec;
le château, qui remonte pour une part à la fin du XVIIe siècle
et au début du XVIIIe, fut peut-être construit par les Regnault
des Barres, dont l’un fut bailli d’Étampes; il appartint ensuite au
financier Dufresne de Saint-Léon, dans la famille duquel il est revenu
après avoir été longtemps la propriété
du comte Mollien, le ministre de Napoléon Ier
SOUZY-LA-BRICHE
Cette petite
commune, bien modeste aujourd’hui, connut à l’époque romaine
une certaine splendeur. Il y a été découvert par notre
grand-père et par nous-même, au lieu dit La Cave sarrazine,
les substructions d’un ancien établissement important, thermes ou
villa, comprenant un grand nombre de pièces, revêtues de marbres
et de stucs coloriés, pavées de très belles mosaïques,
qui ont été relevées et qui sont conservées,
les unes dans notre demeure, les autres au musée d’Étampes.
Les éléments d’un hypocauste, ou calorifère à
air chaud, y ont été retrouvés. Les objets mobiliers
étaient fort rares, en dehors des fragments de poteries: la villa dut
être pillée et incendiée. En
[p.120] d’autres points de la commune, et sur la commune
voisine de Saint Sulpice, au moulin de l’Écury, on a retrouvé,
outre d’autres témoignages ordinaires d’une importante station: tuiles
à rebord, marbres, poteries, des colonnes avec leurs chapiteaux, un
élégant vase en verre de la forme dite diotis (IVe siècle),
un beau torse d’homme en marbre et une tête douloureuse, très
expressive.
Si le château
de Souzy, fief ancien, est entièrement modernisé, son parc
renferme les ruines d’une charmante église du XIIIe siècle,
pittoresquement située dans une petite île.
Sur le
plateau, le château de la Briche, bien que restauré, garde encore
des restes du XVIe siècle. Il fut, depuis cette époque jusqu’après
la Révolution, aux Saint-Pol, dont l’un avait épousé
une Vigny: c’est ainsi qu’Alfred de Vigny séjourna parfois à
la Briche et y écrivit quelques-uns de ses poèmes. Il appartient
encore de nos jours à la très ancienne famille des Mazis, que
nous avons vue déjà au Tronchet. La terrasse du château,
dominant les vallées boisées de la Renarde et de l’Orge, offre
une vue incomparable et d’une exceptionnelle étendue pour notre
région.
VILLECONIN
Ce village,
également modeste aujourd’hui, est d’origine médiévale,
comme l’indiquent d’abord son nom, qui en langue du moyen âge signifie
la Ville-aux-Lapins, puis, la vieille tour féodale qui le domine.
Elle fit partie du château de la Grange, dont il ne demeure que des
ruines et qui appartenait au XIVe siècle aux La Grange, d’où
il passa par mariage au fastueux et infortuné surintendant des finances
de Charles VI, Jehan de Montagu. On sait qu’il fut accusé de malversations,
peut-être à tort puisque sa mémoire fut réhabilitée,
poursuivi surtout, en sa qualité de partisan des Armagnacs, par la
haine des Bourguignons, qui réussirent à le faire décapiter
à Paris en 1409 et son corps ne fut enlevé du gibet que trois
ans après. Grand amateur d’art, comme notre Jean de Berry, comte d’Étampes,
qui avait intercédé vainement en sa faveur, il possédait
encore le second château de Villeconin, près de l’église.
Il ne reste aucun bâtiment de cette haute époque, mais le château
fut réédifié au XVe et au XVIe siècles, comme
le montrent une belle tour d’entrée fortifiée et le grand corps
de logis flanqué d’une tourelle. Le propriétaire actuel, le
comte de Jouvencel, a très heureusement restauré, à
l’intérieur comme à l’extérieur, ces témoins imposants.
L’église
est en majeure partie du XVe siècle, mais garde d’intéressants
détails de constructions antérieures et de nombreux écussons
aux armes des familles seigneuriales du lieu et des environs Montagu, Barville,
Rotrou.
Nous retrouvons
les Rotrou au château de Saudreville, sur le plateau. [p.121] Bel ensemble homogène
du XVIIe siècle, mais fief beaucoup plus ancien, il appartenait sous
Louis XIV au frère du poète, Pierre de Rotrou, secrétaire
du maréchal de Guébriant, puis secrétaire du roi, qui
joua un certain rôle à la cour.
Un peu
plus loin sur le plateau, nous avons encore connu, il y a quelques années,
un charmant petit château Louis XIII, le Fresne, qui n’est plus, hélas!
qu’une ruine. Il évoquait par ses possesseurs successifs de vieux
noms de l’Étampois, mêlés à toute notre histoire
les Wicardel, les Hémard, les Barville et il constituait un précieux
spécimen de l’élégante et sobre architecture du début
du XVIIe siècle: grand corps d’hôtel avec quatre pavillons
aux longs rampants, encadré d’un côté par les immenses
champs de la Beauce, de l’autre, par un parc admirable, aux ombres profondes
comme une forêt.
Canton
de Méréville
MÉRÉVILLE
Dès
le XIe siècle, Méréville possédait un château
fort et de puissantes fortifications. Les sires du Puiset, qui en étaient
maîtres, combattirent avec acharnement le pouvoir royal. La victoire
finale du roi amena l’apaisement et l’octroi d’une municipalité à
la commune. Mais la guerre de Cent Ans, puis, la lutte entre les Armagnacs
et les Bourguignons, apportèrent de nouveaux ravages: en 1357, le
château fut détruit, le bourg occupé par les Anglais,
et des batailles sans nombre se livrèrent aux alentours. Le calme
renaît seulement au XVe siècle, lorsque la puissante maison
des Reilhac possède Méréville pendant un siècle.
Ils reconstruisent le château sur un nouvel emplacement, dans la vallée,
et font bâtir la belle halle qui existe encore. Mais les violences
et la misère reparaissent avec les guerres de religion, d’autant
plus cruellement que la région compte de nombreux huguenots. En
1562, Condé et ses reîtres s’emparent de Méréville,
comme d’Étampes. Sous Henri IV enfin, la prospérité
revient, tandis que les des Monstiers sont seigneurs de Méréville
les services qu’ils rendent, au milieu du XVIIe siècle, amènent
l’érection de Méréville en comté. Mais en 1698,
ils vendent leur seigneurie à Jean Delpech, riche parlementaire,
qui restaure le château et obtient de Louis XIV l’érection de
sa terre en marquisat. Enfin, en 1784, Méréville, alors propriété
d’un La Tour du Pin, est acheté par le célèbre financier
Jean-Joseph de Laborde, seigneur de la Ferté Vidame, qui en fait
un somptueux domaine. Il respecte le château qui gardera presque tout
son cachet ancien, n’y ajoutant que deux ailes, et le décore avec
les œuvres des meilleurs artistes de son temps Greuze, Vernet, Hubert Robert,
Pajou; ses travaux, pour lesquels il [p.122]
dépense seize millions, s’appliquent surtout
à transformer «à l’anglaise» le parc et les jardins,
selon le bel art paysagiste de l’époque, en étendant leurs
perspectives, en les ornant de grottes de rocailles, de fontaines, de maisons
rustiques et de monuments imités de l’antique: une laiterie précédée
d’un portique comme un temple, une colonne rostrale élevée
à la glorification des fils du marquis de Laborde, lieutenants de
vaisseau morts sur les côtes de Californie dans l’expédition
de la Pérouse, un charmant petit temple rond, copié sur celui
de Tivoli, un monument à la mémoire de Cook, œuvre de Pajou.
Mais la Révolution se fit durement sentir à Méréville,
après le passage du fanatique Couturier: le marquis de Laborde fut
arrêté et guillotiné, malgré les suppliques des
habitants qui l’aimaient comme «leur père», selon leur
expression, en raison de ses innombrables bienfaits. Sous l’Empire, le château,
qui avait été restitué à la famille de Laborde,
fut à nouveau le siège de brillantes réceptions Chateaubriand
y lut Les Martyrs. Depuis il n’a cessé de passer en diverses
mains. Le beau parc fut en partie abattu, les monuments presque tous enlevés,
mais heureusement transportés dans le parc du château de Jeunes.
Enfin, des lotissement modernes achèvent la destruction de l’œuvre
du marquis de Laborde, cet ensemble aussi riche d’art que de pittoresque.
BOISSY-LA-RIVIÈRE
Une partie
du territoire de cette commune, comprenant Bierville, appartenait à
des seigneurs laïcs; ce sont, au XVIIe siècle, les Fuzée,
dont les armes, trois fusées, se retrouvent sur une grande borne au
milieu des champs, dans la plaine, puis, au XVIIIe siècle, une branche
des Poilloüe, qui ajoutait à son nom celui de Bierville. Le
château, très restauré, est d’origine ancienne. L’autre
partie de Boissy constituait une importante châtellenie indépendante
du bailliage d’Étampes, sise au hameau de Mesnil-Girault, dont les
seigneurs étaient, dès le XIIIe siècle, les chanoines
de l’église Saint-Croix d’Orléans possédant, en outre,
Ormoy, Fontaine-la-Rivière, la Forêt-Sainte- Croix, ils avaient
justice haute, moyenne et basse sur tous ces fiefs et la faisaient exercer
à Étampes en «l’hôtel de Mesnil-Girault»,
rue de la Tannerie, à côté du Coq-en-Pâte. Dans
le hameau, il subsiste du château, qui était en même
temps un domaine agricole, une belle porte fortifiée, ou les rainures
du pont-levis et les fenêtres du logis des guetteurs sont encore visibles.
Contre elle, un bâtiment très élevé, percé
d’étroites ouvertures et soutenu d’un contrefort est également
ancien. Dans la ferme actuelle, il reste peu de traces de la vieille construction,
sauf une salle basse, voûtée.
CHALOU-MOULINEUX
Comme son
double nom l’indique, cette commune a été constituée
par la réunion de deux paroisses très anciennes. Chalou appartenait
depuis Charlemagne au chapitre de Saint-Aignan d’Orléans, qui le céda
en 1174, à la reine Alix, femme de Louis VII, d’où le nom
de Chalou-la-Reine attribué à cette paroisse jusqu’à
la Révolution. Cette reine fit don du territoire de Chalou aux Templiers
qui y installèrent une commanderie dont une dépendance, entre
beaucoup d’autres, fut fondée à Étampes même,
au-dessus du moulin de Vaujouan: les ruines qu’on y voit encore sont celles
d’une église dédiée à Saint-Georges, d’une maison
pour le commandeur et d’une ferme, bâtiments qui furent réédifiés
au XVe siècle, après les ravages des guerres, mais dont l’origine
remonte aux Templiers. Après la suppression de l’ordre du Temple
en 1312, ces biens d’Étampes et de Chalou passèrent aux chevaliers
de Saint-Jean-de-Jérusalem, qui relevèrent à plusieurs
reprises les ruines causées successivement à Chalou par les
Anglais, les Armagnacs et les Bourguignons, les protestants, les frondeurs
et qui furent enfin dépossédés de leur commanderie
à la Révolution. De leur longue et puissante possession puisque,
indépendants du bailliage d’Étampes, ils avaient droit de
haute justice comme les seigneurs de Mesnil-Girault, il subsiste des traces
à Chalou: à côté de l’église, un grand
bâtiment appuyé de contre-forts, une dépendance qui
a conservé ses portes anciennes, représentent la commanderie.
L’église, par son vocable de Saint Aignan, rappelle ses possesseurs
d’avant 1174, les chanoines d’Orléans; mais la jolie nef du XIIe
siècle, le portail, de la même époque, où l’on
voit, avec quelque peine à cause de leur altération, un chat
et un loup, rébus (Chalou) sculpté sur un chapiteau,
le chevet du XIIIe siècle avec des adjonctions postérieures,
indiquent les constructions successives des Templiers et des chevaliers de
Saint-Jean.
Moulineux
eut une destinée semblable à celle de Chalou. Il fut d’abord
aux chanoines de Saint-Aignan d’Orléans, puis aux Templiers et à
leurs successeurs, et les mêmes ravages s’y accomplirent, mais les
ruines ont subsisté. Il reste seulement quelques vestiges du Château-Gaillard,
où les commandeurs vendaient le poisson recueilli dans les étangs.
Ce qui demeure de l’église offre peu de traces du XIIe siècle,
mais son vocable — Saint-Thomas — indique qu’elle fut édifiée
ou reconstruite une première fois à cette époque, parce
qu’il dut lui être donné à la suite de l’assassinat,
en 1170, de Thomas Becket, l’archevêque de Cantorbéry, presque
aussitôt canonisé, qui avait séjourné en France,
où son meurtre eut ainsi un grand retentissement. La majeure partie
des ruines appartiennent au XIIIe siècle, donc à une seconde
ou troisième église, qui fut encore
[p.124] détruite en partie et non relevée.
Le pittoresque y gagne: ces belles ruines, du meilleur style ogival, qui
s’élèvent au-dessus des eaux dormantes et dans un cirque de
verdure, offrent un des plus séduisants spectacles de notre région
(fig. 11). Les étangs sont artificiels: alimentés par les
sources de la Chalouette, ils ont été obtenus par le barrage
de la vallée, qui fut sans doute exécuté par les Templiers.
La pêche était faite solennellement tous les trois ans et le
poisson vendu jusqu’à Paris ou les «carpes de Moulineux»
étaient criées dans les rues.
CONGERVILLE
Cet humble
village mérite une mention parce qu’il a conservé depuis le
XVIe siècle une gentilhommière pleine de cachet qui se dresse
au-dessus de la plaine sans bornes. Elle possède une haute tour ronde
coiffée en bâtière, un grand corps de logis à
tourelle, des vestiges de fortifications, des fenêtres à meneaux,
une autre avec sa vieille grille, des portes Renaissance et même, à
l’intérieur, de belles cheminées. Très ancien fief
de Notre-Dame de Cléry, puis des du Moillart et des d’Aumale, il
appartenait, à la Révolution, à la marquise d’Oysonville.
ESTOUCHES
Nous citerons
pour la même raison cette commune aussi modeste que Congerville. Une
de ses fermes actuelles est un ancien petit château du XVe siècle,
auquel on accède par une très belle porte en ogive. S’il a perdu
les meneaux de ses fenêtres, il a conservé une jolie tourelle
polygonale, appuyée de contreforts et percée d’une porte à
moulures, en anse de panier. Le domaine appartenait à l’époque
aux du Monceau, vieille et importante famille de notre région, dont
une fille fut aimée d’Henri IV. Il passa depuis aux Selve, que nous
retrouverons à Cerny, et qui l’avaient encore à la Révolution.
GUILLERVAL
L’existence
de ce petit village remonte à une haute époque de notre histoire
puisqu’une partie de son territoire fut l’objet d’une donation de Dagobert
à l’abbaye de Saint-Denis, qui la conserva jusqu’aux approches de
la Révolution. Mais de vieilles familles de notre région y
possédaient également des fiefs: les Prunelé, les Poilloüe,
les Villezan. Il reste de ces anciens domaines, outre un petit manoir à
tourelle, une ferme, à côté de l’église, qui
se compose encore d’un vieux logis Renaissance, dont une jolie fenêtre
porte l’écu des Villezan [p.125] supporté
par deux écureuils, et qui conserve à l’intérieur une
grande cheminée ornée. Le château actuel, entièrement
modernisé, garde des traces du XVIe siècle, mais on ne sait
qui le possédait alors.
PUSSAY
Au XIIe
siècle, l’abbaye de Saint-Jean de Chartres et l’Hôtel-Dieu
d’Étampes possédaient des biens à Pussay. Au XVe siècle,
la famille des Languedoue y apparaît, fortifie le bourg et y demeure
jusqu’à la Révolution. Ayant d’abord construit un château
fort à quatre tours, ils le modifièrent au XVIe siècle
en une habitation plus aimable dont il reste aujourd’hui d’élégants
vestiges: tourelle d’escalier, fenêtres à meneaux, portes en
anse de panier. L’église de Pussay renferme la pierre tombale de
François de Languedoue et de sa femme, beau spécimen de la
fin de la Renaissance.
SACLAS
Il semble
bien établi que Saclas représente la bourgade gallo romaine
Salioclita de l’itinéraire d’Antonin,
située sur la voie romaine de Lutetia à Genabum, dont on voit
encore les grandes dalles sur le plateau, au-dessus de Saclas. D’autres
vestiges romains, poteries, tuiles, monnaies ont été abondamment
retrouvés en divers points, ainsi qu’une borne miliaire, inscrite
au nom de l’empereur Aurélien (270-275), qui est aujourd’hui au musée
archéologique d’Orléans.
Au haut
moyen âge, Saclas appartient, comme Guillerval, à l’abbaye
de Saint-Denis, puis, au XVe siècle, à Jehan de Montagu, le
surintendant des finances de Charles VI que nous avons vu seigneur de Villeconin.
Mais il abandonne presque aussitôt tous ses biens aux célestins
de Marcoussis, qui les conserveront, avec droit de haute justice, jusqu’à
la Révolution. A la même époque, le bourg est fortifié
et les Poilloüe, seigneurs en partie du fief de Saclas depuis le début
du XIVe siècle, en sont capitaines pour le roi. Cette vieille famille
de Beauce, non encore éteinte, est demeurée dans notre région
comme les Prunelé et les des Mazis. Ils possédaient un «ostel»
à Saclas, dont toute trace n’a pas encore disparu, bien qu’aujourd’hui
ce ne soit plus qu’une ferme, comme tant d’autres de ces manoirs anciens.
On le reconnaît dès l’abord, sur la route de Guillerval, à
la petite porte de son portail, dont le tympan, en cadré d’une ogive
à moulures, est orné d’un joli motif trilobé et de deux
petites niches à colonnettes. Dans la cour, il reste, heureusement
isolée, des bâtiments modernes, une partie caractéristique
de ces élégantes gentilhommières de notre région;
c’est un corps de logis de la fin du XVe siècle, avec une tour d’escalier
polygonale, qui a [p.126] conservé
de larges fenêtres à meneaux, de jolies portes et, dans une
salle transformée en grenier, une grande cheminée, avec un
inté ressant fragment de peinture murale (fig 13).
L’église
fut rebâtie au XVIe siècle, ayant été ravagée
en même temps que toutes les églises voisines durant les troubles
et les guerres. Mais elle conserve des fragments de constructions antérieures,
comme le portail ouest. Une cloche de 1386, refondue en 1845, reproduit
l’inscription ancienne: sa marraine fut Elisabeth de Poilloüe.
SAINT-CYR-LA-RIVIÈRE
Ce petit
village qu’arrosent la Juine et le rû de Climont, possède un
vieux donjon, encore imposant et assez inattendu au fond de f cette vallée
marécageuse. Il faisait partie d’un château féodal
dont, à l’exception d’une tour, il ne reste que des ruines. D’une
autre demeure seigneuriale édifiée plus loin des eaux, au
XVIe siècle, il ne subsiste qu’un ensemble très restauré.
Ce domaine appartint à de très anciennes familles de Beauce
aux Tignonville dès le XIIIe siècle. plus tard aux du Monceau,
aux d’Allonville, aux Sève de Rochechouart. Dans l’église existaient
deux pierres tombales que nous connaissons seulement par une description
de Fleureau, la Révolution les ayant détruites. L’une, du
XVIe siècle, recouvrait François du Monceau, qui avait participé
aux batailles d’Agnadel, de Ravenne, de Marignan et de Pavie. L’autre était
celle d’un Rochechouart. mort en 1652: son épitaphe exprimait une
sage et mélancolique philosophie, digne d’être citée:
«Son génie l’ayant porté à voir diverses nations,
il n’a jamais trouvé plus de repos qu’en ce lieu avec ses aïeux».
Canton de La Ferté-Alais
LA FERTÉ-ALAIS
Cette très
ancienne petite ville fut une place forte, comme l’indiquent Ferté,
qui signifiait forteresse, et ses boulevards actuels qui suivent le tracé
de ses fortifications détruites. Elle s’appela d’abord
La Ferté-Baudouin sans doute par le nom du seigneur
qui la possédait; c’est le nom qu’elle porte dans les textes relatifs
au siège qu’elle subit en 1108, de la part du roi Louis VI, et en
d’autres documents jusqu’à la fin du XIIe siècle. Le nom d’Aalès
ou Aleps, devenu Alais, apparaît au XIIIe siècle: il lui était
venu, comme l’a prouvé un travail récent qui a corrigé
une erreur de notre Fleureau, d’une dame Alix ou Adèle, dont c’était
le fief, femme d’un maréchal de France, Aubry Clément, mort
en se couvrant de gloire au siège de Saint-Jean-d’Acre en 1191, lors
de la troisième croisade, entreprise par Philippe [p.127] Auguste. La Ferté
entra dans le domaine royal par acquisition de saint Louis, en 1259, et dès
lors constitua un apanage, accordé par le roi, en général
avec Étampes, à ses favoris ou aux princes du sang. C’est ainsi
que François Ier le fit entrer dans le duché d’Étampes
pour Anne de Pisseleu. Mais le bailliage de la Ferté-Alais, indépendant
de celui d’Étampes, subsista, d’abord avec deux juridictions, celle
d’un prévôt et celle d’un bailli, puis, seulement avec un bailli.
Le château fort, démantelé au XVIIe siècle, tomba
bientôt en ruines et il n’en demeure plus trace, mais la ville conserve
un certain cachet ancien, avec ses petites rues étroites, quelques
vieilles maisons et surtout sa belle église, qui a gardé du
XIIe siècle son élégant clocher de pierre et son abside
à deux absidioles, sans être trop altérée par
les additions postérieures du XIIIe et du XIVe siècles.
Le territoire
actuel du canton de la Ferté comprend un grand nombre de seigneuries
anciennes, jadis riches et puissantes, sur lesquelles furent édifiées
d’importantes demeures qui nous ont été conservées.
Elles font un intéressant contraste avec les gentilhommières
de Beauce, pittoresques,mais toujours modestes et de caractère beaucoup
plus rural, en raison de leur éloignement des routes de Paris.
AUVERS-SAINT-GEORGES
Ce village
fut très anciennement habité puisqu’on y a découvert
en 1876 des sépultures du premier âge du fer, avec des bracelets
et des colliers de bronze, dont quelques-uns sont conservés aujourd’hui
au musée d’Étampes. On y a relevé par ailleurs de nombreux
témoins de l’époque gallo-romaine.
Au moyen
âge, dès le XIIe siècle, Auvers appartenait pour une
large part aux chanoines de Notre-Dame de Chartres, qui y avaient un prévôt,
et pour l’autre, au seigneur de Gravelles, bailli d’Étampes. Cette
double possession valut au modeste village de nos jours la construction
de deux églises, édifiées l’une à côté
de l’autre dès cette haute époque. Celle qui fut bâtie
par le chapitre de Chartres, sous le vocable de Notre-Dame, fut détruite
à la Révolution, et communiquait, par deux portes aujourd’hui
bouchées, avec l’église Saint-Georges, qui subsiste, mais
bien fâcheusement remaniée. Hugues de Gravelles, en 1202, recevait
de l’argent de Philippe-Auguste pour la vendange du clos d’Auvers, dont
le vin figurait parmi les vingt-deux crus admis à la table royale.
Au XVe siècle, c’est une fille naturelle de Louis XI, Jeanne de France,
femme de Louis de Bourbon, qui est dame de Gravelles. Au XVIe siècle,
la seigneurie passe au président Brisson, pendu par les Ligueurs à
Paris en 1591, auquel Henri III avait accordé la haute justice à
Gravelles, puis, au maréchal de la Ferté Senecterre, aux
Vigny et enfin, lors de la Révolution, à Pierre-Etienne Choiseau,
qui voulut siéger parmi le tiers état, comme nous l’avons [p.128] vu, bien qu’il eût
été anobli. Le fief ecclésiastique, possession plus
stable, appartenait encore au chapitre de Chartres.
C’est sans doute le maréchal
de la Ferté qui édifia le château, belle demeure de
la fin du XVIIe siècle, composée d’un grand corps de bâtiment
accosté de deux ailes, que baignent les eaux d’un canal alimenté
par la Juine. Un beau parc ancien l’entourait encore il y a peu d’années.
BOURAY
Ici encore,
l’on a recueilli de nombreux vestiges d’une habitation très ancienne:
préhistoriques, gaulois, sous forme de monnaies et surtout d’une
statue très curieuse, en bronze, représentant sans doute
un dieu, qui est heureusement conservée aujourd’hui au musée
des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye; enfin des
objets gallo-romains, dont quelques-uns très remarquables, ont été
trouvés surtout à la Boissière, où passait une
voie romaine allant â la Ferlé. En revanche, les documents du
moyen âge et même d’une époque postérieure ne
nous apportent aucune indication précise sur les seigneurs de Bouray.
Il faut parvenir au XVIIe siècle pour trouver le fief du Mesail en
la possession de familles parlementaires: les Sabathier, les Hérouard,
les Cornuel. C’est Claude Cornuel, président de la Chambre des comptes,
qui dut édifier, entre 1620 et 1640, le château dit d’abord
le Mesnil-Cornuel, qui est, dans notre région, avec Courances, le
plus beau spécimen de l’architecture de cette période (fig.
12), période elle-même la plus belle du XVIIe siècle
quant au style architectural. Il est entouré d’un pare admirable,
traversé par la Juine. Ce domaine passe au début du XVIIIe
siècle au chancelier Voysin, Garde des Sceaux de France, qui y apporte
encore des embellissements, d’où le nom de Mesnil-Voysin, puis à
son gendre, le marquis de Broglie, enfin à sa petite-fille, la comtesse
de Lignerac qui le possédait à la Révolution; il lui
fut confisqué par Couturier et plus tard restitué. La tour
de Pocancy, qui n’est point d’origine féodale, fut construite par
le marquis de Broglie, comme point de vue pittoresque pour le château.
Sur un
autre fief de Bouray, Frémigny, l’on possède plus de renseignements.
Il appartint dès le XIIIe siècle aux Beauclerc, qui le conservèrent
jusqu’au milieu du XVIIe siècle, mais il ne reste rien de leur demeure.
Une pierre tombale, œuvre médiocre de la Renaissance, dans l’église
de Bouray, est celle de Jean de Beauclerc, mort en 1572. Son fils Charles
fut secrétaire d’Etat sous Louis XIII et redouté de Richelieu,
pour l’influence qu’il avait sur le roi. Les Thoisy leur succèdent,
puis, aux Thoisy, les Semonville et les Montholon-Semonville, qui construisirent
le château actuel. C’est une luxueuse demeure du premier Empire, précédée
d’une belle galerie [p.129] à
colonnes, entourée d’un grand parc, moitié à l’anglaise,
moitié à la française. Elle fut habitée par le
comte de Montholon, le fidèle aide-de-camp de Napoléon Ier
qu’il accompagna à Sainte-Hélène.
BOUTIGNY,
COURDIMANCHE et CHAMPMOTTEUX
On a trouvé
sur le territoire de Boutigny des objets assez remarquables de l’âge
du bronze: deux très belles lames de silex, atteignant près
de trente centimètres de longueur, aujourd’hui au musée d’Étampes,
et un dépôt de fondeur, comprenant deux haches, une pointe de
lance, des fragments d’épées et de casques.
L’important
fief de Bélesbat, jadis de la paroisse de Boutigny, a été
rattaché à la commune de Courdimanche. Au XVe siècle,
il fut donné par Louis XI à Olivier Le Daim, que nous retrouverons
à Vayres. Confisqué à ses héritiers, il passa
à Jean de Foix, notre comte d’Étampes, puis, aux Hurault, branche
de la vieille famille du Blaisois, les Hurault de Cheverny. Ils construisirent
un château dont il ne reste qu’un grand pavillon d’entrée à
leurs armes, flanqué de deux tourelles en poivrière, et les
bases de grosses tours baignant dans l’eau des fossés. L’habitation
est moderne. Plusieurs Hurault furent abbés de Morigny au XVIe siècle.
Robert Hurault, conseiller du roi, épousa la fille unique de Michel
de l’Hospital, à la condition que leurs enfants joindraient à
leur nom celui de l’Hospital; ils furent enterrés dans l’église
de Morigny, un de leurs sept fils y étant abbé. C’est à
Bélesbat, chez sa fille, que mourut le chancelier de l’Hospital, le
13 mars 1573. Mis en disgrâce en 1568 par Charles IX à cause
de sa tolérance, il s’était retiré, non loin de Bélesbat,
en son château de Vignay, à Champmotteux, qu’il avait acquis
en 1546 et reconstruit dans le style italien, avec une ferme attenante. Il
y fut menacé par une bande de fanatiques le jour de la Saint-Barthélemy.
Ses descendants, seigneurs de Bélesbat et de Vignay, s’éteignirent
au XVIIIe siècle. Le château de Vignay fut démoli en
1873, mais il en demeure des gravures bien connues, d’Ambroise Tardieu, qui
le visita en 1824 et nous a fait connaître ainsi sa belle galerie à
arcades, ses tourelles carrées à grands combles, le fameux
if du chancelier, taillé en boule, et
même les bergeries de la ferme. C’est dans cette ferme que demeure
le seul vestige de l’ancien Vignay, une bergerie qui conserve de beaux piliers.
Michel de l’Hospital ne fut pas enterré à Bélesbat,
mais à Champmotteux, dans la vieille petite église, où
son tombeau, en partie détruit à la Révolution, fut
recueilli par la piété des habitants et reconstitué
en 1818. Si les ornements du sarcophage manquent de simplicité, la
statue couchée du chancelier montre une belle tête, qui doit
être celle du XVIe siècle, où s’exprime toute la noblesse
de cette pure figure de notre histoire. [p.130]
CERNY
Ce village,
que l’extension de la vie moderne fait presque confondre avec La Ferté,
eut jadis une certaine importance. Habité dès l’époque
préhistorique, comme en témoignent des découvertes d’armes
de silex et de bronze et le chemin de la Pierre Debout, qui
révèle l’existence d’un menhir, il comprenait au moyen âge
de nombreux fiefs ecclésiastiques et laïques; plusieurs furent
accordés, outre une donation spéciale du roi saint Louis,
à des moniales de l’ordre de Citeaux pour y fonder une abbaye. Ce
monastère fut construit dès le début du XIIIe siècle
à l’emplacement du château actuel de Montmirault, édifice
moderne, et connut dans notre région une grande célébrité,
sous le joli nom d’abbaye royale de Villiers-la-Joie ou Villiers-aux-Nonains.
Elle fut incendiée au milieu du XVe siècle pendant la guerre
de Cent Ans pillée et brûlée en partie par les reîtres
de Condé, qui campèrent à Montmirault en 1562 et enfin,
réduite en cendres par les huguenots en 1567. Mais elle se releva
sous la puissante administration, qui dura cinquante ans, de l’abbesse Jeanne
de la Trémoille, puis d’Odette Clausse, fille du seigneur de Fleury-en-Bière.
Ainsi les bâtiments conventuels et l’église furent reconstruits,
des procès entamés, et la possession fut recouvrée des
innombrables biens dont l’abbaye avait été dotée, dans
toute la région d’Étampes et à Étampes même
depuis sa fondation. Encore une fois pillée par les frondeurs et
les Allemands en 1652, elle connut enfin une calme prospérité
jusqu’à la Révolution. Notre historien d’Étampes, Fleureau,
a écrit une «brève histoire», mais bien précieuse
de cette abbaye. A côte d’elle le fief de Villiers-le-Chatel appartenait
au XVe siècle encore à Olivier Le Daim, le favori de Louis XI,
puis au début du XVIe siècle, à Jean de Selve, premier
président au Parlement, qui négocia avec Charles-Quint la liberté
de François Ier après Pavie. Les Selve, que nous avons vus seigneurs
d’Estouches, sont restés jusqu’à ces dernières années
à Villiers. Ils y ont construit, au début du XVIIe siècle,
une belle demeure qui subsiste, mais que gâte malheureusement le voisinage
immédiat de dépendances modernes. Ils possédaient avant
la Révolution de nombreux autres fiefs à Cerny. Dans la plaine,
au delà du hameau d’Orgemont, une ferme isolée dite La Chapelle
d’Orgemont qui appartint, dès le XIIIe siècle aux moines de
Morigny, possède encore une belle porte d’entrée du XVIe siècle.
CHAMARANDE
Ce village,
autrefois nommé Bonnes, ne prit son nom actuel qu’en 1685, alors
qu’il fut érigé en comté pour Gilbert d’Ornaison de
Chamarande, conseiller du roi, gouverneur de Phalsbourg et [p.131] Sarrebourg, qui venait de
faire l’acquisition de la terre, seigneurie et paroisse de Bonnes. Avant
lui, la seigneurie avait appartenu, en remontant le cours des siècles,
aux Mérault, à François Miron, prévôt
des marchands de Paris, aux Hurault, à Jehan de Montagu, enfin au
XIVe siècle à Jean Cocatrix, qui a laissé son curieux
nom au petit hameau. Pierre Mérault avait déjà fait
élever un château considérable, que Gilbert d’Ornaison
compléta. Conçu sous l’inspiration de Mansard, c’est un vaste
corps de logis dont les deux ailes hautes et très sortantes ont
deux étages, ensemble massif et trop élevé, construit
en brique et grès local. Il est entouré d’un immense parc,
planté sur des dessins de Le Nôtre et qu’animent les détours
de la Juine. La possession en fut apportée à Français
de Talaru, marquis de Chalmazel, par son mariage avec la fille de Gilbert
d’Ornaison; les Talaru, famille lyonnaise, la gardèrent jusqu’à
la mort du marquis de Talaru, pair de France, en 1850, après qui
le domaine fut au duc de Persigny, ministre de Napoléon III.
JANVILLE-SUR-JUINE
Cet ancien
hameau de la paroisse Notre-Dame d’Anvers, commune depuis 1889, possède,
sur le plateau, un beau dolmen, fouillé sans soin vers 1865, qui
contenait une vingtaine de squelettes et un mobilier funéraire important.
Tous ces témoins de l’époque néolithique ont disparu.
Le fief
de Gillevoisin n’est mentionné qu’à partir du XVe siècle,
comme appartenant à des familles dont le nom n’a pas laissé
d’autres traces, mais depuis le XVIe siècle, au contraire, il est
associé à des noms évocateurs de grands souvenirs. D’abord
possédé pendant quelques années par Jacques Amyot,
le traducteur de Plutarque, il passa au malheureux président Brisson,
que nous avons vu seigneur de Gravelles, puis à Français
Miron, déjà seigneur de Chamarande, le prévôt
des marchands à qui Paris dut tant de ses embellissements, aux Gobelin,
descendants des fondateurs de la Manufacture de tapisseries, enfin au fastueux
chancelier Voysin qui, possesseur du Mesnil et de Gillevoisin, agrandira
le premier domaine aux dépens du second. Le fief réduit de
Gillevoisin passera ensuite en de nombreuses mains jusqu’à la famille
Dufaure qui le possède encore. Le château se compose de deux
édifices d’époque différente; le plus ancien, dont il
ne subsiste sans doute qu’un côté, remonte au XVe et au XVIe
siècles; il comprend, outre deux corps de bâtiment servant actuellement
de communs, un grand pavillon d’entrée du meilleur style. La partie
plus récente est à elle seule une belle habitation du XVIIe
siècle, mais avec une tour centrale moderne. Le parc, aux arbres séculaires,
est traversé par la Juine et renferme une petite chapelle du XVIIe
siècle où repose Nicolas Gobelin.
[p.132]
VAYRES
C’est par
des souvenirs seulement historiques que cette commune mérite d’être
signalée, son château étant moderne. Mais c’est un
ancien fief, qui après avoir donné son nom à une famille
de Vères, dont un membre fut secrétaire de Charles V, fut
acquis en 1480 par Olivier le Daim, barbier et confident de Louis XI qui
l’avait anobli et comblé de richesses. On sait, par un acte qui lui
accorde tous les droits de justice et de garenne sur son nouveau domaine,
«qu’il était enclin à y faire construire une belle maison».
Mais il ne dut pas avoir le temps de l’y édifier, car dès
1484, il était condamné à la potence, sous Charles
VIII, pour des crimes peut-être imaginaires. La seigneurie confisquée
passa à Jean de Foix, comte d’Étampes. Au XVIIe siècle,
elle fut érigée en marquisat par Louis XIV en faveur des
Bussy-Rabutin, mais les lettres de don ne furent point enregistrées
au Parlement. Au début du XIXe siècle, le château appartenait
au célèbre mathématicien Cauchy.
Le territoire
de Milly fut peuplé dès l’époque néolithique,
comme en témoigne son beau menhir, puis à l’époque
gallo-romaine, puis qu’une ancienne voie romaine traverse la ville et rejoint
un camp, dit de César, à peu de distance. A la fin du XIe siècle,
apparaît dans les textes une famille de Milly, qui fait place, après
deux siècles, à Hugues de Bouville, seigneur de Farcheville,
acquéreur de la terre de Milly. Entre temps, dès la première
moitié du XIIe siècle, Milly avait obtenu le droit de commune
avec un maire. Olivier de Clisson, le connétable, coupable de trahison
et décapité en 1343, était seigneur de Milly, ayant
épousé Blanche de Bouville. La guerre de Cent Ans fait de
terrible ravages, à la suite desquels les habitants obtiennent, de
Guillaume de Montenay, encore un descendant des Bouville, la propriété
de terres et de vignes, qui les affranchit ainsi du servage, et le droit
de pacage. En 1433, la ville est prise et brûlée par les Anglais.
En 1462 un Montenay vend sa seigneurie de Milly à Malet de Graville,
seigneur de Marcoussis, amiral de France, qui obtient de Louis XI, en 1479,
l’autorisation d’ériger une halle. Par le mariage de sa fille, la
seigneurie passe aux Vendôme. En 1570, Milly est pillée par
les protestants, mais dès lors, elle est épargnée par
les troubles et les guerres qui affligent tant d’autres cités. La
Révolution elle-même s’y est écoulée sans violences.
Après les Vendôme, la seigneurie appartint au connétable
de Montmorency qui l’avait reçue en don de François de Vendôme
en 1560. Le fils du [p.133] connétable
la vendit à Henri Clausse, seigneur de Fleury-en-Bière, ambassadeur
de France, elle passa ensuite aux Faudoas d’Averton, aux Beaupoil de Saint-Aulaire,
enfin aux du Lau d’Allemans qui en furent les derniers seigneurs.
La ville
de Milly était, bien entendu, fortifiée et munie de six portes.
Le château primitif ayant été détruit par les
Anglais en 1433, l’amiral de Graville le fit reconstruire vers 1470. Une
faible partie en a seulement subsisté au milieu des bâtiments
modernes: le donjon sous lequel on passe pour pénétrer dans
la cour d’honneur, et trois tours d’enceinte, restaurées et aux toitures
réduites. L’église Notre-Dame fut également reconstruite
par l’amiral de Graville à l’exception du beau clocher qui est de
l’époque de la fondation du chapitre par Hugues III de Bouville,
le début du XIVe siècle. Enfin, la halle, due encore à
l’amiral de Graville, est un beau spécimen de ces monuments; elle
comprend onze travées, quarante-huit piliers et de savants assemblages
dans sa charpente, toute en châtaignier. A un kilomètre à
l’est de Milly, on n découvert en 1861, à plus d’un mètre
de profondeur, au milieu de substructions, un joli carrelage émaillé,
composé de très petits carreaux, à dessins d’animaux
et à fleurs de lys, de quatre couleurs. Quelques-uns sont conservés
au musée d’Étampes. Il s’agit d’un pavage du XIIIe siècle,
qui se trouvait dans un pavillon de chasse royal, appelé le château
Saint-Georges ou la Maison-Forêt.
COURANCES
L’histoire
de ce village se confond presque entièrement avec celle de la seigneurie,
dont l’importance nous est encore attestée aujourd’hui par la somptueuse
demeure qui fut édifiée sur son territoire. Au XIIIe siècle,
il existe une famille qui porte le nom de ce fief; un de ses membres, Henri
de Gourances, maréchal de France, est tué en 1268 à
la bataille de Tagliacozzo, victoire remportée par Charles d’Anjou,
mais cette maison s’éteint dès le milieu du XIVe siècle.
Après elle, Gourances passe en diverses mains jusqu’à ce que
le seigneur de Fleury-en-Bière, Cosme Clausse, secrétaire d’État
d’Henri II, s’en rende acquéreur vers 1550. Les Clausse, riche et
puissante fa mille de robe, gardent Gourances jusqu’en 1622 et construisent
un château â fossés d’eaux vives, à pont-levis
et à tourelles, avec parc, jardins, fontaines et canaux. Mais il
est en mauvais état lors de la vente à Claude Gallard, secrétaire
du roi, et celui-ci en commence la transformation. Son fils achève
de l’embellir en confiant à Le Nôtre l’aménagement du
parc et des jardins. Les descendants des Gallard, par les femmes, conserveront
le domaine jusqu’en 1872. A la Révolution, il appartenait au marquis
de Nicolaÿ premier président à la Chambre des comptes,
qu’on appelait le «grand Nicolaÿ» autant [p.134] pour Son grand cœur que pour
son esprit et son illustration. Il mourut sur l’échafaud le 10 juillet
1794, ainsi que son fils et son oncle. Tous ses biens furent séquestrés
par un délégué de Couturier, mais ils furent ensuite
restitués à la marquise de Nicolaÿ. Le château,
intelligemment restauré par le baron de Haber, qui l’avait acquis
en 1872, nous offre aujourd’hui un magnifique ensemble du début du
XVIIe siècle, en brique et pierre: un grand corps de logis à
deux étages, accosté d’ailes aux grands combles et précédé
d’un escalier à double révolution. De grands bassins et de
majestueuses avenues encadrent (fig. 14).
Pour les autres
communes du canton de Milly, nous citerons seulement le polissoir et la
sépulture néolithique de Buno-Bonnevaux, des vestiges de
château fort à Moigny, à Puiselet-le-Marais, qui possède
aussi une intéressante église dont le clocher et la flèche
sont du XIIe siècle. Ce sont pour la plupart de petites communes
éloignées des grandes voies, serrées au creux de vallées
étroites et boisées, où ne furent édifiées
ni de belles églises, ni de luxueuses demeures. Leur site agreste,
évoquant déjà la forêt de Fontainebleau, et leur
nudité archéologique leur donnent une tout autre apparence
que les riches et riants villages des bords de la Juine ou que les groupements
des maisons rurales de Beauce, allongées sur le vaste et libre horizon,
que domine seule la haute silhouette d’un clocher ou parfois de quelque
tourelle ancienne.
Ainsi,
dans ses étroites limites, notre région d’Étampes offre
autant par son archéologie que par son paysage une variété
d’aspects, une diversité de sujets d’étude et de grands souvenirs
qui la font apparaître comme une image réduite de la France
elle même, éternellement chère à ceux que retiennent
les enchantements de la nature, de l’art et du passé.
Morigny,
le 27 avril 1938.
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