| LA PRISE D’ÉTAMPES
 
 POËME LATIN INÉDIT
 
 DE PIERRE BARON
 Maire de la ville en 1652
 
 Traduit en français, avec le texte en regard & des
notes
 & précédé d’une notice biographique sur 
 l’auteur
 
 PAR PAUL PINSON
 
 
 PARIS
 LIBRAIRIE ANCIENNE L. WILLEM
 8, rue des Beaux-Arts, 8
 —
 M.DCCC.LXIX
 
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                | Il n’a été tiré
  de  ce  livre que 150 exemplaires, tous numérotés par l’éditeur: 130 sur papier de Hollande, fabriqué au dix-septième
  siècle;
 17 sur papier de Chine Nankin;
 3 exemplaires sur peau de vélin.
 N° 122
 
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                | AVERTISSEMENT
 Nous pensons être agréable
aux   amis   des lettres en général & à nos compatriotes
  en particuliers,  en mettant au jour ce charmant petit poëme latin,
 que nous avons exhumé  d’un manuscrit qui est conservé religieusement 
  depuis deux siècles   dans la famille de l’auteur comme une relique 
  précieuse. Grâce  à l’obligeance de M. Vermot de Jeux, 
  son propriétaire, qui a bien voulu nous le communiquer, nous nous 
 faisons un devoir de le publier,  comme un monument élevé à
 la gloire du savant et vertueux  Étampois dont le nom est à
 peine connu de la génération   actuelle. Puisse ce petit opuscule
  faire [p.2] revivre dans
  le cœur des habitants  d’Étampes le souvenir de l’administrateur 
intègre  & bienfaisant  qui sut montrer dans des circonstances 
extrêmement  difficiles un grand  courage civique allié à 
un rare désintéressement. [p.3]
 
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                | NOTICE
     BIOGRAPHIQUESUR
 PIERRE BARON
 
 
 
         
           
             | LE personnage faisant l’objet de cette esquisse   biographique 
  est un de ceux dont le nom, comme tant d’autres soldats obscurs   de la 
défense   du bien public qui ont illustré la ville d’Étampes 
  & que   nous ferons connaître plus tard à nos compatriotes, 
  est plongé   depuis longtemps dans un oubli immérité. 
  Ce fâcheux état  de choses ne peut être attribué 
  qu’à l’injustice de nos  pères, lesquels, entraînés 
  sans doute par cet esprit de dénigrement qui a de tout temps fait 
 élection dans notre bonne ville, ont poussé l’ingratitude jusqu’à [p.4] taire les noms et les actions
    de ces hommes remarquables aux génération  qui les ont
suivis.     Ce spectacle affligeant de rivalités mesquines,  entretenues
par  les   commérages des nombreuses coteries & alimentées
 par  l’envie   ou des ambitions déçues ou mal satisfaites,
donne  malheureusement   raison au proverbe populaire que nul n’est prophète
  en son pays. 
 Aussi, pour faire revivre ces figures
ensevelies      systématiquement dans les ténèbres les
plus épaisses,      la tâche est difficile, et ce n’est qu’à
force de patience    et  de recherches toujours pénible & parfois
très-coûteuses,      que l’on peut parvenir à recueillir
sur elles quelques données      souvent bien incertaines. Heureusement
que de nos jours les choses se  passent    autrement, & nos arrière-neveux
n’auront pas lieu de  formuler   contre nous les justes plaintes que nous
venons de faire entendre.
 
 Pierre Baron, seigneur de l’Humery, secrétaire
     du roi, naquit à Étampes en 1574 d’une famille distinguée
     du pays. On ne sait rien sur sa jeunesse ni sur le lieu où il
fit    ses études, mais tout porte à croire que ce fut dans
quelque    collège de Paris ou d’Orléans, puisque l’établissement
    enseignant des Pères Barnabites d’Étampes ne fut fondé
    qu’en 1629. [p.5]
 
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             | Après avoir achevé ses classes,    le  jeune Baron, à 
l’exemple de ses illustres compatriotes, Jacques    Houillier  & Gérard 
François, étudia la médecine    &  se fit recevoir 
docteur. Mais, possesseur d’une assez belle fortune,    il exerça 
plutôt cet art plutôt en amateur qu’en praticien    cherchant 
à  se créer des ressources. 
 En 1623, ses concitoyens ayant pu apprécier
     sa droiture de caractère jointe aux qualités de cœur les
  plus   élevées, le choisirent pour échevin, &
quelques     années plus tard, en 1630, ils l’élurent maire.
Peu de temps     après son élection, une peste épouvantable
fondit  sur   la ville d’Étampes & fit de nombreuses victimes.
Dans cette  circonstance   critique, Baron montra une énergie 
peu commune,  &, plus  soucieux de la conservation de la ville &
de ses semblables  que de la  sienne propre, il se dévoua corps et
âme au soulagement  des habitants atteints par le fléau.
 
 Son mandat de maire expiré, il
fut   remplacé    en 1635 par Michel Plumet, qui avait été
  avec lui échevin    en 1623, & il rentra de nouveau dans a vie
  privée. En 1649, le   maire Jacques Bourdon ayant accompli ses quatre
  années de mairie,   les habitants procédèrent à
  une nouvelle élection.    Le prévôt en charge d’alors,
  César-François Provensal [p.6], réunit   une partie des voix contre son concurrent Gabriel
  de Bry, lieutenant-général   au bailliage, homme ambitieux
 & vénal qui briguait avec ardeur   cet emploi, qui honores in
municipiis ambitiose petunt, videntur in somniis   laborare. Mais ce dernier,
furieux de l’échec qu’il venait d’essuyer,   engagea l’avocat du roi
à s’opposer à la prestation de serment   du nouveau maire sous
prétexte de cabale dans les suffrages. Ce démêlé
  ayant été porté devant M. de Vendôme, duc souverain
  d’Étampes, ce prince judicieux ne prit parti pour aucun des deux
candidats,  &, sans perdre de temps, il écrivit de son gouvernement
de Provence  à Pierre Baron, qu’il connaissait de longue date &
dont il avait  pu apprécier l’intégrité et les capacités
administratives,  de vouloir bien accepter cette charge. Baron s’excusa sur
son grand âge,  mais pressé par une seconde lettre qui lui laissait
la liberté  de ne garder cet emploi que le temps qu’il le désirerait,
& dévoué  tout entier à sa patrie, il finit par
accepter des fonctions qui devaient  mettre par la suite son cœur & sa
fortune à de bien rudes épreuves.
 
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             | Il était facile de prévoir  dès    cette époque 
que l’orage politique qui avait éclaté    l’année précédente 
à Paris sous le nom de la   Fronde n’était [p.7] point  dissipé & 
que de nouveaux nuages plus menaçants encore se formaient à 
l’horizon. En effet, les menées du cardinal de Retz & des princes 
révoltés répandaient par toute   la France une effervescence 
telle qu’en 1650 chaque ville susceptible d’être   attaquée prenait
des mesures pour parer le coup qui pouvait fondre   sur elle. Comme la ville
d’Étampes, par la situation & la richesse   de son sol, devait
plus que tout autre être le point de mire des deux   partis, Pierre
Baron, en magistrat prévoyant, s’empressa de prendre   toutes les
précautions que la prudence lui commandait en pareil cas.   La présence
dans la ville des régiments du Duc d’Orléans   qui y tenaient
garnison depuis quelque temps étant une cause d’alarme   pour tous,
en ce qu’ils pouvaient être attaqués ou servir l’un   ou l’autre
parti, Baron chercha à les faire partir, mais ils refusèrent
  d’abord de quitter le ville, & ce ne fut qu’au prix des plus grands
sacrifices  qu’il parvint à les éloigner, c’est-à-dire 
en empruntant  des sommes considérables tant en son nom que sous le 
nom privé  des habitants en charge & dont le remboursement devait 
être pris  sur les tailles courantes. 
 Le départ de ces régiments 
 ramena    parmi les habitants la confiance ébranlée, &, 
 au commencement [p.8] de l’année 
 1652, l’on    vit affluer dans l’enceinte de la ville d’Étampes tous 
 les blés    des villages environnants. Le duc de Vendôme, qui 
 tenait pour la Cour,   s’empressa de tirer de grandes sommes d’argent des 
 particuliers à   qui ce blé appartenait; de son côté 
 le duc de Beaufort,   son fils, du parti des princes, s’en fit aussi donner 
 sous prétexte   de les garantir du pillage & d’empêcher 
que ses troupes ne s’en   emparassent dans le cas où on les forcerait 
d’agir.
 
 En présence de pareilles assurances,
   &   le maire sachant que la ville n’avait aucune intelligence avouée
   avec  l’un ou l’autre des deux partis, tous s’endormirent avec sécurité
     sur le bord du précipice sans en soupçonner la profondeur.
    Mais, hélas! le réveil fut bien douloureux pour les malheureux
    habitants, que leur trop grande confiance dans la parole des grands,
qui    leur avaient extorqué de fortes sommes, devait réduire
à    la plus forte misère.
 
 Le 23 avril 1652, à dix heures
du  soir,    l’armée des princes, commandée par le comte de
Tavannes  &    le baron de Clinchamp, se présenta à la
porte du faubourg   Saint-Pierre.  Cette nouvelle se répandit promptement
dans la ville,   &, mus sans  doute par le danger, plusieurs jeunes [p.9]       gens allèrent aussitôt
avertir Pierre Baron  de ce qui se passait. Ce vénérable vieillard,
les voyant le  visage bouleversé & le pistolet au poing, leur
dit, les larmes  au yeux: Courage, Messieurs, il s’agit du service du
roi! que ne suis-je  pas en âge, ou n’ai-je assez de force pour aller
à votre tête,  & sacrifier ce reste de vie à la défense
de ma patrie.  Nobles & belles paroles qui devaient être effacées
cent quarante ans plus tard, par la réponse sublime que fit aux émeutiers,
 en 1792, un de ses successeurs, Jacques-Guillaume Simonneau, qui, moins
heureux,  périt victime de son attachement à la religion du
devoir. Après  quelques pourparlers inutiles & quelque tentatives
de résistance  de la part de la milice bourgeoise, l’armée
força l’entrée  du faubourg & se rendit maîtresse
de la place.
 
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             | Il n’entre pas dans le plan de cette notice   biographique   de retracer les
péripéties de ce siège   meurtrier qui   dura près 
de deux mois entiers. Nous dirons seulement   que pendant  toute sa durée, 
Baron, malgré son grand âge,    se  conduisit avec un courage 
bien au-dessus  de ses forces & faillit    être victime de 
son dévouement au roi. Un jour que le jeune   monarque était 
avec son armée aux portes de la ville, Pierre   Baron hasarda, tant 
en son nom qu’au nom des   [p.10] échevins, 
de lui envoyer un billet de pur respect   que son impuissance désarmée
 devait  sauver de toute suspicion  envers l’armée des princes.
 Cependant cet acte innocent faillit lui  coûter la vie, car l’émissaire
 qui portait la lettre ayant été  pris, le colonel  du
régiment de Conti-Cavalerie  menaça  Baron d’en rendre compte
à M. de Tavannes & de le faire pendre  lui & ses échevins.
Mais soi qu’on ait eu des égards pour  son âge ou qu’on ait
compris que la violence ne pouvait rien sur un  grand cœur, cette menace,
heureusement pour lui, ne fut pas suivie d’exécution        (1). 
 Aussitôt le siège levé,
   Pierre   Baron se mit à l’œuvre pour cicatriser le mieux qu’il
put    les plaies   saignantes de la pauvre ville qu’il administrait. Il
commença    d’abord   par faire enlever et donner sépulture
aux nombreux cadavres    en putréfaction   entassés pêle-mêle
les uns sur   les autres dans les rues   & jardins, qui répandaient
de toute   parts des miasmes empoisonnés.   Toutefois         [p.11], ne  pouvant suffire seul à une telle besogne, il fit
appel    au charitable  Vincent de Paul, qui s’empressa avec d’autres missionnaires
   de le seconder  dans cette triste tâche. Grâce à leurs
  soins, il fut  aussitôt établi quatre hospices pour recevoir
 les malades de  la ville & des environs, & Pierre Baron, dans cette
 circonstance,  montra encore que son cœur était à la hauteur
 de son courage,  en faisant don à la ville de sa propre maison, à
 laa condition  qu’elle serait transformée en établissement
hospitalier.
 
 | 
 (1) Ce colonel du régiment  de  Conti-Cavalerie 
 était Henry de Hautfay, marquis de Jauvel. Plus   tard  il fut nommé 
 lieutenant-général & capitaine   de la 2e compagnie des 
mousquetaires.  Il mourut le 1er juin 1692, gouverneur   du Maine.
 
 |  
             | Lorsque l’ordre fut rétabli, les officiers     de la ville cherchèrent 
à se libérer  de l’emprunt     fait en 1652. Pierre Baron 
comptait sur les levées faites sur toute     l’élection pour 
amortir la dette qu’il avait contractée au   nom de tous les habitants, 
ainsi qu’il en avait été décidé     par un arrêt 
du Conseil. Mais le receveur des tailles, sous de sépcieux     prétextes, 
retenant indûment les sommes d’argent qu’il avait     perçues, 
quelques prêteurs mécontents, entre autre  un   sieur de Bordes, 
firent saisir les biens du maire & sa charge de  secrétaire   du
roi qu’il avait acquise en 1649. Cette mesure humiliante  le força 
  d’intenter un procès à ce comptable concussionnaire,  lequel, 
  par suite d’arrêts contradictoires & de diverses interventions, 
    dura huit [p.12] années. 
    Enfin le 14 mai 1661, sur le rapport de M. de Brillac, conseiller rapporteur, 
    survint un arrêt définitif de la Grand’Chambre du Parlement
    qui déclara ce receveur responsable envers la ville et celle-ci
 responsable    envers le maire du montant de l’emprunt. Malgré cette
 issue avantageuse,    les frais immenses que ce procès avait occasionnés
 & la   déconfiture du receveur, qui mourut en prison quelques
années    après, compromirent singulièrement la fortune
de Pierre Baron    & celle de ses enfants. 
 En 1654, il résigna ses fonctions 
 de  maire,   que son grand âge et sa santé chancelante ne lui 
 permettaient    plus de remplir. Une attaque d’apoplexie dont il fut frappé 
 en 1657    mit un moment ses jours en danger; mais, grâce à 
la vigueur   de son tempérament, il finit par se remettre de cette 
rude secousse,   sans toutefois recouvrer la santé. Au commencement 
de l’année   1661, il déclina très-fort, & le 21 
novembre de lamême   année il rendit le dernier soupir agé 
de 87 ans. Son corps  fut inhumé dans la nef de l’église collégiale
  de Sainte-Croix,   à côté de ses ancêtres, de
sa  femme & de son   fils. Son gendre, René Hémard, fit
son  épitaphe, qui   n’a pu être gravée sur sa tombe
par suite  des petites contestations   qu’il eut avec les  [p.13] chanoines   du chapitre de
 cette église. Comme  cette épitaphe, malgré    son
emphase  ridicule, mérite  d’être conservée, nous  la
 reproduisons  dans son entier.
 
 
 Ad. Æter. Memor.
 Clariss°,
     Eruditiss°, Interroque
   Petro  Baron
 Dom°
     de l’Humery &a…
 Regis aulæ, coronæ, Ærariique 
   Galliarum
 A Secretis:
 Stemparum iterum atque iterum;
 Hoc est, semel liberi populi suffragiis,
 Pestifera grassante per urbem lue, anno 1630;
 Denuo principis arbitri jussu, bello fameque
  per   eandem
 Interclusam, obsessamque sævientibus, 
 anno   1652
 Majori
 Tria contra flagella invictissa.
 
 EPITAPH.
 
 Septem octoginta natus Baronius annos
 Nobile Palladium patriæ morientis,
in  isto
 Marmore, victores ætatum condidit artus:
 Viribus hunc juvenem stupuit rediviva senectus,
 Quem procul ante fenem ingenio est mirata 
juventus,
 Urbs Stempana dole, imo vel omnis Gallia
plange,
 Asperior monstris, quem mors orbe invidaa 
tollit;
 Hunc totum virtus, totum doctrina requirunt, [p.14]
 Vique unus per mille oritur vir sæcula 
   tantus.
 Sed neque da lacrymas, præstant pia 
vota,    viator,
 Funde lubens, ea cras aderunt tibi forsan 
egenti.
 Ingrati, sed mœste parentarunt piis mannibus, 
  Renatus
 Hemard & Carolus Dupuis, generi dolentissi,
     Mariaque &
 Claudia Baron, filiæ amantissæ.
 Obiit die 21 nov.
 anno   1661.  Eodem ad corpus clauduntur saxo Maria Vaillant, uxor ejus
illustrissa,
     quæ desiit anno 1651, april. 28, & Franciscus Baron, generosus
    utriusque partus ann. 1653, mar 3 præpostere; quorum avi circumsepulti,
    his sacris ædibus 50 libras annuas, Dæ
     Mariæ 5, Sti
           Basilii 20, ipse diu ante vivus
domum      nosocomio, pactis legibus, dictaque Vaillant alia numerato jam
soluta,   gratis   ab hærede legarunt.
 Æternum ut vivant apprecare.
 
 Pierre Baron avait épousé Marie 
 Vaillant,    qui mourut en 1651, dont il eut trois enfants, un fils & 
 deux filles.    Son fils mourut sans postérité en 1653. L’aînée
     de ses filles épousa René Hémard, qui fut d’abord
  prévôt   des maréchaux, ensuite lieutenant particulier
  au bailliage & maire  de la ville d’Étampes en 1667. La cadette
  fut mariée à  un gentilhomme picard nommé Dupuis.
 
 Baron eut toute sa vie une prédilection 
    prononcée pour les poëtes latins, qu’il connaissait à 
   fond. La langue latine avait pour lui tant de charmes que [p.15] ses conversations intimes étaient
généralement entremêlées de citations empruntées
à Virgile, Horace, Juvénal, ses auteurs favoris, & parfois
aussi il les assaisonnait des pointes de son cru, marquées au coin
du plus pur atticisme. Ainsi un jour son gendre René Hémard, 
   à la sortie de son audience, lui racontant qu’un avocat du bailliage, 
   le plus ignorant, mais, selon la coutume, le plus hardi, avait empoisonné 
   son plaidoyer d’onguents, de gourme & de pareilles drogues, Baron fit
   deux ou trois tours dans sa chambre en se boutonnant & dit en riant:
  Voilà son fait:
 
 
 Effudit phialis, sine legis
odore, liquoresCausidicus juris nescius, anne sapit?
 
 Quand il apprit la mort du garde des sceaux
   Molé,   ce fut avec la même vivacité qu’il fit cette
  épitaphe,   qui peint bien en quelques mots cet illustre magistrat:
 
 
 Mole sub hæc terræ,
     Molœi est condita molesTerræ; cœlestis spiritus astra 
 petit.
 
 C’est en 1654, à l’âge de 81 ans,
  que   Baron  composa sa Stemparum Halosis qui nous a été [p.16] conservée grâce
     aux soins pieux de son gendre. Ce petit poëme de 180 vers, qui
roule      sur l’un des épisodes les plus sanglants des troubles de
la Fronde,      est écrit dans un style clair, coulant & facile;
le latin,  généralement    pur, est rempli de réminiscences
des  grands poêtes du siècle    d’Auguste. A la grâce
du style,  & quoique renfermée dans    un cadre restreint, cette
pièce  joint en outre le mérite,  non  moins précieux,
d’une grande  exactitude historique, qualité    rare dans un ouvrage
de ce genre,  où la fiction joue presque toujours    le principal
rôle. On  est à la fois charmé & surpris    de rencontrer
une veine  si robuste, une imagination si vive & une mémoire 
  si prodigieuse  chez un vieillard de cet âge, qui ne pouvait mieux
 terminer   sa belle & longue carrière qu’en chantant les
malheur de la pauvre   ville qu’il avait administrée avec tant de
désintéressement      & de dévouement.
 
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 | STEMPARUM HALOSIS
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 | LA PRISE D’ÉTAMPES |  
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           | 
 | HUC  ades, aspiraque meis, pia musa, querelis: Fert    animus   miseros urbis describere casus,
 Quam    medio   tractu complexam Belsia cingit
 Quæque      hujus nota est merito primaria jure;
 | 
 | VIENS,
 Muse,    seconder  mes pieux gémissements; je veux décrire
les malheurs    de cette  ville, que les plaines de la Beauce environnent,
& qui occupe    à  juste titre le premier rang dans la province. |  
           | 5 
 | Hæc vulgo Stempæ, proprie sed Gallica Tempe Dicitur,      atque situ pulchro, cœli benigna
 Temperie,      superat felicis & ubere glebæ,
 Thessalicam:      sed enim speciosa gaudet & æqua
 Planitie,      nitidis etiam gratissima vicis;
 | 
 | Je veux parler d’Étampes, Stempæ, comme on l’appelle communément, 
     ou mieux de cette Tempé  des Gaules, qui, par la beauté 
     de son site, la fertilité de son sol & la douceur de son climat,
     surpasse l’antique vallée de Thessalienne de ce nom, aussi joyeuse
     de sa belle plaine que des riches bourgs qui l’entourent (1). |  
           | 10 
 | Latæ sunt plateæ, nectuntur & ædibus ædes Ordine     composito,  nihil ut properantibus obstet;
 Hanc    recreat   zephyris semper spirantibus aer
 Purus,     &  in varios usus argenteus amnis
 Præcipitat      latices, mediamque interluit urbem;
 | 
 | Ses places sont larges, ses édifices bien disposés, de 
manière     à en favoriser l’accès à ceux qui 
se pressent dans   son enceinte. De doux zéphyrs y soufflent
un air toujours pur; une rivière      aux ondes argentées la
traverse & pourvoit à tous les    besoins des habitants.
 |  
           | 15 
 
 
 
 20
 
 | Undique finitimi vernantes gramine campi Proximaque      externos hilarant pomœria sensus:
 Colliculus      tumet hic, depressa hic vallis amœne
 Ridet,     inextincto  florum variata colore;
 Hunc    gelidi   fontes, illincque fluenta Juinæ
 Dissiliunt,      mediis flexus sinuantia pratis;
 | 
 | Dans toutes les campagnes avoisinantes, les yeux sont récréés
     par une riche verdure, & l’odorat réjoui par les fruits dont
   se  couvrent de nombreux vergers. Ici s’élève un coteau;
là     s’incline une riante & délicieuse vallée,
émaillée     d’un riche tapis de fleurs. Sous vos pas sortent
de terre des sources aux    eaux glacées; plus loin c’est la Juine
qui promène son cours    tranquille & serpente au milieu de vertes
prairies; |  
           | 
 | Hic salientis aquæ trepidat cum murmure rivus Oblitus     arbustis,  & opaca umbracula præbet;
 Hic   genialis   odor viridi de cespite manat,
 Et   resonis    volucres concentibus aera mulcent.
 | 
 | à quelques pas, c’est un ruisseau qui précipite avec fracas 
     ses eaux frémissantes sous l’ombre épaisse des arbrisseaux 
    qui en couvrent les bords. On respire partout le parfum des
fleurs qui émaillent les gazons,     & les oiseaux réjouissent
l’air de leurs gazouillement
 |  
           | 25 
 | Hic tandem pulchrisque locis, cœlo sereno Propria     quemque trahit gratis quæsita voluptas:
 Molliter      hic recubans rivorum in margine captat
 Et   manibus    cancros, alios & arundine pisces;
 Hunc    lustrare   juvat sumptu sata patriæ patrum,
 | 
 | C’est là que la beauté du site & la sérénité 
     de l’air procurent sans frais à tous les plaisirs qu’ils convoitent. Mollement assis sur le bord des
eaux, l’un se plaît pêcher   soit  les écrevisses à
la main, soit à la ligne d’autres     poissons.  Celui-ci prend plaisir
à parcourir les champs que ses   aïeux  ont  plantés.
 |  
           | 30 
 | Hic resonante lyra incedit per opaca viarum Sole    sub   occiduo, noctisque instantibus umbris;
 Insequitur      nymphis juvenum sociata caterva,
 Indulgens      choreis,  modulosque ad carmina ducens.
 | 
 | Un autre s’avance sous l’ombrage des bosquets aux derniers feux du soleil, 
     & à l’approche de la nuit, en faisant vibrer sa lyre champêtre, 
     suivi d’un essaim de jeunes gens & de jeunes filles dansant en chœur 
    & mêlant aux danses des chants joyeux. |  
           | 35
 
 | Nec tot nominibus sola urbs celebranda videtur, Sed   vicini   etiam tractus, ubi Juppiter ipse
 Ver   longum   præbere solet, rabiemque Leonis
 Lenire,     & rigidas boreali tempore brumas:
 Non   segetes   extinguit hyems, non æstus adurit,
 Rarius     &  nostras vis frigoris enecat uvas,
 | 
 | La ville ne mérite pas seule ces éloges, mais aussi les 
 campagnes    voisines pour lesquelles chaque année l’arbitre souverain 
 prolonge    la durée du printemps, tempère les ardeurs de la
 canicule  & adoucit les froids rigoureux, où les moissons n’ont
 jamais à   souffrir ni des étés ni des hivers, où
 presque jamais   les gelées excessives ne nuisent aux raisins. |  
           | 40 
 
 
 
 45
 
 | Sicque Ceres pleno fundit sua munera cornu, Sæpius      ut gravidæ disrumpant horrea messes;
 Luxuriantque      satis fœcundo palmite vites,
 Fertilis      ut plenis spumans vindemia labris
 Distendat      vacuas generoso nectare cellas
 Et   genus    omne parit frugum ditissima tellus.
 | 
 | — Aussi Cérès y répand-elle à pleines mains 
   ses dons, & les greniers y cèdent-ils sous le poids  des 
  moissons; aussi les vignes produisent-elles assez abondamment pour qu’à 
  la vendange, le vigneron presse à pleins bords le jus écumeux, 
  & que les celliers vides soient remplis d’un doux nectar, & cette 
  terre fertile se couvre-t-elle d’une riche récolte de toutes sortes 
  de fruits (2). |  
           | 
 
 
 50
 
 | Jam qualis facies! Heu quantum corruit urbis Omne    decus!   quantum squalet mutata venustas!
 Hei   mihi   Stempanæ quam sordet gratia terræ!
 Eloquar?      An sileam? Cur impia fata ruinæ
 Damnant     immeritam,  diis impugnantibus urbem?
 | 
 | Mais, hélas! quel changement!Combien la cité est aujourd’hui 
     déchue! Quelle horreur succède à son ancienne beauté! 
     Malheureuse Étampes, que sont devenus les agréments de 
ton    séjour enchanteur? Parlerai-je ou garderai-je le silence? Pourquoi 
    ô ma patrie, des destins impies te condamnent-ils, en dépit 
   du Ciel, à une ruine imméritée? |  
           | 
 | Eloquar? An sileam? Sed quæ tam dissita terris Barbaries,      Francæ discrimina nesciit aulæ?
 Scinduntur      proceres studia in contraria Galli:
 | 
 | Dois-je parler ou me taire? Mais quelles sont les plages, mêmes 
 les    plus reculées & les plus sauvages, qui ignorent les malheurs 
   de la Cour royale de France? Les grands se divisent en factions ennemies. |  
           | 55
 
 | Regis in obsequio perstat prudentior, alter Deficit,      atque boni communis nomine culpam
 Prætexens,      resonat quod vulgi semper in ore
 Una   salus   populi, nobis lex esto suprema.
 | 
 | L’un plus sage demeure fidèle à son roi, l’autrese révolte 
     &, couvrant sa faute du prétexte du bien public, comme il 
arrive     toujours en ces circonstances, ne reconnaît de loi que le 
salut du   peuple. |  
           | 
 60
 
 
 
 
 65
 
 | Protinus exsurgit stygia de sede Megæra, Atque    venenatis  errans crinita colubris
 Per   medias   urbes, miserique per oppida regni
 Sæviit,      & bellis civilibus omnia miscet,
 Accenditque      animos insani Martis amore:
 Armorum     strepitu,  toto mox Gallia cœlo
 Personat,      & proprio motu convulsa fatiscit,
 In   sua   convertens  strictum præcordia ferrum.
 | 
 | A ce cri, sort des demeures infernales la cruelle Mégère, 
   la tête entourée de ses serpents tout gonflés de poisons; 
     elle parcourt les villes & les bourgades de l’infortuné royaume; 
     elle excite partout les fureurs de la guerre civile & allume dans 
 les    esprits l’amour d’une lutte insensée. Bientôt la France 
 entière    retentit du bruit des armes, &, tournant contre elle-même 
 le glaive  homicide, ne semble occupée que de sa propre ruine. |  
           | 
 | Proh! Superi, insultum primos Aquitania sentit, Inpendensque      malum metuunt cervicibus Andes;
 Ast   gravius   nostras tandem grassatur in oras.
 | 
 | O dieux, à peine les premiers mouvements ont-ils éclaté 
     dans l’Aquitaine, que les Angevins voient tomber sur eux le fléau; 
     mais ce sont nos contrées qui ressentent surtout ses fureurs. |  
           | 70
 
 | Sexcentenus abit lapsis jam millibus annus, Lethalisque      subit post quinquaginta secundus,
 Mensis     &  incessit, quo lustrat cornua Tauri
 Phœbus,     & orta dies bis denis ante peractis
 Tertis,     & emenso jam cesserat hesper Olympo,
 Ipsaque     nox medium cœli confecerat orbem;
 | 
 | C’est en l’an seize cent; la cinquante-deuxième année du
  siècle  est commencée; on est dans le mois où le soleil
  parcourt le  signe du taureau, au vingt-troisième du mois, l’étoile
  du soir  avait disparu & la nuit avait achevé la moitié
  de sa course. |  
           | 75 
 | Omnia tuta silent, incautæ mœnia nusquam Nec   portas   urbis, vigilum custodia, nostræ
 Servat;     at indomitus festos sopor occupat artus
 Municipum,      & stupido languent in corpore vires.
 | 
 | Tout est dans le silence & le repos, aucune garde ne veille sur les
   remparts ni aux portes de la ville sans défiance. Les bourgeois 
fatigués    dorment d’un sommeil profond qui paralyse & les sens 
& les forces. |  
           | 80
 
 | Ecce repente ruunt equitum peditumque phalanges, Quæ      nos densato circumdant agmine, moxque
 Invadunt      divi indefensa suburbia Petri,
 Et   simul    imbellem collectis viribus urbem
 Obsidione      premunt, armisque virisque carentem,
 Bellicaque      invalidas minitatur machina portas.
 | 
 | Tout à coup se précipitent des cavaliers & des fantassins 
     dont les épais bataillons entourent la ville; ils envahissent 
le   faubourg Saint-Pierre sans défense; ramassant tous leurs efforts, 
  ils assiègent la cité dépourvue d’armes & de défenseurs. 
   Une formidable artillerie menace les portes. |  
           | 85 
 | Classica jam resonant, abrumpunt tympana somnos, Exoritur      clamor, cœlum tonat omne tumultu,
 Quisquis      & e molli properans consurgere lecto,
 Attonitus      præcepsque ruit, nudusque vagatur,
 Nescius     unde fragor crepitantibus ingruat armis.
 | 
 | Les tambours & les clairons réveillent en sursaut les habitants 
     & appellent aux armes. On n’entend qu’un tonnerre de cris & on
  ne  voit partout que tumulte. Chacun se lève à la hâte,
    erre  tout nu, saisi d’effroi, & ne sachant d’où vient ce
bruit     terrible  des armes. |  
           | 90 
 | Consilium cives agitant, jactatur utrinque An   satius    minimas tantis opponere vires
 Viribus,      anne jugo supponere colla minaci:
 | 
 | Les citoyens tiennent conseil; on ne sait lequel vaut mieux ou de résister 
     avec si peu de monde, ou de céder devant la tempête. |  
           | 
 95
 
 
 
 
 100
 
 | Hic ait, ille negat, potior sententia vincit, Lilia    sic  fidis  alte insita cordibus hærent;
 Sed   dubio   jussu, stridenti cardine portæ
 Forte    patent,  trepidamque potens exercitus urbem
 Occupat,      & nostris succedit sedibus hospes,
 Invitosque      lares nostros sibi subjicit audax
 Miles,     &  excrucians hostili more colonos,
 Hospitii      leges, sacrataque jura resolvit
 Et   sic   quisque  suos patimur sine crimine manes.
 | 
 | Après  avoir entendu les avis différents, le parti de l’honneur 
   l’emporte,  l’amour des lis triomphe dans ces cœurs dévoué; 
   mais on ne sait à qui obéir. Les portes s’ouvrent & livrent
   passage à une armée nombreuse qui s’empare de la ville effrayée;
    toutes les maisons sont envahies; nous voyons malgré nous nos
demeures     profanées par un soldat audacieux qui nous traite en
ennemis &     foule aux pieds les lois sacrées de l’hospitalité.
Tous nous    sommes punis sans être coupables (3). |  
           | 
 
 105
 
 | Proxima post noctem cum sese aurora moveret Post    bis   quinque dies, & juncta ordine noctes,
 Regia    continuo  Turenius agmina ducens
 Appulit,      & cinctum fossis ac mœnibus hostem
 Provocat,      intentans numeroso milite pugnam;
 | 
 | Ce n’est qu’après cinq jours & autant de nuits, qu’au point 
  du  jour Turenne apparaît tout à coup à la tête 
  des  troupes royales, qu’il attaque l’ennemi renfermé dans nos murs 
  &  le provoque au  combat avec une armée nombreuse. |  
           | 
 | Erumpit portis acies hostilis, & ecce Obruitur      densis & circumfunditur armis:
 Impetus     hinc illinc servet, furit undique mavors;
 | 
 | Les rebelles sortent de l’enceinte fortifiée, mais ils sont investis 
     & accablés par le nombre. On s’élance de part & 
 d’autre;    la fureur anime partout les combattants. |  
           | 110 
 | Stant modo, moxque cadunt alterna sorte cohortes; Regius     expugnat,  cedit; perit advena miles
 Plurimus,      atque fuga repetit sua claustra superstes,
 Et   sibi   commissum  properat defendere limen.
 | 
 | Les cohortes 
triomphent      ou succombent tour à tour. Les troupes royales enfin 
s’élancent;      le soldat étranger recule & est moissonné 
par la mort.     Celui qui peut s’échapper s’empresse de fuir, de chercher
un abri    sûr  & de défendre la maison où il
s’est réfugié. |  
           | 115
 
 
 
 
 120
 
 | Sponte movet tandem victricia castra Turenus; Solvitur      obsidium; tum sese jactat in urbe
 Asperior      miles, præfectus & ipse Tavannus
 Sævior      exultat, viresque animosque resumit,
 Excubat     exercetque  vices, quod cuique tuendum
 Imperat,      atque audax nova propugnacula condit;
 Et   nimis    extensam præcidere cogitat urbem,
 | 
 | Enfin Turenne lève spontanément son camp victorieux & 
   abandonne le siège. C’est alors que s’accroît dans la ville 
  la jactance & la cruauté de la soldatesque. Tavanne, leur chef, 
  redouble lui-même d’orgueil & de cruauté; il ranime ses 
 forces & son courage; il fait monter la garde, assigne à chacun 
 son poste, élève de nouvelles défenses, & forme 
le projet d’abattre une partie de la ville trop étendue. |  
           | 
 
 
 125
 
 | Mœnia præruptis firmatque labantia vallis; Excitat     & crebras aggestis molibus arces,
 Proxima     tecta domus, sua quæ fastigia tollunt,
 Aut   quorum   oppositus muros portasque minatur,
 Cuncta,     ducum  arbitrio subeunt damnata
ruinam,
 Strata     solo  tabulata jacent, disrepta labascunt
 Culmina,      & emotis recidunt titubantia tignis,
 Igne    cremata,   manu, vel ab ipso diruta fundo.
 | 
 | Il fortifie par des retranchements escarpés les remparts ébranlés; 
     il entasse les matériaux & élève de nombreuses 
   redoutes. Les maisons qui élèvent leurs faîtes trop 
 près   des murs, ou dont la position est une menace pour les portes 
 ou pour les  remparts, sont jetées par terre au gré des généraux.
     Le sol est couvert de débris de maisons démolies, après 
     avoir été saccagées ou bien brûlées 
 &    détruites de fond en comble. |  
           | 130
 
 | Regia, sicque novis nitentes arcibus, arma Excipiunt,      risu Turennum & voce lacessunt:
 Qui   tandem   lapsis septem & bis quinque diebus
 Advolat,      atque iterum nostris allabitur oris;
 Hunc    variis,   numeroque potens exercitus, armis
 Stipat,     & ad pugnas urget præsentia regis:
 | 
 | Ainsi fortifiées de nouveau, ils attendent audacieusement l’armée 
     royale & insultent Turenne de leurs sarcasmes & de leurs railleries 
     (4). Ce vaillant capitaine, après
dix-sept jours, accourt & se présente     de nouveau devant nos
murs. Il est entouré d’une armée nombreuse,     que la présence
de son roi anime au combat.
 |  
           | 135 
 | Nec mora, mox aditus omnes circumdedit urbis, Imperioque      ducum, cuneis se quisque coactis
 Agglomerans      miles, muros perrumpit & agmen,
 Arcibus     & fossis sublimibus undique septum
 Obstitit,      & vim vi propellere nititur hostis;
 | 
 | Sans perdre un moment, il  intercepte toutes les communications 
de   la ville avec le dehors: au signal des chefs, les bataillons se forment 
 &   se précipitent sur les murs. Mais défendus de tous 
côtés   par des fossés profonds & des citadelles élevées,
  les rebelles résistent & repousse la force par la force. |  
           | 140 
 
 
 
 145
 
 | Pugnaces cogunt acies, fera prælia miscent, Pectora     pectoribus  tunduntur & ensibus enses.
 Interea     horrisonis  circumtonant ænea bombis
 Machina,      in adversas vibrata utrinque catervas.
 Fulminis      acta modo, muros tormenta fatigant
 Bellica,      continuis sternuntur & ictibus arces,
 Mœnia    dissultant,   disjectaque turbine, faxis
 Saxa    labant,   multoque exundat pulvere fumus.
 | 
 | Les armées se mêlent: on en vient aux mains corps à 
   corps; les poitrines se heurtent contre les poitrines, les épées 
   contre les épées. De part & d’autre une artillerie formidable, 
     semblable à la foudre, épouvante l’air et sème la
  mort  dans les rangs; les murs sont ébranlés, & les redoutes
    frappées à coups redoublés; les murailles sont renversées,
    tout vole en éclat au milieu d’un nuage épais de poussière
     & de fumée. |  
           | 
 150
 
 | Proh dolor! Innocuæ quantum gravis imminet urbi Clades!     quam miseris sors est insensa colonis!
 Prodigus,      annonæ congesta cibaria miles
 Dissipat,      obsessos sterilisque penuria vexat;
 | 
 | Hélas! quel affreux désastre afflige cette ville innocente! 
     Quel funeste sort est réservé à ses malheureux habitants!
     Les vivres amassés sont bientôt dissipés par la
prodigalité      du soldat & une cruelle disette sévit parmi
les assiégés. |  
           | 
 
 155
 
 | Occidit hic ferro, fractus morboque fameque Alter,     vix  tolerat languentis tœdia vitæ.
 Horrida     quam strages! quotque intumulata premuntur
 Corpora!      Quot fuso stagnant immersa cruore!
 Quotque     jacent putri respersa cadavera tabo!
 | 
 | Celui qui ne meurt pas sous le fer, épuisé par la faim 
&     par la maladie, porte avec peine le fardeau d’une vie qui lui est 
devenue     à charge. Quel horrible carnage! Que de morts sans sépulture! 
     Combien gisent au milieu d’un fleuve de sang! Combien défigurés 
     dans l’ordure & dans la poussière! |  
           | 
 
 160
 
 | Hinc vapor exhalat, spargitque per aera labens Pestis,     & incautum vulgus grassatur in omne;
 Vir   cadit   & conjux, puerisque dolentibus atrox
 Imminet     exitium,  nullum est sine funere funus,
 Nec   perimit   mors una semel; metit omnia falce,
 Nec   pecudum   generi parcit. Quid fata requirunt
 Amplius?      Omne sacrum nobis inimica profanant.
 | 
 | L’air souillé d’émanations délétères 
   produit bientôt une peste cruelle qui sévit contre le peuple 
   sans qu’il puisse s’en garantir: ils sont suivis bientôt au cruel 
 trépas   par leurs enfants désolés: un cadavre est toujours
 accompagné   d’un autre cadavre; la mort ne marche jamais seule,
elle  moissonne tout sous  ses coups: elle n’épargne point les animaux
eux-mêmes.   Que peuvent  demander de plus les destins? Dans leur fureur
contre nous,  rien qu’ils n’attaquent  & qu’ils n’outragent. |  
           | 165
 
 | Nec genus id labis silet, obsidione soluta, Ast   etiam   in totum gravius producitur annum.
 Civibus     extinctis  jacet urbs deserta, vacantque
 Proxima     dejectis mapalia nostra colonis;
 Nil   tandem   superest urbis nisi tristis imago,
 Nec   quivis   pagus nobis conterminus expers
 | 
 | Ce fléau ne s’arrête pas avec le siège, il se prolonge 
     avec fureur pendant une année entière; la ville est déserte, 
     les maisons sont abandonnées; il n’y reste rien que l’image du 
 deuil    & de la tristesse. |  
           | 170 
 
 
 
 175
 
 | Cernitur, aut morbi, mortis, bellive, ruinæ: Fertilis      en campus nuper renovatus aratro
 Indomitis      calcatur equis, hunc turba rotarum
 Duraque     protritis  sterilem facit ungula glebis,
 Præpropera,      heu! Messis jamjam resecatur in herba,
 Pabulaque      armentis seges immatura ministrat,
 Et   sine   seminibus  tot culta novalia languent,
 Stirpitus      avulsæ squallent sine palmite vites,
 Sicque     solum  fit iners & restat inutile nostrum.
 | 
 | Aucun village voisin qui n’ait souffert de la guerre & de la maladie 
    et qui n’offre l’aspect de la ruine & de la mort. Les champs fertiles 
    récemment retournés par la charrue ont été 
 foulés   sous les pieds des chevaux ou durcies par les roues des chars;
 es moissons   coupées encore tendres sont données comme fourrage
 aux bestiaux;   les campagnes si bien cultivées ne reçoivent 
 aucune semence;   les vignes arrachées ne donnent point de raison: 
 la terre reste stérile   & sans rien produire. |  
           | 180
 
 | Hæc super excidio Stemparum, monstra notabam Vix   credenda    mihi, sed quæ ipse miserrima vidi,
 Quamquam      animus meminisse horret, refugitque dolore.
 | 
 | Telles sont les horreurs que j’ai notées dans le saccagement d’Étampes,
     horreurs à peine croyables que j’ai vues de mes yeux, & dont
   le souvenir épouvante mon esprit & me navre de douleur (5). |  
 
 N.B. v. 125:  subeunt conjeci pro subenne.     
         
       | 
            
           | NOTES DE PINSON
                                                                        
         
      [pp. 37-45] 
 
 
         
           
             | NOTE 1.     
     LA ville d’Étampes, par sa situation entre plusieurs collines
&     sa longueur démesurée, mérite une attention
toute  particulière.   Le paysage qu’offre la vallée, vu des
hauteurs  de Guinette ou de Vauroux qui se font face, peut être considéré
  comme l’un des plus beaux de France. Plusieurs rivières ou ruisseaux,
  tel que la Juine, le Juineteau, la Louette, la Chalouette, sur les bords
 desquels sont bâties un grand nombre d’usines à farine, arrosent
 en serpentant   cette vallée gracieuse couverte d’immenses prairies,
 entourées   d’aunes & de peupliers, où le promeneur, pendant
 l’été,   vient goûter sous leur ombrage solitaire une
 délicieuse fraîcheur.                          La description 
louangeuse faite par Pierre Baron n’est donc pas exagérée; 
    il n’a fait que reproduire, en les [p.38] 
           amplifiant & en leur donnant une autre tournure, les 
  vers  charmants que Clément Marot composa en l’honneur de la maîtresse
     de François Ier, Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes,
qui    ont bien pu contribuer à accréditer que l’étymologie
    de cette ville, dont la riante situation rappelle le souvenir de la belle
     vallée de Thessalie chantée si souvent par les favoris
des    Muses, vient du mot grec Tempé. Cette erreur, qui a encore
de nos   jours des partisans, a été réfutée victorieusement
   par M. E. Dramard, dans sa savante Notice sur l’origine de la ville
d’Étampes,     publiée en 1855:    
               
              
                 
                
                   «Ce
 plaisant    val que l’on nommoit Tempé, 
              «Dont      mainte histoire est encore embellie,
 «Arrousé      d’eaux, si doux, si attrempé,
 «Sçachez      que plus il n’est en Thessalie:
 «Jupiter      roy qui les cœurs gaigne & lie,
 «L’ha      de Thessale en France remué
 «Et      quelque peu son nom propre mué,
 «Car      pour Tempé veut qu’Estampes s’appelle.
 «Ainsy      luy plaist, ainsy l’a situé,
 «Pour      y loger de France la plus belle.»
 | 
 |  
             | NOTE 2. 
                                                                        
       
    Au XVIIe siècle, tous les terrains situés aux alentours
des    faubourgs Saint-Pierre & Saint-Martin, y compris le hameau du
Petit-Saint-Mard    & la butte du Rougemont, étaient plantés
en vignes, ce   qui donnait à cette étendue de pays l’aspect
d’un vignoble  d’une certaine importance. Aujourd’hui [1869]          tout est bien changé:
les céréales remplacent   les raisins, &, si l’on rencontre
encore quelques plantations de vinicoles,    elles tendent à disparaître
de jour en jour pour faire place    à une culture moins dispendieuse
& d’un plus grand  produit. 
 | 
 |  
             | NOTE 3.     
     Nous empruntons au journal inédit du siège, laissé
   par  René Hémard, les naïfs & curieux détails
   qui  suivent sur l’entrée de l’armée des Princes dans la
ville   d’Étampes:  «Sur le soir du 23e du lois d’avril 1652, il vint quelque murmure
   que  les maréchaux des logis des deux armées s’estoient
trouvés      confusément à Briare-le-Bruslé,
& à la   Ferté-Aleps,   à qui plutôt gagneroit
Paris, dont le  grand poids faisoit pencher  touste la France. Cela nestoit
pas tout à  fait vray, car les Royaux  grossis de nouvelles troupes
poursuivoient les  Princes, qui taschoient à  se couvrir de la coulevrine
de la capitale;  ce que nous n’avons appris que  depuy, & ce qui sembloit
bien mériter   un mot d’advis par la cour  à nos officiers,
pour prendre quelques   mesures, éviter surprises,  & faire avec
la teste ce que nous  ne pouvions pas exécuter avec  les bras, en
gagnant temps par assemblées   de ville, & par autres  addresses
accoutumées en ces extrémités.
                         «Environ 
les dix heures, au retour de la promenade avec les dames,    je me couche 
comme les autres, qui ne voyaoient point de péril imminent     en la
vérité ou fausseté [p.40] 
            de cette nouvelle incertaine, &     ne sçay 
pourtant par quel hazard j’amusay à charger mes écritoires. 
   Mais à estions-nous au lit, que voilà l’armée des 
Princes   au faubourg Saint-Pierre, la ville s’assembla assés tumultuairement; 
   le coeur estant sur les lèvres des habitans, l’on résolut 
 hautement  de refuser l’entrée, d’autant plus qu’il fut représenté 
   par un officier d’artillerie, selon sa pensée ou autrement, que 
ce   n’estoit qu’un camp volant composé de six ou sept cents hommes. 
Pour   cet effet l’on se transporte en corps vers ce faubourg, où M.
de la  Boulaye, ne trouvant que des paysans à la première porte,
s’estoit  déjà  fait aisément ouvrir la barrière,
 & à sa suite, sous les noms de MM. le Prince & de Beaufort,
 que ces rustres ont juré depuis avoir creu estre du costé
du  roy, ainsy que le premier estoit aux mouvemens de 1649. J’estois alors
au  premier sommeil, & quelques bruits qui vinssent à mes oreilles,
 je n’en faisois pas compte. Néanmoins je m’éveille, saute
du  lit & m’habille bien viste. Nous venons à l’hostel de ville,
d’où   chacun estoit déjà sorti, & parmi les alarmes
de ceux de  l’un ou de l’autre sexe, nous arrivons au Perray, ou les rumeurs
estoient   extresmes, & où l’officier cy-dessus, assisté
de quelques   autres, notamment du bonhomme Septier, capitaine de la paroisse
Notre-Dame,   qui crioit plus fort que pas un, continuoit ses premiers discours.
Aussy-tost   la plus grande partie de l’armée paroissant sur les éminences
  de Saint-Symphorien, à la lueur des eschalas allumés, cette
  petite troupe à laquelle je me joignis proposa [p.41] aux commandans qui
     estoient déjà dans les faubourgs, & feignoient peut-estre
     ne demander qu’à passer la rivière, de leurfaire un pont
  à   Morigny un quart de lieue plus bas que la ville, ce que j’appuyay
  fort auprès   de M. Garnier l’Intendant, & mesme qu’il y avoit
  un pont tout fait deux   lieues au-dessous, au Mesnil-Cornuel. Mais cela
 ne leur plaisoit pas, il  pressoient le passage comme s’ils eussent eu l’ennemy
  à dos, dont nous n’avions aucune nouvelle.                          «Aussy 
cependant, les deux personnes d’authorité suspecte,   soit  par prudence, 
ou par autre motif, après avoir envoyé  & receu sourdement 
divers émissaires, s’accordèrent autrement    que nous, sçavoir 
que quarante officiers principaux de l’armée    resteroient seulement 
dans la ville, & tout le surplus dans les faubourgs    jusqu’au lendemain 
qu’elle promit partir vers Paris. De vérité    ou bien pour 
jour le stratagème, tous les habitans du premier faubourg    qui estoient 
la plupart vignerons, pleins d’effroy, meslés avec les   gens de guerre 
accoururent vers nous, criant que sans Madame de Chastillon,    qui s’estoient 
jettée à genoux, aux pieds de M. le Prince  (c’estoit   M. de
Tavannes), l’on auroit déjà tiré les  canons, lesquels 
 estoient sur lepavé de la rue, & qu’on alloit  décharger 
  si nous ne nous retirions. A ces mots aydés de la terreur de la nuit,
 de mille hurlemens d’enfans & de femmes fuyans à demi-nus, &
 de tous les désordres qui se voyent à la prise des villes, 
 nous fusmes dans la presse entraisnés jusque sur le pont de la porte 
 Saint-Pierre, où le mesme officier d’artillerie, auquel   
   [p.42] le lieutenant-général, 
     la hallebarde en main, fit quelques discours, me prenant d’amitié 
    par le bras, me dit: Retirons-nous, il faut cedder, nous sommes trahis. 
  En  effet il vint prendre son cheval, & gaigna pays, comme j’aurois 
peut-estre    fait si mon nom avoit été aussy connu que le sien
dans les   troupes.                          «Je 
voulus encore rester en cet endroit pour voir la suite, ce ne   fut  plus 
qu’embarras d’hommes, de harnois & de bestes entrant en foule;   je  faillis
d’y estre estouffé & fus emporté bien loin  de là
 sans toucher à terre, ainsy que beaucoup d’autres. Sur  les sept
ou  huit heures du matin, toutes les troupes qui devoient loger  aux autres
faubourgs  entrèrent l’espée nue à lamain,  comme en
une ville de  conqueste, à la manière allemande. La  plupart
s’en estoient  promis le sac & le viol, pour rendre, disoient-ils,  ce
qu’on leur avoit  presté chés eux. Ils se renversèrent
    aux hameaux &  villages voisins jusqu’à deux ou trois lieues
  d’alentour,  du costé  d’Orléans & de Chartres, où
  peu de fille  & de femmes  qu’ils rencontrèrent purent éviter
  leurs brutalités.»  
 | 
 |  
             |  NOTE 4.     
     Ce fait de destruction est ainsi rapporté par le barnabite Basile
    Fleureau, témoin oculaire, dans son livre des Antiquitez de
la   ville d’Estampes, Paris, 1683, in-4.                          «Tous 
les édifices tant dedans que dehors la ville proche  des   murailles 
furent razez, même les murailles des clôtures  des cimetières, 
 quoy qu’elles fussent fort basses. Ceux qui entreprirent   d’abattre la chapelle
 de Saint-Jacques de Bedegond, qui est au bout du cimetiere,  du côté
 de Paris, furent, par un effet visible de la divine  justice, écrasez
 sous les ruines. Le Comte de Tavannes fit mettre  le feu dans les faubourgs,
 au premier avis qu’il reçut que l’armée  du roi venoit assiéger
 Estampes. Et le dimanche 26 may, qu’elle s’approcha  jusques à Estrechy,
 il fit derechef mettre le feu dans ce que la première incendie avoit
 épargné.» | 
 |  
             | NOTE 5.
                                                                        
       
    Cette peinture navrante de la désolation de la ville d’Étampes
     après le siège est de la plus grande exactitude. Au témoignage 
     de l’auteur, nous joignons celui de son gendre, qui lui aussi a été 
     témoin des faits qu’il rapporte. 
 Dans l’épître dédicatoire à son ami Dubin,
 qui    précède son recueil d’épigrammes intitulé:
        Les   Restes de la guerre d’Estampes, imprimé à
   Paris en 1653,   nous lisons le passage suivant:
 «Tu as sceu que cette jadis ville est devenue depuis, un moyen
village,     un cimetière. Jamais la Parque ne fit une si belle moisson,
elle   a  fauché de tous les biais, & les lancettes y ont été 
     aussi mortelles que les espées: quelques privilèges que 
 le   roy accorde à ce païs, il pourra bien l’empêcher de
 mourir,    mais non pas de languir un long temps.» [p.43]
 
 Nous trouvons également dans son journal cité plus haut
 ces    curieux détails, qui peuvent servir de commentaires aux vers
 de son  beau-père.
 
 «Les armées ne furent pas plutôt retirées,
que    les fumiers, les haillons, les cadavres & les autres puanteurs
infectant    l’air, reduisirent presque la ville & ses environs en un
hospital. Il   se forma de vilaines mouches de grosseur prodigieuse, qui
estoient inséparables     des tables & des lits; le plus charitable
amy & le meilleut parent,     estant malade luy mesme, n’avoit que le
cœur de reste pour soulager les   siens. C’estoit une grande pompe funèbre
d’estre traîné   sur une brouette au cimetiere, sans bière
ny prestres, au lieu desquels     l’on entendoit que  [sic]
           croassement en l’air d’oyseaux sinistres & carnassiers, inconnus
     jusqu’alors au pays, qui se rabattoient à tous momens dans nos
 prés,    nos terres & nos jardins, pour y faire curée
de  charongnes des    hommes & des bestes.»
 
 Dix-huit années après le siège, & comme l’avait
    pressenti René Hémard, la ville d’Étampes n’était
    point encore remise de la terrible secousse qu’elle avait éprouvée 
     en 1652. voici le tableau qui en a été fait en 1670 par 
 le   même auteur:
 «Estampes est la plus malheureuse ville du royaume; sa grande
enceinte,      dont le milieu n’est plein que de trous à retirer des
mendiants   ou   des chétifs manœuvres, & dont les faubourgs qui
en font la  moitié,   ne sont propres qu’à des cancres de vignerons
&  à des laboureurs  en fable, ne laisse pas de passer por une
communauté  importante.  Le       [p.45]
      surplus  consiste  presque ne quelques hostelleries barbouillées
& en maisons  refaites  par des Parisiens, originaires sablonniers, lesquels
n’y ont souvent  qu’une  pauvre femme pour garde. Ou bien ce sont de vastes
logis de deux ou trois  arpens quasi vuides, & sans autres locataires
que de quelques jardiniers,  dont les chambres ne sont tapissées que
d’oignons, de poireaux, de  chicorée,  & de pareilles menues verdures.
Les traffics de bleds  & de laine autrefois si celèbres y demeurent
 entièrement    rompus, tant par le nouvel établissement du
canal de Briare &   les fréquens logemens des troupes, que par
la hauteur des tailles,   lesquelles ont chassé  la moitié
du peuple, que les maladies   d’armée y avoient laissé  de
reste en 1652.»
 
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                | ACHEVÉ D’IMPRIMER le 5 novembre 1869
 
 pour LÉON WILLEM, libraire
 à Paris
 
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           | UN POÈME PLEIN
     DE RÉMINISCENCES CLASSIQUES NOTES DE BERNARD GINESTE
 (2002)
 
          
               Ainsi  que l’a fort justement 
noté Pinson dans l’introduction qu’il    a donnée  à 
son édition princeps, le poème de   Baron est truffé 
 de réminiscences littéraires.           Une   étude 
exhaustive en est probablement impossible, et le résultat      fastidieux 
d’un travail si ardu ne serait pas d’un intérêt    majeur; mais 
il est possible de donner une idée de leurs fréquence    par 
quelques sondages aléatoires.
 Nous donnons donc 
ici en vrac     le résultat de quelques recherches éparses effectuées
    sur les 50 premiers vers de cette élégie,  en combinant
les    ressources d’un bon dictionnaire poétique, tel que le Gradus
  ad  Parnassum de Noël, et celles de la Toile, où nombre
de   poèmes  latins sont désormais en ligne, et principalement
les  auteurs classiques.  Nous citons aussi d’autres poètes qui ne
sont  certainement pas les  sources de Baron, mais qui manifestent la même
  tradition savante à  laquelle il se rattache.
 Nous nous sommes servi du tirage de 1843 de la 2é édition 
  de  Fr. NOËL,       Gradus ad Parnassum, ou Nouveau dictionnaire 
 poétique Latin-Français, fait sur le plan du Magnum dictionarium 
 poeticum du P. Vanière, enrichi d’exemple et de citations tirés 
 des meilleurs poëtes anciens et modernes. Ouvrage adopté pour 
 l’usage des Classes par l’Université. Nouvelle édition, revue, 
 corrigée et considérablement augmentée [984 p.], 
Paris, Ve Le Normant, 1843.
     
           v.1, Huc ades aspiraque mihi:
   Baron  emprunte d’emblée la première moitié de son
 premier   vers à TIBULLE, Carmina II, I, 33-36: Gentis
Aquitanae   celeber   Messalla triumphis / Et magna intonsis gloria uictor
auis, / Huc ades aspiraque mihi, dum carmine
nostro / Redditur      agricolis gratia caelitibus. «Messala, qu’on
célèbre      comme vainqueur des Aquitains, toi qui surpasses
par la grandeur de ta   gloire   tes ancêtres chevelus, viens ici m’inspirer
pendant que notre   chant   rend grâce aux divinités agricoles.»
Messala est  ici remplacé  par la Muse, pia
Musa,    épithète  qui ne paraît pas d’origine
classique [Cf.   cependant ANONYME, Anthologiae  Latinae VIII, 43;
JEAN D’HILDESHEIM   (†1375),       Speculum fontis vitae,  dédicace;
THOMAS CAMPION   (†1620),        De pulverea conjuratione I, I, 15-16:
      Pars ego  tam magni populi levis, hoc tibi struxi / Laudis opus,
cecinit quod pia musa mihi. J.-H. BISTERFELD,
      Epitaphe   d’Albert Szenci Molnár (1634), 9; JEAN-MATHIAS
 GESNER Strenae   III (1724), 104]. Cette Muse «pieuse»
est  invoquée pour   évoquer les «malheurs» d’Étampes
 (casus, en fin d’hexamètre),
comme  celle   qu’invoque VIRGILE pour lui conter ceux du «pieux»
Énée,    au célébrissime commencement de cette
épopée,          Énéide I, 8-11: Musa,    mihi causas memora, quo numine laeso, /
Quidve dolens, regina deum tot volvere         casus
/ Insignem pietate virum, tot adire labores 
/ Impulerit...        La piété en question
  est   ici  le devoir civique, le culte rendu par l’auteur à sa petite
  patrie,    comme on le voit dans l’éloge de Bordeaux par AUSONE,
      Ordo  urbium    nobilium:  Impia    iamdudum condemno silentia, quod
 te,  / O patria, insignem  Baccho fluviisque   virisque, / Moribus
ingeniisque  hominum procerumque senatu,  / Non inter primas  memorem, quasi
conscius urbis / Exiguae immeritas dubitem  contingere laudes.  
    20,1-5, où l’auteur commence  par se reprocher l’impiété
  de n’avoir pas traité plus  tôt son sujet :
     
           v.7: Cette fin de vers, ubere glebae, est empruntée à la
     description que VIRGILE fait de l’Italie, Énéide
 III,    163-164: Est locus, Hesperiam Grai cognomine
 dicunt,    / Terra antiqua, potens armis atque  ubere  glebae. Cf. aussi SÉNÈQUE,
        Œdipe 154-158:    Non silua sua decorata coma / Fundit opacis
  montibus umbras, / Non rura  uirent        ubere
glebae,   / Non plena suo uitis Iaccho  / Bracchia curuat.          
           v.10-11: Latae sunt plateæ, nectuntur & ædibus ædes
     / Ordine composito, nihil ut properantibus obstet. BARON
adapte      ici en le développant un hexamètre d’HORACE, Épître
     II,  II, 70-71: Intervalla vides humane commoda. Verum / purae sunt plateae, nihil ut meditantibus obstet.
           Lata,
 qui    est tenu par Noël pour un épithète naturel
 de        Platea, provient
    sans doute  de l’éloge de Bordeaux par AUSONE (IVe siécle), où
     l’on retrouve  aussi l’idée de la bonne disposition des
demeures      et de la largeur des places, Ordo urbium nobilium 20,
15-16: Distinctas      in terna vias mirere, domorum / Dispositum    et        latas
nomen servare plateas.  
 v.11: Ordine  composito: épithète répertorié
    par  Noël. [Même début de vers chez JOSEPHUS ADDISON
 (†1719),          Machinae gesticulantes (Anglice A puppet-show),
37-39 : Nam,    quoties festam celebrat sub imagine lucem, / Ordine    composito nympharum incedit honestum /
Agmen, et exigui proceres,   parvique Quirites.]
     
           v.12: Cf. CATULLE: Spirat
odoratus      Zephyris florentibus aer. Noël répertorie lene
spirans comme     épithète de zephyrus.        
           v.13: amnis    argenteus: épithète
 répertorié par    Noël. 
            
           v.15, Vernantes  gramine campi. Cette fin de vers,
      gramine  campi, remonte au moins
    à HORACE, Art poétique  (Epistula III), 161-165:
          Inberbis iuvenis, tandem custode remoto,  / Gaudet equis canibusque
    et aprici gramine Campi,  / Cereus in vitium
    flecti, monitoribus asper, / Utilium tardus provisor, prodigus aeris,
/  Sublimis  cupidusque et amata relinquere pernix. On la retrouve ailleurs:
  OVIDE,        Fastes VI, 237-239: Tunc ego me memini ludos in
      gramine Campi / Aspicere et dici, lubrice
   Thybri,  tuos. SILIUS ITALICUS, Punica VII, 287-291: Nam
membra   cubili  / Erigit et fului circumdat pelle leonis, Qua super instratos
proiectus         gramine campi / Presserat
ante toros...     [Cf. DAVID VAN HOOGSTRATEN (†1724), Elegia I,
V, 27: Ut lucent    tenero viridantes gramine campi!]
      Mais    surtout Noël cite sans nom d’auteur un hexamètre
 que nous n’avons    pu identifier, et qui ne paraît pas encore en
ligne  (août 2002):           Herboso virides, vernantes  gramine campi.  
 v.16: On peut se demander
si   PINSON   a raison de comprendre l'expression externos...     sensus au sens philosophique
de «sensations externes»     (puisqu'il l’a  rendue par «les
yeux» et «l’odorat»),     et non pas comme suit: «les
sens de l’étranger», c’est-à-dire      de celui qui découvre
Étampes.
     
           v.17, Colliculus  tumet: Pour tumeo au sens
de «s’élever»,  cf. CLAUDIEN (fin du IVe siècle),
      Carmen XXVI, 11-13: Alto        colle
    minor, planis erectior arvis / conspicuo  clivus molliter orbe tumet, / ardentis fecundus  aquae... depressa hic vallis amoene:  Noël répertorie
          depressa et amoena comme épithètes
 naturels    de vallis.         
           v.18, Ridet,     inex[s]tincto florum variata colore:
 Pour Ridet en début d’hexamètre,
 avec     l’idée métaphorique qu’une étendue de terre
 rit par    l’instrument de fleurs aux couleurs variées, cf. Cf. OVIDE:
       Florumque coloribus 
 omnis / Ridet ager. pour la fin de l’hexamètre, 
           florum variata colore, cf. 
ALEXANDER     NEQUAM (†1217), De Laudibus divinae Sapientiae I, II, 
743-744 :        Hinc  Iris fulget vario variata 
colore,   / Cum dictis  colli motio crebra facit. Et surtout JOHANN 
FRIEDRICH CHRIST  (1746),       Villaticum I, XX, 15-16: Herba recens
pratis       florum variata colore / Excipit,
ac nullo  murmure   transit aqua (Noël donne varius comme épithète
 de  color). BARON et CHRIST ont peut-être une source commune, que
nous  n’avons pu identifier et qui n’est pas encore en ligne (août
2002).  [Notez que Noël propose perennis comme synonyme de inexstinctus.]        
           v.19: Hunc  gelidi fontes: épithète repertorié
    par Noël,  qui remonte à VIRGILE, à qui Baron emprunte
    ce début  d’hexamètre, à peine modifié, Églogue
    10,42:       Hic gelidi fontes, hic mollia prata, Lycori, / Hic
nemus: hic ipso tecum consumerer aevo, et qu’on retrouve dans l’APPENDIX
VERGILIANA,       Lydia 16-17: Gaudebunt silvae, gaudebunt mollia
prata / Et       gelidi fontes aviumque silentia
fient,  / Tardabunt rivi labentes (currite lymphae), / Dum mea iucundas exponat
cura  querellas. [Ainsi que par exemple, deux fois chez BOCCACE (†1375),
      Carmen  bucolicum XV, 17: Hic gelidi fontes, hic pascua pinguia. Quid plus?
     et Carminum quae supersunt II, 54 : Hic nemus et gelidi fontes
     et mollia prata ; deux fois chez HELIUS EOBANUS HESSUS, professeur à
     Erfurt (1590), Bucolicum VI, 21sq: Nunc
   gelidi  fontes manant: et rupibus altis / Frigida milleno labuntur
   flumina  lapsu / Per virides ripas: et amaena silentia: postquam / Te
nostri    accipiunt  saltus fugit omnibus omnis / Graminibus serpens: fragrant
suavissima    Tempe  / Quale apibus dicunt Siculam stipantibus Hyblen;
et ailleurs:          O patriæ        gelidi
fontes,    ô flumina nota,/ O valles, ô antra meis notissima
Musis!   Ou encore chez MILTON (†1674),        Epitaphium Damonis
71: Hic gelidi fontes,
hic     illita gramina musco, / Hic Zephyri, hic placidas interstrepit arbutus
 undas...]        
           v.20: dissilio signifie
    sauter de-ci de-là ou s’entrouvir. 
             
           v.21: Cette fin d’hexamètre,
           trepidat cum murmure rivus,
 fait    penser à OVIDE, Fastes, III,
 273:       Defluit   incerto lapidosus murmure
rivus.    Mais BARON   suit ici probablement une autre source
que nous n’avons pu  identifier  qui   sera aussi utilisée par PETRUS
BURMANN, Poemata,  II (1742),    385-386: Limpidus &, rauco
      trepidans           cum murmure, rivus / Evocet ad ripas   lene  sonantis
aquae.]        
           v.23: genialis  odor, épithète répertorié
    par Noël  [cf. CASIMIR (MACIEJ KAZIMIERZ SARBIEWSKI, †1640), Ode
    IV. 21 (Ex sacro Salomonis Epithalamio): Caedua Pachaeos sudant opobalsama
    nimbos; / Et       genialis odor / Aspirat,
   quoties nutantibus  hinc atque illinc / Ingruit aura comis].         
 v.24,
        Et resonis
  volucres concentibus    aera mulcent: BARON calque ici
 OVIDE,       Fastes I,   155:       Et
 tepidum        volucres  concentibus aera mulcent.
  [Cf. SEBASTIEN   BRANT, Flugblatt über  Krieg und Frieden (1499),
  v.41: Suaviloquis         volucres  concentibus
 aera mulcent.]
 
 v.27, hic  recubans. Recubans
    fait immédiatement  penser au premier vers de la première
        Bucolique  de Virgile,  que tout latiniste connaît:
      Tityre,    tu patulae recubans  sub tegmine  fagi / Silvestrem tenui
musam meditaris    avena. [cf. HUGO  DE GROOT (GROTIUS),        Myrtilus
(1617),   vv.115-116:       Hic recubans
 cantabo:  jubet locus, altaque subter  / Saxa supercilio cohibent umbracula
 rupes.]
 
 v.28: Pour cette fin d’hexamètre,
           arundine pisces, cf. surtout
  TIBULLE,         Élégies, II, VI, 23-24: Haec laqueo
  volucres,   haec captat arundine pisces, /
Cum  tenues hamos   abdidit ante cibus. Mais aussi: OVIDE, Art d’aimer
  II, 77-78:        Hos aliquis, tremula dum captat arundine pisces,   / Vidit, et inceptum dextra reliquit
  opus. [Cf. THOMAS CAMPION (†1620),         Épigrammes,
 II, 63A: Cum tibi tam cordi est, age,  perdito       arundine pisces, / Fleverit hoc  quamvis  Pythagorea
  anima. JOHN STRADLING (1601), Épigramme  II, 50:    
        Dum tremula incautos praedatur arundine
 pisces,   / Piscator ripas Longus ad, Isca, tuas, / Decidit in fluvium
 male somniculosus,   et ipsis / Quos depraedatur piscibus esca fuit.]
     
           v.30: Cette fin d’hexamètre,
           per opaca viarum, est empruntée
     à VIRGILE, Énéide VI, 633-634: Dixerat,
  et   pariter, gressi per opaca viarum, / corripiunt
     spatium medium, foribusque propinquant (Cf. Ibid. II, 725:
       Ferimur          per opaca locorum).    [Cf. BOCCACE (†1375), Églogue
  II, 57: Dant aditus vires   animis et opaca viarum.
  VAENIUS, Amorum   emblemata XLVII, 1-2: Quæ non tentet
Amor   perrumpere opaca viarum, / Qui infidi
spernit   cæca pericla    maris? GIOVANNI PASCOLI Pedagogium
(1903),   59-59: ...Putemne    / Theutaten quandoque ducem per opaca viarum    / affore?]         
           v.31: pour ce début
d’hexamètre,           Sole sub,
cf. VIRGILE, Bucolique     II, 12-13: At mecum raucis, tua dum
vestigia lustro, / Sole sub ardenti resonant
arbusta cicadis. CATULLE,     LXIV, 353-355: Namque uelut densas praecerpens
messor aristas / Sole sub ardenti flauentia
demetit arua, / Troiugenum     infesto prosternet corpora ferro. NÉMESIEN
(fin du IIIe siècle),           Églogue IV, 45: Tu
quoque, saeve puer, niveum ne   perde  colorem / Sole
sub hoc: solet hic lucentes   urere  malas. THÉODULE (XIIe
siècle), Pistilegus,   incipit:        Sole sub estivo perfecte  iam redivivo  / Sursum
quarta vehi cum ceperit hora diei. BOCCACE (†1375),         Églogue
 II, 43: Sole sub   ingenti tristis tremor
occupat  artus. HELIUS EOBANUS HESSUS (professeur   à Erfurt),
      Carmen heroicum de recessu studentum ex Erphordia tempore   pestilenciae
(1506), 1-2: Tempus erat iam laeta Ceres adoleverat arvis  / Sole sub ardenti... 
       
           v.35, Juppiter  ipse:VIRGILE, Énéide
VII, 107-111: Aeneas primique  duces et pulcher Iulus / corpora sub ramis
deponunt arboris altae / instituuntque  dapes et adorea liba per herbam /
subiciunt epulis (sic Iuppiter ipse monebat)
/et Cereale solum pomis agrestibus  augent. 
      
           vv.36-37, ubi Juppiter ipse / Ver longum præbere
     solet, rabiemque Leonis / Lenire,
     & rigidas boreali tempore brumas: Le soleil, de nos jours, entre
à la fin de juin, dans la constellation du lion, que la mythologie
identifie avec celui de Némée, tué par Hercule près
de Cléone; mais dans l’Antiquité, c’était en juillet,
et c’est ainsi que l’entend probablement Baron à la suite d’Horace.
Cf. LUCRÈCE, Guerre civile VI, 337-338, De natura rerum:
           At medios ignes caeli rabidi leonis / solstitiale caput nemorosus summouet Othrys.
           (C’est le texte suivi par Noël, tandis que les édition
     modernes portent, sans doute à tort: rapidique.)          BARON s’inspire ici
  surtout, quoique assez librement, d’HORACE    (qui parle aussi du Chien,
  c’est-à-dire de la Canicule),          Épitre
  X, 15-17: Est ubi plus tepeant hiemes, ubi    gratior aura / Leniat et rabiem Canis et momenta          Leonis, / Cum semel accepit Solem furibundus    acutum?  Cette idée de la modération    du climat, et spécialement
  d’un long printemps,          Ver longum
  (en début d’hexamètre),    paraît aussi une nouvelle réminiscence
  de l’éloge    de Bordeaux par AUSONE, Ordo urbium nobilium
  20, 8-12: Burdigala    est natale solum, clementia caeli / Mitis ubi
et  riguae larga indulgentia    terrae,/  Ver
longum        brumaeque novo cum sole
tepentes / Aestifluique  amnes,    quorum iuga vitea subter / Fervent aequoreos
imitata fluenta meatus.             
 v.41,
        Sæpius    ut gravidæ disrumpant horrea messes:
  VIRGILE, Géorgiques    I, 49: Illius immensae ruperunt horrea messes.
  [La fin d’hexamètre en       horrea messes
  a été    plusieurs fois imitée, OVIDE, Métamorphoses
  VIII, 293:         Et frustra exspectant promissas horrea messes;   APPENDIX VERGILIANA, Aetna
  12, Annua sed saturae complerent horrea messes;
  MILTON, Epitaphium Damonis   (1720), 10: Et totidem flavas numerabant
        horrea  messes].       Gravida est un épithète  naturel de
        Messis pour Noël (qui cite par
 ailleurs,  sans référence: Plena Ceres et vincens horrea messis).
 
 v.49: Ce début d’hexamètre
           Eloquar? An sileam? (répété
           v.51) est emprunté
à      VIRGILE [Énéide III, 38; 37-43: Tertia
sed postquam      maiore hastilia nisu / Adgredior genibusque adversae obluctor
harenae,     / (eloquar an sileam?)
      gemitus lacrimabilis    imo / Auditur tumulo et vox reddita fertur
ad auris.] Cette réticence grandiloquente
est très célèbre      et parfois parodiée [e.g.
EDWARD FORSETT, Pedantius (Comoedia      acta Cantabrigiae in collegia
Trinitatis, 1581), II, 307: PED. Eloquar, an sileam?
Sed cur in re momenti minimi dilemmate utor non necessario? CONSTANTIN
HUYGENS (1643) 141 (De Voetbooghdoelen):            Eloquar, an sileam si cui natura   nouerca   est
/ Artifices inter nomen habere meos? / Eloquar. Hic virtus  vitium est: 
 accurrite lusci; / Plus videt hic oculus quam videant oculi.        THOMAS
MAKIN,  Descriptio Pennsylvaniae (1729) vv. 183-184:         Eloquar an sileam? si quando pecunia desit,  / Lex
  perit et nihili iustus habetur inops.]
      
           v.53, Scinduntur  proceres studia in contraria Galli:
    BARON s’inspire ici de VIRGILE,        Énéide, II,
  39:        Scinditur
    incertum studia in contraria  vulgus. [Cf. STACE, Thébaïde V, 147-148:        Nec uarius
    fremor aut studia in contraria  rapti /
Dissensus,     ut plebe solet.]   
 Bernard Gineste, 2002  | 
             
               | BIBLIOGRAPHIE
 
 Éditions
      Paul PINSON [éd.], La 
    prise d’Etampes, poëme latin inédit de Pierre Baron, maire 
 de   la ville en 1652, traduit en français avec le texte en regard 
 et des  notes, et précédé d’une notice biographique 
sur l’auteur  par Paul Pinson [in-18; 45 p.], Paris : L. Willem, 1869. 
            Bernard GINESTE [éd.], 
          «Petrus Baron: Stemparum Halosis 
    (texte latin de 1654)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-17-baron-halosis.html, janvier 
    2003.Bernard GINESTE [éd.], 
          «Pierre Baron: La Prise d’Étampes 
    (traduction Pinson seule)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-17-baron1654prisedetampes.html, janvier 
    2004.
 
 Bernard GINESTE [éd.], «Pierre Baron: La Prise d’Étampes (édition 
    bilingue annotée de Pinson, 1869)», in Corpus Étampois,
           http://www.corpusetampois.com/cls-17-baron-halosis-bilingue.html, janvier 
    2004.
 
 
                                               
                 
      1652 dans le Corpus Étampois      Bernard GINESTE [éd.],
                     «Petrus Baron: Stemparum
   Halosis            (texte latin de 1654)», in Corpus Étampois,
           http://www.corpusetampois.com/cls-17-baron-halosis.html, janvier              2003.
      Bernard GINESTE [éd.],
                     «Pierre Baron: La Prise
  d’Étampes             (édition bilingue annotée
 de Pinson, 1869)»,    in         Corpus      Étampois,
       http://www.corpusetampois.com/cls-17-baron-halosis-bilingue.html, janvier              2004. 
      Bernard GINESTE [éd.], 
                      «Pierre Baron: La Prise 
   d’Étampes             (traduction Pinson seule)», in 
     Corpus    Étampois,             http://www.corpusetampois.com/cle-17-baron1654prisedetampes.html, janvier                2004. 
      François JOUSSET
& Bernard GINESTE [éd.], «René
Hémard:       La Guerre d’Estampes en 1652 (édition
1884 de Pinson)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-17-renehemard-guerre.html, 
               janvier 2003.   
 Bernard GINESTE [éd.], 
               «Basile Fleureau: Recit veritable de ce qui
s’est passé au siege de la Ville d’Estampes en l’année 1652 (édition
  de   1681)», in Corpus   Étampois,            http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b44.html, janvier
               2003. 2e édition illustrée et annotée:
 mai 2007.
 
      André BELLON, «Antoine
               Pecaudy», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-1652pecaudy-bellon.html, 
                   2003.Bernard GINESTE [éd.],
 «Turenne: Lettres relatives au siège d’Étampes 
 (avril-mai 1652)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-turenne1652lettres.html,  2007.
 
 
 
                                                  
                     Toute remarque ou contribution sera la
bienvenue. Any criticism     or contribution welcome. Tous nos remerciement à  Johann Ramminger, 
éminent spécialiste du latin moderne, qui  nous a signalé 
quatre fautes de saisie dans le texte que nous avions  mis en ligne (mai 2005).
               
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