CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Clément Wingler
Étampes de 1940 à 1944
2009
 
 Photos prises à Etampes par un soldat allemand de passage en juin 1940
Photos prises à Etampes par un soldat allemand de passage en juin 1940
 
     Le samedi 19 septembre 2009, à l’occasion des Journées du Patrimoine, Clément Wingler, directeur des archives municipales, a organisé une visite de la ville axée sur les souvenirs de la présence allemande à Étampes de 1940 à 1944. Cette visite a connu une gros succès d’estime et, à la demande de plusieurs personnes, nous mettons ici en ligne le texte de la conférence qu’avait prononcé à cette occasion notre savant archiviste, en le complétant par quelques photographies de notre fonds.

Bernard Gineste, 30 septembre 2009.
   

Clément Wingler
   
ÉTAMPES, DE LA DRÔLE DE GUERRE À L’HEURE ALLEMANDE
   

1940-1944

Visite organisée pour les Journées du Patrimoine
Samedi 19 septembre 2009
 



     TABLE DES MATIÈRES.  Introduction1. Début de la guerre —  2. Arrivée des Allemands3. Installation et Occupation4. Attitude des Français5. Retraite allemande et Libération.
 

Introduction

     De par sa situation géographique à la croisée de deux voies très importantes de circulation (nord-sud — de Paris à Orléans et Toulouse —; est-ouest — de Sens et Fontainebleau à Chartres —), Étampes occupe une position stratégique dont la prospérité en temps de paix se transforme en handicap en période de guerre. L’histoire de la ville en fournit la preuve à maintes reprises (invasion normande au Xe siècle, guerre franco-anglaise au Moyen Age, combats et sièges des guerres de Religion et de la Fronde aux XVIe et XVIIe siècles, bombardements de 1940 et 1944).
  
     Étampes apparaît comme une étape incontournable pour toutes armées en mouvement vers la capitale ou vers le sud-ouest du pays. Et ce, d’autant plus qu’Étampes est la principale ville de la moitié sud du département de Seine-et-Oise: elle compte environ 9000 habitants en 1940, et apparaît comme la localité la plus peuplée. Pour ce qui est de ses équipements militaires, elle dispose d’une base aérienne à Mondésir, laquelle suscite évidemment les convoitises en cas de guerre.


1. Le début de la guerre

     La vie politique étampoise est difficile à la fin des années 1930. À la dissolution du parti communiste — décidée par le gouvernement en raison de la bonne entente existant entre l’Allemagne et l’URSS —, s’ajoute en octobre 1939 la suspension du maire pour la durée des hostilités, selon une procédure qui touche également trente-trois autres villes. Le Dr. Camus, maire d’Étampes, est très décrié pour sa gestion. Sa suspension est d’ailleurs approuvée par le conseil municipal, dans sa séance du 27 janvier 1940.

     Pendant la “drôle de guerre”, les pouvoirs publics ne restent pas inactifs. Ils procèdent à la construction de tranchées-abris pouvant accueillir 2828 personnes (place de l’Ouche, à la porcelainerie Saint-Martin, au Marché Franc, place du Port, à Guinette, au Bourgneuf, au Petit-Saint-Mars, à l’Abattoir, à la Piscine et à Saint-Pierre). Ces efforts sont toutefois insuffisants pour espérer pouvoir protéger l’ensemble de la population (ils couvrent environ un tiers des besoins), et se révéleront presque totalement inefficaces pendant les bombardements, lesquels interviennent par surprise et de nuit, sans laisser aux Étampois le temps de gagner les abris.

     Les efforts en matière de défense passive — on achète une grande quantité de masques par crainte de gaz toxiques — s’accompagnent de réquisitions en vue de constituer des stocks. Ainsi chez les commerçants Gaillard (rue Paul Doumer) et Beauvallet (rue Sainte-Croix), sans oublier l’achat de bicyclettes chez Champy…

     Bien qu’Étampes ne figure pas dans la zone des combats, les effets négatifs de la guerre se font sentir très nettement à la mi-juin 1940. La conscription a vidé les usines et enlevé des champs nombre de bras nécessaires, des réfugiés fuyant devant l’avancée du front (mais aussi des habitants de la région) pillent des magasins, des soldats jettent leurs fusils et s’habillent en civils dans l’espoir de ne pas être capturés par l’ennemi… De manière générale, l’attitude des pouvoirs publics est défaitiste ou tournée uniquement vers la défense: on ne cherche pas vraiment à résister aux Allemands, ou alors, on le fait avec une désorganisation qui en dit long sur l’impréparation aux évènements.

     Les Étampois sont également inquiets à titre administratif. Leur sous-préfecture a été supprimée et ils relèvent désormais de Rambouillet… alors qu’il n’existe pas de transports en commun directs entre les deux villes! Cet état de fait compliquera la tâche de l’administration locale pendant l’Occupation.

     Les loisirs eux-mêmes — tant prisés en période de crise! — deviennent difficilement praticables, les dancings et établissements de jeux étant fermés par le gouvernement.

     Le déclenchement de la guerre, la levée de troupes, la réquisition d’une bonne partie des moyens de transport pour l’outre-mer, le danger que la marine italienne (alliée de l’Allemagne) représente en Méditerranée, compliquent sérieusement la vie des entreprises et des familles. La fonderie Lory, par exemple, qui emploie 125 personnes, doit en partie sa prospérité aux clients d’Indochine et d’Afrique Équatoriale. Elle doit cesser ses fabrications à partir de l’Armistice, et ne dispose plus que de deux mois de commandes et donc de travail… Les laboratoires de produits pharmaceutiques Dausse (rue de la République) sont en butte à des difficultés assez voisines, étant tributaires de l’exportation. Les 124 personnes qu’ils emploient se retrouvent au chômage technique, faute d’approvisionnement en glycérine et en huile d’olive, nécessaires à la production. Quant à la Porcelainerie, elle manque de charbon, de même que les industries métalliques Monin-Harlé (à Etréchy et à Étampes).

     L’inquiétante situation sociale qui en découle est encore compliquée par l’afflux de réfugiés venus de Belgique et du Nord de la France. Les malheureux sont temporairement hébergés au Centre d’accueil aménagé dans les locaux de l’ancienne Malterie, et à hôpital militaire installé à l’Institution Jeanne d’Arc, sous la conduite des Dames françaises.

2. Arrivée des Allemands
     Les nouvelles militaires sont mauvaises. Étampes est meurtrie une première fois le 3 juin 1940: son aérodrome de Mondésir est bombardé et une dizaine de personnes trouvent la mort. Dans la nuit du 7 au 8 juin, c’est la ville elle-même qui est attaquée (cinq familles sont touchées; nous renvoyons au livre de Collard, Étampes au cours des Journées tragiques de 1940 et 1944). Le 13 juin, un afflux subit de Parisiens fait comprendre que les Allemands se rapprochent dangereusement. 

     Le bombardement redouté intervient dans la nuit du 14 au 15 juin 1940. Il est suivi de mitraillages. Les quartiers de Saint-Pierre et du Port sont particulièrement atteints; des immeubles sont touchés et au moins partiellement détruits rue Saint-Jacques, place Notre-Dame, rue de la République et rue de la Tannerie. On dénombre au moins 400 morts et 117 maisons endommagées (dont 29 pour la seule rue de la République). Des inhumations ont lieu à la hâte dans des fosses communes…

     Notons que selon une légende tenace, des avions italiens auraient participé à l’attaque. Ce qui relève soit de l’absurdité soit d’une erreur de bonne foi. L’aviation italienne n’est pas entrée en action au nord de la Loire et, par ailleurs, la Luftwaffe allemande se suffisait à elle-même et n’a demandé aucune assistance transalpine. De plus, le rayon d’action des appareils italiens n’aurait pas permis d’effectuer l’aller-retour depuis une base de la péninsule. Du reste, pourquoi les forces de Mussolini auraient-elles choisi Étampes comme objectif? On peut, en outre, observer que les autres populations de notre région ne livrent aucun témoignage sur la prétendue aviation italienne. Est-ce à dire que certains Étampois ont pu confondre cocardes italiennes et cocardes françaises? C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. 

     Conséquence immédiate des évènements du 15 juin, les services départementaux encore présents dans la ville partent pour le sud, bientôt suivis du maire Liger et des services municipaux. Ils n’arriveront pas très loin: leur périple s’achève à Crottes-en-Pithiverais, dans le Loiret.

     Le même 15 juin, les Allemands font leur entrée à Étampes, ville presque désertée par ses habitants. On estime leur nombre à un millier, les autres ayant pris la route de l’exode ou d’un toit temporaire aux environs, hors les murs de la cité. Après le départ précipité des forces de l’ordre françaises et avant l’arrivée de la Wehrmacht, les pillards s’en donnent à cœur joie. On déplore des viols et des meurtres. Une fusillade a lieu à la gare, quand des soldats de la 7e section des Chemins de fer de campagne tirent sur l’avant-garde allemande (on déplore une dizaine de morts).

Le quartier Saint-Pierre ravagé par l'aviation allemande en 1940 (cliché Jolivet)
Le quartier Saint-Pierre mitraillé en juin 1940
(cliché Jolivet)
3. Installation et Occupation

     Les Allemands inspectent la ville le 16 juin. Pour la population, la priorité se nomme eau, gaz et électricité. Dans l’immédiat, l’eau est puisée dans les rivières, puis bouillie. Les évacués commencent à revenir. Une boulangerie ouvre à nouveau, celle de M. Plé, sise rue de la République. Les services de la Kommandantur occupent le rez-de-chaussée de la mairie; des coupons d’alimentation sont distribués.

     Les Allemands sont environ 10 000; les Étampois presque 5000 en septembre 1940 (les autres n’étant pas encore rentrés), selon les statistiques de Pierre-Ulysse Lejeune, président de la Délégation municipale spéciale installée le 28 août par le Préfet. La vie reprend tant bien que mal.

    Deux exemples de cohabitation difficile sont rapportés par le journal l’Abeille d’Étampes. Dans la rubrique d’intérêt local, le rédacteur écrit le 24 août 1940:
     
On nous fait connaître que certain percepteur de la région aurait refusé de l’argent allemand en paiement des impôts. Puisque les commerçants sont tenus d’accepter eux-mêmes cet argent, n’est-il pas logique qu’ils règlent de la même manière leurs contributions?
     On nous prie de demander s’il ne serait pas possible de mettre, en dessous des textes et indications allemands, des textes français pour indiquer les sens interdits dans certaines rues de notre ville. Bien des personnes de la campagne qui viennent à Étampes éviteraient ainsi de se faire interpeller.

     Deux autres exemples sont sujets à discussion… Le couvre-feu est fixé à 21h. Pourquoi? Après enquête, l’Abeille d’Étampes affirme que 
le principal motif en est qu’au jour tombant, maintes jeunes filles de la commune – toujours les mêmes — font un peu trop commerce de leurs charmes avec les soldats allemands. Pour ce qui est des cafés et autres auberges, la vente au détail (par les débitants) de boissons alcoolisées est interdite les mardis, jeudis et samedis… mais est autorisée pour les militaires et civils allemands!

     Ces derniers profitent de “lieux de convivialité” aménagés à leur intention. Ainsi le restaurant «Le Grand Monarque», qui devient Kameradschaftsheim Westfrankreich de la Deutsche Arbeitsfront (Foyer du Front allemand du Travail, pour l’Ouest de la France). Le Cabaret, sis 28 place Saint-Gilles, est destiné aux officiers allemands et propose des soirées musicales dans un eleganter Rahmen (un “cadre élégant”), erstklassige tanz-und klassische Musik, unter Mitwirkung prominenter pariser Künstler; die besten Getränke (“de la musique classique et de la danse de premiers choix, avec la participation de célèbres artistes parisiens, et les meilleures boissons”) , tous les soirs de 20 h à 23 h 45 (ouverture dès 17 h le samedi et 15 h le dimanche).

     Une promiscuité gênante est imposée par la réquisition d’immeubles. Ainsi, une maison de la rue Saint-Jacques (au numéro 105), comprenant dix pièces et deux chambres de bonnes, est occupée par 35 Allemands; la propriétaire — revenue d’exode — est obligée de loger ailleurs, ce qui lui coûte un loyer mensuel de 475 F!

     La vie scolaire est perturbée. Le collège a été transformé en hôpital complémentaire en 1939; les épreuves du Bac sont reportées à octobre 1940 (dans la salle des patronages de la rue Léon Grenier); les élèves des petites classes auront cours dans les anciens locaux de l’Abeille; les autres au Port, à côté de l’hôtel-café du Casino (également occupé par les Allemands).

     En matière économique s’accentuent les restrictions de matière première et donc de production, par exemple dans la branche textile, où la production tombe à 30 % du chiffre de 1938. Or, Étampes produit moins, mais doit fournir plus! Les réquisitions auprès des commerçants et artisans locaux sont au plus haut, surtout pour l’alimentation et la quincaillerie, dont les denrées et objets sont désormais payables… en reichsmark (lequel a cours forcé de 1 reichsmark pour 20 francs, ce qui est évidemment très avantageux pour l’Occupant!). La pénurie de légumes verts s’aggrave d’autant plus que les gelées ont été fortes pendant l’hiver de 1940-1941. L’approvisionnement en viande, pomme de terre, beurre, fromage et sel devient également très faible…

Photo de soldats allemands, face au 37 rue Louis-Moreau (entre 1940 et 1944)
Photo de soldats allemands,
face au 37 rue Louis-Moreau (entre 1940 et 1944)

4. L’attitude des Français

     En janvier 1941, le maire, Pierre-Ulysse Lejeune, proteste officiellement auprès des Allemands. Il se plaint également, en septembre 1941, des quotas imposés aux agriculteurs d’Étampes. Ces derniers sont bien incapables de fournir ce qu’on leur demande. Les semences sont insuffisantes, certaines terres sont traditionnellement de peu de rendement, beaucoup d’ouvriers agricoles ont été mobilisés et sont prisonniers en Allemagne; enfin, le temps a été froid et pluvieux.

     La Résistance naît très tôt à Étampes, malgré la très forte présence allemande qui rend les actions clandestines très dangereuses. Pierre Pecquet, cafetier à Saint-Martin, rassemble un petit groupe, en liaison avec un gendarme, François Faudet. Au début de 1943, Pecquet est recruté par Louis Moreau (chargé d’organiser le secteur d’Étampes). De leur côté, les Allemands font insérer des articles de propagande dans l’Abeille. Les informations internationales (traditionnellement en première page du journal) font la part belle aux victoires des armées du Reich; d’autres articles incitent à la relève des prisonniers français en Allemagn : les volontaires toucheront une prime d’équipement de 1000 F, se verront remboursées leurs factures d’achats de chaussures… (le tout devant permettre le retour de prisonniers libérés)… Cette propagande demeure largement inefficace, obligeant les Allemands à mettre en place le Service du Travail Obligatoire, lequel doit permettre de suppléer au manque de volontaires.

     Que la résistance s’organise transparaît à travers certains “avis” publiés par l’Abeille, ainsi le 26 septembre 1942: 
Il est défendu de cacher, d’héberger ou de prêter assistance de quelque façon que ce soit à des membres d’un équipage ou d’un avion, ou à des parachutistes ennemis. Toutes les infractions seront punies de mort.

     Le S.T.O. est créé le 2 février 1943. Il touche Étampes à raison de 4 habitants de la classe 39, 18 de la classe 40, 15 de la classe 41, 13 de la classe 42; d’autres habitants sont requis pour des travaux de fortification sur la côte, ainsi à Saint-Nazaire (57 pendant l’hiver 1942-1943); d’autres le sont moins loin: à Mondésir, en 1944 (près de 500).

     On observe une intensification des enquêtes et des réquisitions. Sont recensés les radios, vélos, bidons de lait, arbres fruitiers, poules, lapins, chevaux (ce qui pénalise l’agriculture). Ces ponctions accroissent le désir de résistance… et la vigilance des autorités (Étampes jouant un rôle majeur pour le haut commandement militaire aérien allemand). Louis Moreau et ses amis se spécialisent dans les tâches de renseignement, la réception d’armes parachutées, la diffusion de tracts… mais la prétendue exécution du général allemand Weissmann — qui aurait laissé échapper le code secret des transmissions de la Luftwaffe, et qui aurait été de ce fait puni de mort par sa hiérarchie — relève d’une autre légende tenace. Les Alliés connaissaient dès 1940 le code des transmissions allemandes et Weissmann est mort paisiblement dans son lit, après la guerre.

     Henri Poirier est un autre grand personnage de la résistance étampoise en 1942. Chef local du réseau Libération Nord, il vient de Nantes où il est fonctionnaire des contributions, ce qui lui permet de circuler assez facilement. Résister expose à un danger évident. Ainsi le 18 mai 1943, quand un parachutage au hameau de la Montagne se passe mal. Dénoncés, les Résistants sont arrêtés par la Wehrmacht, qui les attendait.  Six d’entre eux sont déportés, dont Gabriel Gautron, qui échappera à l’univers des camps de concentration et qui reviendra à Étampes via la Suède.

     Pour les habitants de la ville, le danger des bombardements alliés “ciblés” se précise. Pendant la première quinzaine de septembre 1943: plus de 2000 morts sont à déplorer, pour ce motif, dans la population civile française.

La Délégation spéciale nommée en 1940

     Face à l’autorité d’occupation, le conseil municipal d’Étampes mène un double jeu visant à ménager les intérêts de la ville et des habitants. On peut citer deux exemples. Au cours de sa séance du 28 mai 1943, il vote une subvention spéciale de 2000 F en faveur de Louis Moreau, inspecteur primaire — et surtout Résistant presque notoire —, officiellement pour aider à la réédition de son livre Ma Petite Patrie; dans sa séance du 11 juin 1943, le même conseil municipal adresse publiquement ses sentiments de sympathie à la famille de Pierre Audemard, maire adjoint, récemment arrêté par les autorités allemandes, en raison de son appartenance à la Résistance. Il mourra en déportation.
Soldat allemand entre deux membres de la famille qui fut forcée de l'héberger de 1940 à 1944
Soldat allemand entre deux membres d'une famille
qui fut forcée de l'héberger (cliché de 1942)
5. Les bombardements alliés
     L’annonce du débarquement allié sur les plages de Normandie provoque l’enthousiasme des Étampois, mais bon nombre d’entre — eux, à l’image d’Henri Collard, cheville ouvrière du journal L’Abeille d’Étampes —, s’inquiètent pour leur ville, menacée d’un bombardement aérien qu’appelaient les nécessités de la stratégie.

     Les prédictions les plus pessimistes se vérifient malheureusement dans la nuit du 9 au 10 juin 1944. À minuit cinq, les bombes alliées pleuvent sur la cité 
…éclairée comme en plein midi. Des fusées blanches et rouges descendent de toute part, pareilles à un gigantesque feu d’artifice… Les chasseurs et bombardiers s’accumulent… En trente minutes, plus de deux mille bombes s’abattent sur la ville… La défense aérienne allemande est aussi inexistante que la nôtre en 1940. L’alerte n’a même pas été donnée à l’aide des sirènes…

     Ce bombardement, suivi d’un second, le 14 juin, est terriblement meurtrier: plus de 150 Étampois trouvent la mort, 50 d’entre — eux sont gravement blessés, près de 150 maisons sont complètement détruites, 356 partiellement, 203 sont légèrement atteintes. Une salle de classe est hâtivement transformée en chapelle ardente, où a lieu la levée des corps, en présence de Mgr Roland Gosselin, évêque de Versailles, et de M. Marquet, le sous-préfet de Rambouillet. Des cercueils de fortune sont confectionnés à la hâte, à partir de tables, de commodes, d’armoires... Qui plus est, tous les corps n’ont pas encore été extraits des décombres, malgré le dévouement sans faille des membres du Secours National et des Équipes Nationales d’André Lorry, du C.O.S.I. (Comité Ouvrier de Secours Immédiat), des sapeurs pompiers de Robert Piqueret, de la Croix Rouge de Robert Leflon, des équipes de la Défense Passive, dirigées par Robert Couvé, et de beaucoup d’autres organismes et associations de bénévoles.

     Dès les jours qui suivent, les avions alliés opèrent des mitraillages dans la région, provoquant de nouvelles victimes. À 50 mètres de la gare de Puiselet-le-Marais, le tacot est pris pour cible par des chasseurs anglais. Le libraire Brière et cinq autres personnes sont blessés. Le vendredi 23 juin, vers 14 heures 30, après un rapide combat aérien au-dessus du hameau de Pierrefitte, un Lightning américain prend feu et s’écrase près du mur ouest de la ferme de Guinette. Le 15 juin, ce sont une vingtaine de maisons de Guillerval qui subissent une attaque aérienne.

Bombardement anglais de l'aérodrome de Mondésir
L’aérodrome d’Étampes-Mondésir bombardé
(© Lt Russell S. Knapp & 486th Bomb Group 2003)

6. Retraite allemande et Libération

     Alors que les services de l’État Major de la Luftwaffe ont déjà quitté Étampes pour Nancy, de même que les services de la Kommandantur dirigés par le major Braun, une compagnie allemande d’arrière-garde comprenant quelques soldats des trois armes, dont plusieurs serveurs de DCA et même un soldat de la Kriegsmarine, occupe encore Saint-Martin et réquisitionne des habitants pour transporter des pavés et ériger une barricade en travers de la grande rue, au débouché de la rue du Paradis.

     L’essentiel du dispositif destiné à freiner l’avance des Alliés est concentré entre la route de Saint-Hilaire et la route de Dourdan, particulièrement sur les hauteurs qui dominent le cimetière Saint-Martin. Six pièces antichar et de DCA ont été camouflées à proximité immédiate des ruines du Temple, tandis que deux pièces de 88 sont positionnées route de Dourdan, et deux autres respectivement à 100 mètres du carrefour de la route de Dourdan et de l’actuelle rue des Lys. Deux autres pièces de 88 et quatre pièces antichar sont placées temporairement à Villesauvage, et le carrefour des routes de Malesherbes et de Pithiviers est couvert par six autres canons antichar et deux de 88. Enfin, une dernière pièce de gros calibre surveille à la sortie d’Étampes, la côte de la route d’Orléans, et quatre canons antichars occupent l’Humery.

     L’arrière garde allemande doit battre en retraite et quitter la ville le lundi 21 août, en fin de matinée, non sans avoir accroché les troupes américaines et mis quatre de leurs chars hors de combat, deux sur la route de Dourdan et deux sur les hauteurs de Chalo-Saint-Mars, et d’avoir incendié plusieurs maisons du quartier Saint-Martin, ainsi que les deux principales écoles du faubourg.

     Dans son avancée, l’infanterie américaine bénéficie du soutien d’avions de reconnaissance de l’Air Force, et des renseignements communiqués par la Résistance, en particulier par Gaston Beau, sous-chef de la gare d’Étampes, qui communique par téléphone à Monnerville déjà libérée, les renseignements qui permettront aux alliés de localiser et réduire au silence les pièces d’artillerie du dispositif allemand de défense d’Étampes.

     Le 22 août enfin, 
après une lourde nuit traversée par des pluies chaudes, les troupes américaines font leur entrée dans la ville.


Clément WINGLER
Archives municipales d’Étampes



     TABLE DES MATIÈRES.  Introduction1. Début de la guerre —  2. Arrivée des Allemands3. Installation et Occupation4. Attitude des Français5. Retraite allemande et Libération.
 
Source: Texte communiqué par l’auteur le 25 septembre 2009, remis en page et illustré par Bernard Gineste.
BIBLIOGRAPHIE

Éditions


     Clément WINGLER (directeur des archives municipales d’Étampes), «Étampes de 1940 à 1944», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-wingler1940-1944.html, 2009.

Autres publications de Clément Wingler

     Clément WINGLER,
Archives communales d’Étampes. Période de Guerre, 1939-1945. Inventaire-Sommaire de la sous-série 2W [cahier dactylographié; format A4; 50 p.; 229 cotes; index; complément à l’usage du service], Étampes, Archives municipales, 1994.

     Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [rééd.], «Clément Wingler: La seconde guerre mondiale aux Archives municipales d’Étampes (inventaire-sommaire de la sous-série 2W, 1994), in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-20-ame2w.html, 2012.

     Clément WINGLER (directeur des archives municipales d’Étampes), «Étampes de 1944 à 1946», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-wingler1944-1946.html, 2009.

     Bernard GINESTE, «Clément Wingler, une bibliographie», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-clementwingler.html, 2008

Autres documents relatifs à la période 1939-1945

     Bernard GINESTE [éd.], «Robert Piqueret (capitaine des pompiers d’Étampes), Rapport sur les journées du 16 au 22 août 1944 (note de septembre 1944)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-1944cr4044etampes.html, 2009.

     COLLECTIF,
«Documents en ligne sur le pays étampois pendant la seconde guerre mondiale», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-39-45b.html, depuis 2004.


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