CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Léon Guibourgé
Les Cordeliers à Étampes
Étampes ville royale, chapitre V.2
1957
 
L'Abreuvoir des Cordeliers en 1904 (carte postale Mulard n°63)  
L’Abreuvoir des Cordeliers en 1904 (carte postale Mulard n°63)
  
 
ÉTAMPES, VILLE ROYALE
Étampes, chez l’auteur, 1957
chapitre V.2, pp. 156-169.
Les Cordeliers à Étampes
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Léon Guibourgé      BIENFAITEURS: BLANCHE DE CASTILLE, HENRI III. LA CHAPELLE.

     Au bas de la place Saint-Gilles, à la suite de la rue Basse et de la rue de la Manivelle, et rejoignant la fin de la rue Saint Jacques, se trouve la rue des Cordeliers. D’où vient ce nom des «Cordeliers».

     Cette appellation remonte à Saint Louis. Pendant la croisade de 1250, le roi ayant remarqué des religieux acharnés à la poursuite des Sarrasins, demanda leur nom. On lui répondit qu’ils étaient «de cordes liés» (cordeliers). En effet, ces moines portaient sur leur robe de bure brune, une grosse corde, armée, de nœuds de distance en distance, qui tombait presque jusqu’à leurs pieds. Ils appartenaient à l’Ordre des Frères mineurs, appelés encore Franciscains, fondé par saint François d’Assise, et confirmé par le pape Honorius III en 1223.

     Saint Louis, à son retour en France, ramena avec lui plusieurs Cordeliers qu’il réunit aux membres du même ordre, établis depuis 1217 à Paris dans une dépendance de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Les Cordeliers se répandirent rapidement en France. A la suite de quelques changements dans les règlements, certains se divisèrent en Observantins, Capucins ou Récollets.

     En 1789, les Cordeliers possédaient en France 284 couvents, qui furent tous fermés en 1790. C’est dans la chapelle du couvent de Paris que se tint pendant la Révolution le Club des Cordeliers. Le musée Dupuytren y est installé aujourd’hui. Les Franciscains [p.167] qui se sont rétablis en France depuis la Révolution n’ont pas repris leur nom de Cordeliers.

Promenade des Prés et Tour du Loup (carte postale Berthaud frères n°34)
     A Etampes, les Cordeliers étaient établis dans le quartier Saint-Gilles. Leur couvent allait de la rue actuelle des Cordeliers jusqu’à la rivière des Prés, et s’étendait jusqu’à la tour du Loup et les murs d’enceinte de la ville.

     Ces religieux sont arrivés à Etampes au début du XIIIe siècle. Dom Fleureau sur ce point regrette de ne pouvoir donner des précisions, les titres et les registres du couvent ayant été détruits dans l’incendie provoqué paries Huguenots en 1567. Cependant, il assure que les Cordeliers étaient à Etampes à l’époque même de saint François, et il appuie son opinion sur un ouvrage traitant de saint François, édité par un supérieur général de l’Ordre, le Père François de Gonzalès [Lisez de Gonzague], et imprimé en 1587.

     Il est dit dans ce livre que saint François d’Assise mourut en 1226. Or les Cordeliers étaient déjà à Paris, d’après une bulle du pape Honoré III en date de 1219, où celui-ci demande à l’évêque de Paris et à l’archevêque de Sens, dont dépend Etampes, de protéger ces religieux. D’autre part, on sait que leur couvent à Etampes a été bâti avant 1240, d’après un contrat entre les religieux de Morigny et Anseau de Fraville, par devant frère Robert, de l’Ordre des Frères Mineurs. Cela suppose que ce frère Robert devait être un personnage insigne, ayant autorité à Etampes, autorité qu’il avait acquise par son séjour dans la ville depuis plusieurs années.

     C’est donc au début du XIIIe siècle que les Cordeliers s’établissent à Etampes, et le Père François de Gonzalès assure que c’est la reine Blanche, mère de saint Louis, qui a été la fondatrice de leur couvent. La chapelle fut mise sous l’invocation de saint Jean-Baptiste.

     Nous avons dit que les Huguenots au XVIe siècle brûlèrent le couvent y compris la chapelle. Mais le roi Henri III, aidé par les notables de la ville, fit reconstruire le couvent. Le roi donna toute autorisation pour aller chercher dans la forêt de Dourdan le bois nécessaire à la reconstruction. On apporta les plus grands soins à orner la chapelle. «Le rétable [sic] du grand autel, dit Dom Fleureau, mérite d’être vu; les mystères de Notre-Seigneur y sont représentés en bas-relief avec une délicatesse merveilleuse et les peintures des vitres sont dignes d’admiration. On connaît aux armes qui y sont, ceux qui ont été les bienfaiteurs, et ceux des chaires du chœur ont de pareilles marques...» [p.168]

     


Sceau de Blanche de Castille
Henri III
Sceau de Blanche de Castille
Portrait d’Henri III


 
AU MOYEN AGE, A LA RÉVOLUTION. PIERRE TOMBALE. LE CHIEN BARBET.

     Au XVIe siècle, le couvent des Cordeliers était prospère. Au moment des guerres de religion, les protestants s’acharnèrent contre les religieux. Non seulement le couvent fut pillé, brûlé, mais un des religieux, Louis de la Plaine, fut mis à mort. Nous avons vu que grâce à la libéralité du roi Henri III et des habitants d’Etampes, le couvent fut rapidement reconstruit et prospéra plus que jamais.

     Au XVIIe siècle, les religieux eurent comme voisines des religieuses appelées «Dames de la Congrégation» Ce voisinage amena quelques contestations entre eux et ces dames. Celles-ci voulaient compléter leur clôture en renfermant la rivière dans leur propriété, rivière qui bordait également la propriété des religieux.

     Au XVIIIe siècle, le nombre des religieux diminua. En 1740, ils n’étaient plus que neuf.

     A la Révolution de 1789, ils durent quitter les lieux. Leur couvent et six arpents de pré furent vendus comme biens nationaux le 25 mai 1791 à Ch.-François Pajot, à Th.-Alexis Charpentier, président du district, et à Louis-Antoine Hamouy, marchand, moyennant la somme de 40.400 francs.

     Après la Révolution, c’est-à-dire cinq ans plus tard, ces biens furent rendus aux religieux et à l’émigré Pajot. Mais les religieux ne vinrent pas se rétablir à Etampes, et leurs biens furent définitivement vendus audit Charpentier, précédemment acquéreur, pour la somme de 23.071 francs.

     Dans la suite, les religieuses de la Congrégation Notre-Dame, dont nous allons parler, acquirent les biens des religieux et s’y installèrent. En construisant une nouvelle chapelle en 1863, près du presbytère actuel de Saint-Gilles, elles mirent à jour une certaine quantité d’ossements, montrant que le cimetière des religieux Cordeliers était en cet endroit.

     Un autre souvenir de ces religieux se trouvait, avant le bombardement de l’église Saint-Gilles en 1944, dans cette même église, au milieu des autres dalles funéraires, c’est une pierre tombale d’un paroissien, provenant de la chapelle des Cordeliers, que le graveur appelle «l’Eglise de M. Saint François». Voici l’inscription de cette pierre:

     «En l’église de M. Saint François, gist et repose le corps [p.169] d’honneste homme Jacques Houssu, en son vivant marchand drapier, demeurant à Estampes, et Catherine Poidrine, sa femme lesquels ont donné à l’église et fabrique Saint-Gilles la somme de soixante sols tournois de rente annuelle et perpétuelle, comme il apert par le contrat passé par devant Charles Dupré, notaire royal à Estampes, à la charge que les provisers seront tenus à faire chanter, dire et célébrer à perpétuité en ladite église Saint-Gilles, la veille de Saint-Claude, la messe haulte à diacre et sous-diacre, et le lendemain une messe haulte de Requiem et un Libera... le tout à l’intention desdits Houssu et sa femme, et de leurs parents et amis, lequel décéda le 27 de juin 1622.
     «Priez Dieu pour leurs âmes.»


     Notons encore, à propos des Cordeliers, que Claude-Charles Hémard de Danjouan, ancien poète étampois dans un poème héroï-comique en latin et en français intitulé Le chien pêcheur, ou le Barbet des Cordeliers d’Etampes, rapporte que ces religieux avaient un chien barbet d’un instinct et d’une habileté extraordinaires. Cet animal plongeait dans la rivière, où il y avait beaucoup d’écrevisses, et il revenait à la cuisine des religieux avec le poil tout couvert de ces bestioles. Il en pêchait une si grande quantité qu’il en fournissait à tout le couvent. [p.170]

Gravure d'Emile Bayard (1868)
 
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BIBLIOGRAPHIE

Éditions

Léon Guibourgé      Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ (chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président de la Société artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix], Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune), Étampes, Éditions d’art Rameau, 1954.

    
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.

    
Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [réédition en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997.

    
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Les Cordeliers à Étampes (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes502cordeliers.html, 2004.

Sur les Cordeliers d’Étampes dans le Corpus Étampois


     Bernard GINESTE [dir.], «Anseau de Fraville: Don aux moines de Morigny d’une rente à Chalo-Saint-Mars (juin 1243)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-13-morigny1247chalo.html, 2004-2005.

     Bernard GINESTE [éd.], «Dom Basile Fleureau: De I’Eglise & du Couvent des RR. PP. Cordeliers
(1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-c18.html, 2006.

     Bernard GINESTE [éd.], «Claude-Charles Hémard de Danjouan: Le Chien Pêcheur (1714)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-18-hemard-chienpecheur.html, 2003.  
   
     Bernard GINESTE [éd.], «Claudius-Carolus Hemarida Danjuanus Stempanus: Canis Piscator (1714)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-18-hemarida-canis.html, 2003.  



Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 166-169. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004.
    
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