BIENFAITEURS:
BLANCHE DE CASTILLE, HENRI III. LA CHAPELLE.
Au bas de la place Saint-Gilles, à
la suite de la rue Basse et de la rue de la Manivelle, et rejoignant la
fin de la rue Saint Jacques, se trouve la rue des Cordeliers. D’où
vient ce nom des «Cordeliers».
Cette appellation remonte à Saint Louis.
Pendant la croisade de 1250, le roi ayant remarqué des religieux
acharnés à la poursuite des Sarrasins, demanda leur nom.
On lui répondit qu’ils étaient «de cordes liés»
(cordeliers). En effet, ces moines portaient sur leur robe de bure brune,
une grosse corde, armée, de nœuds de distance en distance, qui tombait
presque jusqu’à leurs pieds. Ils appartenaient à l’Ordre
des Frères mineurs, appelés encore Franciscains, fondé
par saint François d’Assise, et confirmé par le pape Honorius
III en 1223.
Saint Louis, à son retour en France,
ramena avec lui plusieurs Cordeliers qu’il réunit aux membres du
même ordre, établis depuis 1217 à Paris dans une dépendance
de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Les Cordeliers se répandirent
rapidement en France. A la suite de quelques changements dans les règlements,
certains se divisèrent en Observantins, Capucins ou Récollets.
En 1789, les Cordeliers possédaient
en France 284 couvents, qui furent tous fermés en 1790. C’est dans
la chapelle du couvent de Paris que se tint pendant la Révolution
le Club des Cordeliers. Le musée Dupuytren y est installé
aujourd’hui. Les Franciscains [p.167] qui
se sont rétablis en France depuis la Révolution n’ont pas
repris leur nom de Cordeliers.
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A Etampes, les Cordeliers étaient établis dans le quartier
Saint-Gilles. Leur couvent allait de la rue actuelle des Cordeliers jusqu’à
la rivière des Prés, et s’étendait jusqu’à la
tour du Loup et les murs d’enceinte de la ville.
Ces religieux sont arrivés à
Etampes au début du XIIIe siècle. Dom Fleureau sur ce point
regrette de ne pouvoir donner des précisions, les titres et les registres
du couvent ayant été détruits dans l’incendie provoqué
paries Huguenots en 1567. Cependant, il assure que les Cordeliers étaient
à Etampes à l’époque même de saint François,
et il appuie son opinion sur un ouvrage traitant de saint François,
édité par un supérieur général de l’Ordre,
le Père François de Gonzalès
[Lisez de Gonzague], et imprimé en 1587.
Il est dit dans
ce livre que saint François d’Assise mourut en 1226. Or les Cordeliers
étaient déjà à Paris, d’après une bulle
du pape Honoré III en date de 1219, où celui-ci demande à
l’évêque de Paris et à l’archevêque de Sens, dont
dépend Etampes, de protéger ces religieux. D’autre part, on
sait que leur couvent à Etampes a été bâti avant
1240, d’après un contrat entre les religieux de Morigny et Anseau
de Fraville, par devant frère Robert, de l’Ordre des Frères
Mineurs. Cela suppose que ce frère Robert devait être un personnage
insigne, ayant autorité à Etampes, autorité qu’il avait
acquise par son séjour dans la ville depuis plusieurs années.
C’est donc au début du XIIIe
siècle que les Cordeliers s’établissent à Etampes,
et le Père François de Gonzalès assure que c’est
la reine Blanche, mère de saint Louis, qui a été
la fondatrice de leur couvent. La chapelle fut mise sous l’invocation de
saint Jean-Baptiste.
Nous avons dit que les Huguenots au XVIe siècle
brûlèrent le couvent y compris la chapelle. Mais le roi Henri
III, aidé par les notables de la ville, fit reconstruire le couvent.
Le roi donna toute autorisation pour aller chercher dans la forêt
de Dourdan le bois nécessaire à la reconstruction. On apporta
les plus grands soins à orner la chapelle. «Le rétable [sic] du grand autel,
dit Dom Fleureau, mérite d’être vu; les mystères
de Notre-Seigneur y sont représentés en bas-relief avec une
délicatesse merveilleuse et les peintures des vitres sont dignes
d’admiration. On connaît aux armes qui y sont, ceux qui ont été
les bienfaiteurs, et ceux des chaires du chœur ont de pareilles marques...» [p.168]
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Sceau de Blanche de Castille
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Portrait d’Henri III
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AU
MOYEN AGE, A LA RÉVOLUTION. PIERRE TOMBALE. LE CHIEN BARBET.
Au XVIe siècle, le couvent des Cordeliers
était prospère. Au moment des guerres de religion, les protestants
s’acharnèrent contre les religieux. Non seulement le couvent fut
pillé, brûlé, mais un des religieux, Louis de la Plaine,
fut mis à mort. Nous avons vu que grâce à la libéralité
du roi Henri III et des habitants d’Etampes, le couvent fut rapidement
reconstruit et prospéra plus que jamais.
Au XVIIe siècle, les religieux eurent
comme voisines des religieuses appelées «Dames de la Congrégation»
Ce voisinage amena quelques contestations entre eux et ces dames. Celles-ci
voulaient compléter leur clôture en renfermant la rivière
dans leur propriété, rivière qui bordait également
la propriété des religieux.
Au XVIIIe siècle, le nombre des religieux
diminua. En 1740, ils n’étaient plus que neuf.
A la Révolution de 1789, ils durent quitter
les lieux. Leur couvent et six arpents de pré furent vendus comme
biens nationaux le 25 mai 1791 à Ch.-François Pajot, à
Th.-Alexis Charpentier, président du district, et à Louis-Antoine
Hamouy, marchand, moyennant la somme de 40.400 francs.
Après la Révolution, c’est-à-dire
cinq ans plus tard, ces biens furent rendus aux religieux et à
l’émigré Pajot. Mais les religieux ne vinrent pas se rétablir
à Etampes, et leurs biens furent définitivement vendus audit
Charpentier, précédemment acquéreur, pour la somme
de 23.071 francs.
Dans la suite, les religieuses de la Congrégation
Notre-Dame, dont nous allons parler, acquirent les biens des religieux
et s’y installèrent. En construisant une nouvelle chapelle en 1863,
près du presbytère actuel de Saint-Gilles, elles mirent à
jour une certaine quantité d’ossements, montrant que le cimetière
des religieux Cordeliers était en cet endroit.
Un autre souvenir de ces religieux se trouvait,
avant le bombardement de l’église Saint-Gilles en 1944, dans cette
même église, au milieu des autres dalles funéraires,
c’est une pierre tombale d’un paroissien, provenant de la chapelle des
Cordeliers, que le graveur appelle «l’Eglise de M. Saint François».
Voici l’inscription de cette pierre:
«En
l’église de M. Saint François, gist et repose le corps [p.169] d’honneste homme Jacques
Houssu, en son vivant marchand drapier, demeurant à Estampes, et
Catherine Poidrine, sa femme lesquels ont donné à l’église
et fabrique Saint-Gilles la somme de soixante sols tournois de rente annuelle
et perpétuelle, comme il apert par le contrat passé par devant
Charles Dupré, notaire royal à Estampes, à la charge
que les provisers seront tenus à faire chanter, dire et célébrer
à perpétuité en ladite église Saint-Gilles,
la veille de Saint-Claude, la messe haulte à diacre et sous-diacre,
et le lendemain une messe haulte de Requiem et un Libera... le tout à
l’intention desdits Houssu et sa femme, et de leurs parents et amis, lequel
décéda le 27 de juin 1622.
«Priez Dieu pour leurs âmes.»
Notons encore, à propos des Cordeliers,
que Claude-Charles Hémard de Danjouan, ancien poète étampois
dans un poème héroï-comique en latin et en français
intitulé Le chien pêcheur, ou le Barbet des Cordeliers
d’Etampes, rapporte que ces religieux avaient un chien barbet d’un
instinct et d’une habileté extraordinaires. Cet animal plongeait
dans la rivière, où il y avait beaucoup d’écrevisses,
et il revenait à la cuisine des religieux avec le poil tout couvert
de ces bestioles. Il en pêchait une si grande quantité qu’il
en fournissait à tout le couvent. [p.170]
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ
(chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier
d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités
de Seine-et-Oise, vice-président de la Société
artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes
et du Hurepoix], Étampes, la favorite des rois
[in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos
de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de
Philippe Lejeune), Étampes, Éditions d’art Rameau,
1954.
Édition
princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes,
ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en
couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes,
chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.
Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ,
Étampes, ville royale [réédition
en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de
la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Péronnas,
Éditions de la Tour Gile, 1997.
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.],
«Léon Guibourgé: Étampes ville
royale (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html
(33 pages web) 2004.
Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé:
Les Cordeliers à Étampes (1957)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes502cordeliers.html, 2004.
Sur les Cordeliers d’Étampes dans le Corpus Étampois
Bernard GINESTE [dir.], «Anseau de Fraville: Don aux moines de
Morigny d’une rente à Chalo-Saint-Mars (juin 1243)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-13-morigny1247chalo.html, 2004-2005.
Bernard GINESTE [éd.], «Dom Basile
Fleureau: De I’Eglise & du Couvent des RR. PP. Cordeliers (1668)», in
Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-c18.html, 2006.
Bernard GINESTE [éd.], «Claude-Charles
Hémard de Danjouan: Le Chien Pêcheur (1714)», in
Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-18-hemard-chienpecheur.html,
2003.
Bernard GINESTE [éd.], «Claudius-Carolus
Hemarida Danjuanus Stempanus: Canis Piscator (1714)», in Corpus
Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-18-hemarida-canis.html,
2003.
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