CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Léon Guibourgé
La paroisse et l’église Saint-Gilles d’Étampes
Étampes ville royale, chapitre V.1
1957
 
L'église Saint-Gilles en 1905 (carte postale CLC n°4)  
L'église Saint-Gilles en 1905 (carte postale CLC n°4)
  
 
ÉTAMPES, VILLE ROYALE
Étampes, chez l’auteur, 1957
chapitre V.1, pp. 159-165.
La paroisse et l’église Saint-Gilles
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT

Léon Guibourgé LA PAROISSE — L’ÉGLISE. SON ORIGINE, LE MARCHÉ-FRANC, RICHES PAROISSIENS, IMPORTANCE DU CURÉ.

     L’historien d’Etampes au XVIe siècle [sic], dom Fleureau nous dit au sujet de l’origine de la paroisse Saint-Gilles: «La tradition porte que ça n’a été au commencement qu’une chapelle succursale de la paroisse Saint-Martin d’Estampes les Vieilles, et que, le nombre des habitants s’étant augmenté à l’occasion de la concession de la tenue du Marché en ce lieu-là, et particulièrement à cause de la Franchise, d’où le nom de Marché franc, franchise qui fut accordée par le roi Louis VI le Gros à ceux qui établiraient leur demeure au-dedans des limites du lieu destiné par Sa Majesté pour la tenue du Marché, elle fut érigée en Cure distincte et séparée de Saint-Martin.»

     Pierre Plisson, avocat et conseiller du roi au XVIIe siècle à Etampes, nous rapporte de son côté: «Qu’il y a de grandes apparences que l’église est de fondation royale et qu’elle a esté bâtie par le roi Robert, dans le temps qu’il faisait sa demeure au chasteau d’Estampes, en forme de chapelle sous le nom de Saint-Gilles, comme dans un petit désert qui n’était pas éloigné du chasteau, pour satisfaire à sa piété et dévotion à l’imitation de ce saint. Cette chapelle-ci estait dans une agréable solitude et retraite, dans un lieu de chasses, au milieu des bois. Il est vrai qu’il ne l’a pas dotée de revenus et que dans la suite des temps, ayant esté érigée en paroisse, les paroissiens l’ont agrandie et édifiée.» [p.160]


     D’après ces deux auteurs, dom Fleureau et Pierre Plisson, primitivement Saint-Gilles n’était donc qu’une chapelle dans un lieu peu habité, entre deux quartiers importants d’Etampes Notre-Dame et Saint-Martin.

     De ces deux quartiers, le quartier Notre-Dame d’Etampes est sans aucun doute la partie de la ville la plus ancienne. La crypte de l’église actuelle, vestige d’une précédente église, est au moins de l’époque carolingienne, c’est-à-dire du IXe siècle, et suppose qu’il y avait déjà en cet endroit une ville d’une certaine importance. Il est vrai que l’on donnait autrefois au quartier Saint Martin le nom d’«Estampes-les-Vieilles», mais ce nom ne lui fut donné qu’au temps du roi Robert au XIe siècle, par opposition au quartier Notre-Dame que l’on a en quelque sorte rajeuni à cette époque par ses constructions et qui fut nommé «Estampes-le-Châtel».

     C’est à cette époque, au XIe siècle, que le quartier Saint-Gilles va se fonder entre les deux quartiers déjà existants. Je ne puis mieux faire pour montrer l’origine de ce quartier que de rapporter ce que dit M. le Comte de Saint-Périer dans son livre: La grande histoire d’une petite ville, Etampes.

     «Ainsi, vers le milieu du XIe siècle, Etampes se composait de deux villes: l’une, ouverte, ancienne et de quelque importance puisque des actes de Philippe Ier (1066-1108) nous apprennent qu’elle ne comprenait pas moins de trois églises: Saint-Martin, Saint-Alban et Saint-Mard; l’autre, véritable place-forte, comme nous le confirme la légende d’une monnaie de Philippe frappée à Etampes (Castellum stampis), à la fois ville militaire et résidence royale, qui avait pris de ce fait un rapide développement. Entre les deux agglomérations s’étendait un vaste espace inhabité qui le demeure seulement jusqu’au jour où le roi Louis VI eut l’idée d’y établir un marché en 1123.
     «Il accordait en même temps des privilèges aux marchands pour assurer leur sécurité et faciliter le transport et la vente de leurs marchandises. En outre, il cherche à donner une rapide activité à ce marché en peuplant ses abords. Pour cela il attire des hôtes, c’est-à-dire des sujets presque entièrement affranchis du servage, auxquels il concède une maison et quelques arpents de terre, avec l’exemption de l’impôt de la taille et du service de guerre pour dix ans, et la réduction du taux des amendes et du droit de mesurage des grains, le minage qui était dû au roi.
     «Cette politique, qui accentuait celle de ses prédécesseurs, intéressée sans doute, les rois ayant besoin des ressources et de l’appui que leur offrait Etampes, mais évidemment favorable
[p.161] à son développement, donna des résultats rapides. Une vraie ville ne tarda pas à se constituer, comme un trait d’union entre les deux autres, autour du marché et d’une nouvelle église bientôt édifiée: Saint-Gilles.»

     Le curé de Saint-Gilles, par sa situation devient dans la suite un personnage important. Pierre Plisson disait de la paroisse Saint-Gilles, au XVe siècle: «C’est encore l’unique paroisse indépendante, car on scay que les églises de Saint-Martin et de Saint-Pierre, dans les faubourgs, n’étaient anciennement que deux couvens de religieux et non des paroisses, et qu’il y a mesme encore à présent le prieur de Saint-Martin et le prieur de Saint-Pierre; que l’église de Saint-Basile n’est qu’une annexe de Notre-Dame; et que Notre-Dame mesme n’était autrefois qu’une maison de religion et que ce n’est encore à présent qu’une assemblée de chanoines qui, pour la commodité publique, a esté érigée en paroisse avec son annexe.
     «Le curé de Saint-Gilles se peut dire le seul curé d’Estampes comme un évesque en sa paroisse, indépendant, car on scay que le curé de Saint-Martin dépend du prieur de Saint-Martin, celui de Saint-Pierre du prieur de Saint-Pierre; ces prieurs ont les principaux droits et fonctions en ces deux églises. Les curés de Nostre-Dame et de Saint-Basile ne sont qualifiés que vicaires perpétuels avec de grandes dépendances du Chapitre de Nostre-Dame...»

Nef de l'église Saint-Gilles (carte postale Neurdein n°84)









Croquis de Léon Marquis (1873)

CONSTRUCTION ET AGRANDISSEMENT, PIERRES TOMBALES, LE CURÉ CLAUDE DE LAPORTE, LE SCULPTEUR NICOLAS LEGENDRE.

       Le quartier Saint-Gilles est devenu important à cause de son marché établi par le roi en 1123. La ville s’agrandit et les nouveaux habitants veulent une belle église. La chapelle existante est démolie et remplacée par une construction de style roman du XIIe siècle avec bas-côté et nef élevée. Le clocher est édifié en dernier lieu. C’est pourquoi il date du début du XIIIe siècle et est de style ogival.

     Par la suite, la paroisse prend de plus en plus d’importance. Dans la rue Saint-Jacques, qui longe l’église, des hôtels nombreux reçoivent les voyageurs, les pèlerins. Les rois de France venant souvent séjourner à Etampes, des officiers royaux, des serviteurs de la cour, des soldats et des marchands de toutes sortes s’établissent dans le quartier. Le commerce est florissant. Le marché [p.162] attire du monde. Aussi les dons et les concours affluent pour agrandir et embellir l’église.

     Au XVe siècle, l’église est transformée les piliers romans sont remaniés en piliers octogones sans chapitaux [sic]. Les voûtes du transept et du chœur sont refaites en ogive. Au XVIe siècle, on ajoute d’élégantes chapelles latérales. On construit même un double bas-côté dans la partie gauche de la nef.

     Dans cette belle église ainsi transformée, les fidèles sont fiers d’y faire [sic] enterrer leurs défunts. Les chapelles latérales contiennent de nombreuses plaques mortuaires relatant les noms et les qualités de ces défunts. Maxime Legrand, dans son livre: Etampes pittoresque, donne ainsi son impression: «Ces plaques s’élèvent le long des murs de l’église, témoins fidèles des siècles écoulés. L’une d’elles remonte à 1509, une autre vient du couvent des Cordeliers, une troisième recouvre les restes mortels d’un officier du roi et de l’eschansonnerie de la reine. Cette quatrième porte des amoiries [sic] rappelant le privilège fameux d’Eudes le Maire, dit Challo-Saint-Mard [sic]. Toutes ont pour la ville un grand intérêt. Plusieurs représentant des personnages en pied, le visage, les mains et les pieds taillés dans des plaques de marbre blanc encastrées dans la dalle. Cette évocation de l’ancien temps, sorte de danse macabre qui s’accroche aux murailles grises, entrevue clans la pénombre discrète du lieu saint, est d’un effet saisissant.»

     Vingt-deux pierres tombales s’alignent et se dressent dans les chapelles latérales, rappelant ainsi le passé. Parmi elles, il y a celle d’un curé de la paroisse. Je ne puis m’empêcher de vous lire les phrases édifiantes qu’elle contient:
     «Qui que tu sois, passant, arrête.
     «Honore le corps ici inhumé et prie pour l’âme pieuse de vénérable et discrète personne Messire Claude de Laporte, non moins distingué par sa dignité de Prêtre que par sa science et ses vertus, qui administra dignement cette paroisse et pendant 19 ans remplit dans cette église de Saint-Gilles tous les devoirs d’un vigilant pasteur.
     «Enfin, enlevé par une mort prématurée, il cessa de vivre ou plutôt, débarrassé du fardeau de son corps, il retourna à son Créateur; il existe donc encore, et élevé par le trépas au-dessus des nuages de l’envie, il garde à jamais la gloire, que lui ont value ses vertus, et sa félicité, prix de la droiture de son cœur, lui dont l’âme fut un trésor de piété, et qui n’aspirait qu’aux parfaites jouissances de l’éternité, dont il eut l’avant-goût ici-bas.
[p.163]
     «Il quitta la terre pour vivre au Ciel; il est entré dans la vie qui ne doit pas finir, dans la gloire dont rien ne peut obscurcir l’éclat ni troubler la sérénité.
     «Il a laissé par testament à la fabrique de céans une rente annuelle de 10 francs pour deux anniversaires dont l’un sera célébré le 24 avril et l’autre le 25 août, jour de son décès, l’an de Seigneur 1645.
     «Qu’il jouisse du repos éternel.»


     Parmi ceux qui s’intéressaient à l’embellissement de l’église, nous pouvons nommer le sculpteur étampois Nicolas Legendre. Au XVlIe siècle, on lui attribue un rétable [sic] en bois sculpté, des décorations faites en 1647 à la chaire et au maître-autel, et les statues de bois de saint Leu et de saint Gilles.

     Dom Fleureau note cette particularité que le Saint-Sacrement, suivant une coutume du moyen âge, était conservé jusqu’en 1632 au maître-autel, dans un ciborium, c’est-à-dire dans une sorte de vase suspendu à une grande crosse de cuivre jaune. Ce ciborium fut remplacé par un tabernacle.

 



Rétable en bois de de St Gilles par Nicolas Legendre, 16e siècle (carte postale Paul Allorge Ee7 n°37)

HALLE AU BLÉ, SA RESTAURATION, SES CLOCHES, SON BOMBARDEMENT EN 1944.

     Nous sommes au moment de la Révolution de 1789. L’Eglise Saint-Gilles sert d’abord de lieu de réunion aux assemblées révolutionnaires. En 1793. le conventionnel Couturier ordonne la conversion de l’église en halle au blé à la suite de la pétition suivante: «Il n’y a pas de halle au blé dans la commune d’Etampes quoiqu’il y ait un marché considérable. Il existe attenant au marché au blé, l’église de la ci-devant paroisse Saint-Gilles, qui formerait une halle toute bâtie, puisqu’il ne s’agit que d’ouvrir les cintres qui sont autour des murs du dehors de ladite église. Les. autorités de la commune vous prient de leur accorder cette église...»

     Après la Révolution l’église est rendue au culte. Les paroissiens la remettent en état. La tourmente révolutionnaire avait emporté les cloches des églises. Une seule restait dans les clochers, qu’on appelait la cloche civique.

     La cloche restante de Saint-Gilles datait du XVIe siècle. On peut y lire en caractère gothique cette inscription: «Gilles suis nommée l’an mille VC LXXVIII.»

     En 1850, on fait l’acquisition d’une nouvelle cloche, plus petite. Elle porte cette inscription: [p.164]
     «J’ai été fondue l’an de N. S. 1850 et baptisée la même année par révérendissime Jean-Nicaise Gros, évêque de Versailles, J’ai été nommée Marie-Flore par M. Alexis Buffet, curé de Saint-Basile, mon parrain, et Mlle Flore Ruelle, ma marraine. Le conseil de Fabrique étant composé de MM. Baron Deshayes, président, Dupont, trésorier, Cazier, Chevalier et Caudel. Le curé de la paroisse étant Ferdinand-Lucien Lesot. Aug. Hildebrant, fondeur à Paris.
»

     Le successeur de l’abbé Lesot, le curé François Gourigoux apporte tous ses soins à la restauration complète de l’église. A cette époque, la voûte de l’église était-elle en bois? avait-elle besoin d’être refaite? En tout cas, le curé fait construire une voûte dans le style ogival masquant la voûte primitive romane. Le grand orgue est restauré. Des vitraux sont réparés. Les paroissiens lui témoignent leur reconnaissance dans une plaque mortuaire apposée dans l’église.

     On y lit: «A la mémoire de François-Henri Gourigoux, curé de Saint Gilles pendant 24 ans. L’église lui doit sa complète restauration et la paroisse une direction sage et assurée. Il a été enlevé à l’affection de ses paroissiens le 28 mars 1882 dans sa 72e année. Nous n’oublions pas son souvenir...»

     Les curés suivants ont continué à mettre tous leurs soins dans l’entretien de leur église qu’ils considéraient à juste titre comme une belle église.

     Pendant la guerre de 1870 des prisonniers français y furent enfermés et un certain nombre purent s’échapper grâce à la complicité des habitants. L’église n’en souffrit pas.


    Mais la grande guerre a passé, il n’y a pas si longtemps dans un terrible bombardement, en y laissant des blessures profondes.

     Dans la nuit du 9 au 10 juin 1944, à minuit cinq, le bombardement d’Etampes commença et dura une demi-heure. Ce fut une pluie de bombes déferlant principalement sur le quartier Saint-Gilles.

     Permettez-moi de rappeler dans cette pénible circonstance mes souvenirs personnels. J’étais descendu dans la cave du presbytère de la rue Evézard, me demandant au milieu des explosions et du tremblement du sol, ce qu’il allait rester du quartier Saint-Gilles. Les avions partis, les explosions continuaient. C’étaient les bombes à retardement. Au petit jour, angoissé, je me rends vers Saint-Gilles. Un service d’ordre empêchait de passer car les bombes explosaient toujours. On me laisse cependant continuer mon chemin. Tout d’un coup une grêle de [p.165] projectiles tombe autour de moi, je reçois un choc violent sur la tête qui fait tomber mon chapeau. A moitié étourdi je porte la main à la tête. Je la retire pleine de sang. J’avais reçu un éclat de bombe. On me conduit à l’hôpital. J’en ressors auréolé d’un pansement. Cependant je reprends le chemin de Saint-Gilles. J’arrive au milieu des maisons éboulées, l’église toujours debout mais dans quel état. Les bas-côtés sont effondrés, la voûte intérieure est complètement à terre jonchant le sol de la nef de ses débris. Et au milieu de ce chaos, j’aperçois mon brave ami, le curé de Saint-Gilles, ceint d’un tablier de jardinier qui essayait de récupérer au milieu des pierres un peu de son mobilier. Et pourtant il y avait du danger à rester là, car non loin, près d’un pilier était encore une grosse bombe non éclatée et qui pouvait exploser d’un moment à l’autre.

     Notre brave curé d’alors est décédé. Son successeur lui aussi est attaché à son église. Aidé par les Beaux-Arts, il panse patiemment ses blessures, et bientôt restaurée complètement la voûte romane remise dans son état primitif, la Maison de Dieu sera plus belle que jamais. [p.166]

Cliché pris au lendemain du bombardement
 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT
BIBLIOGRAPHIE

Éditions
Léon Guibourgé
     Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ (chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président de la Société artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix), Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes, Éditions d’art Rameau, 1954.

    
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.

    
Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [réédition en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997.

    
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: La paroisse et léglise Saint-Gilles (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes501saintgillesparoisse.thml, 2004.


Toute correction, critique ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 159-165. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004.
    
Explicit
   
SommaireNouveautésBeaux-ArtsHistoireLittératureTextes latinsMoyen Age Numismatique — LiensRemerciementsAssociationNous écrire - Mail