CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
 Maxime de Montrond
Étampes de 1534 à 1559
Essais historiques sur la ville d’Étampes, chapitre XVII
1837
 
Anne de Pisseleu (dessin attribué à l' école de François Clouet)
Diane de Poitiers (dessin attribué à l'école de François Clouet)
Anne de Pisseleu Diane de Poitiers
   
     Ce chapitre est très intéressant. Il est en effet à l’origine méconnue d’une légende romantique étampoise promise à une longue postérité, légende selon laquelle les deux plus beaux hôtels particuliers de la ville, l’un daté de 1538 et l’autre de 1554, auraient été érigés successivement par les deux favorites royales auxquelles fut donné le duché d’Étampes à cette époque, à savoir Anne de Pisseleu puis Diane de Poitiers. J’ai montré en 2009, sur la base de minutieuses recherches d’archives, qu’il fallait en réalité les attribuer à deux officiers royaux étampois, l’un receveur des aides et l’autre receveur du Domaine, à savoir Jean Lamoureux et Esprit Hattes.
B.G., 2012

      La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
     
Essais historiques sur la ville d’Étampes
Étampes, Fortin, 1837, tome 2
Chapitre XVII et Notes I et IV, pp. 67-83, 209-211 et 221-228.
Étampes de 1534 à 1559
 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT


CHAPITRE DIX-SEPTIÈME
ÉTAMPES DE 1534 A 1559

suivi de: NOTE I

ÉRECTION DU COMTÉ D’ÉTAMPES EN DUCHÉ, PAR FRANÇOIS Ier, AU MOIS DE JANVIER 1536.

suivi de: NOTE IV
ÉCLAIRCISSEMENS ET DÉTAILS HISTORIQUES SUR LA COUTUME DU BAILLIAGE D’ÉTAMPES.


     Chapitre XVII: François Ier. Henri II Anne de Pisseleu Érection du comté d’Étampes en duché Diane de Poitiers Quelques détails historiques sur ces deux duchesses d’Étampes. Note I: Érection du Comté d’Étampes en duché, par François Ier, au mois de janvier 1536. Note IV: Eclaircissemens et détails historiques sur la coutume du bailliage d’Étampes.

     Nous voici arrivés à l’époque où le comté d’Étampes, changeant de titre va passer des mains royales entre celles de nobles dames de la cour, dont la beauté seule aura fait les droits en captivant la faveur du monarque. Ce n’est pas sans quelque crainte que nous abordons un pareil sujet. Le chroniqueur spirituel et malin pourrait ici égayer le lecteur à l’aide de traits piquants ou d’anecdotes dont le scandale formerait le principal intérêt. Pour nous, en nous bornant à recueillir fidèlement les faits consignés dans l’histoire, nous nous sommes efforcés de ne point déchoir de la gravité de l’historien que [p.68] nous désirons garder toujours dans nos récits. Au reste nous ne dissimulons point nos regrets sur le changement survenu dans le choix des maîtres du comté d’Étampes. Cette cité presque constamment gouvernée par des princes et princesses du sang royal, ou par des guerriers va1eureux, pouvait-elle se trouver flattée de devenir l’apanage de titres si différens? Si le séjour d’Anne de Pisseleu, de Diane de Poitiers dans ses murs, pouvait y attirer les plaisirs et la galanterie, quel bienfait réel et solide pouvait-elle retirer de ces belles personnes, uniquement occupées du soin de maintenir leur faveur? Aussi leur passage à Étampes n’est-il signalé par rien de remarquable pour la contrée, et n’aurons-nous à nous occuper ici que de quelques faits qui leur sont personnels.

     Le roi François Ier revenait en France, après sa captivité d’Espagne, lorsque ayant vu parmi les filles d’honneur de Louise de Savoie, sa mère, mademoiselle de Helly, il fut frappé de sa beauté et conçut pour elle un violent amour. Anne de Pisseleu (c’est le nom sous lequel elle figure dans l’histoire) était issue d’une ancienne famille de Picardie (1508); elle brillait alors. à la cour de tout l’éclat de sa jeunesse, joint à tous les agrémens du corps, et aux plus heureux dons de l’esprit. Elle estimait et recherchait les hommes de science, et lisait avec plaisir leurs, ouvrages. Aussi l’appelait-on, communément la plus savante des belles, et la plus belle des savantes. Les titres de protectrice, de Mécène des beaux esprits, ne lui furent pas non plus épargnés; François Ier, trop sensible à tant de charmes séduisans, faillit, se laissa vaincre; et poète couronné, quittant [p.69] parfois le sceptre royal pour la lyre du troubadour, il ne dédaigna point d’en tirer de galans accords, en l’honneur de celle dont l’esprit et les grâces avaient charmé son cœur (1).

     Mais de simples hommages poétiques ne furent point les seuls dont le roi de France se plut à gratifier la belle Anne de Pisseleu. La mort de Jean de la Barre, dernier comte d’Étampes, avait fait rentrer ce comté dans le domaine de la couronne; François Ier porta sa vue sur ce riant domaine et en fit don à sa favorite (2).

     (1) Parmi quelques monumens de ce genre qui nous sont restés, on me permettra de citer ce joli dizain:
     — Est-il point vrai, ou si je l’ai songé,
     Qu’il est besoin m’éloigner et distraire
     De notre amour et en prendre congé?
     Las! Je le veux; et si ne le puis faire.
     Que dis-je? veux; c’est du tout le contraire:
     Faire le puis, et ne puis le vouloir;
     Car vous avez là réduit mon vouloir,
     Que plus tâchez ma liberté me rendre,
     Plus empêchez que ne la puisse avoir,
     En commandant ce que voulez défendre.
     (2) Les lettres-patentes délivrées par le roi François Ier en cette occasion, furent données à Chantilly, le 23 juin de l’an 1534.
     Anne de Pisseleu avait épousé Jean de Brosses, noble ruiné, privé de tous ses biens par suite de la part que son père Réné avait prise à la révolte du duc de Bourbon. Mais François Ier les lui restitua, le décora du collier de l’ordre, et le nomma gouverneur de Bretagne. Jean de Brosses, de pauvre qu’il était, devint riche et puissant, et revendiquant sa part dans le dernier don de la [p.70] libéralité royale, il ajouta à ses anciens titres celui de comte d’Étampes.

     Le roi ne borna point là ses faveurs envers la nouvelle comtesse. Deux ans ne s’étaient pas écoulés encore depuis que Jean de Brosses et Anne de Pisseleu possédaient le comté d’Étampes, que déjà le monarque, entraîné par sa passion, l’érigeait en duché en faveur des deux époux (1).

     (1) Voir aux pièces justificatives le titre de l’érection du comté d’Étampes en duché.
     Ce fut alors que les poètes du temps, jaloux de plaire à celle qui maîtrisait le roi, s’empressèrent d’exalter à l’envi, les grâces, la beauté, l’esprit et les talens de la nouvelle duchesse d’Étampes. L’un d’eux, Clément Marot, la confondant dans son admiration flatteuse, avec le gracieux domaine qu’elle avait reçu en don, en vint jusqu’à dire que Jupiter avait transporté la vallée de Tempé de la Thessalie à Étampes, pour y loger de France la plus belle (2). Tel était l’esprit du temps. Aujourd’hui de semblables hommages poétiques paraîtraient à bon droit fades et ridicules; si la flatterie habite encore parfois au sein des cours, l’esprit humain du moins a plus d’indépendance; et les vrais poètes, gens de cœur et de grave génie, aiment à placer sur un plus noble champ leurs talens et leur gloire.
     (2) Voir ces vers de Clément Marot, au tome Ier de cet ouvrage, note 1, page 188 [ici].
     Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes, parvint au plus haut degré de la faveur; et tant que vécut François Ier, [p.71] elle conserva toujours un grand ascendant sur son esprit. Heureuse encore la France, si cette belle favorite avait su profiter de son pouvoir pour le faire servir aux vrais intérêts du royaume! Mais il n’en fut point ainsi: elle trahit au contraire la cause du monarque, et paya d’ingratitude ses bienfaits, en révélant à l’empereur Charles-Quint des secrets importans dont la découverte fit battre nos armées. Elle voulait par là, dit-on, s’assurer l’appui de ce souverain, et se ménager une retraite dans ses états, lorsque la mort ou l’inconstance du roi aurait fait évanouir son éphémère puissance.

     Le nom de Charles-Quint nous remet en mémoire une anecdote dans laquelle la duchesse d’Étampes joue un rôle important. Cet empereur résolu de passer dans les Pays-Bas, pour soumettre les Gantois révoltés, avait demandé au roi de France la permission de traverser librement son royaume (1539). François Ier, prince loyal et généreux, la lui accorda et voulut encore qu’il fût reçu partout avec pompe et magnificence. Cependant durant le séjour de Charles-Quint à Paris, la duchesse d’Étampes, à l’exemple d’autres courtisans, engageait le roi à profiter de cette occasion favorable pour faire révoquer les dures conditions du traité de Madrid. Mais le prince refusait de prendre un parti qui répugnait à sa noble franchise. Il ne dissimulait pourtant point, en présence de l’empereur lui-même, l’avis important que plusieurs personnes lui suggéraient. «Mon cousin, lui dit-il un jour, en lui montrant la duchesse d’Étampes, voilà une belle dame qui me conseille de ne point vous laisser sortir de Paris, que vous n’ayez révoqué le [p.72] traité de Madrid. 
«Si le conseil est bon, répondit Charles-Quint, sans paraître étonné, il faut le suivre». L’empereur craignant toutefois que la loyauté de son rival ne cédât enfin aux instances de la puissante duchesse, crut devoir la mettre dans ses intérêts. Le lendemain donc, comme il lavait ses mains avant souper, la noble dame tenant la serviette, il laissa tomber de son doigt un diamant de grand prix, qu’elle releva aussitôt pour le lui rendre. «Duchesse, il vous appartient, lui dit le monarque, il est en de trop belles mains pour que j’ose le reprendre».

      Anne de Pisseleu se servit de son crédit à la cour pour enrichir ses amis et perdre ses ennemis. L’amiral Chabot, dégradé par arrêt du parlement, fut par ses soins rétabli dans sa charge (1542), et le chancelier Poyet, dont elle croyait avoir à se plaindre, fut privé de la sienne (1545). Elle s’attacha surtout à combler de dignités les divers membres de sa famille.


     Cependant le moment fatal qu’elle redoutait, ne tarda point à arriver. François Ier mourut, et avec ce monarque s’évanouit toute la puissance de la duchesse d’Étampes (1547). Abandonnée des courtisans, devenue un objet de mépris aux yeux du roi Henri Il, qui 1’obligea de lui restituer un diamant de cinquante mille écus provenant des libéralités du monarque défunt, elle quitta la cour et se retira dans l’une de ses terres. C’est là qu’elle vécut longtemps encore, dans un profond oubli et le cœur déchiré de remords. On dit que dans sa retraite elle embrassa la religion prétendue réformée, et consacra à opérer des conversions à cette secte, les revenus des grands biens [p.73] qu’elle avait acquis durant le temps de sa faveur (1). Dès l’instant de sa disgrâce, Anne de Pisseleu avait perdu le duché d’Étampes. Henri II, fils et successeur de François Ier, le retira de ses mains. Quelques années après son élévation au trône, ce prince en fit don lui-même à Diane de Poitiers, qui, lorsqu’il n’était encore que dauphin avait déjà su prendre sur son cœur le plus grand empire (1553).
     (1) Anne de Pisseleu mourut dans sa retraite vers l’an 1576. Jean de Brosses, ou de Bretagne, avait été privé du duché d’Étampes en 1553: mais le roi Charles IX étant parvenu à la couronne, concéda de nouveau ce duché au même seigneur pour en jouir deux ans seulement (avril 1562). Au mois d’août de l’année suivante, il lui continua cette jouissance pour le reste de sa vie, en récompense des bons services qu’il avait toujours rendus à l’état. (Voir les termes de l’ordonnance).
     Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, née en 1499, était fille de Jean de Poitiers, comte de Saint-Vallier, issu d’une ancienne et illustre famille du Dauphiné. La nature prit plaisir à la parer de tous les charmes de la figure et de tous les dons de l’esprit. Après quelque séjour auprès de la duchesse d’Angoulême, mère de François Ier, elle fut placée en qualité de fille d’honneur auprès de la reine Claude, fille de Louis XII; et à l’âge de quinze ans, elle épousa Jean de Brézé, comte d’Anet et sénéchal de Normandie.

      L’un des premiers traits sous lesquels Diane de Poitiers apparaît dans l’histoire, nous là représente humblement [p.74] prosternée sur les marches du trône et sollicitant avec les pleurs de l’amour filial, la grâce d’un père prêt à périr. Le comte de Saint-Vallier, accusé d’avoir favorisé la fuite du connétable de Bourbon, avait été condamné à perdre la tête (1523). L’arrêt fatal allait s’exécuter, lorsque Diane, sa fille, vint les yeux baignés de larmes, se jeter aux pieds de François Ier et implorer sa clémence. Le roi se laissa fléchir, et plus sensible encore aux attraits de Diane que touché de ses pleurs, il lui accorda la grâce entière du coupable (1). Quoi qu’il en soit des suites imprévues de cette démarche, on aime à reposer sa vue sur ce beau trait d’amour filial, et ce premier tableau, qu’offre l’histoire d’une femme célèbre, ne peut qu’intéresser vivement à ses futures destinées.
     (1) Au rapport de quelques historiens le sentiment de la peur fit en cette circonstance une telle révolution sur la tête du pauvre comte, que tous ses cheveux blanchirent subitement en une nuit. On ajoute qu’il éprouva une fièvre très violente, dont il ne put jamais entièrement guérir. C’est de là qu’est venu le proverbe de la fièvre de Saint-Vallier.
     François Ier, jusqu’à son voyage d’Italie, conserva toujours en son âme le vif et tendre sentiment que lui avait inspiré Diane de Poitiers. Mais au retour de sa captivité, ce prince avait ouvert son cœur à un autre amour, et la belle Anne de Pisseleu ayait su prendre sur lui un empire souverain.

     Cependant Diane n’avait fait que descendre un seul degré du trône, et déjà elle régnait à son tour puissante et fière sur l’âme de Henri II, fils de François Ier et dauphin de France. Elle était âgée de plus de quarante ans, lorsque le jeune prince, à l’âge de dix-huit, en [p.75] devint vivement épris. Mais l’on sait, comme nous l’apprennent les historiens, que les grâces et la beauté de Diane furent à l’épreuve du temps, et que, par un singulier privilège, elle jouit jusque dans sa vieillesse des principaux attraits dont le charme s’évanouit d’ordinaire avec les jeunes ans (1) [p.76]


     Henri Il devenu roi, avoua hautement son amour pour Diane de Poitiers. Il la créa duchesse de Valentinois, ensuite duchesse d’Étampes, et jusqu’à la fin de son règne, il se laissa dominer par l’ascendant qu’elle avait acquis sur son esprit. On peut donc dire que le règne de Henri II fut en quelque sorte celui de Diane. S’il est vrai que ce prince perdit dans le commerce de cette noble dame la rudesse et la férocité que le maniement des armes, et les autres exercices violens auxquels il était fort enclin commençaient à lui faire contracter, on doit ajouter qu’il y puisa aussi un esprit de mollesse et de dissipation, le goût du faste et du luxe frivole, et une funeste prodigalité qui obérèrent les finances de l’Etat et préparèrent les malheurs des règnes suivans.


     La duchesse d’Étampes était loin cependant d’avoir elle-même les habitudes de vaine délicatesse et de mollesse efféminée qu’on rencontre d’ordinaire chez les personnes de son sexe et de son rang. Elle affectait au contraire de se distinguer entre les femmes de la cour par des goûts mâles et chevaleresques. On rapporte que réveillée tous les jours à six heures, elle montait à cheval, faisait ainsi une ou deux lieues, et rentrait ensuite dans ses appartemens où elle lisait jusqu’à midi. Quelques historiens jaloux de relever les plus minces détails sur cette femme célèbre, ont remarqué que dans les plus grands froids elle se lavait toujours le visage avec de l’eau de pluie, et que jamais dans sa toilette elle ne fit usage d’aucune espèce de parfums; et cependant ils ajoutent que Diane ne fut jamais malade, et qu’elle conserva jusqu’à la fin de sa vie l’éclat et la fraîcheur de la jeunesse. [p.77]

     (1) Au nombre des qualités qu’on remarquait dans Diane de Poitiers, on doit rappeler ici son estime pour la science, et pour les gens de lettres dont elle s’honorait d’être la protectrice. Cette noble dame s’essayait elle-même parfois à manier la lyre; et, nouvelle Sapho, elle célébrait alors ses amours, gracieuse comme la fille de Lesbos, mais, comme elle aussi, trop libre dans ses mœurs et dans sa poésie.
     Nous permettra-t-on de citer un petit échantillon du talent poétique de cette duchesse d’Étampes. Voici comme elle raconte la chute du Dauphin dans les pièges qu’elle tendit imprudemment à son jeune âge et à son inexpérience:
 «Voicy vraisment, qu’Amour un beau matin
S’en vint m’offrir flourette très gentille;
 La, se prit-il, aournez vostre teint,
Et vistement violiers et jonquille
Me rejettoit, à tant que ma mantille
En estoit pleine et mon cœur en pasmoit;
( Car, voyez-vous, flourette si gentille
Estoit garçon frais, dispos et jeunnet.)
Ains tremblottante et destournant les yeux...
 Nenni.... disoi-je. - Ah! ne serez déçue,
Reprit Amour; et soudain à ma vue
Va présentant un laurier merveilleux.
 Mieux vault, lui dis-je, être sasge que royne.
Ains me sentis et fraimir et trembler.
Diane faillit; et comprendrez sans peine
Du quel matin je praitends reparler.»
(Manuscrit de la Bibliothèque royale)
     Durant les douze années du règne de Henri II, Diane de Poitiers vécut donc en souveraine soit à la cour, soit dans son palais de la ville d’Étampes, où nous irons tout à l’heure chercher des traces de son fréquent séjour. Le jeune monarque, toujours plus épris de sa beauté, avait fait frapper des médailles en son honneur (1). Quelques auteurs prétendent que la belle devise du croissant, avec ces mots: Donec totum impleat orbem, qu’avait adoptée Henri II, était un souvenir de son amour pour Diane de Poitiers. Entourée de tant d’honneurs, la duchesse d’Étampes conservait dans ses manières et ses relations avec le monarque, un caractère de fierté qui lui était comme naturel et qui contribua sans doute à accroître la haine de ses nombreux ennemis. La reine Catherine de Médicis, irritée contre celle qui lui avait enlevé le cœur de son époux, saisissait toutes les occasions d’humilier son orgueil. Mais Diane par son habileté déjouait le plus souvent ses attaques. Cependant quelques fidèles courtisans de Catherine s’efforçaient de consoler leur triste souveraine. Ils ne pouvaient comprendre comment la duchesse d’Étampes avait su prendre tant d’ascendant à la cour: aussi dans un temps où l’on avait une crédulité aveugle pour les prétendus effets de la magie, feignaient-ils, devant la reine de croire le roi ensorcelé, plutôt que subjugué par les attraits de sa rivale. [p.78]



     (1) On conserve encore quelques unes de ces médailles. Sur l’une des faces, on voit le buste de Diane de Poitiers, avec ces mots: Diana dux Valentinorum clarissima [«Diane très illustre duchesse de Valentinois» (B.G.)]. Sur le revers, Diane vêtue en chasseresse, foule aux pieds l’Amour. Autour on lit ces mots: omnium victorem vici [«J’ai vaincu le vainqueur de tous» (B.G.)].
     Mais tout le crédit de la duchesse d’Étampes devait bientôt s’évanouir avec le monarque qu’une fin prématurée allait ravir à la France. Henri II blessé à mort dans un tournoi, voyait presque à la fleur de l’âge, arriver le terme de ses jours (1559). Il respirait encore, quand déjà la foule des courtisans, humblement rangés la veille autour de la belle Diane, s’éloignait d’elle avec mépris. Catherine de Médicis lui fit intimer l’ordre de rendre sur-le-champ les pierreries et les joyaux de la couronne, et de se retirer dans un de ses châteaux. «Le roi est-il mort? demanda fièrement Diane au messager de la reine.  «Non, Madame, répondit-il, mais il ne passera pas la journée.  Hé bien, répliqua-t-elle, je n’ai donc point encore de maître. Que mes ennemis sachent du reste, que quand ce prince ne sera plus, je ne les crains point. D’ailleurs, si j’ai le malheur de lui survivre longtemps, mon cœur sera trop occupé de la douleur de sa perte, pour que je puisse être sensible aux chagrins qu’on voudra me donner.». Dès que le roi eut expiré, Diane se vit abandonnée de tous. Le duché d’Étampes fut retiré d’entre ses mains (1); et les Guises, alors tout-puissans, la firent chasser de la cour avec ignominie. L’infortunée se retira dans sa belle maison d’Anet, qu’elle acheva de faire construire. C’est là qu’elle vécut désormais, supportant sa disgrâce avec calme et courage; et toujours aussi fière [p.79] dans sa mauvaise fortune, qu’elle l’avait été au sein des honneurs, et dans le palais des rois (1).
     (1) Diane de Poitiers fut dépossédée du duché d’Étampes, en vertu de l’édit de révocation des dons et aliénations du domaine, donné par le roi François II, au mois d’août 1559.


     (1) Diane mourut au château d’Anet, en 1569 dans la 67e année de son âge.
     Ainsi finit la carrière de Diane, duchesse d’Étampes, célèbre entre toutes les femmes de son temps par sa beauté, son esprit et ses grâces. Quelques historiens, non contens de blâmer en elle la conduite coupable qui déshonora sa vie, l’ont accusée d’actions basses et viles qui terniraient encore sa mémoire. Ils lui ont reproché, par exemple, de s’être enrichie aux dépens du pauvre peuple. D’autres écrivains l’ont jugée plus favorablement, tel fut le chroniqueur Brantôme. Qu’on nous permette de terminer par une citation de cet auteur, tous les détails consignés ici sur Diane de Poitiers. «Je la vis, dit cet historien, six mois avant sa mort, si belle encore, que je ne sache cœur de rocher qui ne s’en fût ému, quoique quelque temps auparavant elle se fût rompue une jambe sur le pavé d’Orléans, allant et se tenant à cheval aussi dextrement et dispostement comme elle avait jamais fait; mais le cheval tomba et glissa sous elle. Il aurait semblé que telle rupture et les maux qu’elle endura, auraient dû changer sa belle face, point du tout: sa beauté, sa grâce et sa belle apparence étaient toutes pareilles qu’elles avaient toujours été. C’est dommage que la terre couvre un si beau corps; elle était fort débonnaire, charitable et aumônière. ll faut que le peuple de France prie Dieu [p.80] qu’il ne vienne jamais favorite de roi plus mauvaise que celle-là, ni plus malfaisante (1)...».
     (1) Voyez Brantôme.
     Non loin de l’église de Saint-Basile d’Étampes et dans la rue Sainte-Croix, l’étranger s’arrête encore avec plaisir devant deux maisons dont la forme et les ornemens annoncent assez que leur construction date de l’époque de la renaissance de l’art. Ces deux habitations voisines qui sans doute autrefois se réunissaient en une seule*, sont séparées aujourd’hui par quelques bâtimens modernes parmi lesquels se trouve 1e presbytère de la paroisse.

     Mais en les visitant toutes deux, on aime à y découvrir de nombreuses traces du séjour qu’y firent les hôtes illustres sur lesquels nous venons de porter nos regards. Cette enceinte formait en effet jadis le palais des duchesses d’Étampes; elle date évidemment du seizième siècle, mais elle paraît avoir été construite partiellement, et à diverses époques de cette période.
     * Cette hypothèse très aventurée, pour ne pas dire abracadabrante, est faut-il le dire totalement démentie par les archives. Au reste, il n’est aucune trace ne serait-ce même que d’un seul passage d’Anne de Pisseleu ou de Diane de Poitiers à Étampes, qui, ni l’une ni l’autre n’avait intérêt à s’écarter un seul jour de la présence royale. (B.G. 2012)
     Dans celle des deux maisons qui est le plus rapprochée de l’église, les lettres D et H entrelacées**et sculptées sur plusieurs des fenêtres qui entourent la cour intérieure, ne permettent point de douter qu’elle n’ait été l’un des séjours de plaisance du roi Henri II, et de la belle Diane de Poitiers, dont ce prince aimait à réunir le chiffre avec le sien. On peut même inférer de la date 1554, gravée sur la principale porte d’entrée et sur une des belles fenêtres en mansarde qui dominent cette cour, que cette portion du palais a été construite ou du moins restaurée [p.81] pour Diane; c’est en 1553 que le roi lui donna le duché d’Étampes, et sans doute il voulut par de nouveaux embellissemens lui rendre ce présent plus agréable et plus précieux.
     ** Ce monogramme bien connu, et considéré comme volontairement ambigu, combine en réalité offiiciellement les lettres C et H pour Catherine (de Médicis) et Henri, mais il peut être lu aussi bien D et H (Diane et Henri). J’ai montré en 2009 que cet hôtel a été érigé en réalité en 1554 par Esprit Hattes, qui était alors receveur du Domaine pour le compte de la duchesse Diane de Poitiers. C’était aussi un officier royal qui devait rendre ses comptes devant la chambre des comptes du royaume. C’est à ce double titre qu’il a orné son hôtel particulier du monogramme royal ambigu qu’on vient de dire (B.G.2012).

     La cour, régulièrement bâtie dans le style du règne de ce prince est entourée de détails gracieux d’architecture. Les chambranles des portes et des croisées, les corniches y sont décorées de figurines et d’arabesques délicatement exécutées. On y remarque particulièrement, au dessus d’une porte cintrée, ornée de deux petites colonnes corinthiennes et cannelées qui servaient probablement d’entrée à une chapelle, un élégant bas-relief bien conservé. Il est composé de treize figures, la Vierge et les douze apôtres; et il représente la descente du Saint-Esprit sur les premiers pasteurs de l’église chrétienne (1).

     La maison que nous décrivons appartient à madame de Bouraine, veuve d’un ancien sous-préfet d’Étampes, qui pendant plusieurs années en avait fait le siège de sa sous-préfecture.

     L’autre édifice qui terminait probablement le palais, [p.82] et qui forme l’angle des rues Sainte-Croix et du Pain, est d’un style non moins remarquable que le premier, et présente comme lui autour de la cour d’entrée des sculptures délicates et d’un goût charmant sur ses croisées et ses corniches. Au dessus de la porte intérieure se trouve également un bas-relief sculpté avec beaucoup de grâce et de finesse. Le sujet, plus profane, est une danse de génies entrelaçant leurs mains à l’aide de guirlandes. L’un d’eux, placé à l’une des extrémités, joue de la flûte, et semble provoquer la bande joyeuse à une folâtre gaîté.

     (1) On doit remarquer que ce bas-relief est surmonté d’un écusson aux armes de Bretagne (champ d’argent parsemé d’hermines). Si ces armes se rapportaient seulement à Anne de Bretagne, duchesse d’Étampes sous Louis XII, et morte en 1514, elles contrarieraient la date de 1554, que nous avons citée plus haut, comme époque probable de la construction de cette maison. Mais ces armes étaient prises aussi par Jean de Brosses, mari d’Anne de Pisseleu, et qui par son origine maternelle se rattachait à la maison de Bretagne. Si donc le bas-relief des apôtres est du temps d’Anne de Bretagne, peut-être aura-t-il été transporté après elle de la partie du palais qui n’existe plus dans la maison de Diane; s’il en est autrement, il est probable qu’il aura été créé et ajouté aux ornemens qui les décoraient, par Jean de Brosses, lequel fut remis en 1562, après la disgrâce de Diane, en jouissance pour sa vie du duché d’Étampes. [Ce témoignage de Montrond est très intéressant car ce blason est aujourd’hui totalement effacé. Son interprétation est également très crédible: Jean de Brosses a en effet été duc d’Étampes pour la seconde fois de 1562 à 1565. Jean Hattes, mort en 1571, est alors procureur du roi à Étampes. Par ailleurs j’ai montré aussi que la descente du Saint-Esprit sur la Vierge Marie est une allusion aux prénoms d’Esprit Hattes et de sa seconde épouse Marie Paulmier, fille du bailli de la Forêt-le-Roi (B.G. 2012).]
     Dans un des angles de la cour, sur une porte latérale, cintrée et basse, on voit encore dans un médaillon, les restes mutilés d’un buste en relief très saillant, et presque de ronde bosse, dont 1a pose et les accessoires font reconnaître à l’instant François Ier*. La construction de cette maison pourrait donc lui être attribuée; cette conjecture semble justifiée par le style de son architecture, et surtout par la date de 1538 gravée sur un cartouche, parmi les ornemens délicats et gracieux qui entourent la fenêtre la plus voisine du médaillon. Ce buste fut mutilé, dit-on, dans un passage des Marseillais en 1793. Une autre tête d’une beauté remarquable, et en fort belle pierre, se détache entièrement de l’un des murs, [p.83] presque au dessus du buste de François Ier, et des croisées du premier étage. Il ne serait pas étonnant que ce fût le portrait de la belle duchesse Anne, à laquelle cet édifice aurait été spécialement affecté.
     * J’ai montré aussi en 2009 que cet hôtel a en réalité été construit en 1538 par Jean Lamoureux, alors receveur des aides à Étampes, comme le signalent la ronde des Amours que porte le linteau de la porte de son hôtel particulier, et la scène qui la surplomble, où l’on voit un Amour offrir une pomme à sa mère Vénus, pendant qu’un autre Amour joue avec les armes de son père Mars. En temps que receveur des aides, Jean Lamoureux était un officier royal qui devait rendre ses comptes à la cour des comptes du royaume, ce qui explique qu’il ait fait représenter le roi sur la façade de son hôtel, comme plus tard Esprit Hattes, receveur du Domaine, fit représenter le monogramme d’Henri II sur la façade du sien (B.G. 2012).
    Cette seconde maison appartient aujourd’hui à MM. Dupré de Saint-Maur, qui se font un devoir très louable aux yeux des artistes de la conserver dans toute la pureté de son remarquable style.

     Chapitre XVII: François Ier. Henri II Anne de Pisseleu Érection du comté d’Étampes en duché Diane de Poitiers Quelques détails historiques sur ces deux duchesses d’Étampes. Note I: Érection du Comté d’Étampes en duché, par François Ier, au mois de janvier 1536. Note IV: Eclaircissemens et détails historiques sur la coutume du bailliage d’Étampes.


NOTE I
Érection du Comté d’Étampes en duché,
par François Ier, au mois de janvier 1536.

(Chap. XVII, p. 70)

     François, par la grâce de Dieu, roi de France, sçavoir faisons à tous présens, et à venir, que nous considérant que le comté d’Estampes est de belle, et de grande estendue, et de bon et gros revenu: tenu et réputé une des plus notables, et anciennes maisons de nôtre roiaume, dont dépendent plusieurs beaux fiefs, et arrière-fiefs, vassaux, sujets, places et seigneuries: voulant pour la décoration de notre dit roiaume eslever le dit comté en plus haut titre et dégré; Nous, à ces causes, par l’avis et délibération des princes de notre sang, et des gens de notre conseil privé, avons de nôtre certaine science, propre mouvement, pleine puissance, et autorité roiale, iceluy comté d’Estampes eslevé, erigé, et decoré: et par ces présentes élevons, et décorons de tiltre, nom, autorité, et prérogative
[p.210] de duché; et tel voulons qu’il soit tenu et réputé à tousjours perpetuellement: et à ce que le dit comté, puisse mieux estre, et durer es dits noms, et dignité de duché. Nous à iceluy avons de nôtre certaine science, uny et incorporé: et par ces presentes unissons, et incorporons les chastellenies, terres, et seigneuries de Dourdan, et la Ferté Alès, aux honneurs, privilèges, prérogatives, libertez, franchises, exemptions, et prééminences appartenant à duché, sous une seule foy et hommage de nous et de notre couronne, et sous le ressort immédiat de nôtre cour de parlement: voulant que tous les vassaux, et autres gens de quelque autorité, et condition qu’ils soient, tenans noblement, ou roturièrement des dits comté d’Estampes et châtellenies de Dourdan, et la Ferté Alès, quand ils feront doresnavant leurs hommages, et bailleront leurs dénombremens, et adveus, les fassent, et baillent sous le nom et tiltre de duché, et semblablement tous leurs autres actes, et reconnaissances: si donnons en mandement par ces mêmes présentes à nos améz, et féaux les gens tenans, et qui tiendront nôtre dite cour de parlement, gens de nos comptes à Paris, et à tous nos autres justiciers et offciers, ou à leurs lieutenans, et à chacun d’eux en droit soy, et si comme à lui appartiendra, que ces présentes ils fassent, afin de perpetuelle mémoire, lire, publier, et enregistrer en nôtre cour de parlement, chambre des comptes, et partout ailleurs, où il appartiendra; que le contenu en icelles entretiennent, gardent, observent, et fassent entretenir, garder, et observer: ne permettent qu’il soit fait ores, ne pour le temps à venir aucune chose au contraire, en quelque manière que ce soit. Car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons à ces présentes fait mettre, et apposer nôtre scel. [p.211]

     Donné à Paris, au mois de janvier, l’an de grâce MDXXXVI et de notre règne le XXIII.

     Nota. 
On doit remarquer que par ce titre d’érection, François Ier unit et incorpore au duché d’Étampes les châtellenies et seigneuries de Dourdan et de la Ferté-Aleps: ce qui accrut dès lors considérablement ce domaine.

     Chapitre XVII: François Ier. Henri II Anne de Pisseleu Érection du comté d’Étampes en duché Diane de Poitiers Quelques détails historiques sur ces deux duchesses d’Étampes. Note I: Érection du Comté d’Étampes en duché, par François Ier, au mois de janvier 1536. Note IV: Eclaircissemens et détails historiques sur la coutume du bailliage d’Étampes.


NOTE IV.
Eclaircissemens et détails historiques
sur la coutume du bailliage d’Étampes
(1).

     (1) Tous les détails consignés ici sont extraits du Nouveau Coutumier général [bib].

     La coutume du bailliage d’Étampes, comme toutes les autres coutumes de la France, exista longtemps par une tradition successive avant d’être rédigée par écrit. Son origine particulière est très difficile à déterminer. Quelques jurisconsultes ont cru que les coutumes d’Étampes avaient été introduites par les Bretons, dont un grand nombre était venu habiter cette contrée, lorsqu’elle tomba en la possession des ducs de Bretagne. Mais si leur opinion était véritable, nous retrouverions sans aucun doute dans cette ville quelques dispositions qui rappelleraient les mœurs ou usages des Bretons. Or il n’en est point ainsi. D’autres, s’appuyant sur l’autorité de Dumoulin et de Julien Brodeau, pensent qu’Étampes, durant tout le [p.222] temps qu’elle demeura une châtellenie dépendant de la prévôté de Paris, n’eut pas de coutume particulière et se gouverna par la coutume de Paris. On trouve cependant dans Chopin (Commentaire sur la Coutume d’Anjou) un passage qui ne permet pas de douter qu’Étampes n’ait eu une coutume à elle propre, dès l’an 1270.

     La coutume d’Étampes, comme celle des autres villes du royaume, se composait d’usages établis successivement. Aucune d’elles n’était encore rédigée au quatorzième siècle. Frappé des inconvéniens qui résultaient souvent du défaut d’un texte certain, Charles VIII, en 1453, ordonna de rédiger les Coutumes par écrit. Mais de longues années s’écoulèrent avant que cette disposition reçût son entière exécution. La coutume d’Étampes n’était point encore rédigée cent ans après l’ordonnance de Charles VIII. Enfin, le 19 août 1556, le roi Henri Il commit un président et un conseiller au parlement de Paris, pour procéder à la rédaction de la Coutume d’Étampes.

     Nous rappellerons en peu de mots les formalités qui furent suivies pour cette rédaction. Elles prouvent qu’encore au seizième siècle le pouvoir législatif n’était point concentré dans la personne du roi, et que l’intervention du peuple était jugée nécessaire pour la confection des lois qui n’étaient pas des réglemens de police ou d’administration, mais qui concernaient les droits des personnes sociales.

      Les commissaires royaux mandèrent aux bailli et prévôt d’Étampes de convoquer tous et chacun desprélats, abbés, chapitres, collèges et personnes ecclésiastiques, ducs, comtes, barons, châtelains et seigneurs justiciers, les officiers duroi, avocats et procureurs, les bourgeois et gens du tiers état des villes, villages et lieux enclavés dans le bailliage d’Étampes, pour comparaître audit Étampes [p.223] à certain jour, afin d’y voir procéder à la rédaction des coutumes du dit bailliage;

      En exécution de cette ordonnance, Nicolas Petau docteur ès-droits, bailli d’Étampes, et Simon Audren, licencié ès-lois, prévôt de la même ville, mandèrent au premier sergent royal du bailliage de citer les personnes composant les trois états à comparaître à Étampes le 21 septembre 1556;

      Ce même jour les cahiers des coutumes furent présentés par les officiers du roi en cette ville aux commissaires royaux: Christophe de Thou, président, Barthélemy Faye et Jacques Viole, conseillers au parlement. Le lendemain, 22 septembre, les commissaires se transportèrent en la salle des plaids du séjour du dit Étampes, préparée pour la rédaction de la coutume. Le greffier du bailliage, Lubin Regnard, donna lecture des ordonnances du roi, et appela les gens des trois états.

      Après cet appel, on ouït diverses réclamations, soit de la part du substitut du procureur du roi d’Orléans, soutenant que les habitans de Guillerval, Angerville, Monnerville, etc., étaient régis par les coutumes d’Orléans; soit du chapitre d’Orléans, prétendant que le village de Ménilgiraut, dont il était seigneur, était régi par la coutume de Lorris; soit enfin des seigneurs et habitans de Vaires, Dhuison, Villiers, Bouville et Farcheville, assurant qu’ils étaient gouvernés par la coutume de Paris. Toutes ces prétentions furent combattues par le procureur du roi d’Étampes, et les parties renvoyées devant le parlement pour y faire valoir leurs moyens.

      On commença ensuite la lecture des articles de la Coutume, présentée par les officiers du roi à Étampes. Ce travail fut continué les 23, 24, 25, 26 et 28 septembre [p.224]. La Coutume d’Étampes se composait de 193 articles répartis sous 15 titres. Les personnes présentes n’avaient pas seulement été appelées pour en entendre la lecture, elles étaient admises à discuter chacun des articles, à défendre leurs droits. Aussi, d’après l’avis de divers membres des trois états, plusieurs amendemens furent-ils ajoutés à là rédaction primitive.

      Le procès-verbal constatant les opérations de cette assemblée des trois états, offre un intérêt particulier en ce qu’il indique les noms des personnes qui furent appelées à la rédaction de cette coutume. Il contient aussi un état exact et authentique des établissemens publics qui existaient alors à Étampes ou aux environs. En y lisant les noms des personnes qui comparaissaient pour l’état de la noblesse, on apprend d’une manière sûre et positive à quelles familles appartenaient alors les terres et châteaux situés aux environs de la ville: tandis que les noms des officiers du roi exerçaient alors diverses charges à Étampes indiquent quelles étaient alors les magistratures de cette cité, et les personnes qui les remplissaient. Nous citerons quelques fragmens de ce procès-verbal.

     «Ont comparu pour l’état de l’église: révérend père en Dieu frère Jean Hurault, abbé de Morigny, et les religieux de 1a dite abbaye, seigneurs de Morigny, Etréchy, Bouves, Maisons et Gommarville, Bissay, Guillerville et Bleville; les chantres et chanoines de l’église collégiale de Notre-Dame d’Étampes; les doyen, chantres et chapitre de l’Eglise Sainte-Croix dudit Étampes; M. Martin Seguier, prieur du. prieuré Saint-Pierre d’Étampes; le prieur de Saint-Martin d’Étampes; Pierre Legendre, prêtre chevecier, curé de l’église Notre-Dame d’Étampes; les curés des églises paroissiales de Saint-Basile, de Saint-Gilles, [p.225] de Saint-Martin ou de Saint-Pierre, faubourg d’Étampes; frère Antoine de Lyon, commandeur d’Étampes, seigneur chatelain de Challou-la-Reyne; frère Louis Scudéry, de l’ordre des Mathurins, ministre de la maison de la Trinité au dit Étampes; Guillaume Viard, commandeur de Chaufour; Me Claude de Corilly, prieur du prieuré Saint-Pierre de Méréville; sœur Jeanne de Coussy, prieure du prieuré Saint-Hilaire; Me Jacques Yvon, prêtre, maître et administrateur de la Maladrerie de Saint-Lazare d’Étampes; Me François de Brives, chevalier, commandeur de Saint-Jacques de l’Epée, faubourg d’Étampes; les maîtres gouverneurs et administrateurs de l’Hôtel- Dieu d’Étampes; Jean Hûe, Claude Godin, Charles Guétard et Pierre Perrot, bourgeois d’Étampes; Me Jacques Vincent, maître administrateur de l’hôpital Saint-Antoine du dit Étampes; Me Simon Charbonnier, maître et administrateur de l’hôpital Saint-Jean, faubourg Saint-Martin d’Étampes; Me François Mérault, prêtre, maître et administrateur de la Maladrerie Saint-Nicolas d’Etréchy. Viennent ensuite les curés des villages régis par la coutume d’Etampes.

     «Pour l’état des nobles, sont comparus: Me François Olivier, chancelier de France, seigneur de Bois-Mircier; noble homme Michel l’Hospital, conseiller du roi notre sire, premier président en sa chambre des comptes, seigneur de Vignay; François de Reilhac, chevalier, seigneur de Méréville; Claude de Chatillon, seigneur de Bouville, Farcheville, Villeneuve-sur-Auvers; noble homme et sage maître Augustin de Thou, avocat en la cour du parlement à Paris, seigneur d’Abeville et Javerey; Lazare de Selve, écuyer, seigneur de Cormière, Villiers le Chastel et Cerny; Jean Francisque de Selve, seigneur de Duyson; René de Prunelé, seigneur de Laporte et Gaudreville. Au [p.226] nombre de ceux contre lesquels défaut est donné, figure Nicolas Poilloüe, écuyer, seigneur du fief de Poilloüe assis à Saclas.

     «Aussitôt après les nobles, sont comparus les officiers du roi, au dit Étampes; à savoir: Nobles hommes et sages: Maître Nicolas Petau, bailly d’Étampes; Claude Cassegrain, lieutenant-général; Pierre Lemaire, lieutenant particulier au dit bailliage; Simon Audren, prévôt; Jean de Lormes, son lieutenant; Claude Prévost, avocat; Esprit de Camet [sic (Camel)], procureur du roi au dit Étampes; Me Esprit Hacte, receveur du domaine du dit seigneur; Me Jean Verrier, greffier du dit baillage; Me Guillannée de Courlay, notaire et secretaire du roi, contrôleur de l’audience de la chancellerie de France, établie à Paris, tabellion du dit Étampes par Jean Jannin son principal substitut et commis; Me Tristan le Charron, élu d’Étampes; Me Jean le Roux, grenetier du magasin et genier à sel du dit Étampes; Me Jean Hamouis, aussi grenetier du dit magasin; Me Pierre Thibault, procureur du roi ès-élection et magasin d’Étampes; Me Guillaume David, contrôleur au dit magasin; Jacques de Lambon, mesureur en icelui; Jacques Savary, receveur des tailles et aides en icelle élection; Jean Lamoureux, aussi receveur des tailles en la dite élection; Gonant Archambaut, contrôleur des dites tailles et aides; et Ferry, Aleaume, greffier en la dite élection.»

     «A la tête du tiers état, figure le corps municipal composé d’un maire, de six échevins, d’un receveur, d’un contrôleur des deniers communs, d’un greffier.
     «Et pour le tiers état, honorables bommes Ferry Alleaume, maire; le dit de Lambon, Giraut Hacte, Ferry Hüe et Simon de la Lucaziere, échevins de la dite ville; Cantian Canivet, receveur des deniers communs de la dite ville; Cantian Pomille, contrôleur des deniers communs [p.227] d’icelle ville; Me Robert Mazeaux, greffier de la dite ville. Paraissent ensuite les avocats au nombre de dix; les procureurs au nombre de trente-huit. Honorables hommes et sages maîtres Hierosme de Villente, Girard Garnier, Jean le Mercier, Antoine Langlois, Barthélemi Marcial, Claude Paulmier, Pierre le Conte, Pierre le Père, Jean Fargis, et Accurse Cassegrain advocats audit Étampes. Me Gilles Paulmier, Jean Vincent, Étienne Gamberelle, Pierre Chardon, Robert Mazeauche, Jean Parent, Loys Hacte, Jean Guillot, Cantian Chasseculier, Jean Pernet, Jean Cormereau, Étienne Levassor, Jean Janin, Michel Boileau, Guillaume Gibert, Claude Sailland, Jean Lambert, Pierre Lamy, Ives Jobreton, Éloi Moynerie, Abraham Pasquier, Loys Marrublier, Pierre Tibault, Pierre Saureau, Macé Dauvergne, Jean Audren, Ponthus Lesné, Pierre Provensal, Michel Moynet, Jean Laisné, Symphorian Baron, Jacques Pelletier, Lubin Regnard, Gilles Buchon, Claude Segier, Eustache Malvant, Pierre Verdois, et Anthoine Lamy procureurs audit Étampes. Honorables hommes Jean Chaudoux, Philippes Cormereau, Simon le Long, chevaucheur tenant la poste pour le roi à Étampes; Henri le Long, aussi chevaucheur d’écurie, Jacques de Croix, Michel Sinxa[r]d, Loys le Long, Claude Godin, Pierre de Gilles, Jean Perrot, Pierre Perrot, Lucas Perrot, Henri Tounard, François Bideaut, Pierre Ponignary, Charles Guetard, Pierre de la Sucarière, Jean Hue, Jacques Brechemier, Guillaume de la Barre, Étienne Baron, Jean Dallier l’ainé, Roland Buisson, Guillaume Godin, Claude des Essarts, Abraham Trouchot, Robert Thibaut, Claude Thibaut, Antoine Guischard, Robert Morin, Philbert de la Folie, Bertheraud Maufroy, Martin Moreau, Jacques Paris, Simon Dupré, Daniel Egal, Jean Houy, Loys Hodoyn, François le Long bourgeois et habitans de la dite ville.

     Chapitre XVII: François Ier. Henri II Anne de Pisseleu Érection du comté d’Étampes en duché Diane de Poitiers Quelques détails historiques sur ces deux duchesses d’Étampes. Note I: Érection du Comté d’Étampes en duché, par François Ier, au mois de janvier 1536. Note IV: Eclaircissemens et détails historiques sur la coutume du bailliage d’Étampes.

 
 
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TABLE DES MATIÈRES
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Source: édition de 1837 saisie par Bernard Métivier en mars 2012 (chapitre 17 et notes I et IV) et annotée par Bernard Gineste
BIBLIOGRAPHIE

Éditions
 
     Clément-Melchior-Justin-Maxime FOURCHEUX DE MONTROND (dit Maxime de MONTROND ou de MONT-ROND), «Chapitre dix-septième», «Note I» & «Note IV», in ID., Essais historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise), avec des notes et des pièces justificatives, par Maxime de Mont-Rond [2 tomes reliés en 1 vol. in-8°; planches»], Étampes, Fortin, 1836-1837, tome 2 (1837),  pp. 67-83, 209-211 et 221-228.

     Réédition numérique illustrée en mode texte: François BESSE, Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.], «Maxime de Montrond: Essais historiques sur la ville d’Étampes (1836-1837)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-montrond.html, 2012.

     
Réédition numérique de ce chapitre: Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.], «Maxime de Montrond: Étampes de 1534 à 1559 (1837)» [édition numérique illustrée en mode texte], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-montrond1836chapitre17.html, 2012.

Sur la légende des pseudo Hôtels d’Anne de Pisseleu et de Diane de Poitiers

1) Littérature non critique

     Maxime de MONTROND, Essais historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise). Tome second, Paris, Debécourt, 1837, pp. 80-83
(dont une mise en ligne par le Corpus Étampois, ici).
     Léon MARQUIS, Les rues d’Étampes et ses monuments,
Étampes, Brière, 1881, pp.  150-151.
     Henri STEIN, «Jean Goujon et la Maison de Diane de Poitiers à Étampes», in Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais [Paris], VII (1889, ou 1890?), pp. 299-?. (dont un tiré à part de 17 pages mis en ligne par le Corpus Étampois, ici).
     Henri STEIN, «La Maison de Diane de Poitiers à Étampes», Bulletin monumental 56 (1890), pp. 30-34. 
     E. DESGARDINS, «Rivalité d’Anne de Pisseleu et de Diane de Poitiers», in Conférence des Sociétés savantes, littéraires et artistiques de Seine et Oise, Compte-rendu de la quatrième réunion [réunion de 1908; 264 p.], Étampes, Flizot [«Conférence des Sociétés savantes, littéraires et artistiques de Seine et Oise» 4], 1909, pp. 100-109 (dont une mise en ligne par le Corpus Étampois, ici).
     Maxime LEGRAND, Étampes pittoresque, guide du promeneur. Deuxième édition, Étampes, Humbert-Droz, 1902, pp. 150-176.
     Adrien GAIGNON, «Diane de Poitiers, seconde duchesse d’Étampes», Bulletin des amis d’Étampes et de sa région 2 (1947), pp 25-30. 

2) Littérature critique

     a) Jacques GÉLIS, «Les hôtels ‘Anne de Pisseleu’ et ‘Diane de Poitiers’ ou le passé idéalisé», in ASSOCIATION ÉTAMPES HISTOIRE, Étampes. Travail des hommes. Images de la ville [260 p.], Étampes, Association Étampes Histoire, 1994, pp. 203-226.

     Cette étude définit la problématique et a pour mérite de noter l’absence totale de preuves de l’attribution des ces hôtels aux duchesses d’Étampes chez des auteurs tels que Léon Marquis, Maxime Legrand, René de Saint-Périer et Léon Guibourgé; mais elle ne remonte pas à l’origine de la légende, l’auteur ne paraissant pas connaître à cette date les travaux de Maxime de Montrond. On assigne aussi par erreur à Mme de Saint-Périer les travaux de son mari, dont il faut reconnaître en effet qu’elle s’en attribuait elle-même le mérite sur le tard, soit par imposture ou par sénilité.

     b) Monique CHATENET,
«L’hôtel du Plateau, dit maison d’Anne de Pisseleu, 16, rue Sainte-Croix» & «L’hôtel dit de Diane de Poitiers, 4, rue Sainte-Croix», in Julia FRITSCH et Dominique HERVIER [dir.], Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, Paris, Éditions du Patrimoine, 1999, pp. 144-148 & 148-152.
     
L’auteure, sur la base de nouvelles recherches d’archives, s’approche de la vérité et cible la famille Hattes pour ce qui concerne l’hôtel dit de Diane de Poitiers; mais elle n’aboutit pas parce qu’elle n’a pas été jusqu’à fouiller les registres paroissiaux en ce qui concerne cet hôtel, et qu’elle n’a pas compris le code utilisé par les représentations surplombant les portes de ces maisons, celle de l’hôtel d’Esprit Hattes n’étant pas compris, et celle de l’hôtel de Jean Lamoureux n’étant même pas relevé.

     c) Bernard GINESTE, «L’hôtel de Jean Lamoureux à Étampes, de 1538 (texte des panneaux d’exposition de 2009)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-16-jeanlamoureux1538hotel.html, 2011.
      Bernard GINESTE, «L’hôtel d’Esprit Hattes à Étampes, de 1554 (texte des panneaux d’exposition de 2009)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-16-esprithattes1554hotel.html, 2011.

Coutumier général

     Charles Antoine BOURDOT DE RICHEBOURG (1665-1735) [éd.], «Coutumes des bailliage et prevosté d’Estampes» [avec une table des lieux où s’exerce la coutume d’Étampes], in ID. [éd.], Toussaint CHAUVELIN & Julien BRODEAU & Jean-Marie RICARD & Charles DU MOLIN (DU MOULIN) & François RAGUEAU & Gabriel-Marie de LA ROCHEMAILLET [annotateurs], Nouveau coutumier général, ou Corps des coutumes générales et particulières de France, et des provinces connues sous le nom des Gaules, exactement vérifiées sur les originaux conservez au greffe du Parlement de Paris, & des autres Cours du Royaume, avec les notes de MM. Toussaint Chauvelin, Julien Brodeau, & Jean-Marie Ricard, avocats au Parlement, jointes aux annotations de MM. Charles Du Molin, François Ragueau, & Gabriel-Michel de La Rochemaillet. Mis en ordre, & accompagné de sommaires en marge des articles, l’interprétation des dictions obscures employées dans les textes, de listes alphabétiques des lieux regis par chaque coutume, et enrichi de nouvelles notes tirées des principales observations des commentateurs, & des jugements qui ont éclairci, interpété, ou corrigé quelques points & articles des coutumes, par Charles A. Bourdot de Richebourg, avocat au Parlement. Tome III [ouvrage dit «Le Grand Coutumier»; 8 parties en 4 volumes in-f°: 6+VIII+1278 p.; 4+VIII+1244 p.; 4+VIII+1304 p.; 4+VIII+1228; texte sur 2 colonnes avec de nombreuses notes de bas de page; table alphabétique de toutes les coutumes (p. I-VII), et à la fin du texte, une table des chapitres ou des titres et parfois une table alphabétique des lieux soumis à cette coutume], Paris, Michel Brunet & Claude Robustel & Théodore Legras, 1724 [dont une réédition numérique en mode image mise en ligne par la BNF (5 fichiers), in Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k491874 (pour le tome III), en ligne en 2006], tome III, pp. 93-121.


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