Essais historiques sur
la ville d’Étampes
Étampes, Fortin, 1837, tome 2
Chapitre XVIII, pp.
84-100. |
Étampes de 1559 à 1589
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CHAPITRE DIX-HUITIÈME
ÉTAMPES
DE 1559 A 1589
Chapitre XVIII:
Étampes sous
le règne de François II et de Charles
IX. —
Suite des ducs et duchesses d’Étampes. —
Étampes sous les guerres de la Ligue. —
Règne de Henri III. —
Henri de Bourbon.
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François II, fils aîné de Henri II et de
Catherine de Médicis, ne fit qu’apparaître un instant sur le
trône (1559). Mais ce règne si court vit éclore tous
les maux dont la France portait alors le germe dans son sein. Le duc de
Guise et le cardinal de Lorraine son frère, oncles de la jeune Marie
Stuart, avaient été placés par elle à la tête
du gouvernement; les courtisans du dernier roi perdirent leur crédit,
et les princes du sang eux-mêmes demeurèrent dans la disgrâce.
Les principaux d’entre eux, Antoine de Bourbon, roi de Navarre, et Louis,
prince de Condé, son frère, irrités de leur défaveur,
[p.86] s’unirent à l’amiral
de Coligny et aux calvinistes pour abattre la puissance des Guises. On
sait combien fut fatale aux conjurés l’issue du complot connu sous
le nom de conjuration d’Amboise. Quelque temps après, une nouvelle
trame fut ourdie par les mêmes chefs; mais elle ne tarda point à
être encore découverte. Or l’histoire remarque que ce fut
à Étampes qu’on parvint à retrouver le fil de cette
conspiration. Jacques d’Espagne, basque de naissance, et messager ordinaire
du prince de Condé, traversait, dit-on, cette ville, chargé
de ses ordres pour le vidame de Chartres, lorsqu’il fut arrêté
et contraint de tout avouer. Par cette découverte importante le monarque
et les Guises échappèrent une fois encore au danger imminent
qui menaçait le pouvoir royal et leur puissante autorité (1560).
Charles
IX, frère de François II, lui succéda, à peine
âgé de dix ans (1560); Catherine de Médicis, sa mère,
prit en qualité de régente l’administration des affaires du
royaume. Ce fut sous ce règne de sinistre mémoire qu’on vit
les guerres de religion déployer toutes leurs fureurs, et ces drames
sanglans se terminer par la scène fatale de la Saint-Barthélemy.
La ville d’Étampes, voisine de la capitale, dut subir les conséquences
de cette position critique et avoir une large part dans les malheurs de
ces tristes querelles.
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François II
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Antoine
de Bourbon, roi de Navarre, s’était détaché du parti
calviniste (1). Il avait pris le commandement
[p.87] des armées du roi.
Ce prince sachant de quelle utilité était la population de
la ville d’Étampes, pour contenir les rebelles et conserver Paris
sous l’obéissance royale, mit dans cette place une nombreuse et forte
garnison. On vit alors durant cinq mois environ Étampes transformée
en ville de guerre, servir en quelque sorte de boulevart contre les ennemis
qui menaçaient d’assaillir la capitale. Le roi avait aussi ordonné
d’établir dans son enceinte un vaste magasin de subsistances, soit
pour l’entretien de la garnison, soit pour l’usage de son armée,
quand elle camperait dans le voisinage. Le maire et les échevins s’étaient
conformés à ces ordres. Grâce donc à leur prévoyance,
non seulement les nombreuses troupes qui séjournaient dans la ville
ne manquèrent jamais de vivres, mais lorsque l’armée royale
se rendant de Bourges au siège de Rouen, vint camper à Guillerval,
elle trouva encore dans les greniers d’Étampes d’abondantes provisions
qui furent pour elle d’un précieux secours (juin 1562).
Cependant le prince
de Condé poursuivait le cours de ses entreprises. Pendant que les
bataillons de l’armée du roi étaient arrêtés
sous les murs de Rouen, il avait accrut et fortifié la sienne d’un
renfort que d’Andelot avait amené d’Allemagne. Il consistait en neuf
compagnies de gens à cheval désignés sous le nom de
Reistres, et en quelques autres de gens de pied, formant ensemble quatre
mille combattans. Se confiant en cet appui, cet intrépide chef était
parti d’Orléans et se dirigeait vers Paris, dans le dessein de n’épargner
aucun effort pour s’en rendre maître. [p.88]
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(1)
Père de Henri IV; il fut tué au siège de Rouen en 1562.
Charles IX
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Le prince
de Condé après quelques jours de marche se trouva aux portes
d’Étampes (13 novembre 1562). Il fait aussitôt sommer les habitans
de se rendre. Cette place venait d’être dépouillée de
sa garnison, que le maréchal de Saint-André avait mandée
auprès de lui à Corbeil. Incapable de se défendre seule,
elle céda sans combattre; le prince vainqueur entra dans ses murs,
puis laissant à Étampes une grande partie de ses troupes,
il s’achemina lui-même vers la ville de Corbeil, dont il forma le
siège (1). Celle nouvelle garnison, composée
de bataillons étrangers, rudes et féroces, séjourna
six semaines dans l’enceinte d’Étampes: durant ce temps, elle exerça,
dit-on, toute sorte d’excès et de violences. On rapporte que ces
cohortes impies profanèrent les églises de la ville, en les
faisant servir d’étables à leurs chevaux. Plus d’un siècle
après cette époque, une cérémonie publique et
expiatoire rappelait encore à Étampes chaque année le
souvenir de celle profanation. |
(1) Le souvenir de cette entrée des troupes
du prince de Condé à Étampes s’est perpétué
sous le nom de journée des Reistres, et par corruption des Reines.
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Après
la mémorable bataille de Dreux gagnée par l’armée du
roi, l’amiral de Coligny vaincu s’était enfui vers Orléans
avec les débris de ses troupes. L’armée victorieuse attachée
à sa poursuite et commandée par le duc de Guise, se dirigea
sur Étampes; la seule nouvelle de son approche sur ce territoire,
le délivra de la présence funeste de cette garnison étrangère
qui pendant six semaines avait écrasé de tout son poids les
malheureux habitans. [p.89]
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François
de Lorraine, duc de Guise, venait de périr de la main d’un assassin
sous les murs d’Orléans dont il faisait le siége. A cette
époque un traité de paix fut conclu à Amboise (19 mars
1563): durant cinq ans les hostilités demeurèrent interrompues,
et la France affaissée sous le poids des discordes civiles, crut
pendant quelques instans en voir enfin disparaître le fléau.
Mais dès l’an 1567, les hostilités
recommencèrent. Le prince de Condé et l’amiral de Châtillon
résolurent de se porter vers Paris; à cette nouvelle les habitans
d’Étampes, avertis par le passé, se mirent en défense
et fortifièrent de tout leur pouvoir la ville et le château.
Claude de La Mothe, seigneur de Bonnelle, fut envoyé par le roi pour
y commander; il arriva le 4 octobre, et le lendemain il fit une revue exacte
de toutes ses forces. Ce brave capitaine n’épargna rien pour mettre
la place qui lui était confiée en état de résister
aux attaques des ennemis: tous ses efforts devaient être inutiles.
Bientôt on vit arriver aux portes d’Étampes un nouveau corps
de troupes commandées par le capitaine Saint-Jean, frère du
comte de Montgomery, l’un des chefs des calvinistes. La ville sommée
de se rendre, n’eut garde d’obéir, et les habitans se disposèrent
à soutenir le siège; mais après quelque résistance
la place fut prise par escalade; alors le château se rendit an vainqueur
(octobre 1567).
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Les
calvinistes signalèrent leur passage à Étampes, par
la destruction sacrilège de quelques pieux monumens qui servaient
à l’ornement de la cité. L’histoire nomme entr’autres la maison
et la belle église des pères [p.90]
cordeliers qui devinrent alors la proie des flammes; des titres nombreux,
de précieux manuscrits rassemblés dans les archives du couvent,
furent entièrement consumés. Les religieux chassés
de leur demeure se dispersèrent, en attendant que le calme et la
paix vinssent rouvrir leur asile dévasté (1). Cependant un mois plus tard les troupes du
roi, commandées par le connétable de France, ayant remporté
une brillante victoire dans la plaine de Saint-Denis (novembre 1567), s’efforçaient
de faire rentrer sous l’autorité royale les places sises aux environs
de Paris; Étampes fut l’une des premières vers lesquelles
se dirigèrent leurs pas. À leur approche, les religionnaires
abandonnèrent la ville pour aller rejoindre le gros de leur armée.
Huit jours après, le capitaine Saint-Martin vint tenir garnison à
Étampes. D’autres chefs de guerre envoyés par le duc d’Anjou
(depuis Henri III), lieutenant général du royaume, s’y rendirent
aussi pour étudier ses moyens de défense et y faire construire
de nouvelles fortifications. Les habitans se livrèrent volontiers
à ces travaux, car, dit un vieil historien, ils n’avaient rien tant
à cœur que de se conserver en l’obéissance du roi, et d’empêcher
l’entrée dans leur ville à de si mauvais hôtes que les
religionnaires, qui les avaient déjà pillés par deux
fois (2). L’armée royale après
avoir campé quelque temps aux environs d’Étampes, se mit en
devoir [p.91] de secourir Chartres assiégé
par le prince de Condé. Sur ces entrefaites, un traité de
paix fut conclu à Longjumeau (mars 1568). L’espoir d’un nouvel instant
de repos fut alors permis à la France, et à notre malheureuse
ville prise et reprise quatre fois par les deux partis depuis l’année
1562.
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(1) Voir tome
1, p. 173-174, quelques détails sur le couvent des cordeliers d’Étampes
[ici].
(2) D. Basile Fleureau
[Antiquitez d’Estampes, Paris,
Coignard, 1683, p. 241 (B.G.)].
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Cette
paix de Longjumeau, dite la petite paix, ne dura que six mois; la même
année 1568, vit rallumer la guerre à peine éteinte;
mais heureusement pour les contrées dont nous esquissons l’histoire,
elle se porta tout entière au delà de la Loire, dans la Saintonge
et 1e Poitou, où se livrèrent les sanglantes batailles de
Jarnac, Moncontour, etc., et notre ville demeura étrangère
à ces nouveaux et déplorables événemens.
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Elle
le fut sans doute également, autant que sa proximité de Paris
put le lui permettre, aux horreurs des massacres de la Saint-Barthélemy,
et aux suites affreuses d’une semblable perturbation (1572). Du moins
l’histoire en citant plusieurs villes du même ordre et entre autres
Meaux, où furent rigoureusement exécutés les ordres
sanguinaires de la cour, ne fait nulle mention d’Étampes; et à
défaut des archives de l’époque qui n’existent plus, aucune
tradition n’a porté jusqu’à nous la présomption que
de semb1ables scènes soient venues souiller ses murs.
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Charles
IX étant mort sans postérité, Henri duc d’Anjou, son
frère, alors roi de Pologne, lui succéda sur le trône
de France (1574). Les querelles religieuses et la guerre civile se renouvelèrent
dès le commencement du règne de ce monarque. Le prince de
Condé qui était [p.92] allé
solliciter du secours en Allemagne, rentra en France avec le duc Jean Casimir,
fils de Frédéric comte Palatin; se trouvant alors à la
tête d’une forte armée, il menaçait de ruiner la capitale
et le royaume entier, si l’on ne s’empressait de satisfaire à ses
demandes. Le roi craignant l’issue d’une bataille, résolut de traiter
avec ses ennemis: la reine mère, accompagnée du duc de Montmorency,
se rendit dans leur camp et convint avec eux des modifications à introduire
dans leurs prétentions ambitieuses (avril 1576). Par un traité
dressé à Paris et ratifié par le roi, l’apanage du
duc d’Alençon, l’un des principaux chefs de l’armée ennemie,
fut augmenté, et le duc Jean Casimir, outre plusieurs autres dons
considérables, reçut par un acte de la munificence royale la
jouissance du duché d’Étampes (1). |
(1)
Cet acte fut dressé et enregistré au parlement de Paris, le
24 mai 1576. (Voyez les ordonnances du parlement.)
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Mais
dès l’année suivante, le duc ayant eu à se plaindre
de la violation de quelques règles du traité, renonça
publiquement à toutes les charges et seigneuries dont le roi l’avait
mis en possession. Le duché d’Étampes rentra alors dans le
domaine de la couronne; deux ans après des lettres-patentes du monarque
firent passer ce même duché entre les mains de la duchesse
de Montpensier (Catherine Marie de Lorraine, sœur du duc de Guise), à
qui le roi l’engagea pour une somme de 100,000 fr. (2)
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(2)
Ces lettres-patentes furent données à Paris le 17 janvier
1579.
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Nous touchons à ces temps de triste et pénible mémoire,
[p.93] où la guerre civile
prit en France un nouvel accroissement par la formation de la ligue, parti
puissant et audacieux, qui faillit ravir le sceptre aux mains des descendans
de Hughes Capet. Son but avoué était d’exclure du trône
Henri de Bourbon roi de Navarre, engagé par sa naissance dans le
calvinisme. Mais s’il est vrai que le zèle de la religion fit entrer
et retint dans la ligue un grand nombre de ses partisans, on doit
reconnaître aussi que beaucoup d’autres furent guidés par
de moins nobles motifs. Son principal chef, le duc Henri de Guise, héritier
des vertus et des qualités de son père, mais comme lui dévoré
d’ambition, avait également des vues secrètes qu’il s’efforçait
vainement de dissimuler. Il portait ses espérances jusqu’ au trône,
et il ne rougit pas de couvrir du manteau de la religion ses criminelles
intrigues contre l’autorité du roi.
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Ce fut vers l’an 1584 que la ligue, après avoir longtemps
travaillé dans l’ombre, leva fièrement la tête et se
montra au grand jour. Le moment était favorable: le duc d’Alençon
alors duc d’Anjou, frère unique de Henri III, venait de mourir, et
cette mort dégageait les marches du trône d’un des principaux
obstacles qui en défendaient l’accès au chef de la ligue. Bientôt
tous les esprits furent en mouvement et l’on entendit de toutes parts un
bruit sourd, présage ordinaire des tempêtes. Henri III au lieu
d’étouffer ce colosse naissant qui croissait pour sa ruine, eut l’imprudence
de s’en déclarer le chef, et il s’unit avec Henri de Guise, sujet
rebelle et ambitieux, contre Henri de Bourbon roi de Navarre, son parent
et son légitime successeur. Les [p.94]
Calvinistes se voyant attaqués prirent à leur tour les armes
sous la conduite du roi de Navarre, et la guerre civile reparut en France
avec toutes ses fureurs.
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Le
territoire d’Étampes, toujours compromis par sa position entre Orléans
et Paris, devait nécessairement être de nouveau exposé
au choc des deux partis rivaux, et à leurs doubles invasions. Dès
le mois de mars 1585, les habitans de cette ville restés fidèles
au roi, furent avertis qu’un danger pressant les menaçait et qu’il
était de leur devoir de veiller à la sûreté de
leurs murailles. On se prépara sur-le-champ à soutenir une
attaque. Des huit portes de la ville, trois seulement, celles de Saint-Jacques,
de Saint-Pierre et de Saint-Martin, demeurèrent ouvertes, les autres
furent murées (1). Le château
était gardé nuit et jour par de braves habitans choisis par
les échevins et qui se relevaient à divers intervalles, sous
le commandement du sieur de Blaville, leur capitaine. Henri III, apprenant
leur empressement et leur zèle, leur manda qu’il était satisfait
de leur fidélité. Il les encourageait en même temps à
maintenir dans son obéissance une ville dont la possession lui était
si utile, si importante, et surtout n’y laisser pénétrer aucune
sorte d’hommes d’armes sans son exprès commandement (2). Quelque temps après, le sieur de Chiverny,
gouverneur d’Orléans et de la Beauce, ayant invité les gens
[p.95] d’Étampes à
lui désigner un homme de probité et de courage, entre les mains
duquel le roi pût remettre le commandement de leur ville, ils lui
proposèrent un brave
gentilhomme nommé La Mothe Bonnelle, dont ils avaient déjà
apprécié le mérite. Dès que ce seigneur fut
arrivé à Étampes, on s’empressa de l’entourer de marques
particulières d’estime et de confiance; on le chargea de choisir lui-même
les soixante hommes qui devaient veiller tour à tour à la
garde du château. Le maire et les échevins furent alors privés
de ce droit spécial, que le roi leur avait d’abord accordé.
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(1)
Porte dorée, porte du Lion ou du Château, sous la tour de Guinette;
porte de la Couronne ou Évezard; porte Saint-Gilles, porte Saint-Pierre
sur le pont Quénault [Données empruntées
à Fleureau, op. cit., p. 248 (B.G.)].
(2) Cette lettre de
Henri III aux habitans d’Étampes est datée du 21 avril 1585
(Voyez le journal du règne de Henri III) [bib].
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Pendant
un assez long espace de temps, ces précautions furent heureusement
superflues; jusqu’en l’année 1589, les habitans d’Étampes
n’éprouvèrent d’autres suites de la guerre civile, que de
supporter le poids des nombreux passages de troupes qui se croisaient sans
cesse et en tous sens sur leur territoire, et sur les routes dont il est
coupé.
Ainsi en 1587, le roi Henri III, informé qu’une
nombreuse armée étrangère envoyée par les princes
protestans d’Allemagne, au secours des religionnaires de France, longeait
la Loire pour aller joindre le roi de Navarre et marcher avec lui sur Paris,
donna ordre aux ducs de Guise et de Joyeuse d’en arrêter la marche,
et vint lui-même le 12 septembre 1587 à Étampes, où
il avait donné rendez-vous à toutes ses troupes.
Leurs opérations sur la Loire et dans le pays
intermédiaire entre ce fleuve et Paris, n’entrent pas dans le plan
de ces Essais. Après maints combats où les troupes royales
eurent presque toujours l’avantage, [p.96]
sans pouvoir néanmoins forcer cette armée étrangère
à rebrousser chemin, elle s’était répandue dans les
plaines de la Beauce, jetant par sa seule approche la terreur dans Étampes.
Mais toutes les craintes des habitans s’évanouirent à la
nouvelle de la ruine des Allemands et des Suisses, mis en déroute
complète par le duc de Guise, au village d’Auneau, à cinq
lieues de Chartres.
Par suite de cette victoire, ce ramas d’étrangers regagna l’Allemagne,
et le duc de Guise rentra glorieusement à Étampes, où
il fit rendre grâces à Dieu du Succès de ses armes (1).
Mais plus ce succès était éclatant,
plus il devait augmenter l’influence du duc de Guise, dont les prétentions
ne connurent dès lors plus de bornes. Il obligea le roi à
faire avec les chefs de la ligue, à Chartres, une sorte de traité
en forme d’édit, ordonnant l’entière extirpation de l’hérésie
et faisant à la ligue d’importantes concessions. |
Henri III
(1) Un acte authentique
du 2 décembre 1587, dressé par André Hobier et Charles
Godin, notaires royaulx à Étampes, constate que la capitulation
des Suisses, et leur serment de s’en retourner tranquillement dans leur
pays, sous la conduite de Dinteville, capitaine de 50 hommes d’armes, eut
lieu dans la plaine de Chalo Saint-Mars, entre la vallée de ce nom
et le lieu de Cerceau, et aussi en la plaine de Boinville et du grand Chicheny.
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Cet
édit, solennellement juré en la grande église de Rouen,
devait être envoyé dans les bailliages pour être également
juré par les habitans. Il le fut par ceux du bailliage d’Étampes,
qui se liguèrent (19 août 1588); mais avec quelques restrictions
de la part des gentilshommes, [p.97] qui déclarèrent
ne point obliger leurs biens pour des motifs qu’ils se proposaient de déduire
aux prochains états de Blois (1).
Cependant Henri III
accablé sous le pouvoir toujours croissant de la faction des Guises,
avait permis le meurtre de son chef ambitieux (2).
À cette nouvelle, l’irritation des principaux ligueurs dépassa
tout ce qu’on aurait pu prévoir. La ville de Paris se déclara
la première en rébellion ouverte contre l’infortuné
monarque, et s’efforça sur-le-champ d’entraîner dans sa révolte
toutes les villes de quelque importance. Le duc de Mayenne, déclaré
lieutenant-général du royaume, aux acclamations de tous les
Parisiens, mit son premier soin à s’assurer de tous les environs de
la capitale, dont il voulait surtout interdire les abords au roi.
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(1)
L’auteur des Antiquités d’Étampes [bib]
cite les noms des nombreux adhérens à la ligue que fournit
alors Étampes [pp. 253-254 (B.G.)].
On n’en retrouve plus qu’une faible partie dans les familles existant de
nos jours. Ainsi on remarque dans cette liste les noms suivans: de Veillard,
alors bailli et gouverneur d’Étampes, d’Allonville, de Languedoüe,
de Saint-Pol, des Rosiers, de Widal, de Poilloüe, Guétard, Levassor,
Legendre, Duclos, Hamoys, Godin, Dupré d’Allier, Rigaud, Sureau,
Huré, Boivin, Boutevillain, etc., etc.
(2) Henri duc de Guise,
et le cardinal de Guise, son frère, furent assassinés au château
de Blois, au mois de septembre 1588.
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Étampes, regardée comme un des points les plus
importans, fut promptement envahie par une garnison des troupes de la
ligue, sous le commandement de François d’Isy, seigneur de la Montagne,
nommé par Mayenne gouverneur de cette ville. Toutefois avant de
s’y établir, [p.98] ce
capitaine eut quelque résistance à essuyer de la part des
officiers du roi et d’une portion des habitans. S’armant alors de sévérité,
il fit emprisonner Nicolas Petau, lieutenant particulier du bailliage, ainsi
que ses enfans, et voulut également poursuivre le prévôt
Audren. Mais les habitans prirent leur défense et. refusèrent
de recevoir le nouveau prévôt, Simon de Lormes, que la Ligue
voulait leur imposer.
Cependant Henri III, proscrit désormais par la ligue, dont il
avait eu l’imprudence de se déclarer le chef, fut forcé de
se réconcilier avec le roi de Navarre, devenu par la mort du duc
d’Anjou, héritier de la couronne. Réunis à Tours, les
deux monarques s’y promirent un mutuel concours pour sauver à la
maison de France cette belle couronne prête à lui échapper,
et se disposèrent à marcher sur Paris avec une nombreuse armée
(juin 1589).
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Mais la
possession d’Étampes devenait indispensable au succès de
leur entreprise. La garnison, déjà considérable, venait
au bruit de leur approche d’être renforcée par le duc de Mayenne,
d’un secours de 200 cavaliers amenés par le seigneur de Pussay à
qui le sieur d’Isy céda le commandement de la ville.
|
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Les
deux rois, après s’être emparés sur leur route de Gergeau
et de Pluviers (Pithiviers), arrivèrent aux portes d’Étampes
et se disposèrent à en former le siège. Ils dressèrent
une double batterie: l’une sur la colline opposée au château,
et l’autre sur celle qui domine la ville du côté d’Orléans.
Lorsque la brèche eut paru suffisante, on donna l’assaut: après
quelque résistance, la [p.99] place
fut emportée, et le château se rendit (23 juin 1589). Mais Henri
III, vainqueur, n’usa point avec clémence et modération de
sa victoire. On rapporte en effet que non content d’abandonner à ses
soldats le pillage de la ville durant trois jours, il fit mettre à
mort tous ceux de ses officiers et des magistrats qui avaient conseillé
aux habitans de se défendre contre les troupes royales (1). Quant au baron de Saint-Germain, ancien page du
roi, qui s’était jeté dans cette place pour la conserver au
parti de la ligue, il fut condamné à être pendu. Mais
le duc d’Epernon, son ami, intercéda pour lui et obtint sa grâce.
L’histoire, en rappelant ce fait, raconte que ce même duc ayant aperçu
un soldat qui profanait par des actes sacrilèges l’une des églises
de la ville, le tua sur-le-champ de sa propre main.
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(1) Voy. de Thou, hist.
[bib]
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Durant
son séjour à Étampes, Henri III reçut la nouvelle
que le pape avait fait publier à Rome un monitoire contre lui.
Il apprit en même temps que l’évêque de Meaux, chancelier
du duc de Mayenne, le menaçait d’excommunication, si dans le délai
de soixante jours il ne rendait la liberté aux prélats qu’il
avait fait emprisonner, et n’expiait par quelque acte public de repentir
le double meurtre des Guises dont il n’avait pas craint naguère de
permettre l’exécution. Ces deux nouvelles causèrent une telle
douleur au cœur du monarque, qu’il demeura, dit-on, vingt-quatre heures sans
prendre aucune nourriture. Cependant l’archevêque de Bourges, qui
se trouvait auprès de lui, s’efforçait de le consoler en lui
disant que le pape abusé sur le véritable but de la ligue,
n’avait [p.100] agi de la sorte
que par les sollicitations des chefs de ce parti; mais que mieux informé
il reviendrait à d’autres sentimens. Quant au roi de Navarre qui se
distinguait déjà par ces reparties vives et cette brusque franchise
dont il devait donner tant d’exemples sur le trône, cette même
nouvelle parut peu l’émouvoir. «Sire, dit-il en riant au roi
de France, croyez-moi, le plus sûr remède c’est de vaincre. Soyons
donc vainqueurs et nous serons absous. Mais si nous sommes vaincus, nous
resterons excommuniés, voire même aggravés et réaggravés
plus que jamais» (1).
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(1)
Journal du règne de Henri III, par Pierre de l’Estoile, t. II, p.
198 [bib].
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Ce
fut en cette même année 1589 que Henri III mourut assassiné
à Saint-Cloud par Jacques Clément, moine jacobin, dont un
fanatisme aveugle avait armé le bras (2).
Cet événement laissa la couronne aux droits incontestables
du roi de Navarre. Henri IV, prince brave, guerrier intrépide, se
mit sur-le-champ en mesure de les défendre contre l’ambition de Mayenne,
et l’audace effrénée des ligueurs.
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(2) 1er août
1589.
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Chapitre XVIII:
Étampes sous
le règne de François II et de Charles
IX. —
Suite des ducs et duchesses d’Étampes. —
Étampes sous les guerres de la Ligue. —
Règne de Henri III. —
Henri de Bourbon.
|
|
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Clément-Melchior-Justin-Maxime
FOURCHEUX DE MONTROND (dit Maxime de MONTROND ou de MONT-ROND),
«Chapitre dix-huitième», in
ID., Essais historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise),
avec des notes et des pièces justificatives, par Maxime de
Mont-Rond [2 tomes reliés en 1 vol. in-8°; planches»],
Étampes, Fortin, 1836-1837, tome 2 (1837), pp. 84-100.
Réédition
numérique illustrée en mode texte: François BESSE, Bernard MÉTIVIER
& Bernard GINESTE [éd.], «Maxime
de Montrond: Essais historiques sur la ville d’Étampes
(1836-1837)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-montrond.html,
2012.
Réédition
numérique de ce chapitre: Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.],
«Maxime de Montrond: Étampes
de 1559 à 1589 (1837)» [édition numérique
illustrée en mode texte], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-montrond1836chapitre18.html,
2012.
Sources
alléguées par l’auteur
Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite,
1612-1674),
Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec
l’histoire de l’abbaye de Morigny et plusieurs remarques
considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°;
XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées
par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier
d’un texte rédigé en réalité entre 1662
& 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683.
Réédition
numérique en ligne: Bernard GINESTE
[éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes
(1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html,
2001-2012.
Pierre de L’ESTOILE (éditions antérieures
à 1837)
Pierre DUPUY [éd.], Pierre de L’ESTOILE (1546-1611),
Journal des choses mémorables advenuës durant tout le règne
de Henry III, roy de France et de Pologne [suivi de:] Nicolas POULAIN,
Le Procez-verbal d’un nommé Nicolas Poulain, lieutenant
de la prévosté de l’Isle de France, qui contient l’histoire
de la Ligue, depuis le second janvier 1585 jusques au jour des Barricades,
escheuës le 12 may 1588 (Extraict d’un conseil secret tenu à
Rome peu après l’arrivée de l’évesque de Paris, traduict
d’italien en françois) [in-8°; 226+86 p. / in-4°; 133+49
p.], sans mention de lieu ni d’éditeur, 1621.
LOUIS SERVIN (sous le pseudonyme M.S.A.G.A.P.D.P.,
monsieur Servin avocat général au parlement de Paris, c.1555-1626)
[éd. d’extraits], Pierre PONSSEMOTHE DE L’ESTOILE, «Journal
des choses mémorables advenues durant tout le règne de Henry
III» [alias: «Journal du règne de Henry III»], in
Recueil de diverses pièces servans à l’histoire de
Henry III [in-12; 189 p.], Cologne, Pierre Du Marteau (en fait: Amsterdam,
Lodewijk III & Daniel Elzévier),1660. rééd. 1662.
1663.
Pierre de L’ESTOILE «1. Journal
du règne de Henry III composé par M. S. A. G. A. P. D. [extrait
par Servin de Pierre de l’Étoile]» & «4. Additions
au journal de Henry III, qui ne sont point dans l’imprimé de l’édition
de Cologne chez Pierre Marteau 1693», in Recueil de diverses pièces
servant à l’histoire de Henry III... Tome premier [in-12; 472
p.], Cologne, P. Du Marteau, 1699.
Jean GODEFROY (1656-1732) [éd.], Pierre
de L’ESTOILE (1546-1611), Mémoires pour servir à l’histoire
de France, contenant ce qui s’est passé de plus remarquable dans
ce roiaume depuis 1515 jusqu’en 1611, avec les portraits des rois, reines,
princesses et autres personnes illustres dont il y est fait mention [2
volumes in-8°], Cologne, héritiers de Herman Demon, 1719.
J. LE DUCHAT & D. GODEFROY [éd.],
Pierre de L’ESTOILE, Journal des choses mémorables advenues durant
le règne de Henry III, roy de France et de Pologne. Edition nouvelle,
augmentée de plusieurs pièces curieuses et enrichie de figures
et de notes pour éclaircir les endroits les plus difficiles [2
tomes en 4 volumes in-8°; portrait], Cologne, héritiers de P.
Marteau, 1720.
Pierre-Joseph D’OLIVET (1682-1768) [éd.],
Journal du règne de Henri IV, roy de France et de Navarre,
par M. Pierre de L’Estoile,... tiré sur un manuscrit du temps...
[2 tomes en 1 volume in-8°; avec un «Supplément au Journal
du règne d’Henri IV, roi de France et de Navarre... tiré sur
un manuscrit du temps, avec plusieurs pièces curieuses sur ce règne»
publié par le président Bouhier], Sans mention de lieu ni
d’éditeur, 1732.
Nicolas LENGLET DU FRESNOY (1674-1755) &
C. BOUGES (religieux augustin) [éd.], Pierre de L’ESTOILE, Journal
du règne du Henri IV, roi de France et de Navarre, avec les remarques
historiques et politiques du chevalier C. B. A. et plusieurs pièces
historiques du même tems [4 volumes in-8°], La Haye, frères
Vaillant, 1741.
Nicolas LENGLET DU FRESNOY [éd.], Pierre
de L’ESTOILE, Journal de Henri III, roy de France et de Pologne, ou mémoires
pour servir à l’histoire de France, par M. Pierre de L’Estoile.
Nouvelle édition accompagnée de remarques historiques , et
des pièces manuscrites les plus curieuses de ce règne
[5 volumes in-8°/in-12; portrait], La Haye, P. Gosse & Paris, Vve
de P. Gandouin , 1744.
M. PETITOT [éd,], Pierre de L’ESTOILE,
Journal de Henri III, de Henri IV et de Louis XIII. Nouvelle édition,
augmentée [5 volumes in-8°], Paris, Foucault [«Collection
complete des mémoires relatifs à l’histoire de France»
45-49], 1825-1826.
Jacques-Joseph CHAMPOLLION (dit CHAMPOLLION-FIGEAC,
1778-1867) & AIMÉ CHAMPOLLION fils (1813-1894) [éd.], Registre-journal de Henri III, publié
d’après le ms. autographe de Lestoile, presqu’entièrement
inédit [24 cm; XV+672 p.], Paris, Editions du commentaire analytique
du Code civil [Joseph-François MICHAUT (1767-1839) & Jean-Joseph-François
POUJOULAT: «Nouvelle collection des mémoires pour servir à
l’histoire de France» 2/1], 1837.
Jacobus-Augustus THUANUS (Jacques-Auguste
de THOU, 1553-1617)
1) La version originale latine a connu douze
éditions de 1604 à 1733: Jacobi Augusti Thuani Historiarum
sui temporis libri CXXXVIII [1 vol. in-f° seulement paru, l’ouvrage
ayant mis à l’index], Paris, veuve de Mamert Patisson, 1604,;
2) [5 vol. in-8°], Paris, Ambrose et Jérôme Drouart, 1604-1608;
3) [4 vol. in-f°], Paris, Ambrose et Jérôme Drouart, 1606-1609;
4) [11 vol. in-12], Paris, Jérôme Drouart, 1609-1614; 5) [1
vol. in-f°], Paris, Robert Estienne, 1618; 6) [5 vol. in-f°;], Genève,
Pierre de La Rovière, 1620; 7) [5 vol. in-f°], Genève,
héritiers de Pierre de La Rovière, 1626-1630; 8) [4 vol. in-f°],
Francfort, Kopff, 1608-1621; 9) [4 vol. in-f°], Francfort, Kopff, 1609-1658;
10) [5 vol. in-8°], Francfort, Kopff, 1614-1621; 11) [4 vol. in-f°],
Francfort, Kopff & Ostern, 1625-1628; 12) [7 vol. in-f°], Londres,
Samuel Buckley, 1733.
2) Traduction française la plus appréciée:
Jacques-Auguste de THOU (1553-1617) [premier auteur], Nicolas RIGAULT (1577-1654)
[continuateur] & alii [traducteurs et annotateurs], Histoire universelle
de Jacque-Auguste de Thou depuis 1543 jusqu’en 1607, traduite sur l’édition
latine de Londres [in-4°; 16 volumes: t.1 (Épître
à Henri IV; Livres I-VI: 1543-1550); portrait; précédé
des Mémoires de la vie de Jacques-Auguste de Thou, et du
texte des Poésies latines contenues dans les Mémoires);
t.2 (livres VII-XVI: 1550-1555); t.3 (livres XVII-XXVI: 1556-1560); t.4
(livres XXVII-XXXVI: 1560-1564); t.5 (livres XXXVII-XLVI: 1564-1570); t.6
(livres XLVII-LVI: 1570-1573); t.7 (livres LVII-LXVI: 1573-1578); t.8 (livres
LXVII-LXXVI: 1578-1582); t.9 (livres LXXVII-LXXXVI: 1582-1587); t.10 (livres
LXXXVII-XCVI: 1587-1589); t.11 (livres XCVII-CVI: 1589-1593); t.12
(livres CVII-CXV: 1593-1596); t.13 (livres CXVI-CXXVI: 1596-1601); t.14 (livres
CXXVII-CXXXVIII: 1601-1607); t.15 (suite de l’Histoire... par Nicolas Rigault:
1607-1610; pièces concernant la personne et les ouvrages de Jacques-Auguste
de Thou); t.16 (table des matières)], Londres (en fait: Paris), sans
nom d’éditeur, 1734.
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sera la bienvenue. Any criticism or contribution
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