CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
 Maxime de Montrond
Étampes de 1589 à 1652
Essais historiques sur la ville d’Étampes, chapitre XIX
1837
 
Henri IV
Henri IV

Louis XIII
Louis XIII

Louis XIV jeune
Louis XIV jeune
 
     Montrond raconte ici ce que fut l’histoire d’Étampes sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII, depuis la seconde prise d’Étampes par Henri IV en novembre 1589 jusqu’à la veille de la catastrophe de 1652.

      La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
     
Essais historiques sur la ville d’Étampes
Étampes, Fortin, 1837, tome 2
Chapitre XIX, pp. 101-109.
Étampes de 1589 à 1652
 
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CHAPITRE DIX-NEUVIÈME
ÉTAMPES DE 1589 A 1652



     Chapitre XIX: Henri IV Prise d’Étampes par Henri-le-Grand Louis XIV Quelques détails sur la fronde.

     Henri de Bourbon, surnommé le Bon Henri ou Henri-le-Grand, avait des droits incontestables à la couronne de France. Mais la religion calviniste qu’il professait continuant d’être, pour les chefs de la ligue, un prétexte de la lui disputer, devint pour beaucoup d’autres un motif réel de se réunir à  eux contre leur légitime souverain. Henri soudainement abandonné par une foule de ses compagnons d’armes et de seigneurs de haut rang, qui entraînèrent avec eux une grande partie de ses troupes, fut contraint de lever le siège de Paris. La ligue [p.102] ayant ainsi accru ses forces, il ne fut pas difficile au duc de Mayenne, déjà maître absolu de la capitale, d’étendre rapidement son pouvoir au dehors et de s’emparer des points importans qui l’environnaient. Étampes, toujours à cause de son heureuse position, fut l’un des premiers objets de son attention. Il fit donc attaquer encore cette malheureuse ville et la prit de nouveau par une capitulation conclue avec le capitaine Rigault, qui y commandait pour le roi (1589).

     Cependant peu de mois après, Henri IV, aidé de quelques troupes fidèles, fit une nouvelle tentative sur Paris; il s’empara d’une grande partie de ses faubourgs; mais n’ayant pu se rendre maître de la ville, il s’en éloigna encore à l’approche des nombreux renforts qu’amenait le duc de Mayenne, et se dirigea du côté d’Orléans. Cette retraite ramenant le roi sur la route d’Étampes, il résolut de rentrer en possession de cette place si vivement disputée par les deux partis.

Henri IV
Henri IV
     Henri IV établit son armée sous les murs de la ville (4 novembre) et annonça l’intention d’en presser vigoureusement le siège. Mais déjà la plupart des habitans, fatigués de tant de vicissitudes, s’étaient enfuis de leurs demeures, pour ne pas prendre les armes contre leur roi, et avaient abandonné à ses propres forces Alexandre de Castelnau, comte de Clermont-Lodève, jeune seigneur que la ligue avait jeté dans Étampes avec une garnison.

     Ainsi délaissé, ce capitaine ne se crut pas assez fort pour résister; laissant donc l’armée du roi occuper la ville, il se retira dans le château qui fut à l’instant même investi. Le comte de Clermont, après avoir vainement [p.103] attendu le secours du duc de Mayenne, mit bas les armes et se livra à la générosité de son vainqueur. Il n’eut pas à se repentir de sa confiance: Henri, toujours clément autant que brave, n’exigea que la remise entre ses mains de huit des principaux officiers de la garnison pour y rester jusqu’à la délivrance d’autant d’officiers de l’armée royale faits prisonniers par les ligueurs. Les habitans ne furent imposés qu’à la rançon de deux officiers de l’armée du roi, les sieurs de Vaugrigneuse et de Monroger, dont quelques soldats ligueurs venus de Dourdan s’étaient emparés dans l’hôtellerie des Mores, vers la porte Saint-Martin.


     C’est à cette époque que remonte la première atteinte portée à cette vaste forteresse, dont la masse et l’antiquité pouvaient sans doute donner quelque illustration à Étampes, mais dont la possession tour à tour convoitée par chaque parti, avait été pour ses habitans une source continuelle de malheurs. Ils sollicitèrent donc comme un bienfait, auprès du monarque vainqueur, la permission de détruire l’immense château qui dominait leur vallée. Henri la leur accorda, avec celle de demeurer pour ainsi dire neutres dans les chances ultérieures de cette guerre et de veiller eux-mêmes, comme ils l’entendraient, à la défense de leur ville, dans laquelle il ne laissa point de garnison (1).
     (1) Voir pour quelques détails sur les démolitions successives du château d’Étampes, le tome Ier des Essais, pages 195 et 196 [ici].
     Ainsi commença la destruction de cet énorme édifice, dont une seule tour, ainsi qu’on l’a vu ailleurs, subsiste [p.104] encore aujourd’hui, mais dans un état complet de délabrement (1). Cette tour dominant la vallée de la manière la plus pittoresque, plaît encore à l’œil par les grands souvenirs qu’elle rappelle, sans exposer désormais la ville aux suites funestes de son ancienne existence. Toutefois, les premiers coups dirigés contre le château d’Étampes, ne ruinèrent guère que ses fortifications et laissèrent presque intact le principal corps de la forteresse. Nous retrouverons bientôt dans le cours de notre histoire les restes de ce castel soutenant de nouvelles attaques; et, quoique démantelé, arrêtant encore de nombreux et vaillans ennemis. Tel un guerrier vaincu, dépouillé de ses armes et abattu dans la poussière, semble désormais inhabile au combat; mais son attitude fière et menaçante annonce qu’il est puissant encore et qu’il peut à son tour glacer d’effroi son vainqueur.

     (1) La tour de Guinette.
     Henri IV ne séjourna que neuf jours à Étampes (du 4 novembre 1589 au samedi 11) (2) le petit nombre [p.105] de ses troupes l’obligeant d’ailleurs de s’éloigner de Paris, où la ligue était trop puissante, il continua sa route vers Orléans. Nous ne le suivrons pas dans le cours de ses triomphes et de ses revers, balancés par mille événemens, au milieu desquels, après plus de quatre ans de fatigues et de combats, il s’ouvrit enfin les portes de sa capitale et vint s’asseoir sur le trône conquis par sa valeur (28 février 1594).

     
Pendant cette époque, Étampes n’éprouva plus aucune perturbation, du moins la tradition n’en a point conservé le souvenir (1). Cette ville eut sans doute à souffrir sa part des inquiétudes et du malaise que continua à répandre et à entretenir dans toute la France la fin des guerres de la ligue; mais on ne voit pas qu’elle ait été directement engagée de nouveau dans ces tristes querelles. Aucun événement important de la suite du règne de Henri IV ne nous apparaît comme se rattachant à l’histoire particulière d’Étampes; félicitons cette contrée de l’heureuse obscurité dont après tant d’orages elle put enfin goûter les douceurs.
     (2) La tradition rapporte que ce monarque passa une partie de ce temps à Brières-les-Scellés, petit Bourg à une demi-lieue de la ville, dans un vieux château dont quelques pierres s’aperçoivent encore. Ce fut pendant son séjour à Étampes, qu’un gentilhomme de la reine Louise de Lorraine, veuve de Henri III, vint lui présenter une requête pour obtenir justice du cruel assassinat commis sur son époux. La veuve suppliante se plaignait de ce que la promptitude de la vengeance tirée du meurtrier par les courtisans témoins de son crime avait empêché de découvrir ses complices; et elle requérait une sévère information. Henri IV assembla, son conseil à Étampes, et la requête de la reine fut envoyée à la cour du parlement de Tours, qui demeura chargé d’instruire un procès criminel sur l’assassinat du dernier des Valois [Montrond s’appuie ici sur Fleureau, Antiquitez, pp. 259-260 (B.G.)].

     (1) Les documens écrits de cette époque manquent totalement aux archives particulières d’Étampes.
     Cette tranquillité, ne fut guère troublée sous le règne de Louis XIII (de 1610 à 1643). Mais ce repos si tardif dont venait de jouir pendant un demi-siècle la vallée d’Étampes, lui fut ravi de nouveau lors des troubles qui signalèrent la minorité du roi Louis le Grand.

     Le règne de Louis XIV commençait à briller d’un vif [p.106] éclat. Les journées de Rocroy, de Fribourg, de Nortlingue et de Lens avaient ouvert dignement l’une des époques les plus glorieuses de nos annales. Mais tandis que de nobles lauriers ombrageaient ainsi le berceau d’un monarque encore enfant, des orages menaçans grondaient autour de lui... Pendant la régence de la reine-mère, Anne d’Autriche, le cardinal Mazarin, premier ministre, s’était rendu odieux aux princes et aux seigneurs. Né italien et nourri dans les intrigues, il était souple, dissimulé, et il avait entrepris d’arriver au faîte du pouvoir par  ruse et par adresse, comme le fier Richelieu y était parvenu par la force et la terreur. Mais la jalousie des grands s’efforça d’abattre sa puissance. Le parlement de Paris comptait dans son sein les ennemis les plus ardens du ministre. Le peuple de la capitale animé par leurs plaintes se rangea de leur côté, et l’on vit ainsi se former et grandir cette faction audacieuse dite de la fronde, qui fut pendant plusieurs années une occasion nouvelle de troubles et de combats (1648-1649).

     Le prince de Condé qui s’était signalé naguère par son courage et sa fidélité, ne tarda pas à tourner les armes contre son roi, et à se déclarer l’un des principaux soutiens de la fronde (1651). Mais à ce guerrier rebelle, le monarque sut opposer un illustre capitaine, son émule en bravoure et digne de se mesurer avec lui sur le champ de bataille: c’était le maréchal vicomte de Turenne !

     Les divers événements qui se rattachent à ces fâcheuses querelles sont étrangers à notre sujet. Mais les chances de la guerre ayant amené l’armée de la fronde à Étampes [p.107], cette ville forte fut encore le théâtre d’un choc des plus sanglans, sur lequel nous devons arrêter un instant les regards du lecteur.

     Le jeune roi Louis XIV, contraint de quitter Paris avec sa cour, se trouvait à Gien (1652). Le prince de Condé entreprit de s’emparer de sa personne, et son projet audacieux aurait peut-être été suivi de succès, si le vicomte de Turenne n’était arrivé avec un corps de troupes sur le champ de bataille de Blénau, au moment où l’armée royale commençait à plier. Il sauva le roi par cette victoire, et ferma aux combattans du parti de la fronde le chemin de la capitale.


     Contrarié dans son dessein, le prince de Condé se rendit à Paris, pour y entretenir le zèle de ses partisans; de là il dirigea son armée sur Étampes, afin de s’assurer de tous les avantages de communications et d’approvisionnemens attachés à la possession de ce poste important. Ce fut à Jacques de Saulx, comte de Tavannes, qu’il confia le soin de s’emparer de cette ville: celui-ci exécuta ses ordres et se présenta à la porte Saint-Pierre d’Étampes. Après quelques négociations inutiles et quelques tentatives de résistance de la part des habitans, l’armée de la fronde força l’entrée du faubourg, et se rendit maîtresse à main armée de cette place (avril 1652). Cependant le vicomte de Turenne suivait de loin toutes ces manœuvres, et il se disposait à une attaque vigoureuse contre les ennemis. Mademoiselle d’Orléans, princesse de Montpensier, fortement attachée au parti de la fronde, se trouvait alors à Orléans, s’efforçant de maintenir cette cité dans [p.108] le parti des princes. Ayant appris que le roi s’était rendu à Saint-Germain en Laye, et qu’il était question d’un accommodement, elle prit sa route vers Paris; elle arriva à Étampes le second jour de mai et s’arrêta quelques jours dans cette ville, attendant un passeport de la cour. La veille de son départ elle manifesta le désir de voir l’armée du comte de Tavannes rangée en bataille. On s’empressa de la satisfaire, malgré l’avis prudent de quelques officiers qui redoutaient une attaque soudaine et imminente. L’armée reçut donc l’ordre de se mettre sous les armes: au point du jour, elle déploya fièrement toutes ses phalanges, en dehors des murs, au pied de la colline de Guinette. La princesse témoigna hautement sa satisfaction à la vue du brillant spectacle que lui offrait la présence de dix mille guerriers, bien équipés, bouillans d’ardeur et prêts à combattre vaillamment. Mais cette vaine parade eut de tristes résultats, et la fête militaire commencée dans la joie se termina dans le sang et le carnage. Le vicomte de Turenne et le maréchal d’Hocquincourt, chefs de l’armée royale, après avoir traversé la forêt de Fontainebleau et la Ferté-Aleps, étaient venus camper à Châtres-sous-Montlhéry. Ainsi placés, ils ôtaient au comte de Tavannes toute communication avec la capitale, et ils observaient avec un soin vigilant tous les mouvemens de l’armée ennemie.

    Turenne et d’Hocquincourt eurent donc avis le jour précédent que l’armée des princes arrêtée à Étampes, se préparait à déployer sous les murs de la ville tous ses bataillons. Ils jugèrent alors que ces troupes n’ayant point été au fourrage depuis deux jours, ne manqueraient point [p.109] de s’y rendre aussitôt que mademoiselle d’Orléans serait partie. L’occasion leur parut favorable: ils résolurent de fondre sur elles à l’improviste lorsqu’elles se croiraient dans une parfaite sécurité. Ils partirent sur-le-champ, et après avoir fait rouler leurs caissons et marcher leurs régimens toute la nuit dans les chemins creux de Villeconin et Saudreville, ils arrivèrent au point du jour dans la plaine située entre les villages de Boissy-le-Sec et de Chesnay. Là les troupes se rangèrent en ordre de bataille, et elles continuèrent leur route durant plus d’une lieue et demie jusqu’à l’extrémité la plus voisine du faubourg qu’ils voulaient attaquer.

Louis XIV jeune
Louis XIV jeune

Le Grand Condé
Le Grand Condé

Jacques de Saulx Tavannes
Jacques de Saulx
comte de Tavannes

Henri de la Tour d'Auvergne vicomte de Turenne
Henri de la Tour d’Auvergne
vicomte de Turenne
     Chapitre XIX: Henri IV Prise d’Étampes par Henri-le-Grand Louis XIV Quelques détails sur la fronde.

 
 
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Source: édition de 1837 saisie par Bernard Métivier en mars 2012 (chapitre 19) et annotée par Bernard Gineste
BIBLIOGRAPHIE

Éditions
 
     Clément-Melchior-Justin-Maxime FOURCHEUX DE MONTROND (dit Maxime de MONTROND ou de MONT-ROND), «Chapitre dix-neuvième», in ID., Essais historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise), avec des notes et des pièces justificatives, par Maxime de Mont-Rond [2 tomes reliés en 1 vol. in-8°; planches»], Étampes, Fortin, 1836-1837, tome 2 (1837),  pp. 101-109.

     Réédition numérique illustrée en mode texte: François BESSE, Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.], «Maxime de Montrond: Essais historiques sur la ville d’Étampes (1836-1837)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-montrond.html, 2012.

     
Réédition numérique de ce chapitre: Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.], «Maxime de Montrond: Étampes de 1589 à 1652  (1837)» [édition numérique illustrée en mode texte], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-montrond1836chapitre19.html, 2012.

Sources utilisées par l’auteur

     Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite, 1612-1674), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité entre 1662 & 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683.
     Réédition numérique en ligne: Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, 2001-2012.




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