Archives municipales d’Étampes,
AA 46
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Nouvel octroi pour dix ans aux
Étampois
des revenus de la gabelle
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Louis VIII avait publié un édit augmentant la liberté
du commerce du sel. Les édiles étampois lui firent remarquer
que cela privait leur commune d’une ressource essentielle. Depuis 1456 en
effet les revenus du grenier à sel local étaient reversés
à la ville.
Originellement c’était pour permettre à
la ville, exsangue et dépeuplée, de faire face aux dépenses
colossales que nécessitait l’état désastreux du système
routier, après un siècle de conflits et d’insécurité.
Dans la suite il apparaît que les édiles étampois réussirent,
avec des arguments que nous ne connaissons pas mais que nous pouvons deviner,
à faire proroger indéfiniment cette mesure, pour financer notamment
la construction d’un système de défense militaire de la ville.
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C’est certainement ce dernier point qui emporta la conviction du
roi et lui fit rapporter sa décision, au moins en ce concernait Étampes,
qui était redevenu l’un des plus important grenier à blé
de la capitale du royaume: il fit proroger pour dix nouvelles années
l’octroi à la ville des revenus de la gabelle.
J’ai donné ailleurs un résumé
chronologique de ce que nous savons pour l’instant des différentes
campagnes de fortifications de la ville de la fin du XVe siècle jusqu’à
la fin du XVIe (ici).
Prosopographie
En matière de prosopographie étampoise,
ce document mentionne en fonctions, le 1er mars 1492:
(A) Le prévôt Jean Laurent
en exercice depuis au moins 1481 jusqu’à au moins 1497, comme le note
Dupieux sur la base de documents aujourd’hui pour certains disparus (1) et décédé en tout cas avant
1511 (2).
(B) Péroton
de Cabanins, garde du sceau de la prévôté lors de
la rédaction de notre vidimus, est encore signalé dans cette
charge le 8 décembre 1492 et le 20 novembre 1506 (3).
Il semble qu’il ait résidé dans la maison
qui fut ultérieurement le premier noyau de l’actuel Hôtel de
Ville, selon Dupieux, qui s’appuie sur un document mystérieusement
disparu entre 1930 et 1991 des archives municipales (4), à savoir sur
un acte notarié du 4 janvier 1519, souscrit de Guillaume Audren prévôt,
de Martin Dodier tabellion et de Simon Colin notaire substitut.
Selon cet acte perdu et malheureusement inédit,
quoique bien résumé par Dupieux, cette maison fut achetée
en 1518, pour y installer l’Hôtel de Ville, à Jacques Doulcet,
conseiller du roi, qui lui-même la tenait de “Jeanne Doulcet, femme
de Péroton de Cabanins, qui fut grenetier d’Etampes et garde du scel
prévôtal, et vécut à la fin du quinzième
siècle. Elle comportait une cour, un jardin, un grenier à sel,
un grenier à grain. Elle tenait d’une part à la rue de la
Triperie et aux héritiers de Cantien Bourgeois, prêtre, et
de l’autre à la rue Sainte-Croix.” (5).
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(1)
Dans sa note 1 de la page 247 ci-dessous rapportée.
(2) Archives municipales
d’Étampes AA 1 (où l’on trouve mention de ses orphelins mineurs)
(3) Cf. Dupieux, Institutions,
p. 95; pièces justificatives IX (p. 248), XIII et XIV (pp. 252-254).
(4) Comme le constate
Monique Chatenet, Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix,
1999, p. 134 et note 419 (p. 282).
(5) Dupieux, Institutions,
pp. 120-121.
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(C)
Jean Levassor est alors tabellion juré en la ville
et comté d’Étampes. S’agit-il du même que le Jean
Levassor le jeune que nous trouvons dans la même charge le 20 novembre
1506 (6)? Peut-être,
mais cela n’impliquerait pas pour autant qu’il ait tenu cette charge tout
du long, car nous avons déjà établi qu’entre le 19 août
1478 et le 28 juillet 1486, soit en huit ans, cinq tabellions au moins s’étaient
succédés à Étampes, l’un d’eux paraissant l’avoir
été à deux reprises, ce qui suppose à cette
époque une durée moyenne d’exercice inférieure à
deux ans, peut-être renouvelable à différents intervalles.
Il est bien possible bien qu’il s’agisse du même
personnage; s’il est appelé le jeune en 1506 seulement, c’est
probablement parce qu’à cette date un autre Jean Levassor occupe depuis
1500, et jusqu’en 1510, une autre charge importante, celle de chantre de
Notre-Dame d’Étampes (7)
Le 8 mars 1490, c’était encore
un certain Jean Letellier, clerc, qui était tabellion de la ville
et du comté d’Étampes (8).
B.G., 5 octobre 2010.
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(6) Cf.
Dupieux, Institutions, pièces justificatives XIII et XIV (pp.
252-254).
(7) Fleureau, Antiquitez
de la ville et du duché d’Estampes, Paris, Coignard, 1683, p.
.
(8) AD91 E3895.
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Édit
royal du 28 février 1491 (vidimus de 1492)
1492 (n. st.), 1er mars;
Etampes.
Vidimus par la prévôté
d’Etampes de lettres patentes de Charles VIII, en date du 27 février
1491 (n. st.), prolongeant pour dix ans à la ville d’Etampes son
droit de fournir le grenier à sel de cette ville, nonobstant certaine
ordonnance [p.247] récente,
donnée à Lyon, lettres qui sont accompagnées de leur
entérinement par les généraux des finances, en date
du 20 novembre 1491.
(Arch. municip. d’Etampes,
sans cote.*)
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* Ces
archives ont été enfin classées en 1991 par Anne-Marie
Chabin, et cette pièce a reçu la cote AA 46 (“Vidimus du prévôt d’Étampes en
date du 1er mars 1492 pour les lettres patentes de Charles VIII du 26 février
1490 [sic] reconduisant le privilège exclusif des habitants
d’Étampes pour la fourniture du sel, et les lettres de la Cour des
aides du 20 novembre 1491”) [B.G].
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A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Jehan Laurens
(1), escuier,
prévost d’Estampes, salut. Savoir faisons que, l’an de grace mil quatre
cens quatre vingtz et unze, le jeudi premier jour de mars, Jehan le Vassor,
tabellion juré en la ville et conté d’Estampes, a certifié
et certiffie par ces présentes à tous qu’il appartiendra avoir
veu, tenu et lu mot à mot et dilligenment regardé et visité
certaines lettres patantes du roy nostre sire, escriptes en parchemin, saines
et entières, en sang scel et escripture, desquelles la teneur ensuit:
Charles, par la grace de Dieu roy de France, à
noz amez et féaulx les généraulx conseillers par nous
ordonnez sur le fait et gouvernement de noz finances, salut et dilection.
L’umble supplicacion de noz chers et bien amez les
bourgoys, manans et habitans de la ville d’Estampes avons receue, contenant
que par cy devant, tant par don et octroy de nous que de noz prédécesseurs
roys, ils ayent acoustumé de fournir et faire fournir de sel le
grenier à sel de la dicte ville, ainsi que font et pourroient faire
marchans, pour les deniers, qui en ystroient, convertir et emploier ès
repparacions et fortificacions de la dicte ville et autres affaires comuns
d’icelle, ce qu’ilz ont fait et font encores,
mais obstant certain édict et ordonnance par
nous fais à Lyon, et depuis naguières publiez, par lesquelz,
entre autres choses, avons ordonné que tous marchans pourroient doresenavant
fournir de sel les greniers à sel de nostre royaume, et icellui
mettre en vente.
Les dictz supplians doubtent qu’ilz soient cy après
empeschez en la joÿssance de leur dit octroy de povoir fournir de
sel de la dicte ville d’Estampes, qui seroit le leur rendre illusoire et
de nul effect et valleur, et ou grant retardement de la fortificacion de
la dicte ville, qui en demoureroit, en nous humblement requérant
que, attendu les grands charges et affaires comuns, qu’ilz ont à
soustenir et supporter, et que d’icellui fournissement ilz ont tousjours
joÿ sans en abuser, il nous plaise leur accorder que, nonobstant les
dictz edict, ordonnance et publicacion, ils puissent joÿr de leur dit
octroy, et icellui leur prolonger jusques à certain contretemps, et
sur ce leur impartir nos grace et provision.
Pourquoy NOUS,
ces choses considérées, et la bonne, grande et ferme loyaulté
que les dictz supplians ont par cy devant eue envers nous et nos dictz prédécesseurs,
considérons aussi les grans charges et affaires de la dicte ville,
qu’ilz ont à supporter, lesquelz [p.248] bounement, sans avoir ledit fournissement,
ilz ne pourraient soustenir ne porter, pour ces causes inclinans liberallement
à la supplicacion et requeste des dictz supplians,
à iceulx avons
donné et octroyé, donnons et octroyons, de grace espécial,
par ces présentes, voulons et nous plaist qu’ilz joÿssent entirement
de leur dit octroy, pour le temps qu’il leur en reste, et de là en
avant jusques à dix ans prouchains venans, à compter du jour
et datte que les lettres qu’ilz en ont sont ou seront expirées, et
qu’ils puissent fournir et faire fournir de sel le dit grenier à sel
de la dicte ville d’Estampes, aussi en prendre par leurs mains le prouffit
et émolument,
pour les deniers
qui en ystroient estre convertiz et emploiez à la fortiticacion et
emparement de la dicte ville et autres affaires communs d’icelles, tout
ainsi qu’ilz faisoient auparavant les dictz édict et ordonnance et
publicacion,
et nonobstant iceulx, en déclairant nostre
plaisir, voulloir et entencion estre telz que jamais n’a esté y entendre
ou comprendre les dictz supplians, ne que autres que eulx ou autres de par
eulx y puissent présenter, mettre ou faire présenter et descendre
aucun sel, pourveu qu’ilz entretiendront et fourniront de sel le dit grenier,
en manière qu’il n’y en aura point de faulte, et que le dit sel
y sera vendu et distribué, en ensuivant le pris qui par vous leur
sera baillé, le tout selon et en enssuivant les ordonnances royaulx
sur ce faictes.
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(1) La première mention de ce personnage, que
nous connaissions, figure aux Arch. du Loiret, A 1199, tabl. 182, lay. 5,
liasse 1re, pièce 1re, à la date de 1481 [documents détruits en 1940 (B.G.)]. Il était
déjà alors prévôt. Il l’était encore en
1497, si l’on en croit la Rapsodie de Plisson, éd. Forteau,
Ann. du Gâtinais, t. XXVII, p. 246,
Gravure sur bois 15e siècle: un radeur
mesure le sel
(Jean Favier, Paris au XVe
siècle, Paris, Hachette, 1974, p. 274)
Portrait de Charles VIII
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Si vous mandons et enjoignons et à chacun de vous, si comme
à luy appartiendra, que de noz présens grace, voulloir, déclaracion
et octroy, et de tout l’effect et contenu en ces dictes présentes,
vous faictes, souffres et laissez joïr et user les dictz supplians,
plainement et paisiblement, sans en ce leur mettre ou donner, ne souffrir
estre fait, mis ou donné aucun arrest, destourbier ou empeschement
au contraire, ains se fait, mis ou donné leur avoit esté ou
estoit, à ceste cause le leur mettez ou faictes mettre incontinant
et sans délay à plaine délivrance et au premier estat
et deu.
Car ainsi nous plaist il estre fait, nonobstant les
dictz édict, ordonnance et publicacion et autres quelconques mandemens,
restrinctions, deffenses et lettres à ce contraires. Donné
à Amboise, le pénultime jour de février, l’an de grace
mil quatre cens quatre vingtz dix, et de nostre règne le huictiesme.
Ainsi signé: par le roy, les seigneurs de
la Trémoille (1), de Graville (2), admiral de France, de Piennes (3) et autres présens:
Parent. [p.249]
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(1)
Louis II, seigneur de La Trémoille, amiral de Guyenne et de Bretagne,
gouverneur et lieutenant général de Bourgogne, né le
20 sept. 1460, tué à Pavie, le 24 février 1525.
(2) Louis Malet de
Graville mourut en 1516. Cf. PERRET (P.-M.), Notice biographique sur
Louis Malet de Graville (1449-1516), Paris, 1889, in-8°.
(3) Piennes, Somme
arr. et cant. de Montdidier. Sur Louis de Halluin. seigneur de Piennes,
cf. le P. ANSELME, Hist. généalogique de la maison de
France, t. III, p. 912. [Voir aussi D. BARBIER, “Louis de Halluin”,
in O’Mahony [site généalogique], à cette adresse (cliquez ici), en ligne en 2010.
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2. Lettres de publication de cet
édit, 20 novembre 1491 (vidimus de 1492)
Ausquelles
lettres sont attachées certaines autres lettres, esmanées de
nos seigneurs les généraulx, en forme d’attache ou coumission,
qui pareillement ont esté veues, tenues, leues et dilligemment visitées,
juré aussi saines et entières en toutes choses, escriptes en
parchemin, desquelles la teneur est telle:
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Les généraulx
conseillers du roy nostre sire sur le fait et gouvernement de ses finances,
veues par nous les lettres patentes du roy nostre dit seigneur, ausquelles
ces présentes sont attachées sous l’un de noz signetz,
par lesquelles et pour les causes dedans contenues, le
dit seigneur a donné et octroyé aux bourgoys, manans et habitans
de la ville d’Estampes, veult et luy plaist que, nonobstant certain édict
et ordonnance, par luy fais à Lyon et depuis publiez, sur le fait
du fournissement des greniers à sel de son royaume,
ilz joÿssent entièrement de l’octroy
qui leur a pieça fait de povoir fournir et faire fournir, comme
marchans de sel, le grenier à sel du dit lieu d’Estampes, pour le
temps qui leur en reste, et de là en avant jusques à dix
ans prouchains venans, à compter du jour et datte que les lettres
du dit octroy sont ou seront expiréez, pour les deniers qui en ystront
du prouffit et émolument de la dicte marchandise prendre par leurs
mains,
et iceulx convertir et employer à la fortificacion
et emparement de la dicte ville et autres affaires commu[n]s d’icelle, tout ainsi qu’ilz faisoient auparavant
lesdictz édict, ordonnance et publicacion, pourveu qu’ilz entretiendront
et fourniront de sel ledit grenier, en manière qu’il n’y en aura point
de faulte et que le dit sel y sera vendu et distribué, en enssuivant
le pris qui par nous leur sera baillé,
le tout selon et en enssuivant les ordonnances royaulx
sur ce faictes,
consentons, en tant que à nous est, l’entérinement
et acomplissement des dictes lettres, tout ainsi et par la forme et manière
que le roy nostre dit seigneur le veult et mande par icelles.
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Tour du Loup sur le plan
de 1791 conservé aux
Archives municipales.
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Donné
soubz l’un de nos dictz signez, le XXe jour de novembre, l’an mil IIII
C IIII XX et unze.
Ainsi signé: Gaillard (1).
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(1)
Michel Gaillard, général des finances d’Outre-Seine depuis
octobre 1483. Cf. J. VAESEN, E. CHARAVAY et B. DE MANDROT,
Lettres missives de Louis XI, t. IX, p. 124, note très
détaillée.
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En tesmoing
de ce, nous, Péroton de Cabanins, garde du sel de la dicte prévosté,
avons mis à ce présent transcript ou vidimus le dit seel,
à la rellacion dudict juré. Donné les an et jour premiers
dessus dictz.
J. LE VASSOR.
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