|                                               
                                   
      
                       
                         
                           | Revue
de l’histoire de Versailles
 et de Seine-et-Oise
 32e année (1930),
 pp. 273-289.
 
 | La  défense militaire d’Etampes au XVIe
siècle 
 |  
 
 La défense militaire d’Etampes au XVIe siècle
 
 
            
              
                | A voir les 
 choses d’un regard superficiel, la riante ville d’Etampes, dans sa parure 
 de peupliers, de tilleuls et de saules argentés, dominée par 
 des coteaux jadis recouverts de vignes, semblait née pour se développer
  dans la quiétude et le bonheur au fond de sa vallée. Heureuse
  et calme, elle ne le fut guère autrefois. La richesse du sol fit
toujours  une proie du petit pays arrosé par la Louette, la Chalouette
et la  Juine. Pillé par les Bourguignons au début du quinzième
  siècle, il le fut au seizième par des aventuriers et des
mercenaires.   Les auberges, qui s’échelonnaient le long de la route
de Saint-Jacques   de Compostelle, n’hébergeaient pas seulement des
pèlerins.  En octobre 1555, dans une période de paix, un édit
royal fortifia   la police ou la maréchaussée étampoise,
éleva   le nombre des archers, «attendu la frequence du passaige,
où   se sont cy devant commis et commectent journellement plusieurs
assacinatz,   meurtres et voileries, qu’il ne serait possible purger et nectoyer
sans plus  grande force» (1). 
 On s’explique par là que la défensive 
 restait le principal souci des populations et des chefs eux-mêmes.
 
 | (1)  P. just., n°XXIX ter. Ces pièces 
justificatives sont publiées  dans notre travail sur Les Institution 
royales au pays d’Étampes de  1478 à 1598. Versailles, 1931,
in-8°.
 |  
                | 
  I. LES FORTIFICATIONS
 Des hordes de malfaiteurs réduisaient
 vite  à merci les habitants d’une localité, surtout durant
les guerres  civiles. Aussi, dans toute bourgade, voulait-on construire des
remparts. L’incurie du bailli était telle qu’on ne tenait plus guère
compte de sa personne. On s’adressait au roi, Il appartenait aux officiers
du bailliage d’entériner [p.274] les
  lettres obtenues. Dès avant 1556, Angerville était fermée
  par des murs très épais; elle possédait une vingtaine
  de tourelles munies de créneaux et de meurtrières; de larges 
  fossés interdisaient l’accès de la ville (2). En 1588, Henri III accordait aux habitants
  de Boissy-le-Sec (3) la permission de se fortifier. 
 Autrement que serait-il advenu? Les contribuables n’auraient pu résister 
 aux pillages continus et n’auraient payé ni taille, ni aides, ni subsides.
 Or le trésor,  au seizième siècle, avait un impérieux
 besoin d’argent.
 
 | (2)  MENAULT, Hist. d’Angerville-la-Gate, 
p. 86-88.— Cf. Coutume d’Etampes, dans  Bourdat de Richebourg. t. III,
p. 115.
 (3) Boissy-le-Sec (Seine-et-Oise),  arr. et canton 
d’Étampes.— Arch. Loiret, Fonds du duché d’Orléans,
 A 1168, fol. 335, copie du dix-huitème siècle.
 
 |  
                | Est-ce avec 
 des arrières-pensées d’ordre financier que François
 Ier, le 15 juillet 1536, envoya de Lyon aux habitants d’Etampes l’ordre
de  réparer leurs murailles? Tout porte à croire qu’il y avait
à cela des motifs différents, Les armées de Charles-Quint
dévastaient la Provence et se disposaient à marcher vers Paris,
Le roi de France dans ses missives, avertissait d’abord les habitants d’Etampes
«du bon grant ordre et provision, disait-il, que nous avons donnée
 en toutes les frontières, entrées et passages de nostre royaulme,
  qui est telle que, quelques grans preparatifz qu’ayent pu dresser noz ennemys
  pour execucion de leurs malignes et dampnées entreprises, ilz n’en
  pevent rapporter que honte, vitupere et dommage». Mais il ne se contentait
  pas d’avoir «en bon pasteur» pourvu les frontières.
Il   désirait préserver l’intérieur de toute oppression,
 et voir la paix régner entre ses bons et loyaux serviteurs (4). Si l’hypothèse était 
 permise en histoire, on imaginerait aisément les répercussions 
 de la guerre étrangère, la panique sur le territoire et les 
 brigandages favorisés par une situation anormale et troublée. 
 Au fond, que redoutait François Ier? Il était prudent; il craignait
 pour Paris; et une armée venant du Sud aurait certainement passé
 par la Beauce et par Etampes. Mais pourquoi oublierait-on que, depuis le
23 juin 1534, Anne de Pisseleu, la belle favorite chantée par le poète
 Marot, était comtesse d’Etampes? Il était naturel, dès
 lors, que François Ier se préoccupât de maintenir la
sécurité la plus entière à Etampes. 
 
 | 
 
     (4) P. Just., n°XXV.
 |  
                | La ville avait 
 été flanquée d’un château-fort au douzième 
 siècle [p. 275] et de 
remparts au quatorzième. Mais elle avait subi de rudes assauts pendant 
 la guerre de Cent ans. De larges brèches furent alors ouvertes dans 
 ses murailles; sur toute une partie de l’enceinte il ne restait plus que 
des soubassements, au début du quatorzième siècle. Le 
tracé des fortifications suivait au nord le boulevard Henri-IV actuel 
depuis la ruelle d’Enfer, du côté d’Orléans; il prolongeait 
ce boulevard en direction de Paris jusqu’à la rue qui débouche
  entre la rue du Château et la route actuelle de Dourdan. Il empruntait
  cette rue qui descend obliquement à l’est, puis la rue des Remparts.
  Au sud, il épousait le contour de la rivière d’Etampes, formée 
  par les eaux réunies de la Chalouette et de la Louette. A l’ouest,
  il regagnait le boulevard Henri-IV, en passant par la rue du Filoir et
la   ruelle d’Enfer. En temps normal, la ville comptait huit portes, munies
chacune   de deux tours. C’étaient: 1° La porte Saint-Martin;
 2° La porte Dorée, qui gardait l’ancienne route de Dourdan;
 3° La porte du Châtel ou des Lions;
 4° La porte Saint-Jacques, dont la construction ne remonte qu’à
  l’année 1512 (5);
 5° La porte Evrard, Evézard ou de la Couronne (porta Eurardi
  dès le treizième siècle) (6);
 6° La porte Saint-Pierre ou de Pluviers (7);
 7° La porte Saint-Fiacre;
 8° La porte Saint-Gilles (8).
 
 | (5)  Fragments de la Rapsodie de Plisson, 
dans Marquis, Les rues d’Etampes, p. 410. Id., ib., p. 73. Fleureau. 
p. 199.Quant à la porte Dorée, son épithète  doit s’orthographier 
ainsi et non d’orée, comme l’a démontré  M. L. Eug. Lefèvre,
              Nom contesté... Etampes, 1914.
 
 (6) Porta Eurardi, l’expression se  trouve dans 
une charte de 1226 séparant les paroisses Notre-Dame et  Saint-Basile. 
— Fleureau, p. 104.
 
 (7) Pluviers, ancien nom de Pithiviers,  encore 
employé à la fin du seizièmc siècle.
 
 (8) Marquis. ib., p. 72-76, et plan  de 
la ville aux dix-septième et dix-huitième siècle,  à 
la fin du livre.
 
 |  
                | Cet appareil 
 défensif tombait en ruine vers le sud-est, lorsque survint l’ordre 
 de François Ier. Les habitants d’Etampes accueillirent les lettres 
 royaux, comme si elles avaient répondu à leur attente. Les 
avaient-ils sollicitées par l’entremise d’Anne de Pisseleu? C’est possible.
Ce n’est pas certain. Ils s’assemblèrent à l’Hôtel de
Ville, sous la direction du conseil de bailliage, le 14 août 1536, le
jour même [p.276] où
  Jean Jouvin, chevaucheur d’écurie, avait apporté les missives.
  Là ils décidèrent de relever leurs fortifications,
d’employer  à cette œuvre leurs deniers communs et, au cas où
ils ne suffiraient  pas, de fournir le complément nécessaire
en s’imposant une  taxe. Leur projet ne ressemblait en rien à une
innovation. Il fallait  réparer les murailles, en se conformant à
l’ancien devis du  quatorzième siècle. On commencerait à
la tourelle de  la porte Evrard, qui se trouvait sur les fossés du
Port-Neuf; on suivrait  de là le pourpris jusqu’à la porte
Saint-Fiacre. Tel serait  l’ordre des travaux. On ménagerait de larges
boulevards pour séparer  de l’enceinte les héritages privés,
pour permettre aux défenseurs  éventuels de circuler et de
s’organiser. Ce n’était pas tout.  Il importait de murer les portes
Dorée et Saint-Fiacre, les moins  utiles au trafic et au commerce;
il convenait surtout de munir de ponts-levis  les portes Evrard, Saint-Jacques,
Saint-Pierre et Saint-Martin, qui en étaient  encore dépourvues.
Les bourgeois d’Etampes s’armeraient de «bastons  de deffence»
(9). 
 | 
     (9) Arch. Etampes, procès-verbal  d’une 
délibération de l’assemblée de ville.
 |  
                | Ce plan rencontra l’approbation de la grande
 majorité  des habitants. Mais, pour le réaliser, il fallait
 raser des maisons.  Quelques particuliers, groupés autour de Martin
 Auper, bourgeois d’Etampes.  se prétendirent lésés
et  réussirent à mettre dans leurs intérêts les
officiers  royaux d’Etampes. De là des retards dans l’exécution
du projet,  puis un mandement plus impératif de Français Ier,
en septembre  1536. Le maire et les échevins d’Etampes s’adressèrent
au gouverneur  de l’Île de France, le cardinal du Bellay (10), et lui exposèrent  leurs
difficultés, Celui-ci leur envoya des gens d’expérience,  pour
les aider dans leur entreprise, et des gens de conseil, pour entendre  les
opposants. Ensuite il leur enjoignit d’obéir au roi sans s’inquiéter
 des conséquences.
 
 | (10) Jean du Bellay (1492-1560), frère 
de Guillaume du Bellay, qui écrivit des Mémoires, et oncle de
Joachim du Bellay.
 
 |  
                | Cependant Martin Auper, soutenu par Jérôme
  de Villette, avocat du roi, qui se voyait également lésé
  dans ses biens, parvint, en présentant faussement l’affaire, à
  obtenir de la Chancellerie des lettres qui lui donnaient raison. Datées
  du onze octobre 1536, elles étaient adressantes au bailli d’Etampes 
  et ordonnaient la cessation des travaux, Martin Auper était riche.
  La Chancellerie était vénale.
 [p.277]
 
 Les officiers royaux d’Etampes devenaient suspects:
  les uns s’étaient laissés corrompre, les autres défendaient
  leur patrimoine. Ils mettaient obstacle à la volonté de François
  Ier le plus habilement du monde: ils plaçaient le roi en contradiction
  avec lui-même. C’est dans de tels cas spéciaux qu’apparaît 
  l’utilité des gouverneurs. Le cardinal du Bellay rendit à 
François Ier une vision plus nette de la réalité. Il 
inspira des lettres patentes du 20 janvier 1537, par lesquelles les baillis 
d’Orléans, de Montfort-l’Amaury (11) ou de Dourdan étaient proclamés 
les seuls juges compétents du différend entre Martin Auper et
les échevins d’Etampes (12).
 
 | (11)  Monfort-l’Amaury (Seine-et-Oise), arr. Rambouillet, 
chef-lieu de canton.
 (12) P. just. N°XXVI.
 
 |  
                | Le 8 avril 1537 (13), les agents municipaux de la ville 
 présentèrent ces lettres à Claude Bongars, lieutenant 
 général du bailli d’Orléans, qui séjournait à
 Etampes dans l’hôtel du Cheval Bardé. C’est là que cet
 officier connut du désaccord, Il décerna une commission aux
 échevins d’Etampes qui firent ajourner par devers lui les parties
 en cause. Il fut convenu que Martin Auper et ses voisins recevraient une
indemnité pour les dommages causés à leurs biens. De
part et d’autre on désignerait des experts qui auraient à s’entendre
sur la valeur des héritages menacés. L’estimation aurait lieu
 en présence de Claude Bongars. Le lieutenant général
d’Orléans infligerait à quiconque voudrait contester sa juridiction
une amende extraordinaire de cent marcs d’or.
 
 | 
     (13) Arch. d’Etampes: à cette  date, Procès-verbal 
du lieutenant général d’Orléans.
 |  
                | Alors seulement 
 on aurait pu envisager l’exécution des lettres royaux  du 15 juillet 
 1536. Mais Martin Auper ne se tint pas pour vaincu. Il en appela  au Parlement, 
 qui, le 3 juin 1541, rendit contre lui un arrêt analogue à la
 sentence de Claude Bongars. — Auper, la veuve Hébert, Guillaume Lambert
 et sa femme avaient jusque-là tenu en échec la municipalité 
 d’Etampes. Il semblait que désormais on pourrait aller de l’avant 
et fortifier Etampes. Il n’en fut rien, car la ville n’était pas assez 
 riche pour indemniser les opposants. Ainsi les choses tramèrent en 
 longueur, si bien qu’en 1562, Etampes se trouva menacée par les protestants, 
 sans avoir rien fait pour se protéger. L’arrêt de 1541 était 
 suranné. A la demande des maire et échevins, le Parlement en
 renouvela les conclusions, le 26 mai 1562.
[p.  278] 
 Mais le projet de 1536 fut reconnu insuffisant
  par Charles de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon, lieutenant général
  pour le roi à Etampes. Celui-ci, de concert avec le maréchal
  de Brissac, établit un nouveau plan de défense; le 28 septembre
  1562, le bailli et la municipalité reçurent du Parlement
l’ordre   de s’y conformer. Dans toute cette procédure, on entrevoit
que la  bonne volonté des Etampois s’était heurtée à 
des obstacles, surtout de nature pécuniaire; mais elle n’avait pas 
fait défaut, sauf chez quelques individus intéressés 
(14).
 
 | 
     (14) P. just., n°XXXI bis et ter.
 |  
                | II. LES ARBALETRIERS ET LES 
 ARQUEBUSIERS.
 Les habitants d’Etampes, qui ressentaient comme
  un besoin l’obligation de fortifier leur ville, désiraient aussi
d’eux-mêmes  se livrer à des exercices mâles et guerriers,
de nature à  les instruire dans le métier des armes. Ils s’accordaient
en cela avec une ordonnance du roi Charles V, rendue le 3 avril 1369 (15), qui défendait les jeux de 
 dés, de dames, de paume, de quilles, de palet, de billes, de «soules» 
 (16), sous peine de quarante sols parisis 
 d’amende, et recommandait le maniement de l’arc et de l’arbalète.
 Mus, disaient- ils, par l’amour du bien public, ils supplièrent Henri
 II de consentir quelques privilèges en faveur des jeunes gens d’Etampes
  pour leur ôter l’occasion de fréquenter les tavernes, pour
les  détourner de l’oisiveté et des plaisirs dangereux. Ils
obtinrent  de lui la permission de s’adonner aux jeux de l’arbalète
et de l’arquebuse,  par lettres données à Saint-Germain-en-Laye,
le 21 mai 1549  (17). On organisa chaque année, 
 au premier mai, un concours. Ce jour-là, sur une place publique d’Etampes, 
 deux «papegauts» étaient élevés et exposés 
 l’un aux coups des arbalétriers, l’autre aux coups des arquebusiers. 
 Les deux vainqueurs étaient ensuite proclamés solennellement 
 l’un roi des arbalétriers,  l’autre roi des arquebusiers. Ils recevaient 
 de la [p.279] municipalité 
 chacun un mouton d’or (18) ou l’équivalent (19). Cette récompense n’était 
 pas la plus appréciée. Les gagnants étaient de plus, 
 par la faveur du roi Henri II, exemptés  pour un an, à dater 
 du jour de la fête, de tous impôts, c’est-à-dire de la 
 taille, du huitième, du vingtième sur les vins «de leur 
 crû seulement», des gabelles et des subsides. Les lettres étaient 
 adressantes aux généraux des finances, aux conseillers sur 
le fait de la justice des aides et au bailli  d’Etampes. Elles furent enregistrées 
 et rendues exécutoires au conseil de bailliage, le 7 juin 1549. Leurs 
 dispositions restèrent toujours en vigueur par la suite. La franchise, 
 qui représentait pour le trésor un si léger sacrifice, 
 puisqu’elle s’appliquait à deux personnes seulement, et qui offrait 
 en retour l’avantage d’inspirer aux jeunes bourgeois d’Etampes le goût 
 des plaisirs virils et une salutaire émulation, fut confirmée 
 sans doute par les successeurs d’Henri Il. Il est certain qu’elle le fut 
par Henri IV, en septembre 1602 (20).
 
 | 
     (15) Isambert, t. V., p. 322 et 323.  Ord. V, 172,
 (16) Dans le Nord, on appelait «soule»
  une boule de bois ou d’autre matière dure, qu’on poussait avec une
  crosse. Cf. Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue françoise,
  t. VII, p. 511, col.
 
 (17) 
Publ. Fleureau, p. 232. — Mentions  diverses: Max. Lcgrand, Etampes pittoresque, 
1897, p. 190. — De Bigault de  Fouchères, Tabl. hist. sur Etampes, 
p. 33.
 
 (18) «Sorte de monnaie qui portait  d’un 
côté l’image de Saint-Jean-Baptiste et de l’autre un mouton
 avec sa toison...» (Godefroy, ouv. cité, t. V, p. 431,
 col. 3).
 
 (19)  40 sols tournois en 1560.  Cf. Compte 
municipal. p. just., n°XXXI.
 
 
 
 
 (20) Fleureau, p. 234.
 
 |  
                | 
  III LES GARNISONS
 Si, en raison des profits qu’ils en retiraient
  et en vue d’accroître leur sécurité, les habitants
d’Etampes   acceptaient allègrement de manier les armes et de les
faire servir   à leur défense, ils n’en avaient pas moins une
instinctive  horreur des gens de guerre étrangers à leur ville
et au bailliage.   Ils ne supportaient jamais en temps de paix des garnisons
dans leurs murs.   Ils en avaient trop souffert jadis, pendant la domination
bourguignonne.  A la fin du quinzième siècle, au début
du seizième,   ils se souvenaient encore. Les officiers royaux s’entendaient
à l’occasion   avec les échevins pour écarter non seulement
de la ville, mais  aussi du bailliage, le retour le pareils maux. Le capitaine
d’Etampes, Roger  de Béarn, qui était chevalier et bailli,
envoyait l’un de ses  sous-ordres Girault de Saint-Avy, ancien prévôt,
au devant de  six mille lansquenets qui voulaient établir leur garnison
à  Etampes. Il agissait à la requête de la municipalité
 et cela se passait au mois de mars 1514. Pendant que Girault de [p.180] Saint-Avy tenait les troupes
  en respect avec ses hommes, aux environs de Moret (21) et de Milly (22), une action parallèle d’un 
 autre ordre fut décidé sur l’avis de l’assemblée réunie 
 des officiers bailliagers et des habitants. Les échevins demandèrent 
 au gouverneur d’Orléans, Lancelot du Lac (23) qui séjournait à Etampes, 
 des lettres missives.  Puis deux d’entre eux allèrent les présenter 
 au capitaine des lansquenets, qu’ils rencontrèrent à Chastres-sous-Montlhéry
  (24). Le gouverneur d’Orléans expliquait 
 probablement au chef de cette bande que ses gens ne trouveraient pas à 
 Etampes ce qui était nécessaire à leur entretien. De 
 pareils arguments n’auraient pas suffi à l’éloigner. Aux lettres 
 de Lancelot du Lac, on joignit six écus d’or. Sensible à ce 
 don, le capitaine fit rebrousser chemin à ses mercenaires (25), qui n’avaient pas encore atteint 
 les limites du bailliage d’Etampes.
 
 | (21)  Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne), arrondissement 
de Fontainebleau, chef-lieu  de canton.
 (22) Milly (Seine-et-Oise), arrrondissement  d’Etampes, 
chef-lieu de canton.
 
 (23) De la famille du Lac, maison de  la Beauce, 
d’où sont sortis les seigneurs d’Ouville, de Chamerolles,  du Coudray 
et de Montereau. Ouville (Loiret), arrondissement et canton de  Chilleurs-aux-Bois. 
— Coudray (Loiret), arrondissement de Pithiviers, canton  de Malesherbes, 
Montereau (Loiret), arrondissement de Gien, canton d’Ouzouer-sur-Loire.  —
Sur la famille du Lac, consulter Lalanne, Dictionnaire historique,
 p. 1070,  col. 1.
 
 (24) Aujourd’hui Arpajon (Seine-et-Oise),  arrondissement 
de Corbeil, chef-lieu de canton.
 
 (25) Plisson, Rapsodie, éd.  Forteau, 
              Annales du Gâtinais, 1909, p. 33.
 
 |  
                | La ville jouit 
 alors pendant une quarantaine d’années d’une tranquillité 
relative. Malheureusement les troubles civils s’y manifestèrent dès
 la première heure. Etampes connut les jours sombres d’autrefois,
lorsqu’elle   fut contrainte, pour prévenir les vexations des huguenots,
à   installer dans ses murailles des compagnies d’ordonnance, à
les loger,   à les nourrir. Il fallut redoubler d’efforts pour éviter
les   abus des gens de guerre; et d’autre part leur présence était
  indispensable, en vue d’éviter les surprises possibles et pour réprimer 
  les brigandages de plus en plus fréquents. En 1560, deux compagnies
  tenaient garnison à Etampes, celle du seigneur de La Fayette (26) et celle du seigneur de la Trémoille 
 (27). Elles possédaient [p.181] chacune un maréchal
  des logis et un fourrier, qui veillaient de concert avec les sergents royaux
  du bailliage, à assurer le ravitaillement des troupes, Les gens
de   La Trémoille étaient logés à l’hôtel
du   Barde, ceux de La Fayette à l’Ecu de France (28). La municipalité, pour ne pas
éveiller les mécontentements populaires, subvenait aux frais
de leur entretien, dans une certaine mesure. Elle payait les hôteliers, 
 sur le produit de son droit de barrage. D’ailleurs ces compagnies ne durent 
 pas rester fort longtemps à Etampes. Car les échevins ne paraissent 
 leur avoir consacré que des sommes dérisoires (29). 
 Cette épreuve n’était rien en 
comparaison  des souffrances qui assaillirent la ville d’Etampes pendant les
guerres de  religion.
 
 | (26)  Sans doute un descendant de Gilbert de La 
Fayette (vers 1380 - 23 février  1462) qui fut maréchal de France
sous Charles VII.
 (27) Louis III, premier duc de Thouare  (1563), 
fils de François de La Trémoille qui fut lieutenant  général 
de Poitou et de Saintonge. Il naquit en 1521, mourut  devant Melle le 25 mars
1577. Lalanne, Dictionnaire historique, p. 1734, col. 1 et 2.
 
 (28) Auberge de la rue Saint-Jacques.  — Cf. Travers 
(E.), Epitaphes d’hôteliers à Etampes, p. 19.
 
 (29) P. just., n°XXXI.
 
 
 |  
                | 
  IV. L’ORGANISATION DE LA DEFENSE 
 URBAINE PENDANT LES GUERRES DE RELIGION
 Notre but n’est pas de raconter dans tous ses 
 détails cette douloureuse histoire, mais seulement de dégager 
 autant que possible les rapports du bailli d’Etampes et de la municipalité 
 avec les garnisons chargées de défendre la ville et les environs. 
 D’autres ont traité des événements eux-mêmes, 
qui sont très connus et que Dom Fleureau a rapportés avec une 
grande minutie (30).
 
 A) Sous Charles
 IX. — Après l’avènement du roi Charles IX, et pendant sa minorité,
 deux factions à caractère religieux et politique, se disputèrent
  le gouvernement de la France, celle des catholiques, avec les Guise à
 sa tête, celle des protestants, conduits par le prince de Condé.
 Grâce à l’influence des Guise, Catherine de Médicis
fut  proclamée régente. Mais Antoine de Bourbon, roi de Navarre,
 avait le commandement de l’armée. Il s’occupa à éviter
 les désordres civils, puisqu’il était chargé de préserver
 la tranquillité [p.282] publique.
 Elle courait alors de graves dangers. Car les protestants, qui avaient réuni
 des bandes allemandes, et les catholiques auraient voulu les uns et les
autres  posséder Paris. Le prince de Condé, posté à
Orléans  avec quatorze mille hommes, n’attendait qu’une occasion favorable
pour tenter   la suprême aventure, et de jour en jour la ville d’Etampes
voyait grandir  la menace.
 
 | 
 
 
 
  (30) Antiquitez d’Estampes, pp. 236-242, 
 247-258. — Marquis, Les rues d’Etampes, p. 312-316.— La Bigne (Henri 
de),  Etampes: 1562, 1652, 1793. dans Abeille d’Etampes, 8 et
22 janvier, 19 et  26 février, 5 et 26 mars, 2, 9 et 30 avril 1871.— 
Les auteurs précédents  ont puisé leurs renseignements
 dans les Mémoires des contemporains  des guerres de religion.
 |  
                | En quoi avait 
 consisté l’organisation défensive de la ville? 
 Au mois d’avril 1562, elle vit successivement 
 arriver dans ses murs, pour la sauvegarder, une bande sous les ordres du 
capitaine d’Eschaux, cinq compagnies sous le commandement du seigneur de Culan
(31), lieutenant 
de Jean  de Brosse, et enfin le seigneur de Monterud, commis au gouvernement 
des duchés  d’Orléans et d’Etampes. Il fallut ravitailler tous 
ces gens de guerre. Le produit des octrois royaux, qui n’avaient pas été 
 augmentés à temps, n’y suffisait pas. Les habitants durent 
avancer les «munitions», comme on disait alors pour désigner 
les vivres et les autres choses nécessaires à l’existence (32).
 
 | (31)  Cuise était alors le chef-lieu d’une 
baronnie. — Colon (Cher), arrondissement   de Saint-Amand-Mont-Rond, canton 
de Châteaumeillant.
 (32) Fleureau. p. 237.— Plisson, éd.  Forteau, 
              ib., p. 62-63.
 
 |  
                | Ce fut un véritable
état de siège, selon l’expression moderne, la mise au service
de l’armée de toutes les ressources civiles. Le 15 avril 1562, le
maire et les échevins d’Etampes avaient reçu  du Roi de Navarre
le pouvoir de réquisitionner chez les habitants des denrées,
pour nourrir les gens de guerre. Le remboursement aurait lieu, dès
qu’il serait possible. Le 13 mai 1562, Charles IX mandait au bailli d’Etampes
qu’il avait résolu dans son Conseil de mettre en campagne une puissante
armée, composée de gens de pied et de cheval, sous la direction
personnelle d’Antoine de Bourbon, son oncle.  Elle passerait par où
l’on jugerait à propos, surtout aux environs d’Etampes. C’est pourquoi
il importait de constituer dans cette ville un magasin de farines et pour
cela de réquisitionner tous les blés chez les forains et les
particuliers, à charge d’en rembourser le prix au cours du jour. Il
fallait de plus en prohiber la vente et la sortie. En exécution de
ces lettres, Nicolas Petau, bailli d’Etampes, ordonna trois jours après
 au premier sergent royal «sur ce requis» de signifier leur devoir
 aux habitants. D’autres mandements royaux [p.283]
             — ils semblent avoir afflué à Etampes
 durant cette période — en joignaient de construire de fours, s’il
en était besoin, et fixaient le nombre et le poids des pains à
 fournir (33). 
 | 
     (33) Plisson, éd. Forteau, ib.  p. 63-65.
 |  
                | Le 14 juillet 
 1562, les échevins recevaient l’ordre royal de «faire  dresser 
 étapes de pain, vin, chairs et avoine» sur le passage des douze 
 cents «chevaux pistoliers» du comte Christophe de Rogendorff
 (34). Il convenait de ne rien ménager,
 de présenter les vivres en abondance, afin d’éviter les défections,
 les désordres dans la troupe et l’oppression du peuple (35). 
 | (34)  Roggendorf, en Rhénanie. Cf. Ritter, 
              Geographisch statistiches lexicon,  II, 706. col. IV, 
Roggendorf.
 (35) Plisson, éd. Forteau, ib.,  p. 66.
 
 |  
                | En tout, pendant 
 la seule année 1562, la ville d’Etampes, littéralement  épuisée, 
 avait livré à une soldatesque effrénée 60 muids 
 de blé, mesure de Paris, 6 muids d’avoine, mesure d’Etampes, 147 poinçons
 de vin, 5643 pains de deux livres, 32908 pains de 15 onces             (36), 50618 pains de 12 onces, 
 2780 livres en espèces sonnantes, 180 livres de lard, 30 pintes d’huile, 
 50 livres de chandelles, 344 fagots, 20 moules (37) de mois. Dans la fièvre, 
 la crainte, l’agitation, personne ne comptait plus ses biens, ni ne songeait 
 à sa propre subsistance. Les officiers royaux déployèrent 
 beaucoup d’activité, d’autant plus peut-être qu’ils redoutaient 
 à la fois les huguenots et les mercenaires étrangers. Seul 
Claude Cassegrain, lieutenant général du bailliage, avait gagné 
 le camp des rebelles, Il fut condamné à être pendu, par
 arrêt du Parlement du 21 novembre 1562 (38). 
 A quoi aboutirent
 tant de sacrifices?
 
 Les reîtres allemands de Condé, 
 qui avaient occupé Pithiviers le 11 novembre et avaient ainsi entraîné
  le départ pour Corbeil de la garnison étampoise, s’emparèrent
  facilement d’Etampes le 13 novembre. Ils purent à leur aise assouvir
  leur folie de destruction, pendant six semaines.  [p.284]
 
 
 **   *
 
 | 
 
 
  (36)  L’once, à Paris, valait la seizième 
partie de la livre. — Le  poinçon contenait habituellement les deux 
tiers d’un muid.— Le muid  d’Etampes était plus grand que le muid de
Paris d’un setier une mine.
 (37) La moule était analogue  à notre
stère.
 
 
 
 (38) A «estre pendu et estranglé,
  disait l’arrêt aujourd’hui perdu, à potences croisées,
  qui seront mises et plantées en la place des Halles de cette ville 
  de Paris». (Mém. de Condé, t. IV, p. 94. Voir
 aussi p. 122). — Cf. De Bigault de Fouchères, Tables historiques
 sur Etampes,  p. 49.
 
 |  
                | Le pays n’avait 
 pas eu le temps de se relever d’un tel désastre, lorsque,  vers la 
 fin de septembre 1567, les troubles recommencèrent. Sous la direction 
 de Claude de la Mothe, seigneur de Bonnelles (39), huit corps de garde furent 
 créés pour défendre la ville et un pour tenir le château. 
 Une mesure analogue avait été prise en 1562. D’honorables bourgeois
 furent élus pour encadrer les habitants ainsi groupés et armés.
 Les fortifications furent relevées. On constitua d’importantes réserves
 de vivres, de bois de fourrages, de poudres, de munitions de guerre. Des
ustensiles de ménage, lits, tables, châlits, linge, vaisselle,
tréteaux, escabelles, furent confisqués dans les maisons et
portés au château, pour servir aux gens de Claude de la Mothe.
Tout cela se fit sur l’initiative de la municipalité, qui avait même
proposé au roi, tant un homme de robe, comme Nicolas Petau, lui semblait
insuffisant, la nomination d’un nouveau capitaine. La résistance paraissait
assurée. Le seigneur de Bonnelles avait interdit de tirer des coups
d’arquebuse sans nécessité depuis six heures du soir jusqu’au
lendemain après la levée des corps de garde. Il soumit les
habitants à une rigoureuse discipline ils ne devaient exécuter
aucune ronde sans le commandement des chefs qui auraient le mot du guet. 
 
 Mais que pouvaient tant de précautions 
 contre des forces supérieures en nombre? Etampes se rendit une seconde 
 fois, le 17 octobre 1567, au comte de Montgoméry (40), qui venait de Janville 
 (41). Cette victoire ne fut pas de longue 
 durée pour le parti huguenot. L’armée royale rentra en possession 
 de la ville le 16 novembre (42). De nouvelles garnisons 
 très fortes y furent établies sous le commandement du capitaine 
 de Saint-Martin, des seigneurs de Tilladet et de Monluc (43).
 
 | (39)  Bonnelles (Seine-et-Oise), arrondissement 
de Rambouillet, canton de Dourdan.              
 (40) Gabriel, comte de Montgoméry,  né 
vers 1530, mort après condamnation le 26 juin 1574. Il avait blessé 
 mortellement Henri II par mégarde, le 30 juin 1559. — Lalanne, Dictionnaire 
 historique, p. 1307, col. 2.
 
 (41) Janville (Eure-et-Loir), arrondissement  de
Chartres, chef-lieu de canton.
 
 (42) Fleureau, p. 240 et 241.
 
 (43) Blaise de Monluc, maréchal  de France, 
né à Sainte-Gemme (Gers) en 1501, mort au château  d’Estillac 
(Agenais) en 1577. Il a écrit des Commentaires, éd. 
de Ruble. 1852-72, 5 vol. in-8. Les trois personnages en question sont mentionnés 
 p. just. N°XXXV.
 
 |  
                | A quoi se réduisit
le rôle du bailli? Comme en 1562, il ravitailla les troupes. Il était,
comme nous dirions aujourd’hui, chargé du service de l’intendance.
On doit rendre à Nicolas Petau cette justice  qu’il s’acquittait merveilleusement
de sa tâche. Grâce à  lui, un peu grâce à
la fermeté qu’il sut déployer,  aux sanctions qu’il prenait
contre les récalcitrants, bien des désordres,  des actes d’indiscipline
militaire furent évités. Il exécutait  d’ailleurs les
mandements du roi. Le 17 novembre 1567, Charles IX, comme si la Beauce lui
avait paru inépuisable en céréales, manifestait l’intention
d’amasser de nouveau les blés et les farines, dans toute l’étendue
du bailliage, pour les amener à Etampes. Les commissaires généraux
des vivres étaient en outre  requis de faire rechercher les aliments
cachés dans la ville ou abandonnés  par les ennemis dans la
rapidité de leur fuite. Deux bourgeois d’Etampes  furent élus
en assemblée municipale pour recevoir les blés  et pour les
conserver dans les greniers de l’hôtel du Mesnil-Girault  (44). Ils rendirent à
la Chambre un compte particulier de leur recette et de leur dépense.
Les laboureurs et les fermiers de tous les villages du baillage d’Etampes
leur avaient amené le produit de leurs récoltes (45). Longtemps après
  ils furent récompensés de cette obéissance aux ordres
  du roi, ils furent payés entre 1573 et 1579 seulement. Ils avaient
  eu aussi à transporter une partie de leurs grains à Orléans.
  On évalua la somme totale due par la municipalité, dépositaire 
  des octrois royaux, à 8757 livres (46). Les guerres de religion
  allaient coûter davantage au pays d’Etampes. 
 | 
     (44) A l’emplacement de ta place Dauphine  actuelle.
 
 (45) Plisson, Rapsodie, éd.  Forteau, 
              Annales du Gâtinais, 1909 p. 68-69.
 
 
 (46) P. just., n°XXXV.
 
 
 |  
                | B) Sous Henri 
 III et Henri IV.— Nous ne rappellerons pas l’anarchie profonde qui régna 
 en France après la mort de Charles IX, la constitution  d’armées 
 particulières sous le commandement du duc d’Alençon, frère 
 du nouveau roi, et sous Jean Casimir Palatin, puis les prétentions
  des Guise au trône. Henri III mit tout en œuvre pour conserver Etampes
  sous son autorité. Le bailli de cette ville fut, à partir
de  1583, un écuyer. Michel de Veillard, qui se proclamait officiellement
  capitaine et gouverneur. En fait il ne joua pas, dans la défense
du  pays, un rôle plus positif que Nicolas  [p.286] Petau. Ce dernier continuait à
 exercer des fonctions de magistrature à Etampes. De bailli, il était
 passé  lieutenant particulier du bailli. Le roi comptait bien plus
 sur les habitants  d’Etampes eux-mêmes que sur ces officiers, dont
les pouvoirs tendaient  à devenir exclusivement judiciaires. Au mois
de mars 1585, Philippe  Hurault, comte de Cheverny (47), chancelier de France,
gouverneur d’Orléans et de la Beauce, avertit les bourgeois d’Etampes
d’avoir à se fortifier. La ville se ferma presque entièrement.
De ses huit portes, trois seulement, celles de Saint-Jacques, de Saint-Pierre
et de Saint Martin, furent maintenues. Les autres furent murées. La
porte Dorée et la porte Saint-Fiacre l’étaient déjà.
  «Le château, nous dit le P. Fleureau, était gardé
  jour et nuit par des habitants, qui étaient choisis chaque jour
par   le maire et les échevins, sous le commandement du sieur de Blaville,
  qui en était capitaine» (48). Nous acquérons
par ce texte la certitude que Michel de Veillard ne s’intitulait plus gouverneur
  que par habitude et que c’était là un titre purement honorifique. 
  Cependant, le 27 avril 1585, Henri III interdisait expressément aux
 bourgeois de laisser entrer une troupe, quelle qu’elle fût, dans leurs
 murailles sans une permission signée de sa main. 
 | (47)  Cheveroy (Loir-et-Cher), arrondissement de
Blois, canton de Contres, — Philippe  Hurault, né au château 
de Cheveray le 25 mars 152, y mourut le 30 juillet 1599. Il fut conseiller 
au Parlement de Paris, maître des requêtes de l’Hôtel du 
Roi et chancelier du duc d’Anjou (Henri  III qui, devenu roi, le nomma garde 
des sceau (1578) et chancelier de Franco  (1581). Disgrâcié en
1588, il fut rappelé par Henri 1V,  qui le créa gouverneur de
Chartres. Il a laissé des Mémoires,  parus en 1636 in-4°.
— Cf. Lalanne, Dictionnaire historique, p. 1010,  col. 1 et 2.
 (48) Fleureau, p. 247,
 
 
 
 
 |  
                | Quelque temps 
 après, un nouveau gouverneur de la ville fut désigné
  par les habitants, sur la proposition du roi et du comte de Cheverny. On
 voit par là que le même homme ne restait pas longtemps dans
cette charge. Se montrait-il au-dessous de sa tâche? Son insuffisance
était signalée à son supérieur immédiat,
 le gouverneur d’Orléans. L’imminence du péril opérait
d’elle-même, pour ainsi dire, le discernement des valeurs. Le seigneur
de la Mothe-Bonnelles vint, comme en 1567, organiser la défense d’Etampes.
Une assemblée de ville, tenue le 10 mai en présence des officiers
royaux, décida de remettre au capitaine de la Mothe-Bonnelles le rôle
des dixaines, chargées de la police urbaine. Il en tirerait, pour [p.287] garder le château,
soixante hommes. Dix d’entre eux seraient installés en sentinelles
et remplacés par dix autres et ainsi de suite, six fois dans les vingt-quatre
heures de la journée. Ce pouvoir d’occuper militairement le château
appartenait de droit à la municipalité, en vertu de lettres
royaux, et elle en avait fait cession temporairement au seigneur de Bonnelles.
Grâce à la discipline de ses habitants et à la prudence
de son gouverneur, la ville put éviter un nouveau désastre
(49). 
 | (49)  Fleureau. p. 247-248.
 |  
                | Mais, en 1587, 
 des bandes allemandes et suisses, au service du parti huguenot, se jetèrent 
 dans les riches plaines de la Beauce. Elles menacèrent  Etampes. —
 Chalo-Saint-Mard et les environs immédiats de la ville étaient 
 livrés au pillage (50). Etampes reçut dans 
 ses murs l’armée royale du seigneur de Sainte-Marie et demeura saine 
 et sauve (51). 
 | (50)  Id. p. 252.
 (51) Id., p. 250.
 
 |  
                | Le 19 août 
 1587, ses habitants entrèrent dans la Ligue, parti du duc de Guise. 
 Après l’assassinat de ce dernier ses partisans placèrent une 
 garnison dans Etampes. Elle était commandée par François
  d’Isy, seigneur de la Montagne, qui fut bientôt remplacé par
  le seigneur de Pussay. Le plus odieux fanatisme se donna libre cours. Le
 seigneur de la Montagne fit emprisonner Nicolas Petau, le bailli, et ses
enfants, sous le prétexte fallacieux de mauvais catholicisme. Toute
la population d’Etampes, indignée, fit entendre la voix de sa réprobation.
  Les suspects de conciliation avec le parti protestant, de tolérance,
  dirait-on aujourd’hui, «de politique», disait-on alors, étaient 
  incarcérés sans pitié. Le prévôt, Jean
  Audren, subit le même sort que Petau. Le Conseil du Roi envoya à
  Etampes, pour remplacer Audren, Simon Delorme, avocat au Parlement. En
cette   circonstance l’assemblée de ville manifesta sa pensée
avec  courage et refusa de reconnaître le nouvel officier (52). 
 | (52)  Id., p. 255.
 |  
                | Nous serons 
 bref sur le dénouement. La ville d’Etampes ne pouvait pas opposer 
de résistance aux attaques d’une armée nombreuse. Les forces 
réunies du roi de France et du roi de Navarre s’emparèrent d’Etampes,
le 30 juin 1589, et la saccagèrent de
[p.288]             fond en comble. Petau fut tué et,
nous déclare sans autre précision la Rapsodie, «M. le
prévost Jean Audren fut encore plus mal traité» (53). Remarquons en passant que Nicolas Péteau,
tiraillé par des factions adverses, victime de son esprit d’apaisement,
avait été,  en 1587, incarcéré par les ligueurs
et fut, en 1589, mis à mort par les huguenots. Plus tard, l’armée
de la Ligue reprit de nouveau la ville, sous la direction d’Alexandre de
Castelnau. Enfin, le 4 novembre 1589, Henri IV revint, fit démolir
le château, laissant subsister les ruines actuelles de Guinette, démantela
Etampes et la préserva ainsi pour l’avenir de beaucoup de maux (54). 
 Nous avons eu l’impression que, de 1562 à
  1589, en dépit de quelques accalmies, la petite ville d’Etampes
avait   subi des violences sans nombre, et n’avait plus obéi à
ses  officiers locaux accoutumés.
 
 | 
  (53)  Plisson. éd. Forteau, ib., p. 67.— 
On comprendra toute l’horreur de  cette affaire, si l’on se souvient que Petau
avait été incarcéré  par les catholiques.
 
 
 (54) Id., ib. n. 1.
 
 |  
                | CONCLUSION
 Au début du seizième siècle,
  les officiers du bailliage concentraient entre leurs mains les pouvoirs
locaux.  Peu à peu ils virent leur échapper une partie de leur
autorité.  Ils restaient des magistrats. Ils maniaient rarement l’épée.
  Leur rôle militaire s’était affaibli.
 
 Le bailli et capitaine d’Etampes relevait tantôt
  du gouverneur de l’Île-de-France, tantôt du gouverneur d’Orléans,
  dans la première moitié du seizième siècle.
Pendant  les guerres de religion, il dépendit du gouverneur d’Orléans.
 
 Il ne commanda pas les années chargées
  de défendre son bailliage. D’autres, plus grands capitaines, assumèrent
  cette lourde responsabilité. Pour lui, il se contentait de pourvoir
  au ravitaillement des troupes.
 
 A aucun moment son action ne fut séparée
  de celle de la municipalité étampoise, qui avait le rôle
  financier par excellence pendant les troubles civils.
 
 Le service du guet, négligé comme
  inutile en temps de paix, était assuré en temps de guerre
par  les soins de l’échevinage, d’après un  [p.289] rôle des dixaines,
 qu’il avait établi  au préalable. Le bailli surveillait seulement
 les actes de la municipalité.  Les pouvoirs de celle-ci ne se dissociaient
 pas des siens à proprement  parler. Bailli et échevinage collaboraient.
 Les officiers directement  royaux ne faisaient que transmettre à
l’assemblée  de ville des ordres de l’autorité centrale et
presser leur accomplissement.   Mais les agents municipaux n’étaient-ils
pas les exécuteurs  dociles des volontés royales? Ils l’étaient
et le devinrent  de plus en plus.
 
 
  P. DUPIEUX.
 | 
 |  
 Toute critique, correction ou contribution sera 
la bienvenue.  Any criticism or contribution welcome. | 
                           
       | BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
 
 Éditions
 1) Article original: Paul DUPIEUX, «La 
 Défense militaire d’Etampes au XVIe siècle» in Revue 
 de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise 32 (1930), pp. 273-289.
 
 2) Extrait: Paul 
 DUPIEUX,       La Défense militaire d’Etampes au XVIe siècle 
 [in-4°; 19 p.; e xtrait de la Revue de l’histoire de Versailles et de 
 Seine-et-Oise  (octobre-décembre 1930)], Versailles, J.-M. Mercier, 
 1930 [apparemment imprimé seulement en 1932].
 
 3) Publication numérique
  en mode image par la BNF sur son site Gallica, in «Revue de l’histoire de Versailles
  et de Seine-et-Oise 32 (1930)», http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-67123, 
  pp. 273-289, en ligne en 2005.
 
 4) Présente publication
  numérique en mode texte: Bernard GINESTE [éd.], «Paul
  Dupieux: La Défense militaire d’Etampes au XVIe siècle
  (1930)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-dupieux1930defense.html, 
  2005.
 
 
  Autres ouvrages 
 de Dupieux sur Étampes
 Paul DUPIEUX, Les Institutions royales au
 pays  d’Etampes (Comté puis Duché: 1478-1598), par Paul Dupieux,
 architecte-adjoint de la Seine. Ouvrage couronné par l’Institut
 [in-8°; XIX+288 p.; gravure; carte], Versailles, Mercier [«Bibliothèque
 d’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, publiée sous les auspices
 de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise
  (Académie de Versailles)»], 1931.
 
 Paul DUPIEUX, Lettres royaux inédites
  concernant Etampes (1456-1573) [gr. in-8°; 47 p.; extrait du Bulletin
  philologique et historique (1930-1931)], Paris, Imprimerie nationale,
  1933.
 
 
  Autres publications 
 de Dupieux
      Nous donnons ici la bibliographie 
 des autres ouvrages de Paul Dupieux conservés par la BNF. Il est juste
 en effet que le Corpus Étampois lui rende  cet hommage, puisqu’il 
a beaucoup donné à Étampes, pendant la première 
 partie de sa carrière d’historien; avant que sa carrière d’archiviste 
 ne l’éloigne de notre région.         Paul DUPIEUX & M. le Comte de JANSSENS, Le Gentilica Claudius dans 
 quelques noms de lieux de l’Ouest, Clion, Cloué, Cloyes, etc. 
[in-8° ; 19 p.; extrait du Bulletin de la Société des 
antiquaires de l’Ouest (2e trimestre 1931)], Poitiers, Société 
française d’imprimerie, 1931.
 
 Paul DUPIEUX, Les Brondes, manufactures
de  cotonnades et de liqueurs, 1762-1800 [in-8°; paginé 59-104 
 ; extrait des Mémoires lus au Congrès des sociétés 
 savantes de Toulouse IV (1933)], 1933.
 
 Paul DUPIEUX, Les Attributions de la juridiction
  consulaire de Paris (1563-1792). L’arbitrage entre associés, commerçants,
  patrons et ouvriers au XVIIIe siècle [gr. in-8°; 35 p.;
extrait   de la Bibliothèque de l’Ecole des Chartes (1934)],
Paris &   Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1935.
 
 Paul DUPIEUX, L’Industrie textile en Champagne
  troyenne de 1784 à 1789 [in-8°; 27 p. ; extrait de la Nouvelle
  Revue de Champagne et de Brie (juillet 1935)], Châlons-sur-Marne,
  A. Robat, 1935.
 
 Paul DUPIEUX, Troyes et la foire de Beaucaire,
  courants commerciaux sous la Révolution et l’Empire [in-8°;
  17 p.; extrait de la Nouvelle Revue de Champagne et de Brie (avril
  1936)], Châlons-sur-Marne, A. Robat, 1936.
 
 Gustave-B. DUHEM [auteur principal], Paul DUPIEUX
  [auteur de la préface et des tables], Département de l’Aube.
  Ville de Chaource. Inventaire sommaire des archives communales antérieures
  à 1790, rédigé par G. Duhem [in-8°; 44 p.],
 Troyes, J.-L. Paton, 1936.
 
 Gustave-B. DUHEM, Paul DUPIEUX & J. BLANC 
 [collaborateur],       Répertoire numérique de la série 
 Y: établissements de répression (Archives départementales 
 de l’Aube) [32 cm; 12 p.], Troyes, Archives départementales de 
 l’Aube, 1936.
 [MONTLUCON]
-  DUPIEUX (Paul).
 
 Paul DUPIEUX 
 (1904-1980) & Jules BLANC, Archives départementales de l’Aube, 
 antérieures à 1792. Répertoire numérique de la
 sous-série II C, fonds de l’enregistrement et de la conservation des
 hypothèques [Texte imprimé], dressé par Paul Dupieux,...
 avec la collaboration de Jules Blanc,... [in-f° (30 cm sur 24,5), V+53
 p.], Troyes, Imprimerie troyenne, 1938.
 
 Paul DUPIEUX [rédacteur] & Louis 
ALFONSI  [collaborateur], Répertoire numérique de la série
  V: Cultes [32 cm; III+39 p.] Troyes, Archives départementales 
 de l’ Aube, 1938.
 
 Paul DUPIEUX (Archiviste en chef de l’Allier), Département de 
 l’Allier. Ville de Montluçon. Inventaire sommaire des archives communales 
 antérieures à 1790. Tome premier, séries AA, BB et CC
 [in-f° (33 cm sur 25); 48 p.], Moulins, Crépin-Leblond, 1944.
[Les pièces inventoriées ici sont conservées aux Archives
 départementales de l’Allier, elles concernent les actes relatifs
aux  privilèges de la ville (AA), les délibérations du
Conseil  municipal (BB), et les finances communales (CC). L’ensemble est précédé
 d’une très introcduction historique sur la sitation de Montluçon,
 par Paul Dupieux].
 
 COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE MOULIN
 DU  CENT-CINQUANTENAIRE DE LA RÉVOLUTION [éd.] & Paul
DUPIEUX   [préfacier], Études sur la Révolution française 
  dans l’Allier. 1re série. 1939-1945 [in-4° (25 cm sur 16,5);
  212 p.], Moulins, Imprimerie du Progrès, 1945.
 
 Paul DUPIEUX, Marcel MOREAU [auteur] &
Louis   VÉREL [préfacier], Histoire du Bourbonnais pour
la jeunesse.   Dessins de Mlle Yvonne Diverneresse. Préface de M.
Vérel   [in-16 (19,5 cm sur 14); 200 p.; figures;  portraits;
carte],Moulins,   Crépin-Leblond, 1945.
 
 Paul DUPIEUX [auteur] & Augustin BERNARD
 (1867-1947)  [préfacier], La province de Bourbonnais. Préface
 par Augustin  Bernard,... Aquarelles hors-texte en couleurs et sépias
 de Pierre Poncet. Légendes de A. Collot. Frontispice de Ranson
 [in-f° (38,5 cm sur 28,5; 282 p.; figures; planches], Moulins, Crépin-Leblond,
 1946. Dont une réédition: La province de Bourbonnais [21 cm;
 261 p.], Paris, Barré & Dayez [«Nouvelle revue d’histoire»
  17], 1991 [ISBN 2-902484-11-9: 100 FF].
 
 Paul DUPIEUX, Les Artistes à la cour
  ducale des Bourbons: les Maîtres de Moulins [in-8° (23 cm
sur  14,5); 55 p.], Moulins, Crépin-Leblond [«Curiosités
bourbonnaises»  39], 1946.
 
 Joseph (François-Joseph) VIPLE, Camille
  GAGNON, Paul DUPIEUX & Marcel GÉNERMONT, Visages du Bourbonnais
  [in-8°; 200 p. ; figures; planches en noir et blanc et couleur; portraits,
  fac-similés; cartes en couleur], Paris, Éditions des Horizons
  de France [«Provinciales»], 1947.
 
 Paul DUPIEUX, Les Traces germaniques dans
 la  toponymie bourbonnaise [in-4°; paginé 277-288; extrait
 de       Onomastica 3-4 (septembre-décembre 1947)], Lyon &
 Paris, I.A.C., 1947.
 
 Paul DUPIEUX, Les noms de souterrains et 
d’industries  en Bourbonnais [24 cm; notes bibliographiques], Moulins, 
A. Pottier [«Les  noms de lieux et de peuples du Bourbonnais, témoins 
historiques»  1], 1947-19..
 
 Alexandre
 VIDIER [premier éditeur en 1911], Léon LEGRAND & Paul
DUPIEUX  [continuateurs], G. DUPONT-FERRIER [préfacier], Comptes
du domaine  de la ville de Paris, publiés par les soins du Service
des travaux  historiques de la ville de Paris [2 volumes in-f° (32
cm); t.1 (1424-1457;  texte édité et annoté par Alexandre
Vidier,... Léon  Le Grand,... Paul Dupieux,... ; introduction de G.
Dupont-Ferrier,...): XXXII+1056  p.; t. 2 (1457-1489, texte édité
et annoté par Jacques  Monicat): LII p.+698 col.+II p.; figures; fac-similés],
Paris, Imprimerie  nationale [«Histoire générale de Paris»],
1948-1958.
 
 Paul DUPIEUX, Les Traces germaniques dans
 la  toponymie bourbonnaise [in-8°; pagine 19-38; carte; extrait
du  Bulletin  de la Section de Géographie du Comité des Travaux
 historiques  et scientifiques (1946, 1947 & 1948)], Paris, Imprimerie
 nationale, 1953  [L’exemplaire de la BNF porte des notes et corrections
manuscrites  de l’auteur].
 
 Paul DUPIEUX & Antoine LACROIX, Le Napoléon
  ou les Drames de la monnaie française depuis deux mille ans
[24   cm; 462+XXXIX p.; illustrations; bibliographie pp. 417-433; index],
Paris,   Debresse, 1973.
 
 Paul DUPIEUX, Peuples et princes en Bourbonnais
  [26 cm; 421 p.; illustrations; bibliographie pp. 409-414], Moulins, Ipomée,
  1980 [ISBN 2-86485-010-9; 340 FF].
 
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