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Prospection aérienne en Étampois
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Avec d’autres auteurs, François
Besse a participé en 2004 à la publication d’un ouvrage consacré
à la prospection archéologique, Le Passé Francilien,
40 ans de prospection en Île-de-France. Il nous aimablement
autorisé en mettre en ligne ce qui suit, plus spécialement
consacré au Pays d’Étampes. |
François Besse PROSPECTION AÉRIENNE EN ÉTAMPOIS 2006
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Des milliers de sites archéologiques restent encore inconnus en France. Certains seront découverts fortuitement en "ouvrant le sous-sol", lors de travaux effectués dans une agglomération ou chez un particulier. D’autres apparaîtront à l’occasion de chantiers plus importants, allant de l’implantation d’un supermarché au tracé d’une voie ferrée pour le TGV ou la réalisation d’une route. Enfin, il reste une dernière méthode, la prospection visant à chercher, activement, des sites encore inconnus ou mal localisés. Plusieurs types de prospection sont possibles, allant de la prospection pédestre à la prospection géophysique en passant par la prospection aérienne. Dans tous les cas, il s’agit de trouver des indices trahissant la présence de vestiges enfouis. Pour le prospecteur au sol, ce seront des fragments de tuiles romaines ou un silex taillé, pour le prospecteur aérien, des formes visibles dans le paysage, mises en valeur par la nature. La prospection aérienne est une méthode très efficace, rapide et couvrant en un minium de temps un vaste secteur géographique. C’est une recherche diachronique, recherchant des sites sans distinction de période historique. En France, on estime à une centaine le nombre de prospecteurs aériens, essentiellement des bénévoles, effectuant chaque année ce type de recherche pour le compte de la Carte archéologique, une banque de données établie dans les différents services régionaux de l’archéologie (ministère de la Culture), afin d’enregistrer les sites potentiels, à protéger ou à surveiller lors d’un prochain chantier. Ces campagnes de prospection, comprenant de 10 à 30 heures de vol en moyenne, se font généralement avec une aide financière venant du service régional de la région et/ou du conseil général concerné. En fin de saison, chaque prospecteur remet son rapport, avec les fiches des sites relevés, complétés de photos et de dessins d’interprétation montrant les indices relevés. Ainsi, la prospection aérienne forme-t-elle un des maillons de la longue chaîne de la sauvegarde du patrimoine archéologique d’un pays. Pour l’Essonne, cette prospection a débuté dans les années 1960 avec Daniel Jalmain, l’un des pionniers français dans cette discipline, développée par des observateurs militaires dans l’entre-deux guerres, notamment en Grande-Bretagne, Italie et France. Des prospections ont été menées par la suite par René Goguey, Louis Girard, Patrick Joy et Daniel Giganon. Depuis le milieu des années 1990, François Besse assure désormais une campagne de prospection chaque année au-dessus du sud essonnien. Il s’agit, lors de vols à bord d’avions légers (ou ULM), de relever des traces dans le paysage, trahissant la présence dans le sous-sol du passage de l’Homme depuis la nuit des temps. Ceci peut prendre plusieurs formes, que l’on peut répartir par grandes périodes historiques selon leur typologie. |
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Périodes historiques
— Paléolithique: cette période échappe totalement au prospecteur aérien, avec des sites en grottes ou désormais localisés sous plusieurs mètres de profondeur, sous la forme de traces de foyers ou de campements. — Néolithique: l’âge de la Pierre polie peut prendre la forme de "camps" ou enceintes matérialisés par un système de fossés. Ce peut être aussi des sépultures encore visibles par la trace des fossés les entourant, ou encore des éperons barrés s’appuyant sur une rupture de terrain (falaise, colline) ou un méandre de rivière. En Essonne, ces éperons barrés sont difficilement identifiables car les rebords de vallées sont souvent cachés aujourd’hui par le couvert forestier, rendant inefficace la prospection aérienne. En Essonne, aucune site daté avec précision n’a été trouvé par prospection aérienne pour le Néolithique. Cette période est pourtant bien attestée dans la région avec la présence de polissoirs, dolmen et menhirs. L’habitat de cette période demeure difficile à mettre en valeur, car il s’agit de noter des alignements de "trous de poteaux", seule trace des maisons construites en matériaux périssables. — Protohistoire (âges des Métaux) : cette période (âges du Cuivre, du Bronze, puis du Fer) peut se concrétiser par de multiples enclos quadrangulaires ou circulaires, aux utilisations diverses et variées (sépultures individuelles ou collectives, usage agropastoral, habitations, fermes, camps). En Essonne du sud, le nombre de tels enclos s’avère important mais leur datation reste incertaine faute de sondages ou fouilles. De plus, des décapages menés sur de tels sites, dans d’autres régions, ont parfois eu des difficultés à dater l’ensemble, faute de matériel retrouvé dans les fossés. Cependant, certains enclos découverts pourraient être associés à la période de la Tène (civilisation gauloise ou celtique d’avant la conquête par Rome), par comparaison avec des sites fouillés dans d’autres régions françaises. — Gallo-romain: à partir du changement d’ère et plus particulièrement durant les premiers siècles, la civilisation gallo-romaine prend place dans la région, avec l’usage accru de la pierre. Au sud de Lutèce, capitale des Parisi et dans le secteur limitrophe entre les peuplades des Sénons (Sens) et des Carnutes (Chartres), se met en place une nouvelle forme de société, avec des campagnes exploitées méthodiquement, la Gaule servant entre autres de grenier de Rome. En prospection aérienne, il s’agit alors de relever la présence de substructions liées à de multiples bâtiments agricoles (granges, annexes de villa, ateliers), villae (il s’agit d’exploitations agricoles), temples, théâtres sans oublier les agglomérations secondaires structurant la région. Les sites gallo-romains sont les plus "parlants" pour le grand public, avec parfois des plans relevés par la photo très lisibles, dévoilant l’architecture complète d’une villa, le nombre de ces pièces, etc. Aux confins de la Beauce, le secteur autour d’Etampes est très favorable à ce type de recherches, suite aux nombreux champs de céréales favorisant la mise en valeur de tels sites. La prospection aérienne permet aussi de localiser les voies de communication (exemples: le Chemin de Saint-Mathurin allant de Chartres à Larchant en passant au sud d’Angerville et Méréville, ancienne voie antique) et de relever ainsi d’anciens chemins aujourd’hui disparus, mais encore visibles dans les labours à certaines périodes de l’année. Il est de même pour les parcellaires, restes du découpage ancien des terres cultivables, pouvant remonter à l’antiquité ou au Moyen-Age. — Moyen-Age: si les châteaux (Dourdan, tour Guinette à Etampes par exemple) sont déjà connus, le prospecteur aérien recherchera l’emplacement de châteaux oubliés ou en partie démantelés. Ainsi, autour de vestiges (comme celui de Puiselet-le-Marais par exemple ou encore le donjon du château de la Grange, près de Villeconin), peut s’apercevoir l’emplacement des restes d’un château. La recherche vise aussi à mettre en valeur l’emplacement de mottes féodales, l’ancêtre du château fort, avec la motte souvent défendue par une douve circulaire et complétée de sa basse-cour. Ce peut être encore une maison forte dont seule la plateforme sera encore visible de nos jours. — Epoque moderne: il s’agit d’enregistrer sur la pellicules, des fermes, moulins à eaux, châteaux, manoirs ou usines (archéologie industrielle) pour noter le patrimoine architectural d’un secteur. Dans cette catégorie, se trouve aussi la trace des parcs de châteaux. D’une manière générale, pour le sud essonnien, on note une abondance d’enclos fossoyés et de substructions gallo-romaines (principalement des villae ou annexes agricoles, ainsi que des fana, des petits temples de forme carrée, équivalents à nos chapelles). |
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Les
indices
Pour mettre en valeur ces sites aujourd’hui enfouis, le prospecteur aérien (pompeusement dénommé parfois "archéologue aérien") utilise la nature car tout passage de l’Homme s’est traduit par une "cicatrice" encore visible dans le sol, pour peu que l’on prenne un peu de hauteur. Ces indices prennent plusieurs formes, à utiliser selon la région, l’heure du vol, le type de sites recherchés. — indices topographiques: il s’agit d’anomalies dans la géométrie générale du paysage, dont il faut chercher la raison. — indices pédologiques: ces différences de couleur (soil-marks) sont visibles dans les labours en période hivernale, grâce à la remontée de matériaux ou par différence de substrat. — indices hygrométriques: ces tâches d’humidité (damp-marks) indiquent souvent la présence d’un site. — indices sciographiques: grâce aux ombres portées (shadow-marks), des sites peuvent être mis en valeur sur un sol nul ou même sur des céréales dont la hauteur de croissance est localement différente dans le champ. — indices phytographiques: il s’agit des anomalies de croissance ou de coloration des plantes (crop-marks), principalement les céréales. Suite au sous-sol chamboulé par l’Homme au fil des siècles et un substrat non homogène (fossé comblé avec une terre meilleure ou moins bonne, fondations d’un bâtiment gênant le passage des racines), la nature réagit différemment et révèle ce qui se cache à quelques dizaines de centimètres sous le sol. Ces différences de couleur ne sont visibles parfois que lors d’une courte période de quelques jours ou semaines car, tôt ou tard, le retard de croissance des céréales se résorbera et puis une fois la moisson effectuée, il n’y aura plus la moindre trace… Ainsi, la prospection aérienne s’avère être un travail de longue haleine, avec l’obligation de survols répétitifs, à différents moments de la journée et de l’année, avec parfois des sites qui apparaissent une saison puis ne sont plus visibles durant des années. Le puzzle d’un site ne s’assemble qu’après plusieurs années de survol sur un secteur donné. Une sécheresse peut être favorable pour accentuer certains phénomènes. La rotation des cultures ou des orages versant les céréales peuvent retarder de nouvelles découvertes. |
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Prospection
Concrètement, il s’agit de survoler le sud de l’Essonne avec un appareil photo à bord et d’observer méthodiquement le moindre champ. Le travail débute avant le vol sur un secteur donné, avec une analyse de la carte IGN au 1/25.000 pour y noter la toponymie évocatrice de sites potentiels ("Camp de César", "Maison rouge", "Terres noires"), l’emplacement de sites déjà connus, les axes de communication à privilégier, etc. Ce travail en amont peut aussi être complété de recherches en archives, pour relever dans des publications anciennes des sites mal localisés ou à confirmer. Au niveau de la photo, l’essentiel est de prendre des vues aériennes, généralement "obliques" par opposition aux photographies aériennes verticales telles qu’effectuées par l’Institut géographie national (IGN). Les exemples illustrant cette présentation montrent quelques sites relevés ces dernières années dans un rayon de 15 km autour d’Etampes. |
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Pour aller plus loin
A noter la publication en 2004 d’un ouvrage intitulé Le Passé francilien: 40 années de prospection aérienne en Ile-de-France, présentant plus largement cette technique de prospection avec de nombreuses photos concernant l’Essonne. Cet ouvrage, destiné au grand public (148 pages et près de 400 photos en couleurs légendées), est disponible auprès du GERSAR (chez Alain Bénard, 59, square Georges Guynemer, 91070 Bondoufle) au prix de 30 euros franco de port. Bibliographie complémentaire
— H. DELÉTANG [dir.], L’archéologie aérienne en France: le passé vu du ciel, Paris, Errance, 1999. — D. JALMAIN, Archéologie aérienne en Ile-de-France: Beauce, Brie, Champagne, Paris, Technip, 1970. Consultation conseillée
sur Internet
— http://www.archeologie-aerienne.culture.gouv.fr/culture/arcnat/aerien/fr (site réalisé par le ministère de la Culture avec les travaux de Roger Agache en Picardie) |
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Structure fossoyée avec fossés de largeur différente et présence de trous de poteaux et fosses. De tels indices sont généralement attribués à l’âge du Fer mais aucune datation précise ne peut être donnée faute de sondages. A gauche, on note la trace de quelques bâtiments. |
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Ensemble d’enclos dont la forme pourrait être attribuée à un aedificium, un type d’établissement agricole de la noblesse gauloise, tel qu’évoqué par Jules César dans son ouvrage La Guerre des Gaules. L’enclos central quadrangulaire bénéficie d’un puissant fossé. L’accès est bordé de deux fossés rectilignes. A proximité, un enclos peut avoir eu une fonction agropastorale. Le tout est entouré d’une imposante enceinte ovalaire, dont une partie est visible en haut de la photo. |
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Villa gallo-romaine relativement importante, articulée autour d’un espace central. Dans le secteur, des monnaies romaines ont été trouvées il y a plusieurs décennies. La photographie aérienne permet de localiser avec précision l’emplacement de cette demeure remontant sans doute au 2e siècle après J.-C. |
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Petit enclos quadrangulaire avec partition intérieure. Sans doute un enclos agropastoral. Les deux accès sont alignés et une marre est présente à l’intérieur, utilisable par le bétail. |
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Villa gallo-romaine découverte dans les années 1960 par Daniel Jalmain. La partie résidentielle (pars urbana) repose sur un plan en U tandis que la partie agricole (pars rustica) se trouve classiquement de part et d’autre de l’axe central de la villa, avec plusieurs bâtiments de diverses tailles dont la fonction reste incertaine (grenier, atelier, grange?). |
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Sanctuaire religieux comprenant des temples de type fanum (plan classique avec deux carrés emboîtés). On notera qu’un des deux fana a été reconstruit à l’emplacement d’un premier temple, puisque leurs plans se superposent. Un tel sanctuaire, non loin du chemin de Saint-Mathurin, axe de communication sans doute antique, a pu être actif durant plusieurs siècles.
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Source: Courriels de François Besse du 23 janvier 2006 |
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
Éditions François BESSE, Patrick GOUGE, Patrick F. JOY, Le passé francilien. Archéologie aérienne, 40 années de prospection en Île-de-France [30 cm; 146 p.; illustrations en couleur], Paris, Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France (Service régional de l’archéologie) & Milly-la-Forêt, GERSAR (Groupe d’études, de recherche et de sauvegarde de l’art rupestre), 2004 [ISBN 2-9513856-3-3; 25 €]. François BESSE, «Prospection aérienne en Étampois», in Corpus Étampois, http://ww.corpusetampois.com/che-21-francoisbesse2006prospection-etampois.html, 2005. Sur
François Besse
François BESSE, Patrick GOUGE, Patrick F. JOY, Le passé francilien. Archéologie aérienne, 40 années de prospection en Île-de-France [30 cm; 146 p.; illustrations en couleur], Paris, Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France (Service régional de l’archéologie) & Milly-la-Forêt, GERSAR (Groupe d’études, de recherche et de sauvegarde de l’art rupestre), 2004 [ISBN 2-9513856-3-3; 25 €; on peut commander cet ouvrage auprès de M. Alain Bénard, président de l’association GERSAR, 59, square Georges Guynemer, 91070 Bondoufle, au prix de 30 euros (25 + 5 de port)] ALTIPRESSE, «François Besse», in ID., Éditions Altipresse: Auteurs, http://www.altipresse.com/auteurs/besse.html, en ligne en 2005. François BESSE (né en 1959), 100 avions de légende [30 cm; 143 p.; illustrations en noir et en couleur; glossaire; index], Paris, Solar, 2004 [ISBN: 2-263-03780-2; 25 €]. Dont une recension en ligne par Ph. BALLARINI in Aerostories.Org, http://www.aerostories.org/~aerobiblio/article.php3?id_article=843, en ligne en 2005. François
BESSE [journaliste aéronautique], «Agence Rol: La Coupe Deutsch de la Meurthe à
Étampes (clichés du 30 septembre 1922)», in Corpus
Étampois, http://ww.corpusetampois.com/che-20-19220930coupedeutsch.html,
2005.
François BESSE & Bernard GINESTE [éd.], «Agence Rol: Accident de Sadi Lecointe (30 septembre 1922, photo de presse)», in Corpus Étampois, http://ww.corpusetampois.com/che-20-19220930accidentdesadilecointe.html, 2005. Autres vues
aériennes du Pays d’Étampes mises en ligne par notre Corpus
1911. Jean-Michel ROUSSEAU & Bernard GINESTE [éd.], «Eugène Rameau: Vues aériennes du pays d’Étampes (cartes postales, 1910-1911)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cpa-es-rameau1910vuesaeriennes.html, 2007. 1937. Dominique WAQUET & François BESSE, «Agence Havas: Aviation légère de défense en manœuvres au camp d’Étampes (cliché d’archives, 1937)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-1937havas-aviationlegere1.html, 2006. 1951. Bernard GINESTE & Jean-Michel ROUSSEAU [éd.], «André Leconte: En avion sur Étampes (4 clichés de Roger Henrard, 1951)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cpa-es-guy.html, 2008 (et pages afférentes). 1989. Archives municipales d’Étampes & Bernard GINESTE [éd.], «Sphair: Étampes. Mission Aérienne Verticale (56 cliché au 1/5500e, 1989)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cie-20-sphair1989etampes1.html, 2007. 2005. François BESSE, «Prospection aérienne en Étampois», in Corpus Étampois, http://ww.corpusetampois.com/che-21-francoisbesse2006prospection-etampois.html, 2005. 2006. Michel DE POOTER, «Vues aériennes du pays d’Étampes (2006)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cie-21-depooter2006etampois.html, 2006. Étampes et
l’Aviation dans le Corpus Étampois
Bernard GINESTE, «Étampes et l’Aviation: quelques documents», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-aviation.html, 2006. Toute critique ou contribution
seront les bienvenues. Any criticism or contribution welcome.
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