Corpus Littéraire Étampois
 
 
Victor Hugo
Ma main pressait ta taille frêle
22 août 1834
 
 
 Josette Mercier: L'étreinte (aquarelle, vers 2004)
 Juliette Mercier: L’étreinte (aquarelle inspirée par ce poème, 2004)
 
     Le 22 août 1834, Victor Hugo arrive à Étampes avec sa maîtresse Juliette Drouet, depuis Pithiviers et Yèvre-le-Chastel. Il y met par écrit ce poème tout inspiré par la passion que lui inspire Juliette Drouet. Le même jour il écrit une lettre à sa femme Adèle, ainsi qu’un billet touchant à leur fille Léopoldine. Ce poème, publié en 1856 dans les Contemplations, a inspiré au moins trois compositeurs et une artiste peintre.
  
   
Les Contemplations
 
Livre deuxième: L’âme en fleur

                    X

Mon bras pressait ta taille frêle
Et souple comme le roseau;
Ton sein palpitait comme l’aile
        D’un jeune oiseau.

Longtemps muets, nous contemplâmes 
Le ciel où s’éteignait le jour.
Que se passait-il dans nos âmes?
        Amour! amour!

Comme un ange qui se dévoile,
Tu me regardais dans ma nuit,
Avec ton beau regard d’étoile
        Qui m’éblouit.
 
Forêt de Fontainebleau, juillet 18..
                   

Edition des oeuvres complètes de 1882: Poèsie, tome 5, p. 141
Victor Hugo et Juliette Drouet à Étampes
le 22 août 1834


Portrait de Victor Hugo par Noël (1832) Charles-Emile Callande de Champmartin (1797-1883): Juliette Drouet (huile sur toile, 44 cm sur 37, vers 1827, Maison de Victor Hugo)       Le 22 août 1834, Victor Hugo arrive à Étampes avec sa maîtresse Juliette Drouet, depuis Pithiviers et Yèvre-le-Chastel. Il y met par écrit ce poème tout inspiré par la passion que lui inspire Juliette Drouet.

     Adèle Hugo, qui a donné cinq enfants à son mari, lui ferme la porte de sa chambre depuis 1831. En 1833, lors des répétitions de Lucrèce Borgia, Hugo rencontre Juliette Drouet (1806-1883), qui y joue alors le petit rôle de la princesse Negroni (on la voit ci-contre dans un costume de scène, vers 1827). Juliette a déjà été notamment la maîtresse du sculpteur Pradier qui l’a représentée sous les traits de la statue symbolisant Strasbourg, place de la Concorde à Paris, et lui a laissé une fille.

     Le 2 août 1834 Juliette rompt et prend la fuite avec sa fille en Bretagne, chez sa sœur, à Brest. Hugo l’y poursuit et ils reviennent ensemble par la vallée de la Loire, puis Étampes. Sa liaison avec Hugo liaison sera tumultueuse mais elle lui sera désormais fidèle pendant plus de cinquante ans, jusqu’à sa mort.

     Cette fin d’août 1834 pose de menus problèmes chronologiques. Il est probable que Hugo a alors perdu le compte des jours; ainsi ses lettres d’Étampes sont datées du 19 alors qu’il les écrit et poste le 22, et le manuscrit de son poème Mon bras pressait ta taille frêle (qui dans l’édition imprimée des Contemplations, en 1856, porte
«Forêt de Fontainebleau, juillet 18..») est daté par le manuscrit «Étampes, le 25 juillet». Il faut davantage croire les indications des lieux que celles des dates dans un voyage d’amoureux.

Juliette Drouet peinte par Bulloz (Musée Carnavalet) La Tour de Guinette (aquarelle de Chouppe, vers 1840)      Selon Gaillard, dans sa compilation chronologique en ligne, Victor Hugo et Juliette Drouet sont à Tours le 16 août, visitent le château d’Amboise et partent pour Orléans le 17, y arrivent par Blois le 19 (bien que la lettre d’Étampes à Léopoldine soit datée, sans doute par erreur, du 19), passent à Pithiviers et Yèvre-le-Châtel le 21, sont à Étampes le 22 (d’où il écrit une lettre une lettre à Adèle en y joignant sa lettre à Léopoldine), passent le 23 par Montlhéry, Palaiseau, Versailles et Saint-Germain, puis arrivent à Gisors par Conflans et Pontoise le 26 août: ils sont à Beauvais le 27.

     Il faut donc croire que ce poème a été composé ou noté par Hugo dans une auberge d’Étampes le 22 août 1834, peu après son arrivée d’Orléans via Pithiviers et Yèvre-le-Châtel. La mention d’Étampes, toute prosaïque, et portée par le manuscrit lui-même, doit être préféré, historiquement à celle de la Forêt de Fontainebleau, lieu bien connu et en vogue dans les milieux romantiques en 1856, que Hugo a choisi de porter dans la version définitive en vertu de sa liberté créatrice. L’arrière-plan biographique qui lui a inspiré ces vers doit plutôt être situé dans quelque bois des environs de Pithiviers, ou d’Étampes. Cependant on ne peut exclure abolument que les deux amants aient gagné Étampes par Malesherbe et Maisse, voire au prix d’un détour jusqu’à Milly-la-Forêt.

     Ce poème ne sera publié qu’en 1856 dans son recueil Les Contemplations, qui rassemble 158 poème (pour un total de 11 000 vers environ), composés de 1834 à 1855. Le plan de ce recueil en six livres retrace les grandes époques de la vie de l’auteur: Aurore, L’âme en fleur, Les luttes et les rêves, Pauca meae (Quelques vers pour ma fille), En marche, Au bord de l’infini. Notre poème est le dixième du Livre deuxième, L’âme en fleur, livre essentiellement consacré à sa liaison avec Juliette Drouet.


     Il s’agit de trois quatrains à rimes croisées, où chaque strophe commence par trois octosyllabes et s’achèvent sur un tétrasyllabe. On y reconnaît dès le premier quatrain une métrique typiquement romantique. Sa fraîcheur lui vient, sans doute, de la simplicité et de la précision de ses quatre comparaisons, jointes à la brièveté de l’évocation, qui exprime avec bonheur l’unicité fugace et poignante du moment qui se grave.
 
B. G., août 2004
ARTISTES QUI ONT ÉTÉ INSPIRÉS PAR CE POÈME


1) Le compositeur ÉDOUARD LALO
(1823-1892)

     Ce compositeur a mis en musique dce poème en 1870 ce poème sous le titre Souvenir (partition publiée en 1872).


2) Le compositeur Charles Marie Jean Albert WIDOR (1844-1937)

     Charles Marie Jean Albert Widor a mis en musique ce poème sous le titre Contemplation à une date non précisée.

Source: http://www.recmusic.org/lieder/get_text.html?TextId=8485, en ligne en 2004.

3) Le compositeur BERNARD VAN DIEREN (1887-1936)

     Bernard van Dieren (Rotterdam 1887 - London 1936) a mis en musique ce poème en 1921 (partition publiée à Oxford en 1925).


4) Le peintre JOSETTE MERCIER-KORNAYER (né en 1958)

Josette Mercier: L'étreinte (aquarelle, vers 2004)      Cette artiste-peintre a donné une exposition en ligne de nus où chaque toile a reçu son titre d’un poème de Victor Hugo; celui s’appelle l’Étreinte, et a été inspiré par notre poème que le poète a laissé sans titre; c’est une aquarelle de 40 cm sur 34 qui était proposée en ligne, en août 2004, pour 500 francs suisses, soit 340 €.

English Translation
  by Graham Thorne, 2000

My arm touched your fragile form,
pliant as a reed;
your breast throbbed
like a young bird’s wing!
     
We were a long time silent, as we looked up
at the sky from which the day was fading...
what was entering into our souls?
Love! Love!

Like an angel unveiling,
you looked at me in my darkness
your sweet and star-filled gaze,
which dazzles me!

© 2000 Graham Thorne.
Source: http://www.recmusic.org/lieder/get_text.html?TextId=8486, en ligne en 2004.

Source du texte: édition Cellier 1985 en ligne sur le site de la BNF.
 
   
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
 
Éditions

     Manuscrit original: nous ne savons pas où il est conservé.

     Édition originale: Victor HUGO, Les Contemplations [16 cm; 2 vol.; t. 1: Autrefois; t. 2: Aujourd’hui); édition Hetzel autorisée pour l’étranger, interdite pour la France], Bruxelles, A. Lebègue et Cie, 1856, tome 1, p. ?.

     Innombrables rééditions sur papier et en ligne, dont:

     Victor HUGO, Œuvres complètes de Victor Hugo. Poésie. V, Les Contemplations. 1 [351 p.], Paris : J. Hetzel & A. Quantin, 1882. Dont une réédition en mode image mise en ligne par la BNF sur son site Gallica, O=N037476, http://gallica.bnf.fr/document?O=N037476, 2001, en ligne en 2004.

     Jacques SEEBACHER [dir.], Guy ROSA & GROUPE HUGO [groupe inter-universitaire de travail sur Victor Hugo, Paris], Victor Hugo: Œuvres complètes. Poésie II [20 cm; 1112 p.], Paris, Robert Laffont [«Bouquin»], 1985 [dont une réédition en mode image par la BNF sur son site Gallica, O=N020246, http://gallica.bnf.fr/document?O=N020246, 1995, en ligne en 2004], pp. 307-308 [bibliographie p. 1068].

     Léon CELLIER [éd.], Victor Hugo: Les contemplations. Texte établi par Léon Cellier [19 cm], Paris, Bordas, 1985 [dont une édition numérique en mode texte, Paris, Bibliopolis, 1998-1999, mise en ligne par la BNF sur son site Gallica, N101451, http://gallica.bnf.fr/document?O=N101451, 1999, en ligne en 2004], p. 141.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Ma main pressait ta taille frêle (poème, 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834mamainpressait.html, 2004.

Autres sources

     Georges BRUNET, Victor Hugo. Ouvrage illustré de 48 planches hors-texte en phototype [104 p.], Paris, Rieder [«Maîtres des littératures» 19], 1935.

     SCÉRÉN & CNDP, «Victor Hugo dans l’Essonne», in ID., Voyages de Victor Hugo en France et à l’étranger, http://www.victorhugo.education.fr/enclasse/dep/91.htm, en ligne en 2004.

     J.L.N. GAILLARD [éd.], Chronologie Victor Hugohttp://www.chronologievictor-hugo.com, 2002, en ligne en 2004.

     Emily EZUST, 
«Comme un ange qui se dévoile», in ID, The Lied and Song Texts Page [an archive of texts to Lieder and other Classical Art Songs], http://www.recmusic.org/lieder/get_text.html?TextId=8485, en ligne en 2004.

     Peter BILLAM [compositeur], «Contributions to the Lieder Repertoire 1900-1999: Bernard Van Dieren», In ID., PJB Music, http://www.pjb.com.au/mus/lieder_writers.html#vandieren, en ligne en 2004.


Victor Hugo dans le Corpus Étampois

     Bernard GINESTE [éd.], «Étampes dans l’œuvre de Victor Hugo», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Sur la Tour de Guinette (une erreur archéologique dans Notre-Dame de Paris, 1831)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1831donjondetampes.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Lettre à Léopoldine (22 août 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834leopoldine.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Ma main pressait ta taille frêle (poème, 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834mamainpressait.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Étampes entrevue de la malleposte (Journal de voyage, 1843)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1843malleposte.html, 2004.

 
     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Incident en gare d’Étampes (Carnet intime, 13 février 1871)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1871etampes.html, 2004.

  
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