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Le 22 août 1834, Victor Hugo écrit une lettre à sa fillette de dix ans, Léopoldine. Dans sa belle simplicité, elle inspire une émotion poignante à celui qui sait le destin tragique de Léopoldine, morte noyée neuf ans plus tard, peu après son mariage, et en même temps que son époux qui tentait en vain de la sauver. Cette lettre est datée du 19 par une erreur qui remonte à Victor Hugo lui-même, car à cette date il est encore à Orléans; elle a été postée trois jours plus tard à Étampes en même temps qu’une lettre à Adèle sa femme (dont nous n’avons pas encore le texte), où il écrit: «Ici une lettre pour Poupée». A la même date et au même endroit il écrit Ma main pressait ta taille frêle, poème qui lui inspiré par sa maîtresse Juliette Drouet, en compagnie de qui il voyage. |
A Adèle (1)
[...] Mon Adèle, ma pauvre amie, si tu savais quelle joie j’aurais de t’avoir près de moi dans ces moments-là. Oh! certes nous ferons un voyage ensemble… [...] Ici une lettre pour Poupée. [...]. [cité par Gaillard d’après
l’édition des Choses Vues]
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A Léopoldine
Bonjour, ma Poupée, bonjour, mon cher petit ange. Je t’ai promis de t’écrire. Tu vois que je suis de parole. J’ai vu la mer, j’ai vu de belles églises, j’ai vu de jolies campagnes. La mer est grande, les églises sont belles, les campagnes sont jolies; mais les campagnes sont moins jolies que toi, les églises sont moins belles que ta maman, la mer est moins grande que mon amour pour vous tous. Ma Poupée, j’ai donné bien des fois, en pensant à vous, mes petits, des sous à de pauvres enfants qui allaient pieds nus au bord des routes. Je vous aime bien. Encore quelques heures, et je t’embrasserai sur tes deux bonnes petites joues, et mon gros Charlot, et ma petite Dédé qui me sourira, j’espère, et mon pauvre Toto l’exilé. A bientôt, ma Didine. Garde toujours cette lettre. Quand tu seras grande, je serai vieux, tu me la montreras, et nous nous aimerons bien; quand tu seras vieille, je n’y serai plus, tu la montreras à tes enfants et ils t’aimeront comme je t’aime. A bientôt. Ton petit papa,
V. Étampes, 19 août 1834. |
NOTES DE L’ÉDITION
MASSIN (1969)
[d’après la saisie de J.L.N. Gaillard] 1. Le Manuscrit donne distinctement «19 août 1834», mais les autres lettres et l’album de voyage de V.H. indiquent qu’à cette date, il était à Orléans et que c’est le 22 qu’il s’arrête à Etampes. Cf. sa lettre à Mme V.H., 22 août 1834 : «Ici une lettre pour Poupée» (éd. chronol., t. V, p. 1057). [Ajoutons que Victor Hugo voyageait alors en compagnie de sa maîtresse Juliette Drouet. (B.G.)] 2. Il fait allusion au «pauvre Toto exilé», donc resté aux Roches pendant que sa famille est à Paris. [Toto est le surnom de François-Victor, frère de Léopoldine. (B.G.)] |
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Éditions
Manuscrit original: Archives de la Maison de Victor Hugo (ArMVH). Don hér. H., 1950. Inv. a 134. Copie: Bibliothèque Nationale de France, Manuscrits, nouvelles acquisitions françaises (n.a.fr.) 24800 f° 83.
Paul
MEURICE & Gustave SIMON [éd.], «Lettre à Léopoldine (Étampes,
19 [sic] août 1834)», in
ID., Œuvres complètes. Lettres à la fiancée.
Correspondance. Tome 1 (1814-1848) [680 p.], Paris, Ollendorff, avant
1905 [reprint: Paris, A. Michel, 1947; d’où l’édition numérique
(en mode texte) des pages 291-646 par l’INALF, Frantext (1961) M975-M976, mise en ligne par la BNF, gallica.bnf.fr (2001)
N088624, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=n088624.htm], pp. 542-543. Jean MASSIN (1917-1986) [éd.],
Œuvres Complètes de Victor
Hugo. Édition chronologique [18 volumes (tomes I-XVI :œuvre littéraire;
tome XVII-XVIII: œuvre graphique)]. Tome V, Paris, Club français
du Livre, 1969, p. 1056. J.L.N. GAILLARD
[éd.], «Chronologie détaillée. Année
1843», in ID., Chronologie Victor Hugo, http://www.chronologievictor-hugo.com/ pages/corp1834(3,2_1).htm
(in http://www.chronologievictor-hugo.com/page1843.htm),
en ligne en 2004. Bernard
GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Lettre à Léopoldine
(22 août 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834leopoldine.html, 2004.
Autres sources Georges BRUNET,
Victor Hugo. Ouvrage
illustré de 48 planches hors-texte en phototype [104
p.], Paris, Rieder [«Maîtres des littératures»
19], 1935. SCÉRÉN & CNDP, «Victor Hugo dans l’Essonne», in ID., Voyages de Victor Hugo en France et à l’étranger, http://www.victorhugo.education.fr/enclasse/dep/91.htm, en ligne en 2004. Victor Hugo dans
le Corpus Étampois
Bernard GINESTE [éd.], «Étampes dans l’œuvre de Victor Hugo», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo.html, 2004. Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Sur la Tour de Guinette (une erreur archéologique dans Notre-Dame de Paris, 1831)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1831donjondetampes.html, 2004. Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Lettre à Léopoldine (22 août 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834leopoldine.html, 2004. Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Ma main pressait ta taille frêle (poème, 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834mamainpressait.html, 2004. Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Étampes entrevue de la malleposte (Journal de voyage, 1843)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1843malleposte.html, 2004. Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Incident en gare d’Étampes (Carnet intime, 13 février 1871)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1871etampes.html, 2004. |
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