CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Léon Guibourgé
Le Palais de Justice d’Étampes
Étampes ville royale, chapitre III.7
1957
 
Le Palais de Justice en 1903 (carte postale Berthaud frères n°27)  
Le Palais de Justice en 1903 (carte postale Berthaud frères n°27)

          Comme avant lui Dom Fleureau, Léon Guibourgé identifie le Palais de la reine Constance du XIe siècle, dont nous parle le chroniqueur Helgaud, avec le Palais dit du Séjour, qui est notre actuel Palais de Justice. Mais ce dernier bâtiment ne date apparemmentq ue du XIIIe siècle, tandis que le palais de Robert et de Constance se situait plutôt sur le site encore appelé au XVIe siècle le Donjon, comme l’a depuis démontré Monique Chatenet, entre les église Notre-Dame et Saint-Basile.
       
ÉTAMPES, VILLE ROYALE
Étampes, chez l’auteur, 1957
chapitre III.7, pp. 106-109.
Le Palais de Justice d’Étampes
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Léon Guibourgé      LA REINE CONSTANCE, LE SÉJOUR

     Quelle est l’origine du Palais de Justice? C’est le «Palais de Séjour». Nous savons que le roi Robert le Pieux épousa en 998 la reine Constance, fille de Guillaume, comte d’Arles. Celle-ci, peu de temps après son mariage, fit construire une belle demeure à Etampes, parce que le roi aimait à séjourner dans cette ville. Pour cette raison, cette demeure fut appelée «le Palais du Séjour».

     Un chroniqueur du temps, le moine Helgaud, nous rapporte quelques détails sur le séjour du roi à Etampes. Rappelons ce touchant récit:
       «La reine Constance avait fait construire à Etampes le Châtel un noble palais avec un oratoire. Le roi, charmé de cette nouvelle habitation, vint un jour plein de joie s’y reposer et y prendre son repas avec les siens. Il ordonna qu’on laissât sa maison se remplir de pauvres. Un d’entre eux s’étant placé à ses pieds, le bon Robert voulut bien le nourrir lui-même en lui passant des vivres sous la table. Cependant celui-ci, ne s’oubliant pas, fixait d’un œil avide un ornement de six onces d’or, qui pendait aux genoux de son maître; il le détache enfin avec un couteau et prend aussitôt la fuite.
       «Lorsque la foule de pauvres se fut retirée, la reine Constance voyant son seigneur dépouillé, se troubla et se laissa emporter contre le saint à des paroles empreintes de peu de constance.
     «Hé, bon Seigneur, quel est l’ennemi de Dieu qui a déshonoré votre robe d’or? — Moi? répondit le roi, personne ne m’a déshonoré: cet or était sans doute plus nécessaire à celui qui l’a pris qu’à moi, et Dieu l’aidant, il lui profitera.» Le roi ayant ainsi calmé l’orage se retira joyeux dans son oratoire. Avec lui était alors Guillaume, abbé de Dijon, le comte Eudes, et bon nombre de notables seigneurs français.»


     Le palais du Séjour s’appelait encore le «Palais des quatre Tours», à cause des tourelles qui ornaient les quatre coins de son enceinte. Il se composait de plusieurs vastes bâtiments, avec jardins, caves et greniers pour recevoir les vins et les blés du monarque, provenant de nombreuses vignes et terres qu’il possédait sur le territoire d’Etampes.

     Ces bâtiments étaient surmontés d’une haute tour en pierre d’où la vue pouvait s’étendre au loin dans la vallée.

     C’est dans ce palais que séjournèrent tour à tour Robert, Philippe Ier, Louis le Gros, Louis VII, la Reine Blanche, mère de Saint-Louis, et d’autres monarques charmés des agréments de ce séjour. C’est là aussi qu’on recevait des hôtes importants.

     Ainsi en 1119, le roi y reçoit le Pape Calixte II qui en profita pour aller consacrer solennellement l’église de l’Abbaye de Morigny.

     En 1130, le Pape Innocent II, reconnu comme tel au Concile national d’Etampes, vint dans notre ville et fut reçu à Morigny, mais l’abbaye ne pouvant recevoir toute sa suite, une partie des prélats logea à Etampes au Séjour royal.

     A partir du XIIIe siècle, les rois ne séjournèrent que très rarement à Etampes.

Gisants de Robert II le Pieux et de la reine Constance d'Arles (© Pascale Olivaux)
Le Palais de Justice, sur le site et dans les murs de l'ancien Palais du Séjour (cpa Théodule Garnon 507, vers 1907)
       LE TRIBUNAL, LA GENDARMERIE, LA PRISON.

     Au XVIe siècle, la comtesse d’Etampes, la reine Claude, épouse de François Ier, autorisa l’exercice de la justice dans les bâtiments du Séjour. Le Séjour devint donc Tribunal. La justice, à cette époque, était assurée par les officiers du roi. A la tête de ces officiers était le bailli ou gouverneur. Parmi les officiers, le principal était le Prévôt, assisté d’un lieutenant, d’un garde du scel, du greffier et du tabellion, et entouré de notaires et de sergents. Le Prévôt était donc chargé de rendre la justice. [p.108]

         Auparavant les tribunaux tenaient leurs réunions dans la salle des plaids ou salle d’audience qui était au-dessus de la halle de la Boucherie. Cette salle s’élevait sur cette place qu’on appelle aujourd’hui la salle de l’Ancienne-Comédie, près de l’Hôtel Saint-Yon.

     A partir de la reine Claude, au XVe siècle, les juges se réunissaient donc dans les locaux du Palais du Séjour. On y rendait la justice. On y jugeait en première instance et sans frais toutes sortes de causes. On y tenait aussi des réunions importantes.

     C’est là qu’on procéda en 1556 à la rédaction de la Coutume d’Etampes «en présence des conseillers du roi, avocats, prévot, greffier, procureur, magistrats, nobles, manants et habitants des villes, bourgs et villages régis par la Coutume, et plus de deux cents seigneurs possédant fiefs dans le bailliage ou duché d’Etampes». Et ceci pour que les jugements puissent s’inspirer des mœurs et traditions locales.

     C’est là aussi que se tenaient les assises du lieutenant général du bailliage deux fois par an, à partir du lendemain de la Quasimodo et du lendemain de la Toussaint, «huit jours francs et utiles». Dans ces assises, les juges supérieurs étaient chargés de voir si les juges inférieurs s’acquittaient bien de leurs devoirs.

Plan du Palais de Justice en 1806 (AN F21 1904.3)
     A la Révolution, le Palais du Séjour, appartenant à ce moment à Louis-Philippe d’Orléans émigré, fut vendu avec ses dépendances, le 16 Pluviôse an V, â Théodore Alexis Charpentier, moyennant 10.800 fr. Mais le 1er avril 1807 la maison fut revendue au département pour servir de caserne à la gendarmerie.

       Que reste-t-il à l’heure actuelle de cet ancien Palais du Séjour ? Après la Révolution, il fut transformé, reconstruit en partie pour l’adapter à sa destination nouvelle: servir de gendarmerie, de tribunal comme autrefois, et de prison.

     Maintenant, comme restes des bâtiments d’antan, on remarque à l’entrée de la gendarmerie une porte ancienne, dans la cour quelques vestiges anciens des contreforts, et dans le tribunal, la salle d’audience en contre-bas, des caves énormes et de vieux pignons.

     Il y a aussi dans les combles de ce tribunal, où était probablement installé l’oratoire, les restes d’une curieuse peinture qui s’effrite de plus en plus et qui daterait de l’époque de Jean de Berry. Elle représenterait le roi Louis IX, entouré de plusieurs princes et seigneurs, et portant la couronne d’épines sur un coussin fleurdelysé.

     En outre, dans le terrain d’alentour, nous retrouvons deux bornes sculptées au coin de la rue de la Vigne, rappelant les vignes royales cultivées dans le domaine du Séjour.

     C’est tout ce qu’il reste de cet ancien domaine royal.

     En résumé, le Séjour a bien changé, mais ce qui demeure, c’est l’exercice de la justice avec son tribunal, sa gendarmerie et sa prison. [p.110]

       
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BIBLIOGRAPHIE

Éditions

Léon Guibourgé      Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président de la Société artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix], Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes, Éditions d’art Rameau, 1954.

     Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957. Réédition en fac-similé, Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X].

     Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004.

Sur le Palais du Séjour

     Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite, 1612-1674), «Le Palais, dit le Sejour», in ID., Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité vers 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683, pp. 25-28 [en ligne: www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b16.html].

     Léon GUIBOURGÉ, «Le Palais de Justice», in ID., Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957 [dont une réédition en fac-similé (22 cm; 253 p.), Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X], pp. 106-109. Dont une réédition électronique en mode texte et illustrée: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Le Palais de Justice (1957)», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes307palaisdejustice.html, 2004.

     Monique CHATENET, Nicolas FAUCHERRE & Marie-Pasquine SUBES, «Les résidences royales d’Étampes», in Julia FRITSCH & Dominique HERVIER [dir.], Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix [316 p.; 10 contributeurs, 942 notes; 340 documents photographiques, la plupart en couleur; avec un résumé, with a summary, pp. 297-304], Paris, Éditions du Patrimoine, 1999 [ISBN 2-85822-301-7; 44,21€], pp. 39-59 (avec les notes 51-116, pp. 277-278). 
Le Pays d'Etampes, tome 1 (2003).       Voici les sous parties de ce développement: Monique CHATENET: «Le palatium de la reine Constance», p. 39; Monique CHATENET: «Le Donjon», pp. 39-41; Monique CHATENET: «Le Palais du ‘Séjour’», pp. 41-42; Marie-Pasquine SUBES: «La peinture murale du palais du ‘Séjour’», pp. 43-46; Nicolas FAUCHERRE: «Le château fort», pp. 46-59.

     Michel MARTIN, «Le Palais du Séjour: ce que nous apprennent les fouilles» & «De l’archéologie à l’histoire», in Jacques GÉLIS [directeur de la collection], Michel MARTIN & Frédéric BEAUDOIN [directeurs du premier tome], Le pays d’Étampes. Regards sur un passé. Tome 1: Des origines à la ville royale [17 cm sur 24; 215 p.], Étampes, Étampes-Histoire, 2003, pp. 135-141 [2 plans et 11 photographies].



Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 106-109. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004.
    
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