LA REINE CONSTANCE, LE SÉJOUR
Quelle est l’origine du Palais de Justice?
C’est le «Palais de Séjour». Nous savons que le roi
Robert le Pieux épousa en 998 la reine Constance, fille de Guillaume,
comte d’Arles. Celle-ci, peu de temps après son mariage, fit construire
une belle demeure à Etampes, parce que le roi aimait à séjourner
dans cette ville. Pour cette raison, cette demeure fut appelée
«le Palais du Séjour».
Un chroniqueur du temps, le moine Helgaud,
nous rapporte quelques détails sur le séjour du roi à
Etampes. Rappelons ce touchant récit:
«La reine Constance avait
fait construire à Etampes le Châtel un noble palais avec
un oratoire. Le roi, charmé de cette nouvelle habitation, vint
un jour plein de joie s’y reposer et y prendre son repas avec les siens.
Il ordonna qu’on laissât sa maison se remplir de pauvres. Un d’entre
eux s’étant placé à ses pieds, le bon Robert voulut
bien le nourrir lui-même en lui passant des vivres sous la table.
Cependant celui-ci, ne s’oubliant pas, fixait d’un œil avide un ornement
de six onces d’or, qui pendait aux genoux de son maître; il le détache
enfin avec un couteau et prend aussitôt la fuite.
«Lorsque la foule de pauvres
se fut retirée, la reine Constance voyant son seigneur dépouillé,
se troubla et se laissa emporter contre le saint à des paroles
empreintes de peu de constance.
«Hé, bon Seigneur, quel est
l’ennemi de Dieu qui a déshonoré votre robe d’or? — Moi?
répondit le roi, personne ne m’a déshonoré: cet
or était sans doute plus nécessaire à celui qui
l’a pris qu’à moi, et Dieu l’aidant, il lui profitera.» Le
roi ayant ainsi calmé l’orage se retira joyeux dans son oratoire.
Avec lui était alors Guillaume, abbé de Dijon, le comte Eudes,
et bon nombre de notables seigneurs français.»
Le palais du Séjour s’appelait encore
le «Palais des quatre Tours», à cause des tourelles
qui ornaient les quatre coins de son enceinte. Il se composait de plusieurs
vastes bâtiments, avec jardins, caves et greniers pour recevoir les
vins et les blés du monarque, provenant de nombreuses vignes et
terres qu’il possédait sur le territoire d’Etampes.
Ces bâtiments étaient surmontés
d’une haute tour en pierre d’où la vue pouvait s’étendre
au loin dans la vallée.
C’est dans ce palais que séjournèrent
tour à tour Robert, Philippe Ier, Louis le Gros, Louis VII, la
Reine Blanche, mère de Saint-Louis, et d’autres monarques charmés
des agréments de ce séjour. C’est là aussi qu’on
recevait des hôtes importants.
Ainsi en 1119, le roi y reçoit le
Pape Calixte II qui en profita pour aller consacrer solennellement l’église
de l’Abbaye de Morigny.
En 1130, le Pape Innocent II, reconnu comme
tel au Concile national d’Etampes, vint dans notre ville et fut reçu
à Morigny, mais l’abbaye ne pouvant recevoir toute sa suite, une
partie des prélats logea à Etampes au Séjour royal.
A partir du XIIIe siècle, les rois
ne séjournèrent que très rarement à Etampes.
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LE TRIBUNAL,
LA GENDARMERIE, LA PRISON.
Au XVIe siècle, la comtesse d’Etampes,
la reine Claude, épouse de François Ier, autorisa l’exercice
de la justice dans les bâtiments du Séjour. Le Séjour
devint donc Tribunal. La justice, à cette époque, était
assurée par les officiers du roi. A la tête de ces officiers
était le bailli ou gouverneur. Parmi les officiers, le principal
était le Prévôt, assisté d’un lieutenant, d’un
garde du scel, du greffier et du tabellion, et entouré de notaires
et de sergents. Le Prévôt était donc chargé
de rendre la justice. [p.108]
Auparavant les
tribunaux tenaient leurs réunions dans la salle des plaids ou salle
d’audience qui était au-dessus de la halle de la Boucherie. Cette
salle s’élevait sur cette place qu’on appelle aujourd’hui la salle
de l’Ancienne-Comédie, près de l’Hôtel Saint-Yon.
A partir de la reine Claude, au XVe siècle,
les juges se réunissaient donc dans les locaux du Palais du Séjour.
On y rendait la justice. On y jugeait en première instance et sans
frais toutes sortes de causes. On y tenait aussi des réunions importantes.
C’est là qu’on procéda en
1556 à la rédaction de la Coutume d’Etampes «en
présence des conseillers du roi, avocats, prévot, greffier,
procureur, magistrats, nobles, manants et habitants des villes, bourgs
et villages régis par la Coutume, et plus de deux cents seigneurs
possédant fiefs dans le bailliage ou duché d’Etampes».
Et ceci pour que les jugements puissent s’inspirer des mœurs et traditions
locales.
C’est là aussi que se tenaient les
assises du lieutenant général du bailliage deux fois par
an, à partir du lendemain de la Quasimodo et du lendemain de la
Toussaint, «huit jours francs et utiles». Dans ces
assises, les juges supérieurs étaient chargés de voir
si les juges inférieurs s’acquittaient bien de leurs devoirs.
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A la Révolution, le Palais du Séjour, appartenant à
ce moment à Louis-Philippe d’Orléans émigré,
fut vendu avec ses dépendances, le 16 Pluviôse an V, â
Théodore Alexis Charpentier, moyennant 10.800 fr. Mais le 1er avril
1807 la maison fut revendue au département pour servir de caserne
à la gendarmerie.
Que reste-t-il à l’heure
actuelle de cet ancien Palais du Séjour ? Après la Révolution,
il fut transformé, reconstruit en partie pour l’adapter à
sa destination nouvelle: servir de gendarmerie, de tribunal comme autrefois,
et de prison.
Maintenant, comme restes des bâtiments
d’antan, on remarque à l’entrée de la gendarmerie une porte
ancienne, dans la cour quelques vestiges anciens des contreforts, et
dans le tribunal, la salle d’audience en contre-bas, des caves énormes
et de vieux pignons.
Il y a aussi dans les combles de ce tribunal,
où était probablement installé l’oratoire, les restes
d’une curieuse peinture qui s’effrite de plus en plus et qui daterait
de l’époque de Jean de Berry. Elle représenterait le roi
Louis IX, entouré de plusieurs princes et seigneurs, et portant
la couronne d’épines sur un coussin fleurdelysé.
En outre, dans le terrain d’alentour, nous
retrouvons deux bornes sculptées au coin de la rue de la Vigne,
rappelant les vignes royales cultivées dans le domaine du Séjour.
C’est tout ce qu’il reste de cet ancien
domaine royal.
En résumé, le Séjour
a bien changé, mais ce qui demeure, c’est l’exercice de la justice
avec son tribunal, sa gendarmerie et sa prison.
[p.110]
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Brochure
préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine,
ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie,
membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise,
vice-président de la Société artistique et
archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix],
Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.;
figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy
Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes,
Éditions d’art Rameau, 1954.
Édition
princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes,
ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en
couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes,
chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957. Réédition
en fac-similé, Péronnas, Éditions de la Tour Gile,
1997 [ISBN 2-87802-317-X].
Édition
électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon
Guibourgé: Étampes ville royale (1957)»,
in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html
(33 pages web) 2004.
Sur le Palais du Séjour
Dom Basile FLEUREAU (religieux
barnabite, 1612-1674), «Le Palais, dit le Sejour», in ID.,
Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes
avec l’histoire de l’abbaye de Morigny et
plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire
generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B:
les pages 121-128 sont numérotées par erreur
127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier
d’un texte rédigé en réalité vers
1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683, pp. 25-28 [en ligne: www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b16.html].
Léon GUIBOURGÉ,
«Le Palais de Justice», in ID., Étampes, ville royale
[in-16 (20 cm); 253 p.; préface d’Henri Lemoine], Étampes,
chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957 [dont une réédition
en fac-similé (22 cm; 253 p.), Péronnas, Éditions de
la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X], pp. 106-109. Dont une réédition
électronique en mode texte et illustrée: Bernard GINESTE [éd.],
«Léon Guibourgé: Le Palais
de Justice (1957)», in Corpus Étampois,
www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes307palaisdejustice.html,
2004.
Monique CHATENET, Nicolas FAUCHERRE & Marie-Pasquine
SUBES, «Les résidences royales d’Étampes», in
Julia FRITSCH & Dominique HERVIER [dir.], Étampes, un canton
entre Beauce et Hurepoix [316 p.; 10 contributeurs, 942 notes; 340 documents
photographiques, la plupart en couleur; avec un résumé, with
a summary, pp. 297-304], Paris, Éditions du Patrimoine, 1999 [ISBN
2-85822-301-7; 44,21€], pp. 39-59 (avec les notes 51-116, pp. 277-278).
Voici les sous parties de ce développement: Monique CHATENET: «Le palatium
de la reine Constance», p. 39; Monique CHATENET: «Le Donjon»,
pp. 39-41; Monique CHATENET: «Le Palais du ‘Séjour’», pp. 41-42; Marie-Pasquine SUBES: «La peinture murale du palais du ‘Séjour’»,
pp. 43-46; Nicolas FAUCHERRE: «Le château fort», pp. 46-59.
Michel
MARTIN, «Le Palais du Séjour: ce que nous apprennent les fouilles»
& «De
l’archéologie à l’histoire», in Jacques GÉLIS [directeur
de la collection], Michel MARTIN & Frédéric BEAUDOIN
[directeurs du premier tome], Le pays d’Étampes. Regards
sur un passé. Tome 1: Des origines à la ville royale
[17 cm sur 24; 215 p.], Étampes, Étampes-Histoire, 2003, pp. 135-141 [2 plans et 11 photographies].
Toute critique,
correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or
contribution welcome.
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