NOTICE
HISTORIQUE SUR L’ORIGINE DE LA VILLE D’ÉTAMPES
PAR
E. DRAMARD, AVOCAT A LA COUR IMPÉRIALE
DE PARIS.
Cet ouvrage a obtenu une mention honorable au concours
des antiquités nationales (Académie française)
***
A PARIS, CHEZ DUMOULIN, LIBRAIRE, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 13.
A ÉTAMPES, CHEZ FORTIN, LIBRAIRE, PLACE DE L’HÔTEL-DE-VILLE,
1855
Paris. — Imp. de Pillet fils aîné,
rue des Grands-Augustins, 5.
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«Qui n’aime les étymologies, quel est l’homme studieux
dont l’imagination ne se soit surprise à errer de conjectures en conjectures,
de siècle en siècle, à la recherche des débris
d’une langue oubliée, de ces restes de mots qui des fragments de
l’histoire des nations?»
J. V. LECLERC
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Exposition
L’Académie
des inscriptions et belles-lettres recommandait, il y a deux ans (1), à l’émulation
des candidats à ses prix annuels, entre autres sujets dignes d’étude,
une histoire de de province, où l’on s’attacherait à prendre
pour modèle la méthode et l’érudition de D. Vaissette,
telle que celle de l’Ile de France, de la Picardie, de la Champagne. En effet,
l’histoire de l’une de ces provinces les plus intéressantes, si ce
n’est la plus intéressante, comme ayant été le noyau
assimilitateur [sic] de notre France actuelle,
est encore à faire; c’est celle des pays qui constituaient, dans le
principe, l’ancien domaine de la couronne, l’héritage de Robert le
Fort, et qui sous les Mérowingiens, aussi bien que sous les rois de
la deuxième et de la troisième race, ont toujours été
reconnus comme la tête du royaume. [p.6]
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(1) Académie
des inscriptions et belles-lettres, séance publique annuelle du 25
novembre 1853.
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Laissant
à d’autres le soin d’aborder un travail aussi considérable,
nous avons pensé qu’il n’était pas sans intérêt
de préparer, pour notre faible part, les voies à ce grand ouvrage;
et, circonscrivant nos études à l’une des villes qui ont eu
le plus d’importance dans l’ancien duché de France, nous avons consacré
nos recherches à la ville d’Étampes; nous avons essayé
de découvrir ses origines, de reconstruire la géographie de
son territoire, d’élucider les traditions relatives à quelques-uns
de ses monuments ou aux localités voisines, et les légendes
des saints qui y sont honorés. C’est dans le, but d’accomplir une
partie de ce projet, en ce qui concerne la ville elle-même, que nous
publions ce premier essai.
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Sans prétendre revendiquer en faveur de la ville d’Étampes
une importance exagérée, nous pouvons avancer sans crainte,
qu’elle a droit d’être fière de son passé. Car, si de
même que quelques autres villes, elle ne figure pas dans nos annales,
entourée de l’éclat qui s’attache à certains grands événements,
ou à quelques grandes catastrophes, son rôle, pour être
secondaire, n’en offre pas moins quelque intérêt. Son histoire
a l’avantage de présenter un tableau complet de la vie, au moyen âge,
des populations qui habitaient les pays de l’ancien domaine de la couronne,
— Paris ayant eu de bonne heure une existence à part et différente
de celle des autres parties du royaume. — Attachée aux rois dès
les premiers temps de la monarchie; comptée par les Capétiens
au nombre des villes les plus importantes de leur domaine; séjour
favori de plusieurs d’entre eux, qui l’embellirent et la dotèrent
à l’envi; souvent donnée en apanage à des princes du
sang ou à des personnages illustres, sans cesser d’être sous
la souveraineté immédiate des rois; assiégée,
prise et reprise plusieurs fois pendant le cours des guerres civiles dont
Paris fut si souvent le foyer, on la trouve toujours associée aux
plus grands événements de notre histoire; et si elle n’eût
pas, comme tant d’autres, I’avantage si chèrement payé d’obtenir
une commune éphémère et une constitution démocratique,
à l’époque du grand mouvement communal, elle obtint du moins
des privilèges avantageux qui lui assurèrent, sous la protection
des rois de France, une existence moins orageuse, tout en lui [p.7] conservant une individualité.
Elle offre encore aujourd’hui, comme souvenirs de son passé, quelques
monuments religieux et civils, un vieux donjon féodal, et un recueil
de coutumes locales dont la date remonte à l’époque de la
rédaction des plus anciennes coutumes.
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Dessin de Léon Marquis (1873)
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L’époque romaine est ordinairement celle à laquelle on s’arrête
dans les recherches faites sur les antiquités de nos villes, et, pour
peu que l’on ait découvert quelques traces plus ou moins authentiques
d’un camp retranché, quelques médailles, des débris
de poteries, on constate que Rome a passé par là, et on se tient
pour satisfait, sans réfléchir que le plus souvent Rome n’a
fait que s’établir au milieu d’un groupe indigène que ses
villæ, ses monuments se sont élevés
à côté des cabanes gauloises. Rome ne se contentait pas
de vaincre et de soumettre; il ne lui suffisait pas de construire des camps
fortifiés, des châteaux, de multiplier les postes militaires
afin de prévenir et de réprimer les soulèvements nationaux;
elle voulait faire partout sentir son action et à tous les instants.
Les patriciens, les soldats recevaient des terres, les nobles Gaulois eux-mêmes,
devenus agents de la civilisation romaine, la représentaient dans
chaque village. Les ruines qui attestent aujourd’hui leur présence
ont presque seules le privilége d’émouvoir les antiquaires;
C’est une date à peu près certaine qui leur sert de point de
départ. Mais si les Gaulois, comme tous les peuples primitifs, n’ont
laissé que de bien faibles et incetains vestiges de leur passé,
nous avons sur eux quelques données sûres qui sont autant de
bases à des conjectures que d’autres faits peuvent presque changer
en certitudes.
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Les auteurs qui ont écrit sur Étampes s’accordent à
lui donner une origine fort ancienne; mais sans montrer sur quel fondement
s’appuie cette opinion, et sans chercher des arguments en sa faveur, ils se
contentent de passer en revue superficiellement quelques traditions et quelques
étymologies et de déclarer «qu’Estampes ayant pris son
nom des propriétés et des qualités du lieu de sa situation,
et n’estant pas d’ailleurs une ville fort ample, il ne faut pas s’étonner
si nous n’en pouvons [p.8] sçavoir la véritable origine ni le fondateur (1).» Pour nous, nous
pensons que l’on peut faire remonter plus haut les recherches, et que les
résultats obtenus par la science moderne peuvent être mis en
œuvre avec fruit.
Le nom d’Étampes, ou plutôt du
pagus Stampensis, apparaît pour la première
fois dans le traité conclu à Andelot, entre Hildebert II, roi
d’Austrasie, et son oncle Gunthramn, roi de Bourgogne, en l’an 587, aux
termes duquel les deux rois se sont partagés définitivement
la succession de Haribert, roi de Paris, mort plusieurs années avant,
et ont réciproquement institué le survivant d’eux héritier
de toutes les propriétés de l’autre. Hildebert, par ce traité,
céda à son oncle Châteaudun, Vendôme et les pays
d’Étampes et de Chartres qui étaient échus à
son père Sigebert de la succession de Haribert: «Cum Castellis
Duno et Vendocino, et quidquid de pago Stampensi, vel Carnoteno (2), etc.»
Mais l’existence de ce pays d’Étampes
nous est indiquée rétroactivement par Grégoire de Tours,
voici à quelle occasion. Un synode ayant été réuni
à Metz, en 590, Egidius, évêque de Reims, y comparut
sous le coup de diverses accusations. Une des charges principales qui amenèrent
son exil à Strasbourg, fut qu’il avait suscité entre les rois
Hilperik et Sigebert une guerre dans laquelle avaient été livrés
au pillage la ville de Bourges, [p.9] le pays d’Étampes et le château de Melun:
«Quid tu commisisti fratres meos,»*
lui dit l’évêque Ennodius au nom de Gunthramn, «ut inter
illos bellum civile consurgeret: Undè factum est ut commotus exercitus
Biturigas urbem, pagum Stampensem, vel Mediolanense castrum diruerent
atque depopularentur (1).» Ce passage fait clairement allusion à la guerre
qui éclata entre les fils de Hlother I, en 567, et à laquelle
Frédégonde et Brunehault durent une si triste célébrité.
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*
Pour quoi as-tu poussé mes deux
frères à se faire une guerre civile? Il s'en est ensuivi
que l'armée ainsi levée a détruit et dépeuplé
la ville de Bourges, le pays d'Étampes et la place de Melun. (trad.
B.G.)
(1) Fleureau, Antiquités
d’Étampes, p. 6.
D. Bazile Fleureau, religieux barnabite de
la Congrégation de Saint-Paul, que nous aurons l’occasion de citer
plus d’une fois dans le cours de cette notice, a réuni, sous le titre
d’Antiquités de la ville et duché d’Étampes,
tout ce qu’il avait pu recueillir sur cette ville, sa patrie. Son livre est
le fruit de recherches patientes et nombreuses; il renferme des idées
justes et des documents authentiques, des traditions qui, sans lui, nous échapperaient
aujourd’hui, «les ayant recherchéz, nous dit-il dans sa préface,
avec l’aide de mes amis, dans le trésor des chartes de Paris, dans
les greffes de la chambre des comptes, du parlement et autres, dans les cartulaires
d églises et des monastères, ou qui m’ont esté fournis
par ceux qui les ont en leur possession.» On pourrait lui reprocher
de donner trop de place è beaucoup de faits peu importants, en passant
trop rapidement sur quelques parties qui auraient mérité de
l’arrêter davantage. Nous devons cependant lui savoir gré de
n’avoir rien négligé pour réunir tous les éléments
de la vérité, puisque la patience d’investigation avec laquelle
il enregistre tant de détails minutieux, nous met sur la trace de
découvertes plus sérieuses. Il s’est surtout placé dans
son ouvrage au point de vue de ses antiquités religieuses qui en occupent
la majeure partie.
Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1683.
(2) Grég.
de Tours, liv. X, chap. XX.
(1) Grég.
de Tours, liv. X, chap. XIX.
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Plus tard, en 612, une bataille sanglante est livrée auprès
d’Étampes entre les armées de Théodorik d’Austrasie
et de Hlother II. Aimoin et Frédégaire nous en ont donné
le récit assez détaillé, sans ne différer que
sur le lieu précis où elle fut livrée; mais cette fois
c’est bien de la ville elle-même qu’il s’agit: «Stampas
super fluvium Junnæ, » dit Aimoin; et Frédégaire,
«Stampas per fluvium Loa.» Étampes est arrosée
par la Juine et la Louette.
Voilà donc l’existence de la ville
et du pays d’Étampes bien constatée dans la seconde moitié
du VIe et au commencement du VIIe siècle. Devons-nous en conclure
que l’origine d’Étampes ne remonte pas à une époque antérieure,
et que c’est dans les limites de la seconde moitié du VIe siècle
qu’il faille la placer? Des considérations graves, des faits d’une
certaine importance ne nous permettent pas d’hésiter un instant à
rejeter cette opinion. Il n’y a guère que les villes fondées
pour ainsi dire administrativement et à jour fixe, avec des éléments
formés à l’avance, comme l’ont été quelques colonies
romaines, qui aient une date certaine; les autres ont souvent existé
des siècles avant de se révéler à l’histoire.
Qui pourrait dire à quelle époque flurent construites les premières
cabanes du hameau qui est devenu Paris ou Londres? Nous allons donc d’âge
en âge remonter jusqu’à l’époque où, selon nous,
se place le plus vraisemblablement l’origine de la ville qui nous occupe.
Nous produirons toutes les preuves, nous rapporterons tous les documents,
nous discuterons tous les indices que nous avons pu recueillir pour prouver
que cette ville existait déjà au temps de [p.10] la conquête
romaine, et qu’elle doit son origine aux plus anciens habitants de la Gaule.
Nous essayerons de démontrer qu’elle ne put être fondée
par les Franks ni par les Romains, et que conséquemment elle est née
du sol, sortie d’une réunion de quelques pàtres gaulois.
Telle est la thèse que nous abordons.
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Triens mérovingien étampois (dessin
de Gérard Niquet)
L’existence d’un pagus Stampensis est un fait très-significatif,
si l’on se rappelle quelle était l’origine et la nature de la circonscription
territoriale appelée, aux derniers temps de la domination romaine,
du nom de pagus. «Le pagus, dit M. Guérard (1) représente tantôt
le territoire d’une cité, tantôt une partie seulement de ce
territoire, tantôt un district plus ou moins étendu, appartenant
à différentes cités. Au-dessus de la cité ou
pagus major était la province, provincia.»
La cité dont faisait partie le pagus Stampensis était
celle de Sens, Civitas Senonum, capitale de la quatrième Lyonnaise
ou Senonaise, et plus particulièrement d’un pagus Senonicus
qui était le pagus major, comprenant plusieurs pagi minores
dont nous retrouvons les noms à l’époque de l’invasion franque,
et postérieurement, tant dans les historiens contemporains que dans
les chartes, diplômes, cartulaires et autres documents qui nous en sont
restés. Tels étaient le pagus Pruvinensis, le pays de
Provins, pagus Wastinensis, le Gâtinais, pagus Stampensis,
l’Étampois, et tant d’autres.
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(1) Polyptique de
l’anné Irminon, t. I, p. 41.
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On connaît la corrélation qui existe entre les archidiaconés
et l’ancienne division des pagi. A partir de Charlemagne, chaque diocèse
fut divisé en archidiaconés, et les divisions civiles romaines
servirent de types à ces nouvelles divisions ecclésiastiques.
Les limites ne varièrent en général que d’une façon
à peu près indifférente; toutefois, sons la dynastie
mérowingienne, elles durent s’altérer un peu plus sensiblement
que les grandes divisions des diocèses. Ainsi la Sénonaise
forma l’archevêché de [p.11] Sens, ayant pour suffragants les
évêchés établis dans chacune des civitates
de cette province, et chaque évêché fut, par la suite,
divisé en autant d’archidiaconés qu’il y avait eu de pagi.
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On peut considérer les pagi comme étant d’origine gauloise,
et comme ayant été dans le commencement le pays habité
par chaque petit peuple gaulois (1). Ce fait, sur lequel nous aurons à revenir plus loin (2), conduit directement
à établir que le pagus Stampensis étant d’origine
gauloise, la ville d’Étampes, Stampæ, qui lui a donné
son nom, date des temps antérieurs à la conquête romaine
et était le chef-lieu, comme nous dirions aujourd’hui, d’un petit
clan gaulois habité par les Stampenses, ou tout autre nom approchant.
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(1) Guérard,
Polytpique de l’abbé Irminon, t. I, p. 41.
(2) Voy. p. 37.
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Cette conséquence n’a en elle-même rien d’invraisemblable, si
l’on pense à la multiplicité des petites peuplades répandues
sur le sol des Gaules, à une époque où chaque petite
association d’un même peuple était à peu près
indépendante des autres, et ne reconnaissait d’autres liens que celui
qui les rattachait à un clan plus puissant, dont le nom s’étendait
à toute la Confédération. Les Romains, qui conservèrent
en masse les divisions, sont loin d’avoir noté les noms de toutes
ces petites tribus, et ne nous ont conservé que ceux des principales,
avec lesquelles ils eurent des démêlés. Que l’on songe
que César est le seul qui nous décrive l’état de la
Gaule d’une manière un peu complète, à l’époque
de la conquête, et l’on ne s’étonnera pas que le nom l’un si
petit nombre de peuples nous soit parvenu; lorsque plus tard ils furent tous
bien classés, le travail de l’administration romaine avait fondu politiquement
tous ces éléments, et ses divisions s’arrêtaient aux
provinces, sans s’occuper des divisons d’un ordre inférieur.
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Étampes étant ainsi le chef-lieu d’un pagus, ne pouvait
être de date récente; à moins que l’on ne suppose que
la ville ait pris sou nom du pays où elle se trouvait, au lieu de
lui donner le sien. C’est, en effet, ce qui arriva pour beaucoup de villes;
nous ne citerons que Paris qui perdit son nom gaulois de Lutetia,
[p.12] pour prendre celui du peuple dont elle était la capitale,
les Parisii. Cette explication établirait infailliblement
l’origine celtique d’Étampes, et confirmerait la supposition que
nous venons d’émettre qu’elle était le chef-lieu d’un petit
peuple de Stampenses, puisque son existence, demeurant ainsi constatée,
elle n’aurait fait que changer de nom pour prendre celui de la peuplade.
Car un pagus Stampensis ayant existé au commencement du VIe
siècle, il n’est pas probable, disons même qu’il est à
peu près impossible qu’une ville se soit élevée quelques
années plus tard en cet endroit, et ait pris le nom de ce pagus,
et de plus que ce soit précisément cette ville qui en soit
devenue le chef-lieu. En effet, si en 587, au traité d’Andelot, il
n’est fait mention que du pagus Stampensis, on se rappelle que plus
tard, en 612, Aimoin et Frédégaire citent la ville elle-mème
(vide suprà, p. 9), Stampas auprès de la quelle s’est livrée
la bataille dont nous avons parlé. Ce n’est point dans l’intervalle
de ces deux événements, c’est-à-dire dans l’espace
de vingt-cinq ans, que peut se placer la fondation d’une ville qui, de primesaut,
se trouverait chef-lieu d’une province, ou bien alors cette ville est une
colonie, et les Franks ne peuvent en être les fondateurs comme nous
l’allons établir; dès lors cette ville existait déjà,
et dans ce cas notre proposition demeure telle que nous l’avons établie
dès le principe.
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D’un autre coté, sans pousser jusque dans ses dernières limites
notre raisonnement relatif à la filiation du pagus, il aurait
pu se faire que la division existant en fait, elle eût porté
un autre nom jusqu’à une époque postérieure, vers le
temps de la conquête franque, et que ce nom ce ne fût pas d’Étampes
qu’elle l’eût pris dans le principe. Cette ville aurait ainsi pu n’être
fondée que plus tard et substituer un nom tiré du sien propre
à celui que la circonscription territoriale dont elle de venait le
chef-lieu portait antérieurement. Le pays d’Étampes, après
avoir porté une autre dénomination, aurait pris celle de pagus
Stampensis, vers les derniers temps de la domination romaine. En effet,
il est bien vrai que les Romains trouvèrent les divisions des pagi
établies matériellement, et que Jules-César se sert
de cette appellation pour indiquer une subdivision d’un [p.12] ordre inférieur:
«... In omnibus civitatibus, atque in omnibus pagis, partibus que...
(1).»
Ce mot, qu’il trouvait dans sa langue avec une autre signification, et
qu’il fut le premier à employer avec celle qu’il a ici, lui parut
traduire très-exactement un mot celtique, paës, indiquant
une organisation politique et civile se rapprochant du clan écossais,
«organisation fondée sur la coutume du patronage et de la clientèle
(2).»
Mais il ne s’ensuit pas forcément que tous les pagi dont les
noms nous sont postérieurement parvenus soient d’origine gauloise.
On a au contraire quelques exemples de pagi dont le nom
au moins indique l’influence romaine. Tel est l’ancien pagus Castrensis,
le Castrais, près d’Étampes, plus tard le Hurepoix, qui prit
son nom de Castra, Châtres, aujourd’hui Arpajon, ville d’origine
ou au moins de reconstitution romaine; ce qui tendrait à dire qu’Étampes
put bien être fondée à une époque postérieure
à celle que nous assignons, et qu’elle put devoir son origine aux
Franks ou aux Romains, sans infirmer toutefois ce principe que le pagus,
quelque nom qu’il ait porté à diverses époques, celtique,
romain ou frank, est d’origine gauloise et rappelle presque toujours une
division primitive à l’usage des aborigènes. Nous croyons devoir
rejeter également ces deux hypothèses. En voici les motifs.
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(1) César.
Bell Gall. liv. chap. VI. Cette expression de pagus
prit dans la littérature de l’empire le sens que nous donnons aujourd’hui
au mot pays:
….. tunicam mihi malo lupini,
Quam si me toto laudet vicinia pago.
Juvenal, s. XIV.
Nous dirions «dans tout le pays.»
Voy. encore Facciolati, Dict., V°
Pagus. — Ducange, ibid. et les auteurs qu’il
cite.
(2) La
Ferrière, Hist. du droit français, t.
II, p. 28 et suiv.
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En ce qui touche les Franks, il n’y a pas lieu de faire de bien longues démonstrations
pour prouver qu’ils n’ont pu être les fondateurs d’Étampes.
Il n’était pas dans le génie des Franks de Fonder lis villes,
ce qui est le fait des peuples avancés en civilisation; l’histoire
toute entière des invasions barbares en fait foi; ils ètaient
d’ailleurs trop peu nombreux pour cela. C’est du Rhin à la Somme
que les Franks s’établirent [p.14] en plus grand nombre; et dans tous
ces pays leur conquête présente les caractères de violence
propres aux invasions barbares. Là ils ne s’avancent que pied à
pied; le terrain leur est longtemps et chèrement disputé,
aussi sont-ils avides des dépouilles de la civilisation romaine:
tout est détruit, tout est mis au pillage. Mais lorsqu’ils ont passé
la Somme, rien ne les arrête plus; après la bataille de Soissons
ils sont maîtres de tous les pays jusqu’à la Loire, ils s’y
dispersent, ils s’y établissent (1). D’un autre côté, le contact
avec Rome, en les mettant depuis longtemps à même d’apprécier
son organisation politique, leur en avait fait subir l’ascendant. Ils n’arrivaient
donc pas avec un parti pris formel de détruire rien de ce qu’elle
avait créé, comme dans la première fougue de l’invasion;
ils ne voulaient que dominer à sa place, et, autant qu’ils le pourraient,
dominer comme elle, par les mêmes moyens, et avec les mêmes formes.
Laissant aux vaincus leur religion, leurs mœurs, leur culte, leur langue,
ils se substituèrent à Rome en prenant pour eux les terres
du fisc et des nobles gallo-romains qui leur avaient résisté,
pour abandonner ensuite la culture de tout ce qui ne fut pas consacré
à la chasse aux anciens colons gallo-romains. Mais, par suite de
ce partage, le caractère du droit germanique demeura profondément
imprimé au sol chaque chef distribua à ses hommes les terres
qui lui étaient échues, et dès lors commença
la dispersion. Chaque village fut occupé par quelques soldats franks;
partout où se trouvait une villa romaine, un guerrier s’y établit.
C’était le droit du vainqueur. Aussi les villages dont le nom indique
une origine tudesque rappellent-ils ce résultat de la conquête.
Nous pourrions citer comme exemple, aux environs d’Étampes, Richarville,
Rikardi villa, Arnouville, Arnolphi villa, métairies
romaines auxquelles leurs nouveaux maîtres imposèrent leurs
noms (2).
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(1) Aug. Thierry, Hist. de la conquêle de
l’Angleterre, t. I, p. 62 et suivantes. Guizot, Civilisation en France,
t. I, 8e leçon.
(2) Aug. Thierry,
Conquête de l’Angleterre, p. 205 et suiv.
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L’exemple le plus intéressant pour nous, de cette manière dont
s’effectua l’occupation franque, est celui d’une charmante [p.15] propriété
située aux portes d’Étampes, et qui a conservé le nom
de Brunehault.
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Une
tradition très-ancienne, fondée sur des faits, et confirmée
par une découverte faite il y a deux siècles, nous apprend
que la veuve de Sigebert avait, auprès du village de Morigny, une résidence
qu’elle semblait affectionner. Elle avait choisi dans les propriétés
de son fils une ancienne villa romaine d’une étendue assez considérable,
d’après les ruines qui en existaient encore au commencement de ce
siècle. Voici ce qu’écrivait Bazile Fleureau à ce sujet
(1): «On
voit encore aujourd’huy, au bout de la plaine des Sablons, sur le bord des
prés, des restes d’un vieil bâtiment et d’une tour, dite communément
la Tour de Brunehault. Il est très-certain que cette dénomination
vient le la reine Brunehault, ayeule des rois Théodebert et Théodoric.
Et la tradition du païs porte que cette reine a possédé
ce lieu-là., et, s’y est beaucoup pleut à cause de son agréable
situation.» C’était une de ces fermes immenses telles qu’en
avaient les rois franks dans les différentes parties de leurs États,
et où ils tenaient leur cour au milieu de leurs leudes et des nobles
gallo-romains qui composaient leur truste royale. Ils les habitaient successivement,
et venaient s’y livrer à leur goût effréné pour
les plaisirs de la chasse et de la table, et dévorer en quelques
jours, au milieu de festins où régnait la profusion barbare,
les nombreuses provisions qui y étaient amassées depuis leur
dernier séjour. Autour se groupaient les habitations des leudes et
les cabanes des artisans qui suivaient partout le roi, et dont l’industrie
était à chaque instant mise en réquisition pour les
besoins de la cour. Ces résidences étaient ordinairement situées
dans les vallées, à l’entrée ou dans le voisinage de
vastes forêts où l’un chassait tout le jour les cerfs et les
sangliers qui paraissait ensuite rôtis, tout d’une pièce, dans
ces festins homériques. La position de celle-ci, au milieu d’une prairie
encore appelée la Varenne, sur les bords de la rivière
de Juine, naguère encore renommée pour l’abondance de son poisson,
au centre de forêts nombreuses qui se reliaient avec celles de Fontainebleau,
[p.16] de Dourdan et des Ivelines, remplissaient toutes les conditions
recherchées par les rois mérowingiens. Au XIe siècle,
il est déjà question de cette villa, alors en partie détruite,
sous le nom de tour de Brunehault, dans un diplôme de Henri Ier, et,
en 1648, des ouvriers, en faisant quelques réparations à la
chapelle de Saint-Julien, située près de là, découvrirent
près du maître-autel un coffret de plomb, et à l’ouverture
on trouva, dit Fleureau, la partie postérieure d’un crâne,
un os de bras en trois pièces, une vertèbre et plusieurs poudres
d’os, avec une pièce antique sur laquelle les mots suivants sont
gravés: «Hic jacet caput sancti Juliani martiris, quod Severinus
attulit de Antiochiâ civitate, temporibus Brunegildis reginæ;»
et au revers est écrit: «De ossibus S. Christophori; brachium
S. Gamalielis (1).»
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(1) Antiq. d’Et., p. 16.
(1) Fleureau,
Antiq. d’Et., p. 18. Ces reliques ont été
longtemps en la possession de l’abbaye de Morigny. Ici se trouve la tête de saint Julien martyr que
Séverin a rpportée de la ville d'Antioche à l'époque
de la reine Brunehaut... Un peu des os de saint Christophe, le bras de saint
Gamaliel (trad. B. G.)
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Le pays d’Étampes fut, comme tous ceux environnants, le théâtre
des guerres continuelles que se firent les successeurs de Hlother I et passa
successivement de l’un à l’autre. A quelle époque Brunehault
fut-elle en possession de cette contrée? c’est ce qu’il est facile
de déterminer approximativement. Un diplôme de Louis le Débonnaire
de 828 nous apprend que certains biens situés au canton d’Étampes,
dont il fait donation au monastère de Saint-Maximien, avaient appartenu
au roi Hilpérik. Dans le traité d’Andelot que nous avons déjà
cité, nous remarquons cette phrase: «Similiter quià dominus
Gunthramnus, juxta pactionem, quam cum bonæ memoriæ domino Sigiberto
inierat, integram portionem quæ est de regno Chariberti, illis [ille? (B.G.)]
fuerat consecutus, sibi diceret in integrum redhiberi.»* Gunthramn prétend que d’après un
traité fait avec son frère Sigebert de bonne mémoire,
toute la portion qui lui était échue du royaume de Charibert
devait lui être entièrement rendue; c’est-à-dire, comme
l’indique la suite dudit traité d’Andelot: « «Illam portionem
de Parisiensi civitate..., quæ ad dominum Sigibertum de regno Chariberti,
conscriptâ pactione pervenerat, cum Castellis-duno..., et quidquid
de pago [p.17] Stampensi... etc... (1) » Sigebert, et après lui
Hildebert II, son fils, auraient donc possédé tous ces pays
jusqu’en 587, époque où le traité d’Andelot les fit
passer à Gunthramn. Ce serait donc à cette époque, pendant
la période qui a suivie la mort de Haribert (2), et probablement l’expulsion
Hilpérik, que Brunehault aurait habité cette métairie
et l’aurait enrichie de donations pieuses. Ou bien encore depuis 593, époque
à la quelle la succession de Gunthramn échut à Hildebert
II, en vertu du traité d’Andelot, jusqu’au moment ou Hlother II réunit
tous ces héritages, en 613, après mort des fils de Hildebert
Il.
|
*
Pareillement parce que monseigneur
Gontran, selon le pacte qu'il avait passé avec monseigneur de bonne
mémoire Sigebert, disait que lui revenait en entier l'entière
partie du royaume de Charibert qui leur était échue
(trad. B.G.).
(1) Greg.
Turon. ap. D Bouquet. La partie de la cité
(civititas) de Paris qui était échue à monseigneur Sigebert
du royaume de Charibert de par les termes du pacte... avec Châteaudun...
et une part du pays d'Étampes... (trad. B.G.)
(2) Haribert
est mort en 587.
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A Étampes, nous ne trouvons rien de semblable à cet établissement
de Brunehault. Il y a bien une tradition qui attribue à Hlodewig
I la fondation d’une ancienne église de Saint- Martin dans le vieil
Étampes; «mais, observe Fleureau, je ne la vois appuyée
d’aucun titre postérieur ni mémoire qui en fasse mention.»
Cependant, c’est l’époque où le culte de Saint- Martin était
très-répandu. Mais nous pouvons tirer de l’épisode que
nous venons de raconter au sujet de Brunehault, un argument de plus en notre
faveur, puisque, si le noyau d’une colonie nouvelle était descendu
dans ces parages, cette circonstance qu’une ferme mérowingienne importante
existait à une lieue de l’ancien Étampes, aurait dû,
tout naturellement, fixer les nouveaux venus autour d’elle, comme cela arriva
pour d’autres résidences royales.
|
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Étampes possède un autre titre d’antiquité qui établit
qu’à le époque elle avait déjà une certaine importance,
et ce fait nouveau confirme l’opinion que nous avons émise, qu’elle
existait déjà à l’époque de la conquête
franque.
M. de Saulcy a publié dans la Revue
de Numismatique (3) un beau triens mérowingien, qui est la seule monnaie
que l’on possède d’Étampes pendant cette période. D’un
côté est frappée une tête d’un type correct et
couronnée d’un bandeau avec le nom DRUCTOMARUS. Le revers porte une
croix clichée [p.18] avec ces mots: STAMPIS FITURC; elle est d’or fin, du poids de
24 grains.
Le type de la figure, la forme de la croix
qui occupe le revers, permettent de fixer l’époque où cette
monnaie fut frappée entre le commencement du VIe siècle et
le milieu du VIIe. C’est, en effet, à partir du VIe siècle
que les rois franks commencèrent à frapper la monnaie à
leur effigie. Jusque-là, ils s’étaient contentés de
les frapper avec un coin figurant d’une manière grossière
celui des monnaies romaines. Lorsqu’ils s’établirent dans les Gaule,
le droit de battre monnaie y était encore le monopole des empereurs,
et, soit indifférence, soit par un reste de respect pour la majesté
impériale, ils ne s’emparèrent pas de ce privilége,
comme ils l’avaient fait de tous ceux qui avaient appartenu aux anciens
maitres auxquels ils se substituaient. C’est ainsi que, dans le Midi, il
fallut une concession en règle pour que Hlother I pût exercer
ce droit dans la ville d’Arles. Il existe grand nombre de pièces
d’or au nom de Justinien, d’un type très-grossier, que l’on peut
considérer comme les premières frappées par les chefs
barbares.
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(3) T. III, p. 272.
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Les fils de Hlodewig ressaisirent le privilège de donner leur nom
aux monnaies, et la fabrication s’en améliora sensiblement pendant
quelque temps. L’effigie royale, la croix ancrée ou clichée,
remplacèrent la Victoire ailée, et la croix haussée
sur des degrés ou sur le globe, des monnaies romaines. Cependant,
le nom du roi se voit rarement sur celles que nous possédons; il est
beaucoup plus fréquent d’y trouver le nom du monétaire, accompagné
de celui de la ville où la pièce fut frappée.
Cette circonstance particulière aux
monnaies mérowingiennes, donne lieu à une difficulté
qui a divisé les numismatistes, et qui n’est pas encore bien résolue.
Nous ne prétendons point apporter de nouveaux éléments
à la discussion, mais comme la question de savoir quelle était
l’importance de l’office du monétaire, sous la première race,
a trait direct à celle qui nous occupe, et nous fournit un nouveau
moyen de déterminer quel pouvait être le degré d’importance
d’Étampes à la même époque, nous allons sommairement
exposer les pièces du procès.
Selon quelques numismatistes, il ne faut
voir dans les monétaires [p.19] mérowingiens que des officiers
subalternes dont le nom ne parait sur les monnaies que pour la garantie
du titre de la pièce, et non par honneur.
|
|
Voici comment s’exprime à ce sujet, M. Lecointre Dupont (1):
«Il y avait dans les Gaules, dès
le milieu du Ve siècle, une monnaie particulière qui portait
le nom des villes où elle était frappée. Clovis, en
s’emparant des Gaules, trouva ce monnayage en activité; n’ayant point
à lui substituer un autre système propre à sa nation,
plus ocupé d’ailleurs de guerres et de conquêtes que d’administration,
il le laissa se continuer et se généraliser, et même je
pense, tomber dans le domaine de l’industrie privée. Quiconque eut
de l’or pur put, de son chef, le faire convertir en monnaie. Seulement, l’ouvrier
dut mettre son nom et celui de sa résidence sur les pièces qu’il
frappait, comme garantie de son ouvrage. De là cette variété
incalculable de noms de monétaires que nous offre les tiers de sous
mérowingiens.»
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(1) Revue de numismat., 1841. — Essai sur
les monnaies frappées à Poitiers, etc., chap. II.
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Cette explication assez ingénieuse, qui semble devoir satisfaire
au premier abord, est vivement combattue par d’autres savants, à
la tète desquels se place M. de Saulcy. Selon l’illustre académicien,
«la charge de monétaire, loin d’être obscure et sans
renom, devait être une dignité fort prisée, et peut-être
même accordée comme récompense de services éminents.
Les communications étaient peu fréquentes, surtout peu commodes
unis les premiers Mérowingiens. Par suite il fallait de nombreux hôtels
monétaires pour faciliter les transactions de tout genre. Le prince
ne pouvant répondre par lui-même de la bonté des monnaies
frappées loin de lui, et sur lesquelles pourtant il exigeait pourtant
que l’on plaçât son effigie, devait dans chaque province confier
à des hommes connus le soin de diriger leur fabrication. Ceci amène
naturellement à penser que les monnaies à légendes nominales
sont celles qui se frappaient dans la résidence même du roi,
et dont la loyauté était garantie par la présence de
son nom (2).» [p.20]
|
(2) Revue de numismat., t. I, p. 93
|
Peut-être ces opinions, si diamétralement opposées,
sont- elles également fondées et doivent-elles être
admises à la fois dans de certaines limites, sans les accepter d’une
manière aussi absolue qu’elles viennent d’être formulées.
Il est possible que, suivant les temps et les lieux, elles puissent se justifier
par des exemples isolés qui, à eux seuls, et, quelque décisifs
qu’ils semblent, ne peuvent servir de base à un système absolument
vrai. Prétendre déterminer avec la précision d’attribution
de notre époque les fonctions des différents officiers de
la cour des Mérowingiens et les grandes dignités civiles et
militaires de cette époque, est, nous le croyons, illusoire, et ne
peut manquer de conduire à de nombreuses erreurs. L’admirable régularité
administrative des Romains n’avait d laisser que des principes bien vagues
et des délimitations bien flottantes dans les pouvoirs chez des
peuples inhabiles à les comprendre. La reconstitution en fut longue
à opérer, puisqu’elle ne s’est à peu près terminée
que de nos jours. Il faut bien admettre la confusion là où
elle existait, et, quoique cette idée répugne de prime-abord
à nos principes sur la hiérarchie et la régularité
administrative, il faut bien, quand nous étudions de semblables matières,
tenir compte de ce qu’il y avait d’incertain dans un temps où le
droit trouvait tant de peine à s’établir au milieu des désordres
et de la violence.
|
|
Car, s’il put arriver quelquefois que certaines villes aient fait frapper
leur monnaie pour leur propre compte et par des ouvriers municipaux, il
est aussi à peu près hors de doute que les préposés
à l’administration des pagi battaient monnaie dans les chefs
de leurs gouvernements respectifs. Ces circonscriptions territoriales, basées
sur la conquête, n’avaient aucun rapport administratif avec celles
des anciennes provinces romaines, ou de la hiérarchie ecclésiastique,
pas plus qu’avec d’autres divisions d’un ordre inférieur, touchant
à l’administration du domaine privé des rois franks ou du
clergé (1). Il y avait entre elles toutes un enchevêtrement difficile
à débrouiller. Certaines localités, à cause de
leur importance et de leur situation, [p.21] avaient le privilége
d’être le siège de ces diverses administrations. Mais c’était
le seul lien qui existât entre elles. Les comtés, dizaines,
centaines de l’époque mérowingienne, d’origine toute germanique,
se rattachaient à des coutumes militaires; les comtes, centainiers,
dizainiers, embrassaient dans leurs attributions toutes les branches de l’administration
civile et militaire sans que leurs rapports avec les populations fussent
bien déterminés. Ils avaient surtout pour mission de lever
les tributs, et il arrivait très-souvent que, comme le fait très-bien
observer un autre numismate distingué, M. Cartier, «dans les
grandes villes et les places fortes, capitales des provinces ou des pagi,
les cotes faisaient convertir en monnaie les tributs levés au nom
des rois. Pour la responsabilité de cette opération, par une
autorisation spéciale accordée à titre d’honneur ou
de récompense ils mettaient leurs noms sur ces pièces, soit
comme chefs du pays, soit comme directeurs du monnayage royal (1).»
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(1) Guérard, Polyp. d’Irminon, t. I.
(1) Revue
de numismat., t. I.
|
Enfin, il est bien certain, d’un autre côté, que les rois franks
emmenaient aussi à leur suite leurs monétaires, dont les
ateliers se transportaient partout où ils allaient, comme ceux de
tous les autres ouvriers qu’ils employaient. La monnaie portait alors le
nom du roi, et c’est ce qui explique que les pièces ainsi frappées
portent l’indication de localités différentes, et si peu connues
aujourd’hui; sinon il faudrait supposer que dans toutes ces localités
il y avait des officines où l’on frappait la monnaie spécialement
ait nom du roi, ce qui ne peut guère être admis, puisqu’on a
des pièces de ces mêmes villes au nom le divers monétaires.
La grossièreté des procédés employés devait
faire souvent de cette fabrication une branche de l’orfèvrerie; l’artiste
qui accompagnait le roi était aussi chargé de fabriquer sa
monnaie, en même temps que les bijoux et les joyaux dont il avait besoin.
C’est ainsi que saint Éloi, orfèvre de Dagobert I, fut aussi
l’un de ses monétaires.
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|
Quoi qu’il en soit de toutes ces données, la conclusion que nous
avons à en tirer ne peut être que favorable à notre
thèse. [p.22]
|
|
Si, d’après l’une des opinions émises, l’office de monétaire
était obscur et abandonné à l’industrie privée,
il fallait qu’Étampes eût un certain développement pour
posséder sa monnaie locale, peut-être dès le milieu du
Ve siècle. Ce privilége, elle l’aurait acquis ou usurpé
dans ces temps de désordre qui accompagnèrent la dislocation
de l’empire et l’arrivée des Franks. Un village du dernier rang, un
pauvre hameau, ne l’aurait pu faire. Il faut alors supposer qu’elle était
le centre de transactions commerciales assez étendues pour y nécessiter
la fabrication de la monnaie qui devait les faciliter, ce qui s’accorderait
avec l’état de prospérité de la Beauce sous les Romains,
prospérité qui diminua bien par la suite après eux;
en effet, les relations d’une localité à l’autre étant
très-limitées et les communications devenant plus difficiles,
les échanges se faisaient au centre même du pays, dans l’endroit
qui en était le chef-lieu, et dont le marché servait de débouché
aux produits des environs (1). De plus, l’exécution,
relativement très-remarquable du triens en question, atteste
une habileté que l’on ne peut s’attendre à trouver chez un
artiste vulgaire et peu occupé. Or, la fabrication de ce triens
pouvant se placer à l’époque du traité d’Andelot, terme
moyen dans l’espace de temps auquel nous avons dit qu’il pouvait se rattacher
(du commencement du VIe au milieu du VIIe siècle), l’existence, ne
fût-ce même que d’un humble village, alors qu’à part les
grands centres commerciaux et administratifs fondés par les Romains,
il n’y avait guère en Gaule que des villages, se trouve de nouveau
bien établie, et ce village, donnant son nom à un pagus
dont il était le chef-lieu, avait, par cette raison même, et
sans qu’il fût pour cela le plus peuplé, sur tous ceux de son
ressort une supériorité bien marquée. En outre, le nom
de forme essentiellement gauloise du monétaire Dructomarus
atteste la présence dans ce village d’un élément gaulois
préexistant à la conquête franque.
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(1) Telle a été de tout temps l’importance
commerciale d’Étampes: le commerce des grains et autres produits agricoles
des environs. Les principales franchises qu’elle obtint au XIIe siècle
y ont rapport.
|
Si, au contraire, nous adoptons l’autre opinion, et c’est celle vers laquelle
nous penchons, en proclamant toutefois qu’elle ne [p.23] peut avoir rien d’absolu,
et sous le bénéfice d’ailleurs des observations que nous avons
faites plus haut, nous arrivons à cette conclusion toute simple, mais
décisive, que le monétaire Dructomarus étant un personnage
de distinction, un graf ou comes gallo-frank, le gouvernement
qui lui était confié devait être en rapport avec sa
qualité personnelle. Il n’y a rien d’impossible en effet à
ce que tel fût le titre de l’officier chargé de l’administration
du pagus Stampensis, car il ne faut pas oublier que le nom de comitatus,
indiquant une division territoriale administrative et militaire, ne parut
que sous les Carolingiens, époque à laquelle il remplace celui
de pagus qui n’a plus dès lors qu’une signification indéterminée.
Nous trouvons, sous Louis le Débonnaire, un diplôme où
la qualification de comitatus est appliquée à Étampes.
Nous ne pourrions tirer aucun argument de cet indice seul, sachant combien
ces divisions étaient variables; mais comme le comitatus a
remplacé le pagus, et que le comes ou graf fut
l’une et à l’autre époque le chef revêtu des mêmes
fonctions dans ces deux sortes de circonscriptions, il n’est pas téméraire
de croire que le nom Dructomarus était celui d’un comes de
l’administration du pagus Stampensis, dans le temps où les
Neustriens, en lutte avec les rois d’Austrasie, commençaient à
opposer le principe gallo-romain à l’invasion de l’esprit tudesque.
|
|
D’ailleurs, à ces dernières raisons viennent encore s’ajouter
elles que nous avons données plus haut, attendu que, d’abord, pour
qu’il y eût une monnaie à Étampes, il fallait que le
besoin s’en fût fait sentir, et, qu’en second lieu, l’existence de
cette monnaie locale dont on commence à observer des traces au Ve
siècle, c’est-à-dire bien avant l’invasion franque, suffirait,
à elle seule, pour conduire à cette conséquence, qu’Étampes
existait déjà avant cette invasion, puisque quelques années
après nous trouvons un échantillon d’une monnaie que l’on y
frappait peut-être depuis plus d’un siècle.
|
|
Il semble en effet que le droit de battre monnaie ait été
un 1privilége accordé à certaines villes à une
époque très-ancienne, et qu’Étampes ait été
longtemps en possession de ce privilège, puisque outre le triens
dont nous parlons, nous avons encore [p.24] une monnaie de Charles
le Gros (884-887) et d’autres pièces de Philippe I et de Louis VI,
de sorte que cette ville a conservé un souvenir de chacune des dynasties
qui se sont succédé en France. Le savant Lelewel croit que la
monnaie d’Étampes eut longtemps pour signe particulier le monogramme
du roi Odes. Un diplôme de Louis VII, de l’an 1137, confirme cette hypothèse.
Le roi y promet formellement aux habitants d’Étampes de ne plus altérerà
l’avenir la monnaie ayant cours chez eux (1); et le P. Fleureau rapporte que Boutroüe,
conseiller en la cour des monnaies, bien connu pour ses savantes recherches
sur la matière, possédait quelques échantillons de
celles dont nous parlons. Enfin ces deux vers, relevés par Du Cange
dans le roman d’Aubery le Bourguignon:
Ervis son frère maintint
mult bien ses drois,
Qu’il n’en perdi vaillant un Étampois.
indique que cette monnaie portait, à une certaine
époque, le nom de la ville elle-même (2).
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(1) «Ludovicus… concessimus, quod præsentem
Stamparum monetam, quæ ibi à patris nostri decessu habebatur,
nos omnibus diebus vitæ nostræ, neque mutabimus, neque lege,
neque pondere alleviabimus, etc...» [Nous Louis....
avons accordé que l’actuelle monnaie d’Étampes qui y est frappée
depuis le décès de notre père, nous n’en diminuerons
de notre vivant ni le titre ni le poids (trad. B.G.)] Voy. Fleureau,
loc. cit., p 103.
(2) Du Cange.
V° Moneta Baronum-Stampenses.
|
Toutes les conséquences tirées de l’un ou de l’autre des systèmes
que nous avons exposés tout à l’heure peuvent, au surplus,
se combiner pour concourir au même but, et nous croyons avoir maintenant
suffisamment établi par ce fait que les Franks n’ont fait que se substituer
aux propriétaires gallo-romains, sans créer de nouveaux centres
de population d’une part, et de l’autre par les considérations tirées
de la découverte d’un triens mérowingien frappé
à Étampes, que cette ville existait à l’épo que
de la conquête franque, non pas avec le développement qu’elle
n’acquit que bien plus tard, mais à l’état de simple bourgade
ayant sur les villages des environs une prépondérance qu’elle
devait à sa position (3).
Il nous reste à examiner ce qu’était
Étampes sous les Romains. [p.25]
|
(3) Nous ne rapportons
pas ici une opinion d’après laquelle les collecteurs des impôts
en tournée s’arrêtaient toutes les fois qu’ils avaient recueilli
une quantité d’or suffisante peur la convertir en monnaie. Ce ne
pouvait être toutefois que dans quelques localités déterminées
où l’on devait trouver tout [p.25] l’attirail
nécessaire au monnayage. (Voy. Manuel de numismat. Encyc. Roret.)
M. Fillon pense que les Franks ayant trouvé
le sol divisé en plusieurs catégories de propriétés,
les terres du fisc, qui devinrent celles du domaine royal, et les terres
municipales qui conservèrent ce caractère, les monnaies portant
le nom du roi ont été frappées dans les propriétés
royales, et celles qui portent le nom de la ville l’ont été
dans les municipalités. Cela est vrai relativement, mais il ne faut
pas oublier que, jusqu’aux plus petites localités, tout était
soumis au régime municipal. (Voy. plus bas, p. 33).
Considerat. hist. et artist. sur les monnaies
de France.
|
§
II. Époque romaine
Dans cette seconde partie de notre travail, nous commencerons par démontrer,
comme nous l’avons fait dans la précédente, à l’aide
de faits aujourd’hui tenus pour constants, que non-seulement Étampes
n’a pu devoir son origine aux Romains, mais qu’elle ne leur doit même
pas un de ces établissements politiques ou militaires qui sont devenus,
pour bien des localités, le principe d’un accroissement notable, et
ont décidé de leurs destinées. Nous n’allons toutefois
pas jusqu’à prétendre qu’Étampes resta entièrement
étrangère à la domination romaine, ce serait une thèse
impossible à défendre, et nous faisons nos réserves
pour discuter ce point en son lieu.
|
|
Quant à présent, pour soutenir ce qui fait l’objet principal
le notre proposition, jetons un coup d’œil sur les moyens employés
par la politique romaine pour assurer la durée de ses conquêtes.
Nous verrons par là quels purent et durent être les rapports
immédiats de Rome avec notre ville, et comment son influence dut s’y
faire sentir. Nous appuierons ensuite les conséquences que nous en
tirerons sur des faits particuliers à notre sujet et sur les arguments
qu’ils nous fournissent.
|
|
Les Romains fondèrent très-peu de colonies proprement dites
dans les Gaules. La première colonie hors de l’Italie fut Carthage
(1), la seconde
Narbonne; encore, lorsque Cassius proposa la fondation de cette dernière,
cette idée si nouvelle. ne fut-elle admise qu’après quelques
difficultés. On ne compte que deux colonies en Lyonnaise et deux en
Aquitaine; toutes les autres sont dans la Belgique, c’est-à-dire sur
les frontières les plus exposées, et dans la Narbonnaise, qui
servit de base à [p.26] tous leurs succès dans la
Gaule (1). Leur
système de conquête est l’explication de ce fait.
|
(1)
Carthage avait été détruite de fond en comble. Une nouvelle
ville fut fondée près de là sous le nom de
Junonia, par C. Gracchus, qui y conduisit 6,000 Romains.
(1) Onuphrius Panvinius
Imper. Rom, dans les antiquités de Grævius, t. Il, p.
428.
|
Rome avait adopté, à l’égard des peuples vaincus, une
politique habile à laquelle elle a dû la domination du monde.
Elle ne détruisait jamais rien; «on vainquait un peuple et on
se contentait de l’affaiblir (2).» Pour cela, que fallait-il? entretenir des soldats
sur le sol, en les y attachant. Tel est le but des colonies qui se substituaient
à une partie de la population transférée ailleurs (3). On choisissait dans
le territoire de chaque peuple gaulois un village qui devenait le centre
de l’administration civile et militaire, et se transformait en capitale. Dans
le principe, et surtout au temps des troubles occasionnés par les
lois agraires, les colons étaient des citoyens pauvres qui se trouvaient
heureux d’échanger les droits précaires dont ils jouissaient
à Rome contre quelques arpents de terre dans les provinces. Plus tard,
Sylla, et les dictateurs qui vinrent après lui, répandirent
leurs soldats dans une foule de villes dont ils leur distribuaient le territoire:
ce furent les colonies militaires.
|
(2)
Montesquieu, Grand. des Romains, chap. VI.
(3) La création
d’une colonie avait bien tout l’air d’une fondation de ville c’en était
en effet un renouvellement, La colonie y était conduite militairement;
l’enceinte de la nouvelle ville était tracée par la charrue,
et les nouveaux habitants en prenaient possession après les cérémonies
destinées à appeler la protection des dieux. Vid. Adam, Antiq.
rom., p. 115 et suiv., et Henri Martin, Hist. de France, t. II,
p. 140.
|
Sous l’empire, lorsque le titre de citoyen eut perdu presque toute sa valeur,
au moins politique, on ne vit plus que des colonies militaires; mais elles
n’avaient déjà plus leur ancien caractère. On peut dès
lors les diviser ainsi:
1° Celles qui avaient pour objet
des établissements d’eaux thermales. ou médicinales, comme
Aquæ Tarbellicæ, Tarbes, Aquæ Calidæ,
Vichy, et tant d’autres.
2° Les campements, castra
(4). Les légions
commises à la garde des frontières avaient l’habitude de loger
dans des camps retranchés; les habitations des paysans les entouraient
quelquefois, [p.27] et par la suite plusieurs villes se sont élevées
sur ruines et en ont conservé le nom (1).
3° Les castella. C’étaient
des retranchements moins étendus, mais beaucoup mieux fortifiés.
4° Enfin, il y avait les villæ,
les mansiones, fermes et habitations de plaisance dont on rencontre
le nom ainsi que celui de vicus, village, de pagus, de vallus,
soit seul, soit ajouté à un nom gaulois, à un nom de
propriétaire, à celui d’un empereur ou d’une légion;
mais, nulle part, il n’y avait là de fondation romaine, et tous les
établissements de cette catégorie étaient formés
dans des villages ou des hameaux celtiques.
|
(4) Pour tous ces
détails, voy. Bergier, Grands chemins de l’Emp. rom., liv.
IV, chap. VI.
(1) Les empereurs
confiaient rarement aux légions indigènes la garde de leur
patrie, les soldats étaient transplantés d’une extrémité
de l’empire à l’autre. C’est ainsi que du camp des Sarmates étaient
établis à Sermaises en Gatinais, et à Sermaises sous
Dourdan.
|
Les Romains ne firent, presque partout, que changer les noms; c’est ce qui
arriva à une foule de villes, comme Augustodunum, Autun, avant
Bibracte; Aureliani, Orléans, avant Genabum,
etc. Vers le IIIe siècle de l’ère chrétienne, les géographes
et les historiens commencèrent à donner le nom des peuples
mêmes aux villes qui en étaient les capitales. Il paraît
que c’est Ammien Marcellin qui, le premier, prit cette habitude. C’est ainsi
que l’on donna le nom de Remi, ou même civitas Remi,
à Durocortorum, Reims, de Senones à
Agendicum, Sens, de Carnutes à Autricum,
Chartres, etc. Et les auteurs ecclésiastiques qui ont depuis écrit
sur les différents peuples de la Gaule, suivirent cette manière
et firent ainsi disparaître le nom national d’un très-grand
nombre de localités (2). L’établissement des Romains y effectuait comme une
seconde fondation en leur faisant prendre place dans l’histoire, et les
conquérants étant les seuls qui eussent à s’en occuper,
comme administrateurs ou historiens (3), ils préféraient tout
naturellement les désigner dans leur langue, et souvent, à
défaut d’autre nom, ils l’indiquaient en se servant simplement du mot
qui désignait l’espèce d’établissement qu’ils [p.28] y avaient, avec ou
sans qualification. On pourrait citer Castra, Châtres, depuis
Arpajon, Castra, Castres, Castellodunum, Châteaudun,
et tant d’autres noms terminés en ville, villiers, val,
court, celle, etc.
|
(2) Bergier, loc.
cit., liv. II, chap. XXV, et liv. IV, chap. VI.
(3) Ce qui s’applique
également aux écrivains indigènes pour la plupart ecclésiastiques,
et pour qui la langue latine était la seule dans laquelle ils pussent
se permettre d’écrire.
|
Il ne faudrait donc pas prendre pour des villes essentiellement romaines
toutes celles dans le nom desquelles entre, soit le mot de Castrum,
soit celui de Castellum, ou tout autre analogue. Car, outre qu’un
grand nombre de ces villes existaient avant les Romains, ainsi que nous venons
de le dire, il y en eut aussi quelques-unes qui ne furent fondées
que bien plus tard et ne prirent ce nom, ainsi formé, que postérieurement.
C’est précisément ce qui arriva à Étampes elle-même,
dont il est fait mention au moyen âge sous le nom de Castellum
Stampis, notamment sur des pièces de monnaie de Philippe I et
de Louis VI ou Louis VII, dont nous avons déjà parlé
(1). Cette
qualification s’applique non pas à l’ancienne ville, mais à
un château bâti à quelque distance de l’ancien Étampes,
selon toute apparence par le roi Robert le Pieux, dans un endroit où
s’éleva Étampes le Châtel.
|
(1) Leblanc, Traité des monnaies, p.
155 et suiv.; et Lelewel, Numis. du moyen âge.
|
Mais dans le vieil Étampes, celui dont nous recherchons ici l’origine,
et qui ne forme plus aujourd’hui que le faubourg de Saint-Martin d’Étampes
(2), il n’est
nulle trace de Castrum ou de Castellum, on ne trouve aucun
vestige de campement, de fondation militaire de cette époque. Tous
les documents que nous avons consultés avec soin, les Notitiæ,
la carte Théodosienne et l’itinéraire d’Antonin (3), sont muets à
cet égard. Que dans ce dernier document il ne soit pas question
d’Étampes, cela n’est pas étonnant et ne prouve rien contre
son existence au temps dont nous parlons. Cet ouvrage avait un autre but.
Il contient, ainsi que la table Théodosienne ou de Peutinger, le tracé
des principales routes de l’empire, et les suit à travers les cités,
bourgades, villages, gites et postes militaires, indiquant [p.29] la distance d’un
lieu à l’autre, marquée par des milliaires, stades ou lieues
gauloises, selon les pays, à peu près comme nos livres de
poste (1). Or, une voie partant de Nevers arrive,
après plusieurs stations, à Genabum qui, ainsi que cela est
bien établi, aujourd’hui, est Orléans et non pas Gien (2). De Genabum elle se dirige à Salioclita,
et de cette station à Lutèce. L’itinéraire compte 24,000
pas (M P. XXIV) de Genabum à Salioclita, et autant de
cette dernière à Lutecia. Nous n’entrerons pas dans
l’examen des mesures de distance: d’Anville a suffisamment approfondi la
question (3); ces distances correspondent exactement,
d’après ses calculs, à celles qui séparent Orléans
du village de Saclas, à deux lieues d’Étampes, et Saclas
de Paris.
|
(2) Plus bas, p.
54.
(3) Il est difficile
d’attribuer cet ouvrage, tel que nous l’avons, au prince dont il porte le
nom, car on y trouve plusieurs endroits qui ne furent connus que sous ses
successeurs.
(1) Bergier, loc.
cit., liv. IV, chap. V, et Malte-Brun, Géograph. univer.,
liv. XIV, t. I. Recueil des Histoires [sic] France de D. Bouquet,
t. I.
(2) D’Anville,
Descript. de l’anc. Gaule. V.is Genabum et Salioclita.
— Guérard, Polypt. d’Irminon, t. I.
(3) D’Anville,
loc. cit.
|
Nous avons à dire ici quelques mots sur une erreur assez épandue
chez les écrivains du siècle dernier, et encore reproduite
aujourd’hui, qui consiste à faire de l’ancienne Salioclita la
ville même d’Étampes (4). La question est aujourd’hui jugée,
et c’est encore d’Anville que nous citerons (5). « L’itinéraire
d’Antonin indique ce lieu (Salioclita), sur la route de Genabum
ou Orléans à Lutèce. On ne saurait douter que ce ne soit
Saclas, qui est précisément sur la direction de la voie dont
la trace entre Orléans et Saclas subsiste en quelques endroits. L’altération
des anciennes dénominations, dont l’effet ordinaire a été
de les abréger, a fait dire Salclita au lieu de Salioclita;
et il est fait mention de Saclas à peu près sous cette forme
dans un diplôme de Dagobert I (6) “Villæ Sarclitæ, super fluvium
Joinæ (la Juine),in pago Stampensi,” ce qui désigne indubitablement
Saclas.» L’existence distincte de Saclas et d’Étampes se trouve
ainsi constatée à la même époque. Nous [p.30] citerons encore
un autre diplôme de 637 du même roi Dagobert, où ce nom
se trouve écrit Saclitœ (1)
|
(4) Adrien de Valois. — De Fortia d’Urban, Recueil
des Itin. anc.
(5) D’Anvile,
loc. cit..
(6) C’est un
diplôme de 635 par lequel Dagobert fait donation à l’abbaye
de Saint-Denis du domaine de Saclas. — Bréquigny, t. II, p. 1.
(1) Bréquigny,
t. II, p. 52
|
Mais ce fait que l’itinéraire mentionne Salioclita, sans parler
d’Étampes, ne pourrait-il pas servir à prouver indirectement
que cette dernière n’existait pas encore à cette époque?
Ce point ne peut nous arrêter. L’itinéraire est loin d’indiquer
toutes les localités existant dans les Gaules; c’est un document
très-précieux, sans doute, pour tous ceux qu’il énumère,
mais dont le silence ne préjuge rien quant aux autres. On ne peut
avoir la prétention de limiter le nombre des lieux habités
dans les Gaules à ceux dont l’itinéraire donne la nomenclature.
De plus, outre que la mention qu’il fait de Saclas n’implique nullement
que ce fut un village de quelque importance, il est beaucoup de localités,
connues d’ailleurs bien antérieurement, et même plus considérables,
dont il ne fait aucune mention. En effet, nous l’avons dit, ce n’était
qu’une liste des endroits où se trouvaient des postes militaires,
des étapes et des relais; on avait égard pour l’établissement
de ces postes, non pas à l’importance de la localité, mais
surtout aux moyens de communication, aux distances et à tant d’antres
considérations stratégiques qui font choisir tel lieu plutôt
que tel antre, sans s’inquiéter de leur importance respective. Ce
fait est donc sans conséquence et laisse la question entière.
|
Table de Peutinger
|
Les vestiges de l’ancienne voie romaine que d’Anville nous signale se reconnaissent
encore parfaitement aujourd’hui dans diverses parties du parcours. Sur la
section de Saclas à Étampes, la route actuelle en suit presque
continuellement le tracé. En sortant de Saclas, on distingue encore
les restes de cette voie le long de la côte qui domine le village.
De larges et épaisses pierres de taille forment encore la chaussée,
et des débris de millaires y ont été retrouvés
en différents endroit Au delà de Saclas, vers Orléans,
on voit aussi des restes très-reconnaissables de cette voie portant
le nom de Vieux Chemin, et elle a été relevée sur
la grande carte de la France dressée par tes soins du ministère
de la guerre (2). Bergier, qui a fait des recherches [p.31] très-profondes
sur cette matière, nous apprend qu’elle fut construite par Agrippa,
le gendre d’Auguste (1).
|
(2)
V. les cartes n°65 et 80.
(1) Bergier, loc.
cit., t. I, p. 111. C’était la grande voie partant de Lyon et
aboutissant à Gesoriacum, Boulogne-sur-mer. voy. Henri Martin, Hist.
de France, t. I.
|
Elle se bifurquait peut-être à Étampes, et se dirigeait
d’un côté sur Paris, et de l’autre sur Chartres, en suivant
la vallée de Chalô-Saint-Mard; toutefois, cette hypothèse
est peu probable, car les débris d’un chemin conduisant d’Agendicum,
Sens, à Autricum, Chartres, se découvrent
dans divers terroirs du Gâtinais et de la Beauce, notamment au sud
d’Étampes, à Emerville, près de Sermaises, et près
de Gouillon et Léouville (2), tandis
qu’une autre voie allait de Châteaudun, et sans doute de Blois, à
Saclas, en passant par Cormainville, Bazoches les Hautes et Allaines (3), où des traces en ont été
constatées. La route d’Orléans à Chartres se détachait
de celle d’Orléans à Saclas, peut-être à l’intersection
de celle-ci avec celle de Sens à Chartres, et n’en formait qu’une
avec elle depuis cet endroit (4).
|
(2) Sermaises, canton de Malesherbes, Loiret. Gouillon
et Léouville, arrondissement de Chartres.
(3) Même
arrondissement.
(4) Voy. Revue
de numism., t. I, p. 384, une dissertation de M. Vergnaud Romagnesi.
— De Caylus, Recueil d’Antiq. t. IV, p. 378 et suiv.
|
Étampes se trouvait ainsi traversée par la voie venant d’Orléans
et qui, de là, se dirigeait vers Paris, en passant par Châtres,
depuis Arpajon, où se trouvait un poste romain. A une lieue de la
ville environ, se trouvait la métairie de Brunehault dont nous avons
déjà parlé, et dont l’origine se place très-probablement
à cette époque. «Il y a deux conjectures qui peuvent faire
croire qu’elle a été bastie par les Romains. La première,
la facon de la structure de ce qui reste encore aujourd’hui, la seconde, quantité
de monnaies des anciens empereurs romains, que l’on trouva il y a peu d’années,
en fouillant dans ces ruines (5).» Des
monnaies d’or marquées au coin des empereurs Gordien, Dioclétien,
Constance Chlore, quelques débris de poterie et de terres cuites,
un petit Mercure en bronze, et une statue en pierre de Priape de deux pieds
de hauteur*, découverts il y a plusieurs
années, ne permettent pas de douter qu’il n’y [p.32] ait eu là
une habitation romaine. Quelques débris de fondations, recouverts
par la terre, sont aujourd’hui tout ce qu’il en reste. La tour a disparu
avec les autres dépendances qui subsistaient encore au commencement
du siècle, pour faire place à un parc élégant,
où l’on regrette de ne pas trouver ces vieux débris, dont l’aspect
aurait, sans doute, donné un attrait de plus à cette propriété
(1).
|
Sesterce de Gordien II (238)
(5)
Fleureau, loc. cit., p. 16, chap. IX.
* Dont une photographie en bas de cette page (B.G.)
(1)
Voy. le Jardinier moderne, par M. le vicomte de Viart, propriétaire
du château de Brunehaut.
|
C’est donc à la ferme de Brunehault qu’il faut aller chercher les
souvenirs de l’époque romaine. La vaste étendue des domaines,
fundus, prædia, des riches Romains
dans les provinces, ces immences [sic] latifundia
qui s’étendaient sur plusieurs lieues de territoire, autorisent à
penser que toutes cette contrée appartenait à un seul propriétaire
et dépendait de la même villa. Ces sortes d’établissements
étaient considérables, et formaient comme le centre d’exploitations
comprenant d’autres petites métairies de moindre valeur. On choisissait,
pour les installer, les endroits les plus fertiles et les sites les plus
pittoresques, les cantons qui pouvaient réunir tous les plaisirs des
champs. Ils se composaient ordinairement de trois parties: la Villa urbana,
ou maison de maitre, la Villa rustica, ou bâtiments d’exploitation
et logements des esclaves rangés auprès d’une tour, et la
Villa fructuaria, les greniers, celliers, granges; en
dehors se trouvaient les étables, les écuries, le four et
le moulin. C’était là que se retiraient les officiers des
armées romaines, les patriciens, les magistrats, souvent aussi les
nobles gaulois, si vite familiarisés avec la civilisation romaine.
Peut-être le Dructomarus dont nous retrouvons le nom au VIe
siècle sur une pièce de monnaie franque était-il, car
toutes les hypothèses sont ouvertes à son égard, le
descendant d’un noble gaulois, d’un chef influent du petit canton d’Étampes
qui, pour prix de ses services, reçut ce territoire des Romains.
Ainsi, la certitude
qu’il a existé dans cet endroit un établissement romain, infirme
d’autant la conjecture qu’il aurait pu y en avoir un dans le village de
Stampæ, et ceux qui purent s’y fixer ne durent être
que des tenanciers, vétérans ou colons. [p.33]
Le sol conquis appartenait
au peuple romain; mais les possesseurs, patriciens et soldats, trouvaient
bien vite moyen de faire dériver cette propriété entre
leurs mains. Toutefois, les familles indigènes conservaient aussi,
à titre précaire, une portion de leur territoire, en vertu
des traités ou leges municipales, espèces de chartes
qui réglaient les conditions de leur soumission, et leurs rapports
avec les conquérants. Là ne s’arrêtait pas la vigilance
que Rome exerçait sur ses nouveaux sujets. Avec cette merveilleuse
puissance d’organisation qui est une de ses gloires les plus durables, elle
avait établi jusque dans les moindres villages, un système
d’administration dont notre régime municipal peut donner une idée.
Nous empruntons ici quelques lignes à un savant allemand dont les
profondes recherches ont élucidé ces difficiles questions.
«Quand la Gaule transalpine passa sous-la domination romaine, dit M.
de Savigny (1), elle se composait de districts
indépendants (civitates), dont plusieurs comprenaient un grand
nombre de villes, et tous étaient soumis à un régime
aristocratique fortement constitué. Le souvenir de leurs noms et
de leurs limites se conserva longtemps, peut-être même leur existence
politique ne fut-elle pas tout à coup anéantie par les Romains.
Mais quand l’institution des décurions, parvenue à son entier
développement, s’étendit à tout l’empire, on peut à
peine concevoir que cette organisation se soit encore conservée.
|
Sesterce de Dioclétien (284-305)
Argenteus de Constance Chlore (293-305)
(1) De Savigny, Hist. du droit rom. au moyen âge,
trad. Guenoux, t. I, chap. II, § 19.
|
«En effet, il aurait fallu que dans chaque civitas, la capitale,
ayant seule un sénat et des décurions, gouvernât les
autres villes; ou que, le sénat des capitales, supérieur aux
curies des villes, fût autrement constitué. La première
de ces hypothèses est formellement contredite par le témoignage
de Salvien, qui, au Ve siècle, donne des décurions aux plus
petites localités (2), et par le testament de Widrad, qui nous montre une constitution
municipale existant du temps des Franks dans un simple castrum (3). Le Code Théodosien
tout entier dépose contre la [p.34] seconde hypothèse. En effet,
dans les nombreuses constitutions que ce Code renferme sur les décurions,
ceux des Gaules en particulier, il les considère toujours comme égaux.
Or, s’il eût existé une pareille inégalité entre
les décurions, le Code Théodosien n’aurait pu en parler sans
la faire ressortir. Probablement l’ancienne noblesse gauloise se conserva
surtout dans les curies capitales; et de fait, ces dernières peuvent
avoir eu, jusque dans les temps postérieurs, une considération
supérieure à celle des autres curies. Mais il n’y avait aucune
différence légale entre leurs constitutions; partout la même
dépendance du lieu tenant de la province, partout les mêmes
priviléges, le même genre d’administration.»
|
(2) Salvien, De gubernatione
Dei, liv. V, chap IV.
(3) C’est Semur,
in Sinemuro castro. II fallait un certain nombre de
témoins [p.34] pour la confection d’un
testament, sinon, pour être valable, il devait être présenté
à la curie. C’est ce qui eut lieu pour le testament de Widrad. Savigny,
t. I, chap. V, § 95.
Voy. encore Paul, Sentences, IV, 6.
|
En examinant attentivement l’ancienne coutume d’Étampes, peut-être
y trouverait-on quelques souvenirs de l’époque gauloise, dont M. Laferrière
a signalé tant de vestiges dans notre droit coutumier (1). Mais si l’élément romain avait
eu, dans le principe, quelque influence, la population d’Étampes-les-Vieilles
se le serait rappelé, à l’époque de l’affranchissement
communal, pour demander quelques avantages, au lieu de laisser attribuer
à son détriment toutes le franchises à la nouvelle ville.
|
(1) Laferrière, Hist. du droit français.
|
Tels furent donc les rapports d’Étampes avec Rome, rapports de conquête
et d’organisation administrative. Mais ils ne vont pas plus loin. Elle
ne reçut d’elle aucun de ces monuments qui font la gloire de bien
des villes, et qui attestent une prospérité passée.
Partout où elle s’est arrêtée, Rome a construit ses
temples, bâti ses immenses édifices publics, ses théâtres,
ses thermes, ses monuments funéraires, ses autels. A Étampes,
rien de tout cela. Sa position ne pouvait, à aucun titre, fixer l’attention
de ses maîtres. Une colonie militaire était inutile dans ce pays
suffisamment gardé par les forteresses élevées aux environs,
au temps de la conquête; et le commerce ne pouvait espérer de
bénéfices et d’avantages au milieu de ces [p.35] Forêts, loin
des communications ordinaires qui l’encouragent. Toutes les villes dont l’accroissement
date de cette époque, le doivent à l’une ou à l’autre
de ces deux causes, souvent à toutes les deux à la fois. Le
commerce s’empara du cours des fleuves et de leurs embouchures. C’étaient
les voies de transport les pus commodes, alors que les routes étaient
avant tout des voies stratégiques. Orléans était sur
le chemin de la Méditerranée à l’Océan, et l’un
des entrepôts de Marseille et de Nantes; la compagnie des nautes Parisiens
était en possession du cours de la Seine. Avant l’arrivée
des Romains, cette capitale de la Civitas des Parisii était
un misérable village, composé de quelques cabanes en terre
dispersées dans l’île de la Seine. Étampes, privée
de ces éléments d’accroissement, resta un simple village de
bergers, moitié cultivateurs, moitié chasseurs, comme elle
avait été du temps de la Gaule indépendante, comme
elle resta, bien des siècles encore, jusqu’au jour où un roi,
en y fondant un palais, donna naissance à une nouvelle ville (1).
|
(1)
Nous empruntons à Châteaubriand quelques ligues qui peignent
à merveille l’état de la Gaule romaine.
«De longues voies romaines se déroulent
travers les forêts des druides. Dans les colonies des vainqueurs, au
milieu des bois sauvages, vous apercevez les plus beaux monuments de l’architecture
grecque et romaine des: des aqueducs à trois galeries suspendus sur
des torrents, des amphithéâtres, des capitoles, des temples
d’une élégance parfaite; et non loin de ces colonies, vous
trouvez les huttes arrondies des Gaulois; leur forteresses de solives et
de pierres à la porte desquelles sont cloués des pieds de louves,
des carcasses de hiboux et des os de morts. A Lugdunum, à Narbonne,
à Burdigalie, la jeunesse gauloise s’exerce avec succès dans
l’art de Démosthène et de Cicéron; à quelques
pas plus loin, dans la montagne, vous n’entendez plus qu’un langage grossier,
semblable au croassement des corbeaux. Un château romain se montre
sur la cime d’un roc; une chapelle de chrétiens s’élève
au fond d’une vallée, près de l’autel où l’eubage égorge
la victime humaine. J’ai vu le soldat légionnaire veiller au milieu
d’un désert, sur les remparts d’un camp, et le Gaulois, devenu sénateur,
embarrasser sa toge romaine dans les halliers de ses bois. J’ai vu la vigne
de Falerne mûrir sur les côteaux d’Augustodunum, l’olivier de
Corinthe fleurir à Marseille, et l’abeille de l’Attique parfumer Narbonne.»
Martyrs, liv. IX.
|
§
III. Époque gauloise
C’est donc à l’époque gauloise qu’il faut remonter pour trouver
l’origine d’Étampes. De ce qui précède, il résulte
qu’elle in put être fondée par un établissement frank
ou romain. Les [p.36] preuves que nous venons d’énumérer ont dû
donner une certaine consistance à cette proposition; nous espérons
la fortifier à l’aide des derniers arguments que nous avons encore
à produire.
Du reste, nous devons le déclarer avant
d’aller plus loin, nous ne revendiquons nullement l’honneur d’une découverte
en pareille matière; ceux qui l’ont abordée avant nous étaient
assez portés à reconnaître l’exactitude des faits que
nous reprenons après eux. Tout notre mérite n’est donc que
d’avoir consolidé par des preuves ce qu’ils admettent avec quelque
hésitation peut-être.
|
|
M. de Montrond (1), que ses études à l’Ecole des chartes et sa qualité
d’archiviste mettaient à même d’apprécier une question
de la nature de celle qui nous occupe, sans se livrer à de bien grandes
recherches, admet en principe la solution que nous essayons d’établir;
et le père Fleureau, dont il se contente de reproduire les inductions,
semble avoir pressenti toute la valeur des faits sur lesquels nous fondons
nos principaux arguments. Après avoir combattu l’opinion du père
Briet, qui place à Étampes-les-Vieilles l’ancienne Salioclita,
voici comment il s’exprime (2):
«J’ay d’autres raisons pour appuyer l’antiquité
d’Estampes, qui semblent en quelque façon convaincre et faire voir
qu’elle estoit avant la naissance de Jésùs-Christ. Pour l’intelligence
de ma première raison, il faut supposer qu’avant l’arrivée
de Jules Cæsar dans les Gaules, elles étoient divisées
en plusieurs provinces ou cantons, qui avoient chacun un gouverneur, que
le même Cæsar en ses Commentaires nomme Regulos.
Et quand, dans ses mêmes Commentaires, il dit civitas Senonum,
civitas Biturigum, il n’entend pas une seule ville ou
une seule cité; mais, par une phrase qui lui est particulière,
il signifie une grande contrée contenant plusieurs villes et plusieurs
peuples confédérés et sujets d’un même gouvernement.
«Il faut supposer, en second lieu, qu’Estampes
était une ville [p.37] ou bourg dependant du canton des Senonais. La preuve en est évidente,
puisque elle est encore aujourd’hui du diocèse de Sens et que l’Eglise
et les premiers prélats qui l’ont gouvernée, après saint
Pierre, ont usé de cette prudence de diviser les diocèses suivant
la division du gouvernement politique et temporel qui se trouvoit au temps
de leur établissement, comme on le peut remarquer en la quatre-vingt-huitième
distinction, en laquelle il est traité des lieux où l’on doit
mettre des patriarches, des primats, des archevesques et des évesques.
D’ailleurs il faut aussi supposer que nos anciens Gaulois bâtissaient
ordinairement leurs villes frontières dans les marais, pour les rendre
plus fortes. De toutes ces suppositions il résulte ce que j’ay dit
au commencement, que le bourg de Saint-Martin est fondé dès
le temps des anciens Gaulois; puisqu’il est basty en pareille situation
que les autres villes frontières de leurs cantons, comme en estant
effectivement, confinant encore aujourd’huy avec le diocèse ou territoire
des Chartrains.
«Je tire ma seconde preuve de l’antiquité
d’Estampes, de ce que dans l’église métropolitaine de Sens,
il y a un archidiacre qui porte le nom d’archidiacre d’Estampes. Il est vrai
que l’on ne trouve rien dans les archives de l’église de Sens qui
nous fasse connoître la première institution des archidiaconez,
parce qu’elles ont été bruslées plusieurs fois, une
entre autres par le feu du ciel, comme il est rapporté en la chronicque
de saint Martin d’Auxerre. Mais l’ancienne tradition de Sens porte que les
archidiaconez ont commencé aussitôt que l’Église catholique
a commencé à s’établir dans cette ville-là qui
reconnoist pour son apôtre le grand saint Savinien, disciple de saint
Pierre. Et les histoires remarquent que ce saint arriva à Sens et
commença à y prêcher l’Évangile environ l’an 46
de nostre salut.»
|
(1)
Essais histor. sur la ville d’Étampes, p. 3 et
suiv.
(2) Fleureau,
loc. cit., p. 5.
Potin sénon au cheval
|
Toute cette argumentation est concluante, et il faut savoir gré au
P. Fleureau des recherches qu’il a faites, en lui tenant compte de ce que
l’état des connaissances historiques lui permettait alors de découvrir.
Cette science a fait depuis bien des progrès, et bien des problèmes
ont été résolus. Nous savons à quoi nous en tenir
maintenant sur la tradition dont il parle relativement [p.38] aux archidiaconés
du diocèse de Sens. Nous avons établi au commencement la corrélation
qui existe entre eux et les pagi de la civitas des Senonais,
et le fait que l’époque où ces archidiaconés ont été
institués clans le diocèse de Sens est incertaine par suite
de la destruction des archives de cette église, n’a aucune conséquence,
en ce qui concerne le point que nous discutons, en présence des principes
que nous avons rapportés à cette occasion. Ce n’est que pendant
le VIe siècle, selon l’abbé Fleury, que les archidiacres, devenant
des dignitaires influents du diocèse, héritèrent de
toute l’autorité des archiprêtres, abaissés à
un rang inférieur, et. dès lors revêtus seulement de la
prééminence sur tous les curés du même doyenné
(1). Toutefois
cette date est probablement trop ancienne, puisque ce ne fut guère
qu’au IXe siècle que furent créés les archidiaconés
ruraux; mais les limites de ces nouvelles circonscriptions ne furent pas
fixées par les conciles, comme le furent celles des diocèses;
elles restèrent donc un peu arbitraires, et ne purent pas reproduire
bien exactement les pagi. «Cependant la connaissance
des archidiaconés doit faciliter celle des pagi, parce que
les évêques, en procédant ù la circonscription
des premiers, ont dû se régler très-souvent sur celle
des seconds que renfermaient leurs diocèses (2).» Nous n’avons
donc pas à examiner si les limites de l’archidiaconé d’Étampes
reproduisaient celles du pagus Stampensis; il nous suffit de constater
l’identité de ces deux divisions, et, comme l’antiquité du
pagus en général est démontrée,
celle des pagus Stampensis en résulte nécessairement.
Nous pouvons ajouter, en passant, que l’existence de plusieurs peulvens sur
différents points de l’arrondissement d’Étampes et de celui
de Chartres, en des endroits où se trouvaient les limites de l’archidiaconé,
semble donner une nouvelle force à notre assertion. La présence
de ces pierres druidiques au milieu des plaines de la Beauce et sur les confins
du Gâtinais, où de pareils blocs de pierre n’existent pas naturellement,
nous parait très-significative. Elles durent être
[p.39] apportées
là dans un but quelconque; leur isolement, et la distance assez grande
à laquelle elles se trouvent les unes des autres, semblent exclure
l’idée que les lieux où on les rencontre fussent consacrés
au culte druidique, comme certaines parties des territoires de Chartres et
de Dreux. Si l’on admet l’opinion, très-vraisemblable du reste, qui
consiste à les regarder comme des bornes servant à séparer
les terres des différents clans dont se composait la Gaule, les limites
de l’ancien pagus Stampensis se trouveraient ainsi reconnues et correspondre
à peu près exactement à celles de l’archidiaconé
(1).
|
(1)
Des Odoards Fantin. — Dict. ecclés. V.is archiprêtre
et archidiacre.
(2) Guérard,
Essai sur les divis. territ. de la Gaule, p. 96.
(1) Près
de Toury (Eure-et-Loir), il y a, sur la grande route, un dolmen appelé
la pierre de Gargantua.
A Méréville, on voit, au milieu
d’un champ, la pierre du Mesnil (arrondissement d’Étampes.)
Il y en a une sur la commune de Saint-Chéron,
vers le bois des Poteries, entre les routes d’Étampes et d’Auneau.
Voy. Mém. de la Société
des Antiq. de France, t.XI, p. 181.
Le hameau de Pierrefitte près Étampes,
doit son nom à l’une de ces pierres. On en trouve d’autres encore
près de Thionville et de Buno-Bonnevaux.
Nous approfondirons ces questions pour les
traiter in extenso en cherchant à reconstituer la topographie du
pagus Stempensis [sic],
et les villages qu’il renfermait.
|
Un autre moyen de preuve, qui subsiste avec toute sa force, est celui que
le P. Fleureau tire de la position d’Étampes au milieu des étangs
formés par les rivières qui l’arrosent. Toute la surface de
la Gaule était couverte d’immenses forêts, entre coupées
de quelques clairières, qu’habitaient les peuplades celtiques. Elles
se retiraient à l’approche de l’ennemi dans les fourrés marécageux,
dont elles défendaient les abords au moyen de palissades formées
de branches entrelacées et de vastes abattis d’arbres. Ces positions
étaient bien plus faciles à défendre. Les forêts
conservaient des amas d’eau considérables, et les rivières,
se répandant à travers les vallées, y formaient de nombreux
marais. Il semble en effet, d’après diverses indications, que ce
soit au bord des eaux que se sont réunis les premiers établissements
et les premiers centres de société. Les vallées des
fleuves et des rivières ont partout servi de route aux émigrations
et aux conquêtes; c’est entre le culte des eaux et celui des hauteurs
qui les dominent, et de la forêt qui les couronne, [p.40] que semblent flotter
les premières religions locales de notre pays.
|
|
La configuration du pays qui environne Étampes répond complètement
à ces données. Il est coupé de vallées, les unes
sèches, les autres arrosées par de nombreux cours d’eau qui
ont dû être plus considérables qu’ils ne le sont aujourd’hui,
à une époque qui n’est pas encore très-éloignée,
avant que l’industrie, en les utilisant, n’en eût occasionné
une grande déperdition, et que des travaux hydrauliques importants
ne leur eussent frayé un plus libre cours à travers la prairie
(1). A cette époque la rivière
d’Étampes était navigable à partir de cette ville, et
portait jusqu’à la Seine, à Corbeil, les produits du pays (2). D’autres amas d’eau paraissent avoir existé
dans quelques parties du territoire, aujourd’hui complètement desséchées;
les noms des villages de Puiselet-le-Marais et de Valpuiseaux témoignent
encore de ce fait, tandis que l’existence des forêts qui couvraient
les va les étroits plateaux qui les séparent, et se reliaient
à celles des Ivelines, de Dourdan et d’Orléans, se trouve attestée
par le nom d’un assez grand nom bre de villages environnants. Duchesne nous
apprend que de son temps on parlait d’une forêt qui jadis s’étendait
d’Étampes jusqu’au village de Torfou... «lieu duquel (Étampes)
un long bois de hêtres et futeaux s’estendoit jadis jusque en cette
vallée de Tourfour, vraye retraite de voleurs et recommandable à
si longues années par les pilleries et les meurtres qui s’y sont
faits aux siècles passés (3).»
Ce qui valut, dit-on, au village [p.41] d’Étréchy, situé autrefois au milieu de
ce bois, le surnom de le Larron.
|
(1)
La Juine en amont d’Étampes jusqu’à Vauroux, et les rivières
de Louette et de Chalouette réunies, depuis l’endroit appelé
le Portereau, coulent dans un lit artificiel.
(2) La promenade
qui aboutit à la rivière, en sortant par le faubourg Évezard,
porte encore le nom de Promenade du Port.
(3) André
Duchesne, Antiq. des villes de France. — Cette mauvaise réputation
du bois de Torfou ne s’est jamais perdue. La Fontaine, ayant à y
passer, n’était pas fort rassuré. «Je ne songe point
à cette valide de Tréfou que je ne frémisse:
C’est un passage
dangereux,
Un lieu pour les voleurs, d’embûche
et de retraite,
A gauche un bois,
une montagne à droite;
Entre
les deux
Un
chemin creux.
La montagne est
toute pleine [p.42]
De rochers faits
comme ceux
De notre petit domaine.
Comme pour consacrer ce mauvais renom, un crime,
commis dans des circonstances horribles, est venu, il y a quelques années,
ajouter aux tristes fastes de ce pays.
|
Ces positions convenaient d’autant mieux aux Celtes qu’ils formaient une
population adonnée à l’élève des bestiaux, et
particulièrement des porcs, qui atteignaient chez eux une grosseur
énorme. Ils trouvaient dans les forêts de chêne une nourriture
abondante et appropriée, et leur chair jouissait, pour cette raison,
à Rome et dans l’Italie entière, d’une grande réputation.
On les voyait errant par bandes et à l’abandon à travers les
villages et dans les bois, où ils passaient presque à l’état
sauvage, et où ils n’étaient, au rapport de Strabon, guère
moins dangereux que les loups (1). Malgré l’extension progressive de l’agriculture, l’éducation
des bestiaux fut toujours la principale branche d’industrie des Gaulois, qui
consommaient plus de viande que de grains, comme tous les peuples des climats
froids et humides (2). Aussi n’avaient-ils point de villes, à proprement parler
(3), mais seulement
des villages dont les habitations se trouvaient desséminées
[sic] sur une grande étendue de terrain. Ces villages devaient
être très-nombreux et très-populeux, puisqu’ils purent
opposer à César des forces considérables, et que les
nouvelles importantes pouvaient se transmettre de l’un à l’autre à
l’aide de signaux et en poussant de grands cris, il ne fallut pas un jour
pour faire parvenir de Genabum à Gergovie la nouvelle du soulèvement
des Carnutes (4). Une réunion de chaumières éparses sans
ordre, séparées les unes des autres par quelques champs en
culture, et construites en torchis, constituaient le village (5). C’était l’ensemble
de plusieurs villages avec les pâturages et les bois, les [p.42] terres labourées
et les espaces incultes qui les environnaient, qui formaient le pagus
(1).
|
(1)
Strabon, liv. IV, chap. IV, p. 65.
(2) Les immenses
forêts de la Gaule en rendaient le climat bien plus froid qu’il n’est
aujourd’hui.
(3) V. Dulaure,
Mém. des ant. de France, t. II, p. 127, et Hist.
des environs de Paris, passim.
(4) Il y a plus
de 50 lieues. Voy. Cæs. Bell. gall., liv. VIII, chap. V.
(5) Strabon, liv.
IV, p. 197.
(1) Dulaure, Mém.
des ant. de France, t. II, p. 127 et suiv.
|
Les Romains, dans un but politique, défrichèrent un grand
nombre de forêts, foyer du druidisme. C’est à eux que l’on
doit la mise en culture de la Beauce, dont on apprécia bien vite la
valeur agricole; tous ces champs défrichés étaient cultivés
par les paysans gaulois ou les esclaves des villæ romaines. Mais la conformation des villages gaulois fut peu modifiée
par ce nouvel état de choses; tandis que les villes, centres du commerce
des Romains, changèrent complètement de face. Les Franks,
au contraire, qui paraissaient avoir été les plus déterminés
chasseurs qui aient existé, en s’emparant des terres cultivées
par les Gallo-Romains, s’empressèrent de consacrer à la chasse
de vastes emplacements qu’ils peuplèrent d’animaux de toute espèce,
même de loups*. L’établissement
de ces forêts, en enlevant aux laboureurs toute sécurité,
les forçait à abandonner leurs champs et leurs habitations.
Aussi, loin de créer de nouveaux villages, les Franks furent-ils
plutôt une cause de dépopulation, et la Gaule redevint bientôt
aussi sauvage qu’elle l’était avant la conquête romaine.
|
*
On reste étonné devant
une telle niaiserie (B.G.)
|
Telle fut Étampes pendant les premiers siècles de son existence:
au temps de l’indépendance, un village habité par des pâtres,
semblable à tous les autres villages voisins, sur lesquels elle n’avait
qu’une supériorité nominale; son industrie était bornée
à l’élève des bestiaux, surtout des porcs. Plus tard,
sous les Romains, l’agriculture se développa chez. ses habitants,
grâce à de nombreux défrichements opérés
par les nouveaux maîtres. Mais cet élément de prospérité,
auquel elle dut sans doute quelque accroissement, s’évanouit le jour
où les Franks vinrent rendre aux divinités des forêts
leurs anciens domaines. Toute cette période éloignée
ne nous est révélée que par des inductions historiques.
Rome, à qui la propriété privée dans les provinces
était inconnue en droit, nous laisse en présence d’un passé
obscur, sans autre guide que des faits généraux. Lorsque
le chaos des invasions barbares commence à [p.43] se débrouiller,
les chartes, les diplômes, les documents de toute nature abondent;
aussi n’est-ce guère qu’à cette époque que commence réellement
l’histoire nationale, et que nous trouvons aussi pour Étampes des
éléments plus précis. Jusque-là nous pouvons
seulement nous dire: Nos ancêtres, les Gaulois, ont vécu en
cet endroit; cette ville, ils l’ont habitée, ces champs ont été
cultivés par eux; dans ces forêts erraient leurs troupeaux,
mais là doivent s’arrêter nos investigations nous n’avons pas
voulu, nous non plus, faire davantage.
|
|
Toutes les considérations qui précèdent tirent une nouvelle
force de l’étymologie du nom d’Étampes. Cette question, la
première peut-être que doive résoudre l’historien, puisque,
comme le dit Fleureau «L’on a toujours estimé qu’il y avait
des mystères cachés sous les noms propres des cités et
des villes auxquelles on les a imposés, pour quelque sujet particulier,
quoique bien souvent on ne puisse le pénétrer (1),» cette question a préoccupé
tous ceux qui, avant nous, ont abordé le sujet que nous traitons,
mais n’a pas été selon nous assez sérieusement discutée.
|
(1) Loc. cit.,
p. 1.
|
L’étymologie qui a obtenu le plus de faveur, et qui se trouve généralement
reproduite, fait dériver le nom d’Étampes de celui de Tempé,
Τέμπη, elle est probablement la plus ancienne, puisqu’elle avait cours au
temps de François Ier, où elle se trouva fort à propos
pour fournir à Marot l’occasion d’un joli madrigal à l’adresse
de la favorite (2): |
(2)
Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes.
|
«Ce plaisant val que l’on
nomme Tempé,
Dont mainte histoire est encore embellie,
Arrousé d’eaux, si doux, si attrempé,
Sachez que plus il n’est en Thessalie,
Jupiterroi qui les cœurs gaigue et lie
L’ha de Thessalte eu France remué,
Et quelque peu son nom propre mué,
Car pour Tempé veut qu’Estampes s’appelle,
Ainsi lui plait, ainsi l’a situé,
Pour y loger de France la plus belle.» [p.44]
|
|
Cette origine est trop frivole pour nous arrêter; elle n’a d’autre
mérite que les vers gracieux qu’elle a inspirés a Marot, et
le P. Fleureau a fort bien fait justice de la fable à laquelle on
la rattachait alors (1).Mais en rejetant la tradition populaire, il n’en accepte pas
moins l’étymologie de Τέμπη comme étant celle qui a produit
le nom actuel d’Étampes; et ce qui a lieu de nous étonner,
c’est que M. de Montrond, daus ses Essais Historiques sur
la ville d’Étampes (2), ait suivi cette opinion, en entrant pleinement, et sans les
discuter, dans les motifs du P. Fleureau: «C’est pourquoi, dit ce dernier,
j’estime qu’on peut croire avec plus de probabilité, qu’au commencement
Étampes a été nommé Τέμπη par les premiers Gaulois
qui se servaient de la langue grecque; au rapport de César en ses
Commentaires, au moins les plus sages auxquels il appartient
de donner les noms aux choses (3), et que ce nom, qui signifie indifféremment toutes sortes
de lieux mêlés de prairies, de ruisseaux, de collines et de bocages,
a été donné par antonomasie à la ville d’Étampes
à cause de son agréable situation (4).»
|
(1)
Comme conséquence de la fable qui fait venir une colonie de Troyens
en Gaule, sous la conduite de Francus, une tradition rapporte la fondation
d’Étampes à quelques-uns de ces fugitifs.
(2) T. I, p. 2
et suiv.
(3) C’est généralement
le contraire qui arrive, surtout dans les temps barbares; c’est la voix du
peuple qui impose son choix.
(4) Loc. cit.,
chap. I.
|
Devons-nous réfuter cette explication? Elle se fonde sur plusieurs
erreurs. Nulle part, en ses Commentaires, César ne dit que
les Gaulois fissent usage de la langue grecque. Voici le passage, bien connu
d’ailleurs, qui, mal interprété, a causé la méprise
du savant, mais quelquefois peu judicieux auteur des Antiquités
d’Étampes: «Neque fas esse existimant (druides) ea litteris
mandare, quum in reliquis ferè rebus, privatisque rationibus, græcis
utantur litteris (5).» Ce qui signifie simplement que les Gaulois, ceux qui
avaient de l’instruction, les druides en un mot, se servaient des caractères
de l’écriture grecque. D’où leur venait cet usage? C’est ce
qu’il ne nous appartient pas de rechercher. Quoi qu’il en soit, ce fait est
constant, mais il n’en est [p.45] pas moins prouvé aussi que
les Gaulois n’avaient aucune connaissance du grec (1), et loin qu’ils aient
adopté une langue étrangère, l’histoire nous apprend
— c’est un fait aujourd’hui parfaitement établi et que personne ne
conteste — qu’à une époque bien postérieure ils avaient
conservé avec persistance leurs idiomes nationaux. Et, d’ailleurs,
si tant est que le sens que nous donnons au passage de César puisse
être le sujet d’une discussion, où les Gaulois d’entre Seine
et Loire, qui étaient Belges et appartenaient à la race Kimrie,
auraient-ils appris l’usage de la langue grecque? Sans doute on ne peut
nier que cette langue n’ait été parlée en Gaule et
dans des provinces assez étendues; dans ces pays on peut trouver beaucoup
de noms grecs appliqués à plusieurs localités, mais
ce n’est que dans le voisinage de la colonie phocéenne établie
à Marseille, et un peu aussi dans les pays sur lesquels s’étendait
la domination massaliote. Là fut parlé le grec le plus pur
(2), et les
principaux d’entre les Gaulois, subissant l’influence de la brillante civilisation
des Ioniens, purent adopter leur langue dans leurs relations avec eux; mais
ils n’en conservèrent pas moins leur idiome national dans leurs rapports
domestiques avec une persistance qui ne fut dépassée que par,
l’antipathie constante que les Grecs éprouvèrent toujours pour
la langue de leurs maîtres, les Romains. Les populations méridionales,
bien qu’appartenant aussi à la race gauloise, n’avaient que peu de
communications avec les [p.46] Gaulois du nord qui, venus beaucoup plus tard, avaient refoulé
les anciens maîtres du pays, les Galls, dans le midi. A moins que l’on
ne veuille voir dans Étampes une colonie grecque; mais alors que seraient
venu faire des commerçants dans ces parages, sur les bords de deux
ou trois petites rivières coulant sans frein dans la prairie, au milieu
de pâtres et de laboureurs? Où sont les traces de cette colonisation,
les débris des monuments que la Grèce semait partout où
elle s’arrêtait (1)?
Evidemment il y a
eu inadvertance de la part de l’auteur des Essais, inadvertance d’autant
plus étonnante que l’étymologie fabuleuse de Tempé
devait le mettre sur la voie d’une autre plus sérieuse. Nous allons
revenir dans un instant sur ce sujet.
Les étymologies que l’on chercherait
dans les langues latine et tudesque, ne sont pas plus admissibles que celle
que nous venons de rejeter.
|
Inscription gauloise en caractères grecs
(Vaison-la-Romaine, IIe s. av. J.-C.)
(5)
Cæs. Bell. Gall., liv. VI, chap. XIV. — «In
castris Helvetiorum tabulæ repertæ suut, litteris græcis
confetæ.» (Id. liv. I, chap. XIX.)
(1) «Les
druides employaient les caractères de l’alphabet grec: on en a conclu
légèrement que la langue grecque était! assez répandue
dans la Gaule pour qu’on en dérivât des noms de lieux. Mais
Q. Cicéron étant assiégé dans son camp par des
Gaulois, César lui fit passer des lettres qu’il écrivit en
grec, afin que les ennemis, s’ils les interceptaient, ne pussent on comprendre
le sens. Cette Lingue, loin d’être familière aux Gaulois, était
donc ignorée, même des chefs de la nation.» Eusèbe
de Salverte, Essais sur les Noms, t. II, p. 281, § 92. Cæsar,
Bell. Gall., liv. V, chap. LVIII.
Ce fut probablement par suite des relations
des Gaulois avec Massalie que s’introduisit chez eux l’usage des caractères
grecs. On doute même que les Druides aient avant eux connu l’écriture.
Il y a plus; on trouva chez les Gaulois certains contrats rédigés
en grec. «Les érudits modernes se sont perdus eu contestations
sur ce fait, l’un des plus simples de l’histoire de la Gaule: comme si nous
n’avions pas chaque jour sous les yeux des faits analogues, comme si chaque
jour nos gouvernements et nos marchands ne traitaient pas par écrit,
et dans des langues européennes, avec des sauvages qui ignorent les
langues et l’usage même de l’écriture.» Améd. Thierry,
Hist. des Gaules, t. II, p. 242.
(2) Fauriel, Hist.
de la poésie prov., t. I.
(1)
Les Massaliotes ne fondèrent que des établissements utiles
à leur commerce. C’est ainsi que Strabon nous apprend qu’ils avaient
des comptoirs sur la Seine et la Loire, à Orléans, à
Nevers, à Nantes pour le commerce du Nord. Mais ces villes étaient
sur des fleuves par lesquels arrivaient leurs marchandises. Ils n’avaient
rien à faire ni à exploiter dans les forêts de la Beauce.
Voy. Strabon, liv. IV, p. 189, et Amédée Thierry, loc. cit.
t. II. p. 141.
|
La langue latine ne nous fournit d’autre étymologie que Tempe, car
ce mot, emprunté au grec, avait la même signification dans
les deux langues; mais chez les auteurs latins, on ne le rencontre que dans
la poésie, et ce n’est que bien plus tard, au moyen âge, qu’on
le retrouve dans la basse latinité, comme le prouve ce diplôme
de 1285*, cité par Du Cange: «Cum
omnibus appenditiis, pratis, pascuis, sylvis, agris, aquis, Tempe,
et omnibus hujus modi pertinentiis. Ubi tempe,» ajoute Du
Cange, «sumitur pro pascuis in montium convallibus (2).» Nous avons vu
que les données historiqués ne nous permettent pas de rattacher
l’origine d’Étampes à la domination romaine; ce n’est donc
pas à un mot d’un usage très-rare d’ailleurs dans la poésie
latine qu’il faut demander l’étymologie de son nom.
|
* La charte en question parle de biens situés en Moravie,
et il peut s’agit aussi bien d’un terme d’usage local sans rapport avec
notre sujet. Ce mot isolé dans un document aussi spécial et
tardif ne devrait pas être mentionné ici (B.G.).
(2) Du Cange, voy.
Tempe.
|
Quant au tudesque, on trouverait bien dans les idiomes germaniques un radical
qui aurait pu former le mot d’Étampes, [p.47] si les raisons que
nous avons déjà déduites ne nous forçaient de
le rejeter aussi. En effet, les mots stappe, stampf, qui signifient
s’arrêter, s’établir, et le dérivé stamfen,
établissement, reproduisant à peu près le mot Stampæ,
pourraient à la rigueur nous dispenser de poursuivre nos recherches
plus avant. Mais cette étymologie ne trouverait pas d’explication dans
les faits, et n’appartient pas d’ailleurs, à l’ordre d’idées
dans lequel ont été pris la plupart des noms de lieux chez les
Germains.
Voilà donc deux nouvelles raisons de
rejeter l’origine franque ou l’origine romaine. Pour nous, nous préférons
nous arrêter à une autre source, et c’est dans la langue celtique
que nous croyons trouver la solution de ce problème.
Avant de donner les motifs de cette préférence,
et pour la justifier, nous allons être obligé de faire une courte
excursion dans le domaine de l’ethnographie et de la linguistique, et de
chercher si la parenté qui a existé entre le idiomes celtiques
et les patois parlés encore aujourd’hui dans quelques cantons de France
et d’Angleterre, ne peut nous conduire à un résultat plus satisfaisant
que ceux que nous avons éliminés. Car, si nous prouvons que
les mots dont nous croyons pouvoir faire dériver le nom d’Étampes,
et qui sont tirés du breton actuel, appartiennent à des radicaux
qui se retrouvent dans plusieurs langues, sœurs du celtique, en nous reportant
aux considérations que nous venons d’examiner tout à l’heure
relativement à la situation de notre ville, aux habitations des Gaulois,
et au choix qu’ils faisaient de préférence de certains emplacements
pour s’y établir, notre thèse se trouvera ainsi appuyée
sur une base aussi solide qu’elle peut l’être.
|
|
La Gaule a été, de temps immémorial, le séjour
de la famille celtique, qu’on a longtemps crue aborigène, mais que
la comparaison des langues et plusieurs autres circonstances nous représentent
comme la première migration indienne qui ait pénétré
en Europe (1). Les Galls, arrivés les premiers, s’étendirent
jusqu’à la Garonne, et même plus loin; les Kimris, venus [p.48] plus tard, les poussèrent
au delà de la Loire. Enfin, les Belges, ou Bolgs, tribu kimrique qui
s’était arrêtée de l’autre côté du Rhin,
le passa à son tour, à une époque comparativement assez
récente, et se répandit sur les deux rives de la Seine. Les
tribus qui s’établirent le long des côtes de la Manche et de
l’Atlantique prirent le nom particulier d’Aremorikes, maritimes (1).
|
(1) Eichoff, Parallèle des langues de l’Europe
avec celles de l’Inde. — lntroduction, p. 14.
(1) Amédée
Thierry, Hist. des Gaulois. Introd. passim.
|
Ces différentes migrations constituèrent en Gaule deux grandes
familles, dont Cæsar et Strabon nous constatent l’affinité, et
qu’ils appellent Celtes ou Gaulois, et Belges. Les idiomes parlés par
ces deux races, et rangés sous le nom d’idiomes celtiques, ont des
rapports marqués avec ceux de la grande famille indo-germanique à
laquelle se rattachent les langues persane, grecque et tudesque. «Toutes
ces langues, considérées quant à leur substance même,
et indépendamment de la phraséologie, sont originairement identiques,
c’est-à-dire composées des mêmes racines primitives,
que l’influence du climat, la prononciation nationale, les combinaisons
logiques ont nuancées de diverses manières (2).»
|
(2)
Eichoff, loc. cit., p. 32. — Fauriel, Hist. de la poésie
prov., 31.
|
Le génie des peuples celtiques, leur passion pour leur indépendance
et pour tout ce qui leur rappelait leur passé, devaient opposer
une grande résistance aux Romains. Quand, après de nombreux
soulèvements, auxquels la dépopulation de la Gaule put seule
mettre un terme, cette résistance fut matériellement vaincue,
elle se manifesta encore par un attachement pour leur langue et leurs vieilles
mœurs. La Gaule ne devint romaine qu’à la surface. Au fond subsistait
le vieil esprit celtique, réfugié dans les campagnes. Aussi
ne faut-il pas s’arrêter à ce que peuvent apprendre les documents
administratifs ou législatifs émanés des Romains, ni
conclure des nombreux vestiges qui nous restent de leur civilisation, que
les Gaulois y étaient complètement acquis. L’antipathie constante
des Grecs pour Rome nous est révélée par des monuments
de toute nature, tandis que rien n’indique d’une manière aussi éclatante
celle des Gaulois; c’est qu’ils n’avaient pas, comme eux, des arts ni une
littérature qui à constaté jusqu’au moyen âge leur
existence; mais [p.49] nous avons des témoignages irrécusables qui prouvent
qu’aux derniers temps de la domination romaine ils n’avaient pas oublié
leurs mœurs, et surtout leur langue. Elle était, au contraire, tellement
répandue, que l’on dut permettre de tester en gaulois comme on l’avait
déjà fait pour le grec (1); et saint Jérôme nous rapporte
qu’on parlait, en Galatie, une langue qui était la même qu’il
avait entendue parler à Trêves (2). Double fait qui prouve
combien était grand l’attachement des Gaulois pour leur langue nationale,
puisque les Galates ne l’avaient pas encore oubliée, et la parlaient
telle que la parlaient les Belges, leurs frères, les derniers arrivés
en Gaule.
|
(1)
Digeste, liv. XXXII de Lege fideicom.
(2) Saint Jérôme,
Epître aux Galates, chap. III.
|
La domination romaine, et ensuite celle des Franks, en introduisant des
éléments nouveaux, donnèrent naissance à une
nouvelle langue, et rétrécirent ainsi de jour en jour les
pays où le celtique était encore parlé; et les derniers
Celtes, fuyant devant les étrangers, furent enfin acculés
à l’extrémité de leur pays, dans la Bretagne, comme
ils le furent en Angleterre, dans la Cornouaille et le pays de Galles où
ils restèrent presque toujours insoumis, si bien qu’au siècle
dernier les descendants des Celtes de l’Irlande et du pays de Galles se
faisaient aisément comprendre de nos Bretons (3). C’est une garantie
que les idiomes ne se sont pas beaucoup éloignés de leur forme
première. C’est donc dans le patois dont se servent aujourd’hui les
paysans de la basse Bretagne qu’il faut aller chercher les débris du
vieux gaulois; et quand la comparaison de ces dialectes avec le sanscrit nous
donnera des radicaux identiques, nous pourrons concevoir quelque certitude
d’avoir retrouvé à peu près la forme des mots employés
par les plus anciennes populations de la Gaule. C’est l’épreuve à
laquelle nous avons soumis les radicaux dont nous voulons faire dériver
le nom d’Étampes.
|
(3)
Aujourd’hui même, la similitude du langage a té une cause de
rapprochement intime entre nos soldats bretons et les gaëls de l’armée
anglaise, devant Sébastopol.
|
Déjà Bullet en avait proposé deux étymologies,
tirées de la langue celtique. C’était à une époque
où les études sur les antiquités [p.50] nationales passionnaient
les savants, et où plusieurs d’entre ceux qui étaient nés
dans les provinces où se parlaient des idiomes dérivés
de l’ancien gaulois, voulaient tout rattacher aux plus anciens habitants de
la Gaule (1).
Bullet, quoique originaire de la Franche-Comté, a été
un des plus fervents apôtres du système nouveau; mais tout système
a ce grave défaut qu’il est exclusif, et Bullet était un de
ces celtisans qui voient partout du celtique, appliquant à tous les
mots, même les plus étrangers à cette langue, une origine
arbitraire et forcée, et se contentant de la moindre ressemblance entre
les radicaux dans les noms pour leur délivrer avec enthousiasme un
brevet d’antiquité. Il part de ce principe, vrai sans doute, dont il
tire les conséquences les plus merveilleuses, que les peuples primitifs
donnaient à leurs habitations un nom en indiquant la situation, les
caractères topographiques. Mais ce principe une fois reconnu pour constant,
il ne faut pas l’ériger en système absolu, sous peine d’arriver
à l’absurde et de tomber dans le discrédit, comme il est arrivé
à Bullet (2).
|
(1)
Tels que Le Brigant, La Tour d’Auvergne, etc.
(2) Bullet, Mém.
sur la langue celtique, t. I. Voy. notamment les étymologies qu’il
donne des noms d’Orléans et de Chartres.
|
Les étymologies qu’il présente relativement à Étampes
en sont un exemple (3): «Étampes, Stampæ, sur la Juine, et
un ruisseau qui s’y jette; elle est environnée de grandes et fertiles
prairies où l’on nourrit une grande quantité de moutons, dont
la laine fait le principal commerce de la ville. Stancq, abondantes, fertiles;
Baës, paës, prairies: ou Stam,
Estame, tricotage.» Ces étymologies peuvent
paraître faites à plaisir, et ceux qui connaissent les lieux
peuvent aisément vérifier l’inexactitude de l’explication
de Bullet à l’endroit de la fertilité des prairies et des
moutons qu’elles nourrissent. Étampes eût-elle été
située sur une montagne, que Bullet n’aurait probablement pas été
en peine de trouver dans sa langue favorite deux mots correspondant à
cette position.
|
(3) Bullet, loc.
cit.
|
Mais examinons de plus près, non pas la seconde étymologie,
qui est complètement ridicule, mais la première, qui n’est
pas [p.51] tout à fait aussi dépourvue de sens, et en interrogeant
la signification des mots qui la composent, sans nous laisser dominer par
la nécessité de la faire plier aux besoins de la cause, nous
arriverons à une explication plus satisfaisante que celle que nous
critiquons.
Nous trouvons d’abord le mot stancq,
dont Bullet fait un adjectif signifiant abondant. En cherchant dans les
différents dictionnaires qui ont été faits sur les
langues celto-bretonnes, nous trouvons ce mot avec différentes acceptions
dérivées les unes des autres. D’après Bullet lui-même,
dans son dictionnaire (1), ce mot signifie étang, amas d’eau, et par dérivation
ce qui est retenu, pressé, en grande quantité. Il dit ensuite:
|
(1) Loc. cit., t. III.
|
«Tanc en indien, étang, tank en persan, lieu rempli d’eau de
peu de profondeur… le père Maunoir met stanc, étang
et épais.» Legonidec (2) le traduit par marais; Grégoire
de Rostrenen (3) et Le Peletier (4), par étang. Ce dernier ajoute: «Quelques-uns disent
au singulier stanken, un vallon où l’eau s’arrête et
forme un étang, l’eau y étant resserrée.... du gaulois
stanca, ou a fait dans la basse latinité stancare,
pour signifier soit de l’eau retenue, soit ce qui est pressé. Vossius
écrit: “Stancare, pro sistere ex græco στεγνοῦν, constringere,
non transmittere, ut solent vasa futilia ac rimosa. Nempè ex στεγνοῦν,
stancare, ut secundum Varronem et Festum, stagnum ex στεγνὸν, quia aquam
contineat, coustringat.»
Tan, stan, signifient encore rivière.
|
(2) Dict. Celto-breton,
V° Stanc.
(3) Dict.
franç.-breton, V° Etang.
(4) Dict.
de la langue bretonne; V.is Stanc et Stanca.
|
Pour la seconde partie du mot que Bullet explique par prairie, nous trouvons
dans les mêmes auteurs: maës, pâturage, champ; maëz,
campagne, plaine découverte; maës et meas, les champs, la campagne;
paë et poii, pays; vaës, campagne (5).
|
(5) Le p, le b, 1’m et le v s’emploient souvent l’un
pour l’autre.
|
Ainsi, sans avoir recours à un sens dérivé et forcé,
en prenant au contraire le sens le plus étendu de ces mots, nous
[p.52] trouvons comme explication la plus naturelle celle de stancq-paë
ou maës, pays de marais, explication qui convient parfaitement
à la situation topographique d’Étampes à l’époque
gauloise, au milieu des marais formés par la Juine et les autres petites
rivières qui s’y réunissent, à l’endroit où elle
était alors située, et que justifie encore aujourd’hui le mode
de culture appliqué à toute la prairie, assolée en jardins
marais, et la réputation que la ville doit aux excellents légumes
qu’elle envoie en grande quantité aux marchés de la capitale.
Le sens de ces mots se trouve confirmé
par celui qu’avaient les radicaux d’où ils dérivent dans le
sanscrit, où sta signifie se tenir, se placer, en grec στάω, ἴστημι,;
latin, sto, sisto; francais, dans les composés, rester, persister;
anglais, stand; et encore stabh et stubh, en sanscrit, fixer, condenser;
grec στείβω; latin, stipo; allemand, stampfe. — Et Pa, nourrir, soutenir,
en sanscrit; grec πάω; latin pao (1); d’où pagus: la terre est appelée dans
toutes les religions primitives la nourrice du genre humain.
|
(1) Eichoff, loc. cit.
|
Qu’on nous permette ici un rapprochement, que nous ne donnons, du reste,
que pour mémoire. Tempe et Τέμπη signifiant vallée, et stancq-paës
ayant un sens analogue, ces mots ne sont-ils pas de même famille, et
n’ont-ils pas une même origine ? Ainsi se trouverait réhabilitée,
mais par d’autres moyens, l’étymologie donnée par Fleureau.
Nous citerons encore ici deux étymologies
proposées par Bullet, se rapportant au sujet qui nous occupe: celle
de la Juine, rivière qui arrose Étampes, et celle du village
de Saclas, dont nous avons déjà parlé.
«Juine, Junna, ses eaux sont fort froides;
Guin, Juin, froid.» Le Peletier dit Jen, froid, et Grégoire
de Rostrenen Yen, guién, yein, froid. En sanscrit Jalan.
«Saclas, Salioclitæ, salyon,
maison, clit, fermé de claies: clit claie (2).
|
(2) Voy. loc. cit.
|
II est bien entendu que nous ne rapportons ces étymologies que sous
toutes réserves; il ne rentre pas dans notre sujet, déjà
assez étendu, de les contrôler. [p.53]
Pour en revenir à Étampes, elle
n’est pas la seule localité dont le nom ait l’origine que nous avons
proposée. Nous trouvous, entre autres exemples frappants de similitude
étymologique, Stain, près Paris. « Ce village, dit l’abbé
Lebeuf, paraît avoir tiré son nom de l’étang ou des étangs
qui étaient au bas de la colline où il est situé...
de même que dans le Rouergue Stain porte le même nom de Stagnum
(1). »
|
(1)
Hist. de la ville et du diocèse de Paris, t.
III, p. 315. V. aussi Dulaure, Hist. des env. de Paris, V° Stain.
|
§
IV. Conclusion
|
|
Pour nous résumer, nous avons cherché à établir:
1° Qu’Étampes
ne peut dater de l’époque franque.
Pour y parvenir, nous avons dit:
Qu’elle était, dès les premiers
temps de l’établissement des Franks, le chef-lieu d’un pagus
auquel elle donnait son nom; que la division appelée pagus
était d’origine fort ancienne, et de beaucoup antérieure aux
Franks; de plus, que l’on frappait monnaie à Étampes dès
le temps où il, est pour la première fois fait mention de cette
ville dans les historiens. Nous avons conclu de tous ces faits qu’à
cette époque elle ne pouvait être de date récente.
|
Triens mérovingien
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2° Qu’elle ne peut davantage
devoir son origine aux Romains.
En effet, Rome a fondé très-peu
de colonies proprement dites, et tous ses autres établissements s’élevèrent
au milieu de centres de population déjà existants. Nous avons
passé en revue ces divers établissements; les traces d’aucun
d’eux ne se peuvent reconnaître à Étampes; rien n’indique
même que les Romains s’y soient arrêtés d’une manière
durable. Elle n’eut donc d’autre rapport avec eux que ceux que lui imposait
leur organisation administrative.
L’existence à une lieue de là
d’une villa romaine, occupée ensuite par les rois franks, tend au
contraire à faire croire qu’elle resta étrangère à
toute immigration un peu importante de l’un ou de l’autre des deux peuples.
[p.54]
Ainsi, Étampes n’ayant pu être
fondée par les Franks ni par les Romains, nous avons été
obligé de rechercher son origine chez les Gaulois.
Après avoir fait le tableau de ce que
devait être Étampes à cette époque, d’après
les notions générales que nous fournissent l’histoire, sa position
topographique, la configuration et la nature du pays où elle se trouve,
nous avons essayé de dé montrer que la langue celtique fournit
une étymologie qui se rapporte parfaitement avec ces données,
et qu’elle doit être préférée à celles
qui avaient été proposées jusqu’alors. |
Divinité ithyphallique de Brunehaut
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Il ne nous reste plus maintenant qu’à déterminer la position
qu’occupait l’ancien Étampes dont nous venons de retracer l’origine.
Nous avons déjà eu l’occasion de dire en passant que le faubourg
de Saint-Martin est le berceau de notre ville actuelle. Son antiquité,
relativement à la ville elle-même, ressort déjà
d’une manière frappante de l’épithète qui les distinguait
encore toutes deux du temps de Fleureau, où Étampes-les-Vieilles
était encore opposée à Étampes-le-Châtel.
La date bien plus récente de cette dernière ne permet pas d’ailleurs
de douter un instant à ce propos. Nous avons dit en effet que si
elle ne dut pas entièrement son origine à Robert le Pieux,
elle fut du moins fort agrandie par ce roi. II y fit bâtir un palais,
dit le Séjour, et un château-fort, dont il reste encore une
ruine importante; les privilèges qu’il accorda aux habitants la rendirent
en peu de temps considérable; elle seule devint dès lors l’objet
de la sollicitude de ses successeurs les chartes, les diplômes assez
nombreux qui la concernent, en font foi; l’autre est négligée
comme une bourgade en quelque sorte déshéritée, et dans
tous les cas entièrement distincte. Cependant, plus tard, la nouvelle
ville se relia à l’ancienne, dont elle fut sans doute longtemps séparée.
C’est du reste une particularité qui n’est pas rare dans l’histoire
de nos villes. Entre les deux s’étendait une certaine quantité
de terres et de bois dont les bords de la rivière étaient
probablement couverts, comme semble l’indiquer le nom de Bressault, — où
entre le mot saltus, — donné à une partie de la prairie
de ce côté de la ville.
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Potin sénon au cheval
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Étampes-les-Vieilles s’étendait à gauche de la voie
de Salioclita [p.55] à Paris, entre cette voie et les deux rivières qui
sortent de la vallée de Châlo-Saint-Mard, au pied de la colline
du Rougemont. Elle était ainsi formée du faubourg actuel de
Saint-Martin et du hameau du Petit-Saint-Mard, comme il résulte de
ce passage de la chronique de Morigny: «Ecclesias de Stampis veteribus,
id est sancti Martini, sancti Albini, sancti Medardi, dedit nobis rex Philippus
(Philippe Ier)» (1). Ce passage indique qu’il y avait à Étampes-les-Vieilles
trois églises ou chapelles, sans compter celles qui y furent construites
par la suite, ce qui laisse à supposer qu’elle avait une certaine
étendue. L’église, placée sous l’invocation de saint
Martin, fut, d’après une tradition douteuse, édifiée
ou agrandie par Hlodewig 1er; elle a été remplacée par
celle qui existe aujourd’hui (XIIe siècle). On voit encore quelques
débris de la chapelle de Saint-Médard, au Petit-Saint-Mard,
hameau dont le nom n’est que la contraction de celui de ce saint. Quant à
celle de Saint-Aubin, il serait difficile de déterminer l’endroit
où elle s’élevait.
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(1) Chron. Mauriniac.
Ex libro primo. D. Bouquet, t. XII.
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Cette position d’Étampes est mise hors de doute par. le récit
de Frédégaire dont nous avons parlé au commencement
de cette notice. On se rappelle que les armées de Théodorik
de Bourgogne et de Hloter II, roi de Soissons, en vinrent aux mains auprès
d’Étampes, en l’an 612 (2). Or, cette bataille n’a pu être livrée que sur les
bords de la rivière de Louette, au bas de ce coteau du Rougemont que
nous venons de citer, et non sur les bords de la Juine, ainsi que le rapporte
Aimoin (3).
Aussi, adoptons-nous complétement le récit circonstancié
et parfaite ment compris qu’en donne Fleureau, d’après Frédégaire:
«Landry (qui commandait l’armée de Hloter II) fit occuper par
son armée la plaine qui est au-dessus de la ville, du côté
d’occident, pour avoir l’avantage de combattre son ennemy à mesure
qu’il sortirait de la prairie pour monter sur cette plaine (car Thierry venait
du côté d’Orléans, et pour combattre Landry, il fallait
qu’il traversât la prairie et les rivières de Chalouette et
de Louette qui coulent dans ce vallon); le lieu est encore [p.56] nommé aujourd’huy
le Chantier des Batailles; et plus proche de la ville est le champ qui servit
à enterrer les morts, surnommé pour cela le Champ des Morts,
que le vulgaire appelle le Champ des Mores. Thierry fit toute la diligence
possible pour faire passer la rivière à son année,
et gagna le haut de la colline et la plaine pour combattre avec pareil avantage
du lieu; mais à peine la troisième partie de son armée
avait-elle passé la rivière que le combat commença (1). »
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(2) Voy. plus haut, p. 9.
(3) Aimon. monach.
Flor. de gest. Franc., apud D. Bouquet, t. II.
(1) Fleureau, loc.
cit., p. 15.
Voici le récit de Frédégaire
(Duchesne, t. I). «... Cum exercitus super fluvio Loa pervenit... cum
esset autem pervius ille locus ubi Loa fluvius transmeat, vix tertia pars
exercitus Theuderici transierat, initum est prelium.» [Texte corrompu; il faut lire: cum esset arctus pervius
ille ubi... (B.G.): ... Lorsque l’armée arriva à la rivière
Loa... comme le passage où se franchit la rivière Loa était
resserré, à peine le tiers de l’armée de Thierry l’avait-elle
franchie que la bataile commença. (trad. B.G.)] V. encore
la relation de cette bataille dans Aimoin. La chronique de saint Deuis intervertit
le rôle des deux armées, contrairement à Frédégaire
et à Aimoin, parfaitement d’accord entre eux sur ce point. Chr.
de saint Denis, D. Bouquet t. III.
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Il suffit de suivre ce récit avec une carte sous les yeux pour en
comprendre tous les détails (2). L’armée de Théodorik,
venant d’Orléans et se dirigeant vers Paris, devait suivre la voie
romaine qui traverse à Étampes les rivières de Louette
et de Chalouette. L’armée ennemie, au contraire, était campée
sur la colline qui est en face (3), et elle s’ébranla avant que Théodorik eût
fait passer la rivière à tous les siens. Si la bataille s’était
livrée sur les bords dela Juine, comme le dit Aimoin, il eût
fallu que les deux armées se détournassent du chemin pour entrer
dans les prés, à droite, où elles n’auraient manœuvré
que très-difficilement; elles se seraient d’ailleurs trouvées
avoir la Louette et la Chalouette à leur gauche; car toutes ces rivières
coulent parallèlement jusqu’à plus d’une lieue au nord d’Étampes;
les marais étaient impraticables, et, d’après le récit
de Frédégaire, il n’y avait qu’un endroit par lequel l’armée
pût passer, c’était un gué sur la Louëtte, «cum
esset autem pervius ille locus ubi Loa fluvius transmeat.» (Voy
la note 1.) La version d’Aimoin doit donc être rejetée. Nous
croyons, en effet, que Frédégaire, contemporain des faits
qu’il raconte, doit inspirer, pour de semblables détails, plus de
confiance que l’autre historien, [p.57] qui n’écrivait que quatre siècles plus tard, surtout
quand son récit est le seul qui s’accorde avec l’état des lieux
où se passa cet événement.
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(2)
V. les cartes de l’état-major, n° 65 et 80.
(3) C’est l’endroit
appelé aujourd’hui le Meurger de la bataille. Landrik se trouvait
campé sur le plateau situé à l’entrée de la vallée
de Châlo Saint-Mard, entre le chemin allant de Saint-Martin à
la plaine, et appelé le chemin du Meurger de la bataille, et le chemin
dit de Saint-Jean.
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Qu’il nous soit permis d’exprimer, en terminant, un regret que l’on appréciera
facilement. Lors de la construction du chemin de fer de Paris à Orlèans,
il y a environ une quinzaine d’années, on voulut établir un
four à pouzzolane à l’une des extrémités de
la ville. En faisant les fouilles, on découvrit quelques tombeaux
assez anciens. Cette découverte fut faite précisément
auprès du faubourg de Saint-Martin, sur le lieu même où
fut livrée la bataille que nous venons de raconter (1). On comprend combien il est à regretter
que l’on n’ait dressé aucun procès-verbal d’un fait aussi intéressant
pour la science, et que les débris de ces tombeaux aient été
dispersés par les ouvriers qui en firent l’ouverture. Toutes nos recherches
pour arriver à quelques éclaircissements à ce sujet
ont complétement échoué; nous avons appris seulement,
de l’un des ouvriers, que l’on trouva dans un des tombeaux une épée
de très-grande dimension et quelques lambeaux de vêtements.
Peut-être était-ce là la sépulture de quelques
chefs tués dans la bataille de 612, car ces tombeaux ne doivent pas
être les seuls qui existent en cet en droit. Dans tous les cas, on
ne pouvait manquer d’y recueillir des informations précieuses pour
l’histoire d’Étampes, à quelque époque qu’ils appartinssent.
[p.58] [p.59] |
(1) Lieu dit Chauffour.
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Table alphabétique
des noms de lieux cités dans cette notice
Agendicum, Sens, p. 27-31.
Allaines, p. 31.
Andelot, p. 8-16.
Aquæ Calidæ, Vichy, p. 26.
Aquæ Tarbellicæ, Tarbes, p. 26.
Arnouville, p. 14.
Arpajon, p. 13-28-31.
Augustodunum, Autun, p. 27-35, note.
Aureliani, Orléans, p. 27.
Autricum, Chartres, p. 21-31.
Autun, p. 27.
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Batailles (Chantier des), p. 55-56, note 3.
Bazoches-les-Hautes, p. 31.
Beauce, p. 22-31-38-42 et 46, note.
Bibracte, Autun, p. 27.
Blois, p. 31.
Boulogne-sur-Mer, p. 31, note.
Bressault, p. 54.
Brunehault (parc et ferme de), p. 15-34-32.
Buno-Bonnevaux, p. 39, note.
|
Carnutes, Chartres, p. 27.
Carthage, p. 25 et la note.
Castellodunum, Châteaudun, p. 8-28.
Castra, Castres et Châtres, p. 13-28.
Castres, p. 28. [p.60]
Châlo-Saint-Mard, p. 31-55.
Chalouette (la), p. 40 en note, 55-56.
Chartres, p. 31-38-39.
Châteaudun, p. 8-28-31.
Châtres ou Arpajon, p. 13-28-31.
Chaufour, p. 57, note.
Corbeil, p. 40.
Cormainville, p. 31.
|
Dourdan, p. 16-40.
Dreux, p. 39.
Durocortorum, Reims, p. 27.
Émerville, p. 31.
Étréchy, p.41.
Fontainebleau, p. 15.
Gâtinais, p 10-31-38.
Genabum, Orléans, p. 27-29-41.
Gergovie, p. 41.
Gesoriacum, Boulogne-sur-Mer, p. 31, note.
Gien, p. 29.
Gouillon, p. 31.
|
Hurepoix, p. 13.
Ivelines, p. 16—40.
Joina, Juinna, la Juine, p 9-29.
Juine (la), p. 9-29-52-55.
Léonville, p.
31.
Loa, La Loüette, p. 9-56, note.
Loüette (la), p. 9-40 en note, 55-56.
Lutetia, Paris, p 11-29.
Marseille, p. 35-45.
Méréville, p. 39, note.
Nantes, p. 35-46, note.
Narbonne, p. 25-35 note.
Nevers, p. 29-46, note.
|
Orléans, 27-35-40-46, note.
Paris, 12-29-56.
Petit-Saint-Mard, p. 55.
Pierrefitte, p. 39, note.
Provins, p. 10.
Pruvinensis pagus, p. 10.
Puiselet-le-Marais, p. 40.
Reims, p. 27.
Remi, Reims, p. 27. [p.61]
Richarville, p. 14.
Rougemont (colline du), p. 55.
|
Sablons (prairie des), p. 15.
Saclas, p. 29-30-31-52.
Saint-Chéron, p. 39, note.
Saint-Martin (faubourg de), p. 11-28-31-55-56.
Salioclita, Salioclitæ, Salclitæ, Saclitæ, Saclas,
p. 29-30-36.
Semur, p. 33, note.
Senones, Sens, Senonicus pagus, p. 10-27.
Sens, p. 27-31.
Sermaises, p. 27, note, 31.
Stain, p. 53.
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Tarbes, p. 26.
Thionville, p. 39, note.
Torfou, Tourfour, Tréfou, p. 40 et note.
Toury, p. 39, note.
Valpuiseaux, p. 40.
Varenne (la),p. 15.
Vichy, p. 26.
Wastinensis pagus, le Gâtinais, p. 10. [p.62] [p.63]
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TABLE DES MATIÈRES: Exposition: p. 5. — §1.
Epoque franque: p. 10. — § II. Epoque romaine: p. 25. — §
III. Epoque gauloise: p. 35. — § IV. Conclusion: p. 53. — Table
géographique: p. 59.
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