Le Priape de Morigny
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Ce Priape conservé au Musée d’Étampes aurait
été retrouvé dans le parc dit de Brunehaut à
Morigny, à une date indéterminée antérieure
à 1827 et sans doute à 1819.
Rappelons que Priape est une divinité ithyphallique, c’est-à-dire
en érection, dont le principal sanctuaire était à
Lampsaque en Asie Mineure, mais qui était vénérée
dans tout l’empire romain. Il était représenté
soit par un simple phallus, qu’on portait notamment lors des fêtes
de son père Bacchus, dieu du vin et de l’enthousiasme orgiaque,
soit sous la forme d’une divinité barbue au membre viril surdimensionné,
comme c’est ici le cas. Priape était notamment le protecteur
attitré des jardins, et c’est ce qui explique le décor
qui l’accompagne sur les fresques de Pompéi qui le représentent. Son érection, plus d’un symbole et une promesse de fertilité,
constituait surtout, probablement, une garantie magique contre le
mauvais œil et les sortilèges éventuels
de voisins jaloux. Pour qu’on puisse se représenter
plus facilement ce à quoi pouvait ressembler cette remarquable
statue malheureusement fort mutilée, nous joignons ici quelques
représentations antiques de la même divinité, glanées
de ci de là. Nous n’avons pas trouvé pour l’instant de
Priape agenouillé comme l’est celui de Morigny. Il serait bien
intéressant que quelque artiste propose une restitution de la
statue du Musée d’Étampes, ou à tout le moins un
dessin de son aspect actuel, qui aiderait l’œil et l’imagination du visiteur. Voici tout d’abord trois poèmes de Catulle
qui permettent de se représenter quels sentiments inspirait
ce dieu rustique.
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Trois élégies
de Catulle en l’honneur du dieu Priape
Caius Valerius Catullus est
né à Vérone en Italie vers 87 avant Jésus-Christ
et mort assez jeune vers 53. Il nous a laissé 116 pièces
poétiques aussi élégantes que touchantes. Nous
en extrayons trois poèmes en l’honneur du dieu Priape, d’un
très grand intérêt documentaire. On y voit autant
le cadre dans lequel était honoré ce dieu que les sentiments qu’il inspirait, où pouvaient se mêler
à la plus sincère piété un humour qui ne
choquait personne. Il n’est pas difficile
d’imaginer que
les jardins d’Étampes en étaient autrefois garnis, et que,
comme dans le deuxième poème de Catulle, c’était souvent
le grand père qui s’occupait à désherber pieusement
le petit sanctuaire du dieu. On retrouve en effet curieusement cette idée
dans la littérature étampoise du 19e siècle que c’est
au grand-père qu’il revient de désherber.
XVIII
AU DIEU
DES JARDINS
Priape,
je te dédie, je te consacre ce bosquet, qui t’offre l’image
du temple et du bois sacré que tu as à Lampsaque: car
les villes qui s’élèvent sur les côtes poissonneuses
de l’Hellespont te rendent un culte particulier.
XIX
LE DIEU
DES JARDINS
Jeunes gens, c’est
moi, dont vous voyez l’image de chêne grossièrement façonnée
par la serpe d’un villageois, c’est moi qui a fertilisé cet
enclos, qui ai fait prospérer de plus en plus chaque année
cette rustique chaumière, couverte de glaïeuls et de joncs
entrelacés. Les maîtres de cette pauvre demeure, le
père comme le fils, me rendent un culte assidu, me révèrent
comme leur dieu tutélaire: l’un a soin d’arracher constamment
les herbes épineuses qui voudraient envahir mon petit sanctuaire
; l’autre, m’apporte sans cesse d’abondantes offrandes: ses jeunes
mains ornent mon image, tantôt d’une couronne émaillée
de fleurs, prémices du printemps; tantôt d’épis
naissants aux pointes verdoyantes; tantôt de brunes violettes,
ou de pavots dorés, de courges d’un vert pâle, ou de pommes
au suave parfum; tantôt de raisins que la pourpre colore sous le
pampre qui leur sert d’abri. Parfois même (mais gardez-vous d’en
parler) le sang d’un jeune bouc à la barbe naissante ou celui
d’une chèvre ont rougi cet autel. Pour prix des honneurs qu’ils
me rendent, je dois protéger les maîtres de cette enceinte,
et leur vigne et leur petit jardin. Gardez-vous donc, jeunes garçons,
d’y porter une main furtive. Près d’ici demeure un riche
voisin, dont le Priape est négligent. C’est là qu’il faut
vous adresser: suivez ce sentier; il vous y conduira.
XX
MÊME
SUJET
Passant,
cette image de peuplier, œuvre informe d’un artiste villageois,
c’est la mienne, c’est celle de Priape: je protège contre la
main rapace des voleurs ce modeste enclos que tu vois sur la gauche,
l’humble chaumière de son pauvre maître et son petit jardin.
Au printemps, il me pare d’une couronne de fleurs; en été,
d’une guirlande d’épis dorés par un soleil brûlant;
en automne, de raisons mûrs et de pampres verts; et d’olives d’un
vert pâle pendant les rigueurs de l’hiver. Aussi la chèvre
nourrie dans mes pâturages porte à la ville ses mamelles gonflées
de lait; lorsqu’il vend l’agneau engraissé dans mes bergeries,
il revient au logis les mains chargées d’argent; et, ravies aux
mugissements de leur mère, ses tendres génisses vont rougir
de leur sang les autels des dieux. Redoute donc, passant, la divinité
protectrice de ces lieux, et garde-toi d’y porter la main. Il y va de
ton intérêt; sinon l’instrument de ton supplice est prêt:
c’est ce phallus rustique (latin: sine
arte mentula) . Par Pollux! dis-tu, de
grand cœur! Oui; mais, par Pollux! voici venir le métayer: brandi
par son bras vigoureux, ce phallus (latin: mentula) va, pour
toi, se changer en massue.
Élégies 18,
19 et 20 de Catulle
(traduction de C. Héguin
de Guerle pour la collection Panckouke,
jadis reprise par la Bibliothèque
latine-française de Garnier frères,
et saisie par Bernard Gineste
en 2004).
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Autre élégie,
de Tibulle
Aulus Albius Tibullus serait né vers 43 avant Jésus-Christ
à Rome.
Avide de richesse,
qu’un autre entasse l’or en brillants monceaux, et possède de nombreux
arpents d’un sol bien cultivé: il vivra dans les fatigues et les
alarmes, toujours voisin de l’ennemi, et les accents guerriers du clairon
chasseront le sommeil loin de ses paupières. Pour moi, que la pauvreté
me laisse à mon oisive existence, pourvu qu’un feu modeste éclaire
mon foyer. Simple habitant des champs, je planterai moi-même, dans
la saison, la vigne délicate, ou, d’une main complaisante, je grefferai
l’arbre fruitier. Puissent mes espérances n’être point trompées!
Puissè-je, chaque année, voir mes récoltes s’amonceler,
et mes cuves se remplir d’un vin écumeux! Car j’acquitte la dette
d’une pieuse vénération, toutes les fois qu’une souche isolée
dans la campagne, ou une pierre antique au milieu d’un carrefour s’offre
à ma vue, parée de guirlandes de fleurs, et tous les fruits
que me donne l’année nouvelle, j’en dépose les prémices
aux pieds du dieu des laboureurs. Blonde Cérès, tu auras une
couronne d’épis cueillis dans mon champ; je la suspendrai aux portes
de ton temple. Rougi de vermillon, que Priape placé dans mes vergers
en soit le gardien et effraye les oiseaux avec sa faux redoutable (Pomosisque
ruber custos ponatur in hortis, Terreat ut saeva falce Priapus aves). Vous aussi, Lares, qui veillez sur un héritage aussi
pauvre aujourd’hui qu’il était riche autrefois, vous recevez les
présents qui vous sont dus. Alors une génisse immolée
purifiait d’innombrables taureaux: maintenant pour un étroit
domaine une brebis est une victime d’un grand prix. Une brebis tombera donc
en votre honneur, et autour d’elle une jeunesse rustique s’écrira:
Dieux! Donnez-nous de riches moissons et de bons vins!
Élégies I, 1
de Tibulle (commencement)
(traduction de C. Héguin
de Guerle pour la collection Panckouke,
jadis reprise par la Bibliothèque
latine-française de Garnier frères,
et saisie par Bernard Gineste
en 2004).
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Le Priape de Morigny comparé
à ceux de Roquefort
des Corbières et d’Éphèse
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Priape d’Éphèse
(Musée de Selçuk)
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Priape de
Morigny
(Musée d’Étampes)
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Priape de
Roquefort des Corbières
(Musée de Narbonne)
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Le Priape du Musée de Narbonne est daté du IIIe siècle.
Un peu mieux conservé que celui de Morigny, et présentant
des proportions analogues, il est clairement représenté
comme un dieu des vergers, tenant sur sa poitrine une corbeille de
fruits. Cette corbeille repose sur le membre viril de la statue d’Éphèse,
comme sur les bronzes reproduits plus bas, ce qui souligne métaphoriquement
à quel point la fertilité des jardins repose entièrement
sur la puissance de ce dieu.
A la différence des Priapes du Musée
d’Étampes et d’Éphèse, celui qui a été
retrouvé au lieu-dit de La Courtine, dans la commune de
Roquefort des Corbières, est habillé, peut-être
pour souligner son caractère débonnaire et le caractère
métaphorique de son érection. Il tient de fait un
enfant à main droite, d’une manière toute paternelle,
et un autre poupon, debout sur la corbeille de fruit, jouait sans
doute avec sa longue barbe.
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Mosaïque d’El Jem (Tunisie)
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PRIAPES
DE THRACE,
D’ASIE
MINEURE, DE TUNISIE ET DE POMPÉI
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Kalyva (Thrace)
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Ephèse (Turquie)
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Lampe à huile
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Marbre d’Alacami (45 cm)
Musée d’Antalya (Turquie)
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Marbre doré de Pompéi:
Vénus et Priape
Musée de Naples
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Marbre d’Oudhna (Tunisie)
© Musée
archéologique Henri Prades / Damelet
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Bronze, sans doute de Pompéi
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Fresque de Pompéi
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Fresque de Pompéi
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Discussion
sur l’origine et la postérité du Priape étampois
(Le Pays d’Étampes, tome 1, 2004,
pp. 63 et 77)
Dans le magnifique tome I du Pays d’Étampes, paru en 2004
sous le titre Des origines à la ville royale, Michel Martin
s’est intéressé à ce Priape, pages 63 et 77, dont
il donne aussi deux bonnes photographies, page 54.
1. Une sculpture de tradition indigène?
L’auteur affirme, page 63, que cette sculpture serait «de tradition
indigène», ce qui ne serait convaincant que si cette
sculpture présentait des traits spécifiques auxquels
on puisse trouver quelque parallèle celtique ou préceltique,
qui en ferait autre chose qu’une figuration gréco-romaine comme
un autre.
Peut-être
l’auteur pense-t-il au fait que le dieu soit représenté
agenouillé, ce qui lui fait penser à la position usuelle
des dieux gaulois, représentés dans la position dite
du lotus, comme le dieu de Bouray reproduit en couverture du même
ouvrage? Mais précisément le dieu a l’un de ses genoux
relevé et le léger déhanchement qui en résulte
est la trace indubitable d’une tradition iconographique gréco-romaine,
dont le type ne devrait pas être trop difficile à retrouver.
Quoi qu’il en soit, en l’absence du moindre argument précis,
on doit pour l’instant rejeter nettement cette hypothèse et
considérer que le Priape d’Étampes n’a en lui-même
rien de spécifiquement indigène.
2. Une survivance de ce culte au Moyen Age?
Deuxièmement l’auteur affirme nettement, page 77, que le culte
de ce Priape à Étampes aurait survécu en quelque
sorte à la christianisation. Cette sculpture proviendrait
précisément du sanctuaire du vicus gallo-romain d’Étampes
(qu’il place dans l’actuelle zone industrielle), tout près
de l’endroit où plus tard fut érigée la chapelle
de Saint-Julien martyr d’Antioche. Or il y avait dans cette chapelle
un autel consacré à saint Phallier, ermite
à Chabris en Sologne au 5e siècle (dont Fleureau nous
résume l’hagiographie à la page 19 de ses Antiquitez
d’Estampes). Ceci, nous dit l’auteur, «illustre localement
cet apprivoisement des pratiques judéo-chrétiennes»,
et «cet exemple montre que les lieux de culte chrétiens
succèdent fréquemment à des sanctuaires antiques».
En d’autres termes on serait passé presque sans interruption
de Priape à saint Phallier.
Détail d’une gravure de Sarrazin (18e siècle): la
tour de Brunehaut et la chapelle de Saint-Julien
A gauche, la base de la tour aujourd’hui disparue, était
probablement gallo-romaine.
Ceci pose la question de ce que doit être l’histoire locale.
Faut-il faut étudier les réalités locales en
elles-mêmes, si arides soient-elles, ou s’en servir pour habiller de couleur locale autant que possible,
sinon à tout prix, les thèses les plus communément
reçues de l’histoire générale ou régionale
récente? Question qui, disons-le nettement, se pose en d’autres
endroits de cet ouvrage au demeurant fort remarquable et destiné
à devenir un ouvrage de référence.
En l’occurrence quels liens peut-on sérieusement établir
entre Priape et saint Phallier? Le lieu, semble-t-il, encore qu’il
ne faut pas perdre de vue que rien n’indique avec certitude que cette
sculpture proviendrait précisément du sanctuaire dont
Martin suppose l’existence;
le culte de Priape en effet relevait davantage de la piété
privée que publique. Mais pourquoi plutôt Phallier que
Julien lui-même? Il semble bien que le nom de Phallier
(ou Phalier, du latin phalerius, «originaire
de Phalères») lui fait penser au grec phallos,
«membre viril», qui n’a pourtant jamais été
d’usage dans le latin antique. A peine trouve-t-on le mot phallus
chez un érudit africain de la fin du 3e siècle et il n’apparaît
clairement en français qu’au 16e siècle chez quelques érudits.
Martin n’est-il pas le premier à sourire en lisant chez dom
Fleureau, ou encore chez Montrond, que les druides parlaient sûrement
le grec? les Étampois du Bas-Empire et de l’époque mérovingienne ne
le parlaient pas davantage.
Au moins en Sologne et dans le Berry, saint Phallier passait bien
au Moyen Age pour garantir précisément des orages
(et accessoirement des autres intempéries nuisibles aux cultures,
pour les clercs, qui en faisaient un nouvel Élie, capable donc
théoriquement, comme ce grand thaumaturge biblique, d’ouvrir
le ciel autant que de le fermer: mais il s’agit d’une rationalisation
secondaire). On lui présentait aussi les personnes étiques
qu’on disait en chartre, c’est-à-dire en proie
au carreau, maladie que Littré appelle encore atrophie
mésentérique, et qui retardait gravement le développement
des enfants. Notons par ailleurs que Mont-Rond après Fleureau signale
aussi tout près de la chapelle un hameau de Saint-Phallier subsistant
encore en 1836 (p. 32); ce n’est plus qu'une ferme actuellement, dont l’existence est menacé par des projets
d’aménagement intercommunaux.
Ceci
est très loin de suffire, pour établir un lien palpable
entre une sculpture gallo-romaine du 2e ou du 3e siècle et
un culte chrétien dont rien ne prouve à Étampes
qu’il remonte à l’époque mérovingienne, puisqu’aussi bien le culte de ce saint est resté
longtemps vivace (Louis XI par exemple est un des plus célèbres
dévots de saint Phallier, au point qu’il exempta d’impôts
la ville de Chabris qui abritait son sanctuaire): il a donc pu ne se répandre
à Étampes que bien plus tard. Le culte tout à fait
secondaire de Saint Phallier, représenté par un simple
autel dans une chapelle, ne présente de plus rigoureusement aucun
caractère phallique dans l’état actuel de la documentation,
ni aucun lien particulier avec l’horticulture. Bien au contraire la dévotion des jardiniers
étampois se tournait au Moyen Age, autant que nous le sachions,
vers saint Fiacre, qui eut même une confrérie à Saint-Martin.
De son côté Priape n’était ni un dieu de l’orage,
ni un dieu guérisseur. Il a pu naturellement exister un dieu
local ayant des prérogatives de ce genre, que les gallo-romains
auraient hâtivement habillé en Priape. Encore faudrait-il
le prouver, car, en bonne méthode, on ne prouve pas une hypothèse
par de nouvelles hypothèses. Et pourquoi ne pas imaginer dans
la même ligne que le culte de saint Julien perpétuerait
de son côté le culte du divin Jules
dans le même vicus? L’hypothèse
n’en serait pas moins séduisante, ni
plus arbitraire.
En l’état, cette hypothèse
n’est donc pas plus recevable que la première, et il faudrait,
dans une édition ultérieure de ce bel ouvrage, soit
l’abandonner nettement, ou l’appuyer d’arguments plus consistants, dans
une simple note où l’on soulignerait davantage son caractère
purement hypothétique.
Bernard Gineste, février
2004
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BIBLIOGRAPHIE
Richard PAYNE KNIGHT, A Discourse on
the Worship of Priapus and its connection with the Mystic Theology of
the Ancients. To which is added an Account of the Remains of the Worship
of Priapus lately existing at Iserbia in the Kingdom of Naples, by Sir
William Hamilton, K. B., London [Londres], Spilsbury & Snowhill,
1786 [dont une édition numérique
en mode texte: «Scanned and proofed by Eliza Fegley
at sacredspiral.com, June 2003. Additional, scanning, proofing and formatting
(illustrations, footnotes, page numbers, Greek Unicode) by John B. Hare
at sacred-texts.com, June 2003. This text is in the public domain. These
files may be used for any non-commercial purpose provided this notice
of attribution is left intact.», http://www.sacred-texts.com/sex/dwp/dwp00.htm,
en ligne en 2004; dont nous extrayons ci-contre la figure 2 de la planche
5, page 52].
Cet auteur britannique (et naturellement antipapiste)
joint à son étude le récit de Sir William Halmilton,
qui avait constaté en 1780 une sorte de continuation du culte
de Priape, à peine déguisé en Saint Côme, dans
la ville italienne d’Iserbia.
Amédée, vicomte de VIART,
«Le parc de Brunehaut», in ID., Le Jardiniste moderne,
guide des propriétaires qui s’occupent de la composition de leurs
jardins ou de l’embellissement de leur campagne, par M. de Viart
[in-12; 184 p.; planche gravée; 1e édition], Paris, Petit,
1819, loc. inc.
Amédée, vicomte de VIART,
«Chapitre X: Le parc de Brunehaut», in ID., Le Jardiniste
moderne, guide des propriétaires qui s’occupent de la composition
de leurs jardins ou de l’embellissement de leur campagne, par le Vicomte
de Viart, propriétaire et créateur des jardins pittoresques
(ou Parc) de Brunehaut [in-12 (17 cm); 224 p.; planche gravée],
Paris, N. Pichard, 1827 [dont une édition
numérique en mode image par la BNF, N028808, 1995, mise en ligne
sur le site Gallica, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=N028808,
en ligne en 2004], pp. 203-220 [N.B., p. 203: «La description que
comprend ce chapitre ayant été communiquée par l’auteur,
précédemment à la première édition
de cet ouvrage, a été insérée dans plusieurs
recueils, notamment, et accompagnée de deux gravures, dans le bel
ouvrage de M. le comte Alexandre de la Borde, sur les nouveaux jardins
de la France.»], spécialement
pp. 203-204 [dont la saisie en mode texte qui suit, par Bernard Gineste,
février 2004].
Cette terre,
située sur la route de Paris à Orléans, et à
un mille d’Étampes, tire [p.204]
originairement son nom de la reine BRUNEHAUT,
qui eut là un château dont il ne reste plus que quelques fondations
éparses sous la terre, où l’on a trouvé, en fouillant,
quantité de monnoies romaines, au coin des premiers empereurs,
des ustensiles en usage alors, et une statue
du dieu Priape, accroupi, de deux pieds de hauteur. Ces découvertes
pourroient faire conjecturer que ce lieu étoit habité avant
que la reine, dont il porte le nom, l’occupât. Quoi qu’il en soit,
les jouissances qu’il procure aujourd’hui ne laissent rien à regretter
de son ancien état.
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Clément-Melchior-Justin-Maxime
FOURCHEUX DE MONTROND, dit Maxime de MONTROND ou de MONT-ROND, Essais
historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise), avec
des notes et des pièces justificatives, par Maxime de Mont-Rond
[2 tomes reliés en 1 vol. in-8°; planches; tome 2 «avec
des notes... et une statistique historique des villes, bourgs et
châteaux de l’arrondissement»], Étampes, Fortin,
1836-1837, tome 1, pp. 30-32 [dont la saisie en mode texte qui suit
par Bernard Gineste, février 2004].
Le territoire
d’Étampes, ainsi que je l’ai indiqué plus [p.30] haut, était
échu au roi Sigebert, dans le partage des états de Hérebert
entre ses frères survivants. Une tradition rapporte que la reine
Brunehaut, son épouse, affectionnait ce séjour, et qu’elle
s’était plu à y construire une demeure. Durant long-temps
l’œil a pu contempler au bout de la plaine des Sablons, à
un mille environ de la porte d’Étampes, les débris d’un
vieux bâtiment et les restes d’une antique tour dite communément
Tour de Brunehaut.
Sur ce sol de royal souvenir rien ne
rappelle aujourd’hui [i. e. 1836]
la présence de l’ancienne souveraine de ces
lieux. Seulement on y trouve encore quelques fondations éparses
sous terre, où des fouilles ont fait découvrir quantité
de monnaies romaines au coin des premiers empereurs, quelques ustensiles
en usage à cette époque, un petit Mercure en bronze
et une statue en pierre de Priape accroupi,
de deux pieds de hauteur (1) [(1) Voyez le Jardiniste
moderne, par M. le vicomte de Viart, propriétaire du parc de
Brunehaut.] Ces découvertes porteraient à croire
que ce lieu fut habité par les Romains avant qu’il ne devînt
le séjour de la reine Brunehaut, et les constructions antiques,
dont il recèle les traces, pourraient être ainsi leur ouvrage.
Quels que soient l’origine et l’âge de ces ruines, elles n’en doivent
pas moins être vénérables à nos yeux. Mais
peu importe aujourd’hui qu’elles soient l’œuvre des Romains ou de
l’épouse d’un roi Franck. Ces ruines ont disparu à nos regards.
Aussi quand le promeneur solitaire parcourt ces rians jardins qui les ont
remplacées, loin de s’enquérir de l’âge obscur du monument
qu’il ne voit plus, il aime à contempler ces arbres majestueux plantés
par le célèbre Le Nôtre, et les [p.31] ornemens de tout genre dont
une main habile et un goût délicat ont décoré
cet agréable séjour. (1) [(1) Voir la note II, sur
Brunehaut, à la fin du volume.]
La présence de la reine Brunehaut
ne dut point être stérile en ces lieux; mais si l’on songe
au grand nombre d’églises ou de monastères qu’elle fit
construire, on est facilement porté à croire qu’elle signala
par quelques fondations pieuses son règne dans ces contrées.
Ici la tradition vient encore à notre aide, et au défaut
de preuve plus certaine nous offre son témoignage. Non loin de
l’enceinte qu’habita jadis la reine d’Austrasie, on voyait autrefois une
petite abbaye de religieuses détruite depuis plusieurs siècles,
mais dont une simple chapelle, dédiée à saint Julien,
martyr d’Antioche, a subsisté long-temps encore après la
destruction du principal bâtiment. La voix de la tradition attribuait
à Brunehaut la fondation de cette abbaye. Sa forme, sa structure
témoignaient aussi de son antiquité, lorsque vers le milieu
du dix-septième siècle quelques découvertes vinrent
fortifier une opinion commune aux habitans de ces bords (2) [(2)
Vers l’an 1648, des ouvriers, occupés à l’embellissement
de la chapelle de Saint-Julien, découvrirent près du maître-autel
un coffret de plmob. L’ouverture en ayant été faite devant
Jean Hochereau, curé de Notre-Dame d’Étampes, de Nicolas
Tyroïn, curé de Saint-Basile, et d’autres habitans, on y reconnut
la présence de plusieurs reliques. On y lisait ces mots gravés:
«Hic jacet caput sancti Juliani martyris, quod Severinus
attulit de Antiochiâ civitate, temporibus Brunegildis reginae.»
La découverte de ces reliques, qu’a possédées long-temps
l’abbaye de Morigny, ne laissa plus douter que la reine Brunehaut n’eût
fondé elle-même cette chapelle, et ne l’eût enrichie
des restes de ces martyrs. (Voyez Chronique de Morigny.)] [p.32]
C’est à cette même chapelle
de Saint-Julien que la piété des peuples avait consacré
un autre autel à un saint personnage dont la mémoire, long-temps
révérée dans toute la contrée, s’y est perpétuée
jusqu’à nos jours. L’ancien hameau de Saint-Phallier,
voisin de ce lieu, lui avait emprunté son nom. Un hôtellerie
isolée et quelques bâtimens ruraux, conservés encore,
c’est le seul souvenir qui reste en ces lieux des bienfaits du bon ermite
d’Aquitaine, qui rendait la santé aux petits enfans étiques,
en donnant la force et la vie aux faibles êtres que leurs mains
suppliantes venaient déposer à ses pieds.
|
Eugène DRAMARD, «Antiquité de Brunehaut et de Morigny»,
in L’Abeille d’Étampes (7 septembre 1872),
p. 1 [dont une saisie numérique in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/che-19-dramard1872brunehaut.html,
2004].
Eugene Michael O’CONNOR, Symbolum Salacitatis.
A study of the god Priapus as a literary character [21 cm; 214
p.], Frankfurt am Main, P. Lang [«Studien zur klassischen Philologie»
40], 1989 [ISBN 3-8204-1078-3].
Amy RICHLIN, The garden of
Priapus. Sexuality and agression in Roman humor. Revised Edition
[24 cm; XXXIII+315 p.; notes bibliographiques; broché], Oxford,
Oxford university press, 1992
[ISBN 0-19-506873-4].
Giancarlo CARABELLI, In the
image of Priapus [24 cm; VII+184 p.; 16 p. de planches; bibliographie
pp. 155-176], London [Londres], Duckworth, 1996.
Jacques GÉLIS [dir. de
la collection], Michel MARTIN, Frédéric BEAUDOIN [dir.
du tome 1], Le Pays d’Étampes. Regards sur un passé.
Tome 1: Des origines à la ville royale, Étampes,
Étampes-Histoire, 1994, pp. 54, 63 & 77.
Bernard GINESTE, «Art gallo-romain:
Priape (sculpture des environs du 2e siècle)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/
cae-02-priape.html, 2004.
Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau:
Vie de saint Phalier, Confesseur & Hermite (1668)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b11.html,
2004.
Toute critique,
correction, contradiction ou contribution sera la bienvenue. Any
criticism or contribution welcome.
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