Maxime de la Baume
Le Marquis de Valori (1692-1774)
notice biographique, 2008
1692
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Guy-Louis-Henri de Valori, naît à Menin
(Belgique) le 12 octobre.
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1707
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16 ans
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Il est nommé
le 30 octobre enseigne du régiment de Piémont. |
1719
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27 ans
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Il est écuyer
de la reine Marie Leszczynska, épouse de Louis XV. |
1727
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35 ans
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Il devient
inspecteur général des milices de Flandres.
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1739
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47 ans
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Il est envoyé
à Berlin en mission extraordinaire. Le 15 juillet, il vient d’être
nommé brigadier des armées et gouverneur de la Ruhr.
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1741-1748
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Guerre de succession
d’Autriche.
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1747
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55 ans
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Il traite à
Dresde pour Mr le Dauphin un illustre mariage avec S.A.R. Marie-Joseph de
Saxe qui fut la mère de Louis XVI, de Louis XVIII et de Monsieur
le Comte d’Artois.
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1748
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56 ans
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Il est promu
lieutenant général le 10 mai et demande son rappel à
Versailles.
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1749
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57 ans
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Il retourne
en France où il est nommé gouverneur de Lille et commandeur
de l’ordre de St Louis.
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1756
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64 ans
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On lui demande
de partir en Prusse comme ambassadeur en remplacement du Duc de Nivernais
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1761
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69 ans
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Il est décoré
de la grande croix de St Louis.
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1762
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70 ans
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Il devient
membre honoraire de l’Académie royale de peinture et sculpture.
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1767
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75 ans
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Il est nommé
gouverneur d’Etampes et reçu bailli d’épée de son baillage.
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1773
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81 ans
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Il reçoit
le brevet de grand croix de l’ordre de Saint-Lazare.
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1774
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82 ans
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Il meurt et
est enterré à Étampes. [p.2]
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1. Origine et jeunesse
La famille de Valori est une grande famille
de Florence dont le chef Valore appartenait à la famille des Rustichelli.
Plusieurs de ses membres occupèrent d’importantes situations publiques
à Florence, et se firent une place distinguée dans les lettres.
En 1342, une de ses branches pour se soustraire aux persécutions
de Gauthier, duc d’Athènes, quitta Florence et s’établit en
France. En 1427, Barthélemy de Valori reçut les seigneurie
et château de Marignane en Provence.
Guy-Louis-Henri de Valori, arrière
grand père de la Marquise du Puy Montbrun, naquit à Menin
(Belgique) le 12 octobre 1692.
Son père Charles Louis de Valori était
alors Lieutenant général des armées du roi et directeur
des fortifications de Flandre et du Hainaut était lui-même
fils d’un officier général gouverneur de Fribourg. ll donna
a son fils une excellente éducation militaire.
En 1707, il commença par une carrière
militaire. Le jeune Valori, le 30 octobre 1707, à peine âgé
de 16 ans, fut nommé enseigne du régiment de Piémont.
Il assista aux batailles d’Oudenarde (1708) et de Malplaquet en Flandres
où Villars fut battu (1709) et où il fut grièvement
blessé: il y perdit deux doigts.
En 1711, le Maréchal de Villars le
choisit pour aller porter au roi des drapeaux pris au fameux siège
de Landau, fortifié par Vauban (en Bavière, sur la Queich)
et à la suite duquel son père fut nommé au gouvernement
du Quesnoy.
Il se distingua au siège de Landau
et de Fribourg en 1713.
En 1719, son père avait 53 ans et venait
de mériter le gouvernement de la citadelle de Lille. Son fils, à
27 ans, était écuyer de la reine Marie Leszczynska, mariée
à Louis XV. Il se familiarisa alors avec le grand art de la négociation.
Il devint Inspecteur général
des milices de Flandres en 1727. Puis il obtint un régiment à
son nom dont le gouvernement assuma les frais jusqu’à l’époque
où il fut promu colonel.
A la tête de son régiment, il
enfonça la première redoute à Denain tandis que son
père, sous les yeux duquel il combattait, concourait sous les ordres
de Villars à la défaite de l’ennemi. Le père venait
de mériter le gouvernement de la citadelle de Lille, le fils fut
décoré de l’ordre des braves.
Le soldat devient diplomate.
|
Guy-Louis-Henri de Valori, par Antoine Pesne
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2. L’Ambassade en Prusse
Un nouveau royaume de Prusse ducale s’était
élevé au début du siècle par une attribution
des empereurs d’Allemagne en faveur de Frédéric, électeur
de Brandebourg. La capitale de cet État était Postdam.
Mr de Valori fut choisi par le cardinal de
Fleury, précepteur de Louis XV, comme envoyé extraordinaire
de France auprès du roi de Prusse à la cour de Berlin. [p.3] Une lettre, datée de Compiègne,
le 1er juillet 1739, l’envoyait en mission extraordinaire.
Son but était de soutenir de toutes
ses forces l’honneur du corps germanique, seule barrière de nature
à empêcher l’Autriche de déborder la France.
Il remplaça à Berlin monsieur
de la Chétardie qui venait d’être destiné à
l’ambassade de Saint- Pétersbourg.
La France venait d’entamer un traité
de paix avec l’empereur et les Turcs. La rupture de l’Angleterre avec l’Espagne
était prochaine. Le cabinet de Versailles n’avait rien de mieux à
faire que de se réconcilier avec la cour de Berlin pour déjouer
les avances qu’elle était en train de faire à l’Angleterre
où elle avait dépêché un envoyé.
Le 15 juillet 1739 Valori venait d’être
nommé brigadier des armées et gouverneur de la Ruhr.
Lettre de Mr Amelot, ministre des affaires étrangères
en 1739
“Toutes
vos lettres ont été lues avec plaisir, et sont un très
bon augure pour la suite de votre mission. Nous voyons que vous avez été
bien reçu,et que votre personne a été agréable
au roi de Prusse. Nous sommes persuadés que les impressions favorables
qu’il a d’abord prises sur vous, ne feront qu’augmenter, et il n’en peut
résulter qu’un grand bien pour le service du roi.”
Lettre du Cardinal de Fleury, le
14 juin 1741
“On ne
peut, Monsieur, être plus satisfait que le roi l’a été
de votre conduite et du zèle avec lequel vous vous êtes comporté
en particulier, je n’ai qu’à vous louer de la prudence et des aptitudes
avec lesquelles vous avez exécuté les œuvres de sa majesté.”
Lettre de Voltaire au Marquis de
Valori le 2 mai 1741:
“Vous
êtes né pour faire les charmes de la société.
Vous ne vous contentez pas de plaire.Vous cherchez toujours à obliger.
A peine recevez vous une relation intéressante que vous voulez nous
en faire part. Le roi en s’alliant à Frédéric Guillaume
n’avait en vue que de combattre l’esprit de confédération
continentale.”
Relations entre Monsieur de Valori et
Frédéric II
Tous ceux qui plaisaient à Frédéric
Guillaume 1er étaient certains de déplaire au fils. Une fois
parvenu au trône Frédéric II (1712-1786) apprécia
mieux le caractère de Monsieur de Valori qu’il avait jugé
avec une prévention outrée. Frédéric II apprit
de jour en jour à le connaître mieux et à lui accorder
sa confiance.
Il sut gagner les bonnes grâces du prince
héritier qui, devenu roi, l’emmena dans ses campagnes pendant ces onze années de ses négociations, et notammente
en Silésie et en Bohème de 1741 à
1748.
Le 4 mai 1750, Frédéric II a
adressé à Louis XV une lettre d’éloge du Marquis de
Valori.
Voltaire écrivait:
“Monsieur de
Valori n’a pas à se plaindre de la façon dont le roi de Prusse
pense sur lui. Il le regarde comme un homme sage et plein de droiture.” [p.4]
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Frédéric-Guillaume par Antoine Pesne
(vers 1733)
Voltaire par Quentin de la Tour (vers 1735)
Frédéric II de Prusse
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3. La guerre de succession d’Autriche (1741-1748)
Elle eut pour cause le désir de la
Prusse et de la Bavière de dépouiller de ses états
d’Autriche l’archiduchesse Marie-Thérèse à la mort
de Chartes VI en 1740.
|
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Marie-Thérèse avait alors 24 ans et elle s’était mariée
en 1736 à son cousin François Etienne, duc de Lorraine. La
France soutint la Prusse et la Bavière. Frédéric Il
s’empara de la Silésie à la bataille de Molvitz en 1741. L’empereur
Charles VI, empereur germanique (1711-1740) et roi de Hongrie (1711-1740)
avait fait en 1713 une loi qu’il appela “Pragmatique sanction” qui établissait
qu’au défaut de postérité masculine dans sa famille
tous ses états reviendraient indivisiblement à ses filles
nées en légitime mariage toujours selon l’ordre et le droit
de primogéniture.
La plupart des puissances d’Europe, y compris
la France, avait donné leur garantie à la “pragmatique sanction”.
Louis XV avait signé le Traité de Vienne (1738) par lequel
il garantissait la “pragmatique sanction”. Charles VI mourut le 17 octobre
1740. Il y avait beaucoup de prétendants à la succession
de Charles VI. Marie-Thérèse s’appuya sur la “pragmatique
sanction” pour lui succéder mais elle était en concurrence
avec d’autres souverains qui descendaient de la même famille ou s’étaient
alliés à sa famille: Charles, électeur de Bavière,
Joseph Ier, fils aîné de Charles, le roi de Pologne, électeur
de Saxe, Philippe Il, roi d’Espagne et aussi Philippe V.
Ce moment parut favorable à Frédéric
II pour revendiquer une partie de la Silésie (sud-ouest de la Pologne).
La France ne tarda point à se déclarer
pour Charles, l’électeur de Bavière.
Marie-Thérèse se mit en possession
des domaines héréditaires d’Autriche, de Bohème et
de Hongrie; elle est couronnée à Presbourg (Bratislava, capitale
de Slovaquie, ancienne capitale de Hongrie) en juin 1741. Frédéric
II entre à main armée en Silésie; il en réclame
quatre duchés qui font partie de la succession de Charles VI.
M. de Valori obtint de sa cour de le suivre
en campagne.
A son initiative, l’Espagne, la Saxe et la
Bavière, la Prusse, la Sardaigne et la Pologne conclurent sous les
auspices de la France le 8 mai 1741 un traité offensif avec la Bavière.
Cependant la prise de Prague, le 25 et le 26 novembre 1741 ne fut qu’un
succès éphémère.
M. de Valori empêcha l’accommodement
que Frédéric méditait avec l’impératrice Reine.
Ceci permit à l’armée française, commandée par
le maréchal de Belle-Isle, obligée de lever le siège
de Prague, tout le temps nécessaire pour repasser le Rhin. Il revint
ensuite à Frankfort (Frankfort sur l’Oder, proche de la Pologne).
L’électeur de Bavière fut élu
solennellement empereur le 24 janvier 1742 sous le nom de Charles VII. Mais
cette couronne ne lui donna point d’état et lui fit perdre ceux
qu’il avait. [p.5]
Les progrès de l’Autriche furent arrêtés.
Le roi de Prusse triomphait. Frédéric battit Charles de Lorraine
à Czalau en Bohème en 1742 et obtint après cette victoire
la cession de la Silésie par Marie-Therèse (traité
de Breslau).
La France fut d’abord victorieuse à
Prague sous le commandement de Maurice de Saxe (1742). Mais elle fut abandonnée
par Frédéric II. Désormais sans allié en Allemagne,
elle fut obligé d’abandonner Prague et la Bohème. Marie Thérèse
reconstitua une armée avec ses Hongrois et chassa la France d’Allemagne
en 1743. Les Anglais et les Hollandais prêtèrent main forte
à l’Autriche. Les forces françaises furent battues par les
Anglais et rejetées au-delà du Rhin à Dettingen (1743).
L’union qui avait été formée
pour soutenir Charles VII se trouva dissoute. La France fit proposer au
roi de Prusse de placer la couronne impériale sur la tête d’Auguste
III roi de Pologne et électeur de Saxe.
Le Chevalier de Court fut chargé de
remplacer à Berlin le Marquis de Valori, chargé de négocier
à Dresde (capitale de la Saxe, à l’est de l’Allemagne) pour
disposer le roi de Pologne à briguer le trône impérial.
Les difficultés que présentaient
ce projet de la part de la nation polonaise et de la Russie laissaient augurer
que ce serait bientôt le Grand Duc de Toscane, déjà
co-régent, qui deviendrait empereur.
En 1744, Frédéric reprit les
armes à la suite de la ligue de Francfort. Il s’empara de Prague
mais dut se replier sur la Silesie.
L’Autriche ayant signé avec l’électeur
de Saxe, l’Angleterre et la Sardaigne un traité d’alliance défensive,
Frédéric II crut y voir une menace pour la sécurité
de ses états. Il conclut de nouveau un traité d’alliance avec
la France, l’Espagne et la Suède.
Une armée française alla dégager
l’Alsace. Une autre armée envahit les Pays Bas sous les ordres du
Maréchal Maurice de Saxe, et mit le siège devant Tournai. Les
Anglais et les Hollandais, commandés par le Duc de Cumberland, accoururent
au secours de cette place. Aidé par la Prusse, Maurice de Saxe battit
les Anglo-Hanovriens à Fontenoy (1745) et à Raucoux. Cette
victoire ouvrit à la France les portes de toutes les villes de Belgique.
Frédéric répara ses pertes
par les brillantes victoires de Fridberg (1745), de Sorr et de Kesseldorf.
Maximilien-Joseph, fils de Charles VII, conclut à Fuessen le 22 avril
1745 une paix désavantageuse avec Marie Thérèse.
En 1745, après le traité de
Füssen, Marie-Thérèse fit couronner son mari empereur
à Frankfort. Frédéric Il signa la paix à Dresde
le 13 décembre 1745.
Valori, maréchal de camp en 1745, retourna
en France l’année suivante et fut nommé gouverneur de Lille.
Le roi lui remit le brevet de commandeur de l’ordre de Saint Louis.
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Marie-Thérèse d'Autriche, par Liotard (1762)
Charles VII vers 1766
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Sous la conduite du Maréchal de Saxe, l’armée française
envahit la Belgique, prit Bruxelles, culbuta à Raucoux une armée
d’Autrichiens, d’Anglais et de Hollandais (1746). Il pénétra
ensuite en Hollande où il remporta la victoire de Lawfeld en 1747
tandis que son lieutenant emportait la ville de Berg-op-Zoom. Il alla ensuite
mettre le siège devant Maestricht. L’ennemi demanda la paix.
Le roi de France conclut avec l’Autriche en
1748 le traité d’Aix-la-Chapelle, conçu par le Marquis de
Valori, qui lui laissa sa couronne, en reconnaissant l’élection au
trône impérial de François de Lorrain, mari de Marie-Thérèse,
mais consacra la perte de la Silésie.
C’est à Dresde, en 1747, que M. de
Valori traita pour Mr le Dauphin, un illustre mariage avec S.A.R. Marie-Joseph
de Saxe qui fut la mère de Louis XVI de Louis XVIII et de Monsieur
le Comte d’Artois.
Notons au passage que le Comte de Valori de
Bleneau, son cousin, accompagna plus tard Louis XVI à Varennes;
et que l’abbé de Valori, aumônier de feu Madame, comtesse
d’Artois se montra digne jusqu’à la fin de son saint ministère
auprès de cette illustre Princesse. [p.6]
Un nouveau traité de Dresde, en 1748,
assura de nouveau à Frédéric sa conquête.
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Marie-Josèphe de Saxe, mère de Louis XVI
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3. Fin et bilan de la carrière du Marquis
Le marquis de Valory
fut promu lieutenant général le 10 mai 1748 et demanda son
rappel à Versailles. Frédéric II lui donna à
son départ son portrait peint par son portraitiste Pesne et 180.000
francs. Finalement, il quitta Berlin en avril 1749.
Avant de s’éloigner, il reçut
l’ordre de se rendre à Hanovre auprès du roi d’Angleterre.
A l’entrée dans son cabinet, le monarque l’embrassa et lui révéla
ses projets.
Le cabinet de Versailles aurait dû le
nommer médiateur pour en tirer tous les avantages. Il reparut à
la cour de Versailles. Louis XV lui dit: “Monsieur le Marquis de Valori,
je suis bien aise de vous annoncer que c’est ainsi que je récompense
les grands services rendus à l’État” et il lui remit le brevet
de commandeur de l’ordre de St Louis et les provisions de gouverneur de la
citadelle de Lille, qu’avait avait avant lui obtenues son père.
En 1749, Valori retourna en France et fut
nommé gouverneur de Lille.
Lettre de Frédéric II à
Louis XV le 2 mai 1750 après la victoire de Hohen-Friedberg:
“Le Marquis
de Valori connaît mon âme, il est depuis dix ans témoin
de ma façon de penser sur son sujet. Le caractère du Marquis
de Valori m’a paru d’autant plus estimable, que dans toutes les occasions
je l’ai trouvé zélé pour les intérêts
de Votre Majesté, et pour ses alliés, que sa candeur ne s’est
jamais démentie, et que j’ai eu lieu de profiter de l’expérience
que ses longs services lui ont donnée dans l’art militaire. Il m’a
rendu des services à la bataille de Friedberg, pour lesquels je lui
conserverai sans cesse un cœur plein de reconnaissance.
“Si le Marquis
de Valori avait été à mon service, je l’aurai récompensé
certainement pour m’avoir été utile le jour le plus décisif
de ma fortune.”
Durant ces cinq années où il
séjourna en France, l’expérience qu’il avait acquise le rendit
précieux au Comte de Bernis qui avait demandé son rappel,
prévoyant que Madame de Pompadour demanderait un traité avec
Marie-Thérèse d’Autriche.
En effet, le 16 janvier 1756, Frédéric
II signa un traité avec Londres, avant de proposer à la France
de renouveler celui qui avait scellé leur alliance. Mais la cour
de Vienne s’opposait à ce que l’on garantît les états
du roi de Prusse: elle voulait une convention de neutralité qui mit
les Pays-Bas à couvert. Le Comte de Bernis approuvait cette dernière
demande, en accord avec des idées déjà exprimées
depuis longtemps par le marquis de Valori.
Le 26 février 1756, on demanda au Marquis
de Valori de partir remplacer le Duc de Nivernais à la cour de Prusse,
sans autre instruction que de veiller à la conduite du prince que
la France devait regarder comme son ennemi, mais avec qui elle n’avait pas
encore de guerre ouverte.
On lui recommanda de mettre toute son attention
à découvrir jusqu’où allaient les engagements du roi
de Prusse avec le roi d’Angleterre, quelles étaient ses vues surtout
par rapport aux cours d’Angleterre, de Vienne et de Russie, et ses véritables
dispositions tant à l’égard du roi de France que de ses alliés
et d’en faire le récit pour que sa majesté puisse en connaissance
de cause prendre une résolution définitive sur la proposition
du renouvellement du traité avec le roi de Prusse. Il ne parvint
pas à renouveler le traité de 1741.
Cependant le Comte de Broglie, envoyé
en Saxe, fut insulté et arrêté sur les terres hanovriennes
et le Marquis de Valori reçut l’ordre de revenir même sans
même prendre congé en décembre de la même année.
Il prit alors sa retraite. [p.7]
Frédéric Il entra dans Dresde
en 1756, battit les Autrichiens à Lowesitz, puis fit capituler les
Saxons à Pirna. Cependant la défaite de Kolin, en 1757, lui
fit lever le siège de Prague tandis que peu après son lieutenant
Lehnwald était battu par tes russes à Jaegerndorf. L’alliance
française avec l’Autriche fut consacrée le 17 avril 1770
par le mariage du Dauphin avec Marie Antoinette fille de l’impératrice
d’Autriche.
Le Marquis de Valori, pendant onze ans, négocia
à Berlin et accompagna dans ses campagnes Frédéric
II, qui lui confiait tel ou tel corps de son armée.
Il instruisait pendant ce temps les ministres
français de tous les événements des autres cours qui
pouvaient intéresser le salut de la nation. Il fut aussi à
l’origine du traité d’Aix la Chapelle.
Le Marquis d’Argenson apprenait de lui la
tactique militaire et en recevait un tableau des manœuvres prussiennes.
Le Cardinal de Fleury s’informait par lui des affaires de l’église
en Allemagne, et le Chancelier d’Aguessau du système de droit civil
et du code de Frédéric.
Il parlait toutes les langues de l’Europe,
et connaissait aussi bien la littérature ancienne que moderne.
|
Portrait du marquis de Valori par Antoine Pesne
|
C’était
un diplomate distingué et plein d’esprit.
En 1762,
il fut membre honoraire de l’Académie royale de peinture et sculpture.
Il eut
trois filles, et un fils qui mourut. Sa fille aînée Charlotte-Henriette
fut marié à son cousin François de Valori de Lécé,
du pays d’Anjou. De cette union naquit Charles-Jean, colonel du régiment
provincial d’Etat-major, mort en 1806; Guy-Charles, commandeur de l’ordre
de Malte; et Casimir, colonel, chevalier de St Louis. A la suite du décès
de son gendre, il éleva militairement lui-même ses petits-fils.
Charles-Jean épousa Adélaïde Dupleix et leur fille Hélène
épousa Raymond Dupuy-Montbrun.
Son frère
l’abbé de Valori était grand prévôt du chapitre
de Lille.
La marquis prit sa retraite à son château
de St Pierre d’Etampes. En 1767, il fut nommé gouverneur d’Etampes,
puis reçu bailli d’épée de son baillage. En 1773, il
reçut le brevet de grand croix de l’ordre de Saint-Lazare. Il écrivit
des mémoires sur ses négociations. Il est enterré
à Saint-Pierre d’Etampes.
|
Signature de Valori en 1760 (cliché B.G.)
|
4. Témoignages de Frédéric
II sur le marquis de Valori
Lettre de Frédéric II au chargé d’affaire de
Mr de Valori (Berlin, 1775):
“Monsieur, j’ai bien reçu
la lettre où vous m’apprenez la mort du Marquis de Valori. Dites
de ma part à ses petits-fils que j’en suis pénétré
jusqu’aux larmes et que je m’exhorte à suivre son exemple. [p.8]
“Le roi de France et ses alliés
ont toujours dans la personne de Valori un ministre fidèle et zélé.
Les hommes de sa trempe ont été rares dans ce siècle
et sur ce je prie Dieu, Monsieur, qu’il vous ait en sa sainte garde.”
Traits d’humour
Frédéric l’appela “son cher sacripant”.
Il avait un grand amour pour la bonne chère comme Frédéric
II.
Il avait le sens de l’humour. Un jour le Prince
Guillaume lui dit: “Le séjour à Berlin vous profite sans doute, cher
Marquis; vous vous arrondissez à vue d’œil”. Il répondit: “Monseigneur, il faut que je représente
la France au moins en miniature.”
Poème de Frédéric II sur le Marquis
de Valori, intitulé le Palladion, qu’il a envoyé
à Voltaire qui l’a intitulé Valoriade: |
Frédéric II de Prusse
|
“C’est un ministre d’importance,
Envoyé du roi très
chrétien,
Et sa bedaine et sa prestance,
Le courage du Prussien,
La fuite de l’Autrichien,
Que son active vigilance
A cinq fois battu comme un chien;
Tout ce grand fracas héroïque,
Ses aventures et ses combats,
Ont un air un peu plus épique
Que les grenouilles et que les rats,
Chantés par ce poète
unique
Qu’on admire et qu’on ne lit pas.”
………………………………….
|
|
Je veux pourtant chanter de
ma voix rauque
Ce Valori, ce fameux champion,
Qui par l’effet de son destin baroque,
Des prussiens fût le Palladion*;
Et pour lequel se fit mainte blessure
Quand les housards**, fins et rusés matois,
De l’enlever essayant l’aventure
Autour du camp venaient en tapinois.
Oh vous divin et très bavard
Homère,
Des Rimailleurs et l’oracle et le
père, etc.
……………………………………...
|
*Palladium,
statue en bois de Pallas, c’est-à-dire d’Athéna, dont la possession
assurait le salut de la ville de Troie.
** hussards.
|
Bien autre était le vaillant
Valori
Dans les combats par son père
aguerri,
Dont je vous fais l’histoire véritable
C’est un héros au dessus
de la fable, etc.
……………………………………. [p.9]
|
|
Lors de Paris, la divine Patronne,
Va par les airs chercher le gros
Marquis.
Sainte, à l’instant, investit
sa personne.
Elle prend l’air des gens de son
pays,
Elle se met en homme du beau monde;
Imaginez les charmes d’Adonis,
Et d’Apollon taille et crinière
blonde,
L’air éventé, l’œil
vif, le ris fripon,
Accompagnait sa tête moutonnée,
Et son grand nœud fermé sous
le menton,
Et sa chemise en dentelle ornée,
Et ses manchettes à pattes
de pigeon,
Et ses bas blancs tirés jusqu’à
l’échine,
Ses escarpins avec rouges talons
Et son habit chamarré de
galons
Faisaient valoir surtout sa bonne
mine, etc.
………………………………………..
|
Valori (gravure de Le Rouge)
|
Oh Jaromir*, nom mal né pour la rime etc.
………………………………………..
|
* Bohème.
|
C’est dans ce bourg que pis
qu’un Allobroge*,
Le gros Marquis imprudemment se
loge,
On lui donna par prédilection,
De preux guerriers une forte cohorte,
Qui tous veillaient alentour de
sa porte
Pour conserver ce grand Palladion,
etc.
………………………………………...
|
* Ancien peuple de
la Gaule.
|
Sans ornement et sans architecture,
Figurez vous un boucan clandestin.
On n’y flairait, ma foi, nul odeur
d’ambre;
On n’y trouvait que deux appartements,
etc.
…………………………………………
|
|
La nuit arrive et Valori se
couche;
Le gros Marquis dormait comme une
souche;
Il est déjà deux heures
loin de minuit;
On carillonne, il se fait un grand
bruit;
Et le Pandour*, avide de pillage,
Entre en forçant la porte
de d’Arget.
Dans ce péril pour le bien
de la France,
Le badaud tint très bonne
contenance;
Et se sentant pris par le trébuchet,
Il s’écria d’une voix pathétique:
Qui cherchez-vous? Nous cherchons
le Marquis.
Nous en voulons à votre politique,
A la vaisselle, à vos meubles
de prix. [p.10]
C’est moi qui suit l’envoyé
de Paris,
Leur répondit ce prudent
domestique;
Prenez ces sacs pleins de nouveaux
louis.
En même temps, cette troupe
pillarde
Fait table rase en cet appartement,
etc.
…………………………………………
|
* Soldat d’un corps franc hongrois.
|
Ce bruit affreux d’abord frappe
l’oreille
Du gros Marquis qui soudain se réveille,
etc.
…………………………………………
|
|
Hors de son lit, criant tout éperdu,
Il va sortir et se livrer tout nu,
En attitude au vrai très
immodeste, etc.
…………………………………………
|
|
Au corps de garde accourut Hedewige*,
Elle cria: “Monsieur le caporal,
A nous, votre devoir l’exige,
Chassez d’ici le ravisseur brutal.
Tandis qu’en hâte une troupe
cruelle
Traînait d’Arget au travers
du jardin,
Toujours pillant, grossissant son
butin,
Le caporal faisait pleuvoir sur
elle
Du plomb mortel l’épouvantable
grêle.
Que Russien n’a dans ses chasses
d’ours,
Défait un nombre aussi considérable,
Que Jaromirs vit d’armes de Pandours
Dans cette nuit descendre droit
au diable, etc.
…………………………………………..
|
*Patronne de Berlin
|
………………….. Le généreux
d’Arget
leur déclara d’abord ce qu’il
était;
Et dans le temps que d’Arget développe
De son malheur le plaisant qui proquo,
L’Autrichien croit tomber en syncope,
etc.
|
|
Lettre de
Frédéric II au Marquis de Valori (Postdam, 26 avril 1750)
Monsieur le Marquis de Valori,
Je reconnais avec plaisir, votre zèle et votre attachement pour
moi, dans la manière dont vous ressentez les témoignages
de ma bienveillance et de mon amitié; soyez persuadé que je
saisirais toujours, avec la plus grande satisfaction, les occasions de vous
en renouveler les assurances. Ce sera m’obliger que de les faire naître.
Je serai toujours charmé de vous donner les marques de l’estime particulière,
que vos qualités personnelles, et la façon dont vous avez
rempli les fonctions de votre ministère vous ont si bien mérité
de ma part.
Maxime de La Baume
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BIBLIOGRAPHIE
Édition
Maxime de LA BAUME, «Le marquis de Valori (notice biographique, 2008)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-18-labaume2008valori.html,
2008.
Sur le marquis
de Valory
Henri-Zozime de VALORI [éd.], Mémoires
des négociations du marquis de Valori, ambassadeur de France à
la cour de Berlin, accompagnés d’un recueil de lettres de Frédéric
Le Grand, des princes ses frères, de Voltaire et des plus illustres
personnages du XVIIIe siècle, précédés d’une
notice historique sur la vie de l’auteur, par le comte H. de Valori
[2 volumes in-8°; avec des lettres des princes Henri et Guillaume de
Prusse, frères de Frédéric le Grand, et du Roi Louis
XV, etc.], Paris, Firmin-Didot père et fils, 1820.
Sophie TISSIER (rédactrice),
«Portrait du Marquis de Valori à Montélimar (26)» [notice], in MINISTÈRE DE LA CULTURE (service des
Monuments historiques) [éd.], Inventaire général,
référence PM26000461, 1999.
Dont une mise en ligne sur la Base Mérimée
du Ministère de la Culture, en ligne en 2008.
Dont une autre mise en ligne sur le site Patrimoine
de France, http://www.patrimoine-de-france.org/oeuvres/richesses-95-26611-177154-P198882-430214.html,
en ligne en 2008.
Léon MARQUIS, «Le Château
du Bourgneuf, résidence des baillis d’Étampes», in
Bulletin de la Société Historique et Archéologique
de Corbeil d’Étampes et du Hurepoix 7 (1901), pp. 13-23.
Réédition numérique:
Bernard GINESTE [éd.], «Léon Marquis: Le Château
du Bourgneuf, résidence des baillis d’Étampes (1901)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-marquis1901chateaudubourgneuf.html,
2008.
Jacques GÉLIS, «Étampes,
le quartier Saint-Pierre: un château et ses seigneurs», in
ID. [dir.], Étampes et ses quartiers. Saint-Pierre (2)
[29 cm sur 20,5; 52 pages; 58 documents figurés], Étampes,
Association Étampes-Histoire [«Les Cahiers d’Étampes-Histoire»
4], 2001, pp. 2-3.
Christian CARENTON, «La seigneurie
du Bourgneuf», ibid., pp. 4-9.
Jacques GÉLIS, «Le château
au temps des Valory», ibid., pp. 10-15; «Un grand
commis du roi: Guy-Louis-Henry de Valory», ibid., pp. 16-23; «La
vie au Bourgneuf», ibid., pp. 24-31; «Les difficultés
de la seigneurie avant la Révolution», ibid., pp. 32-33.
François JOUSSET, «La pierre tombale du marquis de Valory», ibid.,
pp. 34-35.
UNIVERSITÄTSBIBLIOTHEK TRIER (Bibliothèque
universitaire de Trèves) [éd.], «Guy-Louis-Henry
de Valori (1692-1757), Französischer Gesandter in Preußen Kupferstich
von Lerouge (nach einem Gemälde von Antoine Pesne)» [avec
un scan de la gravure de Lerouge reprise en fac-similé par le tome
Ier des Mémoires des négociations du Marquis de Valori
(1820)], in Marquis d’Argens - Bilder – Personen, http://ub-dok.uni-trier.de/argens/pic/pers/Valori.php,
en ligne en 2008.
Bernard GINESTE
[éd.], «Archives des abbés de Fleury: Nomination
du curé de Saint-Pierre d’Étampes (19 pièces, 1760)»
[avec trois lettres inédites du marquis de Valory], in Corpus
Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-18-1760curedesaintpierre.html,
2008.
Maxime de LA BAUME
& Bernard GINESTE [éd.], «Antoine Pesne: Portrait
du marquis de Valory (huile sur toile, vers 1740)» [avec un
cliché partiel mais en couleur], in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/cae-18-antoinepesne1740valory.html,
2008.
Bernard Gineste (pour la bibliographie),
avril 2008
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