CORPUS  HISTORIQUE  ÉTAMPOIS
 
Maxime de la Baume
Le Marquis de Valori (1692-1774)
notice biographique, 2008
 
Guy Louis Henry, marquis de Valory  
 
     Monsieur le Comte de la Baume, outre qu’il nous a aimablement communiqué le cliché reproduit ci-dessus du portrait de son ancêtre par Antoine Pesne, vient de nous faire parvenir la notice biographique qui suit, et qu’il venait de rédiger en vue d’une conférence sur cet important diplomate du XVIIIe siècle, qui fut aussi, comme nous avons montré récemment d’après son propre témoignage autographe, seigneur de Saint-Pierre d’Étampes. L’arrière-petite-fille du marquis de Valori, Hélène de Valori de Lécé, fille de Jean de Valori et d’Adélaïde Dupleix, épousa Raymond du Puy-Mombrun (1783-1871), dont descend Maxime de la Baume, actuel possesseur de ce portrait en son Hôtel du Puy-Montbrun à Montélimar.
     Nous publierons de plus prochainement le texte de la Valoriade, épopée héroï-comique rédigée en français par le roi de Prusse Frédéric II, poème en six chants dont le personnage central, est, comme son titre l’indique, notre illustre bailli d’Étampes.

B.G.
   
Maxime de la Baume
Le Marquis de Valori (1692-1774)
notice biographique, 2008



1692

Guy-Louis-Henri de Valori, naît à Menin (Belgique) le 12 octobre.
1707
16 ans
Il est nommé le 30 octobre enseigne du régiment de Piémont.
1719
27 ans
Il est écuyer de la reine Marie Leszczynska, épouse de Louis XV.
1727
35 ans
Il devient inspecteur général des milices de Flandres.
1739
47 ans
Il est envoyé à Berlin en mission extraordinaire. Le 15 juillet, il vient d’être nommé brigadier des armées et gouverneur de la Ruhr.
1741-1748

Guerre de succession d’Autriche.
1747
55 ans
Il traite à Dresde pour Mr le Dauphin un illustre mariage avec S.A.R. Marie-Joseph de Saxe qui fut la mère de Louis XVI, de Louis XVIII et de Monsieur le Comte d’Artois.
1748
56 ans
Il est promu lieutenant général le 10 mai et demande son rappel à Versailles.
1749
57 ans
Il retourne en France où il est nommé gouverneur de Lille et commandeur de l’ordre de St Louis.
1756
64 ans
On lui demande de partir en Prusse comme ambassadeur en remplacement du Duc de Nivernais
1761
69 ans
Il est décoré de la grande croix de St Louis.
1762
70 ans
Il devient membre honoraire de l’Académie royale de peinture et sculpture.
1767
75 ans
Il est nommé gouverneur d’Etampes et reçu bailli d’épée de son baillage.
1773
81 ans
Il reçoit le brevet de grand croix de l’ordre de Saint-Lazare.
1774
82 ans
Il meurt et est enterré à Étampes. [p.2]
 

1. Origine et jeunesse

     La famille de Valori est une grande famille de Florence dont le chef Valore appartenait à la famille des Rustichelli. Plusieurs de ses membres occupèrent d’importantes situations publiques à Florence, et se firent une place distinguée dans les lettres. En 1342, une de ses branches pour se soustraire aux persécutions de Gauthier, duc d’Athènes, quitta Florence et s’établit en France. En 1427, Barthélemy de Valori reçut les seigneurie et château de Marignane en Provence.

     Guy-Louis-Henri de Valori, arrière grand père de la Marquise du Puy Montbrun, naquit à Menin (Belgique) le 12 octobre 1692.

     Son père Charles Louis de Valori était alors Lieutenant général des armées du roi et directeur des fortifications de Flandre et du Hainaut était lui-même fils d’un officier général gouverneur de Fribourg. ll donna a son fils une excellente éducation militaire.

     En 1707, il commença par une carrière militaire. Le jeune Valori, le 30 octobre 1707, à peine âgé de 16 ans, fut nommé enseigne du régiment de Piémont. Il assista aux batailles d’Oudenarde (1708) et de Malplaquet en Flandres où Villars fut battu (1709) et où il fut grièvement blessé: il y perdit deux doigts.

     En 1711, le Maréchal de Villars le choisit pour aller porter au roi des drapeaux pris au fameux siège de Landau, fortifié par Vauban (en Bavière, sur la Queich) et à la suite duquel son père fut nommé au gouvernement du Quesnoy.

     Il se distingua au siège de Landau et de Fribourg en 1713.

     En 1719, son père avait 53 ans et venait de mériter le gouvernement de la citadelle de Lille. Son fils, à 27 ans, était écuyer de la reine Marie Leszczynska, mariée à Louis XV. Il se familiarisa alors avec le grand art de la négociation.

     Il devint Inspecteur général des milices de Flandres en 1727. Puis il obtint un régiment à son nom dont le gouvernement assuma les frais jusqu’à l’époque où il fut promu colonel.

     A la tête de son régiment, il enfonça la première redoute à Denain tandis que son père, sous les yeux duquel il combattait, concourait sous les ordres de Villars à la défaite de l’ennemi. Le père venait de mériter le gouvernement de la citadelle de Lille, le fils fut décoré de l’ordre des braves.

     Le soldat devient diplomate.






Guy Louis Henry, marquis de Valory
Guy-Louis-Henri de Valori, par Antoine Pesne
2. L’Ambassade en Prusse

     Un nouveau royaume de Prusse ducale s’était élevé au début du siècle par une attribution des empereurs d’Allemagne en faveur de Frédéric, électeur de Brandebourg. La capitale de cet État était Postdam.

     Mr de Valori fut choisi par le cardinal de Fleury, précepteur de Louis XV, comme envoyé extraordinaire de France auprès du roi de Prusse à la cour de Berlin. [p.3] Une lettre, datée de Compiègne, le 1er juillet 1739, l’envoyait en mission extraordinaire.

     Son but était de soutenir de toutes ses forces l’honneur du corps germanique, seule barrière de nature à empêcher l’Autriche de déborder la France.

     Il remplaça à Berlin monsieur de la Chétardie qui venait d’être destiné à l’ambassade de Saint- Pétersbourg.

     La France venait d’entamer un traité de paix avec l’empereur et les Turcs. La rupture de l’Angleterre avec l’Espagne était prochaine. Le cabinet de Versailles n’avait rien de mieux à faire que de se réconcilier avec la cour de Berlin pour déjouer les avances qu’elle était en train de faire à l’Angleterre où elle avait dépêché un envoyé.

     Le 15 juillet 1739 Valori venait d’être nommé brigadier des armées et gouverneur de la Ruhr.

Lettre de Mr Amelot, ministre des affaires étrangères en 1739
     “Toutes vos lettres ont été lues avec plaisir, et sont un très bon augure pour la suite de votre mission. Nous voyons que vous avez été bien reçu,et que votre personne a été agréable au roi de Prusse. Nous sommes persuadés que les impressions favorables qu’il a d’abord prises sur vous, ne feront qu’augmenter, et il n’en peut résulter qu’un grand bien pour le service du roi.”
Lettre du Cardinal de Fleury, le 14 juin 1741
     “On ne peut, Monsieur, être plus satisfait que le roi l’a été de votre conduite et du zèle avec lequel vous vous êtes comporté en particulier, je n’ai qu’à vous louer de la prudence et des aptitudes avec lesquelles vous avez exécuté les œuvres de sa majesté.
Lettre de Voltaire au Marquis de Valori le 2 mai 1741:
     “Vous êtes né pour faire les charmes de la société. Vous ne vous contentez pas de plaire.Vous cherchez toujours à obliger. A peine recevez vous une relation intéressante que vous voulez nous en faire part. Le roi en s’alliant à Frédéric Guillaume n’avait en vue que de combattre l’esprit de confédération continentale.”
Relations entre Monsieur de Valori et Frédéric II

     Tous ceux qui plaisaient à Frédéric Guillaume 1er étaient certains de déplaire au fils. Une fois parvenu au trône Frédéric II (1712-1786) apprécia mieux le caractère de Monsieur de Valori qu’il avait jugé avec une prévention outrée. Frédéric II apprit de jour en jour à le connaître mieux et à lui accorder sa confiance.

     Il sut gagner les bonnes grâces du prince héritier qui, devenu roi, l’emmena dans ses campagnes
pendant ces onze années de ses négociations, et notammente en Silésie et en Bohème de 1741 à 1748.

     Le 4 mai 1750, Frédéric II a adressé à Louis XV une lettre d’éloge du Marquis de Valori.

Voltaire écrivait:
     “Monsieur de Valori n’a pas à se plaindre de la façon dont le roi de Prusse pense sur lui. Il le regarde comme un homme sage et plein de droiture. [p.4]

Portrait de Frédéric-Guillaume de Prussepar Antoine Pesne, vers 1733
Frédéric-Guillaume par Antoine Pesne (vers 1733)




Voltaire peint par Quentin de la Tour vers 1735
Voltaire par Quentin de la Tour (vers 1735)


Frédéric II de Prusse
Frédéric II de Prusse
3. La guerre de succession d’Autriche (1741-1748)

     Elle eut pour cause le désir de la Prusse et de la Bavière de dépouiller de ses états d’Autriche l’archiduchesse Marie-Thérèse à la mort de Chartes VI en 1740.


     Marie-Thérèse avait alors 24 ans et elle s’était mariée en 1736 à son cousin François Etienne, duc de Lorraine. La France soutint la Prusse et la Bavière. Frédéric Il s’empara de la Silésie à la bataille de Molvitz en 1741. L’empereur Charles VI, empereur germanique (1711-1740) et roi de Hongrie (1711-1740) avait fait en 1713 une loi qu’il appela “Pragmatique sanction” qui établissait qu’au défaut de postérité masculine dans sa famille tous ses états reviendraient indivisiblement à ses filles nées en légitime mariage toujours selon l’ordre et le droit de primogéniture.

     La plupart des puissances d’Europe, y compris la France, avait donné leur garantie à la “pragmatique sanction”. Louis XV avait signé le Traité de Vienne (1738) par lequel il garantissait la “pragmatique sanction”. Charles VI mourut le 17 octobre 1740. Il y avait beaucoup de prétendants à la succession de Charles VI. Marie-Thérèse s’appuya sur la “pragmatique sanction” pour lui succéder mais elle était en concurrence avec d’autres souverains qui descendaient de la même famille ou s’étaient alliés à sa famille: Charles, électeur de Bavière, Joseph Ier, fils aîné de Charles, le roi de Pologne, électeur de Saxe, Philippe Il, roi d’Espagne et aussi Philippe V.

     Ce moment parut favorable à Frédéric II pour revendiquer une partie de la Silésie (sud-ouest de la Pologne).

     La France ne tarda point à se déclarer pour Charles, l’électeur de Bavière.

     Marie-Thérèse se mit en possession des domaines héréditaires d’Autriche, de Bohème et de Hongrie; elle est couronnée à Presbourg (Bratislava, capitale de Slovaquie, ancienne capitale de Hongrie) en juin 1741. Frédéric II entre à main armée en Silésie; il en réclame quatre duchés qui font partie de la succession de Charles VI.

     M. de Valori obtint de sa cour de le suivre en campagne.

     A son initiative, l’Espagne, la Saxe et la Bavière, la Prusse, la Sardaigne et la Pologne conclurent sous les auspices de la France le 8 mai 1741 un traité offensif avec la Bavière. Cependant la prise de Prague, le 25 et le 26 novembre 1741 ne fut qu’un succès éphémère.

     M. de Valori empêcha l’accommodement que Frédéric méditait avec l’impératrice Reine. Ceci permit à l’armée française, commandée par le maréchal de Belle-Isle, obligée de lever le siège de Prague, tout le temps nécessaire pour repasser le Rhin. Il revint ensuite à Frankfort (Frankfort sur l’Oder, proche de la Pologne).

     L’électeur de Bavière fut élu solennellement empereur le 24 janvier 1742 sous le nom de Charles VII. Mais cette couronne ne lui donna point d’état et lui fit perdre ceux qu’il avait. [p.5]

     Les progrès de l’Autriche furent arrêtés. Le roi de Prusse triomphait. Frédéric battit Charles de Lorraine à Czalau en Bohème en 1742 et obtint après cette victoire la cession de la Silésie par Marie-Therèse (traité de Breslau).

     La France fut d’abord victorieuse à Prague sous le commandement de Maurice de Saxe (1742). Mais elle fut abandonnée par Frédéric II. Désormais sans allié en Allemagne, elle fut obligé d’abandonner Prague et la Bohème. Marie Thérèse reconstitua une armée avec ses Hongrois et chassa la France d’Allemagne en 1743. Les Anglais et les Hollandais prêtèrent main forte à l’Autriche. Les forces françaises furent battues par les Anglais et rejetées au-delà du Rhin à Dettingen (1743).

     L’union qui avait été formée pour soutenir Charles VII se trouva dissoute. La France fit proposer au roi de Prusse de placer la couronne impériale sur la tête d’Auguste III roi de Pologne et électeur de Saxe.

     Le Chevalier de Court fut chargé de remplacer à Berlin le Marquis de Valori, chargé de négocier à Dresde (capitale de la Saxe, à l’est de l’Allemagne) pour disposer le roi de Pologne à briguer le trône impérial.

     Les difficultés que présentaient ce projet de la part de la nation polonaise et de la Russie laissaient augurer que ce serait bientôt le Grand Duc de Toscane, déjà co-régent, qui deviendrait empereur.

     En 1744, Frédéric reprit les armes à la suite de la ligue de Francfort. Il s’empara de Prague mais dut se replier sur la Silesie.

     L’Autriche ayant signé avec l’électeur de Saxe, l’Angleterre et la Sardaigne un traité d’alliance défensive, Frédéric II crut y voir une menace pour la sécurité de ses états. Il conclut de nouveau un traité d’alliance avec la France, l’Espagne et la Suède.

     Une armée française alla dégager l’Alsace. Une autre armée envahit les Pays Bas sous les ordres du Maréchal Maurice de Saxe, et mit le siège devant Tournai. Les Anglais et les Hollandais, commandés par le Duc de Cumberland, accoururent au secours de cette place. Aidé par la Prusse, Maurice de Saxe battit les Anglo-Hanovriens à Fontenoy (1745) et à Raucoux. Cette victoire ouvrit à la France les portes de toutes les villes de Belgique.

     Frédéric répara ses pertes par les brillantes victoires de Fridberg (1745), de Sorr et de Kesseldorf. Maximilien-Joseph, fils de Charles VII, conclut à Fuessen le 22 avril 1745 une paix désavantageuse avec Marie Thérèse.

     En 1745, après le traité de Füssen, Marie-Thérèse fit couronner son mari empereur à Frankfort. Frédéric Il signa la paix à Dresde le 13 décembre 1745.

     Valori, maréchal de camp en 1745, retourna en France l’année suivante et fut nommé gouverneur de Lille. Le roi lui remit le brevet de commandeur de l’ordre de Saint Louis.




Marie-Thérèse d'Autriche peinte par Jean-Etienne Liotard en 1762
Marie-Thérèse d'Autriche, par Liotard (1762)




Charles VII vers 1766
Charles VII vers 1766



     Sous la conduite du Maréchal de Saxe, l’armée française envahit la Belgique, prit Bruxelles, culbuta à Raucoux une armée d’Autrichiens, d’Anglais et de Hollandais (1746). Il pénétra ensuite en Hollande où il remporta la victoire de Lawfeld en 1747 tandis que son lieutenant emportait la ville de Berg-op-Zoom. Il alla ensuite mettre le siège devant Maestricht. L’ennemi demanda la paix.

     Le roi de France conclut avec l’Autriche en 1748 le traité d’Aix-la-Chapelle, conçu par le Marquis de Valori, qui lui laissa sa couronne, en reconnaissant l’élection au trône impérial de François de Lorrain, mari de Marie-Thérèse, mais consacra la perte de la Silésie.

     C’est à Dresde, en 1747, que M. de Valori traita pour Mr le Dauphin, un illustre mariage avec S.A.R. Marie-Joseph de Saxe qui fut la mère de Louis XVI de Louis XVIII et de Monsieur le Comte d’Artois.

     Notons au passage que le Comte de Valori de Bleneau, son cousin, accompagna plus tard Louis XVI à Varennes; et que l’abbé de Valori, aumônier de feu Madame, comtesse d’Artois se montra digne jusqu’à la fin de son saint ministère auprès de cette illustre Princesse. [p.6]

     Un nouveau traité de Dresde, en 1748, assura de nouveau à Frédéric sa conquête.

Marie-Josèphe de Saxe, mère de Louis XVI
Marie-Josèphe de Saxe, mère de Louis XVI
3. Fin et bilan de la carrière du Marquis

     Le marquis de Valory fut promu lieutenant général le 10 mai 1748 et demanda son rappel à Versailles. Frédéric II lui donna à son départ son portrait peint par son portraitiste Pesne et 180.000 francs. Finalement, il quitta Berlin en avril 1749.

     Avant de s’éloigner, il reçut l’ordre de se rendre à Hanovre auprès du roi d’Angleterre. A l’entrée dans son cabinet, le monarque l’embrassa et lui révéla ses projets.

     Le cabinet de Versailles aurait dû le nommer médiateur pour en tirer tous les avantages. Il reparut à la cour de Versailles. Louis XV lui dit: “Monsieur le Marquis de Valori, je suis bien aise de vous annoncer que c’est ainsi que je récompense les grands services rendus à l’État” et il lui remit le brevet de commandeur de l’ordre de St Louis et les provisions de gouverneur de la citadelle de Lille, qu’avait avait avant lui obtenues son père.

     En 1749, Valori retourna en France et fut nommé gouverneur de Lille.

     Lettre de Frédéric II à Louis XV le 2 mai 1750 après la victoire de Hohen-Friedberg:
     “Le Marquis de Valori connaît mon âme, il est depuis dix ans témoin de ma façon de penser sur son sujet. Le caractère du Marquis de Valori m’a paru d’autant plus estimable, que dans toutes les occasions je l’ai trouvé zélé pour les intérêts de Votre Majesté, et pour ses alliés, que sa candeur ne s’est jamais démentie, et que j’ai eu lieu de profiter de l’expérience que ses longs services lui ont donnée dans l’art militaire. Il m’a rendu des services à la bataille de Friedberg, pour lesquels je lui conserverai sans cesse un cœur plein de reconnaissance.
     “Si le Marquis de Valori avait été à mon service, je l’aurai récompensé certainement pour m’avoir été utile le jour le plus décisif de ma fortune.”

     Durant ces cinq années où il séjourna en France, l’expérience qu’il avait acquise le rendit précieux au Comte de Bernis qui avait demandé son rappel, prévoyant que Madame de Pompadour demanderait un traité avec Marie-Thérèse d’Autriche.

     En effet, le 16 janvier 1756, Frédéric II signa un traité avec Londres, avant de proposer à la France de renouveler celui qui avait scellé leur alliance. Mais la cour de Vienne s’opposait à ce que l’on garantît les états du roi de Prusse: elle voulait une convention de neutralité qui mit les Pays-Bas à couvert. Le Comte de Bernis approuvait cette dernière demande, en accord avec des idées déjà exprimées depuis longtemps par le marquis de Valori.

     Le 26 février 1756, on demanda au Marquis de Valori de partir remplacer le Duc de Nivernais à la cour de Prusse, sans autre instruction que de veiller à la conduite du prince que la France devait regarder comme son ennemi, mais avec qui elle n’avait pas encore de guerre ouverte.

     On lui recommanda de mettre toute son attention à découvrir jusqu’où allaient les engagements du roi de Prusse avec le roi d’Angleterre, quelles étaient ses vues surtout par rapport aux cours d’Angleterre, de Vienne et de Russie, et ses véritables dispositions tant à l’égard du roi de France que de ses alliés et d’en faire le récit pour que sa majesté puisse en connaissance de cause prendre une résolution définitive sur la proposition du renouvellement du traité avec le roi de Prusse. Il ne parvint pas à renouveler le traité de 1741.

     Cependant le Comte de Broglie, envoyé en Saxe, fut insulté et arrêté sur les terres hanovriennes et le Marquis de Valori reçut l’ordre de revenir même sans même prendre congé en décembre de la même année. Il prit alors sa retraite. [p.7]

     Frédéric Il entra dans Dresde en 1756, battit les Autrichiens à Lowesitz, puis fit capituler les Saxons à Pirna. Cependant la défaite de Kolin, en 1757, lui fit lever le siège de Prague tandis que peu après son lieutenant Lehnwald était battu par tes russes à Jaegerndorf. L’alliance française avec l’Autriche fut consacrée le 17 avril 1770 par le mariage du Dauphin avec Marie Antoinette fille de l’impératrice d’Autriche.

     Le Marquis de Valori, pendant onze ans, négocia à Berlin et accompagna dans ses campagnes Frédéric II, qui lui confiait tel ou tel corps de son armée.

     Il instruisait pendant ce temps les ministres français de tous les événements des autres cours qui pouvaient intéresser le salut de la nation. Il fut aussi à l’origine du traité d’Aix la Chapelle.

     Le Marquis d’Argenson apprenait de lui la tactique militaire et en recevait un tableau des manœuvres prussiennes. Le Cardinal de Fleury s’informait par lui des affaires de l’église en Allemagne, et le Chancelier d’Aguessau du système de droit civil et du code de Frédéric.

     Il parlait toutes les langues de l’Europe, et connaissait aussi bien la littérature ancienne que moderne.




Guy Louis Henry, marquis de Valory, peint par Antoine Pesne
Portrait du marquis de Valori par Antoine Pesne

     C’était un diplomate distingué et plein d’esprit.

     En 1762, il fut membre honoraire de l’Académie royale de peinture et sculpture.

     Il eut trois filles, et un fils qui mourut. Sa fille aînée Charlotte-Henriette fut marié à son cousin François de Valori de Lécé, du pays d’Anjou. De cette union naquit Charles-Jean, colonel du régiment provincial d’Etat-major, mort en 1806; Guy-Charles, commandeur de l’ordre de Malte; et Casimir, colonel, chevalier de St Louis. A la suite du décès de son gendre, il éleva militairement lui-même ses petits-fils. Charles-Jean épousa Adélaïde Dupleix et leur fille Hélène épousa Raymond Dupuy-Montbrun.

     Son frère l’abbé de Valori était grand prévôt du chapitre de Lille.

     La marquis prit sa retraite à son château de St Pierre d’Etampes. En 1767, il fut nommé gouverneur d’Etampes, puis reçu bailli d’épée de son baillage. En 1773, il reçut le brevet de grand croix de l’ordre de Saint-Lazare. Il écrivit des mémoires sur ses négociations. Il est enterré à Saint-Pierre d’Etampes.
 

Signature de Valory
Signature de Valori en 1760 (cliché B.G.)
4. Témoignages de Frédéric II sur le marquis de Valori

Lettre de Frédéric II
au chargé d’affaire de Mr de Valori
(Berlin, 1775):

     “Monsieur, j’ai bien reçu la lettre où vous m’apprenez la mort du Marquis de Valori. Dites de ma part à ses petits-fils que j’en suis pénétré jusqu’aux larmes et que je m’exhorte à suivre son exemple. [p.8]
     “Le roi de France et ses alliés ont toujours dans la personne de Valori un ministre fidèle et zélé. Les hommes de sa trempe ont été rares dans ce siècle et sur ce je prie Dieu, Monsieur, qu’il vous ait en sa sainte garde.”

Traits d’humour

     Frédéric l’appela “son cher sacripant”. Il avait un grand amour pour la bonne chère comme Frédéric II.

     Il avait le sens de l’humour. Un jour le Prince Guillaume lui dit: 
Le séjour à Berlin vous profite sans doute, cher Marquis; vous vous arrondissez à vue d’œil. Il répondit: Monseigneur, il faut que je représente la France au moins en miniature.”

Poème de Frédéric II sur le Marquis de Valori, intitulé le Palladion, qu’il a envoyé à Voltaire qui l’a intitulé Valoriade:


Frédéric II de Prusse
Frédéric II de Prusse
“C’est un ministre d’importance,
Envoyé du roi très chrétien,
Et sa bedaine et sa prestance,
Le courage du Prussien,
La fuite de l’Autrichien,
Que son active vigilance
A cinq fois battu comme un chien;
Tout ce grand fracas héroïque,
Ses aventures et ses combats,
Ont un air un peu plus épique
Que les grenouilles et que les rats,
Chantés par ce poète unique
Qu’on admire et qu’on ne lit pas.”
………………………………….

Je veux pourtant chanter de ma voix rauque
Ce Valori, ce fameux champion,
Qui par l’effet de son destin baroque,
Des prussiens fût le Palladion*;
Et pour lequel se fit mainte blessure
Quand les housards**, fins et rusés matois,
De l’enlever essayant l’aventure
Autour du camp venaient en tapinois.
Oh vous divin et très bavard Homère,
Des Rimailleurs et l’oracle et le père, etc.
……………………………………...
     *Palladium, statue en bois de Pallas, c’est-à-dire d’Athéna, dont la possession assurait le salut de la ville de Troie.

     ** hussards.
Bien autre était le vaillant Valori
Dans les combats par son père aguerri,
Dont je vous fais l’histoire véritable
C’est un héros au dessus de la fable, etc.
……………………………………. [p.9]

Lors de Paris, la divine Patronne,
Va par les airs chercher le gros Marquis.
Sainte, à l’instant, investit sa personne.
Elle prend l’air des gens de son pays,
Elle se met en homme du beau monde;
Imaginez les charmes d’Adonis,
Et d’Apollon taille et crinière blonde,
L’air éventé, l’œil vif, le ris fripon,
Accompagnait sa tête moutonnée,
Et son grand nœud fermé sous le menton,
Et sa chemise en dentelle ornée,
Et ses manchettes à pattes de pigeon,
Et ses bas blancs tirés jusqu’à l’échine,
Ses escarpins avec rouges talons
Et son habit chamarré de galons
Faisaient valoir surtout sa bonne mine, etc.
………………………………………..
Gravure de Lerouge d'après  l'huile de Pesne
Valori (gravure de Le Rouge)
Oh Jaromir*, nom mal né pour la rime etc.
………………………………………..

     * Bohème.
C’est dans ce bourg que pis qu’un Allobroge*,
Le gros Marquis imprudemment se loge,
On lui donna par prédilection,
De preux guerriers une forte cohorte,
Qui tous veillaient alentour de sa porte
Pour conserver ce grand Palladion, etc.
………………………………………...

     * Ancien peuple de la Gaule.
Sans ornement et sans architecture,
Figurez vous un boucan clandestin.
On n’y flairait, ma foi, nul odeur d’ambre;
On n’y trouvait que deux appartements, etc.
…………………………………………

La nuit arrive et Valori se couche;
Le gros Marquis dormait comme une souche;
Il est déjà deux heures loin de minuit;
On carillonne, il se fait un grand bruit;
Et le Pandour*, avide de pillage,
Entre en forçant la porte de d’Arget.
Dans ce péril pour le bien de la France,
Le badaud tint très bonne contenance;
Et se sentant pris par le trébuchet,
Il s’écria d’une voix pathétique:
Qui cherchez-vous? Nous cherchons le Marquis.
Nous en voulons à votre politique,
A la vaisselle, à vos meubles de prix. [p.10]
C’est moi qui suit l’envoyé de Paris,
Leur répondit ce prudent domestique;
Prenez ces sacs pleins de nouveaux louis.
En même temps, cette troupe pillarde
Fait table rase en cet appartement, etc.
…………………………………………




     * Soldat d’un corps franc hongrois.
Ce bruit affreux d’abord frappe l’oreille
Du gros Marquis qui soudain se réveille, etc.
…………………………………………

Hors de son lit, criant tout éperdu,
Il va sortir et se livrer tout nu,
En attitude au vrai très immodeste, etc.
…………………………………………

Au corps de garde accourut Hedewige*,
Elle cria: “Monsieur le caporal,
A nous, votre devoir l’exige,
Chassez d’ici le ravisseur brutal.
Tandis qu’en hâte une troupe cruelle
Traînait d’Arget au travers du jardin,
Toujours pillant, grossissant son butin,
Le caporal faisait pleuvoir sur elle
Du plomb mortel l’épouvantable grêle.
Que Russien n’a dans ses chasses d’ours,
Défait un nombre aussi considérable,
Que Jaromirs vit d’armes de Pandours
Dans cette nuit descendre droit au diable, etc.
…………………………………………..


     *Patronne de Berlin
………………….. Le généreux d’Arget
leur déclara d’abord ce qu’il était;
Et dans le temps que d’Arget développe
De son malheur le plaisant qui proquo,
L’Autrichien croit tomber en syncope, etc.

Lettre de Frédéric II au Marquis de Valori (Postdam, 26 avril 1750)

     Monsieur le Marquis de Valori, Je reconnais avec plaisir, votre zèle et votre attachement pour moi, dans la manière dont vous ressentez les témoignages de ma bienveillance et de mon amitié; soyez persuadé que je saisirais toujours, avec la plus grande satisfaction, les occasions de vous en renouveler les assurances. Ce sera m’obliger que de les faire naître. Je serai toujours charmé de vous donner les marques de l’estime particulière, que vos qualités personnelles, et la façon dont vous avez rempli les fonctions de votre ministère vous ont si bien mérité de ma part.


Maxime de La Baume


 
Antoine Pesne & Jean-Nicolas Le Rouge
Portrait du marquis de Valory
huile sur toile (1740-1761) et gravure (1820?)

Gravure Guy Louis Henry, marquis de Valory


Gravure
Gravure de Le Rouge
(après 1761, peu avant 1820?)
dont un exemplaire à la BNF
Portrait original par Antoine Pesne
(vers 1740, retouché en 1761)
détail, cliché de Maxime de la Baume
Fac-similé des Mémoires
(1820)
cliché de la bibliothèque de Trèves


BIBLIOGRAPHIE

Édition

     Maxime de LA BAUME, «Le marquis de Valori (notice biographique, 2008)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-18-labaume2008valori.html, 2008.

Sur le marquis de Valory

     Henri-Zozime de VALORI [éd.], Mémoires des négociations du marquis de Valori, ambassadeur de France à la cour de Berlin, accompagnés d’un recueil de lettres de Frédéric Le Grand, des princes ses frères, de Voltaire et des plus illustres personnages du XVIIIe siècle, précédés d’une notice historique sur la vie de l’auteur, par le comte H. de Valori [2 volumes in-8°; avec des lettres des princes Henri et Guillaume de Prusse, frères de Frédéric le Grand, et du Roi Louis XV, etc.], Paris, Firmin-Didot père et fils, 1820.

     Sophie TISSIER (rédactrice), «Portrait du Marquis de Valori à Montélimar (26)» [notice], in MINISTÈRE DE LA CULTURE (service des Monuments historiques) [éd.], Inventaire général, référence PM26000461, 1999.
     Dont une mise en ligne sur la Base Mérimée du Ministère de la Culture, en ligne en 2008.
     Dont une autre mise en ligne sur le site Patrimoine de France, http://www.patrimoine-de-france.org/oeuvres/richesses-95-26611-177154-P198882-430214.html, en ligne en 2008.


     Léon MARQUIS, «Le Château du Bourgneuf, résidence des baillis d’Étampes», in Bulletin de la Société Historique et Archéologique de Corbeil d’Étampes et du Hurepoix 7 (1901), pp. 13-23.
     Réédition numérique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Marquis: Le Château du Bourgneuf, résidence des baillis d’Étampes (1901)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-marquis1901chateaudubourgneuf.html,  2008.

     Jacques GÉLIS, «Étampes, le quartier Saint-Pierre: un château et ses seigneurs», in ID. [dir.], Étampes et ses quartiers. Saint-Pierre (2) [29 cm sur 20,5; 52 pages; 58 documents figurés], Étampes, Association Étampes-Histoire [«Les Cahiers d’Étampes-Histoire» 4], 2001, pp. 2-3.
     Christian CARENTON, «La seigneurie du Bourgneuf», ibid., pp. 4-9.
     Jacques GÉLIS, «Le château au temps des Valory», ibid., pp. 10-15; «Un grand commis du roi: Guy-Louis-Henry de Valory», ibid., pp. 16-23; «La vie au Bourgneuf», ibid., pp. 24-31; «Les difficultés de la seigneurie avant la Révolution», ibid., pp. 32-33.
     François JOUSSET, 
«La pierre tombale du marquis de Valory», ibid., pp. 34-35.

     UNIVERSITÄTSBIBLIOTHEK TRIER (Bibliothèque universitaire de Trèves) [éd.], «Guy-Louis-Henry de Valori (1692-1757), Französischer Gesandter in Preußen Kupferstich von Lerouge (nach einem Gemälde von Antoine Pesne)» [avec un scan de la gravure de Lerouge reprise en fac-similé par le tome Ier des Mémoires des négociations du Marquis de Valori (1820)], in Marquis d’Argens - Bilder – Personen, http://ub-dok.uni-trier.de/argens/pic/pers/Valori.php, en ligne en 2008.


     Bernard GINESTE [éd.], «Archives des abbés de Fleury: Nomination du curé de Saint-Pierre d’Étampes (19 pièces, 1760)» [avec trois lettres inédites du marquis de Valory], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-18-1760curedesaintpierre.html, 2008.

     Maxime de LA BAUME & Bernard GINESTE [éd.], «Antoine Pesne: Portrait du marquis de Valory (huile sur toile, vers 1740)» [avec un cliché partiel mais en couleur], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-18-antoinepesne1740valory.html, 2008.
 
Bernard Gineste (pour la bibliographie), avril 2008
Source: Texte et cliché du portrait de Valory: M. Maxime de la Baume (communication en date d’avril 2008). Illustration et mise en page: Bernard Gineste.
    
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