CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Henri III
Donation d’Étampes à Jean Casimir
18 mai 1576
 
Jean Casimir de Bavière
Jean Casimir
Henri III Henri III
     Henri III, à peine sur le trône, est menacé par une coalition hétéroclite qui a fait appel aux armées protestantes du Comte Palatin Jean Casimir de Bavière. Pour acheter son retour en Allemagne, le roi de France est obligé de concéder à ce ce dernier, entre autres avantages extravagants, le Duché d’Étampes, par ces lettres patentes en date du 18 mai 1576. Il semble toutefois que ce don soit resté tout théorique, et son bénéficiaire y ait renoncé officiellement dès le 8 mars 1577.
     Nous suivons l’édition donnée par Basile Fleureau de ce texte, et y adjoignons son récit des faits.

LETTRES PATENTES D’HENRI III
18 MAI 1576
édition de Basile Fleureau (1683)


     Henry par la grace de Dieu Roy de France, & de Pologne, à nos amez, & feaux les gens tenans nôtre Cour de Parlement, gens de nos Comptes, Tresoriers de France à Paris, & à tous nos autres Iusticiers qu’il appartiendra, salut:

     Sçavoir faisons, que nous voulons reconnoître envers nôtre tres-cher, tres-ame Cousin, le Duc Iean Casimir Palatin, la devotion, & bonne volonté qu’il montre avoir à nostre service, & iceluy bien, & favorablement traiter, comme merite sa qualité: même lui donner lieu, & maison commode, où il puisse se retirer en cettui nôtre Roiaume prés de nous.

     A icelui, pour ces causes, & autres à ce nous mouvans, avons donné, & par ces presentes donnons, & octroions, ceddons, quittons, transportons nôtre Duché d’Estampes avec tous, & chacuns les fruits, & revenus d’icelle, ses appartenances, & dependances, ainsi qu’elle se poursuit, & comporte de toutes parts, en tous droits de Iustice, & Iurisdiction haute, moienne, & basse, cens, [p.244] rentes, fermes, dixmes, champarts, prez, vignes, terres, labourables, & autres droits, & devoirs de Seigneurie, & domaine quelconque, droits, & profits de fiefs, entendant neanmoins, que les hommages soient faits, & receus en nôtre Chambre des Comptes à Paris: pour en joüir doresenavant par nôtredit Cousin, sa vie durant, & avoir sa retraite, & demeure en nos Château, & maison, haute & basse dudit Estampes, quand bon lui semblera.

     Lui donnons außi pouvoir, & faculté de pourvoir aux Offices ordinaires, quand vacation y eschera.

     Si voulons, & mandons, que de nos presens, don, octroi, ceßion, transport, & delais, vous faites, souffrez, & laissez nôtredit Cousin Casimir, jouïr, & user plainement, & paisiblement, cessant, & faisant cesser, tous troubles, & empêchemens au contraire, & rapportant ces presentes, ou vidimus d’icelles fait sous le seel Roial, ou deuëment collationé par l’un de nos amez, & feaux Notaires, & Secretaires, pour une fois, avec certification de nôtredit Cousin de la jouïssance dudit don, & octroi.

     Nous voulons tous ceux de nos Receveurs, & comptables, à qui ce pourra toucher, en estre tenus quittes, & déchargez par vous gens de nosdits Comptes, nous mandans ainsi leur faire sans difficulté. Car tel est nôtre plaisir, nonobstant que tous dons ne deussent estre païez, ne acquitez que par le Tresorier de nôtre Epargne, & non autre: ni ceux de cette nature faits, passez, & alloüez que pour la moitié, ou le tiers, tant seulement, les Ordonnances, tant anciennes que modernes faites sur l’ordre, & distribution de nos Finances, & reglement de nôtre domaine: même l’Edit fait à Moulins, prohibitif de toutes aliénations d’icelui, hors les cas y mentionnez, pour quel temps que ce soit, & quelconques autres Ordonnances, restrictions, mandemens, deffenses, & lettres à ce contraires, ausquelles, & aux derogatoires des dérogatoires y contenües, nous avons derogé, & derogeons par ces presentes signées de nôtre main: vous deschargeant pour l’effet susdit des deffenses, & peines portées par nosdites Ordonnances.

     Donné à Paris le XVIII. jour de May, l’an de grace MDCLXXVI. Et de nôtre regne le deuxiéme.
     Ainsi signé, Henry: Et plus bas. Par le Roy, Fizes: Et seellées sur simple queuë en cire jaune du grand seel.
     Registrées, ouï le Procureur General du Roi, pour joüir par ledit Iean Duc Casimir de l’effet, & contenu en icelles.
     A Paris en Parlement le XXIV. May 1576.
     Ce don est enregistré aux Ordonnances du Parlement, fol. 49.


Récit de Basile Fleureau

[Extrait du] CHAPITRE XLIII [de la 1ère partie des Antiquitez d'Estampes]
Des choses memorables arrivées à Estampes sous le Regne de Henry III. Roy de France, mort en 1589. [...]

Henri III      LA paix dont je viens de parler ne dura pas plus que la vie du Roy Charles IX. car d’abord qu’il fut mort le Dimanche 30. May 1574. toutes choses se disposerent à la guerre sous divers pretextes. Le frere du deffunt Roy, & son legitime successeur, qui [p.242] a regné sous le nom de Henry III. étoit absent du Roiaume: la Reine Mere fut établie Regente, pour gouverner son Etat, jusques à son retour de Pologne, où il étoit: Cette conjoncture d’affaires donna lieu aux Religionnaires de se partager en divers avis sur la resolution qu’ils devoient prendre. Les plus moderez opinerent qu’il falloit entretenir la paix, jusques à l’arrivée du Roy: les plus fiers au contraire, vouloient que l’on reprît les armes, croyans que la Regence de la Reine leur seroit un grand avantage pour attirer les Catholiques mécontens à leur party, et les porter à la guerre. Le Prince de Condé s’étoit retiré en Allemagne, & sollicitoit les Princes Protestans à luy donner un puissant secours de gens de guerre, pour rentrer en France; à quoy ils avoient assez d’inclination, s’il eut eu [sic] de l’argent pour payer leurs troupes seulement deux mois. Le Duc d’Alençon, & le Roy de Navarre eussent volontiers fait un effort pour échapper des mains des gardes que la Regente leur avoit donnée [sic]. Le Roy se retira de Cracovie le 18. Juin de 1574. & arriva à Lion le 6. Septembre. Les Religionnaires, & les Catholiques mécontens, autrement les Politiques, liguez ensemble, deputerent vers Sa Majesté, pour lui offrir leurs services, & leur obeïssance: Mais avec de certaines conditions qui tendoient en apparence à une grande reformation de l’Etat, & qui en effet servoient seulement de couverture à la recherche de leurs propres interrests. Le Roy receut en bonne part les remontrances, & les plaintes qu’ils luy firent: & en l’assemblée qui fut tenuë au mois d’Avril de l’année suivante à Paris, où le Duc d’Alençon, & le Roy de Navarre assisterent, Sa Majesté receut aussi les articles des demandes que les deputez de l’Assemblée des Religionnaires, & des Politiques tenuë à Basle, au mois de Mars precedent, luy presenterent: Mais les demandes furent trouvées si hardies, & si insolentes, qu’on jugea qu’elles avoient esté proposées, plûtost pour avoir pretexte de prendre les armes, que sous esperance qu’elles fussent accordées. Car en même temps les Religionnaires surprirent plusieurs villes en diverses Provinces du Roiaume: & le Duc d’Alençon se retira de la Cour au mois de Septembre 1575. auquel plusieurs Seigneurs, & Gentils-hommes se joignirent. Ensuite il publia un Manifeste, par lequel il exposoit les causes de sa retraite, ce qui favorisa grandement le traité du Prince de Condé, avec Federic Comte Palatin, Electeur de l’Empire, lequel ne se pouvoit resoudre à mener, ny à envoyer du secours aux Religionnaires François, sans toucher de l’argent. [p.243]

Jean Casimir de Bavière      Ce Prince entra en France avec le Duc Jean Casimir, fils de Federic, à la tête d’une puissante armée étrangere, pour ruiner sa patrie, protestant de ne s’arréter point, qu’il ne fût devant Paris, si l’on ne luy accordoit ce qu’il avoit demandé. Il penetra jusques dans le Bourbonnais, & le 11. jour de Mars 1576. il se joignit au Duc d’Alençon; à qui l’on defera tout le commandement, avec la qualité de General de l’armée, qui étoit de trente cinq mille combatans. Le Roy craignant l’issuë d’une bataille, s’il en venoit aux mains avec ses ennemis qui étoient beaucoup plus forts que luy, ne desiroit que de les renvoyer chez eux à quelque prix que ce fût, c’est pourquoy, outre la bonne réponse, qu’il donna aux deputez du Duc, des Princes, & des Religionnaires, la Reine Mere accompagnée du Duc de Montmorency, & de quelques autres du Conseil du Roy, alla dans leur camp, où elle arriva le 27. du mois d’Avril, & convint avec eux de la modification des demandes qu’ils avoient fait à Sa Majesté. L’on dressa un traité de Paix, qui fut ratifié par le Roy, & verifié au Parlement de Paris le 15. jour de May de la même année. L’appanage  du Duc d’Alençon fut augmenté: On accorda au Duc Jean Casimir une Compagnie entretenuë de cent hommes d’armes: quatorze mille écus de gages en qualité de Colonel de quatre mille Reistres, pour le service du Roy: une autre pension annuelle: & le payement entier de ce qui luy étoit dû pour la solde de ses troupes, qu’il faisoit monter à onze millions de livres, qui devoient luy estre payées à certains termes. Et outre cela le Roy le gratifia de la jouïssance sa vie durant, du Duché d’Estampes par le brevet suivant:

     Henry par la grace de Dieu Roy de France, & de Pologne, à nos amez, & feaux les gens tenans nôtre Cour de Parlement, gens de nos Comptes, Tresoriers de France à Paris, & à tous nos autres Iusticiers qu’il appartiendra, salut: Sçavoir faisons, que nous voulons reconnoître envers nôtre tres-cher, tres-ame Cousin, le Duc Iean Casimir Palatin, la devotion, & bonne volonté qu’il montre avoir à nostre service, & iceluy bien, & favorablement traiter, comme merite sa qualité: même lui donner lieu, & maison commode, où il puisse se retirer en cettui nôtre Roiaume prés de nous. A icelui, pour ces causes, & autres à ce nous mouvans, avons donné, & par ces presentes donnons, & octroions, ceddons, quittons, transportons nôtre Duché d’Estampes avec tous, & chacuns les fruits, & revenus d’icelle, ses appartenances, & dependances, ainsi qu’elle se poursuit, & comporte de toutes parts, en tous droits de Iustice, & Iurisdiction haute, moienne, & basse, cens, [p.244] rentes, fermes, dixmes, champarts, prez, vignes, terres, labourables, & autres droits, & devoirs de Seigneurie, & domaine quelconque, droits, & profits de fiefs, entendant neanmoins, que les hommages soient faits, & receus en nôtre Chambre des Comptes à Paris: pour en joüir doresenavant par nôtredit Cousin, sa vie durant, & avoir sa retraite, & demeure en nos Château, & maison, haute & basse dudit Estampes, quand bon lui semblera. Lui donnons außi pouvoir, & faculté de pourvoir aux Offices ordinaires, quand vacation y eschera. Si voulons, & mandons, que de nos presens, don, octroi, ceßion, transport, & delais, vous faites, souffrez, & laissez nôtredit Cousin Casimir, jouïr, & user plainement, & paisiblement, cessant, & faisant cesser, tous troubles, & empêchemens au contraire, & rapportant ces presentes, ou vidimus d’icelles fait sous le seel Roial, ou deuëment collationé par l’un de nos amez, & feaux Notaires, & Secretaires, pour une fois, avec certification de nôtredit Cousin de la jouïssance dudit don, & octroi. Nous voulons tous ceux de nos Receveurs, & comptables, à qui ce pourra toucher, en estre tenus quittes, & déchargez par vous gens de nosdits Comptes, nous mandans ainsi leur faire sans difficulté. Car tel est nôtre plaisir, nonobstant que tous dons ne deussent estre païez, ne acquitez que par le Tresorier de nôtre Epargne, & non autre: ni ceux de cette nature faits, passez, & alloüez que pour la moitié, ou le tiers, tant seulement, les Ordonnances, tant anciennes que modernes faites sur l’ordre, & distribution de nos Finances, & reglement de nôtre domaine: même l’Edit fait à Moulins, prohibitif de toutes aliénations d’icelui, hors les cas y mentionnez, pour quel temps que ce soit, & quelconques autres Ordonnances, restrictions, mandemens, deffenses, & lettres à ce contraires, ausquelles, & aux derogatoires des dérogatoires y contenües, nous avons derogé, & derogeons par ces presentes signées de nôtre main: vous deschargeant pour l’effet susdit des deffenses, & peines portées par nosdites Ordonnances. Donné à Paris le XVIII. jour de May, l’an de grace MDCLXXVI. Et de nôtre regne le deuxiéme. Ainsi signé, Henry: Et plus bas. Par le Roy, Fizes: Et seellées sur simple queuë en cire jaune du grand seel. Registrées, ouï le Procureur General du Roi, pour joüir par ledit Iean Duc Casimir de l’effet, & contenu en icelles. A Paris en Parlement le XXIV. May 1576. Ce don est enregistré aux Ordonnances du Parlement, fol. 49.

     Les payemens de ce qui avoit été promis au Prince Casimir n’ayans pas été faits aux termes dont on étoit convenu, il fut sollicité par les Reithmaistres qu’il avoit amenez en France, & par d’autres, qu’il s’étoit obligé d’assister, c’est pourquoy il envoya [p.245] au commencement de l’année 1577. Le Seigneur Berthreich vers le Roi, pour presser Sa Majesté de satisfaire à ses promesses. Cet envoié eut aussi ordre de son Maistre de remettre entre les mains du Roy tous les dons, dont il l’avoit gratifié, tant charges que Seigneuries. Ce qu’il fit par un acte de renonciation du 8. de Mars de la même année 1577. & ainsi le Duché d’Estampes revint au Roy, qui l’engagea en suite à la Duchesse de Montpensier par les Lettres patentes suivantes données à Parisle dix-septiéme de Janvier 1579.


Source: texte original de Fleureau saisi par Bernard Gineste, 2004.
 
 
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
 
Dans le Corpus Étampois

     Bernard GINESTE [éd.], «Notes sur Jean Casimir (compilation)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-16-jeancasimir.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Henri III: Donation d'Étampes à Jean Casimir (lettres patentes du 18 mai 1578)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-16-henri3-1576dondetampesajeancasimir.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Markus zum Lamm: Jean Casimir en marié (miniature, vers 1578)», in Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cae-16-markuszumlamm1578jeancasimir.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Tobias Stimmer: Jean Casimir en combattant (gravure sur bois, vers 1578)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-16-tobiasstimmer1578jeancasimir.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Conrad Bloc: Jean Casimir âgé de 35 ans (médaille, 1578)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cne-060.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Gravure sur bois anonyme: Jean Casimir (vers 1578)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-16-anonyme1578jeancasimir.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Dominicus Custos: Jean Casimir (gravure et vers latins, 1602)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-17-dominicuscustos1602jeancasimir.html, 2004.

  
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