Divers auteurs
L’Appareil d’Auguste de Meaupou
1834-1878
L’inventeur Auguste-Louis, vicomte de Meaupou (et non de
Maupéou, comme le lit parfois), qui avait déjà travaillé
pour la papèterie, imagina entre 1832 et 1834 un procédé
tout nouveau pour la conservation du blé.
Son brevet fut
déposé en 1834 et la construction de sa machine à
vapeur autorisée et achevée en 1836 à côté
de l’ancien moulin à Tan d’Étampes converti en usine de lavage
du grain.
Peu après,
l’administrateur du grand dépôt de grains de la Villette lui
en fit construire une autre. Un autre encore au moins fut édifiée
à Poitiers. Les meuniers d’Étampes, très
respectés, ne tarissaient pas d’éloges sur ce nouveau procédé
qui paraissait promis à un grand avenir, et dont plusieurs publications
du temps firent des description très favorables.
Cependant, les
boulangers déchantèrent un peu par la suite, le blé
ainsi traité restant à leur gré trop humide. Malgré
des améliorations apportées par l’inventeur dès 1835
puis en 1846, les éloges se font plus rares et d’autres procédés
sont adoptés. Le moulin à Tan paraît être devenir
un simple moulin à farine à partir de 1852, et le procédé
tombe peu à peu dans l’oubli.
On réunit
ici une dizaine de sources sur cette aventure technologique étampoise
totalement oubliée aujourd’hui, et dont aucun historien local n’avait
jamais parlé, pas même Forteau,
dans la notice qu’il avait publiée en 1906, et que nous avons récemment
rééditée, sur le moulin à Tan.
Bernard Gineste, 5 mai 2011.
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1834
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“N° 5700. — Ordonnance du roi portant
proclamation des brevets d’invention (1)
délivrés pendant le quatrième trimestre de 1834. — Au
palais des Tuileries, le 11 Février 1835. — Louis-Philippe, roi Des
Français, à tous présents et à venir, salut.
— Vu l’article 6 du titre Ier, et les articles 6, 7 et 15 du titre II de
la loi du 25 mai 1791 ; Vu l’article 1er de l’arrêté du 5 vendémiaire
an IX [27 septembre 1800], portant que les brevets d’invention, de perfectionnement
et d’importation seront proclames tous les trois mois par la voie du Bulletin
des lois, — Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit: — Art.
1er. Les personnes ci-après dénommées sont brevetées
définitivement : [...] [p.94] [...]
126° M. de Meaupou (Auguste-Louis), manufacturier à
Paris, rue Castiglione, n° 4 (2),
auquel il a été délivré, le 4 décembre
dernier, le certificat [p.95] de sa demande d’un brevet d’invention de
quinze ans, pour des principes , moyens et procédés constitutifs
d’un système nouveau d’épuration et de dessiccation ou concentration,
généralement applicable à toute substance solide
ou liquide, et particulièrement aux grains; [...] [p.106] [...] — 3. Il sera adressé à
chacun des brevetés et des cessionnaires ci-dessus dénommés,
une expédition de l’article qui le concerne. — 4. Notre ministre
secrétaire d’état au département du commerce
[p.107] est chargé
de l’exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée
au Bulletin des lois.— Signé Louis-Philippe. — Par le Roi : le Ministre
Secrétaire d’état au département du commerce, Signé
T. Duchâtel.” |
Bulletin des lois n°354 (16 mars 1835),
pp. 81, 94-95 & 106-107.
(1) Maupéou avait aussi déjà
mis ses talents d’inventeurs au service de la papèterie industrielle
(dès avant 1822). Cf. André, 1996, p. 92.
(B.G.)
(2) Auguste-Louis vicomte de Maupéou
avait acheté le 7 avril 1810 une maison à Paris. Cf.
Archives de
Paris, A. Paris, DQ 18 25, allégué in
Collection stendhalienne 14 (1972), p. 55, note 91:
“maison formant
le passage du Vigan, de la rue des Fossés-Montmartre, n°14, à
la rue des Vieux-Agustins, 63 (Montmartre).” (B.G.)
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1835
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“N° 5761. — Ordonnance du roi
portant proclamation des brevets d’invention délivrés pendant
le premier trimestre de1835. — Au palais des Tuileries, le 23 Avril 1835.
— Louis-Philippe,
roi Des Français,
à tous présents et à venir, Salut. — Vu l’article
6 du titre Ier, et les articles 6, 7 et 1 5 du titre II de la loi du 25
mars 1791; Vu l’article 1er de l’arrête du 5 vendémiaire an
IX [27 septembre 1800], portant que les brevets d’invention, de perfectionnement
et d’importation seront proclamés tous les trois mois par la voie
du Bulletin des lois, — Nous Avons ordonné et Ordonnons ce qui suit:
— [...] [p.187] [...] 2. Les cessions de brevets ci-dessous
rappelées ayant été revêtues de toutes les formalités
prescrites par l’article 15 du titre II de la loi du 25 mai 1791, sont déclarées
régulières et devront sortir leur plein et entier effet.
[…] [p.188] […] 4° La cession
faite le 16 janvier dernier, à M. Fourcault de Pavant, demeurant
à Paris, rue Saint-Honoré, n° 374, par M. de Maupeou,
de tous ses droits au brevet d’invention de quinze ans, qu’il a pris le
4 décembre précédent, pour des principes, moyens et
procédés constitutifs du système nouveau d’épuration
et de dessiccation ou concentration généralement applicable
à toute substance solide ou liquide, et particulièrement
aux graines.
[...] — 3. Il sera
adressé à chacun des brevetés et des cessionnaires
ci-dessus dénommés, une expédition de l’article qui
le concerne. — 4. Notre ministre secrétaire d’état au département
du commerce est chargé de l’exécution de la présente
ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois.— Signé
Louis-Philippe. — Par le Roi : le Ministre Secrétaire d’état
au département du commerce, Signé T. Duchâtel.”
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Bulletin des lois n°360 (14 mai 1835), pp.
173 & 187, 188 & 189.
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1835
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N° 5948. — Ordonnance du roi portant
proclamation des brevets d’invention délivrés pendant le
deuxième trimestre de 1835. — Au palais des Tuileries, le 16 Août
1835. — Louis-Philippe, roi Des Français, à tous présents
et à venir, Salut. — Vu l’article 6 du titre Ier, et les articles
6,7 et 15 du titre II de la loi du 25 mai 1791; — Vu l’article 1er de l’arrête
du 5 vendémiaire an IX [27 septembre 1800], portant que les brevets
d’invention, de perfectionnement et d’importation seront proclamés
tous les trois mois par la voie du Bulletin des lois, Nous Avons ordonné
et ordonnons ce qui suit: — Art. 1er. Les personnes ci-après dénommées
sont brevetées définitivement: [...]
[p.177] [...] 61° M. Fourcault de Pavant (Pierre), demeurant
à Paris, rue Saint-Honoré , n° 374 , auquel il a été
délivré, le 15 mai dernier, le certificat de sa demande
d’un brevet de perfectionnement et d’addition au brevet d’invention de
quinze ans, qu’il a pris le 4 décembre 1834, par M. de Maupeou,
dont il est cessionnaire, pour des principes, moyens et procédés,
constitutifs d’un système nouveau d’épuration et de dessiccation
ou concentration généralement applicable à toute substance
solide ou liquide, et particulièrement aux grains; [...] [p.188] [...]
— 3. Il sera adressé à chacun des brevetés et des cessionnaires
ci-dessus dénommés, une expédition de l’article qui
le concerne. — 4. Notre ministre secrétaire d’état au département
du commerce est chargé de l’exécution de la présente
ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois.— Signé
Louis-Philippe. — Par le Roi : le Ministre Secrétaire d’état
au département du commerce, Signé T. Duchâtel. |
Bulletin des lois N°381, (16 septembre 1835), pp. 170,
177 & 188.
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1835
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List of Patentes granted by the French
Gouvernment from the 1st fo October to the 31st ff December, 1834. — PATENTS
FOR FIFTEEN YEARS. [...] [p.312] [...]
— Auguste Louis de Meaupou, for an improved method of purifying,
dessicating, and concentrating all kinds of substances, either solid or
liquid. |
The London journal of arts and sciences,
and repertory of patent inventions, 1835, p. 311-312
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1846
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Nouveau brevet de Maupéou: “Ordonnance du roi qui proclame
des brevets d’invention. — Au palais des Tuileries, le 21 février
1847. — Louis Philippe, roi des Français, à tous présents
et à venir, salut. — Sur le rapport de notre ministre secrétaire
d’état au département de l’agriculture et du commerce; vu
l’article 14 de la loi du 5 juillet 1844, nous avons ordonné et ordonnons
ce qui suit: — Art. 1er. Sont proclamés: […] 534e Le brevet d’invention de quinze ans,
dont la demande a été déposée, le 13 novembre
1846, au secrétariat de la préfecture du département
de la Seine, par le sieur de Maupeou (Auguste-Louis), pour des
perfectionnements apportés à son système d’épuration
des grains, graines, semences indigènes ou exotiques. […] 2. Notre ministre secrétaire d’état
au département de l’agriculture et commerce est chargé de
l’exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée
au Bulletin des lois. — Fait au Palais des Tuileries, le 21 février
1847. —Signé Louis-Philippe. Par le roi: le Ministre de l’agriculture
et du commerce, Signé L. Cunin-Gridaine.”
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Bulletin des lois N°1384 (21 mai
1847), pp. 417, 463 & 500 (534e brevet).
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2) Allusion du maire
d’Étampes
Rapport au sous-préfet du 7 juillet 1835
1835
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“En ce moment il ne se ferme aucun
ancien établissement; il ne s’en ouvre pas non plus de nouveaux
[(appel de croix:) si ce n’est, outre la pompe à feu de M. Godin,
établie depuis 2 ans, celle présentement projettée
par M. de Maupéou; l’une et l’autre ayant une chaudière
à vapeur à haute pression”.
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État des moulins de 1835, édition
Gineste (ici)
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3) Présentation
élogieuse de François-Charles Bailly en 1836
Maison
rustique du XIXe siècle. Encyclopédie d’agriculture pratique,
pp. 413-414
1836
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Plusieurs de nos
plus célèbres économistes, et particulièrement
notre Duhamel, frappés des avantage qui résulterait pour
le commerce, l’agriculture et l’hygiène publique de l’épuration
des grains par le lavage, avaient tenté d’employer la chaleur factice
au séchage immédiat; les résultats obtenus ont été
satisfaisans quant à l’épuration en elle-même, mais
les moyens employés n’étaient pas manufacturiers, c’est-à-dire
que les frais qu’ils nécessitaient étaient au-delà
des avantages qu’on pouvait obtenir. Dans le nord de l’Europe, sur la
mer Baltique et particulièrement en Russie, on fait sécher
le grain à l’étuve pour lui donner le degré de siccité
convenable à son exportation sur mer; mais ces blés sont
en général de qualité inférieure, et tout prouve
que leur mode de dessiccation est vicieux.
M. de Maupéou vient de prendre
(en 1834) un brevet d’invention pour une machine qui semble avoir résolu
ce problème depuis si long-temps cherché. Cet appareil
lave le grain, l’épure et le sèche dans l’espace de 15
minutes.
Sur la fin de l’année 1835,
M. de Maupéou a monté à Etampes
un de ses appareils, capable de nettoyer en 24 heures 300 hectol. de blé.
La meunerie de ce pays si renommée par son habileté, n’a
pas tardé de fournir à façon la machine de M. de Maupéou.
Le lavage, comme nous l’avons déjà
dit, n’était pas difficile à opérer, mais la grande
difficulté, la difficulté qui jusqu’ici n’avait pas été
résolue, c’était de sécher immédiatement le
grain, sans tâtonnement, sans danger de le brûler ou de le
laisser trop humide. Pour atteindre ce but, M. de Maupéou a appliqué
au séchage la dilatation de l’air, au moyen d’un foyer disposé
d’une certaine manière. Ainsi, dans une grande chambre bâtie
en briques, de forme pyramidale et faisant cheminée, sont disposés
une série de cylindres en toile métallique. Le blé
lavé pénètre successivement dans chacun de ces
cylindres, dont la disposition intérieure est telle que le grain
est constamment maintenu dans un état aérien. Cependant,
un courant violent d’air sec dilaté tend à s’échapper
par l’ouverture supérieure de la cheminée et enveloppe
ainsi les cylindres sécheurs, y pénètre à
travers les mailles de l’enveloppe et pompe avec avidité l’humidité
des grains.
A l’extrémité de ces cylindres
sécheurs se trouve un autre appareil, également de 5 cylindres
superposés, dans lesquels le blé, au sortir des 1ers, se
refroidit à l’air libre, en sorte qu’au bout de ces refroidisseurs
le grain soit froid et net, et propre à être mis de suite
sous les meules ou conservé dans des sacs sans aucune espèce
d’inconvénient.
Toutes ces diverses opérations, lavage,
épurage, séchage, refroidissement se font sans interruption
aucune, et tout est si bien calculé que les laveurs et les cylindres
sont toujours chargés de blé.
Le grand avantage de cette méthode, c’est
que, par le lavage, non-seulement le grain se nettoie mieux, mais que
tous les corps [p.414] plus légers
que l’eau, comme paille, cloques, grains mal murs ou percés des
insectes, montent à la surface de l’eau et sont entraînés
dans des réservoirs particuliers, en sorte qu’il ne reste plus réellement
à la mouture que les grains non altérés, opération
qu’on est loin d’obtenir complète par l’effet des ventilateurs.
M. de Maupéou prétend aussi que,
par suite du gonflement que l’écorce du blé éprouve
lorsqu’elle se lave et du retrait qui s’opère sur cette enveloppe
par l’effet du passage du grain dans un courant d’air sec dilaté,
la mouture du grain est plus facile, le son plus léger et, en définitive,
le rendement en farine blanche plus fort de 3 à 5 p. 0/0. Il y a
beaucoup de probabilités en faveur de ces assertions.
Un autre avantage signalé par M. de Maupéou,
c’est que le blé ainsi traité est dégagé de
tous les insectes et de tous les germes qu’ils ont pu déposer sur
le grain; la conservation en devient ainsi plus facile et plus certaine.
Tout porte donc à croire que cette méthode
sera adoptée dans nos moulins; elle exige moins de force employée
que les appareils de nettoyage à sec, et, tout compensé,
elle doit présenter de l’avantage au fabricant, condition du reste
indispensable et sans laquelle une méthode, quelque ingénieuse
qu’elle soit, ne peut jamais devenir manufacturière.”
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4) Présentation élogieuse
en 1837 par A. Pommier, directeur de l’Écho des Halles
Encyclopédie
du commerçant de Guillaumain, à
l’article “Étampes”
On remarquera que cet
article est reproduit sans changement dans les rééditions de
1841 et de 1852 de ce même dictionnaire, alors que les données
en sont complètement périmée, l'appareil étant
peut-être même déjà abandonné en 1851.
1837
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On voit qu’Étampes peut être regardé , sans contredit,
comme le point le plus important du rayon où Paris s’approvisionne
des farines nécessaires à l’alimentation de ses 600 boulangeries;
et c’est non seulement à cause de l’importance de cette fabrication,
que cette ville mérite d’être citée, mais encore par la
qualité de ses produits. Nulle part, dans le rayon d’approvisionnement
de Paris, l’art de la meunerie n’a fait plus de progrès qu’à
Etampes; ses moulins ont pour la plupart adopté les perfectionnemens
que la science, aidée de l’expérience, a introduits dans les
mécanismes, et les usines de Pierre-Brou, de Vaux, de Chagrenon,
de Bourray et de l’Épine, peuvent être citées comme
de magnifiques manufactures, où la transformation du blé en
farine est un art véritable, soumis à des règles et
à des calculs fixes, comme l’art de filer la laine et le coton.
Depuis bientôt deux années on voit
fonctionner à Etampes une des applications les plus ingénieuses
et les plus utiles de la science à l’épuration des grains.
M. de Maupeou y a établi, comme modèle, un appareil qui lave
et sèche les blés avec une rare perfection, dans l’espace de
quinze à dix-sept minutes. Cette machine nettoie 300 hectolitres de
grains en vingt-quatre heures. Jusqu’ici elle a été appliquée
presque exclusivement aux blés cariés qui se trouvent toujours
en assez grand nombre sur les marchés d’Etampes; mais il est démontré
que tous les blés, quelles que soient leur netteté et leur
propreté apparente, ont besoin, pour être véritablement
nettoyés, d’être soumis à ce mode d’épuration.
Nous n’hésitons pas à dire que cette découverte est
une des plus belles et des plus généreuses qui aient été
faites depuis long-temps.
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A. Pommier, in Guillaumain, Encyclopédie du commerçant,
Paris, Victor Lecou, 1837, p. 904.
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5) Présentation élogieuse
par Odolan-Desnos en 1838
(après l’adoption du système
Meaupou par les entrepôts de la Villette)
Rapport à l’Académie de l’industrie
On reproduit
ici tout le rapport, même la longue partie consacrée à
l’entrepôt de la Villette (où arrivait entre autre le blé
à destination d’Étampes), parce qu’il contient des considérations
et même des informations intéressantes sur la place d’Étampes
dans le commerce du grain et de la farine. (B.G.)
L’économie politique est une science tellement nouvelle, et qui s’étend
avec tant de lenteur dans les classes même les plus élevées
de la société, qu’il n’est pas rare de souvent entendre discuter,
à l’époque encore où nous vivons, la liberté
du commerce des grains; aussi ne faut-il pas s’étonner de voir quelquefois
demander quelle peut être l’utilité et l’importance de ce
commerce à Parts, où les boulangers ne doivent avoir besoin
que de farines?
Néanmoins cette liberté
commerciale commençant à ne plus être en réalité
une question que pour le petit nombre d’hommes à préjuges
du milieu du dernier siècle, lesquels semblent vivre encore afin
de nous donner une preuve des [p.103] difficultés que nos pères
durent avoir à vaincre pour pénétrer dans la voie
des progrès, nous ne nous occuperons pas ici de la défense
de ce principe, et nous renverrons ses antagonistes aux ouvrages et aux
excellentes leçons des économistes contemporains.
Quant à l’utilité
de ce commerce des grains à Paris, c’est une question dont la solution
se présente immédiatement avec le plus léger instant
de réflexion car, si les boulangers reçoivent leurs farines
des localités voisines où s’exerce tout spécialement
l’art de la meunerie, croit-on qu’il soit possible, aux environs de ces
diverses localités, de leur fournir la masse immense de grains
que consomme leur fabrication? Nullement, Il faut que ces grains leur
viennent de divers points plus ou moins éloignés; ainsi
la Beauce même ne suffit pas toujours aux nombreux moulins de la
ville d’Etampes, et ils sont forcés d être alimentés,
non-seulement par les grains de la Picardie, de la Flandre ou de l’Alsace,
mais quelquefois par ceux de Dantzick ou d’Odessa. Dès-lors ces grains,
comme on le voit, sont nécessairement obligés de passer par
Paris, qui, naturellement, devient l’entrepôt de ce commerce, c’est-à-dire
le point central où les vendeurs et acheteurs se réunissent
pour conclure leurs transactions; puis, de cette place, devenue ainsi véritable
entrepôt de transit, ces grains de la Beauce, de la Picardie, de
la Brie. de la Champagne, de l’Alsace ou de l’Etranger, s’expédient
sur Saint-Denis, Corbeil, Gonesse, Melun, Etampes et autres lieux où
se trouvent un grand nombre de moulins.
Ainsi nous trouvons un exemple de l’utilité
du commerce des grains dans l’approvisionnement des blés de cette
année (1837-1838) car tout le nord tel que les environs de Roye,
d’Arras, de Péronne, de Saint-Quentin, de Cambray et de Soissons,
fournissent et fourniront d’ici la récolte prochaine, et cela en
partie par l’entremise des marchands de grains de Paris, plus d’un cinquième
de ce qui est nécessaire a la meunerie de Saint-Denis, de Gonesse,
de Corbeil et d’Etampes, une autre année peut-être tirera-t-on
ces grains de l’Anjou, du Saumurois et de la Champagne, ou même de
l’Etranger. Tel est le mécanisme de ce commerce.
Paris reçoit donc en réalité
en transit tes grains des contrées qui en ont trop, pour les
diriger sur les pays qui n’en ont pas assez, et où ils doivent
être réduits en farine, laquelle lui est retournée
pour alimenter son immense population. [p.104]
Dès-lors, avec ce commerce à
Paris, point de disette à craindre pour cette ville. Voilà
son utilité!
Maintenant, si nous cherchons quel peut
être le chiffre sur lequel roule le commerce des grains à
Paris, et que bien du monde considère comme à peu près
nul, nous le trouvons variable suivant l’abondance des récoltes
dans les contrées où les farines se fabriquent. Cependant
on peut affirmer qu’il se vend habituellement à Paris dans les
années ordinaires, au moins huit mille hectolitres de
blé par semaine, ou 416 mille par année, et cela sans
parler des menus grains, ce qui donne, au prix de 20 fr. l’hectolitre,
une vente régulière représentant une somme de huit
millions. Nous ferons observer que ces ventes et achats n’ayant lieu
que sur échantillons et sans le bruit habituel qui accompagne la
vente des autres denrées, il n’est véritablement point étonnant
que les habitants mêmes de la capitale n’aient qu’une fausse idée
de ce commerce, dont l’importance est, comme on le voit, en raison de
son utilité.
Nous disons donc, voilà l’utilité
du commerce des grains, de ce commerce seulement, car il ne faut pas
le confondre avec celui des farines, qui a lieu entre les boulangers et
les meuniers, tandis que le premier s’exerce entre les meuniers et les
fermiers ou les marchands de grains.
En effet, le commerce de farine est
tellement différent, que, pour subvenir à la consommation
de la population de Paris, de ses hospices, de ses prisons et de sa
garnison, il se vend chaque jour sur le carreau de la halle de cette
ville plus de 2,000 sacs du poids de 159 kilog., y compris la tare de
deux kilog. pour le sac, ce qui donne par année, pour les 309 jours
environ pendant lesquels tient la halle, plus de 618,000 sacs de farine,
qui se vendent au moins 52 fr. le sac, l’un dans l’autre, c’est-à-dire
que ce commerce des farines coûte à la population de Paris
plus de 32 millions car tel est le chiffre de cette consommation à
laquelle subviennent les boulangers de Paris, qui, pour garantir les facteurs
faisant leurs achats, doivent laisser 12,000 sacs en dépôt
à la halle ou aux greniers d’abondance, et doivent en outre, pour
garantir l’approvisionnement de Paris avoir également déposé
à l’avance, soit chez eux, soit dans les greniers d’abondance, 39
mille sacs de farine.
Ainsi, comme on le voit, le commerce
des grains diffère entièrement de celui des farines; mais
quoique mettant en [p.105] mouvement à
Paris une masse de capitaux moins forte, n’en est pas moins essentiellement
utile à cette ville par ses résultats, puisque, sans ce commerce,
la meunerie de ses environs pourrait souvent venir à manquer d’une
quantité suffisante de grains, et, par suite, la consommation de
cette capitale pourrait quelquefois en souffrir, car les meuniers seraient
dans l’impossibilité de fabriquer toutes les farines qui lui sont
indispensables, tandis qu’avec ce commerce, nous le répétons,
point de risques à craindre pour cette consommation.
A la marche silencieuse de ce commerce
des grains, on doit le peu d’attention que le publie et l’administration
lui ont toujours portée. Aussi jamais n’a-t-on pensé à
lui fournir un local où il fût possible aux négociants
qui s’occupent de cette branche commerciale si importante, de mettre à
couvert leurs marchandises : longtemps ils furent obligés de les
loger dans des milliers de petites chambres qu’ils louaient dans
les divers quartiers de Paris, et où il leur fallait, à
grands frais, les porter pour les ramener au point d’expédition,
et cela sans
pouvoir leur donner les soins multipliés qu’ils exigent.
Aussi la perte que ces grains subissaient dans ce passage ne faisait-elle
qu’aggraver le déchet de 10 pour 100 qu’ils éprouvent par
suite des insectes ou des maladies, depuis l’instant de leur récolte
jusqu’à celui de leur mouture.
Cependant l’un des négociants
qui se livrent le plus en grand à ce genre de commerce, M. Victor
Thoré, ayant compris depuis bien des années que la construction
d’un vaste magasin, destiné à servir spécialement
d’entrepôt aux grains passant en transit à Paris, était
une nécessité de l’époque, a pris enfin, en 1838,
la généreuse résolution d’en établir un au
profit de cette ville, et en quelques mois cet établissement fut
élevé tel que nous le voyons aujourd’hui.
Le choix de la position de cet important
établissement dans une ville où le terrain est si précieux,
dépendait, comme on peut le croire, de volontés multiples,
qu’il était difficile de mettre d’accord, même au nom de
l’utilité générale; néanmoins les difficultés,
il faut le dire à la louange de l’administration locale, s’aplanirent
assez promptement, et la concession pour 99 ans, déjà faite
à la compagnie des canaux de Paris, des terre-pleins qui sont situés
à l’extrémité amont du bassin de la Villette, fut
transférée au profit de M. Victor Thoré, à
la charge de laisser au bout de ce délai, à la Ville de Paris,
toutes tes constructions qu’il aura cru devoir élever sur ces
terrains. [p.106]
Pour commencer à utiliser cette
concession, M. Thoré a construit un premier magasin sur le terre-plein
de la rive gauche, à l’angle de la rue de Bordeaux et du quai de
la Loire.
Etablissement.
Placé en tête du bassin
de la Villette, il eût été difficile, de le poser plus
au centre des arrivages de grains. En effet tous les blés du Nord
et du Midi qui se transbordent au Havre et à Rouen, arrivent au bassin
de la Villette par la Basse-Seine et le canal Saint-Denis; et, d’un autre
côté, viennent de la Loire par le canal Saint-Martin, la Haute-Seine
et la Marne, tous les grains de la Champagne et des autres provinces traversées
par ces rivières ou par leurs affluents et les canaux qui y aboutissent;
puis le canal de l’Ourcq met en communication ce bassin avec la Brie,
le Multien, le Soissonnais, tandis que les routes de l’Alsace, de la Champagne,
de la Flandre, de la Picardie et de la Normandie, qui aboutissent à
ce même bassin apportent par terre à cet entrepôt tous
les grains qui peuvent arriver à Paris.
Diminuer autant que possible les frais
de déchargement et déchargement des marchandises, soit par
terre, soit par eau, était une condition indispensable dans laquelle
il fallait nécessairement se maintenir; aussi, pour vaincre la difficulté,
M. Thoré a-t-il voulu que le rez-de-chaussée du bâtiment
fût élevé au-dessus de la surface du sol suffisamment
pour arriver au niveau ordinaire des voitures, qui viennent au dehors
s’acculer devant les baies de service, de telle sorte que le déchargement
ou le rechargement des marchandises par la voie de terre n’exigent qu’une
seule manutention et, afin d’obtenir le même résultat dans
le mouvement des marchandises provenant de la voie d’eau, il a fait creuser
dans l’axe de l’établissement un chenal qui aboutit et ouvre sur
le bassin et permet ainsi aux plus grands bateaux d’entrer dans l’intérieur
même du magasin, et d’y avoir leur pont également au niveau
du rez-de-chaussée, de sorte que des tire-sacs font, avec trois
hommes seulement, tant sur les voitures que sur les bateaux, un travail
qui, sans ces précautions, aurait exigé une foule
d’ouvriers.
Ce magasin, long de 58 mètres
90 et large de 35 mètres 60, occupe une superficie de 2,006 mètres
84 centimètres, qui se réduit à1,950 mètres
en déduisant l’épaisseur moyenne des murs; et, comme il
a sept étages, y compris le rez-de-chaussée, [p.107] il présente pour surface des planchers
de service une superficie totale intérieure de 13,650 mètres,
d’où il faut déduire environ 3,650 mètres pour la surface
occupée par le chenal et les diverses machines, tant au rez-de-chaussée
qu’aux étages supérieurs, ce qui réduit la surface
libre pour l’emmagasinage à 10,000 mètres, c’est-à-dire
à un emplacement égal à celui que présenterait
la surface d’un hectare. L’on peut donc recevoir dans ce magasin jusqu’à
cent mille hectolitres de grains, sans qu’il soit utile de les étendre
en tas de plus d’un mètre de hauteur, afin qu’il soit toujours
facile de les pelleter ou remuer à la main toutes les fois qu’ils
en auront besoin.
L’ensemble de ce magasin, dont la surface
des étages au-dessus du rez-de-chaussée n’est coupée
par aucune cloison, est divisé en quinze travées transversales
et sept travées longitudinales, toutes espacées de 3 mètres
80 d’axe en axe, à l’exception des deux travées extrêmes
dans le sens de la longueur, et de la travée du milieu dans le
sens de la largeur, laquelle, se trouvant au-dessus du chenal intérieur,
est obligée d’avoir 8 mètres 90.
A tous les points d’intersection de
ces lignes de travées s’élèvent des poteaux superposés
d étage en étage, et coupés de longueur à laisser
à chacun de ces étages une hauteur de 2 mètres 85
entre les planchers, et de 2 mètres 3 sous poutre, élévation
suffisante puisque les tas de grain ne doivent pas monter à plus
d’un mètre dans toute leur surface.
Quant aux poteaux extrêmes des
travées dans l’un et l’autre sens. ils sont à un mètre
de distance des murs extérieurs, de manière qu’ils forment
autour des tas de grain un chemin de ronde, et dégagent les murs
de toute charge étrangère à leur propre poids. Chacun
de ces divers poteaux est couronné d’un chapeau en fonte, bien supérieur
à ceux en bois dont on a l’habitude de se servir: car ils sont plus
légers, plus simples d’assemblage, et d’une solidité beaucoup
plus grande. Sur ces chapeaux viennent se relier a chaque étage des
moises longitudinales et transversales qui aboutissent, à leurs dernières
extrémités, aux murs extérieurs servant d’enveloppe
à ce magasin.
La toiture, divisée en cinq toits
occupant chacun trois travées longitudinales, repose sur les poteaux
de l’étage supérieur, et se trouve également indépendante
de tons les murs, [p.108] ce qui ne fait
éprouver à ceux-ci aucune poussée ni aucune surcharge.
La salubrité de l’établissement
exigeant de nombreuses ouvertures, on a cru devoir en ménager
327 sur l’ensemble de ses façades, savoir: 105 au nord, autant
au sud, 61 à l’ouest et 56 à l’est, et toutes sont munies
de croisées ou de persiennes. Les unes et les autres sont à
bascules, pivotent sur la moitié de leur hauteur et peuvent être
facilement plus ou moins ouvertes, & volonté, au moyen d’une
crémaillère dont elles sont armées à leur
partie inférieure D’abord on avait pensé à les faire
ouvrir et fermer toutes à la fois comme celles que l’on voit à
Londres dans un magasin du même genre. Mais les réparations
nombreuses exigées continuellement par ce mécanisme ont
dû eu faire ajourner l’adoption et jusqu’à ce que son utilité
ait été positivement démontrée, M Thoré
a cru devoir s’en tenir à faire exécuter à la main
la manœuvre des croisées et des persiennes.
L’idée primitive et l’organisation
générale de ce vaste et magnifique établissement
sont entièrement dues, comme nous l’avons vu, aux connaissances
pratiques de ce négociant; ais l’exécution et la direction
de ces diverses constructions ayant été confiées
à M. Emile Vuigner, ingénieur civil et inspecteur des canaux
de Paris, il est juste de rendre hommage à l’activité qu’il
a déployée dans la marche de ces travaux. Nous savons même
que, pour se mettre plus en état de bien exécuter le projet
confié à ses soins, il n’a pas craint d’aller visiter à
ses propres frais les plus beaux établissements du même genre
qui se trouvent en Angleterre et à ce voyage, fait sous les puissants
auspices de M. Thoré, l’on doit, il faut l’avouer, la perfection que
l’on remarque dans cet utile et important magasin.
Sous le rapport de la position, de l’utilité,
de la salubrité et de l’économie du service, cet entrepôt
générai des grains de la Villette remplit donc entièrement
le but que M. Thoré s’était proposé.
Mais dans un temps de progrès
comme celui où nous vivons, cela ne pouvait complètement
satisfaire un homme pratiquement et véritablement habile dans ce
commerce généralement si peu connu des habitants des grandes
villes, et il fallait à M. Thoré la faculté de pouvoir
offrir aux personnes qui voudraient se servir de ses magasins des moyens
positifs, [p.109] rapides et économiques
d’épurer et de conserver les qrains qu’elles viendraient confier
à ses soins.
Il fallait donc pouvoir guérir
les blés attaqués de miellée, de brûlure de
rouille, de charbon, de carie et de toutes les autres maladies auxquelles
il leur arrive trop souvent d’être sujets il fallait pouvoir les
purger de toute mauvaise odeur ou saveur résultant de l’humidité
ou de la fermentation, et les débarrasser des causes qui donnent
lieu à ces accidents; il fallait pouvoir combattre victorieusement
le charançon et l’alucite ou papillon, ainsi que tous les autres
insectes nuisibles qui s’adressent particulièrement aux grains il
fallait les en chasser et mettre ces grains à l’abri de nouvelles
attaques, soit de ces maladies, soit de ces insectes.
Pour arriver à ce but, beaucoup
de moyens furent proposés à M. Thoré. Tous furent
pour lui l’objet d’un sérieux examen, et il soumit tour à
tour à de nombreux essais et les caisses de Duhamel et les silos garnis
diversement à l’intérieur mais chacun de tous ces moyens
ne résolvait qu’une fraction du problème, et pas un seul,
y compris la roue de M. Allier et même le cylindre de M. Vallery,
qui vient de recevoir l’approbation de l’Académie des Sciences,
ne remplissait complètement les conditions que devait exiger M.
Thoré: car, homme pratique, il ne pouvait y avoir pour lui d’illusion
et comme déjà il s’était sans doute aperçu
que l’expérience industrielle fait quelquefois faute à la
science, il ne voulut pas s’en rapporter, dans cette importante recherche,
au seul jugement des savants, et il préféra, tout en s’éclairant
de leurs lumières ou de leurs erreurs, examiner et essayer par
lui-même tous les anciens et nouveaux procédés qui
lui furent soumis. Dans le nombre cependant il en vit un qui, par ses
résultats, attira particulièrement son attention; il porte
le nom d’appareil Meaupou. D’abord il était fort incomplet
; néanmoins son auteur, d’après les diverses observations
qui lui furent faites par les hommes les plus intéressés
à l’épuration et à la conservation des grains, l’ayant
amélioré par de nombreux changements, et ayant monté
un de ces appareils à Etampes, M. Thoré en suivit les essais
avec le plus vif intérêt, car, ainsi perfectionné,
il semblait parfaitement remplir le but qu’il se proposait d’obtenir. il
s’assura donc de la régularité de sa marche et de la valeur
de ses produits; puis, après en avoir reconnu pratiquement, pendant
plusieurs mois, les avantages, il ne craignit pas d’en faire construire
un semblable pour son entrepôt de la Villette, et il nous invita dés
cet instant à vouloir bien suivre nous-mêmes les expériences
qui se continuaient à Etampes.
|
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viillette (1838)
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viilette (1838)
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viilette (1838)
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viilette (1838)
|
Le principe
de cette machine que l’on voit actuellement fonctionner à l’entrepôt
général des grains de la Villette, est basé sur le
lavage des grains, et le séchage au soleil et au grand air, qui se
pratiquent aux environs de Marseille et dans tous les pays méridionaux.
Dès-lors, aussi, comme dans ces mêmes contrées, les
grains atrophiés ou rongés par les vers, venant à surnager
sont enlevés, les portions malades des grains, ainsi que les œufs
des insectes et tous les germes des maladies sont détruits, puis
le séchage exécute artificiellement ce que la nature permet
de faire au grand air sous le beau ciel de la Provence.
[...] [p.118] [...]*
|
* Nous empruntons le texte de ce Rapport
d’Odolan-Desnos, en date de 1838, à saon édition par Malapeyre
en 1846. Ici Malepeyre intercale une description détaillée
de l’appareil qu’il a tirée de “la spécification même
du brevet de l’inventeur”. Il est donc possible qu’il manque ici quelques
phrases du raport de 1838 (B. G.).
|
Au premier
abord, cet appareil, dont l’auteur s’est réservé le privilège
de l’exploitation par un brevet de quinze ans, paraît très-compliqué
mais, en l’examinant en détail, on reconnaît promptement
qu’il est des plus simples, et qu’il remplit parfaitement toutes les conditions
que l’on peut demander à une machine de ce genre.
En effet, il permet, comme dans les pays
méridionaux, de soumettre les grains au lavage sans les détériorer,
de les dégager ainsi, par suite de leur différence de densité
des grains morts, percés ou attaqués par les vers, et
des graines étrangères, de les épurer de la poussière
dont ils sont assez souvent recouverts, toutes impuretés qui,
habituellement, ternissent l’éclat et la beauté de la
farine, et la rendent même quelquefois nuisible à la salubrité.
Ce lavage, en outre, fait disparaître
les portions de grains tachées par la carie, et les assainit de
toutes les maladies dont ils peuvent être attaqués.
Il ne met pas seulement en fuite les
divers insectes qui lui font journellement une guerre si redoutable,
mais bien plus, il anéantit tout particulièrement les œufs
des charançons et du papillon, dont aucun mécanisme n’a
encore pu seul les garantir. ·
Enfin ce lavage, qui ne dure jamais plus
de 5 à 6 minutes, secondé par une ventilation rapide et
successive d’air modérément chaud et d’air froid, enlève
les mauvaises odeurs ou saveurs des grains, fait totalement disparaître
cette humidité que l’on remarque si souvent dans les blés
du Nord, et résultant de leur mauvaise maturité; humidité
qui, la, plupart du temps, ne permet pas de les exporter, et les expose
quelquefois à une fâcheuse fermentation.
Vingt minutes suffisent pour faire passera
un état de pureté et de propreté véritablement
inconnu avant l’invention de cette machine, les grains les plus viciés,
sans qu’elle leur fasse subir la moindre altération car ils ne
restent pas assez de temps dans l’eau pour s’en pénétrer,
et la chaleur ne peut qu’améliorer également leur surface
sans jamais pouvoir t’attaquer.
Tel est l’avantage produit par le travail
de cette machine, [p.119] que les grains
de la plus basse qualité, épures ou nettoyés par leur
passage dans cet appareil, sont rapidement élevés de valeur
et sont amenés en peu d’instants à pouvoir fournir des farines
aussi belles que ceux de première qualité, et cela sans pour
ainsi dire aucun déchet, puisque les blés simplement à
nettoyer n’en donnent que 1 pour 100, les blés noirs ou cariés
de 1 à 3 pour 100, et les blés attaqués par les insectes,
suivant le degré de leur détérioration. Les frais
de manutention, pour bonifier ainsi la qualité et la valeur des
grains, sont également très-faibles relativement à
cette bonification, puisque, pour laver, sécher et cribler à
chaud les grains les plus charbonnés, il n’en coûte que 1 fr.
20 c. par hectolitre, et seulement 75 c. quand les blés, étant
sains, ne demandent qu’à être lavés, séchés
et criblés ; 50 c. s’ils n’ont besoin que d’être séchés
à chaud et criblés sans lavage, et 40c. lorsqu’il ne faut
que les sécher à froid et cribler.
Telle qu’elle est montée à
Etampes et dans l’entrepôt de la Villette, cette machine, ayant
une batterie de 4 barriques, peut laver et sécher par jour 300
hectolitres de blé, et peut en sécher jusqu’à 500
lorsque le lavage est inutile.
Cette machine est donc d’une fort grande
dimension, et tout-à-fait en rapport avec l’importance de l’établissement
qu’elle doit desservir; mais il est possible d’en établir sur
une plus petite échelle car, au lieu de ce grand appareil que l’auteur
vend et livre monté sur place pour une vingtaine de mille francs,
il est facile de le dédoubler et de construire même de petits
appareils à une seule barrique, dont la valeur pourrait ne pas
aller au-delà de 6 ou 7,000 fr., tout en pouvant encore laver et
sécher de 75 à 80 hectolitres de grain par jour, et en nettoyer
et sécher jusqu’à plus de 125 hectolitres.
Les avantages de cet appareil que nous
avons constatés nous-mêmes à la suite de nombreuses
expériences, sont affirmés généralement
d’une manière positive par les assertions suivantes des meuniers
d’Etampes, les plus habiles de France dans l’art de la meunerie.
Les meules, disent-ils, alimentées
par un blé épuré au moyen de cet appareil, sont avantagées
du quart au tiers par vingt-quatre heures, en raison de l’habileté
du meunier car, au lieu d’écraser dans cet espace de temps 26
setiers, ou 39 hectolitres de blé, elles vont jusqu’à en
écraser 35 setiers ou 5 hectolitres 1/2. [p.120]
Cette épuration, ajoutent-ils,
permet de ne rhabiller les meules que deux fois, au lieu de trois, en
vingt-un jours, ce qui fait gagner au moins dix-sept jours de mouture de
plus par année et elle fournit des farines de deux ou trois nuances
plus blanches que celles des mêmes grains nettoyés par tout
autre procédé.
Ce nettoyage, d’après leurs observations,
fait rendre sous les meules de 2 à 5 p. 100 de plus en farine
que ne pourraient le faire les mêmes blés non épurés;
ce qui tient à ce que l’eau, s’étant vaporisée
pendant l’opération, gonfle d’abord le son, puis l’étend,
et le laisse ensuite retomber sur lui-même, ce qui produit une
véritable décortication et permet aux meules de n’enlever
qu’un son tres-léger, et de réduire en farine d’une manière
absolue toute l’amande.
Les blés glacés, observent-ils
encore, qui, naturellement, font des farines grises, en donnent au contraire
de très-blanches après l’épuration, et il en est
de même de ceux qui font des farines rouges.
Les boulangers, par suite de nombreuses
expériences, ont aussi obtenu des résultats assez curieux.
Ainsi, les farines de blés épurés
par l’appareil Meaupou prennent mieux l’eau au pétrin et tombent
plus blanches à la cuisson.
Enfin tel est l’état extérieur
que cette préparation donne aux grains, qu’une fois ainsi épurés
l’expérience de plus d’une année nous a prouvé,
ainsi qu’à toutes les personnes qui ont fait des expériences
sur cette machine, qu’ils se conservaient fort bien sans être attaqués
par les insectes, et cela sans aucun pelletage ni aucune autre manutention.
Seulement nous devons ajouter que, pour obtenir la certitude de cette
bonne conservation, il faut indispensablement que les préparations
de ces grains, par cet appareil, aient été faites à
chaud ou sans lavage, résultat qui ne serait pas obtenu si le séchage
était fait à froid.
L’on assure même que des grains
ainsi lavés et épurés, ayant été mis
en terre, ont germé et se sont reproduits; mais ce résultat,
que nous n’avons pu vérifier et qui nous paraît avoir besoin
de nouvelles preuves pour obtenir notre conviction, est entièrement
sans importance, car les blés qui demandent t’épuration
sont des blés marchands nullement destinés à se reproduire,
vu que les cultivateurs ont toujours le plus grand soin de prendre leur
semence, aussitôt après la récolte, [p.121] dans le blé nouveau, afin de l’obtenir
aussi pure que possible.
Le problème que l’on cherche vainement
à résoudre depuis près d’un siècle, a donc
paru à votre commission résolu de la manière la
plus heureuse et la plus pratique par la découverte de cet appareil,
qui donne, il faut en convenir, les résultats les plus avantageux
et les plus économiques; il est destiné a rendre les plus
grands services à la meunerie, aux gros fermiers assez riches pour
n’avoir pas besoin de vendre immédiatement, en temps de baisse, les
produits de leurs moissons, et aux négociants qui se livrent au commerce
des grains car, en admettant qu’elle puisse sauver seulement la moitié
des 10 p. 100 de blé qui, chaque année, sont perdus pour
la consommation, l’on gagnerait, à s’en servir, sur les 48 millions
environ d’hectolitres de blé fournis par la France, 2,400,000 hectolitres,
lesquels, au prix de 20 fr., présenteraient un capital de 48 millions
de francs.
Maintenant, si à ces 48 millions
d’hectolitres de blé on ajoute les 22 millions d’hectolitres de
seigle, les 16 millions d’hectolitres de méteil, les 10 millions d’hectolitres
d’orge, les 40 millions d’hectolitres d’avoine et les 16 ou 18 millions
d’hectolitres d’autres menus grains, que l’on peut supposer être
à peu près annuellement fournis par le sol de la France,
et qui, privés de tous moyens de conservation se détériorent
et perdent plus de 10 p. 100, l’on pourra se former une juste idée
de l’importance que devrait avoir l’appareil Meaupou, si son usage arrivait
à devenir populaire.
C’est donc le faire adopter dans tous
les grands magasins de grains et chez la plupart des meuniers, que doivent
tendre les efforts de M. Meaupou. Déjà les plus grandes difficultés
sont vaincues, car, grâce au jugement habile de M. Thoré,
qui a su, dès la naissance de cette machine, en apprécier
les résultats, ses avantages ne sont plus de ceux pouvant être
mis en doute et grâce aux relations étendues de ce négociant,
ils seront bientôt connus en Prusse, en Suède, en Pologne,
en Allemagne et dans tout le Levant. On peut donc affirmer que, par suite
de l’adoption de cet appareil à l’entrepôt de la Villette,
son succès est positivement assuré.
Un fait important vient tout nouvellement
de fournir à la ville de Paris une preuve de la haute utilité
que pourra acquérir ce magnifique établissement. Un bateau
chargé de 750 hectolitres de froment et d’une assez grande quantité
d’avoine [p.122] ayant coulé au fond
de la rivière de l’0ise, vis-à-vis l’île Adam, ces grains
ne purent être retirés de l’eau que deux, trois et quatre
jours après l’accident, une portion même est restée
cinq jours sous l’eau.
Dans la croyance générale,
tous ces grains devaient être perdus. Néanmoins ils furent
transportés mouillés et en fermentation à l’entrepôt
général de la Villette, puis soumis aussitôt au séchage
de l’appareil Meaupou séchage qui fut répété
à plusieurs reprises car les grains, entièrement pénétrés
d’eau, ressuaient dès qu’ils étaient mis en tas, et se
couvraient d’une nouvelle humidité. Cependant, tel fut l’heureux
avantage, pour tes propriétaires de ces grains, d’avoir trouvé
sous la main d’aussi vastes magasins et l’appareil Meaupou, que tous ces
grains, dont les germes de plusieurs étaient déjà
sortis de 5 et 7 millimètres (2 et 3 lignes), purent être séchés,
et la plupart purent être livrés aux moulins, ce qui a économisé
à leurs propriétaires une perte de plus de 12 a 15 mille
francs.
Cet appareil paraît en outre,
depuis quelque temps, destiné à avoir une utilité
beaucoup plus étendue que celle que nous venons de vous faire apprécier,
car son action sur les menus grains, et sur les graines mêmes de
la droguerie, donne à ces produits une bonification de qualité
et de valeur telle qu’il sera souvent de l’intérêt de leurs
propriétaires de les faire épurer par cette machine. Ainsi,
les fèves, les haricots, les pois, les lentilles, les grains de
lin, de chanvre, de colza, de navette, ainsi que tes poivres, les riz,
les cafés et les cacaos, criblés et épurés
à chaud par cet appareil, en éprouvent tous de sensibles et
quelquefois de très-grands avantages.
Nous devons ajouter aussi que l’entrepôt
de la Villette ne sera pas seulement utile au simple dépôt
des grains, car il est encore destiné à servir et à
faciliter la spéculation des boulangers qui pourront ainsi, avec
son secours, acheter d’avance des farines propres à subvenir à
la consommation de Paris, et assurer alors cette consommation d’une manière
positive pour deux, trois et quatre mois, tandis que leur 51,000 sacs de
dépôt de garantie et d’approvisionnement suffiraient à
peine, à eux seuls, pour 25 jours car toutes les mesures sont prises
à cet entrepôt pour que ces farines ne puissent s’y détériorer,
comme elles le faisaient si rapidement à la halle, obstacle qui,
toujours, empêcha les boulangers de pouvoir acheter et y maintenir
de grands approvisionnements à l’avance.
|
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viilette (1838)
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viilette (1838)
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viilette (1838)
|
6) Mention par le colonel François-Charles
Cresté maire d’Étampes (1838)
Rapport au sous-préfet
(janvier-février 1838)
Rivières et cours d’eau
non navigables traversant le territoire de la ville d’Étampes
(Seine et Oise)
[...] SUR LA LOUETTE [...]
— Nom de l’usine
|
2°
Moulin à Tan
|
— Nom du propriétaire
|
Veuve Lesage Pierre Dominique
|
— Qu’y fabrique-t-on?
|
Lavage et nettoyage de blé
|
— Quel est le nombre de ses roues
|
mu par une roue,
|
— Combien d’ouvriers emploie-t-elle?
|
occupe 2 hommes.
|
— Son deversoir et ses vannes sont-ils
réglés? la date du règlement, et par qui rendu?
|
Le deversoir et les vannes sont
reglés par arrêtés préfectoraux des 22 novembre
1825 et 6 juin 1826. |
— Nom de l’usine
|
3°
Pompe à feu annexée au dit moulin.
|
— Nom du propriétaire
|
de Maupeou [sic]
|
— Qu’y fabrique-t-on? |
Lavage et nettoyage de blé
|
— Quel est le nombre de ses roues
|
Machine à vapeur de la force
de 2 chevaux
|
— Combien d’ouvriers emploie-t-elle?
|
Occupe 2 hommes
|
— Son deversoir et ses vannes sont-ils
réglés? la date du règlement, et par qui rendu?
|
Autorisée par le sous-préfet
de l’arrondissement d’Etampes le 14 novembre 1836.
|
[...]
|
7) Description détaillée
et favorable par Malepeyre (1846)
(après des améliorations
brevetées la même année)
Nouveau manuel du boulanger
On notera que la description très élogieuse
que donne en 1846 Malepeyre dans son Manuel du boulannger, du négociant
en grains, du meunier et du constructeur de moulins, paraît mal
informé de la situation, car dès l’année suivante commencent
à se faire jour des critiques ouvertes contre cet appareil qui
plaît moins aux boulangers qu’aux meuniers; mais il vrai aussi que
cette même année Meaupou a déposé un nouveau
brevet pour des améliorations apportées à son appareil.
(B. G.)
On peut voir dans le Bulletin de la Société d’encouragement,
tome XXII, pag. 49 et 250, la description et la figure d’une étuve
employée à Berne, pour la conservation des grains. Mais nous
ne saurions terminer ce que nous avons à dire sur ce sujet d’une
manière à la fois plus utile et plus instructive, qu’en donnant
la description de l’entrepôt général des grains de
Paris, qui a été établi à la Villette, et de
l’appareil Meaupou, adopté dans cet entrepôt pour la conservation
des grains. Nous emprunterons la description de l’entrepôt à
un très-bon Rapport fait en 1838 à l’Académie de l’industrie,
par M. Odolant-Desnos, et celle de l’appareil à la spécification
même du brevet de l’inventeur.
«L’économie politique, dit
M. Odolant-Desnos, etc.» [Malepeyre
cite ici tout du long le début du texte du rapport de 1838
reproduit ci-dessus (B. G.)]
Dans cet appareil, inventé en 1834
l’épuration des grains s’exécute au moyen d’une série
d’appareils dont on voit la disposition générale fig. 124
et 125. Cette épuration commence par séparer les bons
grains des mauvais, ce qui s’exécute de ta manière suivante
Le blé est introduit dans un vase
rempli d’eau, où les grains qui sont sains tombent au fond par
suite de leur gravité; ceux qui sont altérés, ainsi
que tons les autres corps légers qui peuvent se trouver mélanges
au blé flottent à la surface.
Une trémie de dimension quelconque,
mais d’une capacité suffisante pour recevoir une grande quantité
du grain nettoyé, est placée immédiatement au-dessus
d’une trémie plus petite, de dimension propre à contenir
la quantité de grain adaptée à la capacité
de l’appareil. La grande trémie s’ouvre par son extrémité
inférieure dans la petite, et toutes deux sont fermées,
à cette extrémité inférieure, par des soupapes,
manœuvrées par des tiges et des leviers disposés de façon
à ouvrir alternativement la soupape de décharge de l’une
de ces trémies, quand celle de l’autre se ferme. En abaissant la
tige, la soupape de la trémie supérieure s’ouvre, et celle
de la trémie inférieure se ferme le grain contenu dans la
trémie supérieure descend dans l’inférieure, où
s’accumule sous forme pyramidale jusqu’à ce qu’il ferme complètement
la soupape, et détermine ainsi, sans qu’on y mette là main
la quantité de grain qui doit être admise successivement dans
chacune des opérations de l’appareil. En soulevant la tige, la soupape
de la trémie supérieure se ferme, celle de la soupape inférieure
s’ouvre, et la quantité de grain contenu dans cette trémie
[p.111] inférieure s’écoute
par la soupape. Cette disposition a été adoptée pour
que le grain tombe en pluie fine dans une large gouttière, à
bords relevés, qui le reçoit et le conduit dans une barrique
ou tonneau rempli d’eau, au moyen de quoi chaque grain tombe pour ainsi
dire séparément dans l’eau. Si c’est du grain sain, son poids
le fait aller au fond; s’il est avarié, et par conséquent
léger, il flottera sur la surface.
Deux portions du bord supérieur
des barriques, l’une en avant et l’autre en arrière, sont plus
basses que les cotés, à ces portions est attachée
une auge courbe, mais inclinée vers un tuyau de décharge,
qui se vide dans un panier placé à un étage inférieur.
Le grain, en tombant dans la barrique, déplace un volume proportionnel
d’eau, qui, en débordant et s’écoutant dans t’auge circulaire
qui entoure la partie supérieure de ce vase, entraîne avec
elle le grain avarié, les semences légères et autres
matières qui flottent à la surface. Alors, d’un réservoir
supérieur, on fait arriver dans la barrique de l’eau en quantité
suffisante, au moyen d’un tuyau
pourvu d’un robinet régulateur.
L’eau s’élève donc dans
la barrique, déverse dans l’auge circulaire, chassant devant elle
tous les grains défectueux et les substances étrangères
qui peuvent encore se trouver dans le grain, ce qui complète la
séparation du bon grain d’avec le mauvais.
Le bon grain étant ainsi séparé
des déchets, et encore immergé dans l’eau, est soumis
a une violente agitation, au moyen d’une série de bras tournant
avec rapidité, établis sur un arbre vertical, qui fonctionnent
dans l’espace intermédiaire que laissent d’autres bras fixés
sur les parois du tonneau. Cette opération est répétée
dans plusieurs eaux, après des intervalles de repos,
suivant que l’exige l’état du grain; au moyen de quoi le grain
est complètement lavé et débarrassé de toutes
les matières étrangères qui pouvaient adhérer
à sa surface. Après que le lavage du grain a été
effectué sans arrêter le mouvement de rotation des bras,
on ouvre une soupape placée au fond de la barrique, et le grain
se précipite par cette ouverture dans un tube, d’où il descend
dans une trémie placée au-dessous. La trémie est
formée d’une toile métallique à travers laquelle l’eau
s’écoule pendant la descente. Cette eau est reçue dans une
trémie en bois qui entoure celle en toile métallique. Ces
deux trémies sont placées au-dessus d’un égout pour
l’écoulement et l’évacuation de l’eau. L’extrémité
[p.112] inférieure de la
toile métallique repose sur une auge en bois, à parois plates
et à fond demi-cylindrique doublé d’un métal convenable,
au-dessus duquel est uu faux fond de toile métallique de la même
forme.
Cette auge est portée sur
des pieds et inclinée vers la trémie. Elle renferme une
vis d’Archimède, en métal propre à ce service, et
dont l’extrémité inférieure est placée sous
l’ouverture basse de la trémie en toile métallique, et reçoit
le grain qui tombe. Ce grain, par le mouvement de rotation de cette vis
d’Archimède, est graduellement conduit ou mieux repoussé
un peu en haut vers l’appareil sécheur, c’est-à-dire vers
l’extrémité opposée de l’auge, où il tombe,
par une ouverture pratiquée dans la toile métallique, du
faux fond dans une caisse de décharge; l’eau qui s’est égouttée
en traversant l’auge, s’écoule dans l’égout de décharge,
par suite de l’inclinaison de l’auge.
La caisse de décharge a un fond
demi-cylindrique et une poulie tournant à l’intérieur sur
un axe horizontal, et à laquelle correspond une autre roue placée
à la partie supérieure du bâtiment pour mettre en action
une chaîne sans fin à godets ou une noria, dont les godets
circulent dans deux tuyaux ‘verticaux. Ces godets, en montant, se remplissent
de grain lavé contenu dans la caisse inférieure, et
le montent au sommet du bâtiment. Ce grain ainsi élevé
est déchargé successivement par les godets dans une manche,
d’où il descend dans l’appareil
sécheur.
Cet appareil sécheur consiste en
une série de cylindres ou tambours en toile métallique
tendue sur une carcasse en métal, placés l’un au-dessus
de l’autre dans une étuve à air chaud, et montés
sur des axes légèrement inclinés au plan de l’horizon,
mais alternativement en sens contraire. Ces tambours sont tournés
au moyen d’un engrenage ou autres moyens semblables, et ils sont disposés
de manière à recevoir successivement le grain, qui descend
graduellement de l’un dans l’autre, à mesure qu’ils circulent.
Les axes de ces cylindres tournent sur des appuis convenables, établis
dans l’étuve à air chaud, dans la partie inférieure
de laquelle on allume un feu de coke ou de charbon de bois, ou bien dans
laquelle on a établi un poêle à air chaud.
Le grain, après avoir été
ainsi séché, passe du tambour inférieur de la série
dans une trémie qui 4e conduit dans une caisse de dépôt.
Là, ce grain encore chaud est repris par une [p.113] autre série de godets appartenant
à une autre noria semblable à la première, qui le
déchargent de la même manière, par l’entremise d’une
manche, dans le tambour supérieur d’une autre série de cylindres
creux en circulation, établis dans une tour à air de la même
manière que ceux contenus dans la cheminée à air chaud;’ici
le courant ne consiste pas en air chaud, mais en un fort courant d’air
frais, qui arrive par le bas de la tour, y circule et refroidit parfaitement
le grain, avant qu’il soit définitivement décharge par le cylindre
ou tambour inférieur. Le grain, par cette série d’opérations
consécutives, est parfaitement nettoyé de toutes les matières
étrangères, rendu propre à être mis immédiatement
en œuvre ou à être déposé en magasin.
Le caractère général
de nouveauté de cet appareil, a donc consisté à
combiner un appareil ou un mécanisme propre à exécuter
successivement une série d’opérations, sans qu’il y ait
de perte de temps et d’interruption entre chacune d’elles, et dans l’ordre
qui suit:
1° Séparer le grain avarié
et léger du corps du bon grain soumis à cette opération,
en faisant tomber le grain en pluie fine sur la surface de l’eau dans
un vase approprié, au fond duquel le bon grain descend par son
propre poids, tandis que les grains avariés sont enlevés
par le déversement de l’eau par-dessus les bords du vase;
2° Soumettre le grain à une
violente agitation dans le vase rempli d’eau pour le laver et le débarrasser
de toutes les substances étrangères adhérentes
à sa surface;
3° Sécher ou évaporer
l’humidité des grains lavés, au moyen de l’air chaud qu’on
fait passer à travers, tandis qu’on les sépare les uns
des autres par un mouvement rapide de secousse qu’on leur imprime;
4° Soumettre de la même manière
le grain à un courant d’air froid pour le refroidir et le ramener
à la température où il est propre la mouture, ou
à être conservé en magasin.
Maintenant qu’on connaît la marche
générale et le but de l’appareil Meaupou, nous allons en
donner une description complète avec figures.
La fig. 124 représente une coupe
en élévation de la série des appareils employés
pour séparer, laver et sécher le grain, établis et
disposés les uns près des autres dans un même bâtiment.
La fig. 125 est aussi une coupe en élévation,
mais sur une [p.114] plus grande échelle
de l’une des barriques où on sépare et lave le grain avec
les dépendances et les mécanismes qui mettent l’appareil
en action.
A, dans la fig. 124, est une grande trémie
dans laquelle on introduit d’abord le grain à laver, et présentant
par le bas une manche à travers laquelle le grain descend dans
une trémie plus petite B, et de là dans le vase de lavage
G. L’orifice de décharge de la grande trémie est clos par
une trappe A, et celui de la petite trémie par une semblable trappe
t, toutes deux liées à un levier articulé c. L’extrémité
de ce levier c est attachée à une tige à manivelle
d, et cette manivelle portant une poulie sur son axe, on peut la tourner
avec des cordes pourvues d’une poignée. En tirant une de ces poignées,
la manivelle fait, par l’entremise du levier c, glisser les trappes a
et & de manière à ouvrir celle de la grande trémie
A, et à clore celle de la petite trémie B au moyen de quoi
le grain descend de la grande dans la petite trémie, et s’accumule
dans cette dernière jusqu’à ce qu’il soit élevé
assez haut pour fermer l’ouverture de décharge de la grande trémie.
Les trappes a et b permutent alors en tirant l’autre manche de la manivelle,
c est à-dire qu’on clos l’orifice de décharge de la trémie
A, et qu’on ouvre celui de la trémie B. Par ce moyen, la quantité
de grain contenu dans cette dernière trémie s’écoule
avec lenteur ou en filet mince par la grande gouttière plate f,
dans la barrique G. Un réservoir D, placé dans une situation
convenable au-dessus, fournit, par un tuyau g qui conduit au milieu de
la barrique G, l’eau nécessaire pour remplir complètement
celle-ci; après quoi on ferme le robinet dont ce tuyau est pourvu.
Le grain tombe alors à la surface de l’eau par la gouttière
f en filet délié, ainsi qu’il a été dit et
comme la majeure partie du grain léger et avarié flotte naturellement,
on l’entraîne par le déversement de l’eau, ainsi que l’indique
la fig. 125. Le robinet du tuyau y étant alors ouvert de nouveau,
l’eau continue à passer en courant dans la barrique G; et en montant
soulève les grains défectueux qui auraient pu plonger, les
fait flotter et les déverse par-dessus les bords de la barrique pour
les décharger dans une auge circulaire E qui conduit à un
tuyau de décharge e, où les grains avariés sont recueillis
dans un panier placé sous le tuyau.
Lorsque le grain contenu dans la trémie
B, qui renferme toute la quantité qu’on se propose de purger et
laver en une seule opération, a passé en entier dans la barrique
G, la trappe [p.115] b est fermée,
et celle a est ouverte de nouveau pour remplir la petite trémie
pour une nouvelle opération.
La séparation du bon grain du mauvais
grain ayant ainsi été effectuée, on tourne te robinet
du tuyau g, et le grain pesant qui est descendu au fond de la barrique
G est soumis à l’opération du lavage.
A cet effet, l’arbre vertical F, avec
tous ses bras h, h, h, ainsi qu’on le voit, fig. 125, monté dans
la barrique G, est mis en mouvement de rotation entre les bras fixes i,
i, i, afin d’agiter le grain, ce qui s’opère au moyen d’un engrenage
conique, ainsi que le représentent les figures.
Le mouvement circulatoire de l’arbre et
des bras doit être lent d’abord, mais peut augmenter de vitesse
à mesure que le lavage du grain avance.
Lorsque l’opération du lavage du
grain a eu tien ainsi pendant quelque temps, l’eau sale est évacuée
de la barrique G, en ouvrant la trappe k, dont l’orifice est couverte
d’une toile métallique, pour empêcher que le grain ne s’échappe.
Après qu’on a refermé cette trappe, on introduit l’eau
de nouveau pour procéder à un nouveau lavage, et ce changement
d’eau peut être répète deux, trois, ou un plus grand
nombre de fois, suivant que l’exige la condition du grain.
Lorsque l’opération du lavage est
terminée, l’eau est évacuée comme il a été
dit auparavant, et on ouvre une trappe au fond de la barrique, pour décharger
ce grain, par une chausse m, dans une grande trémie en toile métallique
G, qu’on voit en plan fig. 124. Le grain humide, en tombant dans cette
trémie, s’égoutte à travers la toile métallique,
et descend au fond pour passer de là dans t’auge inclinée
H, où circule une vis d’Archimède I. La surface extérieure
de cette vis I roule presque en contact avec un faux fond en toile métallique,
placé sur la longueur de l’auge, et à mesure que cette
vis tourne, elle entraîne graduellement en avant, dans l’auge, le
grain qui descend de la trémie, qui s’égoutte encore sur
le faux fond, et dont les eaux d’égouttage coulent, par suite de
l’inclinaison de l’auge, dans une décharge placée plus bas.
La vis d’Archimède tourne par le
secours d’un engrenage, et, par sa rotation, le grain est conduit dans
une caisse demi-cylindrique K. Dans cette caisse K, les godets n, n,
n d’une noria, en circulant sur une poulie L, ramassent le grain dans
cette caisse, et le portent au sommet du bâtiment. [p.116]
Dans une pièce, au sommet du bâtiment,
est établie une autre poulie M, correspondant à celle
L inférieure, et sur laquelle circule aussi la chaîne sans
fin des godets de la noria. Derrière la roue M, est placée
une trémie N, qui reçoit le grain à mesure qu’il tombe
des godets, d’où il passe, par une manche o, dans le cylindre supérieur
d’une série de cylindres 0 tournant sur leur axe.
Ces cylindres sécheurs, ou tambours,
sont établis en toile métallique, tendue sur une carcasse
formée d’anneaux minces en métal, dont quelques-uns portent
des croisillons qui les rattachent à l’axe. Les anneaux sont
reliés entre eux par des barettes longitudinales larges et peu
épaisses, s’étendant intérieurement et formant des
tasseaux qui, avec les anneaux, constituent autant de compartiments à
l’intérieur des cylindres. Ces compartiments ont pour objet d’interrompre
la marche des grains à mesure qu’ils avancent dans le cylindre,
à les rejeter et à ne les faire marcher que progressivement
vers l’extrémité, suivant une marche hélicoïde.
Les cylindres sécheurs sont montés
dans une étuve P, P, P, et disposés de façon que
leurs axes forment un angle d’une faible ouverture avec le plan de l’horizon,
et que, situés les uns au-dessus des autres, l’inclinaison de
chacun d’eux alterne avec celle du cylindre qui le suit, c’est-à-dire
sous des angles à sommets opposés; de manière que
le grain en descendant du cylindre le plus supérieur, tombe dans
celui immédiatement au-dessous, et voyage ainsi en zig-zag d’un
cylindre à l’autre, à mesure qu’il descend. Les cylindres
tournent par le secours d’engrenages auxquels l’arbre te plus inférieur
communique le mouvement.
Supposons que le grain délivré
par les godets a été versé dans le cylindre supérieur,
et y ait circulé ainsi qu’il a été dit ci-dessus,
il tombera définitivement, par l’extrémité de ce
cylindre, dans la trémie r, et de là dans le second cylindre,
où il circulera de la même manière.
L’extrémité de ce second
cylindre est fermée par un disque de métal portant une ouverture
à travers laquelle le grain passe dans l’intérieur. Ce disque
est fixé à la partie inférieure de la trémie,
et l’extrémité du cylindre tourne sur lui, le bord du disque
étant embrassé par un couple d’anneaux fixés sur
l’extrémité du cylindre.
L’étuve est construite, à
la partie inférieure, d’une maçonnerie en briques, et la
partie supérieure consiste en un bâtis [p.117] avec volets en bois, qu’on aperçoit
en partie dans la figure t, afin de permettre un accès facile aux
cylindres. Le foyer est construit de façon à ne pas permettre
qu’il y ait introduction de l’air, si ce n’est par les espaces entre les
barreaux ou
tubes qui forment la grille de ce foyer. Un courant d’air, produit
par l’ignition du combustible placé dans le foyer, se charge
de chaleur eh passant par le feu, monte avec une rapidité proportionnée
à celle de la combustion ou du tirage, emportant avec lui l’humidité
dont le grain qui descend est charge.
Le grain qui descend, après avoir
parcouru tous les cylindres, est reçu, au sortir du dernier de
la série, dans une manche V, qui le conduit dans une caisse qu’on
ne voit pas dans la figure, mais semblable à celle K décrite
ci-dessus. En arrivant dans cette caisse au sortir de l’appareil sécheur,
le grain est repris par une seconde noria, qui le monte au sommet d’une
tour à courant d’air froid, que nous avons jugé inutile
de faire représenter. Les godets, à mesure qu’ils le déversent,
le font passer par une trémie et une manche, dans l’extrémité
d’un premier cylindre refroidisseur, en tout semblable au cylindre O, où
il éprouve précisément les mêmes opérations
que dans le procédé de séchage; de là il s’écoule
dans un second, et ainsi de suite jusqu à ce qu’il ait parcouru
toute la série de ces cylindres, et arrive au dernier qui le déverse,
par une manche ou un tuyau, sur le carreau du magasin ou dans des récipients
placés pour le recevoir, ce qui complète l’opération,
puisque le grain est alors nettoyé, lavé, séché
et refroidi, et par conséquent propre à être livré
à la meule, ou déposé en magasin pour les approvisionnements.
La tour à air froid est pourvue
de fenêtres par le bas, et de volets sur les côtés;
pour permettre un libre accès aux cylindres, afin de les disposer,
de les raccommoder, ou pour tout autre objet.
L’appareil qu’on vient de décrire
a deux norias, deux séries de cylindres sécheurs dans l’étuve,
et autant dans la tour à air froid, pour quatre barriques de
lavage; mais, quand on ne fait usage que de deux barriques, il ne faut
qu’une noria et une série de tubes sécheurs ou refroidisseurs
et c’est d’après ce rapport qu’on peut, en cas de besoin, donner
plus d’extension à l’appareil.
La force motrice qui donne le mouvement
à l’ensemble du mécanisme de cet appareil, ainsi qu’aux
tire-sacs qui desservent [p.118] tout rétablissement,
est produite par une machine à vapeur de dix chevaux, construite
dans les ateliers de M. Halette, d’Arras.
«Au premier abord, continue M. Odolant-Desnos,
, etc.»
[Malepeyre cite pour finir
tout du long la fin du texte du rapport de 1838 reproduit ci-dessus
(B. G.)]
|
Appareil de Maupeau:
1) un exemplaire
à Étampes au moulin dit à Tan (1836)
2) un exemplaire à Viilette (1838)
|
8) Mention neutre
par Alcan et Laboulaye (1847)
Dictionnaire des arts et manufactures
1847
|
On cherche depuis
longtemps une bonne méthode de nettoyage par voie humide. Ce mode
de purification présenterait beaucoup d’avantages, mais jusqu’à
présent la solution complète de la question n’a pas été
obtenue. Le lavage du grain est assez facile à exécuter,
mais le desséchage paraît offrir de grandes difficultés.
Quoi qu’il en soit, M. de Maupeau [sic]
a pris, en 1834, un brevet d’invention pour une machine qui paraît
assez satisfaisante. Le blé, après avoir été
lavé, parcourt successivement une série de cylindres animés
d’un mouvement de rotation, et disposés dans une chambre de forme
pyramidale faisant cheminée, et dans laquelle passe un courant
d’air sec et chaud. En sortant de cette chambre, le grain circule dans
une nouvelle série de cylindres et reprend rapidement la température
ordinaire.
L’appareil construit par M. de Meaupeau
[sic] peut nettoyer, laver et
sécher 300 hectolitres de grain par 24 heures. Nous n’avons pas
été à même d’apprécier jusqu’à
présent ses résultats économiques.
|
Alcan et Laboulaye, Dictionnaire des arts et
manufactures, 1847, colonnes 2761-2762.
|
9) Description bienveillante
mais défavorable par Augustin Rollet (1847)
Dictionnaire des arts et manufactures
Appareil de M. de
Meaupou.
L’appareil dont on attendait les plus grands
avantages, et qui, lors de son apparition, avait été signalé
comme devant être la cause d’un progrès réel, est
sans contredit celui de M. de Meaupou. Nous avons eu occasion de l’examiner
en détail chez M. Mainiel, à Poitiers, et nous l’avons
vu fonctionner à la Villette, dans le superbe entrepôt de
M. Thoré.
Ce système se divise en trois parties
distinctes : le laveur, un appareil de séchage par la chaleur,
et un appareil refroidisseur.
Une trémie ouverte dans le plancher
du deuxième étage conduit le grain jusqu’à une
cuve au centre de laquelle est un arbre vertical traversé par
des barres ou batteurs qui se meuvent entre d’autres batteurs fixés
à la cuve. L’arbre vertical reçoit un mouvement de rotation
par un arbre de couche garni de pignons qui s’engrènent sur des
roues d’angles fixées à l’extrémité des
axes.
Lorsqu’on commence à laver, on
introduit une certaine quantité d’eau par la partie inférieure
des cuves, et les batteurs font cent trente tour s à la minute ;
après une agitation qui a duré environ trois minutes, on
désembraye, et on laisse entrer l’eau jusqu’à ce qu’elle
passe par-dessus les bords, de manière à entraîner
les mauvaises graines et les corps légers qui sont montés
à la surface. On laisse échapper l’eau sale, on la remplace
par de l’eau propre; on agite de nouveau, on arrête le mouvement, puis
on fait encore entrer de l’eau jusqu’à ce qu’elle passe par-dessus
les bords, de manière à entraîner les corps légers
qui sont venus à la surface; puis on laisse écouler l’eau
et l’on répète cette opération deux, trois et quatre
fois, suivant que le blé est plus ou moins sale. Ces lavages durent
toujours six à huit minutes.
Si le blé n’est pas très-salé,
ou si l’on ne tient pas à le laver parfaitement, on ne donne
aux agitateurs qu’un mouvement de vingt-cinq tours à la minute,
et l’eau n’est pas renouvelée aussi souvent que nous venons de
l’indiquer.
Lorsque le lavage est terminé,
on ouvre les soupapes pratiquées au-dessous des cuves; le grain
tombe avec l’eau dans une auge dont le fond est en toile métallique;
l’eau s’écoule à travers les mailles de la toile, et [p.85] le grain est conduit par une hélice
vers une chaîne à godets qui le transporte au troisième
étage. Il est alors soumis à l’action de l’appareil sécheur
qui se compose de sept cylindres superposés les uns aux autres,
également inclinés deux à deux, et ayant un mouvement
de trente tours à la minute. Le grain passe de l’un à l’autre
des cylindres sans le secours de l’homme et sort très-sec, en apparence,
lorsqu’il abandonne le septième cylindre.
Ces sortes de cribles cylindriques en
toile métallique sont chauffés à feu nu par un fourneau
placé au rez-de-chaussée, alimenté avec du coke. Pour
empêcher les petites graines qui passent à travers les cylindres
de tomber dans le feu et de produire de la fumée, et pour éviter
que l’eau qui suinte des cylindres supérieurs ne communique un
excès d’humidité aux cylindres inférieurs, on a
disposé au-dessous de chacun d’eux des feuilles de tôle formant
diaphragme; mais ces plaques ont le désavantage d’empêcher
l’air chaud d’arriver directement aux cylindres. Pour concentrer la chaleur
dans l’appareil on le revêt d’une chemise en tôle.
A la sortie des cylindres étuves,
le grain est transporté par une chaîne à godets au
troisième étage, pour être versé ensuite dans
les cylindres refroidisseurs qui sont disposés de la même
manière que les cylindres chauffeurs; seulement cet appareil est
pourvu d’une cheminée d’appel destinée à opérer
une ventilation. Le blé, après avoir parcouru la série
des cylindres refroidisseurs, tombe sec et à la température
de l’air ambiant dans des sacs disposés pour le recevoir.
Le système complet, qui est composé
de quatre trémies, quatre cuves, deux hélices, quatre
chaînes à godets, quatorze cylindres étuves, quatorze
cylindres refroidisseurs, disposés sur deux rangs, et d’une pompe
capable de fournir l’eau nécessaire au lavage, exige l’emploi d’une
force de six chevaux. La dépense en coke est de 5 hect. 50 pour
le séchage de 100 hectolitres de blé, et l’appareil peut
laver et sécher environ 430 hectolitres par jour. (Voir pl. VI,
fig. 8 et 9.)
On nous a assuré que les machines
proprement dites que nous avons vues à Poitiers, sans y comprendre
le moteur, les transmissions de mouvement, l’érection des bâtiments
et divers accessoires, etc., etc., ont coûté 22,000 fr.
; je ne rapporte cette particularité que pour faire sentir combien
l’industrie de la meunerie, qui sur plusieurs points de la France, [p.86] a mis en essai le moyen de M. de Meaupou,
sans malheureusement en avoir tiré le parti qu’elle en attendait,
est portée à attacher un grand prix à des procédés
qui dans tous les temps lui donneraient la possibilité de laver
et de sécher parfaitement le blé.
Lorsqu’on examine le système que
nous venons de décrire, on se demande pourquoi, avant de soumettre
le blé au lavage, on ne l’a pas débarrassé des pierres
et d’une partie de la poussière qu’il contenait. Car le blé
ainsi préparé, à l’aide de moyens simples et exigeant
peu de force, n’aurait pas eu besoin de rester autant de temps dans l’eau
pour se nettoyer, et il aurait eu moins de chances de se charger d’humidité.
On peut aussi regretter que dans cet
appareil le blé ne soit qu’agité, et qu’il ne reçoive
pas l’action d’un frottement assez fort pour le débarrasser des
corps adhérents à sa surface. De plus, le grain se rend
avec l’eau de lavage dans des conduits dont les parois sont toujours très
mouillées, et qui communiquent avec les vis sans fin conservant
aussi beaucoup d’humidité; il arrive très-mouillé
à une noria dont les godets percés par le fond égouttent
les uns dans les autres, et c’est dans cet état qu’il est versé
dans le premier cylindre sécheur. Si au sortir des cuves le blé
eût été parfaitement essuyé et porté
immédiatement à l’étuve, c’eût été
remédier à un inconvénient, et les trois premiers
cylindres chauffeurs n’auraient pas toujours été remplis
d’une grande quantité de vapeur dont on ne peut se débarrasser
qu’en faisant une dépense considérable de combustible.
On a remarqué que le blé
en sortant de cet appareil se trouvait plus lourd qu’avant d’y avoir
été soumis; ainsi 100 kilogrammes de blé lavés
et sèches pesaient, par exemple, 101 ou 102 kilogrammes. Le blé
ainsi nettoyé était lisse et coulant à la main,
et il avait cependant absorbé 1 ou 2 p. 0/0 d’humidité.
Les rapports des boulangers viennent
confirmer cette remarque; ils constatent que la farine provenant de blés
ainsi lavés ne rend pas au pétrin, et que pour obtenir la
manipulation facile de cette farine et autant de pain qu’avec les farines
ordinaires, il faut la conserver pendant deux mois sur les planchers, afin
de lui faire perdre la quantité d’humidité qu’elle avait acquise
par l’opération du lavage du blé et de son séchage
imparfait. [p.87]
En résumé,
le blé lavé et séché a une belle apparence;
et, bien que la farine qui en provient soit très-blanche, elle
se prête difficilement au travail de la panification : cependant
la pâte qu’on en obtient est d’une grande blancheur; seulement la
mie du pain affecte, après la cuisson, une teinte légèrement
colorée en bleu.
Nous avons cherché à nous
rendre compte de ce dernier phénomène, et voici l’explication
que nous pensons pouvoir en donner.
|
Planche VI, figures 8 et 9 (scan de
la BNF)
Légende
de la pl. VI (p. 551)
Laveur et sécheur de blé par M. de Meaupou
(Fig. 8 et 9).
A. Trémies.
B. Auges en forme de
tonneaux.
C. Vis sans fin.
D. Chaînes à
godets.
E. Cylindres sécheurs.
F. Foyer.
G. Chaines à
godets.
H. Cylindrs refroidisseurs.
I. Soupapes servant
à mesurer le blé répandu dans les tonnes.
Planche VI, figures 8 et 9 (scan de
la BNF)
Légende
de la pl. VI (p. 551)
Laveur et sécheur de blé par M. de Meaupou
(Fig. 8 et 9).
A. Trémies.
B. Auges en forme
de tonneaux.
C. Vis sans fin.
D. Chaînes à
godets.
E. Cylindres sécheurs.
F. Foyer.
G. Chaines à
godets.
H. Cylindrs refroidisseurs.
I. Soupapes servant
à mesurer le blé répandu dans les tonnes.
|
II nous a
semblé que le grain, qui tombe encore mouillé dans des cylindres
en toile métallique exposés à une haute température,
entraîne une certaine quantité d’oxyde qui ne peut manquer
de se former dans de pareilles conditions. Cet oxyde, suivant nous, adhère
au grain, ou se fixe entre ses lobes, et il reste mélangé
à la farine en si petite quantité qu’il n’en altère
pas sensiblement la blancheur. En présence du tannin contenu dans
la farine (1), et sous l’influence de l’eau qui
entre dans la pâte et de la chaleur du four, cet oxyde de fer se combine
avec l’acide gallique provenant du tannin et forme ainsi un gallate de fer
d’une couleur brun bleuâtre. Les expériences que j’ai fait
faire à la boulangerie de Rochefort sont confirmatives de l’explication
donnée ci-dessus: ainsi, lorsque l’oxyde de fer est employé
à la dose de 5 grammes sur 1,200 grammes, le pain n’affecte plus la
couleur brun bleuâtre, mais bien une couleur brune; à la dose
de 1 ou 2 grammes sur 1,200 grammes, la teinte est un peu bleuâtre.
|
(1) Dans la farine la plus blanche il
existe toujours des particules d’écorce de blé qui contiennent
du tannin.
|
Le système
ingénieux de M. de Meaupou a été presque abandonné;
néanmoins nous espérons que les recherches auxquelles il
a donné lieu ne seront pas entièrement perdues pour l’industrie.
Du reste, voici le parti qu’on en tire
aujourd’hui : M. Thoré, gérant de l’entrepôt général
des grains, situé à La Villette, qui se sert de l’appareil
Meaupou, n’en fait que très-peu d’usage pour laver et sécher
les blés: le lavage est presque abandonné; mais le système
de nettoyage à sec et de séchage des blés humides
et avariés reçoit fréquemment d’utiles applications.
|
|
Je crois
devoir mentionner ici deux résultats obtenus pendant l’année
1841. [p.88]
En mai, il a été donné
à sécher 1,702 quint. 03 kilogrammes de blé qui était
dans un état complet de fermentation.
On a obtenu en blé séché,
bien coulant à la main, mais d’une anture un peu pâle
|
1,617 q. 46 k.
|
(Totaux)
|
En criblure belles
|
26 q. 70 k.
|
1,644 q. 16 k.
|
Déchet d’évaporation
3 p. 100
|
56 q. 67 k.
|
|
Déchet en poussière
et mauvaises criblures
|
1 q. 20 k.
|
57 q. 87 k.
|
Total égal
|
|
1,702 q. 03 k.
|
Dans le même mois il a été
donné à nettoyer et à sécher 2,399 quint.
10 kilogrammes de blé très-humide, mélangé
de blé d’Odessa qui menaçait de se gâter entièrement.
Le grain passé à l’appareil,
on a obtenu en blé séché
|
2,283q. 15 k.
|
En criblures bonifiées
|
81 q. 60 k.
|
Déchet d’évaporation
|
54 q. 35 k.
|
Total égal
|
2,399 q. 10 k.
|
Poids brut
|
Première opération
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1,644 q. 16 k. |
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Deuxième opération
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2,283 q. 15 k.
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3,927 q. 31 k.
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A déduire le poids de 2,426
sacs de 1 k. ½
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36 q. 39 k.
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Reste en blé propre à
la consommation
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3,890 q. 92 k.
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Sept mois après l’opération
du séchage, l’entrepôt a remis à son client 3,890
quint. 92 kilogrammes de blé parfaitement sain, bien qu’il eût
été conservé sur une épaisseur de 90 centimètres
et qu’il n’eût subi aucun pelletage, et il lui a remis en outre
81.60 de criblures bonifiées.
J’ai dû rechercher si la dépense
nécessaire pour arriver à de pareils résultats
ne dépassait pas les frais de conservation des blés par
les moyens ordinaires, et voici où je suis arrivé:
Conservation des blés par
les moyens ordinaires, par quintal métrique pendant 7 mois. [puis] Conservation des blés
à l’aide du séchage, par quintal métrique pendant
7 mois.
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Déchets sur les planchers
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0,37
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Pelletage et criblage
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0,49
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Entrées et sorties
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0,19
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0,19
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Séchage
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0,60
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Magasinage et assurance
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0,49
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0,49
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Pour 7 mois par quintal métrique
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1,54
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1,28
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[p.89]
Ainsi le client de M. Thoré, tout
en lui accordant un bénéfice, a non seulement évité
de perdre ses grains, qui étaient très-avariés,
mais encore il a dépensé, par quintal, 26 c. de moins que
s’il avait eu à conserver par les procédés ordinaires
des blés de bonne qualité.
L’appareil de M. de Meaupou, bien qu’il
soit imparfait, pourrait donc recevoir une application utile; car, tel
qu’il est, on doit le préférer à la touraille des
brasseurs, dont on fait un usage si multiplié dans tout le nord de
l’Europe.
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10) Note négative
de Barré de Saint-Venant (1850)
Programme proposé pour le cours de
génie rural
1850
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De la Meunerie.
Nettoyage plus parfait du blé.
1°. Sans emploi de l’eau.
Chute du blé d’une grande hauteur sur
une surface raboteuse, pour le débarrasser de la poussière
et des villosités.
Méthode saxonne consistant à le
faire passer entre deux meules non serrées. — Meules eh bois sillonnées
de fils de fer. — Méthode analogue de MM.Fairbairn el Alexander.
— Meules en pierre très-légères non rayonnées;
ensuite ventilateur.
Méthode de M. Gravier. — Chute du blé
dans deux boîtes où des batteurs tournants le lancent sur
des parois en tôle piquée.
Ramoneries ou emploi de brosses. — Appliquées
sur deux meules en bois. — Sur un cylindre tournant ou oscillant dans
un autre cylindre de toile métallique.
Inconvénient des brosses.
Tarare à émotteurs. — Cylindre
vertical à ailettes à l’intérieur de ce tarare.
— Sas à marteau. — Action du tarare ventilateur ensuite.
2°. Par la voie humide.
Méthode de lavage du blé employée
dans le midi de la France. — Méthodes de lavage et de séchage
de MM. Gosme, de Meaupou, Cartier. — Inconvénients du trop long
séjour du grain dans l’eau, de l’absence de frotttage et d’essuyage,
et de l’imperfection du séchage manifestée par une augmentation
de poids.
Appareil de M. Hébert, de Londres. — Mélange
et agitation du grain avec du gravier. — Mêmes inconvénients,
outre celui des grains de sable restés parmi les grains de blé.
Appareil de MM. Lasseron et Rollet fonctionnant
d’une manière continue. — Grain froissé par deux meules,
el immergé pendant deux minutes seulement dans une cuve, d’où
une toile sans fin le retire et le porte contre des cylindres garnis d’éponges
qui l’essuient, el qui, aussitôt pressées d’un autre côté
par d’autres cylindres pour expulser leur eau, reviennent en contact
avec d’autre grain, qu elles essuient de même avant que ce grain
passe dans un cylindre séchenr en bois garni de tringles qui le
tiennent en suspension dans un courant d’air tiède.
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11) Critique du comte
de Pontécoulant (1862)
Société d’agriculture,
sciences et arts de Meaux
1862
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[...] Voici maintenant l’expérience
à laquelle je me suis livré avec M. Ch. Fougeroux : j’ai
pris dans un sac que l’on m’a présenté une certaine
quantité de blé atteint par les charançons, qui se
montraient à l’oeil à l’état vivant. Ce blé
a été mis dans une balance, il pesait 4 k. 200 gr.; la température
des coffres fut élevée à 110 degrés centigrades
constatés par un thermomètre adhérent aux coffres;
le blé introduit dans l’espace réservé entre les
deux boîtes, le thermomètre est descendu aussitôt
à 95 degrés centigrades. Après être resté
à cette température pendant 90 secondes, on a ouvert la
trappe inférieure et le blé est tombé sur un crible.
Le grain passé à ce crible a été
de nouveau pesé et il a présenté un poids de 4 k.
150 gr. ou 50 gr. de déficit. Le résidu que j’ai eu soin
de vous rapporter vous montrera les charançons et leurs larves
à l’état de dessication complète.
Voilà donc la dessication et l’épuration
du grain bien constaté, mais il me restait une dernière
expérience à faire : il me fallait savoir si ce haut degré
de température auquel on avait tenu le grain ne lui avait pas
fait perdre ses qualités germinatrices. Je soumis donc une
partie de ce grain à l’acte de germination, mais vainement. Je
m’empressai, au bout de quelques jours, de faire part à M.
Fougeroux de l’état dans lequel se trouvait le grain soumis à
l’expérience: il était mou, renfermant une matière
visqueuse.
M. Fougeroux, qui de son côté avait
fait la même expérience, et qui n’avait pas mieux réussi,
fut aux informations sur l’origine de son blé, eil apprit que
ce grain avait été déjà soumis au moyen de
dessication imaginé par M. Meaupou. Ceci nous prouva deux choses
: 1° l’inefficacité de ce procédé pour la destruction
du charançon et de ses larves, car ce blé en était
rongé malgré la manipulation que l’on lui avait fait subir,
et 2° la destruction complète du germe.
Je pris alors avec M. Fougeroux un nouveau rendez-vous;
nous opérâmes sur un autre blé. Pour bien constater
l’expérience, on éleva le degré de température
des boîtes à 120 degrés centigrades, on y introduisit
2 k. 500 gr. de blé. Après son introduction, le thermomètre
indiqua 105 degrés centigrades; on maintint la température
à ce degré pendant 90 secondes qu’on y laissa le grain.
Pesé après avoir été passé au crible,
le grain présenta un poids de 2 k. 470 gr., environ 30 grammes
de déficit. Une petite partie du blé fut soumis à
l’acte de la germination et il a parfaitement réussi. [...]
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12) Mention des efforts
pionniers de Meaupou par Armangault aîné (1878)
Publication
industrielle des machines, outils et appareils 24 (1878), pp. 364-365
1878
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[...] Le premier en date
est M. de Maupéou, qui, l’un des plus persévérants
propagateurs de l’épuration des grains par lavage, avait monté
à l’Entrepôt général de la Villette, un système
complet avec lequel le directeur, M. Thoré, a pu traiter des blés
humides et avariés à des […] [La suite
du texte n’est pas accessible pour l’instant sur la Toile (mars 2011)]. [...]
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B.G., 5 mars 2011.
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sera la bienvenue. Any criticism or contribution
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