Le
comte de Poilloüe de Saint-Périer
Un grand savant vient de disparaître, qui fut à la fois préhistorien,
naturaliste, archéologue et historien : sa perte nous est particulièrement
sensible car, aux «Amis d’Étampes», nous étions
à même d’apprécier ses hautes qualités.
Né dans le Loir-et-Cher, à Biou, près
de Chambord, dans la famille de sa mère, le 18 août 1877,
il était fils du comte Guy de Poilloüe de Saint-Périer
et de Maximilienne de Kergorlay.
Il est décédé le 12 septembre
1950, en son château de Morigny, dans cette maison pleine de souvenirs
du passé: personne de ceux qui ont reçu son accueil ne pourra
l’oublier.
Il fit ses études de médecine
à Paris de 1898 à 1903. Reçu docteur, il se consacra
d’abord à la biologie. Un véritable vocation l’entraînait
depuis son adolescence vers cette science captivante, dont il avait considéré
ses études de médecine comme une préface, mais l’usage
du microscope fit peser de telles menaces sur sa vue qu’il dut y renoncer
et c’est ainsi qu’il se tourna vers l’archéologie et la préhistoire,
où il devait devenir un maître. Mais en qualité
de médecin-major de 1ère classe, il fit toute la guerre
de 1914, réengagé volontaire, après réforme,
pour troubles oculaires, en 1915.
Comme préhistorien et archéologue,
il débuta en Seine-et-Oise par des fouilles gallo-romaines à
Souzy-la-Briche, d’où il tira une superbe mosaïque qu’il
donna au Musée d’Étampes en 1911.
En Haute-Garonne, à Lespugue, il avait
entrepris en 1911 des fouilles préhistoriques, qui furent interrompues
par la guerre. Il les reprit ensuite et découvrit, en 1922, la
belle statuette aurignacienne en ivoire, vieille de plus de 40.000 ans,
devenue célèbre sous le nom de «Vénus de Lespugue»,
et conservée aujourd’hui au Musée de l’Homme.
Dans l’Ardèche, dans les Basses-Pyrénées
surtout, à Isturitz, il poursuivit d’autres fouilles préhistoriques
qui sont des modèles de rigueur scientifique comme les publications
qu’il leur a consacrées. Il a recueilli au cours de ses recherches
des pièces d’une valeur inestimable dont, avec un entier désintéressement,
il a fait don aux Musée nationaux.
Il fut nommé conservateur du
Musée d’Étampes en remplacement de M. Girondeau, décédé,
le 19 mai 1931.
Président de la Société
des Amis du Musée dès 1914, il le resta jusqu’en 1945, date
à laquelle cette société procéda à
sa dissolution pour aider à la création de la Société
des Amis d’Étampes. Le comte de Saint-Périer, membre fondateur
de cette Société fut nommé Président de la
section d’archéologie et le Bulletin des Amis d’Étampes
publia régulièrement ses communications comme le Bulletin
de la Société de la Société des Amis du Musée.
Son ouvrage capital sur notre région
est cette Grande histoire d’une Petite Ville: Étampes, que
publia, en 1938, la Caisse d’Épargne d’Étampes, pour célébrer
son centenaire et qu’a couronné l’Institut. Il faut relire ce volume
écrit avec talent, imprégné d’un souci constant de
l’exactitude et enrichi des trouvailles de cet infatigable chercheur qui
devait périr à la tâche. Sans vouloir diminuer lesmérites
d’un Montrond, d’un Léon Marquis, d’un Maxime Legrand ou d’un Louis-Eugène
Lefebvre, je dois dire que le comte de Saint-Périer est le plus
grand historien d’Étampes que nous ayons eu depuis Dom Basile Fleureau.
Il a su non seulement écrire un ouvrage capital, mais aussi nous
communiquer sa passion pour notre cité et les faits qui s’y sont
déroulés, pour ses monuments qui ont survécu au temps
et aux calamités de toutes sortes. J’ai écrit qu’il était
notre chef de file: il n’en est pas un parmi nous qui ne le reconnaisse
en partageant la douleur que sa perte nous a causée.
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Son œuvre et son nom sont immortellement attachés à la
ville d’Étampes; je pense qu’une rue ne tardera pas à porter
la désignation du grand historien.
Les nombreux articles qu’il publia depuis 1938
dans l’Abeille d’Étampes, dans le Journal d’Étampes,
dans le Journal de Seine-et-Oise et son étude sur le duc
de Berry, dans l’Almanach d’Étampes en 1948, complètent
cette histoire et laissaient prévoir la publication d’une édition
augmentée. Nous souhaitons que cette nouvelle édition soit
rendue possible malgré la rigueur des temps.
Ses titres divers rendaient honneurs à
sa haute personnalité: Auxiliaire de l’Institut, Membre de la Commission
des Monuments Historiques, Président honoraire de la Société
Préhistorique française, Président du Conseil d’Administration
et du Comité de Perfectionnement de l’Institut de Paléontologie
humaine.
Comme
conservateur du Musée d’Étampes, il se dévoua avec
désintéressement, mais, dans l’exercice de ses fonctions,
il fut considérablement gêné par le manque de stabilité
des locaux destinés à abriter les collections. Néanmoins,
il aura laissé le souvenir d’un conservateur très informé
des choses locales et très avisé dans l’estimation de leur
valeur.
Comme écrivain scientifique,
il a publié des études dans divers revues et journaux spécialisés
comme l’Anthropologie, la Revue anthropologique, le Bulletin
de la Société des Antiquaires de France, les Annales
de la Société Historique et Archéologique du Gâtinais,
les Bulletins de la Commission des Antiquités de Seine-et-Oise,
de la Société des Amis d’Étampes,
de la Société des Amis du Musée d’Étampes,
etc… Tous ces articles offrent un intérêt qu’apprécient
particulièrement les lecteurs de ces savantes publications.
Le comte de Saint-Périer fut un homme
distingué, racé, en qui tout plaisait, sa courtoisie, son
caractère affable, sa bienveillance pour ceux qui s’efforçaient
de suivre ses traces tant dans l’Histoire que dans l’Archéologie,
cet empressement qu’il mettait à les guider et la distinction de
sa personne, se manifestant même dans l’inflexion grave et douce à
la fois de sa voix.
Nous avons perdu en lui un ami, et cette perte
nous est d’autant plus sensible que le comte de Saint-Périer avait
éveillé en nous une sympathie et une affection fraternelles.
Et c’est avec un culte suscité par ses
grands mérites que nous continuerons à lire les belles pages
qu’il nous a laissé sur l’histoire d’Étampes et sur tant
d’autres sujets, traités avec le même bonheur par cette
vaste intelligence à qui rien n’était étranger.
Rendons ici hommage à Mme la
comtesse de Saint-Périer qui fut pour son mari une compagne très
dévouée et une collaboratrice dont nous apprécions
la compétence dans les matières historiques, archéologiques
et artistiques que cultiva si brillamment son mari.
Adrien GAIGNON
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