Sermon sur Saint Bernard
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Il ne se montroit que pour faire sentir Jésus-Christ par des bienfaits
miraculeux; [p.233] encore même craignoit-il
ses propres miracles, et il n’osoit les faire à Clairvaux, de peur
d’attirer dans sa solitude le concours des peuples.
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L’amour de son
désert lui fit refuser l’évêché de Rheims et celui
de Milan. Loin donc, filles de Bernard (1), loin
ces songes flatteurs qui pourroient enchanter vos sens! Loin cette figure
maudite qui passe (2); ce monde, fantôme
de gloire qui va s’évanouir! Enfin si l’on a vu Bernard sortir plusieurs
fois de Clairvaux, c’est par les ordres exprès du pape, et pour les
plus pressans besoins de l’Église. Alors c’étoit Jean sorti
du désert pour rendre témoignage au sauveur et pour instruire
sans crainte les rois (3). Il est temps, mes
frères, de vous le faire voir dans ce travail apostolique.
Second point.
Dans le douzième
siècle de l’Église, Dieu irrité contre les hommes avoit
frappé de sa verge de fer les pasteurs de son peuple (4); le troupeau languissoit loin des pâturages,
à la merci des loups dévorans. L’antipape Anaclet allume un
feu qui court de royaume en royaume, et rien ne peut l’éteindre. Innocent
II, choisi pour ses vertus, succombe, et se sauve à Pise. Les nations
flottantes ne savent où est le vrai pasteur. L’Église de France
assemblée à Étampes (5),
ne voit que Bernard qui en puisse décider, et elle attend que Dieu
parlera par sa bouche. En effet, éclairée par lui, elle tend
les bras et ouvre son sein au vrai pontife fugitif. Aussitôt je vois
Bernard ranimer par la vigueur de ses conseils le pape et les cardinaux; ramener
à l’unité, par ses douces insinuations, le roi [p.234] d’Angleterre; arrêter par l’autorité de sa
vertu l’empereur Clotaire qui veut profiter du trouble pour renouveler sa
prétention des investitures; engager même ce prince à
amener Innocent à Rome, pour détrôner le superbe Anaclet;
faire tenir un concile à Pise, où tout l’Occident, d’une seule
voix, excommunia l’antipape; enfin vaincre la ville de Milan obstinée
dans le schisme, en déployant sur elle par ses miracles toute la vertu
du très-haut. Ainsi parle, ainsi agit l’homme de Dieu, quand Dieu
l’envoie.
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1. Allusion à l’auditoire du sermon, apparemment constitué
au moins en partie de religieuses cisterciennes. Notons que la plus grande
des abbayes cisterciennes est celle de Vaucelles, à Cambrai, ville
dont Fénelon est évêque.
2. Allusion
à la Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens, VII,
31: nous ne devons pas nous attacher à ce monde qui est appelé
à disparaître.
3. Allusion à Saint
Jean Baptiste, qui, après sa prédication au désert de
Judée, fut arrêté par la police d’Hérode pour
avoir publiquement dénoncé une faute morale de ce prince.
4.
Allusion au Psaume
II, 9.
5. Il s’agit du concile d’Étampes de 1130, auquel nous
consacrerons plusieurs pages.
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Et toi, fier duc d’Aquitaine, qui soutiens encore de tes puissantes mains
le schisme penchant à sa ruine, tu seras toi-même, comme un nouveau
Saul, abattu et prosterné pour être converti (6). Tu frémis, tu ne respires contre les saints
que sang et que carnage (7). En vain tu fuis
la conférence de l’homme de Dieu; en vain tu persécutes les
pasteurs; tu tomberas. Arrête, voici Bernard qui vient à toi
avec l’eucharistie dans ses mains. Je vois son visage enflammé, j’entends
sa voix terrible. Écoutons, mes frères, ce qu’il lui dit: «Toute
l’Église vous a conjuré, et vous avez rejeté ses larmes...
etc.» À ce coup foudroyant, le persécuteur tombe aux
pieds de Bernard, et on ne peut le relever; ce lion rugissant devient un
agneau.
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6.
Allusion à la Conversion
de saint Paul, anciennement persécuteur de l’Église sous le
nom de Saul, puis son plus ardent prosélyte.
7.
Poursuite de l’allusion à
Paul, inspirée par les Actes des apôtres, IX, 1.
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Hâtons-nous, mes frères,
de suivre notre saint. [p.235] Bernard, comme un éclair,
perce de l’Orient jusqu’à l’Occident (8).
Le voilà déjà jusque aux extrémités de
l’Italie. En passant à Rome, il a donné le coup mortel au schisme
naissant. Les justes y sont consolés, les égarés reviennent
sur leurs pas, l’édifice d’orgueil et de confusion (9) est sapé par les fondemens. Roger, roi
de Sicile, par lequel le schisme respire encore, veut faire conférer
à Salerne Bernard avec Pierre de Pise, profond jurisconsulte et grand
orateur, attaché au parti d’Anaclet. Discours insinuans et persuasifs
de la sagesse humaine, vous ne pouvez rien contre la vérité
de Dieu. Le prince, endurci comme Pharaon (10),
sera vaincu dans une bataille, selon la prédiction de Bernard; et Pierre
de Pise, frappé par la voix de l’homme de Dieu, viendra humble et
tremblant aux pieds du vrai pasteur qu’il a méconnu.
C’en est fait, mes frères,
c’en est fait; les dernières étincelles d’une flamme qui avoit
volé dans toute l’Europe, s’éteignent: tout est fait un seul
pasteur, un seul troupeau; et Bernard, qui avoit travaillé sept ans
à la réunion, partit de Rome cinq jours après qu’elle
fut consommée, pour rentrer dans sa solitude.
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8. Fénelon pour décrire la carrière de
Bernard s’inspire ici de ce que la Première lettre de Clément
dit de celle de saint Paul.
9. Allusion à
la Tour de Babel et à l’étymologie de ce nom que sous-entend
Genèse XI, 9: Confusion. Cet épisode
où la première humanité fut divisée est traditionnellement
considérée comme le symbole des hérésies et des
schismes qui déchirent l’Église..
10. Allusion à l’endurcissement
par Dieu de Pharaon face à la prédication de Moïse selon
le Livre de l’Exode VII, 3.
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Bibliographie provisoire
François de SALIGNAC DE LA MOTHE FÉNELON,
«Sermon sur Saint Bernard», in Jean Edme Auguste GOSSELIN &
Augustin Pierre Paul CARON [ed.], Fénelon: Sermons et entretiens
sur divers sujets, publiées d’après les manuscrits originaux
et les éditions les plus correctes, avec un grand nombre de pièces
inédites, Versailles, J.-A. Lebel & A. Leclère [«Œuvres
de Fénelon» 17/35], 1823 [d’où une édition numérique
des pages 173-316 (en mode texte; 230 Ko), Paris, INALF («Frantext»
Q358), 1961, mise en ligne par la BNF, gallica.bnf.fr (2000), N088312, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=N088312],
pp.222-244 [Notre extrait, «Saint Bernard et le schisme d’Anaclet»:
pp. 232-235].
Dans le Corpus Étampois
Bernard GINESTE, «Geoffroy de Clairvaux: Miracles de saint Bernard
sur la route de la Diète d’Étampes (1146)», in Corpus
Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-12-geoffroy1146bernard.html, 2003-2008.
Bernard GINESTE, «Louis Bail: Concilium Stampense (extrait
de la Summa Conciliorum Omnium, 1645)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/cls-17-bail1645concilia.html, 2003.
Bernard GINESTE [éd.], «Fénelon, Sermon sur saint
Bernard (extrait concernant le concile d’Étampes de 1130)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-18-fenelon-stbernard.html,
2003.
Bernard GINESTE [éd.], «Image pieuse: Saint Bernard
au concile d’Étampes de 1130 (fin XIXe s.)», in Corpus
Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-imagepieuse-stbernardaetampes.html,
2003.
Bernard GINESTE [éd.],
«Auguste Allien: Solennité
de Saint-Bernard (Abeille d’Étampes, août 1875)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18750822solennite-stbernard.html, 2008.
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ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
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