| Barthélemy Durand, maire d’Étampes
                                                                        
      Lettre au préfet de Seine-et-Oise
                                                                         
     
      
                                                                        
      15 décembre 1944 
 Document découvert par
    Bruno Renoult,
 ici édité pour la première  fois,
 avec des notes provisoires de Bernard 
   Gineste
 
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                   | Brève 
    introduction
 
 
               
                 
                   |   
 Barthélémy 
   Durand
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                     Les premiers
 éléments de l’armée  des États-Unis   d’Amérique
 à pénétrer dans  la commune d’Étampes   le firent
 le 22 août 1944 à 6h du  matin.  L’histoire de la  présence
 américaine dans notre bonne  ville reste à écrire,
et  ce n’est évidemment pas le propos de cette brève introduction.
 Cette présence dura sous diverses formes jusqu’en janvier 1946.
 Le document que nous mettons aujourd’hui en ligne, 
  et  que nous devons à l’infatigable travail de recherche de Bruno 
  Renoult,  de l’association historique du Vexin, n’est qu’un élément 
  parmi  d’autres, pour servir à l’écriture de cette histoire. 
  Ceux qui connaissent de vieux Étampois savaient déjà, 
  par leurs témoignages oraux, que cette présence étatsunienne 
   n’avait pas été sans ombre. Qu’il y avait eu de nombreux 
viols,   et une certaine insécurité d’une manière générale; 
    des rixes interraciales extrêmement violentes; des déprédations 
    de toutes sortes, et beaucoup de vols;  je n’avais pas encore entendu 
    parler, pour ma part, d’assassinats de civils étampois. Tout cela 
  cependant doit être  replacé dans son contexte.
 
 L’armée des États-Unis d’Amérique, 
    comme beaucoup d’autres, recrutait et recrute l’essentiel de ses troupes 
   parmi les classes sociales les plus défavorisées, et les 
plus   abandonnées. Cette partie de la société était 
   et reste victime d’une violence sociale considérable, dont la ségrégation 
   raciale n’était alors qu’un aspect parmi d’autres, comme, par exemple, 
   l’abandon de tout véritable projet d’Éducation Nationale, 
 et  de toute forme d’assurance sociale digne de ce nom. C’est là le
 terreau  de la violence: tant de la violence désordonnée d’individus
   livrés       à eux-mêmes depuis l’enfance, que de la
violence des gangs.
 
 Il y faut ajouter que ces jeunes gens, pour la plupart,
    en cet hiver 1944, ne faisaient que transiter par Étampes, avant
  de  partir pour le front des Ardennes, où le régime hitlérien
    aux abois venait de lancer une contre-offensive dont personne ne savait
  ce  qu’elle allait produire. Nos libérateurs étaient pour
beaucoup    d’entre eux de pauvres gens
    qui allaient à la mort après une courte vie bien misérable,
    et l’idéal glorieux qu’ils servaient ne les effleurait pas
    tous.
 
 Il ne faut pas non plus perdre de vue que, pendant toute  cette
 période, comme le note Clément Wingler 
        dans l’étude qu’il a donnée sur
        Étampes de 1944 à 1946, et que nous venons de
 mettre en ligne (cliquez ici), malgré ces incidents, si graves soient-ils, «à l’égard  des troupes américaines, prédomine 
 largement un sentiment de  reconnaissance pour la libération du pays 
 et de la ville, ainsi que  pour l’aide matérielle apportée 
au quotidien».
 
 La lettre de Barthélémy Durand, d’ailleurs,
  ne fut pas semble-t-il sans effet, car, ainsi que le note encore Clément
  Wingler d’après le Journal d’Étampes 
  du 13 janvier 1945, dans l’étude 
  précitée (cliquez ici), «dès 
  janvier 1945, des renforts de police américaine sont acheminés 
  à Étampes» et cette police disposa dès lors «d’un poste permanent dans l’aile 
  droite de l’hôtel de ville».
 
 
 Bernard Gineste, février 2009.
 
 
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                            |  CABINET DU MAIREVille d’Étampes
 —
 TÉLÉPHONE 41
 
   —
 | 
 | DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE
 
 Ville d’Etampes
 
 
 
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 |  Étampes, le  15 Décembre
    1944,
 Le
Maire de la Ville d’ÉTAMPES     (1)
 
 à
Monsieur le Préfet     de Seine et Oise (2)
 VERSAILLES
 
 
 |  
 |  (1) Louis-Barthélémy Durand
    avait été nommé maire provisoire le 23 août
  1944  par un conseil municipal mis en place par les FFI (Forces françaises
     de l’intérieur); le 22 novembre, ce conseil municipal avait été
    légitimé par le nouveau préfet de Seine-et-Oise,
Joseph    Léonard, lui nommé commissaire de la République
depuis    le 25 août par le GPRF (Gouvernement provisoire de la République
    française). (2) Au moment de la Libération,
le préfet de Seine-et-Oise   nommé par le régime
de Vichy était un certain Revilliod;  le GPRF lui donna pour successeur,
    le 25 août 1944, Joseph Léonard,  commissaire de la République,
    qui exerça ces fonctions jusqu’au  27 mai 1947.
 
 |  
                      | J’ai l’honneur
    de vous signaler les très nombreux et graves méfaits  qui
  se  produisent ici par l’armée Américaine. 
 Avant-hier encore, une femme de 70 ans,
 a  été    violée et assassinée par un soldat
Américain  (3). C’est le 3ème
assassinat en moins  d’un    mois (4). Il n’est
pas un jour où  je   n’ai             [sic]
à la Mairie,  l’écho  d’incidents plus ou moins graves qui
se produisent dans notre  Ville et dans  ses environs immédiats.
 
 | (3) Le 13 décembre 1944.  Nous n’avons
    d’autre information pour l’instant sur ce sinistre fait divers. (4) Nous ne sommes pas plus renseignés
    pour l’instant  sur ces événements. Les archives municipales
    ne conservent la mémoire que de dégâts matériels
    causés par des soldats ivres, qui furent l’objet de plaintes dans
   l’espoir d’une indemnisation.
 
 |  
                      | J’ai rendu
    visite au Colonel commandant les troupes cantonnées à 
ÉTAMPES     ou ses environs (5) pour
lui signaler la gravité    de la situation. Je n’ai pu obtenir de
lui qu’il fasse le couvre-feu pour    les troupes, à la tombée
de la nuit, c’était à    mon avis le seul moyen de mettre fin
à ces incidents (6). 
 | (5) C’était
   le colonel Orville W. Harris, dont le QG était au château
de   Brunehaut. (6) Un tel couvre-feu fut mis en place
ultérieurement,  car un témoin tel que Fernand Minier se souvient
parfaitement que les soldats US avaient une heure précise le soir,
pour regagner leurs casernements, et que les M.P. (Military Police) patrouillaient
avec leurs matraques, dont ils faisaient grand usage pour ramasser les récalcitrants
    et les auteurs de rixes.
 
 |  
                      | Craignant
    une réaction légitime de la population et des représailles, 
     dont je ne veux avoir la responsabilité, je me permets de m’adresser
     à vous pour vous demander s’il ne serait pas possible de signaler
    ces faits et cette situation au Commandant en chef des troupes Américaines
     (7) pour qu’il prescrive des mesures en
conséquences     (8). 
 
 
     Le Maire d’ÉTAMPES,[signé:]
     B. Durand
 [tampon:]
                 MAIRIE D’ÉTAMPES * SEINE-ET-OISE
     *
 | (7) Le chef suprême des armées
    alliées était alors le général  Eisenhower.
  Le  préfet ne contactera en fait que le général français
    commandant la Seine-et-Oise. (8) Plusieurs soldats U.S. furent ultérieurement
    condamnés  à mort à Étampes pour des faits
 similaires,   selon Fernand  Minier. Les exécutions auraient eu lieu
 au Camp de  prisonniers américains  qui se trouvait au niveau de
la  ferme de Saint-Phallier,   de l’autre côté  de la voie de
chemin  de fer, près d’un   bois appartenant au comte de  Saint-Léon.
 Les condamnés auraient,   selon lui, été  pendus sommairement,
 mis sur le capot d’une   Jeep qui faisait soudain marche  arrière;
 puis enterrés au  cimetière militaire étatsunien  de
 Villeneuve-sur-Auvers.
 |  
                      | [ANNOTATIONS
    DES SERVICES PRÉFECTORAUX DE VERSAILLES] 
 | 
 |  
                      | [Tampon:] PREFECTURE DE SEINE-ET-OISE
     * VERSAILLES* / 19 DÉC 1944 (9)
 [Note manuscrite marginale:]
 
 Copie à M(onsieu)r le G(énér)al
     Basse ( 10) en le priant de vouloir
    bien saisir les autorités militaires américaines.
 
 Copie à M(onsieu)r le c(omman)d(an)t
  Rateau,    attaché aux affaires civiles (11).
 
 | (9) On notera le décalage  de quatre
    jours entre la rédaction de cette lettre et son enregistrement
 par   les services de la Préfecture. 
 
 (                       
              10) Le général Basse tenait
    alors le commandement  pour toute la Seine-et-Oise. Il faisait face lui-même
    à Versailles  à des incidents graves entre la population
 locale   et les sodats coloniaux,  qui n’atteignirent pas cependant semble-t-il
 la   gravité des événements  d’Étampes.
 (11) Nous n’avons pas de données
sur ce personnage pour  l’instant.
 
 |  
 
   Défilé militaire à Étampes, police militaire 
    en tête de cortège (cliché probablement dû à
    Robert Rameau,
 emprunté à l’ouvrage de Frédéric Gatineau, 
         Étampes,  chronique d’un siècle, Étampes, 
   2000, p. 76).
 
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                      | Source:   Photographie aimablement 
  aimablement communiquée     par Bruno Renoult et saisie en  mode 
texte  par Bernard Gineste, février   2009. | 
                  
                    | BIBLIOGRAPHIE
 Éditions
 
 
               
                 
                   |   
 Bruno Renoult et Geneviève Havelange |  Barthélemy DURAND (maire d’Étampes),
              Lettre   au préfet de Seine-et-Oise   [1 feuillet
 dactylographié,     annoté brièvement],   conservé  aux
 Archives départementales des Yvelines, sous une cote qui ne nous
 a pas été communquée, sans doute sous la cote AD  78
300W36 ou une
cote voisine (je ne l’ai pas retrouvé  en février 2009).
 
 Bruno
 RENOULT       & Bernard GINESTE  [éd.],
    «Barthélémy  Durant: Lettre au préfet de
 Seine-et-Oise   (15 décembre  1944)», in Corpus Étampois, 
          http://www.corpusetampois.com/che-20-19441215barthelemydurand.html, 
            2009.
 
 
 Sur Barthélémy 
   Durand
 Barthélémy
   DURAND (lieutenant de vaisseau, maire d’Étampes, président
  du Conseil général de Seine-et-Oise et président de
 diverses sociétés, 1866-1956), «Préface»,
 in Seine-et-Oise. Aspect géographique, historique, touristique,
 économique et administratif du département [in-4°;
309 p.; figures, fac-similé; avant-propos de Roger Génébrier; 
 “Visages de Seine-et-Oise”, introduction par André Boutonnat], Paris, Alépée [«Les
 Documents de France»], 1955.
 
 Henri TEMERSON (né en 1928), «Barthélémy 
   Durand», in ID., Biographies des principales personnalités 
   françaises décédées au cours de l’année 
   1956 [21 cm], Paris, Henri Temerson, 1957, p. ?.
 
 
 Autres documents 
     relatifs à la période 1939-1945
 Voyez spécialement:
   Clément WINGLER  (directeur des archives municipales 
   d’Étampes), «Marché noir, crimes
   et délits» et «Une
   cohabitation parfois difficile», in ID., «Étampes de 1944 à 1946 (étude
   datant de 2004)», in Corpus Étampois,
         http://www.corpusetampois.com/che-20-wingler1944-1946.html#45 et http://www.corpusetampois.com/che-20-wingler1944-1946.html#46,          2009.
 
 COLLECTIF,  
                                            «Documents
  en  ligne sur le pays étampois   pendant la seconde guerre mondiale», in Corpus   Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-39-45b.html, 
     depuis 2004.
 
 
                                                
        
                                                       
     
      Publications    de Bruno Renoult
 1) Sur Étampes
 
 
 Bruno
RENOULT       & Bernard GINESTE  [éd.],
    «Barthélémy  Durant: Lettre au préfet de
 Seine-et-Oise   (15 décembre  1944)», in Corpus Étampois, 
          http://www.corpusetampois.com/che-20-19441215barthelemydurand.html, 
            2005.
 
 2) Sur l’ensemble de l’Île-de-France
 
 
 
                
                  
                    |   
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                    | 2000, puis 2003 "Tête
   de pont de Mantes"
 220 pages, 600 photos
 
 | 2004 "Suite:
   la bataille du Vexin"
 336 pages, 1000 photos
 
 | 2007 "Guerre
   en Île de France, vol. I"
 240 pages, 800
photos
 
 | 2007 "II. La Bataille aérienne"
 200 pages, 600
photos
 
 | 2007 "III. La défense du grand Paris"
 220 pages, 600
photos
 
 |  
 Pour plus de détails sur ces
    ouvrages, et pour les commander, cliquez ici.
 2) Site web
 Bruno RENOULT [dir.], Vexin Histoire
   Vivante     [site officiel de l’Association du même nom], http://www.vexinhistoirevivante.com,
       en ligne en 2009.
 
 
 
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