L’avant-veille, c’est-à-dire le 20 août, j’étais revenu de Paris dans une voiture du Ministère du Ravitaillement.

     Les bombardements et les mitraillages d’avions devenant de plus en plus importants, nous avons emprunté un itinéraire détourné par La Ferté Alais et nous avions dû, à plusieurs reprises, sauter de voiture et nous réfugier dans les fossés de la route.

     Ayant été victime du bombardement d’Étampes du 10 juin, j’étais réfugié, à ce moment, avec ma famille à Ormoy-la-Rivière.

     En rentrant de Paris où les événements se précipitaient, pour éviter le centre d’Étampes, nous sommes passés par la rue Sadi-Carnot et la rue du Sablon pour gagner la route de Pithiviers.

     A l’embranchement de la route de Malesherbes, il y avait un petit poste allemand qui nous a laisser passer sans intervenir. Puis, la voiture m’a laissé à Dhuilet d’où je suis descendu à pied à Ormoy.

     On savait que les Américains approchaient. Des habitants m’ont questionné, mais, je n’ai pu donner aucun renseignement.

     Le lendemain une batterie américaine tirant en direction d’Étampes a lancé quelques obus dans un secteur voisin de la ferme de Guinette. D’Ormoy, nous voyions les points d’impact, mais les Allemands ne paraissaient pas réagir.

     Le 22 au matin, la rumeur de l’arrivée des Américains se propageait.

     Parti à bicyclette d’Ormoy, je vis vers 9 h la première jeep à la Fontaine-Pesée. Continuant ma route, je me trouvai au Pont St jean avec les premiers éléments américains qui se dirigeaient vers la gare sur la Promenade du haut.

     Ayant pris, chez moi, une bouteille de vin blanc que je distribuai, comme il se doit, à la section qui se trouvait là, je pris contact avec son chef, un lieutenant entre deux âges.

     Il possédait une carte d’État-Major au 50/1000^e , mais semblait tout à fait incapable de l’utiliser.

     Dans un sabir franco-anglais, je lui expliquai sa position et lui montrai où nous nous trouvions.

     C’est alors que je l’entendis se servir de sa radio, sans doute un genre de S.C.R. 536 dont fut dotée, par la suite, notre armée. Ce fut, pour moi, un émerveillement, car, j’avais encore le souvenir cruel de notre manque total de moyens de transmission pendant la guerre de 40.

     Ensuite, nous avons suivi la promenade sans incident et avons trouvé un soldat allemand désarmé près du réservoir d’eau au-dessus de la gare. Il s’est, bien entendu, laissé prendre, ou plutôt, vraisemblablement, il avait prémédité cette reddition avantageuse pour lui…

     La section américaine a ensuite gagné la gare et je suis rentré chez moi.

     L’après-midi, la place de l’Hôtel de Ville donnait le spectacle de la liesse populaire.