CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
 Maxime de Montrond
Étampes de 1744 à 1837
Essais historiques sur la ville d’Étampes, chapitre XXII
1837
 
Pompe funèbre en l'honneur de Simonneau

     Montrond trace à grands traits l’histoire la plus récente d’Étampes, car, dit-il, il n’entre point dans notre plan d’écrire l’histoire contemporaine, si difficile à traiter avec impartialité. N’oublions pas en effet qu’il écrit ses Essais sous la Monarchie de Juillet. Il évoque donc seulement l’assassinat du maire Simonneau en 1792, l’épidémie de choléra de 1832, l’importance de la meunerie étampoise, et la composition du conseil municipal en 1837.

      La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
     
Essais historiques sur la ville d’Étampes
Étampes, Fortin, 1837, tome 2
Chapitre XXII et Note VI, pp. 143-151 & 239-240.
Étampes de 1774 à 1837
 
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TABLE DES MATIÈRES
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CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME
ÉTAMPES DE 1774 A 1837


     Chapitre XXII: Jacques-Guillaume Simonneau, maire d’Étampes.  Étampes au XIXe siècle.  Choléra.  Les meuniers étampois. Conclusion. Note VI: Conseil municipal en 1837. —  magistrats.
     Le règne de Louis XVI et les dernières années du dix-huitième siècle, si fécondes en événemens de toute sorte, présentent peu de faits historiques qui soient particuliers à la ville d’Étampes, et puissent occuper une place dans cet ouvrage. Cette contrée, comme les autres points de la France, eut à subir sa part des perturbations violentes qui signalèrent cette époque; quelques uns des édifices religieux que nous avons décrits ailleurs, tels que l’église Sainte-Croix et la nouvelle maison des pères cordeliers, furent détruits ou mutilés. Les autres furent fermés ou réservés pour de profanes usages; la belle église de Notre-Dame vit célébrer dans son enceinte plusieurs fêtes [p.144] nationales ou décadaires, tandis que celle de Saint-Gilles était devenue un magasin pour les grains, et que la nef de Saint-Basile servait de prison à quelques soldats vendéens.

     Mais il n’entre point dans notre plan d’écrire l’histoire contemporaine, si difficile à traiter avec impartialité: glissant donc rapidement sur cette période si agitée de nos annales, nous nous bornerons à mettre sous les yeux de nos lecteurs le récit de l’événement tragique qui vint souiller les murs d’Étampes et consterner ses habitans, par le meurtre de leur premier magistrat.

     C’était durant l’année 1792: la ville d’Étampes se voyait souvent en proie aux suites funestes de l’anarchie qui sur les divers points de la France désolait alors la plupart des campagnes et des cités. Par son heureuse position qui la rendait le grenier de la Beauce, et lui avait été déjà mainte fois si fatale, elle était devenue encore un centre autour duquel circulaient de toutes parts des attroupemens séditieux. Leur but était de produire la famine et d’exciter des émeutes populaires; leurs hordes séditieuses grossissant de jour en jour, fondaient sur les villages et les hameaux où se tenaient des marchés publics, y taxaient elles-mêmes le prix des grains et répandaient partout le trouble et l’épouvante. Les fermiers saisis de crainte n’osaient apporter leurs céréales, et la disette gagnait ainsi par degrés tous lieux par où ces bandes turbulentes avaient passé.

     Le 3 mars 1792, un de ces attroupemens, composé d’environ huit cents hommes armés de sabres, de fusils ou de bâtons et venant du côté d’Étréchy et de la Ferté-
Aleps, [p.145] fondit à l’improviste sur le marché aux blés d’Étampes, et se mit en devoir d’y taxer le prix des grains: Jacques-Guillaume Simonneau, citoyen probe, magistrat intègre, était alors maire de cette ville. Aidé de soixante hommes de cavalerie, de quelques gendarmes et du petit nombre de gardes nationaux qui avaient répondu à son appel, il s’opposa de tous ses efforts à une pareille violence. La municipalité s’était déjà portée au devant des insurgés, vers le faubourg dit des Capucins; mais ses prières et ses menaces n’avaient pu réussir à calmer l’effervescence, de ces bandes tumultueuses. Les vives exhortations du maire furent également inutiles, son autorité fut méconnue et ses ordres méprisés: comme il continuait à refuser de baisser le prix des grains, l’un des insurgés furieux se précipite sur lui, l’entraîne vers le bas du marché et lui assène un violent coup de bâton sur la tête. Le magistrat parvient à se dégager de ses mains, et malgré sa blessure il reparaît plus ferme encore au poste que le devoir lui avait assigné. «Ma vie est à vous, criait-il aux factieux; vous pouvez me l’ôter, mais je ne manquerai point à mon devoir.»
Simonneau (hôtelde ville d'Etampes)
Simonneau (hôtel de ville d’Étampes)
     Cependant le commandant des troupes rangées en armes sur la place du marché, ayant donné l’ordre d’une retraite, Guillaume Simonneau escorté de quelques cavaliers dirigeait sa marche vers la grande rue Saint-Jacques lorsque soudain atteint presque à bout portant d’un coup de fusil, il tombe baigné dans son sang. Le procureur de la commune, son ami, qui le suivait de près, accourt aussitôt vers lui, et s’empresse de le relever, [p.146] lorsqu’un second coup de fusil se fait entendre à leurs côtés. L’infortuné maire retombe frappé à mort, et son généreux compagnon, blessé lui-même, n’échappe qu’avec peine au sort fatal qui le menaçait (1).

     La nouvelle de cet attentat fut bientôt connue dans la capitale, et les feuilles publiques les répandirent sur tous les points de la France. En plusieurs lieux, Simonneau fut honoré, loué et chanté comme un héroïque citoyen, comme un martyr de la religion du devoir. L’assemblée nationale, dans sa séance du 18 mars 1792, décréta qu’un monument pyramidal serait érigé en son honneur sur la place du marché d’Étampes; et que le 3 juin de cette même année une fête serait célébrée à Paris pour consacrer le souvenir de ce funeste événement. Une partie du décret reçut son exécution: la fête fut célébrée au jour indiqué dans la plus grande magnificence; mais on négligea d’exécuter la loi toute entière, et l’œil étonné cherche en vain aujourd’hui dans la ville d’Étampes le [p.147] monument qu’avait décrété l’assemblée nationale (1).

     (1) Ce généreux compagnon, cet ami de Jacques Simonneau, existe encore, et c’est de sa bouche même que j’ai recueilli les détails qu’on vient de lire. Son nom, qu’on est peut-être étonné de ne point trouver dans ce récit, y figurerait sans doute, si sa modestie ne m’avait imposé le devoir de le tenir caché.
     Ce fut dans le haut de la rue de l’Étape aux vins, dix pas au dessus de la rue haute des Groisonneries, devant la porte de la maison n° 9, que Simonneau rendit le dernier soupir. Un autre témoin oculaire nous a assuré que dans le délire de leur rage, les assassins défilèrent au son des tambours autour de leur victime, et firent une fusillade sur son corps palpitant et défiguré, en criant: vive la nation.



     (1) Voir aux archives de l’Hôtel-de-Ville d’Étampes, les pièces qui constatent cet événement, ainsi que le décret de l’assemblée nationale.

    Nous voici arrivés au dix-neuvième siècle, à cette période qui doit grossir un jour de tant d’évémens divers les récits de nos annales. La ville d’Étampes en a suivi les différentes phases sans commotion violente, et sans qu’aucun autre fait remarquable l’ait mise sous ce rapport hors de la ligne commune au reste de la France. Lorsqu’en 1830, une révolution nouvelle accomplie en trois jours donna la couronne de France au chef de la branche cadette de la maison de Bourbon, la sagesse, la fermeté des magistrats et des principaux fonctionnaires surent préserver cette ville des scènes de troubles et d’anarchie, dont un grand nombre d’autres furent alors le théâtre.

     Mais si cette contrée échappa à la guerre civile, elle ne put éviter également le fléau plus meurtrier encore, qui vint deux années plus tard décimer les infortunés habitans de la capitale et de la moitié de la France. Au mois d’avril 1832, Étampes vit sa paisible vallée envahie par le mal asiatique , dont la plupart des nations de l’Europe avaient déjà ressenti les funestes atteintes. Pendant deux mois entiers la consternation et l’effroi ne cessèrent de régner dans les divers quartiers de la ville, où plus de trois cents personnes périrent. Un plus grand nombre encore aurait succombé sans doute, [p.148] si le dévouement généreux du clergé, des médecins, des magistrats et de plusieurs dames charitables, n’eût souvent opposé une barrière puissante aux ravages de l’affreuse maladie. Quelques jeunes docteurs venus de la capitale, rivalisèrent aussi de zèle pour conjurer le mal; des aumônes abondantes recueillies de toutes parts, permirent de secourir les indigens, et d’en arracher plusieurs à une mort presque inévitable.

     Au milieu de leurs douleurs et de leur effroi, les habitans d’Étampes n’oublièrent point d’élever leurs regards supplians vers celui qui frappe et qui console. Ils invoquèrent le ciel, par l’entremise de leurs saints patrons dont les restes vénérés suivis de la foule du peuple, traversèrent plusieurs quartiers de la ville. Le ciel ne fut point sourd à leurs prières: on vit dès ce jour même le calme et la confiance renaître dans tous les cœurs. Le mal diminua par degrés, et bientôt il disparut entièrement du sein de la vallée, où son apparition subite au milieu du printemps avait semé l’épouvante et l’horreur.
Cholérique dessiné d’après nature par un médecin allemand en 1832.
Cholérique dessiné d’après nature par un médecin allemand en 1832.

     Étampes, aujourd’hui plus qu’autrefois encore cité commerçante et industrielle, poursuit en paix le cours de ses destinées. Son genre spécial de commerce qui fait toujours sa force et sa richesse, lui donne un degré d’importance qu’à raison de son peu d’étendue, elle ne devait guère espérer d’atteindre. Cette ville, non moins que ses sœurs Corbeil et Pontoise, est de nos jours l’une des nourrices fécondes qui distribuent chaque année la vie matérielle au grand corps de la capitale. Des inventions [p.149] ingénieuses, des améliorations utiles dues à plusieurs habitans de la contrée ont depuis quelque temps donné un nouvel essor au commerce des grains, et porté la fabrication des farines à un degré de perfection inconnu jusqu’à nos jours. Plus de 40 moulins importans, situés aujourd’hui sur le territoire d’Étampes ou dans ses vallées, sont mus par les eaux puissantes de la Juine ou de ses affluens; beaucoup d’entre eux sont montés d’après le procédé dit anglais, dont le type principal consiste dans des engrenages métalliques extrêmement remarquables par la force et la précision qu’ils impriment à tous les mouvements. Les plus beaux de ces moulins sont sans contredit ceux de Pierrebrou près Etréchy (à M. Béchu), et de Vaux près Auvers (à M. le comte Perregaux). Outre la perfection de leurs machines, leur aspect extérieur est vraiment monumental et s’embellit d’ailleurs de toute la fraîcheur du paysage dans lequel ils sont placés.


     Le premier qui ait importé en France le procédé des moulins anglais est, dit-on, un commerçant originaire d’Étampes, qui en avait fait l’essai à Saint-Quentin (Aisne), où il avait transporté son industrie (M. Gérosme). Il fit part de ses avantages à l’un de ses parens (M. Chevallier), qui étant accouru sur les lieux pour s’en convaincre, revint à Étampes plein de l’ambition de les obtenir pour lui-même, en imitant les procédés qu’il venait d’admirer. Ces procédés se répandirent avec rapidité dans tout le commerce de la ville, et plus tard dans celui des contrées voisines. Mais les industriels d’Étampes revendiquent l’honneur de la plus grande partie des améliorations et des perfectionnemens obtenus, qui ont laissé bien loin, [p.150] selon eux, les procédés originairement importés d’Angleterre.

     Sous l’administration des magistrats éclairés qui régissent aujourd’hui cette ville, sa prospérité ne peut manquer de s’accroître; un jeune sous-préfet (1) et un maire blanchi dans le métier des armes (2), rivalisent de zèle et de dévouement pour les intérêts de la cité. M. le maire ne néglige rien pour continuer les utiles travaux entrepris par ses honorables prédécesseurs: parmi les créations nouvelles que la ville d’Étampes va devoir à ses louables efforts, on peut citer déjà un magnifique abattoir, qu’on se prépare à construire dans un des faubourgs, et qui, sous le rapport du bon ordre et de la salubrité publique, ne sera pas un des moindres bienfaits que la ville pouvait espérer de la sollicitude de ses administrateurs.
     (1) M. Edouard Bocher, auditeur au conseil-d’État.
     (2) M. le colonel Cresté.
     Ici devrait, ce semble, s’arrêter notre tâche. A l’aide de recherches nombreuses et quelquefois pénibles, nous avons pu dérouler le fil souvent embrouillé, et confus des annales de la ville d’Étampes. Autant qu’il a été donné à nos faibles forces, nous avons recueilli avec soin toutes les traditions et tous les souvenirs qui se rattachent à l’histoire de cette cité. Nous avons aussi consigné dans cet ouvrage quelques détails sur ses principaux monumens, soit qu’ils aient disparu du sol, soit qu’ils ornent encore les places ou les rues de ses divers quartiers: [p.151] mais un dernier devoir nous reste à remplir. Étampes, comme la plupart des villes, compte plusieurs personnages remarquables qui ont pris naissance dans son sein. Il est juste de leur payer un tribut d’hommages et de reconnaissance, en retraçant une esquisse des principales actions qui recommandent leur mémoire. C’est à cette douce tâche que va être consacré le dernier chapitre de nos Essais historiques.

     Chapitre XXII: Jacques-Guillaume Simonneau, maire d’Étampes.  Étampes au XIXe siècle.  Choléra. — Les meuniers étampois. Conclusion. Note VI: Conseil municipal en 1837. —  magistrats.


* NOTE VI.

     A la désignation des Magistrats qui, sous le titre de Maires, Échevins, Adjoints, etc., etc., ont rempli depuis un temps reculé jusqu’à nos jours, les fonctions municipales à Étampes, nous joignons celle des Membres du Conseil qui complète en 1837 l’administration de la cité

CONSEIL MUNICIPAL

     MM. Angiboust.
Boivin-Chevallier. Brichard, adjoint. Chevallier-Gérosme. Cresté, maire. Delanoue, adjoint. Doucet. Drot. Duverger (Henri). Gabaille, procureur du roi. Grandmaison (Aug.te). Grattery, juge. Gresland. Hamouy (Marc-Ant.e) Hamouy (Jean-Bapt.e). Huet (Théodore). Millocheau (Mathurin-Laurent). Pommeret des Varennes (Albin). Poteau. Sergent (Charles), juge. Sergent-Genet. Venard (Narcisse). Voizot, commandant de la garde nationale. [p. 240 (non paginée)]

Fonctionnaires de l’ordre judiciaire, en 1837, à Étampes.

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE.

      MM. Hénin de Chérel, président.
Sergent (Ch.es), Grattery, juges. Roger (Félix), Haüer, suppléans. Gabaille, procureur du roi. Tarbé, substitut. Diet, greffier.

JUSTICE DE PAIX.

      MM. Chartrain, juge de paix.
Chenain, greffier.
 
    * Cette note n’apparaît semble-t-il que dans certains exemplaires. (B.G.)
     Chapitre XXII: Jacques-Guillaume Simonneau, maire d’Étampes.  Étampes au XIXe siècle.  Choléra.  Les meuniers étampois. Conclusion. Note VI: Conseil municipal en 1837. —  magistrats.

 
 
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Source: édition de 1837 saisie par Bernard Métivier en mars 2012 (chapitre 22 et note VI), annotée et illustrée par Bernard Gineste
BIBLIOGRAPHIE

Éditions
 
     Clément-Melchior-Justin-Maxime FOURCHEUX DE MONTROND (dit Maxime de MONTROND ou de MONT-ROND), «Chapitre vingt-deuxième», «Note V», , in ID., Essais historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise), avec des notes et des pièces justificatives, par Maxime de Mont-Rond [2 tomes reliés en 1 vol. in-8°; planches»], Étampes, Fortin, 1836-1837, tome 2 (1837), pp. 143-151 & 239-240.

     Réédition numérique illustrée en mode texte: François BESSE, Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.], «Maxime de Montrond: Essais historiques sur la ville d’Étampes (1836-1837)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-montrond.html, 2012.

     
Réédition numérique de ce chapitre: Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.], «Maxime de Montrond: Étampes de 1774 à 1837 (1837)» [édition numérique illustrée en mode texte], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-montrond1836chapitre22.html, 2012.

Sources utilisées par l’auteur

Registre des délibérations municipales d’Étampes

     Conservé aux Archives municipales d’Étampes.

Antiquitez d’Estampes de Fleureau

     
Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite, 1612-1674), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité entre 1662 & 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683. Réédition numérique en ligne: Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, 2001-2012.

Meyserey

     Guillaume MAHIEU DE MEYSEREY (médecin ordinaire du roi), «Au sujet des maladies qui ont régné à Étampes pendant l’hiver de 1753 et au commencement du printemps de 1754», in Journal de médecine 1 (octobre 1754), pp. 262-268.


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