CORPUS HISTORIQUE ETAMPOIS
 
 Léon Marquis 
Le Quartier Notre-Dame d’Étampes
Les rues d’Étampes et ses monuments, chapitre II (§ 4)
1881
   
La place Notre-Dame d'Etampes en 1903  
 
     Voici la section consacrée en 1881 par Léon Marquis aux rues du Quartier Notre-Dame dÉtampes.
     Bien des rues ont depuis cette date changé de nom. C’est l’une des raisons qui donnent tout son prix à l’ouvrage de Frédéric Gatineau, Étampes en lieux et places, que nous avons mis en ligne dès 2003, ici.

Bernard Gineste et Bernard Métivier, octobre 2016
 
     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer. 
   
Le quartier Notre-Dame (extrait d'un plan dessiné par Léon Marquis en 1881)
Plan du quartier Notre-Dame l’Ancien Régime (Léon Marquis, 1881)

 
CHAPITRE II: RUES D’ÉTAMPES
§ IV. QUARTIER NOTRE-DAME
 
[pp. 170-185]

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     TABLE.Place du Marché-Notre-Dame. — Rue Baugin. — Place du Petit-Marché. — Rue de l’Ancienne-Comédie. — Place Dauphine. — Rue de la Tannerie. — Rue du Puits-de-la-Chaîne. — Rue Darnatal. — Rue Mauconseil. — Rue Île-Maubelle. — Promenade des Prés. — Carrefour au Chat et impasse au Chat. — Rue des Remparts. — Rue du cloître Notre-Dame. — Rue Evezard. — Avenue de Coquerive. — Rue du Perray.
   
   
     Place du Marché-Notre-Dame. — Commence à la place du Petit-Marché, en face l’ancienne collégiale Notre-Dame, et va jusqu’à la rue Sainte-Croix.

     C’est sur cette place, longue, mais étroite, qu’a lieu, tous les samedis, le marché pour le beurre, les volailles, les légumes et autres denrées. Anciennement, ce marché avait lieu non seulement le samedi, mais encore tous les jours de la semaine.

     Sous le règne de Louis XIV, on voyait, dit-on sur cette place, une halle qui allait de la rue Sainte-Croix à la rue de l’Ancienne-Comédie.

     On voit toujours une ancienne auberge du Cheval-Rouge, et l’auberge moderne: au Rendez-vous des Bons-Enfants.


     Une halle occupait le côté, situé vers la rue Sainte-Croix, de cette place, appelée au XVIIIe siècle «rue Regratterie, autrement dit le marché Notre-Dame (1)», sans doute par corruption de Regrattier (épicier, vendeur de sel), qui est aussi le nom d’une ancienne famille noble.

     Le 8 septembre 1792, les sans-culottes plantèrent sur cette place un arbre de la liberté.

     Le samedi 18 août 1793, jour de marché, le nommé Louis Devoté, âgé de vingt-cinq ans, matelot, est resté exposé sur cette place de neuf heures du matin à trois heures de relevée, en exécution d’un jugement du tribunal criminel de Versailles du 22 avril précédent, qui le condamne «à huit années de fers et à l’exposition pendant six heures, pour usage d’un faux ordre de route.»

     Sous la Révolution, la place Notre-Dame s’appelait place de l’Unité.

     (1) Archives départementales.
     Rue Baugin. — De la rue de la Cordonnerie à la promenade du Port. Elle s’appelait autrefois rue de l’Hospice, [p. 171] parce qu’elle longe en effet cet établissement dans toute sa longueur.

     Dans sa séance du 18 juin 1877, le conseil municipal d’Étampes a décidé que cette rue s’appellerait rue Baugin, en souvenir du philanthrope qui légua au commencement du siècle une somme de 50 000 fr. à l’hospice d’Étampes, somme qui servit à construire un bâtiment pour les vieillards, et connu sous le nom d’Asile Baugin.

     Pierre-François-Cantien Baugin est né à Étampes.

     C’est au coin des rues Baugin et de la Cordonnerie, à côté de Notre-Dame, qu’est situé l’Hôtel-Dieu, desservi par les religieuses de l’ordre des Augustines d’Étampes (1).

     (1) V. les notes 112, 123.
     L’établissement hospitalier était situé primitivement dans l’église même de Notre-Dame, vers le côté gauche, et s’appelait au XIIe siècle l’aumônerie de Notre-Dame.

     L’Hôtel-Dieu était desservi par des frères laïques jusqu’au commencement du XVIe siècle, et ce n’est que vers l’année 1537 que le maire et les échevins y établirent des religieuses de l’ordre de Saint-Augustin, qui sont en général des personnes de la ville.

     L’hospice se compose actuellement d’une file de grands bâtiments longeant la rue Baugin et joignant deux autres bâtiments à angle droit avec les premiers.

     Ces bâtiments forment deux grandes cours et sont terminés par un beau jardin allant jusqu’à la promenade du Port.

La chapelle de l'Hôtel-Dieu d'Etampes dessinée par Léon Marquis en 1881

     La chapelle qui forme la façade principale remonte presque à l’origine de l’établissement; c’est ce qui résulte de l’inscription suivante, gravée au-dessus de la porte d’entrée:
MDLIX
AMEN DICO VOBIS, QUANDIU FECISTIS UNI
EX FRATRIBUS MEIS MINIMIS, MIHI FECISTIS.
(Mathieu, xxv.)
«Je vous le dis en vérité, ce que vous aurez fait pour un de mes frères les plus infirmes, c’est à moi-même que vous l’aurez fait.»

     Le clocheton qui est au-dessus de la chapelle des religieuses [p. 172] contient une cloche ancienne qui porte cette inscription en lettres gothiques:
NOUS FUSMES FAICTES L’AN MIL Vc L ET FU
NOMMÉE LAZARE PAR ….. AMIS.

     Son diamètre est de 52 centimètres et sa hauteur de 45 centimètres.
Le bâtiment qui fait suite à la chapelle date de 1652 et a été bâti en partie à l’aide d’un don de Jacques Petau, lieutenant général d’Étampes.

     L’Hôtel-Dieu avait deux chapellenies fondées au XIIIe siècle et rapportant 10 livres parisis de revenu.

     En 1648, le revenu de 1’Hôtel-Dieu était de 15 000 livres, et celui de la chapelle de 60 livres (1).

     (1) Pouillé de Sens. V. la note 42
     Cet établissement rendit de grands services surtout dans les moments de guerre et d’épidémie.

     Le remède de la Sœur d’Étampes, contre le choléra, a fait le tour du monde (2).

     L’Hôtel-Dieu d’Étampes a 117 lits et un revenu de 61 116fr.

     L’épisode le plus remarquable concernant cette maison remonte à l’année 1652.

     Ce fut à cette époque que les prêtres de la Mission envoyés par saint Vincent de Paul arrivèrent à Étampes, où on ne voyait que des hommes ou plutôt que des spectres desséchés, livides, défigurés, et à qui les corps morts qu’ils trouvaient entassés soit aux portes de leurs villes, soit dans l’enceinte de leurs murailles, faisaient sentir par avance toute la rigueur de leur destinée. Ce fut ce premier objet d’horreur que les missionnaires leur ôtèrent de devant les yeux. Comme ils ne trouvaient à Étampes que des personnes abattues de langueur, il fallut chercher au loin des hommes forts et robustes, qui se chargèrent d’enlever du milieu des rues des monceaux de fumier, lesquels servaient de sépulture aux hommes, aux chevaux et à tout ce qui était mort depuis le premier séjour que les troupes avaient fait dans la ville. [p. 173]

     Les loups dévoraient non seulement les cadavres que les cimetières rejetaient, mais encore les vivants; l’un d’eux dévora trois femmes. Alors on vit apparaitre à Étampes les aéreux, sorte de vidangeurs de cadavres qui débarrassèrent les rues des monceaux d’horribles ordures, et l’accumulation en était si grande qu’en juin 1653, une année après la guerre, ils ne purent faire autre chose que de vider l’infection des maisons dans les rues…….

      Les missionnaires rétablirent l’hôpital d’Étampes, où ils établirent une marmite pour plus de deux cents pauvres, et c’est sans doute en mémoire de cet acte charitable qu’une partie de l’établissement a conservé le nom de salle Saint-Vincent-de-Paul.
     (2) V. la note F
     On fit venir des Sœurs de charité, car personne à Étampes ne pouvait aider les missionnaires dans leur besogne, au point qu’on ne put trouver dans la ville une femme pour veiller une Sœur malade (1).

     Dans l’envoi de l’argenterie des églises et couvents d’Étampes, le 25 novembre 1792, à la Monnaie de Paris, par les administrateurs et procureur syndic du district, nous voyons figurer l’Hôtel-Dieu d’Étampes pour:
Une lampe en argent pesant 9 marcs 6 onces 5 gros;
Une croix d’autel, 11 marcs 4 gros;
Un encensoir, une navette avec sa cuillère et sa chaîne, 4 marcs 5 onces 7 gros et demi;
Un bénitier et goupillon, déduction faite de 2 gros pour le crin non ôté, 5 marcs 1 once 4 gros;
Deux burettes et leur plat d’argent, 5 marcs;
Six chandeliers d’autel, 58 marcs 6 gros.

     (1) Vie de saint Vincent de Paul, par l’abbé Collet. – Id., par l’abbé Maynard – Magasin. Charitable
     Place du Petit-Marché. — Entre la place précédente et l’église Notre-Dame. Ainsi nominée parce que c’est le petit marché où l’on vend tous les samedis la viande et le poisson, par opposition au marché Saint-Gilles, grand marché pour la vente des blés, chevaux et autres bestiaux (2). [p. 174]
     (2) Fleureau, p. 99
     Sous les premiers rois, le marché à la viande et au poisson se tenait le jeudi.
En l’année 1360, lors des guerres avec les Anglais qui pillaient toute la France, «on transféra la tenue du marché Saint-Gilles dans la paroisse Saint-Basile, au-dessous du château et en la place qui est devant l’église Notre-Dame. La place du Petit-Marché n’est qu’une faible partie de cette grande place, qui n’existait déjà plus du temps de Fleureau, car il y avait déjà des maisons sur une partie de son emplacement (1).

     (1) Fleureau, p. 97, 98.
     C’est sur cette place qu’a lieu tous les mardis et vendredis, durant huit mois de l’année, le marché à la criée pour le poisson venant du train de marée.

     C’est là également qu’a lieu, depuis longtemps, le 25 juin de chaque année, la louée ou location des domestiques des deux sexes pour travailler dans les fermes.

     Cet usage ne se pratique pas le même jour dans les localités voisines: ainsi, à Rouvres, la louée a lieu le 24 juin.


     Rue de l’Ancienne-Comédie. — Va de la place du Marché-Notre-Dame à la place Dauphine. Son nom lui vient de l’ancienne Comédie ou théâtre d’Étampes, qui était situé derrière l’auberge du Coq-en-Pâte.

     Jean-Baptiste Cizos y jouait en octobre 1824, lorsque naquit sa fille, qui devint une actrice célèbre connue plus tard sous le nom de Rose Chéri.

     La rue de l’Ancienne-Comédie s’appelait encore en 1840 rue du Petit-Marché, parce qu’il s’y tenait alors un marché; anciennement elle s’appelait rue Dauphine, et plus anciennement encore rue des Oisons.

     Au coin de cette rue et de celle du Petit-Mesnil -Girault était une auberge du Lion-d’Or, détruite en 1850. On voit maintenant un boucher sur son emplacement.

     Place Dauphine. — Au bas et à gauche de la rue Sainte-Croix. On y remarque d’abord l’ancienne auberge à l’enseigne du Coq-en-Pâte, dont nous avons déjà parlé. [p. 175]

     
En face de cette auberge est l’hôtel Saint-Yon, maison particulière, ancienne résidence de la famille de Saint-Yon. Elle se compose d’un grand bâtiment carré joint à deux ailes en retour formant une cour d’entrée.

L'hôtel de Saint-Yon dessiné par Léon Marquis en 1881
     On y remarque ses deux tourelles surmontées de flèches élégantes, les fenêtres sculptées de sa façade, les chimères des entablements, les grosses poutres en chêne sculpté qui décorent les plafonds des grandes salles, et de belles peintures intérieures où le talent d’un jeune artiste, M. Bizot, a représenté quelques monuments d’Étampes et des environs.

Blason de Saint-Yon dessiné par Léon Marquis      Sur une ancienne plaque en marbre noir encastrée sur la façade, on lit ces mots:
HOSTEL
DE
SAINT-YON.

     Une pierre blanche, encastrée, l’année l879, à droite de la façade en regard de la précédente, montre les armoiries de la famille de Saint-Yon: «d’azur à la croix lozangée d’or et de gueules, cantonnée de 4 cloches d’argent bataillées d’azur.»

     La majeure partie des bâtiments remonte au XVIe siècle; mais il y a des parties plus anciennes. En 1870, M. Dujoncquoy, propriétaire actuel, y fit faire par l’architecte de l’église Saint-Martin d’importants travaux de restauration et de nouvelles constructions.

     La place Dauphine n’a guère qu’un demi-siècle d’existence, car en 1825 on voyait sur son emplacement:
     1° La rue du Petit-Mesnil-Girault, qui commençait en face de l’hôtel Saint-Yon et allait rejoindre la rue du Puits-de- la-Chaîne en faisant un coude;
     2° Le grand et le petit hôtel de Mesnil-Girault, qui appartenait aux Chartreux d’Orléans;
     3° La Halle ou Boucherie, très ancien bâtiment dont le rez-de-chaussée contenait les étaux des bouchers, et le premier étage la salle des plaids ou d’audience. Cette grande boucherie, établie par Philippe-Auguste, quand les trois autres qui étaient à Saint-Pierre, à Saint-Gilles et à Saint-Martin furent reconnues insuffisantes, a [p. 176] été démolie en 1763, s’il faut en croire une note manuscrite du temps sur un exemplaire du livre de dom Fleureau. Il est probable que la halle fut reconstruite, car un bâtiment appartenant à la communauté des bouchers fut vendu comme bien national, le 7 vendémiaire an V, à Nicolas Lelièvre, pour 1119 fr. (1).

L'hôtel Saint-Yon en 1903

     (1) Fleureau, p. 27, 212. – Archives départementales. – V. la note G.
     Au coin de la place Dauphine et de la rue de la Tannerie existe une maison qui était une ancienne auberge, et dont l’enseigne de Saint-Jean consistait en un bas-relief sculpté sur sa façade.

     Cette place fut appelée successivement: place Royale, de l’Ancienne-Comédie et Dauphine.


     Rue de la Tannerie. — Réunit la place Dauphine à la rue Darnatal. Ancienne rue de tanneurs et de marchands de laine, qui occupaient en 1790 presque toutes les maisons de celle rue.

     Une tannerie importante se voyait encore jusque vers 1820, en face la place Dauphine. C’était anciennement la rue principale de la ville. Fleureau nous apprend qu’au XVIIe siècle «le chapitre Sainte-Croix d’Orléans avait sur Menil-Girault, Ormoy… justice haute, moyenne et basse, laquelle il fait exercer à Étampes, en une maison assise au bout de la rue de la Tannerie, dite maison de Sainte-Croix d’Orléans ou de Menil-Girault.» (2). Cette maison a évidemment donné son nom à la rue du Petit-Menil-Girault, appelée aussi ruelle de la Boucherie (3).

     (2) Fleureau, p. 37.
     (3) Archives départementales
     Un petit hôtel du Menil-Girault, qui fut vendu comme bien national le 16 novembrc 1791, et qui appartenait au chapitre Sainte-Croix d’Étampes, n’était probablement autre que ladite maison de Menil-Girault. Ce petit hôtel fut vendu à Michel Laglace pour 4 650 fr., et était situé rue de la Coutellerie, nom donné alors à la rue de la Tannerie (4).
     (4) Archives départementales. – V. la note G
     André Rimbault, ancien principal du collège, est né rue de la Tannerie, le 5 mai 1814, en face l’hôtel Saint-Yon (5). [p. 177]
Pendant la Révolution, cette rue s’appelait rue de la Montagne, ensuite rue de la Salle jusque vers 1815 (1).

     (5) V. le chapitre Biographie.
     (1) Archives communales.
     Rue du Puits-de-la-Chaîne. — Va de la rue de l’Ancienne-Comédie à la rue Darnatal. Ainsi nommée à cause d’un ancien puits en pierres de taille, couvert en dôme, qui se trouve à sa rencontre avec la rue Darnatal.

     Pendant la Révolution, elle s’appelait rue Brise-Chaîne (2).
     (2) Id.
     Rue Darnatal. — Dans le prolongement de la rue de la Cordonnerie et allant jusqu’à la rivière. Le moulin Darnatal, d’où lui vient son nom, existait déjà du temps du roi Robert; on l’appelle aujourd’hui le Grand-Moulin. Il faisait partie du domaine royal et appartenait au prince d’Orléans en 1753, lorsqu’il y eut contestation entre les meuniers des moulins Darnatal et Notre-Dame.

     Pierre-Innocent Gérosme en était propriétaire le 17 avril 1787, lorsqu’il lui fut permis d’y établir une deuxième roue. Ce moulin, confisqué au prince Louis-Philippe d’Orléans à la Révolution, fut vendu comme bien national le 26 prairial an IV, avec une maison à côté et 75 perches de pré, à Etienne Gérosme, moyennant 159 655 fr. (3).

     (3) Archives départementales.
    Ce dernier en était propriétaire le 30 avril 1807, concurremment avec Louis-Pierre Chevalier, lorsqu’ils demandèrent l’autorisation de le démolir et de le réédifier, et en même temps de refaire le pont Darnatal.

     La demande fut accordée par suite des considérations suivantes prises par l’ingénieur des ponts-et-chaussées: «La maîtrise veut régler la hauteur de l’eau, afin d’empêcher que la rue Basse ne soit inondée lors de la fonte des neiges, grandes pluies et orages… baissé les déversoirs, parce que l’eau montait souvent jusque sur le pavé de la rue Basse… La rue Darnatal est très-étroite dans toute sa longueur, au point même qu’il peut a peine y passer deux voitures. Cette rue, qui conduit au faubourg Saint-Pierre et à la [p. 178] route de La Ferté, est très-passagère, et par suite très-embarrassée au droit du moulin Darnatal, par rapport a celles qui chargent et qui déchargent en cet endroit. L’ingénieur pense que c’est le moment de profiter de la reconstruction du moulin pour faire mettre toutes les maisons d’un même côté de la rue dans l’alignement, chose facile, puisque les propriétaires du moulin sont d’accord à ce sujet…
     «Ce reculement doit être de 1 m. 90 dans toute la longueur des bâtiments du moulin. L’ingénieur propose aux propriétaires une indemnité de 1 000 fr.
     «… A 1’un des côtés du pont Darnatal, il existe une petite place vague où était autrefois un abreuvoir, aujourd’hui servant d’égout pour recevoir les eaux de Guinette, des rues de la Cordonnerie, Darnatal et du Petit-Marché-Notre-Dame…
     «Le pont demandé sera en outre d’une grande utilité pour la commune et les propriétaires voisins du pont de l’Isle-Maubelle (1)…
»
     (1) Manuscrit des moulins.
    Au n° 9 de la rue Darnatal est une maison ancienne qui était autrefois une auberge; il y a peut-être un siècle qu’elle ne l’est plus. Le temps a respecté son enseigne: A l’Arche-de-Noé, et une madone en pierre finement sculptée dans une niche au-dessus de laquelle est la curieuse inscription:
L’original de cette image
Est un chef-d’œuvre si parfait,
Que l’ouvrier qui l’a fait
S’est renfermé dans son ouvrage.
     Le sens énigmatique rappelle, selon M. de Montrond, le mystère de l’Incarnation, ou bien, s’il faut en croire les habitants du quartier, l’ouvrier de cette madone a été, selon son désir, enterré dans ce mur (2). D’après une tradition, c’est dans l’auberge de l’Arche-de-Noé que logèrent les ouvriers qui ont travaillé à l’église Notre-Dame au XIVe siècle lorsqu’elle a été fortifiée.
     (2) De Montrond, Essais, t. II, p. 35.


    Il y avait encore dans cette rue une maison appelée la Sorbonne, qui aurait appartenu, dit-on, à Robert Sorbon, fondateur de la Sorbonne et confesseur de saint Louis. Cette maison, située rue du [p. 179] Puits-Mauconseil, appartenait à la fabrique Notre-Dame et fut vendue le 31 décembre 1792 comme bien national. Ceci semble indiquer l’existence d’une rue qui rejoignait sans doute la rue Mauconseil à l’endroit où il y a un puits (1).
     (1) Archives départementales.
    Le péage qui était perçu par le roi Louis-le-Gros «sur les marchands qui achetaient et vendaient dans Étampes-le-Châtel» se payait sans doute à l’entrée des ponts situés dans cette rue (2).
     (2) Fleureau, p. 483.
     Nous pensons que l’ancienne rue Saint-Louis, qui devint à la Révolution la rue des Trois-Couleurs, était la rue Darnatal, à cause de l’auberge de l’Image-Saint-Louis qui était située au coin de cette rue et de la place du Petit-Marché.

     Rue Mauconseil. — Va de la rue Évézard à celle du cloître Notre-Dame. Si la rue Mauconseil ou des Mauvais-Conseils a la même origine que celle de Paris portant ce nom, cela voudrait dire que c’était autrefois une rue mal famée.


     Rue Île-Maubelle. — Rue allant du moulin Darnatal à la promenade des Prés. C’est en même temps la route nationale n° 191 de Mantes à Corbeil par La Ferté-Alais. Elle est dans l’Ile-Maubelle formée par la rivière d’Étampes et le ruisseau des Dames. A l’extrémité de cette rue étaient les murs d’enceinte de la ville et la porte Saint-Pierre.

     A gauche et au-dessous du moulin Darnatal est celui de l’Ile-Maubelle ou Berchère, qui était un moulin à foulon établi par ce dernier en 1792.

     Un manuscrit de l’époque nous apprend que le moulin Darnatal avait deux roues (27 messidor an II).

     La veuve Gérosme, propriétaire du moulin national Darnatal, demanda à la commune la permission de poursuivre Berchère pour l’exhaussement sans ses ordres du moulin de l’lle-Maubelle et du lavoir de l’hospice (4 pluviôse an V).

     Le moulin de l’Ile-Maubelle appartenait primitivement à l’imprimeur Dupré-Démollière: or, en 1792, Couturier, pour cause de patriotisme, lui enjoignit par lettre de livrer son moulin à vil prix [p. 180] à son ami Berchère, membre du comité révolutionnaire, menaçant de le lui confisquer et de le dénoncer comme suspect. Dupré jugea à propos de céder à la force; mais quand le calme fut rétabli, porteur de la lettre compromettante de Couturier, il présenta ses plaintes à l’administration municipale, et il y eut même un procès qui se termina par l’allocation d’une juste indemnité à l’ancien propriétaire (1).


     Plus tard, il est enjoint à Berchère de détruire une usine qu’il a indûment fait construire sur la rivière de Coquerive, et de rétablir dans le délai d’une décade le lavoir de l’hospice dans son état primitif (5 brumaire an VI) (2).
Vue de l'Île-Maubelle

     (1) V. la note 94.

     (2) Manuscrit des moulins
    On appelait autrefois rue de l’Ile-Maubelle la rue à gauche allant au moulin de ce nom et qui est située sur les anciens remparts. Anciennement, elle s’appelait rue de Coquerive, sans doute parce qu’elle mène à l’allée de Coquerive.

     Promenade des Prés. — L’une des belles promenades de la ville passant dans les prés et longeant les anciens remparts. On remarque surtout les ruines des murs fortifiés, deux tours et un petit fort quadrangulaire garni de mâchicoulis: la première tour vers la rue du Perray s’appelle tourelle à Jean-le- Bâtard, la deuxième tour du Loup, et le fort est connu sous le nom de Portereaux. La majeure partie de ces murs d’enceinte a été démolie en 1833.

     La section de cette promenade allant de la rue du Perray à la première tour s’appelait autrefois quai du Pont-aux-Dames.

     La rivière des Prés l’arrose dans toute son étendue; les arbres séculaires dont elle est plantée y produisent une agréable fraicheur. Le paysage y est très varié: ici un jardin, un marais; là une pépinière, une maisonnette, un lavoir; plus loin, un château, une usine. Tout cela contribue à faire de ce lieu un site enchanteur.

     En face la place Saint-Gilles, il y a sur cette promenade, depuis 1867, une grande place plantée d’arbres et servant pour le marché aux bestiaux qui s’y tient tous les premiers samedis du mois, et où il se vend jusqu’à vingt mille moutons. Le premier [p. 181] marché eut lieu le 4 juillet l868, et la recette pour l’octroi fut de 420 fr. 6.

     La Société d’horticulture d’Étampes vient d’établir à côté de ce marché un jardin d’expérience appelé jardin Guettard, ouvert au public depuis le 27 juillet 1879. On y voit le buste du célèbre naturaliste étampois, dû au ciseau de M. Richou.

     Jean-Baptiste de Poilloue, comte de Bonnevaux, né à Étampes (1), l’un des bienfaiteurs de cette ville, mort le 8 mai 1863, à quatre-vingt-cinq ans, avait sa résidence en cet endroit; c’est pourquoi le nom de Bonnevaux a été donné à la belle avenue moderne de 650 mètres de longueur, allant au pont sur la Juine appelé pont de pierre, et au chemin vicinal n° 7 d’Étampes à Ormoy.

     A droite de cette avenue, et non loin du marché aux bestiaux, est situé le tir d’Élampes, qui a été inauguré le 1er août 1880.

    Après le jardin Guettard, dans la propriété Bonnevaux, est la fabrique de lampes modérateur, système Gautier, occupant une quinzaine d’ouvriers, et fondée à Étampes en 1864.

    En face la rue de Pont-Quesneaux, on voit sur cette promenade une usine à gaz établie en 1870, accompagnée d’un confortable établissement de bains. Plus loin est la nouvelle école communale de garçons dont l’ouverture aura lieu en octobre 1881.

     Un peu plus avant dans la prairie, sur une chute du Juineteau, est le moulin moderne de Baccanal. A l’origine, c’était un moulin à blé, ayant une paire de meules et produisant trois sacs de farine, transformé vers 1875 en usine à fabriquer les couvertures, laquelle a été supprimée par suite de faillite en 1879.

     L’origine du mot Baccanal vient sans doute du bas canal formé par le bras artificiel du Juineteau, par opposition au cours d’eau ou canal supérieur, situé plus haut dans la ville.

     Les bains et le moulin Baccanal sont de la paroisse Notre-Dame, tandis que les maisons de la promenade des Prés, situées un peu plus haut, sont de la paroisse Saint-Gilles.

     (1) Le comte de Bonnevaux, son père, figurait en 1789 à l’Assemblée des trois états.
          C’est auprès du moulin qu’il avait été question d’établir la machine destinée à élever l’eau dans la ville. Un avant-projet a été dressé a cet effet par M. Guiard, ingénieur des ponts et chaussées [p. 182]. Dans sa session de février 1877, le conseil municipal a voté un emprunt de 220 000 fr. pour faire face à ces travaux.

     Un jardin marais d’un demi-arpent, situé près le pont aux Dames, appelé le Petit-Versailles, et qui appartenait à la Congrégation, fut vendu comme bien national, le 19 septembre 1791, à Pierre Robillard, moyennant 1 580 fr. (1).

     (1) Archives départementales.
     Carrefour au Chat et impasse au Chat. — A droite, au bout de la rue de la Cordonnerie et en face la chapelle de l’Hôtel-Dieu. Il y a dans l’impasse une porte en pierres de taille dont les matériaux proviennent de la démolition de l’une des portes latérales de la collégiale Sainte-Croix.

     Une maison dite du Petit-Écu, située dans ce carrefour, et composée de deux corps de logis, cour et jardin en terrasse, plus dix arpents de terre et pré, le tout au chapitre Notre-Dame, fut vendue, le 2 juillet l791, comme bien national, à Germain Hingé, moyennant 9 300 fr. (2)

     (2) Id.
     Rue des Remparts. — De la rue Saint-Jacques à la rivière, et de la rivière à la rue Ile-Maubelle. Cette rue passe sur les anciens remparts de la ville qui ont été abattus petit à petit, notamment en 1833, l 860 et 1871. Ces murs, qui avaient 2 mètres d’épaisseur et étaient percés de nombreuses meurtrières pour le canon, étaient flanqués, entre la porte Évézard et la porte Saint-Jacques, d’une belle tour ronde à deux étages, séparés par des voûtes.

     La route de Dourdan, qui suivait autrefois les rues Saint-Jacques et de la Cordonnerie, suit aujourd’hui la rue des Remparts jusqu’à la rue Évézard.

     La partie allant de la rue de l’lle-Maubelle à la rivière s’appelait autrefois rue de Coquerive.


     Rue du cloître Notre-Dame. — Va de la rue Darnatal à la rue Mauconseil, et de cette rue à l’Hôtel-Dieu, en faisant presque le tour de l’église Notre-Dame. C’est dans cette rue qu’était situé autrefois le cloître, cet ensemble de maisons où logeaient les [p. 183]  chanoines de la collégiale. Il n’y a pas vingt-cinq ans, la première partie de cette rue jusqu’à la rue Mauconseil s’appelait rue de la Châsse, sans doute à cause de la châsse ou reliquaire des corps saints qui est dans l’église, le long d’un mur qui la sépare de cette rue.

     Pendant la Révolution, la rue de la Châsse devint. rue de la Refonte, et le cloître Notre-Dame le passage Républicain. Une maison dite de la Chantrerie, située dans le cloître et appartenant au chapitre Notre-Dame, fut vendu comme bien national, le 25 juin 1792 à l’Hôtel-Dieu, moyennant 2 650 fr. (1). Une autre maison, située audit lieu, appelée la Maîtrise et appartenant au même, fut vendue ledit jour à Claude-Simon Roussel pour 4 000 fr.

     (1) Archives départementales.
     Les chanoines avaient établi, dès le XIIe siècle, une école où un maître enseignait la grammaire et les arts libéraux; mais ce ne fut qu’au temps du roi François Ier, dit le père des lettres, qu’on a établi à Étampes, l’an 1564, une maison où des chanoines instruisaient gratuitement la jeunesse. Telle est l’origine du collège actuel d’Étampes (2).
     (2) Fleureau, p. 422.
     Rue Evezard. — Dans le prolongement de la rue de la Tannerie. L’endroit où elle commence s’appelle les Quatre-Coins; à son autre extrémité, limitée par le Port, était autrefois la porte Évézard.

     Rue très ancienne, car la grande route de Paris y passait, et même la voie romaine. La rampe actuelle de la rue Saint-Jacques, déjà très forte, et qui a été adoucie à plusieurs reprises, suffirait à démontrer que presque tout le roulage se faisait autrefois dans la rue Évézard. Ceci est du reste une tradition du pays.
Autrefois rue du Sauvage, à cause d’une ancienne auberge à l’enseigne du Sauvage qui était à gauche, vers le milieu de cette rue. A droite, près des Quatre-Coins, on voyait, il y a peu d’années, un ancien hôtel à l’enseigne de la Ville-de-Rouen. A côté est la maison Delahaye-Gabaille, où l’on a établi en octobre 1880 un petit séminaire diocésain, dirigé par M. l’abbé Desrues. [p. 184]


     Avenue de Coquerive. — Va de la promenade du Port au moulin des Fontaines. C’est une magnifique avenue de 350 mètres de longueur en ligne droite. Jusqu’au commencement de l’année 1878, elle était plantée d’une triple rangée de peupliers de la plus belle venue. Ces arbres, qui avaient une trentaine d’années, atteignaient presque tous leur maximum de grosseur; le conseil municipal a décidé qu’ils seraient abattus.

     Profitons de l’occasion pour nous unir à une partie des commerçants demandant que des études soient faites et soumises aux autorités compétentes, à l’effet de faire passer par l’avenue de Coquerive la route nationale n°191, ce qui la rectifierait sans trop de dépenses.

     Le nom de cette avenue remonte loin, puisque, d’après Fleureau, les Allemands, en 1652, «avaient leur infanterie du côté des Prez, depuis les Portereaux jusques vers le coing de Cocquerive (1).»


      Cette avenue appartient à la ville depuis le commencement du siècle, par suite d’un échange avec un riche habitant d’Étampes, nommé May.
L'allée de Coquerive en 1903

     (1) Fleureau, p. 274.

La Rue du Perray en 1903

     Rue du Perray. — Fait suite à la rue de l’Île-Maubelle, et conserve son nom jusqu’à la Juine.

     Rue très ancienne, menant au faubourg Saint-Pierre; elle existait déjà au XVe siècle sous ce nom de Perray, Petrosum, qui veut dire chaussée élevée de pierres. Elle traverse la prairie en passant par les quatre bras du Juineteau, avant d’arriver au pont sur la Juine, appelé anciennement le Pont-aux-Lièvres.

     Au bout d’une allée à gauche de cette rue, et sur le principal bras du Juineteau, est le moulin mixte du Perray ou de Coquerive, datant de 1814.

     Également à gauche, avant le moulin de Coquerive, il y avait autrefois sur le Juineteau une autre usine qui a été supprimée.

     Dans cette rue il y a trois auberges: à droite, au n° 6, celle portant pour enseigne à l’Étoile, autrefois à l’Étoile-du-Point-du-Jour, auberge très-ancienne où s’arrêtaient à la fin du dernier siècle [p. 185] les chevaux des convois militaires, ainsi qu’il résulte d’un procès-verbal manuscrit du 16 brumaire an IV , signé Levasseur, commissaire des guerres du district (1).

     (1) Manuscrits particuliers.
    C’est aussi à cette auberge que logeait, en octobre 1870, le commandant de place prussien.

     A gauche, au n° 19, est celle du Chariot-d’Or, avec une enseigne représentant un chariot doré.
     Au n° 71, est l’auberge du Sapeur-Pompier.
     Au n° 30, depuis 1879, est une troisième école des Frères des écoles chrétiennes.


    
  Le quartier Notre-Dame (extrait d'un plan dessiné par Léon Marquis en 1881)
 Plan du quartier Notre-Dame sous l’Ancien Régime (Léon Marquis, 1881)
   
     TABLE.Place du Marché-Notre-Dame. — Rue Baugin. — Place du Petit-Marché. — Rue de l’Ancienne-Comédie. — Place Dauphine. — Rue de la Tannerie. — Rue du Puits-de-la-Chaîne. — Rue Darnatal. — Rue Mauconseil. — Rue Île-Maubelle. — Promenade des Prés. — Carrefour au Chat et impasse au Chat. — Rue des Remparts. — Rue du cloître Notre-Dame. — Rue Evezard. — Avenue de Coquerive. — Rue du Perray.
   
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Source: Saisie numérique en mode texte de Bernard Métivier, 2015.
BIBLIOGRAPHIE

Éditions


     Léon MARQUIS, Les rues d’Étampes et ses monuments, Histoire - Archéologie - Chronique - Géographie - Biographie et Bibliographie, avec des documents inédits, plans, cartes et figures pouvant servir de suppléments et d’éclaircissement aux Antiquités de la ville et du duché d’Etampes, de Dom Basile Fleureau [in-8°; 438 p.; planches; préface de V. A. Malte-Brun], Étampes, Brière, 1881 [dont deux rééditions en fac-similé: Marseille, Lafitte reprints, 1986; Éditions de la Tour Gile, 1996].

     Bernard GINESTE [éd.],
«Léon Marquis: Les rues d’Étampes et ses monuments (1881)», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/index-marquis.html, en cours depuis 2003.

     Bernard GINESTE et Bernard MÉTIVIER [éd.], «
Léon Marquis: Le Quartier Notre-Dame (1881)» [réédition numérique illustrée en mode texte], in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-19-marquis-rues02b.html, 2016.


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