CORPUS HISTORIQUE ETAMPOIS
 
 Dom Basile Fleureau 
De I’Hôpital de saint Jean au haut pavé. 
Antiquitez d’Estampes II, 23
1668
     
50 bis rue du Haut-Pavé (cliché B.G., 25 octobre 2004)
50 bis rue du Haut-Pavé (cliché B.G., 25 octobre 2004)
 
     Ce chapitre, consacré par Fleureau à l’Hôpital Saint-Jean, est un peu sec. Il est vraisemblable que toutes les archives de cet antique établissement, qui existait pourtant encore au temps où il rédige son ouvrage, vers 1668, avaient été détruites lors de la prise de la ville par les Huguenots en 1562, ou bien lors des terribles événements qui ravagèrent la ville l’an 1652, où les assiégeants “entrerent jusques à l’Hôpital de saint Jean, d’où ils furent peu après repoussez” (p.271). Léon Guibourgé a continué l’histoire de cet hôpital (Annexe 3).

      La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
        
Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes
Paris, Coignard, 1683
Deuxième Partie, Chapitre XXIII,
pp. 464-465.
De I’Hôpital de saint Jean au haut pavé 
 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT


DEUXIÈME PARTIE, CHAPITRE XXIII.
De I’Hôpital de saint Iean au haut pavé.
  
IL y a encore dans le même Faux-bourg de saint Martin, en la partie la plus proche de la ville, dite le haut-pavé, à cause de sa situation à l’égard du reste, un Hôpital dont la Chapelle est dediée sous l’invocation de saint Jean l’Evangeliste, & de saint Altin, l’un des compagnons des saints Savinien & Potentien, Apôtres de ce pays. Cet Hôpital étoit anciennement appellé le Refuge des pauvres. Je n’ay pû jusques à maintenant connoître son vray Fondateur, mais j’ay appris par la Charte suivante de l’an 1085. que Roy Philippe Premier en a esté le Bienfacteur, & qu’il y a donné, à perpetuité, un arpent de terre, assis au long de la riviere, & le droit de la riviere en toute l’étendue de cette terre, quitte & déchargé de toutes coûtumes, & autres droits deus à Sa Majesté, avec pareil affranchissement pour tous ceux qui l’habitoient [p.465] alors, & pour ceux qui s’établiroient à l’avenir au dedans des limites de cet arpent de terre, & deffences à ses Officiers de lever sur eux aucune chose que les droits accoûtumez du marché, lors qu’ils viendroient à celuy du Roy: auquel ils ne pourroient les contraindre de vendre leur marchandise à credit. Le Roy donne pouvoir par la même Charte au Procureur de cet Hôpital, de disposer de cet arpent de terre comme il le jugera à propos pour le bien & l’utilité de cet Hôpital. Voicy la Charte.

     In nomine Domini, Philippus Francorum Rex Notum fieri volumus fidelibus nostris quòd de terra nostra, videlicet de dominio nostro Domui Dei, quæ dicitur receptaculum siquidem Pauperum, apud veteres Stampas juxta pontem, arpennum unum donavimus, ea ratione, ut ipsa Domus terram illam in perpetuum teneat & poßideat solutam & quietam: nec ullam deinceps redhibitionem, seu consuetudinem indè habeamus, nec nos, nec ministeriales nostri. Præcipimus autem & auctoritate Regiæ Majestatis inhibemus, quòd nullus Præpositus noster, nec cæteri ministeriales nostri, nec alia quælibet persona de præfata terra quamlibet consuetudinem requirere seu capere, nec in ipsa violentiam, seu toltam facere præsumat; excepto Domus ipsius Procuratore, qui de ea rationabiliter & justè disponat. Hospites autem qui in ipso arpenno conversantur & conversaturos ab omni consuetudine nostra, quæ de ipsa terra ab ipsis requiratur, tàm à nobis quàm à ministerialibus nostris, seu aliqua alia persona, nisi à præfato Procuratore, solutos, pro Deo, clamamus & quietos. Quod si ad forum nostrum vendere vel emere venerint, nihil ab eis, præter justam fori consuetudinem, requiratur aut exigatur. Credantias facere non cogantur. ln locis nostris nulla eis violentia fiat. Similiter autem eidem Hospitio aquam juxta terram ipsam profluentem eodem jure donavimus solutam & quietam. Et ut hoc firmum permaneat, memoriale istud inde fieri, & nominis nostri Charactere & sigillo signari & corroborari præcepimus Gervasi Dapiferi, Theobaldi Constabularii, Lancelini Buticularii, Galerauni [sic] Camerarii. Actum Stampis, anno Incarn. verbi MLXXXV. Regni verò nostri XXIV. Guillermo præposito Stampis Gildebertus in vicem Goiffridi paris. Episcopi cancell. relegendo subscripsit.
Saint Altin et ses compagnons (vitrail de Chartres)
Saints Savinien, Altin, Potentien et Coald
(vitrail de Chartres)



   
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT
NOTES

Saint Altin et ses compagnons (vitrail de Chartres) Saint Altin, l’un des compagnons des saints Savinien & Potentien, Apôtres de ce pays. Fleureau a déjà parlé au chapitre V de la première partie, de l’évangélisation de la région d’Étampes, qu’il suppose avoir été le fait des apôtres légendaires du diocèse de Sens. Altin (qui aurait évangélisé Orléans et Chartres) serait passé par Étampes, lors de l’épisode où saint Savinien (fondateur de l’église de Sens) l’aurait envoyé à Chartres. Dans la version acceptée par Fleureau, ces personnages auraient été des disciples directs de saint Pierre et tout cela se serait passé au premier siècle. Il est l’un des derniers auteurs à croire une chose pareille. On essaye ensuite de sauver l’historicité de ces personnages en les faisant vivre au troisième siècle.

La Charte suivante de l’an 1085. On notera que Léon Marquis en 1881 écrit par distraction 1055, et que Léon Guibourgé en 1957 en conclut avec une certaine légèreté que l’établissement qui bénéficie de la charte de 1085 existait donc déjà en 1055. Ainsi se forgent souvent les légendes de l’histoire locale.

Philippe Ier d'après un camée des années 1630 (BNF) Voicy la Charte. Elle a connu trois éditions. La première est celle de Fleureau (1682), qui suit. La deuxième, celle de Menault, dans son édition du Cartulaire de Morigny (1867), la troisième celle de Maurice Prou, dans son Recueil des actes de Philippe Ier (1908). On notera que Fleureau ne dit pas d’où il a tiré le texte qu’il édite. Prou, en mentionnant l’édition de Fleureau, ne se prononce pas sur la question de sa source. Au reste il ne tient pas compte de ce cette édition et s’appuie seulement pour sa part sur le témoignage du Cartulaire de Morigny. La comparaison de ces deux textes (que je donne en parallèle dans mon Annexe 1) tend à démontrer que Fleureau avait sous les yeux soit le Cartulaire de Morigny (qui est du XIIIe siècle), soit une copie qui en était extrêmement proche. La seule variation intéressante de ces éditions concerne la dénomination donnée par le roi à l’établissement en question. Voyez la note suivante.

Domui Dei, quæ dicitur receptaculum siquidem Pauperum. “à la Maison Dieu qui est appelée Refuge, c’est-à-dire des Pauvres”. Le texte de Fleureau est ici fautif, et il lui faut préférer celui du Cartulaire de Morigny, suivi par Menault et Prou: domui Domini Dei, que dicitur Receptaculo siquidem pauperum, “à la Maison du Seigneur Dieu qui est appelée Au Refuge, c’est-à-dire des Pauvres”. Ce texte présente deux particularités intéressantes qui disparaissent dans l’édition princeps de Fleureau.
     Tout d’abord l’auteur de la charte n’a pas à l’esprit les expressions postérieures Maison Dieu ou Hôtel Dieu, dont on a sans doute eu tort de voir dans notre charte la toute première occurrence (opinion répercutée notamment par Patrick Lanotte dans sa thèse soutenue en 1998 à Reims, Médecine, médecins et hospitalité dans le haut Moyen Age. L’exemple de Reims. L’origine de l’Hôtel-Dieu de Reims au VIe siècle: mythe ou réalité? p.44).
Exemple de monogramme de Philippe Ier      Fleureau a simplifié le texte à tort, croyant y reconnaître une expression en usage de son temps, Maison Dieu. En fait le rédacteur de la charte utilise délibérément une expression typiquement biblique, Domus Domini Dei, “La maison du Seigneur Dieu”, qui désigne régulièrement dans l’Écriture le Temple de Jérusalem (Exode XXXIV, 26; Deutéronome XXIII, 19; 1 Esdras I, 3; VI, 22; V, 71; VIII, 18, 47, 60, 63, 80; 1 Chroniques XXII, 1; 2 Chroniques XXIX, 5; Sophonie I, 9; Psaume CXXI, 9). En latin classique déjà l’expression Domus Dei désignait un temple.
     L’idée est donc éminemment théologique. Cet établissement étampois est assimilé au Temple même de Dieu parce qu’on y accueille les pauvres, à qui le Christ s’est lui-même assimilé, comme le rappelle encore l’inscription latine qui est sur la façade de l’ancien Hôtel-Dieu d’Étampes, à côté de Notre-Dame, rue de la République.
     C’est sans doute là l’origine des expressions Maison Dieu ou Hôtel Dieu, appliquée ultérieurement aux hospices, mais il n’est pas probable qu’il s’agisse déjà ici d’une appellation  vernaculaire. Il semble qu’il s’agisse plutôt à cette date encore d’une périphrase scripturaire destinée à souligner le mérite de cette donation. Ce mérite n’est pas moindre que celui d’une donation à un établissement cultuel.
     Par ailleurs on notera que le nom de l’établissement n’est pas donné au nominatif, Receptaculum, “le Refuge, que Fleureau a cru devoir rétablir, comme semble l’imposer le contexte grammatical, mais à l’ablatif, Receptaculo, “Au Refuge. Or il ne s’agit certainement pas d’une faute, car plusieurs chartes étampoises présentent cette caractéristique, qui doit refléter un usage local, celui d’user de noms de lieu précédés de la préposition à. Ainsi dans la charte de 1046: in uilla que dicitur Montelosberti, “dans le domaine appelé Au Mont-Losbert”.... alodum unum qui dicitur Magniruallo et Frotmundiuillario, un alleu appelé A Magneruel et à Fromonvilliers”, etc. Et de même encore en 1274 dans une charte étampoise de la reine Marguerite: boucheriam stampensem quæ dicitur ad novos stallos,  “la boucherie étampoise appelée Aux Nouveaux Étaux”.

violentiam, seu toltam facere.
“ni violence ni toulte. Voici les graphies attestées par le Lexicon de Niermeyer pour la toulte: tolta, tulta, touta, tutta, tota. C’est au départ le participe passé du verbe tollere, “lever. Le fait que la toulte, autrement dit la taille, soit mise sur le même plan que la violence indique assez qu’il s’agit d’une imposition dont la perception se distingue mal du racket ou du bakchich. Niermeyer traduit ce mot en français par “taille”, et en anglais par “arbitrary exaction... Voilà qui devrait faire réfléchir les tenants d’une privatisation à marche forcée de pans entiers de la puissance publique, et d’une diminution de la masse salariale des fonctionnaires; mais ni lhistoire, ni la géographie du Tiers-Monde, ne sont généralement le fort des tenants de cette nouvelle religion. Estimons-nous heureux déjà de cette tolérance présidentielle: “Vous avez le droit de faire de la littérature ancienne (19 avril 2007).

Bernard Gineste, 9 mai 2007

Toute critique ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
ANNEXE 1
La charte de 1085

Texte de Fleureau (1682)
Texte de Prou (1908)
Traduction de B. G. (2007)
     In nomine Domini, Philippus ] Francorum Rex      In nomine Domini, Philippus, Dei gratia Francorum Rex.
     Au nom du Seigneur, Philippe par la grâce de Dieu roi des Francs.
     Notum fieri volumus fidelibus nostris quòd de terra nostra, videlicet de dominio nostro Domui ] Dei, quæ dicitur receptaculum siquidem Pauperum, apud veteres Stampas juxta pontem, arpennum unum donavimus, ea ratione, ut ipsa Domus terram illam in perpetuum teneat & poßideat solutam & quietam: nec ullam deinceps redhibitionem, seu consuetudinem indè habeamus, nec nos, nec ministeriales nostri.
     Notum fieri volumus fidelibus nostris quod de terra nostra, videlicet de dominio nostro, domui Domini Dei, que dicitur Receptaculo siquidem pauperum, apud Veteres Stampas juxta pontem, arpennum unum donavimus, ea ratione ut ipsa domus terram illam imperpetuum teneat et possideat solutam et quietam: nec ullam deinceps redhibitionem, seu consuetudinem inde habeamus, nec nos, nec ministeriales nostri.
       Nous voulons qu’il soit connu de nos féaux que nous avons donné, sur notre terre, à savoir sur notre domaine, à la Maison du Seigneur Dieu appelée A l’Asile, cest-à-dire à celui des pauvres, un arpent situé aux Vieilles Étampes près du pont, étant précisé que cette maison tiendra et possèdera cette terre à perpétuité sans aucune charge ni contestation possible, et que ni nous-même ni nos officiers ne pourrons nous la faire restituer ni en tirer de redevance.
     Præcipimus autem & auctoritate Regiæ Majestatis inhibemus, quòd nullus Præpositus noster, nec cæteri ministeriales nostri, nec alia quælibet persona de præfata terra quamlibet consuetudinem requirere seu capere, nec in ipsa violentiam, seu toltam facere præsumat; excepto Domus ipsius Procuratore, qui de ea rationabiliter & justè disponat.      Precipimus autem et auctoritate regie majestatis inhibemus, quod nullus prepositus noster, nec ceteri ministeriales nostri nec alia quelibet persona de prefata terra quamlibet consuetudinem requirere seu capere nec in ipsa violentiam seu toltam facere presumat; excepto domus ipsius Procuratore, qui de ea rationabiliter et juste disponat.
     Nous prescrivons, et nous interdisons de par l’autorité de notre majesté royale qu’aucun de nos prévôts, ni aucun autre de nos officiers ni aucune autre personne que ce soit réclame ou perçoive quelque redevance que ce soit sur la susdite terre, ni qu’ils y exercent violence ou exaction, hormis le directeur de la dite maison, qui en disposera d’une manière raisonnable et juste.
     Hospites autem qui in ipso arpenno conversantur & conversaturos ab omni consuetudine nostra, quæ de ipsa terra ab ipsis requiratur, tàm à nobis quàm à ministerialibus nostris, seu aliqua alia persona, nisi à præfato Procuratore, solutos, pro Deo, clamamus & quietos.      Hospites autem qui in ipso arpenno conversantur, et conversaturos, ab omni consuetudine nostra, que de ipsa terra ab eis requiratur tam a nobis quam a ministerialibus nostris seu aliqua alia persona, nisi a prefato procuratore, solutos, pro Deo clamamus et quietos.
     Quant aux tenanciers qui habitent et habiteront sur cet arpent, nous les proclamons pour l’amour de Dieu francs et quittes de tout droit coutumier qui leur serait réclamé, tant par nous-même que par nos officiers ou par toute autre personne, hormis le susdit directeur.
     Quod si ad forum nostrum vendere vel emere venerint, nihil ab eis, præter justam fori consuetudinem, requiratur aut exigatur. Credantias facere non cogantur. ln locis nostris nulla eis violentia fiat ].
     Quod si ad forum nostrum vendere vel emere venerint, nichil ab eis preter justam fori consuetudinem requiratur aut exigatur; creditantias facere non cogantur. ln locis nostris nulla eis violencia fiat nec tolta fiat.
     Et sils se rendent à notre marché pour y vendre ou y acheter, qu’on ne réclame ni n’exige d’eux rien de plus que le juste droit de marché. Qu’on ne les force pas à vendre à crédit. Sur nos terres, qu’il ne se fasse ni violence ni exaction à leur encontre.
     Similiter autem eidem Hospitio aquam juxta terram ipsam profluentem eodem jure donavimus solutam & quietam.
     Similiter autem eidem hospicio aquam juxta terram ipsam profluentem eodem jure donavimus solutam et quietam.
     Nous avons pareillement donné au dit hospice l’eau qui s’écoule le long de la dite terre,  sous le même régime, sans aucune charge ni contestation possible
     Et ut hoc firmum permaneat, memoriale istud inde fieri, & nominis nostri Charactere & sigillo signari & corroborari præcepimus
     Et ut hoc firmum permaneat, memoriale istud inde fieri & nostri nominis karactere et sigillo signari et corroborari precepimus
     Et pour que cela demeure fermement, nous avons ordonné qu’on en fasse le présent document et qu’il soit marqué et certifié du monogramme de notre nom et de notre sceau.
      ] Gervasi Dapiferi, ] Theobaldi Constabularii, ] Lancelini Buticularii, ] Galerauni [sic] Camerarii.
     $ Gervasi dapiferi. $ Theobaldi constabularii. $ Lancelini buticularii. $ Galeranni camerarii.
     Marque du sénéchal Gervais. Marque du connétable Thibaud. Marque du bouteiller Lancelin. Marque du chambrier Galerran.
     Actum Stampis, anno Incarn. verbi MLXXXV. Regni verò nostri XXIV. Guillermo præposito Stampis
     Actum Stampis, anno incarnati Verbi .M°.LXXX°.V°., anno regni nostri .XX°.IIII°. Guillermo preposito Stampis.
     Fait à Étampes, l’an de l’incarnation du Verbe 1085, et 24 de notre règne, alors que Guillaume était prévôt d’Étampes.
     Gildebertus in vicem Goiffridi paris. Episcopi cancell. ] relegendo subscripsit.
     Gildebertus [Corrigez: Gislebertus (note de Prou)] ad vicem Goisfridi, Parisiorum episcopi, cancellarii nostri relegendo subscripsit.
     Gilbert, après relecture, a souscrit, à la place de notre chancelier, l’évêque de Paris Geoffroy.
Sceau de Philippe Ier
Sceau de Philippe Ier
Sceau de Philippe Ier
 
Exemple de monogramme de Philippe Ier
Exemple de monogramme de Philippe Ier
ANNEXE 2
Léon Marquis sur l’Hôpital Saint-Jean (1881)

     Rue Saint-Jean. — A gauche de la rue Saint-Martin et faisant suite à la rue de Saclas. Son nom lui vient de l’hôpital Saint-Jean ou refuge des pauvres qui était au coin de cette rue et de celle du Haut-Pavé. Il existait dès l’an 1055 [Lisez: 1085] et possédait un arpent de terre le long de la rivière (2). En 1648, d’après un pouillé de Sens, son revenu était de 8,000 livres. [...]
     Rue du Haut-Pavé. — Fait suite à la rue Saint-Martin. Elle est située dans un lieu élevé, a le pavé haut. D’après Fleureau, le faubourg du Haut-Pavé était autrefois l’un des quatre de la ville.
     A gauche de cette rue, on voit d’abord une ancienne porte surmontée d’une petite niche: c’est un reste de l’hôpital Saint-Jean.
[...]
     (2) Fleureau, p. 464.

Les Rues d’Étampes et ses monuments, 1881, p. 111.
 
ANNEXE 3
Léon Guibourgé sur le Refuge des Pauvres (1957)

REFUGE DES PAUVRES, DES VOYAGEURS, L’HÔPITAL SAINT-JEAN, LA CHAPELLE.

     Dans le quartier Saint-Martin, tout le monde connaît la rue Saint-Jean. Elle commence au début de la rue Saint-Martin, en face de la route de Saclas, à un carrefour qu’on appelait autrefois le carrefour de l’Ecce Homo. Elle monte vers le cimetière Saint-Gilles, passe devant la piscine et aboutit au pont Saint-Jean qui passe sur la ligne de chemin de fer. Au carrefour, à l’angle de cette rue Saint-Jean et de la rue du Haut-Pavé se trouvait l’hôpital Saint-Jean.
50 bis rue du Haut-Pavé (cliché B.G., 25 octobre 2004)       A l’heure actuelle tout ce qui reste de cet ancien hôpital est [p.216] une petite maison basse, ayant sur son toit une sorte de guérite carrée à fenêtre bouchée, en dessous une niche vide de sa statue et surmontée d’une croix, et une porte en pierre de taille à cintre surbaissé, masquée par une porte en bois d’une remise.
     L’hôpital Saint-Jean remontait à une époque très ancienne. On dit qu’il existait dès l’an 1055 [N.B. Cette date fantaisiste ne repose que sur une coquille de Léon Marquis, où il faut lire: 1085 (B.G.)] sous le nom de «Refuge des Pauvres» et que le roi Philippe Ier, en 1085, l’avait doté de revenus importants. Dans cet hôpital il y avait une chapelle dédiée, dit dom Fleureau, sous l’invocation de saint Jean-Baptiste et de saint Altin, l’un des compagnons des saints Savinien et Potentien, apôtres de ce pays.
     Cet hôpital était administré par un personnel laïque. En 1556, dans le procès-verbal de la rédaction des Coutumes du Bailliage, il y avait comme administrateur un nommé Simon Charbonnier. Un aumônier naturellement y résidait pour le service de la chapelle et pour les secours religieux à donner aux malades et au personnel.
     On y recevait les pauvres malades de la ville. On y hébergeait aussi les étrangers, les voyageurs ou pèlerins de passage qui avaient besoin de soins. Ainsi, le 3 février 1599, eut lieu, d’après les registres de la chapelle, «le baptême de Périne, fille d’Eloy Michon et de Claudine Migret, laquelle estant en voyage, passant par cette paroisse, estant logée à l’hôpital Saint-Jean, y est accouchée».
Saint Altin et ses compagnons (vitrail de Chartres)      Dans ces mêmes registres, en 1657, sont inscrits les décès de plusieurs passants, tristes victimes de la misère générale; de même en 1662, année de grande mortalité. On y voit également les naissances et baptêmes des enfants du personnel de l’hôpital: le 20 août 1655, le baptême de Jeanne, ou encore la naissance d’un enfant de Mathurin le Tailleur, gardien de l’hôpital.
     L’hôpital eut à souffrir des guerres, en particulier de la Fronde. Dom Basile Fleureau rapporte qu’en 1652, lors du siège de la ville, le régiment «des Enfants perdus», conduit par un officier de Picardie, ayant coupé le régiment de Condé et les Allemands, et forcé les régiments de Bourgogne, entra à l’hôpital Saint-Jean. On pense aux dégâts et désordres qui en résultèrent.
     Ce petit hôpital jouissait en 1648 d’un revenu de 8.000 livres, suivant un registre du diocèse de Sens. Il avait du mal à vivre. Il fut réuni à l’Hôtel-Dieu d’Etampes en 1695, mais la chapelle subsista et continua de servir au culte. C’est ainsi qu’il y fut célébré le 7 novembre 1702 le mariage entre Abraham Dolbet, écuyer ordinaire de la bouche de Mme la Duchesse de Bourgogne, et Marie-Marguerite, fille d’Octave Dissou, receveur des Fermiers [p.217] du Roi, et de Marie-Françoise Robert; en présence de messire Claude de Massac, docteur de Sorbonne, ministre de la Sainte Trinité.
     Arriva la Révolution. En messidor an II, la chapelle fut louée au profit de 1’hospice et convertie en grange. Un peu plus tard, en floréal an IV, elle servit de salle de réunion pour la réorganisation de la Garde Nationale. Les citoyens furent convoqués en groupes de 95 hommes et on attribua à ces groupes les édifices religieux pour élire les nouveaux gradés. L’un de ces groupes se réunit sous la présidence de Marc Boivin dans la chapelle Saint-Jean.
     En prairial de la même année, un particulier offrit d’acheter la chapelle mais le Conseil Général de la Commune refusa d’autoriser la vente, «considérant que la loi du 2 germinal an II veut que les biens des hôpitaux soient provisoirement exceptés de ceux compris dans la loi du 27 ventôse sur la vente des biens nationaux, ce qui est le cas de cette chapelle».
     Ce qui n’empêcha pas, peu de temps après, la chapelle d’être vendue, puis démolie, ainsi que les bâtiments de l’hôpital, sauf une petite partie de ces bâtiments que l’on voit encore de nos jours au 50 bis de la rue du Haut-Pavé.

Étampes Ville Royale, 1957, p. 215-217.
 
ANNEXE 4
Frédéric Gatineau sur les toponymes Haut-Pavé et Saint-Jean (2003)

HAUT PAVÉ (rue du)
     Cette rue est citée dès 1605 (Adioc1). Le Haut-Pavé est cité comme faubourg en 1593 (A dioc 5). Cette voie est une portion de l’ancienne grande route (pavée) de Paris à Orléans. Il y a, de fait, une petite montée à cet endroit. Cette rue, située dans le prolongement de la rue Saint-Jacques, a connu le passage des pèlerins vers Saint-Jacques de Compostelle à partir du 12e siècle. A partir des années 1930 et jusqu’à l’ouverture de la déviation de la nationale 20 en 1961, elle voit passer un flot croissant de véhicules. La traversée d’Étampes est devenue un cauchemar pour les automobilistes comme pour les riverains. [PV FG/6]
     Une des 22 premières bornes-fontaines y est installée en 1881.
     Au n° 29, ancienne auberge du Lièvre.
     A l’emplacement du n° 33, ancienne maison de l’Etoile.  
     Au n° 41 ter, ancienne auberge Saint-Nicolas.
     Au n° 2, ancienne auberge du Mouton.
     Au n° 30, maison avec son ancienne devanture.
     Au n° 36-38, ancienne auberge la Chasse.
     Au n° 50-50 bis/50 ter, ancien Hôpital Saint-Jean.

HAUT PAVÉ (puits du)
     Ce puits attenant à l’ancien cimetière Saint-Gilles est cité en 1820.
HÔPITAL SAINT-JEAN DU HAUT PAVÉ
     Cette maison d’accueil pour pèlerins était située à l’emplacement de l’actuel 50 rue du Haut-Pavé. L’hôpital est cité vers 1085 dans une charte de Philippe Ier qui en fut le premier bienfaiteur. L’établissement comprenait deux chapelles, l’une dédiée à Saint Jean, l’autre à Saint Altin. La maison actuelle a visiblement été remaniée à la Renaissance et surtout au cours du 20e siècle. Il subsiste une petite tourelle carrée avec une niche qui abritait jadis une statuette de la Vierge.
SAINT-JEAN (chemin de)
     Ce vieux chemin a repris le tracé des actuelles allée du Docteur-Bourgeois et avenue des Meuniers.
     Sur un plan de 1812, le chemin Saint-Jean désigne aussi l’actuelle rue du Pont-Saint-Jean. Ce chemin de Saint-Jean débutait à l’Est de la ruelle du Mouton. Il a été très bouleversé par l’établissement de la ligne de chemin de fer. Le départ de ce chemin est cité comme ruelle Saint-Jean dès 1512 (ADE E3913).

SAINT-JEAN (impasse)
     Cette impasse qui débouche dans la rue Saint-Jean, derrière l’ancienne auberge du Grand Saint-Martin figure toujours au cadastre actuel. Il s’agit d’un ancien chemin fermé en impasse en 1880. [PV F6]
SAINT-JEAN (pont)
     Ce pont sur la voie ferrée fut construit en 1843. Elargie en 1903, la passerelle a néanmoins formé pendant longtemps un goulet d’étranglement entre la ville haute et basse. Le pont Saint-Jean sera finalement remplacé par le grand pont actuel en 1970.
SAINT-JEAN (porte)
     Cette porte fictive, citée dès 1683, était située près de l’Hôpital Saint-Jean (B F). Elle ne pouvait faire partie des anciennes fortifications de la ville puisqu’elles ne passaient pas dans cette zone. La porte devait matérialiser une simple barrière douanière.
SAINT-JEAN (rue)
     Cette voie était aussi dénommée ruelle aux Loups au 17e siècle mais aussi ruelle Saint-Jean en 1657 (ADE E3913). Elle deviendra rue de la Surveillance pendant la période révolutionnaire. Le nom de cette rue vient de la proximité de l’ancien hôpital Saint-Jean du Haut-Pavé, cité dès 1085, où se trouvait une chapelle dédiée à Saint Jean-Baptiste. [PV G6]
     Mise à part la façade nord de l’auberge du Grand Saint-Martin, aucune maison ne figure dans cette voie sur le plan de 1827.

PONT SAINT-JEAN (résidence du)
     Nom donné à l’ensemble des 79 pavillons desservis par les rues d’Assas, Bayard, etc.
Ces logements en semi-collectif ont été construits dans les années 1970 pour la Société Coopérative HLM de Brétigny et du Hurepoix. Les pavillons blancs présentent d’originales toitures à pan unique.

PONT SAINT JEAN (rue du)
     Cette voie est dénommée ruelle Saint-Jean sur un plan de 1812. Elle tire son nom du pont qui traverse la voie de chemin de fer (voir Pont Saint-Jean). [PV G1]

Étampes en lieux et places, 2003, pp. 68, 69, 116 et 100.
 
Source: Basile Fleureau, Les Antiquitez de la ville et du Duché d’Estampes, pp. 464-465. Saisie: Bernard Gineste, mai 2007.
   

BIBLIOGRAPHIE

Éditions

 
     Édition princeps, posthume: Dom Basile FLEUREAU (1612-1674; religieux barnabite, de la congrégation de saint Paul), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p.; publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité vers 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683.

     
Réédition en fac-similé: Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [23 cm sur 16; XIV+622+VIII p.], Marseille, Lafittes reprints, 1997.

     
Réédition numérique en ligne (en cours depuis 2001): Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, 2001-2007.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: De I’Hôpital de saint Jean au haut pavé (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-c23.html, 2007.

Éditions de la charte de 1085

     1) Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes, Paris, Coignard, p. 465.

     2) Ernest MENAULT, Essais historiques sur les villages de la Beauce. Morigny, son abbaye, sa chronique et son cartulaire, suivis de l’histoire du Doyenné d’Etampes [in-8°], Paris, Auguste Aubry, 1867, t.II, p.38.

     3) Maurice PROU (1861-1930), Recueil des actes de Philippe Ier, roi de France (1059-1108), publié sous la direction de M. d’Arbois de Jubainville [in-4°; CCL+566 p.; VIII ff. de planches], Paris, Imprimerie nationale [«Chartes et diplômes relatifs à l’histoire de France publiés par les soins de l’Académie des inscriptions et belles-lettres» 1], 1908, pp. 287-288 (n°CXIV).

     4) Édition numérique en ligne imminente sur le Corpus Étampois.


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