CORPUS HISTORIQUE ETAMPOIS
 
 Dom Basile Fleureau 
Des choses memorables arrivées Estampes
vers le regne de Philippe VI, Jean II, Charles V et Charles VI
Antiquitez d’Estampes I, 34
1668
     
Généalogie des premiers seigneurs d'Etampes

     Ce chapitre est consacrée à la période où le comté d’Étampes fut tenu Louis II d’Évreux de 1352 à 1399. Outre quelques rares épisodes de la vie de ce prince, on y explique surtout comment se succédèrent de son vivant ses héritiers présomptifs, à savoir tout d’abord son lointain cousin le frère de Charles V, Louis Ier d’Anjou, puis le fils de ce dernier, Louis II, puis encore, par suite d’un échange, Jean de Berry, le deuxième frère de Charles V, et enfin, comment du vivant même de Louis II comment Jean de Berry désigna comme son propre héritier le troisième frère de Charles V, Philippe de Bourgogne, et ses descendants.

      La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
     
Philippe VI de Valois d'après un camée des années 1630  
Philippe VI de Valois
Jean II le Bon d'après un camée des années 1630
Jean II le Bon
Charles V d'après un camée des années 1630
Charles V
Charles VI le Fol d'après un camée des années 1630
Charles VI
Camées des années 1630
 
Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes
Paris, Coignard, 1683
Premiere Partie, Chapitre XXXIV,
pp. 156-170.
Des choses memorables arrivées Estampes vers le regne de Philippe VI, Jean II, Charles V et Charles VI
 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT

Pour Mme S.

PREMIÈRE PARTIE, CHAPITRE XXXIV.
Des choses memorables arrivées à  Estampes vers le regne de
Philippe VI. Roy de France
     dit de Valois m. 1350.
Iean surnommé le Bon 1364.
Charles V. dit le Sage 1380.
Charles VI.


Louis d’Evreux II. du Nom
     & II. Comte d’Estampes.
Loüis Duc d’Anjou, & ses enfans.
Iean Duc de Berry.
Comtes d’Estampes.

Depuis 1352. jusqu’à 1399.
 
     CHarles d’Evreux Premier Comte d’Estampes eut pour successeur Loüis son fils aisné, qui se qualifioit aussi Comte de Gien, & Seigneur de Lunel, prés de Bancaire en Languedoc: Jean son puisné eut en partage d’autres Seigneuries; Il fut communement surnommé d’Estampes, ces deux Princes étoient en bas âge quand leur Pere mourut: & leur Mere, jeune Princesse, épousa peu aprés Charles de Valois II. du Nom, Comte d’Alençon, sous l’autorité duquel leurs biens furent regis & administrez: au moins voit-on plusieurs Contracts, Sentences, & autres actes de justice, faits en ce temps-là, à Estampes, sous le nom de Charles Comte d’Alençon, d’Estampes & de Gien.

     Nos Historiens mettent Loüis Comte d’Estampes au nombre des Chevaliers que le Roy Jean fit à Rheims, pour rendre plus magnifique la ceremonie de son Sacre, & de la Reine Jeanne, fille de Guillaume, Comte d’Auvergne, & de Bologne, veuve de Philippe Comte d’Artois, qui étoit fils d’Eude IV. Duc, & Comte Palatin de Bourgogne; laquelle il avoit épousée un mois aprés la mort du Roy Philippe de Valois son Pere. Ce Comte Loüis fut des premiers à cheval, lors que le Roy commanda à tous ses Vassaux de se joindre à luy sans delay, & sans excuse, en Anjou, ou en Touraine, où il alloit en diligence pour s’opposer au Prince de Galles, qui venoit de Bourdeaux à la teste de 2000. hommes d’Armes, & de 6000. Archers Anglois, ou Gascons, pour ravager l’Auvergne, le Berry, la Sologne, & la Touraine, comme il avoit fait l’année precedente, en Languedoc: & pour passer de là en Normandie, au secours du Duc de Lanclastre [sic], qui y étoit décendu [sic] avec des troupes de gens de guerre, pour favoriser les broüilleries de Charles d’Evreux, dit le Mauvais, & le Flambeau fatal de [p.157] la France, Gendre du Roy, qui avoit esté luy-même le prendre dans le Château de Roüen, comme il dînoit avec le Dauphin, que Sa Majesté avoit envoyé à dessein en ce lieu-là, sous pretexte de prendre possession du Duché de Normandie, & d’y recevoir les hommages des Vassaux.
Sacre de Jean II le Bon selon une miniature des Grandes Chroniques de France
Sacre de Jean II le Bon
(Grandes Chroniques de France)
     L’Histoire de ce temps-là met ce jeune Prince Louis, au nombre de ceux, à qui le Prince de Galles donna à souper, à la même table où étoit le Roy, le 19 de Septembre 1356. jour auquel le Roy fut pris prisonnier, aprés avoir perdu la bataille prés de la ville de Poictiers: mais elle ne le met pas au nombre des prisonniers qui furent menez avec le Roy, au Printemps suivant, de Bourdeaux en Angleterre: ce qui donne lieu de croire qu’il fut mis en liberté pendant le sejour que l’on fit à Bourdeaux, soit qu’il traitât, & payât luy-même sa rançon, ou qu’il fut du nombre de ceux que l’on relâcha, & renvoya en France, sur la parole du Roy, de satisfaire pour eux, à ceux dont ils étoient prisonniers. Jean d’Estampes frere de Louis, & Pierre d’Alençon frere uterin de tous les deux, sont mis au nombre des ôtages qui furent données [sic] aux Anglois, pour seureté du payement qui leur avoir été promis par le traité arrêté au bourg de Bretigny, prés de la ville de Chartres, le huitiéme de May 1360. Jean demeura plusieurs années en Angleterre, & peu aprés son retour en France, il entreprit le voyage de Rome où il mourut, comme il est marqué dans le testament du Comte Louis, du Samedy 28. jour de Juin 1399. par lequel il legue au Comte du Perche son Nepveu, un Saphir appellé le Saphir d’Evreux, qu’il avoir eu aprés la mort de son frere decedé à Rome.

     Entre les Seigneurs qui furent tuez à la bataille de Poictiers, Gaultier de Brienne, Duc d’Athenes, Connêtable de France, y-mourut. Il étoit fils de Gaultier de Brienne, Duc d’Athenes, Comte de Brienne, & de Liche, qui mourut en Sicile environ l’an 1312. Il avoit épousé Jeanne d’Eu, fille de Raoul, Comte d’Eu, & de Guines, aussi Connêtable de France, qui avoit été decapité le Jeudy 18 jour de Novembre 1352. dans l’Hôtel de Nesle, où le Prevôt de Paris l’avoit arrêté le Mardy precedent, aprés avoir été convaincu par sa propre confession, que le Traité qu’il avoit fait avec l’Anglois dont il étoit prisonnier de guerre, de luy payer pour sa rançon la somme de quatre-vingt mil écus: ou au defaut de payement de le mettre en possession du Comté de Guines, étoit une trahison, & une invention pour introduire dans ses terres l’ennemy de la France. Le Dauphin Charles qui gouvernoit le Royaume pendant la détention [p.158] du Roy son Pere, en qualité de Regent, trouva bon que Louis épousât la veuve du Duc d’Athenes: & en faveur de ce mariage, qui fut fait au mois de janvier 1357. il continua à Louis la jouïssance, sa vie durant, des terres, & Seigneuries de Solives, & de Beaufort en Champagne, que le Roy son Pere avoit données à Gaultier, en faveur de son mariage avec Jeanne, par lettres du troisiéme d’Octobre 1351.

Armes des frères utérins Pierre II d'Alençon et Louis II d'Evreux sur l'armorial de Gueldre
Armes de Pierre II et de Louis II
(Armorial de Gueldre)
     Le Comte Louis voyant qu’il n’avoit point d’enfans de Jeanne, fit diverses dispositions de ses biens, dont je parleray dans la suite de cette Histoire, particulierement en traitant de l’Eglise de Nôtre Dame; & cependant, je remarqueray icy, qu’il donna entre-vifs à Louis de France II. fils du Roy, & Duc d’Anjou, & de Touraine, & Comte du Maine, & à Madame Marie de Bretagne sa femme, fille puisnée de Charles de Châtillon, Comte de Blois, & de Jeanne de Bretagne, pour eux, leurs enfans, & successeurs, les Comtez, Châteaux, Villes, & Châtellenies d’Estampes, de Gien-sur-Loire, de Dourdan, & d’Aubigny-sur-Nierre, avec deux mille livres tournois de rente, faisant partie de quatre mille livres tournois de rente, qu’il avoit accoûtumé de prendre, & avoir sur le tresor du Roy à Paris, de la succession de son Pere, avec tous les droits, Noblesses, fiefs, arriere-fiefs, hommages, justices, Seigneuries, maisons, terres, eaux, bois, prez, fours, moulins, étangs, pescheries, cens, rentes, revenus, peages, travers & autres choses qui en dépendoient. Les motifs de cette donation furent la proximité du sang qui étoit entre les donataires, & le donateur; la reconnoissance des biens, & de l’honneur, que le Duc d’Anjou luy avoit toûjours fait, au temps de leur jeunesse, qu’ils avoient été nourris, & élevez ensemble; & depuis en le conservant aux bonnes graces du Roy, des Ducs de Berry, & de Bourgogne frere du Roy, & des autres Princes du sang Roial: & pour reconnoître l’honneur, qu’il avoit fait, & l’affection qu’il avoit témoignée au Comte d’Alençon, & du Perche, son frere, & à toute leur famille, en voulant, & consentant au mariage de Louis son fils aîné, avec la fille aînée du même Comte du Perche. Armes des frères du roi, Louis Ier d'Anjou et Jean de Berry, dans l'Armorial de Gueldre
Louis Ier d’Anjou et Jean de Berry
(Armorial de Gueldre)
     Le Donateur mit dans cette donation des conditions tres-dignes de remarque: il reserva l’usufruit, sa vie durant seulement, des Comtez, Châteaux, Villes & Châtellenies qu’il avoit donnez, le doüaire de la Comtesse d’Estampes sa femme, & cent livres tournois de rente, à prendre sur les choses par luy cedées, ou sur quelques unes d’icelles, pour donner, & transporter, ou en ordonner [p.159] tant en sa vie, qu’en son testament, en faveur de l’Eglise, ou d’autres tels qu’il luy plairoit. Il stipula qu’en cas qu’il fût pris prisonnier par les ennemis du Roiaume, ou que pour les dommages causez par les ennemis du même Roiaume, il vint à être tellement opprimé, qu’il n’eût pas dequoy entretenir son Etat: en ces deux cas, & non autrement, il pourroit vendre des heritages qu’il avoit cedez, & que le Duc d’Anjou retiendroit, s’il vouloit pour le prix qu’ils auroient été vendus. Il reserva aussi expressement, que s’il plaisoit à Dieu de luy donner des enfans legitimes, cette donation seroit nulle, & ils pourroient luy succeder en tous ses biens, comme si elle n’avoit point été faite.
Louis Ier d'Anjou sur une de ses monnaies
Louis Ier d’Anjou
(sur une de ses monnaies)
     La premiere de ses conditions fait voir la prudence du Donateur, en se conservant dequoy s’entretenir sa vie durant, selon sa qualité & sa haute naissance. La deuxiéme marque sa justice, & l’amitié qu’il avoit pour sa femme, en assurant ce qui luy étoit deû. La troisiéme fait voir sa pieté envers Dieu. La quatriéme fait connoître sa fidelité, & son affection au service du Roy, & de l’Estat. La cinquiéme, sa prévoyance: Et la sixiéme, témoigne l’inclination naturelle que chacun a de se perpetuer par de legitimes successeurs, dans lesquels on espere toûjours vivre. Les lettres de cette donation sont de la teneur suivante.

     A tous ceux qui ces presentes Lettres verront, Audoüin Chauberon, Docteur en Loix, Conseiller du Roy nôtre Sire, & garde de la Prevôté de Paris, salut; sçavoir faisons que pardevant Iean Fourcaut, & Iean de Cointrecourt, Clers Notaires dudit seigneur en son Châtelet de Paris, fut present Noble, & tres-Puissant Prince Monseigneur Louis, Comte d’Estampes, lequel sans force, contrainte, fraude, deception, seduction, ou malengin aucun; mais de sa pure, & liberale volonté, si comme il disoit, reconnut, & confessa, que, il considerant la grand prochaineté de lignage, en quoy il est conjoint à tres-excellent Prince, Monseigneur Louis fils de Roy de France, Duc d’Anjou, & de Touraine, & Comte du Maine; & à tres-noble Princesse Madame la Duchesse sa femme, & à Loys, & Charles leurs enfans: & les grands biens, graces, faveurs, & plaisirs, que par ledit Monsieur le Duc d’Anjou luy ont été faits, ou temps de la jeunesse d’eux deux, & depuis, ou quel temps ledit Monsieur le Comte d’Estampes fut nourry avec luy; tant en le tenir en l’amour, & grace du Roy nôtre Seigneur, de bonne mémoire, dernier trépaßé, que Dieu absoille: de nos Seigneurs les Ducs de Berry & de Bourgogne ses freres: comme à luy aider, & à garder, & soûtenir son honneur & Etat: & outre que ledit Monsieur le Duc a retenu pour être, [p.160] & demeurer avec luy toutes fois qu’il luy plaira, à cent sols parisis par chacun jour qu’il sera devers luy, ou devers Madame la Duchesse sa femme: & à deux mille livres tournois de pension par chacun an, doresnavant sa vie durant, soit ou non devers ledit Monsieur le Duc ou devers Madame la Duchesse dessusdite, esperant avecques ce és biens, & honneurs dudit Monsieur le Duc, pour le temps à venir. Considerant außi le grand honneur, & signe de grand amour, & affection que ledit Monsieur le Duc a montrée de fait à luy, & à Monsieur le Comte d’Alencon, & du Perche son frere, & à tout leur lignage, en voulant, & consentant le mariage dudit Loys son aîfé fils, & de l’aînée fille dudit Monsieur le Comte d’Alençon sa niepce: & pour la grand’amour, singuliere affection que ledit Monsieur le Comte d’Estampes a eu de tout temps, & encores a pour les causes dessus dites, & pour plusieurs autres qui a ce le mouvent, ausdits Monsieur Duc, Madame la Duchesse sa femme, & à leurs enfant dessusdits. Voulant, & desirant de tout son cœur faire außi de sa partie, service, & plaisir audit Monsieur le Duc, afin qu’il ne soit ou puisse être repris, ou accusé de vice d’ingratitude, avoir donné, ceddé, quitté, délaissé, & transporté: Et en la presence desdits Notaires donna, cedda, quitta, transporta, & délaissa à toûjours perpetuellement, par don perpetuel irrevocable fait entre vifs ausdits Monsieur le Duc d’Anjou, & Madame la Duchesse, pour eux, leurs hoirs successeurs, & ayans cause d’eux, ou temps venir, les Comtez, Châteaux, Villes, & Chastellenies d’Estampes, & de Gien-sur-Loire, les Châteaux, Villes, & Chastellenies de Dourdan, & d’Aubigny-sur-Nierre, & deux mille livres tournois de rente, demourant de quatre mille liures tournois de rente qu’il prenait, devoit, & avoit accoûtumé de prendre, & avoir sur le tresor du Roy nôtre Seigneur à Paris, de la succeßion de son Pere; desquelles quatre mille livres tournois de rente le dit Monsieur le Comte d’Estampes, auparavant la datte des presentes, a vendu, & transporté les autres deux mille livres audit Monsieur le Duc, si comme par les lettres sur ce faites il peut apparoir, avec tous les droits, noblesses, fiefs, rierefiefs, hommages, justices, Seigneuries, manoirs, maisons, terres, eaux, bois, prez, fours, moulins, étangs, pescheries, cens, rentes, revenus, peages, travers, redevances, & autres quelconques appartenances, & dépendances desdites Comtez, Châteaux, villes, & Châtellenies, telles quelles soient, & convient qu’elles soient dites, appellées, & nommées, & qu’en icelles luy competent, & doivent appartenir, comment que ce soit, sauf reservé, & retenu par ledit Monsieur le Comte, l’usufruit desdits Comtez, Châteaux, Villes, & Châtellenies, sa vie durant, tant seulement: Et le doüaire de Madame la [p.161] Comtesse d’Estampes sa femme, & cent livres tournois de rente à prendre par ledit Monsieur le Comte sur les terres dessus dites, ou aucunes d’icelles, pour donner, & transporter, ou en ordonner tant en sa vie, comme en son testament ou derniere volonté, à personne d’Eglise, ou à autres qu’elles [sic] qu’il luy plaira. Et außi que s’il avenoit que ledit Monsieur le Comtes fût pris, & emprisonné en sa personne par aucuns ennemis du Roiaume: Ou que par adverse fortune d’ennemis du Roiaume, ledit Monsieur le Comte fut tellement opprimé, qu’il n’eût dequoy bonnement tenir son Etat; iceluy Monsieur le Comte, en ces deux cas, & non autrement, pourroit vendre de ses heritages dessusdits: ausquels achetter ledit Monsieur le Duc seroit premierement avant tous autres appellé, & receu, & les aurait avant tous autres, pour le prix qu’ils seroient vendus: Et en outre reservé, & retenu, que s’il plaisoit Dieu que, ou temps à venir il eut aucuns hoirs naturels, & legitimes, procrées de sou corps, cette presente donation seroit de nulle valeur: mais pouroient iceux hoirs succeder à luy, comme si ladite donation n’eût oucques été faite. Lesquelles retenuës ledit Monsieur le Duc volt, & consenty, & les ot agreables, & promit par la foy de son corps, pour cet corporellement baillée és mains desdits Notaires, & jura aux SS. Evangiles de Dieu tenir fermes, & stables, & non venir encontre en aucune maniere ou temps à venir. Lesquelles choses dessusdites, & chacune d’icelles ainsi comme dessus sont devisées, ledit Monsieur le Comte d’Estampes pour luy ses hoirs, & ayans cause de luy, promit par la foy de son corps, pour ce corporellement baillé és mains desdits Notaires, & jura aux Ss. Evangiles de Dieu par luy touchez, avoir, & tenir fermes, & agreables à toûjours, sans jamais dire, faire, ne venir, ou faire venir par luy, ne par autres, ne par paroles, ne par effet, occultement, ou en appert, à l’encontre, en quelque maniere que ce soit, sur peine de deux cens mille francs d’or à encourir par ses hoirs, ou ceux, ou celuy d’iceux qui y mettroient empéchement, à appliquer audit Monsieur le Duc, & madite Dame la Duchesse, leurs hoirs, successeurs, ou ayans cause d’eux. Et pour tenir, entretenir, & accomplir toutes les choses dessusdites, & chacunes d’icelles sans enfraindre: ledit Monsieur le Comte obligea luy, & sesdits hoirs, les Comtez, Châteaux, Châtellenies, Villes & terres cy-dessus déclarées, & tous ses autres biens, & les biens de ses hoirs, meubles, non meubles presens, & avenir, quels, ou qu’ils soient, qu’il soûmit pour ce du tout à la Iurisdiction, cohertion, & contrainte de nous, & de nos successeurs Prevôts de Paris, & de toutes autres Iustices, Iurisdictions, où ils seront, & pourront estre trouvées. Renonçant en ce fait expressement ledit Monsieur le Comte, par cesdits serment & foy, à toutes manieres [p.162] d’exceptions de mal, de fraude, d’erreur, lesion, circonvention, & decevance en fait, à convention de lieu, & de juge, à condition sans cause, ou de non juste, & induë cause, à la dispensation, & absolution de son Prelat, & de tous autres sur le fait de son serment, à toutes lettres données, & â donner, empêtrée, ou à empêtrer de quelconque Prelat, ou Prince quels qu’ils soient, ou sous quelconque forme de paroles qu’elles soient, à ce qu’il puisse dire, alleguer, maintenir, & proposer au temps à venir autre chose par luy avoir été passée & accordée, qui écrit, ou non écrit, que passé, ou accordé, à tous uz, Coûtumes, Ordonnances, constitutions, & établissement des lieux, villes, & de païs quels qu’ils soient, au benefice de Croix prinse, ou à prendre, tant pour le saint voyage d’Outre-mer, qu’autrement, à toutes cautelles, cavillations, & allegations quelconques, à tout droit écrit, & non écrit, canon, civil, & generalement à tout ce qui tant de fait comme de droit de uz, de coûtumes, & autrement aidier, & valoir, pouroit à dire, ou proposer contre la teneur de ces lettres, & contre aucunes des choses dessusdites, mêmement au droit disant renonciation generale non valoir, en laquelle generale renonciation, ledit Monsieur le Comte voulut, & accorda que tous expeciaux, renoncemens y sont entendus, tout ainsi comme se de mot à mot elles y estoient specifiées, nommées & declarées, nonobstant les uz, & coûtumes à ce contraires. A laquelle donation, à toutes les choses dessus nommées faire, ordonner, & deviser, fut presente tres-excellente, & tres-puissante Princesse Madame Blanche, fille de Roy deFrance, & de Navare, Duchesse d’Orleans, & heritiere pour partie dudit Monsieur le Comte, laquelle de son bon gré, & de sa bonne volonté, sans force, contrainte, ou malengin, si comme elle disoit, voult, consenty, agrea, ratifia, emologa, & approuva la donation, transport, & autres choses dessus dites, entant comme à luy puet de present, & pouroit au temps à venir touchier, & appartenir aprés la mort dudit Monsieur le Comte, se il advenoit qu’il allât de vie à trépassement devant elle, & promit par la foy de son corps, pour ce corporellement baillée és mains desdits Notaires, non venir, ou faire venir encontre: En témoin de ce nous à la relation d’iceux Notaires, avons mis à ces Lettres doubles le scel de ladite Prevôté de Paris. Ce fut fait, & passé le Samedy neuviéme jour du mois de Novembre, l’an de grace mil trois cens quatre-vingt-un: Et au bas, signé de Coitrecourt, & Fourquant.

     Les renonciations que l’on mettoit dans les contracts au temps que cette donation a été faite sont remarquables.

Armes des frères utérins Pierre II d'Alençon et Louis II d'Evreux sur l'armorial de Gueldre
Armes de Pierre II d’Alençon
et de Louis II d’Évreux

(Armorial de Gueldre)














































Armes des frères du roi, Louis Ier d'Anjou et Jean de Berry, dans l'Armorial de Gueldre
Louis Ier d’Anjou et Jean de Berry
(Armorial de Gueldre)
     Pour donner plus de lumiere à ce que je vais dire du Comté d’Estampes, & des autres Seigneuries données à Louis Duc d’Anjou: [p.163] il faut de necessité sortir de France, entrer en Italie, & remarquer que Charles Comte d’Anjou, frere du Roy saint Louis qui succeda au Comté de Provence du chef de Beatrix, fille de Raimond Beranger, Comte de Provence, & de Focalquier, sa femme, receut du Pape Urbain IV, l’investiture des deux Siciles, (c’est à dire de l’lsle de Sicile, & du Roiaume de Naples) comme d’un fief de 1’Eglise Romaine, que l’Empereur Henry VI. & Federic II. Son fils avoient usurpé sur les Princes Normans, qui l’avoient conquise sur les Grecs, & les Sarrazins, lors que le Roy Robert regnoit en France.

Armorial de Gueldre: Armes de Louis d'Anjou, roi de Hongrie, mort en 1382      A Charles I. succeda Charles II. dit le Boiteux son fils, qui fut surpris par les Arragonnois devant Naples, & perdit la Sicile. Il laissa neuf fils, & quatre filles. Charles dit Martel, l’aîné, fut couronné Roy de Hongrie le 8. de Septembre de l’an 1290. aprés la mort de son Oncle maternel Ladislas IV. fils d’Estienne V. Rois de Hongrie. Le III. fut Robert, Duc de Calabre, lequel aprés la mort du Roy son pere, fut par jugement du Pape Boniface VIII. preferé en la succession du Roiaume de Naples à Charles II. du nom Roy de Hongrie, dit vulgairement Charobert, fils de Charles Martel, contre le droit de representation, suivant lequel ce Roiaume devoit appartenir au Neveu, & non pas à l’Oncle. Robert eut un fils nommé Charles Duc de Calabre, qui mourant avant luy, laissa seulement trois filles, l’aînée desquelles nommée Jeanne, fut instituée heritiere du Roiaume de Naples, par Robert son Ayeul Paternel, à la charge qu’elle épouseroit, comme elle fit, André frere de Louis, Roy de Hongrie, son Cousin, qu’elle fit étrangler à Aversa, le 5. de Septembre de l’an .1345. peu de temps aprés l’avoir épousé. Aprés quoy elle épousa Louis, Prince de Tarente, aussi son Cousin; durant la vie duquel Louis Roy de Hongrie, frere d’André, la persecuta vivement, & passa en Italie avec de puissantes troupes pour venger la mort de son frere: mais le Pape Clement VI. moyenna un accord entr’eux, par lequel elle demeura Reine de Naples, à condition qu’aprés sa mort, le Roiaume de Naples reviendroit à ce Roy de Hongrie, ou aux siens. Louis de Tarente étant decedé, Jeanne épousa en troisiéme nopces Jacques d’Arragon, & prit enfin pour quatriéme Mary, Othon de Brunsvick, de la tres illustre maison de Saxe.

Royaume des Deux-Siciles (carte wikipédia retravaillée)
Armorial de Gueldre: Ladislas, vassal de Louis de Hongrie, titré duc de Naples

Ladislas d’Opole (1352-1401), vassal  de
Louis de Hongrie titré duc de Naples
(Armorial de Gueldre)


Jeanne sur un de ses francs      Cependant le Pape Gregoire XI. étant mort au mois de Mars de l’an 1378. Urbain VI. fut canoniquement éleu en sa place. Ce souverain Pontife irrité contre Jeanne, de ce qu’elle avoit donné [p.164] retraite en sa ville de Fondy, aux Cardinaux qui avoient éleu contre luy Clement VII. appella en Italie Charles, arriere-fils de Jean VIII. fils de Charles le Boiteux, Roy de Hongrie aprés la mort de son Cousin Louis; pour prendre possession du Roiaume de Naples, dont il luy donna l’investiture le jour de la Pentecôte de l’an 1381. Jeanne déja vieille, & qui n’avoit point d’enfans de pas un de ses Maris, se voyant fort pressée, se laissa persuader par Clement Antipape, d’adopter pour son fils, Louis de France, Duc d’Anjou, Oncle du Roy de France Charles VI. Clement envoya Louis l’investiture du Roiaume, avec les Lettres de l’adoption de Jeanne, données à Naples dans le Château de Lœuf, l’an 1380. le 29. jour de Juin. Charles de Duraz, qui avoit été investi par Urbain, comme j’ay dit, faisoit cependant une rude guerre contre Othon, qu’il vainquit, & prit prisonnier, aussi bien que la Reine Jeanne, laquelle il fit pendre, & étrangler à Aversa, le 22. jour de May 1382. au méme lieu, ou trente sept ans aupauravant [sic] elle avoit fait étrangler son premier Mary.

     Louis de France accepta de bon cœur l’honneur que la Reine Jeanne luy avoit fait de l’adopter pour son fils, l’instituant par ce moien heritier universel en tous ses biens, & l’investiture que Clement luy avoit envoyée, & pensa à ce qui luy étoit necessaire pour une si grande entreprise. Il avoit deux puissans ennemis à combattre en Italie, le Pape Urbain, & les Hongrois: & pour cet effet deux choses luy étoient necessaires, une puissante armée, & de l’argent pour l’entretenir, & fournir aux frais qu’il faut faire en de semblables rencontres. Il assembla plus de trente mille hommes & le plus d’argent qu’il pût; & si nous en croions du Haillan en son Histoire de France, il se saisit des tresors du Roy son frere qui étoit mort, que l’on faisoit monter à dix huit cens mille écus d’or, somme tres-considerable pour le temps; & fit tout ce qu’il pût pour en tirer d’autres, par de nouvelles impositions sur le peuple.

Jeanne de Naples (manuscrit du De mulieribus claris de Boccace (fin XVe siècle, BNF ms f. 599, f° 93v°)
Armes de Clément VII (Livre de prière, Avignon, 1378-1383, Avignon, B.M., ms. 6733, f° 27v °)
Jeanne de Naples (1326-1382)
(De mulieribus claris de Boccace, BNF, ms fr. 599, f° 93 v)
Armes de Clément VII sur son livre de prières
 
     Ce Duc avoit en son armée huit à neuf mille hommes d’armes, deux mille Arbalestiers, & grand nombre d’Archers à cheval. Il passa par Avignon pour saluër Clement, auteur, & promoteur de l’entreprise, qui le couronna Roy de Naples l’an 1382. Il traversa heureusement les Alpes, la Lombardie, la Toscane, la Romagne, & arriva en la Poüille, qu’il reduisit facilement en son obeïssance, avec la Calabre: mais les ennemis croians qu’il valoit mieux temporiser, afin de faire refroidir l’humeur martiale des François, aprés qu’ils les eurent affaiblis par des escarmouches, & de legers combats, ils commencerent [p.165] à se mettre en campagne avec des troupes fraîches, & plus fortes en nombre: tellement que les François furent contraints de se renfermer dans la Ville de Barlette. Le Duc Loüis ne pouvant souffrir d’étre bloqué dans cette Ville par ses Ennemis, & voiant d’ailleurs que ses forces diminüoient de jour en jour, sortit en campagne, & leur donna la bataille, en laquelle son armée fut défaite, & lui blessé de cinq coups se sauva dans la Ville d’où il étoit sorty, & y mourut le 20. de Septembre 1384. plûtost de regret d’avoir esté vaincu que de ses blessures. Il portoit en ses armes de Jerusalem, qui est d’argent à une croix potencée d’or accompagné de 4. croisettes de même, party de Sicile, qui est semé de France au lambel de gueules, tiercé de Valois qui est aussi semé de France à la bordure de gueules.

     Marie de Bretagne femme de Louis fut extremement affligée de la mort de son mary, elle eut recours en cette rencontre au Roy, & aux Ducs de Berry, & de Bourgogne, Oncles de ses enfans; pour avoir leur avis de ce qu’elle devoit faire. Ils resolurent qu’il étoit expedient de poursuivre l’entreprise du deffunt. Le Roy qui s’en alloit à Avignon visiter le Pape Clement, y conduisit l’aîné des deux enfans, aussi nommé Loüis, que Clement couronna Roy de Sicile & de Naples comme son Pere: Charles, le second portoit la qualité de Prince de Tarante, & de Duc de Calabre: & dépuis il a porté celle de Comte du Meine. Le Roy avant son depart pour aller à Avignon, crea solemnellement Chevaliers, ces deux jeunes Princes, dans l’Eglise de Saint Denis, le premier jour de May 1389. Revenons maintenant à Estampes, d’où nous nous sommes un peu éloignez.
Armes des frères du roi, Louis Ier d'Anjou et Jean de Berry, dans l'Armorial de Gueldre
Louis Ier d’Anjou et Jean de Berry
(Armorial de Gueldre)
     Le Duc Louis d’Anjou, premier du Nom, ne fut pas plûtôt arrivé en son nouveau Roiaume, que faisant reflexion sur l’état de ses affaires, il jugea bien qu’il ne pouvoit attendre de secours d’hommes & d’argent que de la France: en quoy il avoit besoin de la faveur de Jean Duc de Berry, son frere, qui sçavoit d’ailleurs étre mal content de ce que les Estats ne luy avoient point donné de part au gouvernement du Roiaume, ny de la personne du Roy. Pour l’attacher donc à ses interests, il luy donna la Principauté de Tarente. Jean voiant son frere mort, fit instance à ses Neveux de luy delivrer la Principauté que son frere luy avoit donnée. Mais le Conseil de ces jeunes Princes n’en fut pas d’avis; jugeant que s’ils mettoient cette Principauté hors de leurs mains, ses habitans pourroient prendre de là, occasion de se rebeller contre eux; outre [p.166] qu’il leur étoit impossible de la donner leur Oncle en son entier par ce que depuis la donation faite, leur Pere en avoit aliené quelque partie. Ils luy offrirent donc pour le recompenser, de luy transportcr tout le droit qu’ils pouvoient avoir & pretendre sur les Comtez d’Estampes, de Gien sur Loire, de Dourdan, & d’Aubigny, & la transaction passée entre le Duc de Berry, & ses Neveux, fut agrée, & confirmée par le Roy Charles VI. par Lettres patentes en son camp en Flandre, l’an 1385. le premier jour d’Aoust, de la teneur suivante.
Louis II d'Anjou enfant à son arrivée à Paris
Louis II d’Anjou enfant
     Charles par la grace de Dieu Roy de France, à tous ceux qui ces presentes lettres verront, salut. Comme de la partie de nôtre tres-chere & amée Tante, la Reine de Hierusalem, & de Sicile, Duchesse d’Anjou, tant en son nom, comme tuteresse, ayant le bail, garde, & administration & gouvernement, de nos chers, & bien amez Cousins, Loüis Roy & Duc desdits Roiaume, & Duché, & Charles, enfans d’elle, & de nostre tres-cher & amé Oncle, que Dieu absolve, Louïs, jadis Roy, & Duc d’iceux Roiaumes, & Duché: & außi de la partie d’iceux enfans, nous ait esté exposé que nostre tres-cher & tres amé Oncle, Iean Duc de Berry & d’Auvergne, Comte de Poitou; disant que feu le Roy nostredit Oncle, luy donna en son vivant, la Principauté de Tarante, avec toutes ses appartenances quelconques, pour certaines considerations, si comme plus plain est contenu en certaines Lettres d’iceluy feu nôtre Oncle, audit nôtre Oncle de Berry, sur ce faites: a requis icelle nôtre Tante, au nom que dessus, & aussi nostredit Cousin le Roy, que ladite Principauté, ainsi que donnée luy avait esté, luy voulsist bailler & delivrer. Mais pour ce que sans le tres-grand & importable dommage desdits exposans, consideré que pour le bail, & delivrance de ladite Principauté, le fait de la conqueste du Roiaume de Sicile en seroit, ou pouroit étre empesché, & seroit occasion de mettre en rebellion envers lesdits exposans, les Nobles, & non nobles, & habitans de la dite Principauté, & plusieurs autres parties du Roiaume de Sicile. Et aussi pour ce qui n’est pas à present bien possible, que ladite Principauté leur pût étre baillée, & delivrée, pour ce que nostre dit cher Oncle en aliena plusieurs droits, rentes, & revenus en son vivant; il a esté parlé qu’en lieu & recompensation desdites Principautez & appartenances lesdits exposans bailleront, en tant comme chacun d’eux puet touchier, audit nôtre Oncle le Duc de Berry, pour luy ses hoirs, successeurs & aians cause de luy, au cas toutefois qu’il nous plairoit, & que nous voudrions interposer, & mettre nostre authorité & decret sur, en maniere que la chose se puist licitement faire, & sans prejudice d’aucun, [p.167] tout & tel droit comme ils ont, ou leur appartient, & compete en la succession des Comtez, Villes, & Châteaux: & generalement tout le droit qui leur appartient en la succession des Comtez d’Estampes: & de Gien sur Loire, és Villes, Châteaux, & Châtellenies de Dourdan, & d’Aubigny, & en toutes les appartenances & appendances d’icelles Comtez, Villes, & Châteaux; & generalement tout le droit qui leur appartient en la succession de nôtre Cousin le Comte d’Estampes: & outre aussi le droit qu’ils ont, & peuvent avoir, & leur appartient, & compete és Villes, terre, Chastel & Baronnie de Lunel, avec tous ses droits, Seigneuries, Noblesses, appendances, & appartenances quelconques lesquels le feu nostredit Oncle, le Roy, avant qu’il eut prins le titre de Roy, acquit en son vivant, dudit Comte d’Estampes. Savoir faisons que nous considerans les choses dessus dites, eu sur ce Conseil & advis de nôtre tres-cher & amé oncle le Duc de Bourgogne: & informez deuëment tant par luy, que par plusieurs autres de nôtre Sang, & lignage, & de nostredit Coujin, que ladite compensation est, & fera grand profit & utilité evidens nostredite Tante, & nosdits Cousins ses enfans, à icelle nôtre Tante la Reyne, au nom que dessus, & audit nôtre cousin, le Roy son fils, avons donné & octroié, donnons & octroions par ces presentes, de grace especial, si mestier est, & de certaine Science, autorité Roiale, a pleine puissance congié, licence, & autorité de bailler, ceder, & transporter leur droit qu’ils ont, & leur appartient, & compete és Comtez, Villes, terres, & Seigneuries dessusdites avec leurs appartenances quelconques, audit nôtre Oncle le Duc de Berry, tant en la forme & maniere que dessus est dit, nonobstant la minorité d’âge, & quelconque autre defaut, qui pour ladite minorité pourroit étre en ladite compensation: & sans ce que pour cause d’iceux bail, ceßion, & transport, aucun preiudice soit engendré ladite nôtre Tante la Royne, quant au fait du bail, garde,administration, & gouvernement de sesdits enfans; Ainçois ayt iceux bail, garde, & administration, & gouvernement, tout ainsi que ladite compensation n’étoient point faite, nonobstant coûtumes de nôtre Roiaume, usaiges, stils, observations, & autres choses quelconques à ce contraires, & quant à ce nous auctorisons nôtre Tante ou nom que dessus, & ledit nôtre Cousin, le Roy son fils; & dés maintenant, nous, ayant agreable ladite compensation, decernons icelle avoir valeur, force & vigueur, & nous plaist qu’elle fait faite par la maniere que dessus, & la promettons à confermer quand requis en feront [lisez: serons]: & par ces presentes suppleons tous de faux [lisez: défauts]: & dispensons contre tous droits, toutes coûtumes, usaiges & observances de pays, par lesquels où [lisez: ou] lesquelles ladite compensation ne devrait étre faite; & qui aucun prejudice pourroient [p.168] apporter à ladite nôtre Tante la Royne, bail, garde, & administration, & gouvernement dessus-dites, ou autrement en quelconque maniere. Si donnons en mandement par ces mêmes presentes à tous les Iusticiers, & Officiers de nôtre Roiaume, & à chacun d’eux, si comme à luy appartiendra, ou leurs Lieutenans, que de nos presens Octroy, grace, licence, auctorisation, suppletion, & de toutes autres choses dessus écrites, ils fassent & laissent joüir, & user paisiblement lesdites parties, & chacune d’icelle, en tant comme chacune touche, ou poura toucher ou temps advenir, sans les empécher, ou souffrir empécher au contraire: nonobstant les droits, coûtumes, & autres choses dessus dites. En témoin de ce nous avons fait mettre nôtre Seel à ces Lettres, données le premier jour d’Aoust, en nôtre Ost, en Flandre, l’an de grace MCCCLXXXV. le quint de nôtre regne, signé par le Roy. Present Monsieur le Duc de Bourgogne, & plusieurs du Conseil, R. Toronde.

Charles VI le Fol d'après un camée des années 1630
Charles VI
(camée des années 1630)



Ecu de Charles VI
Ecu de Charles VI



Sceau de Charles VI
Sceau de Charles VI

     Les memoriaux de la Chambre des Comptes au livre E, feüillet 77. marquent que le Duc de Berry fit une remise generale au Roy son Neveu, de toutes ses terres, & Seigneuries; même des droits qu’il avoit acquis en vertu de cette transaction, dans les Villes d’Estampes, & de Dourdan, en cas qu’il mourût sans enfans mâles, à la charge que Sa Majesté donneroit cent mille livres à Bonne sa fille, mariée, l’an 1376. à Amé VII. Comte de Savoye, dont elle eût Amé VIII. premier Duc de Savoye, dépuis êleu Pape, au Concile de Basle, le 17. de Novembre 1439. & nommé Felix V. & soixante mille livres à Marie, sa seconde fille, qui épousa en premieres nopces Loüis de Châtillon, Comte de Dunois: en secondes, Philippe d’Artois, Comte d’Eu: & en troisiéme Jean, premier du Nom, Duc de Bourbon: mais que dépuis le Duc de Berry obtint du Roy, nonobstant la remise qu’il avoit faite à sa Majesté, la grace de pouvoir disposer d’Estampes, de Gien, & de Dourdan; en suite dequoy  il en disposa en la maniere suivante, au profit de Philippe le Hardy, Duc de Bourgogne, son frere, & de ses enfans.
Jean de Berry
Jean de Berry
     Iean fils de Roy de France, Duc de Berry, & d’Auvergne, Comte de Poitou: sçavoir faisons à tous presens & à venir, que comme nous aions acquis par certains, & justes tiltres, les Comté, Chastel, Ville & Chastellenie d’Estampes; les Châteaux, Villes, & Châtellenies de Gien, & de Dourdan, ensemble les appartenances, & dependances, & aions esté recûs [sic] en foy & hommage de Monsieur le Roy, reservé le viaige de nôtre tres-cher Cousin, Meßire Loüis, Comte d’Estampes. Et il soit ainsi que nous n’aions qu’un seul fils, & deux filles, qui sont mariées & [p.169] nôtre cher & tres amé frere, Philippe Duc de Bourgogne ait plusieurs enfans mâles, & femelles, & soit disposé au plaisir de Dieu, d’en avoir encore d’autres: & pour la tres-parfaite amour que nous avons à nostredit frere, & à ses enfans, tant pour raison naturelle, comme pour les tres grands biens, honneurs, & proufits, & plaisirs que nostredit frere nous a faits toute sa vie, & fait chacun jour, nous voudrions plus (ou cas que nous trepaßions sans hoir masle procrée de nôtre corps, en loyal mariage) quc lesdites Comtez, Châteaux, Villes, & Châtellenies veinssent, & écheussent à nostredit frere & à ses enfans mâles, & à leurs successeurs mâles procrées en droite ligne, qu’à nos filles ne autres personnes quelconques. Nous, pour ces considerations dessus dites, & autres justes & raisonnables qui à ce nous meuvent, euë sur ce grande & meure déliberation, de nôtre certaine science, avons donné, cedé, & transporté: donnons, cedons, & transportons, par donation irrevocable faite entre vifs (ou cas que nous trépaon de ce siecle sans hoir mâle procrée de nôtre corps, en loyal mariage) à nostredit frere, à ses enfans, & à leurs successeurs mâles, procrées en ligne directe lesdits Comté, Chastel, Ville, & Châtellenie d’Estampes, & lesdits Châteaux, Villes, & Châtellenies de Gien, & de Dourdan, ensembles toutes leurs appartenances, & dependances, tant en justices hautes, moyennes, & basses, ressorts, & jurisdictions, comme fiefs, & arrierefiefs, hommes & femmes de corps, patronages, & collations de benefices, bois, eaux, Garennes, terres, rentes, revenus, profits, & emolumens quelconques, sans y rien retenir (reservé le viaige de nostredit Cousin) & ce [Lisez: se (si)] au temps de nôtre deceds il étoit trépassé, nous voulons que l’usufruit soit consolidé avec la proprieté desdits Comtés, Châteaux, Villes, Châtellenies, & appartenances au profit de nostredit frere, & de ses enfans mâles, comme dit est, que tantost aprés nostre decret [Lisez: déceds], si lors n’avions hoir mâle, procrée de nostre corps, comme dessus est dit, nostredit frere, & ses enfans mâles puissent prendre, & apprehender la possession, & saisine corporelle desdits Comtez, Châteaux, Villes, & Châtellenies, & en lever, & percevoir les fruits, profits, & émolumens: Et que dés maintenant nostredit frere en puisse entrer en foy, & hommage, à la charge, & par les conditions dessus declarées. Et ou cas que nostredit frere, ou ses enfans mâles trépasseroient en quelque temps que ce fust, sans hoir mâle procrée de leur corps: Et que d’eux ne seroient trouvez aucuns hoirs mâles descendans d’eux, par droite ligne, en loial mariage, lesdits Comtez, Châteaux, Villes, & Châtellenies, appartenances & dépendances, retourneront de plain droit sans difficulté, à nos filles, ou aux descendans d’elles en droite ligne, & à celuy ou ceux [p.170] qu’il appartiendra de raison. Promettant en bonne foy, & par nosttre serment, & sous l’obligation de tous nos biens avoir ferme & stable cette presente donation, sans jamais venir l’encontre: Et que ce soit chose ferme, & estable à toûjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces Lettres. Donné à Paris le 28. jour de Janvier MCCCLXXXVII. Ainsi signé, par Monsieur le Duc, vous [sic] & le Comte de Sancerre presens. Gontier.
Philippe le Hardi, duc de Bourgogne
Philippe le Hardi



Premier sceau de Jean de Berry (1397)
Premier sceau de Jean de Berry (vers 1397)
     Ce transport n’étoit à proprement parler, qu’une substitution, avec retention d’usufruit au profit du Duc de Berry, pendant sa vie, en cas qu’il furvêcût le Comte Louis, qui étoit déja fort avancé en âge. Ce Comte mangeoit souvent à la table du Duc de Berry. Il luy arriva qu’en disnant avec luy à Paris, le sixiéme jour de May 1400. la tête luy tomba sur le bras qu’il avoit ployé sur la table, ce que le Duc aiant apperceu & croyant qu’il dormît, il dit en riant, Le beau Consin s’endort, levez-le: Mais on trouva qu’il étoit mort. Ce Comte, comme il avoir toûjours vécu Chrétiennement, pour mourir de même, s’y étoit préparé en faisant son testament environ, onze mois avant l’accident qui luy arriva. Le commencement de ce testament qui fut receu par Chaon, & Fourbour Notaires à Paris, le 28. Juin 1399. nous fait voir sa grande pieté, & sa ferme esperance en la misericorde de Dieu. Comme il avoit long-temps auparavant disposé de ses immeubles, il ne luy restoit que quelques meubles, dont il pût tester, lesquels il donna à ses parens seulement pour gages de son amitié. Son corps sur inhumé à saint Denis en France, prés de celuy de sa femme, dans la Chapelle de Nôtre Dame la Blanche, & son cœur fut mis avec celuy de sa Mere, dans un tombeau devant le Grand Autel de l’Eglise des Celestins de Paris. Il portoit en ses armes de France ancien, au bâton componé d’argent, & de gueules. Et sa femme portoit d’Eu, qui est d’azur au lion d’or chargé de billettes de même.
Jean de Berry à table (Grandes Heures du Duc de Berry, mois de janvier, détail)
Jean de Berry à table
(Grandes Heures, mois de janvier)
   
 
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TABLE DES MATIÈRES
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NOTES

Généalogie des premiers seigneurs d'Etampes

 

Bernard Gineste, mars 2007

Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: Basile Fleureau, Les Antiquitez de la ville et du Duché d’Estampes, pp. 156-170. Saisie: Bernard Gineste, 2006-2007.
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

 
     Édition princeps, posthume: Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite, 1612-1674), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p.; publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité vers 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683

     
Réédition en fac-similé: Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [23 cm sur 16; XIV+622+VIII p.], Marseille, Lafittes reprints, 1997.

     
Réédition numérique en ligne (en cours depuis 2001): Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, 2001-2007.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Des choses memorables arrivées à Estampes vers le regne de Philippe VI, Jean II, Charles V et Charles VI (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b34.html, 2006.

Iconographie (miniatures mises en ligne par la BNF sur sa base Mandragore)

Louis II d'Anjou enfant à son arrivée à Paris      BNF (Bibliothèque nationale de France) [éd.], «Français 2813, fol. 439, Couronnement de Charles V le Sage», in Mandragore,
http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=7827409&E=1&I=43446&M=imageseule [avec représentation de Louis II d’Étampes].

     BNF (Bibliothèque nationale de France) [éd.], «Français 2676, fol. 1, Louis Ier d’Anjou et son armée», in Mandragore,  http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=07866389&E=1&I=42523&M=imageseule, en ligne en 2007.

     BNF (Bibliothèque nationale de France) [éd.], «Français 2664, fol. 10v, Louis Ier d’Anjou et Clément VII», in Mandragore, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=07846493&E=1&I=42486&M=imageseule, en ligne en 2007.

     BNF (Bibliothèque nationale de France) [éd.], «Français 2645, fol. 321v, Arrivée de Louis II d’Anjou à Paris», in Mandragore, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=7827144&E=1&I=42287&M=imageseule, en ligne en 2007.


Iconographie (Armolrail de Gueldre)

     THE SCOTTISH GENEALOGY SOCIETY [éd.], «Armorial de Gelre (1370-1395): Folio 46», in The Scottish Genealogy Society,
http://www.scotsgenealogy.com/online/gelre_france.htm, en ligne en 2006 [cliché du manuscrit].

     Arnaud BUNEL [éd.], «Armorial de Gelre: Folio 46r», in Héraldique européenne, http://www.heraldique-europeenne.org/Armoriaux/Gelre/F46r.htm, en ligne en 2007 [description détaillées des armes réprésentées et armoiries refaites avec un logiciel d’héraldique].

Iconographie (monnaies et jetons)

     CGB (Compagnie générale de Banque) [éd.], «Provence - Comté de Provence - Louis Ier d’Anjou (1382-1384): Franc à pied, 1er type - s.d.», in Vente sur Offre n°14 (clôturée le 31 mai 2002), http://www.cgb.fr/monnaies/vso/v14/fr/monnaies15bc.html?depart=18&nbfic=1619, en ligne en 2007.

     CGB (Compagnie générale de Banque) [éd.],
«Provence - Comté de Provence - Louis II d’Anjou (1384-1417): Gros ou sol coronat - c. 1414», in Vente sur Offre n°22 (clôturée le 17 mars 2005) & in Vente sur Offre n°24 (clôturée le 24 juin 2005), http://www.cgb.fr/monnaies/vso/v22/gb/monnaiesgb0b1a.html, & http://www.cgb.fr/monnaies/vso/v24/gb/monnaiesgbf19a.html, en ligne en 2007.

     CGB (Compagnie générale de Banque) [éd.], «Jeton de compte, Jean de Berry», in Jetons 20, http://www.cgb.fr/monnaies/jetons/j20/fr/monnaiesff8e.html?depart=110&nbfic=1000, en ligne en 2004.


Jean de Berry dans le Corpus Étampois

    Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Des choses memorables arrivées à Estampes vers le regne de Philippe VI, Jean II, Charles V et Charles VI (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b34.html, 2006.

     Franck PERNIN & Bernard GINESTE, «Sceaux de Jean de Berry (1379-1393)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-14-jeandeberry-sceaux.html, 2006.

     Jean-Michel ROUSSEAU & Bernard GINESTE [éd.], «J.-E. Bulloz: Étampes dans les Heures du duc de Berry (vers 1925)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cpa-es-bulloz.html, 2006.

Sur Jean de Berry
(non comprise la question spéciale des Heures du Duc de Berry)


Jean de Berry      Jules GUIFFREY, Inventaires de Jean, duc de Berry (1401-1416), publiés et annotés [2 volumes in-8°], Paris, E. Leroux, 1894-1896.

     Françoise LEHOUX, Jean de France, duc de Berri: sa vie, son action politique: 1340-1416 [25 cm; 4 volumes: t.1 (LII+459 p.; bibliographie pp. XXIX-XLIII): De la naissance de Jean de France à la mort de Charles V (1966); t.2 (534 p.): De l’avènement de Charles VI à la mort de Philippe de Bourgogne (1966); t.3 (518 p.): De l’avènement de Jean sans Peur à la mort du duc de Berri (1968); t.4 (151 p.): Index alphabétique général 1968)], Paris, A. et J. Picard, 1966-1968 [On notera que les deux premiers tomes ne sont maheureusement pas conservés à la BNF].
     «Françoise Lehoux a entrepris le dépouillement des archives de Jean de Berry dans le cadre d’une étude historique. Son ouvrage en quatre volumes est précédé d’un inventaire des sources consultées tant à Paris que dans les collections publiques de province ainsi qu’à l’étranger». (RAPIN 2006).
     Pierre DUHAMEL (né en 1927),  Jean de Berry [22 cm; 2 volumes: t.1 (251 p.): Le frère du roi (1340-1380); t.2 (270 p.): L’homme d’État; illustrations; préfaces de Jean-Yves Ribault], Paris, Royer [«Saga. Histoire»], 1996-1998.

     Françoise AUTRAND, Jean de Berry: l’art et le pouvoir [23 cm; 552 p.; 8 p. de planches; cartes; bibliographie pp. 495-503; index], Paris, Fayard, 2000. Autre édition: Paris, le Grand livre du mois, 2000.

     Thomas RAPIN (Université de Poitiers), «La maîtrise d’ouvrage de Jean de France, duc de Berry (1340-1416). Reconstitution et analyse critique d’une documentation dispersée», in UNIVERSITÉ DE CAEN, Tabularia. Sources écrites de la Normandie médiévale, http://www.unicaen.fr/mrsh/crahm/revue/tabularia/rapin.html, 2006, en ligne en 2007.

     COLLECTIF D’INTERNAUTES, «Jean Ier de Berry (1379-1393)», in Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Ier_de_Berry, en ligne en 2007.


     Toute critique ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
   
Explicit
   
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