CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Brantôme
Discours sur Marguerite de Valois
[Vie des Dames illustres]
entre 1590 et 1600 
     
Pierre de Bourdeille, abbé séculier de Brantôme
 Monsieur de Bourdeille, alias Brantôme
Anonyme: Marguerite de Valois (16e siècle, musée de Fécamp)
Marguerite de Valois
  
     Brantôme, né vers 1540, mort en 1614,  a beaucoup écrit sur les grands personnages de son temps et des générations immédiatement précédentes, mais ses œuvres ne furent éditées qu’à partir de 1665, en commençant par le recueil qui contient ce passage consacré à Marguerite de Valois. Voici donc le portrait qu’il fait de cette princesse, fille de Henri II, sœur des trois derniers rois Valois, François II, Charles IX et Henri III, et première femme de Henri IV.
     Marguerite, née 1552, fut faite duchesse d’Étampes par son frère Henri III le 8 juillet 1582 pour supplément de la somme qu’il lui avait promise en dot par son contrat de mariage avec Henri de Navarre. Elle tint ce duché seize ans, jusqu’au 11 novembre 1598 où elle le donna  à Gabrielle d’Estrée duchesse de Beaufort, favorite de son ex-époux Henri IV, et mère de César de Vendôme.
Nous donnons ici le texte et les notes de l’édition de Louis Molland de 1890.
     Ce discours paraît avoir été composé vers 1593 ou 1594 puis avoir été retouché avant 1599, à une époque où Marguerite est toujours captive au château d’Usson en Auvergne, et avant que Henri II n’obtienne
de Clément VIII l’annulation de leur mariage. Il est à comparer avec le portrait beaucoup bref et moins complaisant que Tallemant des Réaux a donné de cette princesse, que les unes ont dite galante, et dautres nymphomane: tout est question de point de vue en la matière.
 
Discours sur Marguerite de Valois

DISCOURS V

MARGUERITE, REYNE DE FRANCE ET DE NAVARRE

Fille unique maintenant restée de la noble maison de France.


     Quand bien je considere les miseres et males adventures de ceste belle reyne d’Escosse, de laquelle j’ay parlé cy-devant, et d’autres princesses et dames que je ne nommeray, de peur, par telle disgression, gaster mon discours avec celuy de la reyne de Navarre de qui je parle maintenant (1), n’estant pour lors encor reyne de France, je ne puis croire autrement que la Fortune, déesse absolue de l’heur et malheur des personnes, ne soit du tout ennemye contraire des beautés humaines; car s’il y en eut jamais une au monde parfaicte en beauté, c’est la reyne de Navarre, et toutesfois pourtant peu favorisée de la bonne Fortune jusques icy; si bien que l’on diroit qu’elle a esté envieuse de la Nature, d’avoir faict ceste princesse si [p.179] belle, que, par despit, elle luy a voulu courir à sus. Mais, soit que soit, sa beauté est telle que les coups de ladicte Fortune n’ont nulle apparessance sur elle, d’autant que le courage genereux qu’elle a extraict par sa naissance de tant braves et valeureux roys ses pere, grand pere, ayeulx, bisayeulx et ancestres, luy a faict toujours jusques icy une audacieuse resistance.


     (1) Marguerite, fille de Henri II, née à Saint-Germain en Laye, le 14 mai 1553.
Anonyme: Marguerite de Valois (16e siècle, musée de Fécamp)      Pour parler donc de la beauté de reste rare princesse, je croy que toutes celles qui sont, qui seront et jamais ont esté, près de la sienne sont laides, et ne sont point beautés; car la clarté de la sienne brusle tellement les aisles de toutes celles du monde, qu’elles n’osent ny ne peuvent voler, ny comparoistre à l’entour de la sienne. Que s’il se treuve quelque mescréant qui, par une foy escarse (2), ne veuille donner créance aux miracles de Dieu et de Nature, qu’il la contemple seulement son beau visage, si bien formé, en fait la foy; et diroit-on que la mere Nature, ouvrière très-parfaicte, mit tous ses plus rares et subtils esprits pour le façonner. Car, soit qu’elle veuille monstrer sa douceur ou sa gravité, il sert d’embraser tout un monde, tant ses trains sont beaux, ses linéamens tant bien tirés, et ses yeux si transparens et agréables, qu’il ne s’y peut rien trouver à dire; et, [p.180] qui plus est, ce beau visage est fondé sur un corps de la plus belle, superbe et riche taille qui se puisse voir, accompaignée d’un port et d’une si grave majesté, qu’on la prendra tousjours pour une déesse du ciel, plus que pour une princesse de la terre; encor croit-on que, par l’advis de plusieurs, jamais déesse ne fut veue plus belle: si bien que, pour publier ses beautés, ses merites et vertus, il faudroit que Dieu allongeast le monde et haussast le ciel plus qu’il n’est, d’autant que l’espace du monde et de l’air n’est assez capable pour le vol de sa perfection et renommée.

     Davantage, si la grandeur du ciel estoit plus petite le moins du monde, ne faut point doubter qu’elle l’esgaleroit.

     Voylà les beautés du visage et du corps de ceste belle princesse, que pour à st’heure je puis representer, comme un bon peintre, au naïf: je dis celles que l’on peut voir par l’exterieur; car celles qui sont secrettes et cachées sous ung linge blanc et riches parures et accoustremens, on ne les peut despeindre ny juger, si non que très-belles et très-singulières aussy; mais c’est par foy, créance et presomption, car la veue en est interdicte. Grande rigueur pour tant que de ne voir une belle peinture, faicte par un divin ouvrier, qu’à la moitié de sa perfection mais la modestie et louable verecondie l’ordonne [p.181] ainsy, qui se loge plus voluntiers parmy les grandes prince ses et dames que parmy les autres vulgaires.




     (2) Faible, restreinte, avare.
     Pour apporter quelques exemples à manifester combien la beauté de ceste reyne a esté admirée et tenue pour rare, je me souviens encor, lors que les ambassadeurs polonnois vindrent en France, pour annoncer à nostre roy Henry son election du royaume de Pologne, et luy en rendre l’hommage et l’obedience, après qu’ils eurent faict la reverence au roy Charles et à la reyne mere et à leur roy, ils la firent aussy particulièrement, et par divers jours, à Monsieur, au roy et à la reyne de Navarre: mais le jour venu qu’ils la firent à ladicte reyne de Navarre, elle leur parut si belle et si superbement et richement parée et accoustrée, avecques si grande majesté et grace, que tous demeurerent perdus d’une telle beauté. Et entre autres, il y eut le Lasqui, l’un des principaux de l’ambassade, à qui je vis dire en se retirant, perdu de ceste beauté: «Non, je ne veux rien plus voir après telle beauté. Don Juan d'Autiche (1500-1558), bâtard de Charles-Quint Volontiers je ferois comme font aucuns Turcs, pelerins de la Mecque, où est la sepulture de leur prophete Mahomet, qui demeurent si aises, si esperdus, si ravis et si transis d’avoir vu une si belle et si superbe mosquée, qu’ils ne veulent rien plus voir après, et se font brusler les yeux par des bassins d’airain ardans, qu’ils en perdent la veue, tant subtilement le [p.182] sçavent-ils faire; disant qu’après cela rien ne se peut voir de plus beau, ny ne veulent plus rien voir après.» Ainsy disoit ce Polonnois de la beauté admirable de ceste princesse. Et certes, si les Polonnuois ont esté ravis de telle admiration, il y en a eu bien d’autres. J’allegue don Juan d’Austriche, lequel (comme j’ay dict cy-devant parlant de luy (3)), passant par France ainsy subtilement comme il fit, estant arrivé à Paris sçachant que ce soir se faisoit un bal solemnel au Louvre, le vint voir desguisé, plus pour le subject de la reyne de Navarre que pour tout autre. ll eut moyen et loisir de la voir à son aise danser, menée par le roy son frere, comme d’ordinaire il le faisoit; il la contempla fort, l’admira, et puis l’exalta par dessus les beautés d’Espaigne et d’Italie (deux regions pourtant qui en sont très-fertiles), et dit ces mots en espaignol: Aunque tal hermosura de reyna sea mas divina que humana, es mas para perder y damnar los hombres que salvarlos; c’est-à-dire: «combien que ceste beauté de reyne soit plus divine que humaine, elle est plus pour perdre et damner les hommes que pour les sauver.»
     (3) Au chapitre consacré à ce prince dans les Vies des grands capitaines estrangers.
     Peu de temps après, il la vit ainsy qu’elle alla aux bains du Liège; et luy fallut passer à Namur, ce qui fut le comble des souhaits de don Juan, pour jouir [p.183] d’une si belle veue; et alla au devant d’elle en fort grande et superbe magnificence espaignolle, et la receut comme si ce fust esté la reyne E1isabeth, sa sœur, du temps qu’elle vivait, sa reyne et reyne d’Espaigne. Et, d’autant qu’il avoit esté fort ravy et bien satisfaict de la beauté de son corps, il en fut de mesme de celle de son ame, laquelle j’espere descrire à son lieu. Ce ne fut pas seulement don Juan qui la loua et se pleut en ses louanges, mais tous ces grands et braves capitaines espaignols, jusques aux soldats renommés de ces vieilles bandes, qui tous alloient disans parmy eux, en leurs refrains soldadesques: que la conquistad de tal hermosura valia mas que la de un reyno, y que bien aventurados serion los soldados que, per servirla, podrian morir sobre su bandera; c’est-à-dire: «que la conqueste d’une telle beauté valoit plus que celle d’un royaume, et que bienheureux seroient les soldats qui, pour la servir, pourroient mourir sous sa bannière.»

     Il ne se faut esbahir si telles manières de gens, bien créés et gentils, trouvoient ceste princesse si belle, que j’ai eu aucuns Turcs qui sont venus en ambassade devers nos roys ses freres, tous barbares qu’ils estoient, se perdre en la contemplant, et dire que la pompe de leur grand seigneur, quand il alloit à sa mosquée, ou marchoit en son armée, n’estoit si belle à veoir comme la beauté de ceste reyne. [p.184]

     Bref, j’ay veu une infinité d’autres estrangers, que je sçay estre venus en France et à la cour exprés pour veoir ceste beauté, dont la renommée avoit passé par toute l’Europe, disoient-ils.


     Je vis une fois un gallant cavalier napolitain, qui estoit venu à Paris et à la cour, et ny trouvant poinct la dicte reyne, parce qu’elle estoit en son voyage des bains, retarda son retour de deux mois pour I’attendre et la veoir; et, t’ayant veue, il dit ces mots: «D’autres fois, la princesse de Salerne a remporté une telle reputation de sa beauté dans nostre ville de Naples, que l’estranger qui abordoit et s’en retournoit sans veoir ladicte princesse, en racontant de son voyage, si on luy demandoit s’il avoit veu ceste princesse, et respondoit que non, on luy repliquoit qu’il n’avoit donc veu Naples. Moi semblabtement, si, à mon retour sans veoir ceste belle princesse, on m’eust demandé si j’avois veu la France et sa cour, encor que je l’eusse veue, j’eusse peu bien dire que non, puisque je n’avois poinct veu ceste reyne, que je peux dire en estre tout l’ornement et l’enrichisseure; mais à st’heure l’ayant si bien veue et contemplée, je peux bien dire que j’ay veu toute la beauté du monde, et que nostre princesse de Salerne n’estoit rien au prix. Maintenant je m’en vais très-content pour avoir jouy d’un si bel aspect. Je vous laisse donc à penser [p.185] combien vous autres François pouvez estre heureux de veoir tous les jours à vos aises ce beau visage, et de vous approcher de son divin feu, qui de loin peut plus eschauffer et embraser de poictrines froides, que toutes les nostres de nos belles dames ne scauroient faire de près.» Voilà les propos que m’en tint un jour ce gentil cavalier napolitain.

     Un honneste gentilhomme françois, que je nommerois bien, voyant un jour ceste belle reyne en son plus beau lustre, et plus haute et pompeuse majesté, dans une salle de bal, ainsy que nous en devisions ensemble, me tint tels mots: «Ah! si le sieur des Essars, qui , en ses livres d’Amadis, s’est tant efforcé et peiné à bien descrire et richement representer au monde la belle Nicquée et sa gloire (4), [p.186] eust veu de son temps ceste belle reyne, il ne luy eust fallu emprunter tant de belles et riches parolles pour la despeindre et la monstrer si belle; mais il luy eust suffi à dire seulement que c’estoit la semblance et image de la reyne de Navarre, l’unique du monde; et par ainsy ceste belleNicquée, sans grande superfluité de parolles, estoit mieux peinte qu’elle n’a esté.»

Pierre de Ronsard      En quoy M. de Ronsard eut grande raison de composer ceste riche elegie, qu’on voit parmy ses œuvres, à l’honneur de ceste belle princesse Marguerite de France, non encor mariée, où il a introduit et faict la déesse Venus demander à son fils, après s’estre bien pourmené icy bas, et veu les dames de la cour de France, s’il n’y avoit point apperceu quelque beauté qui surpassast la sienne. «Ouy, dit-il, ma mere, j’en ay veu une, en qui tout le bonheur du plus beau ciel se versa dès qu’elle vint en enfance. Venus en rougit, et ne l’en voulut croire, ainsi depescha l’une de ses Charites (5) pour descendre en terre la recognoistre, et luy en faire après le rapport. Sur ce, vous voyez dans ceste elegie une très-belle [p.187] et très-riche description des beautés de ceste accomplie princesse, soubs le nom de la belle Charite Pasithée. La lecture n’en peut que fort plaire à tout le monde; mais M. de Ronsard, ainsy que me dit un jour une fort honneste et habile dame, demeura là un peu manque et trop court, en ce qu’il debvoit feindre Pasithée remonter au ciel, là se descharger de sa commission, et dire à Venus que son fils n’en avoit tant dict qu’il y en avoit, et puis la faire attrister, despiter de jalousie, et se plaindre à Jupiter du tort qu’il avoit d’estre allé former en terre une beauté qui faisoit honte à celles de son ciel, et principallemeni à la sienne, qu’elle pensait estre la plus rare de toutes les autres; et que, pour tel despit, elle s’habilla de deuil, et pour un temps elle fit abstinence de ses plaisirs et gentillesses; car il n’y a rien qui despite plustost une belle dame en perfection, quand on luy dit qu a sa pareille, ou qui la surpasse.

     Or, notez que si nostre reyne estoit toute belle de soy et de sa nature, elle se sçavoit si bien habiller, et si curieusement et richement accommoder, tant pour le corps que de la teste, que rien n’y restoit pour la rendre en sa pleine perfection.
     (4) «La belle Niquée et sa gloire» appartiennent aux septième, huitième et neuvième livres des Amadis; ces livres renferment l’histoire d’Amadis de Grèce, puis de don Florisel de Niquée, qui fut fils d’Amadis de Gréce et de la belle Niquée. La traduction française de ces célèbres romans est l’œuvre de Nicolas de Herberay, seigneur des Essars, jusqu’à la fin du huitième livre.
     Niquée était à la fois le nom d’une cité et d’une princesse régnant sur cette cité.
     «La gloire de Niquée» est une des nombreuses expressions proverbiales que les Amadis ont créées tant en France qu’en Espagne. Madame de Sévigné l’employait encore: «On monte donc à six heures en calèche, le roi, madame de Montespan, Monsieur, madarne de Thianges et la bonne d’Heudicourt sur le strapontin, c’est-à-dire comme en paradis ou dans la gloire de Niquée.» C’est à une représentation d’une pièce de sa composition, intitulée: la Gloria de la Niquea, que le comte de Villa-Medina fit ce fameux trait de mettre le feu au théâtre et à son palais afin de pouvoir serrer un instant dans ses bras la reine Élizabeth de France, fille de Henrii IV, femme de Philippe IV, roi d’Espagne.

     (5) Grâces.
     On donne le los à la reyne Isabelle de Bavière, femme du roy Charles sixiesme, d’avoir apporté en Fiance les pompes et les gorgiasetés pour bien habiller [p.188] superbement et gorgiasement les dames; mais, à voir dans les vieilles tapisseries de ce temps des maisons de nos roys, où sont pourtraictes les dames ainsy habillées qu’elles estoient pour lors, ce ne sont
que toutes droleries, bifferies et grosseries, au prix des belles et superbes façons, coeffures gentilles, inventions et ornemens de nostre reyne, en laquelle toutes les dames de la cour et de France se sont si bien mirées, que depuis, paroissans parées à sa mode, sentoient mieux leurs grandes dames qu’auparavant leurs simples damoiselles (6), et avec cela cent fois plus agréables et desirables: aussy toutes en doibvent ceste obligation à nostre reyne Marguerite. Je me souviens (car j’y estois) que, lorsque la reyne, mere du roy, mena ceste reyne sa fille au roy de Navarre son mary, elle passa à Coignac, où elle fit quelque sejour; et là, plusieurs grandes, belles et honnestes dames du pays les vindrent voir et leur faire la reverence, qui toutes furent ravies de voir la beauté de ceste reyne de Navarre, et ne se pouvoient saouler de la louer à la reyne sa mere, qui en estoit perdue de joye: parquoy elle pria sa fille un jour de s’habiller le plus pompeusement, et à son plus beau et superbe appareil qu’elle portoit à la cour en ses plus grandes et magnifiques festes et pompes, pour [p.189] en donner le plaisir à ces honnestes dames; ce qu’elle fit pour obéir à une si bonne mere, et parut vestue fort superbement d’une robe de toile d’argent et coulombin à la bolonnoise, manches pendantes, coiffée si très-richement, et avec un voile blanc, ny trop grand ny trop petit, et accompaignée avec cela d’une majesté si belle, et si bonne grace, qu’on l’eust plus-tost dicte déesse du ciel que reyne en terre. Les dames, qui auparavant en avoient esté esperdues, le furent cent fois davantage. La reyne luy dit alors: «Ma fille, vous estes très-bien.» Elle luy respondit:
«Madame, je commence de bonne heure à porter et user mes robes, et les façons que j’emporte avec moy de la cour; car, quand j’y retourneray, je ne les y emporteray point, mais j’y entreray avec des ciseaux et des estoffes seulement, pour me faire habiller selon la mode qui courra.» La reyne luy respondit: «Pourquoy dites-vous cela, ma fille? Car c’est vous qui inventez et produisez les belles façons de s’habiller; et, en quelque part que vous alliez, la cour les prendra de vous, et non vous de la cour.» Comme de vray, par après qu’elle y retourna, on ne trouva rien à dire en elle qui ne fust encor plus que de la cour, tant elle sçait bien inventer en son gentil esprit toutes belles choses.






     (6) Il ne faut pas oublier le sens de ce mot, que nous avons déjà indiqué: dames de la moyenne noblesse.
     Ceste belle reyne, en quelque façon qu’elle s’habillast, fust à la francoise avec son chaperon, fust en [p.190] simple escoffion (7), fust avec son grand voile, fust avec un bonnet, on ne pouvoit juger qui luy séoit le mieux, ny quelle façon la rendoit plus belle, plus admirable et plus aimable, tant en toutes ces façons se sçavoit-elle bien accommoder, tousjours y adjoustant quelque invention nouvelle, non commune et nullement imitable; ou si d’autres dames à son patron s’y vouloient former, n’en approchoient nullement, ainsy que je l’ay remarqué mille fois. Je l’ay veue quelquesfois, et d’autres avec moy, vestue d’une robe de satin blanc avec force clinquant, et un peu d’incarnadin meslé, avec un voile de crespe tané, ou gaze à la romaine, jetté sur sa teste comme negligemment; mais jamais rien ne fut si beau; et quoy qu’on die des déesses du temps passé et des emperières, comme nous les voyons par leurs medailles antiques, pompeusement accoustrées, ne paroistroient que chambrières auprès d’elle.

     (7) Escoffion, ou scoffion, sorte de coiffe de femme. Molière emploie encore ce mot:
D’abord leurs scoffions ont volé par lapalce.
L’Étourdi, acte V, scène XIV.
     J’ay veu souvent contention entre plusieurs de nous autres courtisans: quel habillement luy estoit plus propre et mieux séant, et qui l’embellissoit le plus; enfin chascun en disoit son advis. Quant à moy, pour [p.191] la parure la mieux séante que je luy ay jamais veue, selon mon advis, et selon d’autres aussy, ce fut le jour que la reyne mere fit un festin auxThuilleries aux Polonnois. Elle estoit vestue d’une robe de velours incarnadin d’Espagne, fort chargée de clinquant, et d’un bonnet de mesme velours, tant bien dressé de plumes et pierreries que rien plus. Pierre de Ronsard Elle parut si belle ainsy, comme luy fut dict aussy, que despuis elle le porta assez souvent, et s’y fit peindre: de sorte qu’entre Ioules ses diverses peintures celle là emporte sur toutes les autres, ainsy que l’œil des mieux voyans en peut voir encor la peinture, car il s’en trouve assez de telles, et sur icelles en juger.

     Lorsqu’elle parut ainsy parée en ses Thuilleries, je dis à M. de Ronsard, qui estoit prés de moy: «Dites le vray, monsieur, ne vous semble-il pas voir ceste belle reyne en tel appareil paroistre comme la belle Aurore quand elle vient à naistre avant le jour avec sa belle face blanche, et entournée de sa vermeille et incarnate couleur? car leur face et leur accoustrement ont beaucoup de simpathie et ressemblance.» M. de Ronsard me l’advoua; et sur ceste comparaison qu’il trouva fort belle, il en fit un beau sonnet qu’il me donna, que je voudrois avoir donné beaucoup, et l’avoir pour l’inserer icy.


     Je vis aussy ceste nostre grande reyne aux premiers estats à Blois, le jour que le roy son frere fit son [p.192] harangue, vestue d’une robe d’orangé et noir, mais le champ (8) estoit noir avec force clinquant, et son grand voile de majesté, qu’estant assise en son rang elle se monstra si belle et si admirable, que j’ouys dire à plus de trois cens personnes de l’assemblée, qu’ils s’estoient plus advisés et ravis à la contempla tion d’une si divine beauté qu’à l’ouye des graves et beaux propos du roy son frere, encor qu’il eust dict et harangué des mieux. Je l’ay veue aussy s’habiller quelquefois avec ses cheveux naturels, sans y adjouster aucun artifice de perruque; et encor qu’ils fussent fort noirs, les ayant empruntés du roy Henry son pere, elle les sçavoit si bien tortiller, frisonner et accommoder, en imitation de la reyne d’Espagne sa sœur, qui ne s’accommodoit gueres jamais que des siens, et noirs à l’espaignolle, que telle coiffure et parure luy séoit aussy bien ou mieux que toute autre que ce fust. Voylà que c’est d’un naturel beau, qui surpasse tout artifice tel soit il! Et pourtant elle ne s’y plaisoit gueres, et peu souvent s’en accommodoit, si non de perruques bien gentiment façonnées.

     (8) On dirait aujourd’hui le fond.
    Bref, je n’aurois jamais faict si je voulois descrire ses parures et les formes de s’habiller auxquelles elle se monstroit plus belle; car elle en changeoit de si [p.193] diverses, que toutes luy estoient bien séantes, belles et propres, si que la nature et l’art faisoient à l’envy à qui la rendroit plus belle. Ce n’est pas tout, car ses beaux accoustremens et belles parures n’oserent jamais entreprendre de couvrir sa belle gorge ny son beau sein , craignant de faire tort à la veue du monde qui se passoit sur un si bel object; car jamais n’en fut veue une si belle ny si blanche, si pleine ny si charnue, qu’elle montroit si à plein et si descouverte, que la pluspart des courtisans en mouroient, voire des clames, que j’ay veues, aucunes de ses plus privées, avec sa licence la baiser par un grand ravissement.

     Je me souviens qu’un honneste gentilhomme, nouveau venu à la cour, qui ne l’avoit jamais veue, lorsqu’il l’apperceut me dit ces mots: «Je ne m’estonne pas si vous autres, messieurs, vous vous aimez tant à la cour; car, quand vous n’y auriez autre plaisir tous les jours que de voir ceste belle princesse, vous en avez autant que si vous estiez en un paradis terrestre.»

     Les empereurs romains de jadis, pour plaire au peuple et luy donner plaisir, leur exhiboient des jeux et des combats parmi leurs théatres; mais, pour donner plaisir au peuple de France, et gaigner son amitié, il ne faudroit que leur representer et faire voir souvent ceste reyne Marguerite, pour se plaire [p.194] et s’esjouir en la contemplation d’un si divin visage qu’elle ne cachoit gueres d’un masque, comme toutes les autres dames de nostre cour; car, la plupart du temps, elle alloit le visage descouvert: et un jour de Pasques fleuries à Blois, estant encor Madame et sœur du roy (mais lors se traictoit son mariage), je la vis paroistre en la procession, si belle que rien a monde de plus beau n’eust sceu se faire voir; car, outre la beauté de son visage et de sa belle taille de corps, elle estoit très-superbement et richement parée et vestue: son beau visage blanc, qui ressembloit un ciel en sa plus grande et blanche serenité, estoit orné par la teste de si grande quantité de grosses perles et riches pierreries, et surtout de diamans brillans mis en forme d’estoilles, qu’on eust dict que le naturel du visage et l’artifice des estoilles en pierreries contendoient (9) avecques le ciel, quand il est bien estoillé, pour en tirer la forme. Son beau corps, avecques sa riche et haute taille, estoit vestu d’une robe de drap d’or frisé, le plus beau elle plus riche qui fut jamais veu en France; et c’estoit un present qua’avoit faict le grand seigneur à M. de Grand-Champ à son despart de Constantinople, vers lequel il estoit ambassadeur, ainsy qu’est sa coustume envers ceux qui luy sont envoyés des plus grands, d’une pièce qui [p.195] montoit à quinze aulnes: lequel Grand-Champ me dit qu’elle avoit cousté cent escus l’aulne, car c’estoit un chef d’œuvre. Luy venu en France, ne sçachant à qui mieux employer ni plus dignement ce don d’une si riche estoffe, pour la mieux faire valloir et estimer à la porter, la redonna à Madame, sœur du roy, qui en fit faire une robbe; qui, pour la première fois, s’en para ce jour là, et luy séoit très-bien car aussy de grandeur à grandeur il n’y a que la main; et la porta tout ce jour, bien qu’elle pesast extremement: mais sa belle, riche et forte taille, la supporta très-bien, et luy servit de beaucoup; car si elle fust esté une petite nabotte de princesse, ou dame d’une coudée de hauteur, comme j’en ay veu, elle eust crevé soubs le faix, ou bien eust fallu changer de robbe, et en prendre une autre.
     (9) Disputaient, rivalisaient.

     Ce n’est pas tout: car estant en la procession, marchant à son grand rang, le visage tout descouvert, pour ne priver le monde en une si bonne feste de sa belle lumière, parut plus belle encor en tenant et portant en la main sa palme (comme font nos reynes de tout temps) d’une royale majesté, d’une grace moitié altière et moitié douce, et d’une façon peu commune, mais differente de toutes les autres; que qui ne l’eust jamais veue ny cognue eust bien dict: «Voylà une princesse qui en tout va par dessus le commun de toutes les autres du [p.196] monde.» Et tous nous autres courtisans allions disans, d’une commune voix hardiment: que ceste belle princesse doibt et peut bien porter la palme en la main, puisqu’elle l’emporte par dessus toutes celles du monde, et les surpasse toutes en beauté, en bonne grace et toute perfection. Et vous jure qu’à ceste procession nous y perdismes nos devotions, car nous y vaquasmes pour contempler et admirer ceste divine princesse, et nous y ravir plus qu’au service divin, et si ne pensions pourtant faire faute ny pesché; car qui contemple et admire une divinité en terre, celle du ciel ne s’en tient offensée, puisqu’elle l’a faicte telle.

     Lorsque la reyne sa mere l’emmena de la cour pour aller trouver son mary en Gascongne, je vis quasi tous les courtisans regretter son despart, comme si une grande calamité leur fust tout à coup tombée sur la teste. Les uns disoient: «La cour est veufve de sa beauté;» les autres: «La cour est fort obscure, elle a perdu son soleil;» d’autres: «Qu’il fait noir à la cour! il n’y a plus de flambeau;» d’autres repartoient: «Nous avions bien à faire que la Gascongne nous vinst gasconner et ravir nostre beauté, destinée pour embellir la France et la cour, et l’hostel du Louvre, Fontainebleau, Sainct-Germain et autres belles places de nos roys, pour la loger à Pau et à Nerac, demeures bien dissemblables les [p.197] unes des autres;» d’autres disoient: «Cela est faict, la cour et la France ont perdu la plus belle fleur de leur guirlande.»

     Bref, on n’oyoit de toutes parts resonner que tels et autres pareils petits mots sur ce despart, moitié de despit, de colere, et moitié de tristesse, et encor que la reine Louise de Lorraine y fust restée, qui estoit une très-belle et sage princesse et vertueuse, de laquelle j’espere en parler dignement à son lieu; mais parce que de longue main la cour avoit accoustumé une si belle veue, ne se pouvoit engarder de la regretter, et proferer de telles parolles. Et plusieurs y eut-il qui cuiderent tuer M. de Duras de despit, qui l’estoit venue querir de par le roy de Navarre son maistre, comme je le sçay.

     Un de ces ans vindrent nouvelles à la cour qu’elle estoit morte en Auvergne, n’y avoit pas huict jours. Il y eut quelqu’un qui rencontra là dessus et dit: «Il n’en est rien, car despuis ce temps il a faict trop beau et clair au ciel; que si elle fust morte, nous eussions veu esclipse de soleil, pour la grande simpathie que ces deux soleils ont ensemble, et n’eussions rien veu qu’obscurités et nuages.»

Marguerite de Valois en 1605      C’est assez, ce me semble, d’avoir parlé de la beauté de son corps, encor que le subjeet en soit si ample qu’il meriteroit une decade: toutesfois j’espere d’en parler encor ailleurs; mais il faut dire quelque chose [p.198] de sa belle ame, qui est si bien logée en si beau corps. Or, si elle l’a portée belle dès sa naissance, elle l’a sceu bien garder et entretenir; car elle se plaise fort aux lettres et à la lecture, et ayant esté jeune et en son age parfaict. Aussy peut-on dire d’elle: que c’est la princesse, voire la dame qui soit au monde la plus eloquente et la mieux disante, qui a le plus bel air de parler, et le plus agréable qu’on sçauroit voir. Lorsque les Polonnois, comme j’ay dict cy devant, luy vindrent faire la reverence, il y eut l’evesque de Cracovie, le principal et le premier de l’ambassade, qui fit l’harangue pour tous, et en latin, car il estoit un sçavant et suffisant prelat. La reyne luy respondit si pertinemment et si eloquemment, sans s’aider d’aucun truchement, ayant fort bien entendu et compris son harangue, que tous en entrerent en si grande admiration, que d’une voix ils l’appellerent une seconde Minerve ou déesse d’éloquence.

     Lorsque la reyne sa mere la mena vers le roy son mary, comme j’ay desjà dict, elle fit son entrée à Bourdeaux, comme de raison, estant fille et sœur de roy, et femme du roy de Navarre, et premier prince du sang, et gouverneur de Guyenne: la reyne sa mere le voulut ainsy, car elle l’aimoit infiniment et l’estimoit fort. Son entrée fut belle, non tant pour les magnificences et sumptuosités qu’on luy fit et dressa, [p.199] mais pour voir entrer en triumphe la plus belle et accomplie reyne du monde, montée sur une belle hacquenée blanche, harnachée fort superbement, et elle vestue toute d’orangé et de clinquant, si sumptlueusement que rien plus; laquelle le monde ne se pouvoit assez saouler de voir, la regarder, l’admirer et l’exalter jusques au ciel.

     Avant qu’entrer, les estats de la ville luy vindrent faire la reverence et luy offrir leurs moyens et puissances, et la haranguer aux Chartreux, comme est la coustume. M. de Bourdeaux (10) porta la parolle pour le clergé; M, le mareschal de Biron, comme maire, et avecques la robe de maire, pour le corps de la ville, et comme lieutenant general, fit la sienne après; et M. Largebaston, premier president, pour la cour. Elle leur respondit à tous les uns après les autres (car je l’ouys, estant près d’elle sur l’eschaffaut par son commandement), si eloquemment, si sagement et si promptement, et avecques telle grace et majesté, mesmes à un chascun, par un tel changement de parolles, sans réiterer les premières ny les secondes, sur un mesme subject pourtant, qui est chose à remarquer, que je vis le soir ledict sieur president, qui me vint dire, et à d’autres, en la chambre de la reyne. qu’il n’avoit jamais ouy mieux dire en sa vie quiconque [p.200] fust, car il s’entendoit en telles merceries, et que bien souvent il avoit eu cest honneur d’avoir ouy parler les reynes Marguerite et Jeanne, ses predecesseresses, et en telles ceremonies que celle-là, et que pour avoir esté de leur temps deux bouches d’or des plus disertes de la France (ainsy m’usa-il de ces mots), mais n’approchoient rien de l’éloquence de ceste dernière reyne Marguerite, et qu’elles n’étoient que novices et apprentives auprès d’elle, et que vrayement elle estoit fille de mere.

     (10) L’évêque de Bordeaux.
     Je redis à la reyne sa mere par apres ce que m’avoit dict ledict president, qui en fut si aise que rien plus: et elle me dit qu’il avoit raison de le croire et le dire; car, encore qu’elle fust sa fille, elle pouvoit dire sans mentir que c’estoit la plus accomplie princesse du monde, et qui disoit ce qu’elle vouloit et des mieux. De mesmes je l’ay veu dire à force ambassadeurs, et à grands seigneurs estrangers, quand ils avoient parlé à elle, ils s’en partoient d’elle tous confondus d’un si beau dire.

     Je luy ay veu souvent faire de si beaux discours, si graves et si sententieux, que si je les pouvois bien mettre au net et au vray icy par escrit, j’en ferois ravir et esmerveiller le monde; mais il ne me seroit pas possible, ny à quiconque soit, de pouvoir les reduire, tant ils sont inimitables.

     Or, si elle est grave et pleine de majesté et éloquente [p.201] en ses hauts discours et serieux, elle a bien autant de gentille grace à rencontrer de bons et plaisans mots, et brocarder si gentiment, et donner l’estrette (11) et la venue, que sa compaignie es plus agréa ble que toute autre du monde; car, encor qu’elle picque ou brocarde quelqu’un, cela est si à propos et si bien dict, qu’il n’est possible de s’en fascher, mais encore bien aise.

     De plus, si elle sçait bien parler, elle sçait autant bien escrire. Ses belles lettres, que l’on peut voir d’elle, le manifestent assez ; car ce sont les plus belles, les mieux couchées, soient pour estre graves que pour estre familières, qu’il faut que tous les grands escrivains du passé et de nostre temps se cachent, et ne produisent les leurs quand les siennes comparoistront, qui ne sont que chansons auprès des siennes. Il n’y a nul qui, les voyant, ne se mocque du pauvre Ciceron avecques les siennes familières. Et, qui en pourroit faire un recueil, et d’elles et de ses discours, ce seroit autant d’escole et d’apprentissage pour tout le monde: dont ne s’en faut esbayr; car, de soy, elle a l’esprit bon et prompt, un grand entendement, sage et solide. Bref, elle est vraye reyne [p.202] en tout, qui meriteroit de regir un grand royaume, voire un empire: sur quoy je feray ceste clisgression. d’autant qu’elle fait à nostre subject.

     Lorsque le mariage d’elle fut accordé à Blois, et du roy de Navarre, il y eut assez de difficultés que la reyne Jeanne faisoit, bien differente d’alors qu’elle escripvit à ma mere, qui estoit sa dame d’honneur, malade en sa maison. J’ay veu ladicte lettre, escrite de sa main, au thresor de nostre maison, et dit ainsy:

     «Je vous fay ceste-cy, ma grande amye, pour vous resjouir et prendre santé des bonnes nouvelles que le roy mon mary m’a mandées, qu’est comme ayant pris l’hardïesse de demander au roy madame sa jeune fille pour mon fils, luy a faict cest honneur de la Iuy accorder, dont je ne vous en veux celer l’aise que j’en ay.»

     Il y a bien à discourir là dessus. Il y eut donc, lors de cest accord, une dame de la cour, que je ne nommeray point, aussy sotte qu’il en fust de sa portée. Estant la reyne mere le soir retirée à son coucher, elle s’enquit à de ses dames si elles avoient veu sa fille, et quelle joye elle monstroit de l’accord de ce mariage. Ceste dame sotte, qui n’avoit encor gueres veu sa cour, s’advança la première et dit: «Comment, madame, ne seroit-elle joyeuse d’un tel mariage, puisqu’elle en vient à la couronne, et est en [p.203] terme d’estre possible un jour reyne de France, si elle eschéoit au roy son mary pretendu, comme il se peut faire un jour?» La reyne, oyant un si fort mot, luy dit: «Ma mye, vous estes une grande sotte. J’aimerois mieux que vous fussiez crevée de cent mille morts que si vostre sotte prophetie estoit jamais veritable et accomplie, pour la longue vie et bonne prosperité que je souhaite au roy et à tout le reste de mes enfans.» Sur quoy il y eut une grande dame, assez sa privée, qui luy respliqua: «Mais, madame, si ce malheur arrivoit, que Dieu nous en garde! ne seriez-vous pas bien aise de voir vostre fille reyne de France, puisque la couronne luy escherroit de bon droict par celuy de son mary?» La reyne fit response: «Encor que j’aime bien ceste fille, je pense, lorsque cela arriveroit, nous verrions la France fort troublée de maux et de malheurs. Et aimerois mieux cent fois mourir (comme elle a faict) que de la voir en cest estat; car je croy qu’on ne voudroit pas obéir absolument au roy de Navarre comme à mes enfans, pour beaucoup de raisons que je ne dis point.»


     (11) Estrette ou strette, en italien stretta, coup serré, attaque pressante. «A la première strette que lui donne la goutte, dit Montaigne, il (l’homme) a beau estre sire ou majesté, perd-il pas le souvenir de ses palais et de ses grandeurs?»
     Voylà deux prophelies accomplies, l’une d’une sotte dame, et l’autre d’une habile princesse, et ce pour quelques années. Mais la prophetie a failly aujourd’huy par la grace que Dieu luy a donnée (12), et par [p.204] la force de sa bonne espée et la valeur de son brave cœur, qui l’ont rendu si grand, si victorieux, si redoubté et si absolu roy comme il est aujourd’huy, après tant de traverses et travaux. Dieu le maintienne par sa saincte grace en ceste grande prosperité, ainsy qu’il nous est de besoin à tous nous autres ses pauvres subjects!
     (12) Au roi de Navarre, devenu Henri IV.
     «Or, si par abolition de la loy salique, dit encor la reyne, le royaume venoit à ma fille par son juste droict, comme aussy d’autres royaumes tombent en quenouille, certes ma fille est bien aussy capable de regner, ou plus, que beaucoup d’hommes et roys que je sçay, et qui ont esté: et crois-je que son regne seroit beau; et le rendroit pareil à celuy du roy son grand pere, et du roy son pere, car elle a un grand esprit et de grandes vertus pour ce faire.» Là dessus elle alla dire que c’estoit un grand abus que ceste loy salique, et qu’elle avoit ouy dire à M. le cardinal de Lorraine que lorsqu’il arresta, avec les autres deputés à l’abbaye de Cercan, la paix entre les deux roys, venant à soudre quelque dispute sur quelque poinct de ceste loy salique, qui touchoit la succession des femmes au royaume de France, il y eut M. le cardinal de Grandvelle, autrement dict d’Arras, qui en rabroua fort mondict sieur le cardinal de Lorraine, luy disant que c’estoient de vrays abus que vostre loy salique, et qu’il luy en crevast l’œil, et que c’estoient [p.205] de vieux reveurs et chroniqueurs qui l’avoient ainsy escrite, sans savoir pourquoy, et l’ont faict ainsy accroire, et qu’elle ne fut jamais faicte ny portée en France, mais que c’estoit une coustume que les François, de main en main, s’estoient entredonnée, et avoient introduicte, qui n’est nullement juste, et par consequent violable. Voylà ce qu’en dit la reyne mere. Pharamond vu par un camé des années 1630 Et, quand tout est dict, ce fut Pharamond, comme la pluspart tiennent, qui l’apporta de son pays, et l’introduisit: ce que nous ne debvrions observer puisque c’estoit un payen; et d’aller si estroictement garder, parmy nous autres chrestiens, les loix d’un payen, c’est offenser grandement Dieu. Il est vray que la pluspart de celles que nous avons, nous les tenons des empereurs payens, mais aussy celles qui sont sainctes, justes et equitables, nous nous y reglons, comme de vray il y en a force, et la pluspart sont telles; mais ceste cy salique de Pharamond, elle est injuste et contre la loy de Dieu, car il est dict au Vieux Testament, et au XXVe chapitre des Nombres: «Les enfans masles succederont premièrement, puis, en leur deffaut, les filles.» Ceste saincte loy donc veut les filles heriter après les masles. Encor, quand on prendroit bien au pied de l’escripture ceste loy salique, il n’y auroit pas si grand mal comme on le prend, ainsy que j’ay ouy discourir à de grands personnages; car elle parle ainsy: «Que tant qu’il y [p.206] aura des masles, les filles n’heritent ny ne regnent point.» Consequemment, en deffaut des masles, les filles y viendront. Et puisqu’il est juste qu’en Espaigne, Navarre, Angleterre, Escosse, Hongrie, Naples et Sicille, les filles regnent, pourquoy ne l’est-il juste tout de mesmes en France? Car ce qui est juste, il est juste partout et en tous lieux, et le lieu ne fait point que la loy soit juste.

     Tant de fiefs que nous avons en France, duchés, comtés, baronnies et autres honorables seigneuries, qui sont quasy, mais beaucoup, royales en leurs droicts et privileges, viennent bien aux femmes et filles, comme nous avons Bourbon, Vandosme, Montpensier, Nevers, Rhetel, Eu, Flandres, Bourgogne, Artois, Zellande, Bretaigne; et mesmes comme Mathilde, qui fut duchesse de Normandie; Eléonor, duchesse de Guyenne, qui enrichirent Henry II roy d’Angleterre; Béatrix, comtesse de Provence, qui l’apporta au roy Louis son mary; la fille unique de Raimond, comtesse de Thoulouse, qui l’apporta à Alfonse, frere de sainct Louis; puis Anne, duchesse de Bretaigne, de frais, et autres: pourquoy le royaume le France n’appelle à soy aussy bien les filles de France?

     La belle Galatée, lors qu’Hercule l’espousa après sa conquesle d’Espaigne, ne dominoit-elle pas en la Gaule? du mariage desquels deux sont issus nos [p.207] braves, vaillans et genereux Gaulois, qui d’autresfois se sont tant faict vanter.

     Et pourquoy sont les filles des ducs en ce royaume plus capables de gouverner une duché ou une comté, et y faire justice, qui approchent de l’authorité du roy, plustot que les filles des roys de gouverner le royaume de France? et comme si les filles de France ne fussent aussy capables et propres à commander et regner, comme aux autres royaumes et grandes seigneuries que j’ay nommées!

     Pour plus grande preuve de l’abus de la loy salique, il n’en faut d’autre que celle de tant de chroniqueurs, escrivains et bavards, qui en ont escrit, qui ne se peuvent accorder entre eux de son etymologie ny deffinition.

     Les uns, comme Postel, estiment qu’elle prit son ancien nom et origine des Gaules, et qu’elle fut appellée salique, au lieu de gallique, pour la proximité et voisinage que la lettre G en vieil moule avoit avecques la lettre S; mais c’est un reveur en cela (comme je tiens d’un grand personnage), ainsy qu’en autres choses.

     Jean Ceval, evesque d’Avranches, grand rechercheur des antiquités de la Gaule et France, l’a voulu rapporter à ce mot salle parce que ceste loy estoit seulement ordonnée pour salles et palais royaux.

     Claude Seissel, assez mal à propos, a pensé qu’elle [p.208] vient du mot sal en latin, comme une loy pleine de sel, c’est-à-dire de sapience, par une metaphore tirée du sel.

     Un docteur ès droicts, nommé Ferrarius Montanus, a voulu dire que Pharamond fut autrement appelé Salicq.

     Les autres la tirent de Sallogast, l’un des principaux conseillers de Pharamond.

     Les autres, pensant subtiliser davantage, disent que, par la frequence des articles qui se trouvent dans icelle loy, commençans par ces mots, si aliquis, si aliqua, elle prit sa derivaison; d’autres, qu’elle est venue des François Saliens, comme est faict mention dans Marcellin.

     Enfin voylà de grands rebus et reveries; et ne se faut esbayr si M. l’evesque d’Arras en faisoit la guerre à M. le cardinal de Lorraine: ainsy que ceux de sa nation, en leurs farces et jongleries, croyans que ceste loy fust de nouvelle impression, appelloient Philippe de Valois le roy trouvé, comme si, par un nouveau droict et non jamais recognu par la France, il se fust faict roy. Sur quoy despuis se sont fondés en ce que la comté de Flandres estant tombée en quenouille, le roy Charles le Quint (13) n’en pretendit lois aucun droict ny nom; mais, au contraire, il [p.209] appennagea Pliilippes son frere de la Bourgongne, pour en faire le mariage avecques la comtesse de Flandres, ne la voulant prendre pour luy, ne la trouvant si belle, mais bien plus riche que celle de Bourbon; qui est encore une grande asseurance que l’article de ceste loy salique n’a pas tousjours esté observé aux membres comme au chef. Et ne faut doubter que les filles, venans à la couronne, mesmes quand elles sont belles, honnestes et vertueuses comme ceste-cy, n’attirassent plus le cœur de leurs subjects par leurs beautés et douceurs, que toutes les forces des hommes.
     (13) Charles V, roi de France.
     M. du Tillet dit: que la reyne CIotilde fit recevoir en France la religion chrestienne, et despuis ne s’est trouvée aucune reyne qui s’en soit desvoyée, qui est un grand honneur pour les reynes: ce qui n’est advenu aux roys despuis Clovis; car Chilperic premier fut entaché de l’erreur arrienne, et deux seuls prelats de l’eglise gallicane par leur resistance l’arresterent, comme dit Gregoire de Tours.

     Davantage, Catherine, fille de Charles VI, ne fut-elle pas ordonnée reyne de France par le roy son pere et son conseil (14)? [p.210]

     Du Tillet dit encor de plus: que les fillesde France estoient en telle reverence, qu’encor qu’elles fussent mariées à moindres que roys, néanmoins prenoient le titre royal, et estoient appelées reynes avecques le nom propre; et cest honneur leur estoit donné pour leur vie, par demonstration qu’elles estoient filles de roys de France. Ceste coustume ancienne monstroit sourdement que les filles de France pouvoient bien estre reynes, aussy bien que les fils.
     (14) Lorsqu’on la maria, en 1420, avec Henri V, roi d’Angleterre, ce prince, en vertu des stipulations du traité de Troyes, fut proclamé régent du royaume pendant la vie de Charles VI, et sou successeur après sa mort.
     Il se trouve que, du temps du roy sainct Louis, tenant la cour des pairs, la comtesse de Flandres est renommée presente, et tenant lieu avecques les pairs. Voylà comment ceste loy salique faut (15) entre les membres et non parmy le chef; en quoy elle est corrompue, car les membres se doibvent regler par le chef.

     Voyez que dit encor M. du Tillet: «Par la loi salique, escrite pour les seuls subjects, quand il n’y avoit fils, les filles heritoient en l’ancien patrimoine. Qui voudroit regler la couronne, mesdames, filles de France, au deffaut des fils, la prendroient; et néanmoins elles en sont perpetuellemeut excluses par coustume et loy particulière de la maison de France, fondée sur la magnanimité des François, qui ne peuvent souffrir d’estre dominés par les femmes.» Et ailleurs dit: «Il se faut esbahir [p.211] de la longue ignorance qui a attribué ceste coustume à la loi salique, qui est contraire.»

     Le roy Charles le Quint, traictant le mariage de madame Marie de France, sa fille, avecques Guillaume, comte de Hainaut, en l’an 1374, stipula la renoncialion dudict comte au droict du royaume et du Dauphiné; ce qui est un grand poinct: et par là voyez les contrariétés!

     (15) Fait défaut, ne s’applique point.
     Certes, si les femmes savoient manier les armes aussy bien que les hommes, elles s’en feroient accroire, mais, en recompense, elles ont leur beau visage, qu’on ne recognoit pas comme on debvroit; car, certes, il vaut mieux d’estre commandé de belles, gentilles et honnestes Femmes, que des hommes fascheux, fats, laids et maussades, comme jadis il y en a eu en ceste France.

     Je voudrois bien sçavoir si ce royaume s’est mieux trouvé d’une infinité de roys fats, sots, tirans, simples, faict-néans, idiots, fols, qui ont esté (ne voulant pourtant taxer nos braves Pharamonds, nos Clodions, nos Clovis, nos Pepins, nos Martels, nos Charles, nos Louis, nos Philippes, nos Jehans, nos Francois, nos Henrys, car ils ont esté trop braves et magnanimes ceux-là: et bien heureux estoit le peuple qui estoit soubs eux), qu’il n’eust faict d’une infinité de filles de France qui ont esté très-habiles, fort prudentes et bien dignes de commander. Je m’en [p.212] rapporte aux regences des meres des roys comment on s’en est bien trouvé.

     Fredegonde, comment administra-elle les affaires de France pendant le soubs-age du roy Clotaire son fils, les administrant si sagement et dextrement, qu’il se vit, avant que mourir, monarque de la Gaule et de beaucoup de l’Allemaigne.

     Le semblable fit Mathilde, femme de Dagobert, à l’endroict du roy Clovis deuxiesme, son fils; et, long-temps après, Blanche, mere de sainct Louis, laquelle s’y comporta si sagement, ainsy que je l’ay leu, que, tout ainsy que les empereurs romains se faisoient appeler Augustes, en commemoration de l’heur et prosperité qui s’estoit trouvée au grand empereur Àuguste, aussy toutes les reynes meres anciennement, après le decez des roys leurs marys, vouloient estre nommées reynes Blanches, par une honorable memoire tirée du gouvernement de ceste sage princesse. Encor que M. du Tillet contredit un peu en cela, toutefois je le tiens d’un grand senateur.

     Et, pour passer plus bas, Ysabeau de Bavière eut la regence de son mary Charles VI, estant alteré de son bon sens, par l’advis de son conseil; comme aussy fut madame de Bourbon du petit roy Charles VIII son frere, en son bas age; madame Louise de Savoye du roy Francois premier et la reyne mere du roy Charles IX son fils. [p.213]

     Si donc les dames etrangeres (fors madame de Bourbon, car elle estoit fille de France) ont esté si capables de gouverner si bien la France, pourquoy ne le seroient les nostres telles, et ne la gouverneroient aussy bien, et d’aussy bon zele et affection, puisqu’ elles y sont nées et y ont pris leur laict, et que le faict leur touche?

     Je voudrois bien sçavoir en quoy nos derniers roys ont surpassé nos trois filles de France dernières, Elizabeth, Claude et Marguerite; que si elles fussent venues à estre reynes de France, qu’elles ne l’eussent aussi bien gouvernée (sans que je veuille pourtant taxer leur suffisance et regence, car elle a esté très-grande et très-sage) aussy bien que leurs freres. J’ay ouy dire à beaucoup de grands personnages bien entendus et bien prevoyans que possible n’eussions-nous eu les malheurs que nous avons eus, que nous avons et que nous aurons encor; et en alleguoient des raisons qui seroient trop longues à mettre ici. Mais voylà, ce dit le commun et sot vulgaire: «Il faut observer la loy salique.» Pauvre fat qu’il est! Ne sçait-il pas bien encor que les Germains, de l’estoc desquels nous sommes sortis, avoient accoustumé d’appeler les femmes à leurs affaires d’Estat, tout aussi bien que les hommes, comme nous apprenons de Tacite? Par là nous apprenons que ceste loy salique a esté despuis corrompue, puisqu’ils les ont [p.214] senties dignes de commander; mais ce n’est qu’une vraye coustume, et que les pauvres filles, qui estoient foibles pour debattre leurs droicts par la pointe de l’espèe, comme il se debattoit anciennement, les hommes les en excluoient et chassoient du tout. Ah! que ne vivent maintenant nos braves et vaillans paladins de France, un Roland, un Renaud, un Ogier, un Olivier, un Deudon, un Graffon, un Yvon, et une infinité d’autres braves, desquels la profession estoit, et la gloire, de secourir les dames et les maintenir en leurs afflictions et traverses de leurs vies, de l’honneur et biens, pour maintenant combattre le droict de nostre reyne Marguerite! laquelle, tant s’en faut qu’elle jouisse d’un seul poulce de terre du royaume de France, duquel elle est si noblement sortie, et qui possible luy appartient de tout droict divin et humain, qu’elle ne jouit pas bien de sa comté d’Auvergne, qui luy appartient par toute justice et equité, pour estre restée seule et heritière de la reyne sa mere, et est retirée dans un chasteau d’Usson, parmy les deserts, rochers et montagnes d’Auvergne; habitation, certes, par trop dissemblable à une grande ville de Paris, où elle debvroit maintenant tenir son trosne et son siége de justice, qui luy appartient, et de son droict, et de celuy du roy son mary. Mais le malheur est tel, qu’on ne veut recevoir ny l’un ny l’autre. Que si tous deux [p.215] estoient bien unis ensemble, et de corps et d’ame et d’amitié, comme ils ont esté, possible que tout en iroit mieux pour tous, et se feroient craindre, respecter et recognoistre pour tels qu’ils sont. (Dieu a voulu despuis qu’ils se sont bien reconciliés, qui est un très-grand heur.)


Guy du Faur de Pibrac (1527-1589)      J’ay ouy dire à M. de Pibrac une fois, que ceste alliance de Navarre a esté fatale en cela, pour avoir veu en discordance le mary et la femme, comme d’autres fois a esté de Louis Hutin, roy de France et de Navarre, avecques Marguerile de Bourgongne, fille du duc Robert troisiesme; plus, Philippe le Long, roy de France et de Navarre, avecques Jeanne, fille du comte Othelin de Bourgogne, laquelle, se trouvant innocente, se purgea fort bien (16); puis, Charles le Bel, roy de France et de Navarre, avecques Blanche, fille d’Othelin, encor comte de Bourgongne, qui fut sa première femme; et, de frais, le roy Henry d’Albret, avecques Marguerite de Valois, comme je tiens de bon lieu, qui la traictoit si mal, et eust encor faict pis sans le roy François son frere, qui parla bien à luy le rudoya fort, et le menaça, pour honorer si peu sa sœur, veu le rang qu’elle tenoit.

     Le roy Antoine dernier mourut aussy, estant en [p.216] mauvais mesnage avecques la reyne Jeanne sa femme. Nostre reyne Marguerite est ainsy un peu en division et divorce avecques le roy Son mary; mais Dieu les mettra un jour en bonne union, en despit du temps miserable.
     (16) Sous-entendu: des crimes que le bruit public lui imputait.
     J’ay ouy dire à une princesse: qu’elle luy sauva la vie au massacre de la Sainct-Barthelemy (17), car, indubitablement, il estoit proscrit et couché sur le papier rouge, comme on dit, parce qu’on disoit qu’il falloit oster les racines, comme le roy de Navarre, le prince de Condé, l’Admiral et autres grands mais ladicte reyne se jetta à genoux devant le roy Charles, pour luy demander la vie de son mary et seigneur. Le roy Charles la luy accorda assez difficilement, encor qu’elle fust sa bonne sœur. Je m’en rapporte à ce qui en est, car je n’en sçay que par ouyr dire. Et si porta fort impatiemment ce massacre, et en sauva plusieurs, jusqu’à un gentilhomme gascon (il me semble qu’il s’appeloit Leran) (18) qui, tout blessé qu’il estoit, se vint jetter soubs son lict, elle estant couchée, et les meurtriers l’ayant poursuivy jusqu’a sa porte, dont elle les en chassa; car elle ne fut jamais cruelle, mais toute bonne, à la mode des filles de France. [p.217]

     On dit que la pique d’elle et du roy son mary a procedé plus de la diversité de leur religion que d’autre chose, car chascun aime et soustient fort la sienne; si que la reyne estant allée à Pau, ville principale de Béarn, ainsy qu’elle y eut faict dire la messe, il y eut un secretaire du roy son mary, nommé le Pin, qui avoit esté autres fois à feu M. l’Admiral, qui s’en estomacha si bien qu’il fit mettre en prison quelques uns de la ville qui y avoient esté. La reyne en fut très-mal contente; et luy pensant remonstrer, il luy parla plus haut qu’il ne debvoit, et fort indiscretement, mesmes devant le roy, qui luy en fit une bonne reprimande et le chassa; car il sçait bien aimer et respecter ce qu’il doibt, tant il est brave et genereux, ainsy que ses belles et nobles actions l’ont manifesté tel tousjours, dont j’en parleray au long dans sa belle vie.

     Le dict du Pin se fondoit sur l’edict qui est là faict et observé, sur la vie, ny dire ny ouyr messe. La reyne s’en sentant piquée, Dieu sçait comment, jura et protesta qu’elle ne mettroit jamais le pied en ce pays-là, d’autant qu’elle vouloit estre libre en l’exercice de sa religion; et par ainsy elle en partit; et despuis elle garde très bien son serment.

     J’ay ouy dire que jamais elle n’eut chose tant sur le cœur que telle indignité d’estre privée de l’exercice de sa religion, laquelle, pour la passer de sa [p.218] fantaisie, elle pria la reyne sa bonne mere de la venir querir pour la veoir, et aller jusques en France voir le roy et monsieur, son frere, qu’elle honoroit et aimoit beaucoup; où estant, elle ne fut veue et receue du roy son frere comme il debvoit: et voyant un grand changement despuis qu’elle estoit partie, et plusieurs personnes eslevées en des grandeurs qu’elle n’avoit veu ny pensé, cela luy faschoit fort de les rechercher et leur faire la cour, comme les autres, nullement ses pareilles, faisoient; tant s’en faut, qu’elle les mesprisoit grandement, comme j’ay veu, tant avoit-elle le courage grand! Hélas! trop grand certes, s’il en fut oncques, mais pourtant cause de tout son malheur; car, si elle l’eust voulu un peu contraindre et rabaisser le moins du monde, elle n’eust esté traversée comme elle l’a esté.

     (17) Marguerite avait été mariée avec Henri, roi de Navarre, six jours avant Saint-Barthelemy (août 1572).




     (18) De la maison de Levis.
     Sur quoy je feray ce conte: que, lorsque le roy son frere alla en Pologne, et y estant, elle sceut que M. du Gua, fort favorisé du roy son dict frere, avoit tenu quelques propos assez desadvantageux d’elle, et assez bastans pour mettre le frere et la sœur en inimitié ou quelque pique. Au bout de quelque temps, ledict M. du Gua, retourné de Pologne et arrivé à la cour, et portant des lettres dudict roy à sa sœur, les luy alla porter et baiser les mains en sa chambre; ce que je vis: quand elle le vit entrer, elle fut en grande colère; et, ainsy qu’il se vient presenter à elle pour [p.219] luy donner sa lettre, elle luy dit d’un visage courroucé: «Bien vous sert, le Gua, de vous presenter devant moy avecques ceste lettre de mon frere, qui vous sert de sauve-garde, l’aimant si fort, que tout ce qui vient de luy est en toute franchise avecques moy; que, sans cela, je vous apprendrois à parler d’une telle princesse que je suis, sœur de vos roys, vos maistres et souverains.» M. du Gua luy respondit fort humblement: «Je ne me fusse aussy, madame, jamais presenté devant vous, sçachant bien que vous me voulez mal, sans quelque bonne enseigne du roy mon maistre, qui vous aime et que vous aimez fort aussy; m’assurant, madame, que, pour l’amour de luy, et que vous estes toute bonne et genereuse, vous m’ouyrez parler.» Et luy ayant faict ses excuses et dict ses raisons, comme il sçavoit bien dire, il nia très-bien de n’avoir jamais parlé de la sœur de ses roys que très-reveremment. Elle le renvoya, avecques protestation de luy estre cruelle ennemye, comme elle luy a tenu jusqu’à sa mort.

     Au bout de quelque temps, le roy escrit à madame de Dampierre, et la prie, sur tous les plaisirs qu’elle luy sçauroit faire, de faire avecques la reyne de Navarre tant qu’elle pardonnast à M. du Gua, et le prist en amitié pour l’amour de luy: ce que madame de Dampierre entreprint à son très-grand regret, car elle cognoissoit le naturel de la dicte reyne; mais, [p.220] parce que le roy l’aimoit et se fioit fort en elle, â tout hasard elle entreprint ceste charge, et vint un jour trouver ladicte reyne en sa chambre; et la trouvant en assez bonne trempe, elle en entama le propos, et luy fit une remonstrance que, pour avoir la bonne grace, l’amitié et la faveur du roy son frere, qui estoit desjà roy de France, elle debvoit pardonner à M. du Gua, et luy remettre tout le passé, et le prendre en grace; car le roy l’aimoit fort et le favorisoit plus qu’aucun des siens; et par ce moyen, elle, le prenant en amitié, pourroit tirer de bons services, offices et plaisirs de luy, puisqu’il gouvernoit si paisiblement le roy son maistre; et qu’il valloit bien mieux quelle s’en aidast et prevalust, que de le desesperer et le bander contre elle, et qu’il luy pourroit beaucoup nuire; et qu’elle avoit bien veu de son temps, au regne du roy François I, mesdames Magdelene et Marguerite, despuis l’une reyne d’Escosse et l’autre duchesse de Savoye, ses tantes, encor qu’elles eussent le cœur bien grand et haut, s’abaisser si bas que de faire la cour M. de Sourdis, qui n’estoit que maistre de la garde-robe du roy leur pere, et le rechercher, afin que, par son moyen, elles se ressentissent de la grace et faveur du roy leur pere; et qu’à l’exemple de ses tantes elle en debvoit faire de mesmes à I’endroict de M. du Gua.

     La reyne de Navarre, après avoir ouy fort attentivernent [p.221] madame de Dampierre, luy respondit assez froidement, avecques un visage un peu riant pourtant, selon sa mode; et luy dit: «Madame de Dampierre, ce que me dites seroit bon pour vous, qui avez besoin de faveur, de plaisirs et bienfaicts; et si j’estois vous, ces parolles que me dites me seroient fort bien adressées et fort propres; et les recevrois volontiers, et mettrois en usage; mais à moy, qui suis fille de roy, et sœur de roys, et femme de roy, elles ne peuvent servir; autant qu’avecques ces grandes et belles qualités, je ne puis estre mendiante, pour mon honneur, des faveurs, des graces et bienfaicts du roy mon frere; car je le tiens pour de si bon naturel, et cognoissant si bien son debvoir; qu’il ne me les desniera jamais, sans la faveur de le Gua; autrement il se feroit un grand tort, à son honneur et à sa royauté et, quant bien il seroit assez desnaturé de s’oublier tant que de me tenir autre qu’il doibt, j’aime mieux pour mon honneur, et ainsy mon courage me le dit, estre privée de ses bonnes graces par faute de n’avoir recherché le Gua et ses faveurs, que si l’on me reprochoit ou soupçonnoit les avoir par son moyen et intercession, veu qu’il me semble assez les meriter pour estre ce que je luy suis; et s’il se sent digne d’estre roy, et aimé de moy et de son peuple, je me sens, comme sa sœur, estre assez [p.222] digne aussy d’estre reyne et aimée, non seulement de luy, mais de tout le monde. Et si mes tantes, que vous m’alleguez, se sont si abaissées comme vous dites, faire l’ont peu si elle l’ont voulu, ou telle a esté leur humeur; mais leur exemple ne me peut donner loy, ny aucune sorte d’imitation, ne me voulant nullement former sur ce modelle, sinon sur le mien propre.» Par ainsy elle se teut, et madame de Dampierre se retira, non pourtant que la reyne luy en voulust, mal autrement, car elle l’aimoit fort.
    
     Une autre fois, lorsque M. d’Espernon alla en Gascogne après la mort de Monsieur (voyage fondé sur divers subjects, à ce que l’on disoit), alors il vit le roy de Navarre à Pamiers; et s’entrefirent de grandes cheres et caresses. Je parle ainsy; car lors M. d’Espernon estoit demy roy en France, pour la desbordée faveur qu’il avoit avecques le roy son maistre. Après donc s’estre bien caressés et faict bonne chere ensemble, le roy de Navarre le pria de le venir voir à Nerac, après qu’il auroit esté à Toulouse, et s’en voudroit retourner, ce qu’il luy promit et estant acheminé devant pour faire ses preparatifs à le bien festiner, la reyne de Navarre qui estoit là, et qui vouloit mal mortel à M. d’Espernon pour beaucoup de grands suhjects, dit au roy son mary qu’elle se vouloit oster de là pour ne perturber et [p.223] empescher la feste, ne pouvant nullement supporter la veue de M. d’Espernon sans quelque scandale et venin de colere qu’elle pourroit vomir, qui pourroit donner fascherie aucunement au roy son mary. Parquoy, estant sur son partement, le roy la pria, sur tous les plaisirs qu’elle luy sçauroit faire, de ne bouger, et luy aider à recevoir mondict sieur d’Espernon, et mettre toute sa rancune qu’elle luy portoit soubs les pieds pour l’amour de luy, d’autant que cela leur importoit grandement à tous deux, et à leur grandeur.

     «Et bien, monsieur, luy dit la reyne, puis qu’il vous plaist me le commander, je derneureray et luy fairay bonne chere, pour vostre respect et l’obedience que je vous doibs.» Et puis dit à aucunes de ces dames: «Mais je vous responds bien que, lorsqu’il demeurera, ces jours là je m’habilleray d’un habillement dont je ne m’habillay jamais, qui est de dissimulation et hypocrisie; car je masqueray si bien mon visage de feintise, qu’il n’y verra que tout bon et honneste recueil et toute douceur, et pareillement je poseray à ma bouche toute discretion: si bien que je me rendray par l’exterieur telle que l’on pensera l’interieur de mon cœur bon, duquel autrement je n’en puis respondre; n’estant nullement à mon pouvoir, estant du tout à luy, tant il est haut, plein de franchise, et ne sçauroit porter [p.224] d’eau punaise, ny le venin d’aucune hypocrisie, ni moins le faire abbaisser, puisqu’il n’y a rien que Dieu et le ciel qui le puissent amollir et le rendre tendre, en le refaisant ou le refondant.»

     Pour rendre donc content le roy son mary, car elle l’honoroit fort, aussy luy rendoit-il de mesmes, elle se desguisa de telle façon, que, M. d’Espernon venant arriver en sa chambre, elle le recueillit de la mesme forme que le roy l’en avoit priée et elle luy avoit promis: si bien que toute la chambre qui estoit pleine d’une infinité d’assistans, qui se pressoient pour veoir ceste entrée et entrevue, en furent fort esmerveillés; et le roy et M. d’Espernon en demeurerent contens; mais les plus clair voyans, et qui cognoissoient le naturel de la reyne, se doubtoient bien de quelque garde dedans; aussy disoit-elle qu’elle avoit joué un rolle en ceste comedie mal volontiers. Je tiens de bon lieu tout cecy.

     Voilà deux contes par lesquels on peut bien cognoistre la hauteur du courage de ceste reyne, lequel estoit tel, que j’ai ouy dire à la reyne sa mere, sur ce discours et subject, qu’elle en estoit fort semblable au roy son pere, et qu’elle n’avoit aucun de ses enfans qui le semblast mieux qu’elle, tant en façons, humeurs, linéamens et traicts du visage, qu’en courage et generosité; d’autant qu’elle avoit veu le roy Henry, durant le roy François son pere, qui, pour [p.225] son royaume, n’eust pas recherché ni nacqueté (19) le cardinal de Tournon, ny l’admiral d’Annebault, grands favoris du roy; mesmes qu’il eust eu la paix ou les trefves souvent de l’empereur Charles, s’il luy eust voulu requerir et rechercher; mais sa generosité ne se pouvoit soubmettre à telles recherches. Aussy, tel estoit le pere, telle est la fille. Mais pourtant tout cela luy a beaucoup nuy. Je m’en rapporte à une infinité de traverses et indignités qu’elle a receues à la cour, que je ne diray point, car elles sont trop odieuses, jusqu’à en avoir esté renvoyée, avec certes un grand affront, et pourtant innocente de ce qu’on luy mettoit à sus, ainsy que la preuve en fit foy à plusieurs, car je le sçay: et comme le roy son mary en fut asseuré, il en demanda raison au roy, dont il en fut très-bon en cela, et si en cuida sourdre entre les deux freres quelque contention sourde et haine.
     (19) Naqueter, courtiser platement, servir comme un valet. On appelait naquets des valets de la plus basse catégorie, par exemple, les valets du jeu de paume, chargés de marquer le jeu.
     La guerre de la Ligue après arriva; et, d’autant que la reyne de Navarre se craignoit de quelques uns, à cause qu’elle estoit fort catholique, elle se retira à Agen, qui luy avoit esté donné, et le pays, par les roys ses freres, en appanage et don pour sa vie durant: et puisqu’il y alloit de la religion catholique, et qu’il la falloit maintenir, et exterminer l’autre, elle [p.226] voulut fortifier la sienne de son costé de tout ce qu’elle peut, et faire la guerre contre l’autre; mais elle y fut très-mal servie, par le moyen de madame de Duras, disoit-on, qui la gouvernoit fort, et qui sous son nom faisoit de grandes exactions et concussions. Le peuple de la ville s’en aigrit, et soubs mains en couva une liberté et moyen de chasser et leur dame et ses garnisons. Sur lequel mescontentement M. le mareschal de Matignon prit occasion de faire entreprise à la ville, ainsy que le roy, en ayant sceu les moyens, luy commanda avecques une grande joye, pour agraver sa sœur, qu’il n’aimoit, de plus en plus de desplaisir. Par quoy l’entreprise, qui pour la première fois avoit esté faillie, fut menée pour la seconde fois si dextrement par mondict sieur le mareschal et les habitans, que la ville fut prise et forcée de telle sorte et en telle prestesse et allarme, que la pauvre reyne, tout ce qu’elle peut faire, fut de monter en trousse derrière un gentilhomme, et madame de Duras derrière un autre, et se sauver de vitesse, et faire douze grandes lieues d’une traicte, et le lendemain autant, et se sauver dans la plus forte forteresse de la France, qui est Carlat où estant, et pensant estre en seureté, elle fut, par les menées du roy son frere (qui estoit un très-habile et très-subtil roy s’il en fut oncques), vendue par ceux du pays et de la place; et, en estant sortie, s’en deffiant, ainsy qu’elle [p.227] se sauvoit fut prisonnière entre les mains du marquis de Canillac, gouverneur de l’Auvergne, et menée dans le chasteau d’Usson, bien forte place aussy, voire imprenable, que le bon et fin renard Louys Xl avoit rendue en partie telle pour y loger ses prisonniers, les tenant là plus en seureté cent fois qu’à Loches, Bois de Vincennes et Lusignan.

     Voylà donc ceste pauvre princesse prisonnière léans, et traictée non en fille de France certes, ny en princesse si grande que celle-là. Toutesfois, si son corps estoit captif, son brave cœur ne l’estoit point, et ne luy manqua point, et luy assista très pour ne se laisser point aller en son affliction. Que c’est que peut un grand cœur conduit d’une grande beauté! Car celuy qui la tenoit prisonnière en devint prisonnier dans peu de temps, encor qu’il fust brave et vaillant. Pauvre homme! que pensoit-il faire? Vouloir tenir prisonnière, subjecte et captive en sa prison, celle qui, de ses yeux et de son beau visage, peut assubjectir en ses liens et chaisnes tout le reste du monde comme un forçat!

     Le voylà donc ce marquis ravy et pris de ceste beauté; mais elle, qui ne songe en aucunes delices d’amour, ains en son honneur et en sa liberté, joue son jeu si accortement qu’elle se rend la plus forte, et s’empare de la place et en chasse le marquis, bien esbahy d’une telle surprise et ruse militaire. Elle l’a [p.228] gardé desjà il y a six à sept ans (20) non pourtant en tous les souhaits et plaisirs du monde, despouillée de la comté d’Auvergne, detenue par M. le grand prieur de France, que le roy fit instituer comte et heritier par la reyne mere en son testament, avecques son regret dequoy elle ne pouvoit laisser à la reyne sa bonne fille au moins quelque chose du sien propre, tant estoit la haine grande que le roy lui portoit: Hélas! quelle mutation au prix de ce que j’ay veu qu’ils s’entr’aimoient tant, et n’estoient que un corps, une ame et une mesme volonté! Ah I que d’autres fois j’ay veu qu’il les faisoit beau veoir discourir ensemble; car, fust ou serieusement, ou en gaieté, rien n’estoit plus beau à veoir ny à ouyr, car tous deux disoient ce qu’ils vouloient. Ah! que le temps est bien changé à celuy quand on les voyoit danser tous deux dans la grande salle du bal, d’une belle accordance et de volonté et de danse! Le roy la menoit ordinairement danser le grand bal. Si l’un avoit belle majesté, l’autre ne l’avoit pas moindre. J’ay veu assez souvent la mener danser la pavanne d’Espaigne, danse où la belle grace et majesté font une belle representation; mais les yeux de toute la [p.229] salle ne se pouvoient saouller, ny assez se ravir par une si agréable veue; car les passages y estoient si bien dansés, les pas si sagement conduicts, et les arrests faicts de si belle sorte, qu’on ne scavoit que plus admirer, ou la belle facon de danser, ou la majesté de s’arrester; representant maintenant une gaieté, et maintenant un beau et grave desdain; car il n’y a nul qui les ait veus en ceste danse, qui ne die ne l’avoir veue danser jamais si bien, et de si belle grace et majesté, qu’à ce roy frere et à cette reyne sœur; et, quant à moy, je suis de telle opinion, et si l’ay veue danser aux reynes d’Espaigne et d’Escosse très-bien.



     (20) Marguerite ne demeura pas moins de dix-huit ans au château d’Usson, de 1587 à 1605. Elle mourut à Paris le 2 mars 1615, à l’âge de soixante-deux ans, un peu moins d’un an après Brantôme.
     Je leur ai veu pareillement fort bien danser le pazzemeno (21) d’Italie, ores en marchant avecques un port et geste grave, et conduisant si bien et si gravement leurs pas, ores les coulant seulement, et ores en y faisant de fort beaux, gentils et graves passages, que nul autre, ou prince ou autre, n’y pouvoit approcher, ny dame, car la majesté n’y estoit point espargnée: aussi ceste reyne prenoit grand plaisir à danser ces danses graves, pour sa belle grace, apparence et grave majesté, qu’elle faisoit apparoir mieux qu’aux autres danses, comme bransles, voltes et courantes. Elle ne les aimoit gueres, encor qu’elle s’en acquittast [p.230] très-bien, parce qu’elles n’estoient pas dignes de sa majesté, mais ouy bien propres pour les graces communes des autres dames.
     (21) Le menu pas, le menuet.
     Je luy ay veu aussy aimer quelquefois le bransle de la torche ou du flambeau, et pour ce mesme subject. Sur quoy je me souviens qu’une fois estant à Lyon, au retour du roy de Pologne, aux nopces de Besne, l’une de ses filles, elle dansa ce bransle devant force estrangers de Savoye, de Piedmont, d’Italie et autres, qui dirent n’avoir rien veu de si beau que ceste reyne, si belle et grave dame, comme certes elle est: dont il y en eut un qui alla rencontrer là dessus, disant que ceste reyne n’avoit point de besoin, comme les autres dames, du flambeau qu’elle tenoit dans la main; car celuy qui sortoit de ses beaux yeux, qui ne mouroit point comme l’autre, pouvoit suffire, ayant autre vertu que de mener danser les hommes, puisqu’il pouvoit embraser tous ceux de la salle, sans se pouvoir jamais esteindre comme l’autre qu’elle avoit en la main, et qu’il estoit pour esclairer de nuict parmy les tenebres, et de jour parmy le soleil mesme.
 
     Doncques faut-il dire là dessus que la fortune. nons a esté à tous nous autres aussy bien ennemye qu’elle, que nous ne voyons plus ce beau flambeau, voire ce beau soleil esclairer sur nous autres, et qu’il s’en soit allé cacher en ces sommets et montaignes de l’Auvergne. [p.231] Au moins s’il se fust allé poser sur quelque beau port ou havre de mer, au feu duquel les mariniers et passans se fussent guidés, sans danger et naufrage, pour leur servir de fanal, sa demeure en seroit plus belle, plus profitable et plus honorable pour elle et pour tous. Ah! peuple de Provence, vous debvriez la supplier d’aller habiter dans vos beaux ports et belles costes de mer, qu’elle rendroit encor plus illustres qu’ils ne sont, et plus habitables et plus riches; car de toutes parts aborderoient des gens, galleres, navires et vaisseaux, pour voir la merveille du monde, comme jadis celle de Rhodes pour son beau phare et reluisant fanal; au lieu que, resserrée dans les barrières et barricades de ses montaignes d’Auvergne, et ne se pouvans fausser aisement, elle nous est cachée et incognue du tout à nos yeux, si non d’autant que nous en avons sa belle idée. Ah! belle et antique ville de Marseille, que vous seriez heureuse si vostre port estoit honoré du flambeau et fanal de ses beaux yeux! Aussy bien la comté de Provence luy appartient, ainsy que plusieurs autres provinces, voire la France. Que maudicte soit la malheureuse obstination que l’on a en ce royaume, de ne la rechercher avecques le roy son mary, recueillir et honorer comme l’on doibt! (J’escrivois cecy au plus fort de la guerre de la Ligue.) Si c’estoit une reyne et princesse mauvaise, malicieuse, avare ou tyranne, [p.232] comme il y en a eu force le temps passé en France, et possible qu’il y en aura encor, je n’en sçaurois que dire; mais elle est toute bonne, toute splendide, liberale, n’ayant rien à soy, donnant à tout le monde, et gardant peu pour soy, tant charitable, tant aumosnière â l’endroict des pauvres. Aux plus grands elle faisoit honte en liberalités, comme je l’ay veue au jour des estrennes faire les presens à toute la cour, que les roys ses freres s’en estonnoient et n’en faisoient de pareils.

     Elle donna à la reyne Louise de Lorraine une fois pour ses estrennes un esventail faict de nacre de perles, enrichy de pierreries et grosses perles, si beau et si riche, qu’on disoit estre un chef-d’œuvre, et l’estimoit-on à plus de quinze cens escus. L’autre, pour retribuer ce present, luy envoya de longs fers d’esguillettes, que l’Espaignol appelle puntas, enrichies de quelques perles et pierreries, qui pouvoient monter à quelque cent escus, et la paya de ses esguillettes pour ses estrennes fort, certes, dissemblables.

     Bref, ceste reyne est en tout royale et liberale, honorable et magnifique; et, ne desplaise aux imperatrices du temps passé, leurs magnificences descrites par Suétone, Pline et autres, n’en ont rien approché, tant pour estre à sa cour et aux villes, que pour aller aux champs et par pais, fust en ses litières tant dorées, [p.233] tant superbement couvertes et peintes de tant belles devises, ses coches et carosses de mesmes, et ses hacquenées si richement enharnachées.

     Ceux qui ont veu tels superbes appareils comme moy sçavent qu’en dire. Et qu’il faille maintenant qu’elle soit frustrée de tout cela! que despuis sept ans elle n’a bougé, recluse, de ce chasteau austere et mal plaisant, où pourtant elle prend sa patience, tant elle a de vertu de sçavoir se commander, qui est une des grandes, à ce qu’ont dict plusieurs philosophes!

     Pour parler encore de sa bonté, elle est telle, et si noble et si franche, que je croy qu’elle luy a fort nuy; car encor qu’elle eust de grands subjects et moyens pour se venger de ses ennemys et leur nuire, elle s’est retenue bien souvent les mains, lesquelles, si elle eust voulu employer ou faire employer, et commander à d’autres qui estoient assez prompts, possible, par exemple, d’aucuns chastier bien à bon escient, les autres se fussent faicts sages et discrets; mais elle remettoit les vengeances à Dieu.

     Ce fut aussy ce que luy dit une fois M. du Gua, ainsy qu’elle le menaçoit: «Madame, vous estes si honne et genereuse, que je n’ay point ouy dire que vous ayez offensé jamais aucun. Je croy que vous ne voudriez commencer en moy, qui vous suis très-humble serviteur.» Aussy, combien qu’il luy [p.234] eust beaucoup nuy, elle ne luy rendit la pareille ny vengeance. Il est vray que, lorsqu’on l’eut tué et qu’on luy vint annoncer, elle estant malade, elle dit seulement: «Je suis bien marrye que je ne sois bien guerie pour de joye solemniser sa mort.» Mais aussy elle avoit cela de bon, que, quand on se fut humilié à elle pour rechercher pardon et sa grace, elle remettoit et pardonnoit tout, à la mode de la generosité du lion qui jamais ne faict mal à celuy qui s’humilie.

     Je me souviens que, lorsque M. le mareschal de Biron fut lieutenant du roy en Guyenne, la guerre s’estant esmue son chemin s’addressa un jour (ou qu’il le fit à escient) près de Nerac, où estoient pour lors le roy et la reyne de Navarre; il desbanda son arquebuserie pour y attaquer, venant à une escarmouche. Le roy de Navarre luy-mesme en personne sortit la sienne; et, tout en pourpoint, comme un simple capitaine adventurier, la soubstint, et si bien, qu’ayant de meilleurs arquebusiers, il n’y alla rien du sien. Et, pour plus de bravade, M. le mareschal fit lascher quelques volées de canon contre la ville; de sorte que la reyne, qui y estoit accourue et mise sur les murailles pour en voir le passe-temps, faillit en avoir sa part; car une balle vint droict donner auprès d’elle, ce qui l’irrita beaucoup, tant pour le peu de respect que M. le maresehal luy avoit porté [p.235] de la venir braver en sa place, que parce qu’il avoit eu commandement du roy de ne s’approcher, quoique fust, pour faire la guerre, de plus près de cinq lieues à la ronde du lieu où seroit la reyne de Navarre; ce qu’il n’observa pour ce coup, dont elle en conceut une telle colere contre le mareschal, qu’elle songea fort de s’en ressentir et de s’en venger.

     Au bout d’un an et demy après, elle s’en vint à la cour, où estoit le mareschal, que le roy avoit appelé à soy de la Guyenne, de peur de nouveau remuement; car le roy de Navarre menaçoit de remuer s’il ne l’ostoit de là. La reyne de Navarre, se ressentant dudict mareschal, n’en fit cas en façon du monde, mais le desdaigna fort, parlant partout fort mal de luy, et de l’injure qu’il luy avoit faicte. Enfin M. le mareschal, redoubtant la fureur et la haine de la fille et sœur des roys ses maistres, et cognoissant le naturel de ceste princesse, songea de la faire rechercher et sa grace, et y faire ses excuses et s’y humilier; à quoi, comme genereuse, elle n’y contredit aucunement, et le prit en grace et amitié, et oublia le passé. Sur quoy je sçais un gentilhomme de par le monde, qui, venant d’arriver à la cour, et voyant la chere que faisoit ladicte reyne à mondict sieur le mareschal, en fut fort estonné; et. d’autant qu’il avoit cest honneur d’estre ouy quelquefois de la reyne en ses parolles, il luy dit qu’il s’estonnoit fort [p.236] de ce changement et de ceste bonne chere, et qu’il ne l’eust jamais creu, veu l’offense et injure receues: mais elle fit response que, d’autant qu’il avoit recognu sa faute et faict ses excuses, et recherché sa grace par humilité, qu’elle luy avoit octroyé de ceste façon, non pas s’il se fust mis et continué sur sa bravade de Nerac. Voylà comme ceste bonne princesse est peu vindicative, n’ayant pas en cela imité son ayeule la reyne Anne envers le mareschal de Gié, comme j’ay dict cy-devant.

     J’alleguerois force autres pareils exemples de sa bonté en ses reconciliations et pardonnances.

     Rebours, une de ses filles, qui mourut à Chenonceaux, luy avoit faict quelque grand desplaisir: elle ne luy en fit plus cruel traictement; et, venant à estre fort malade, la visita; et ainsy qu’elle voulut rendre l’ame, elle l’admonesta, et puis dit: «Ceste pauvre fille endure beaucoup, mais aussy elle a faict bien du mal. Dieu luy pardoint comme je luy pardonne!» Voylà la vengeance et le mal qu’elle luy fit. Voylà aussy comme ceste grande reyne a esté, par sa generosité, fort lente en ses vengeances, et a esté toute bonne.

     Aussy ce grand roy de Naples, Alphonse, qui estoit subtil à aimer les beautés des dames, disoit que la beauté est la signifiance de la bonté, et des douces et bonnes mœurs, comme la belle fleur l’est d’un bon [p.237] fruict. Et, pour ce, ne faut doubter que si nostre reyne ne fust esté composée de sa grande beauté, ains de toute laideur, qu’elle ne fust esté très-mauvaise, veu les grands subjects qu’on luy en a donné. Aussy, comme disoit la feue reyne Isabelle de Castille, sage, vertueuse, et très-catholique princesse: Que el fruto de la clemencia en una reyna de gran beldad, y de animo grande, y codiciosa de verdadera honra, sin duda es mas dulce que qualquiera vengança, aunque sea emprendida con justo titulo. C’est-à-dire: «Le fruit de la clémence en une reyne de grande beauté, de grand cœur, et convoiteuse d’honneur, est plus doux que quelque vengeance que ce soit, encor qu’elle soit entreprise par juste raison et titre.»

     Ceste reyne a bien observé sainctement ceste regle, pour se vouloir conformer aux commandements de son Dieu, qu’elle a tousjours aimé, craint et servy devotement. Ores que le monde l’a abandonnée, et luy faict la guerre, elle a pris son recours seul à Dieu, qu’elle sert ordinairement tous les jours, et fort devotement, ainsy que j’ay ouy dire à ceux qui l’ont veue en son affliction; car jamais elle ne perd ses messes, et fort souvent faict ses pasques, et lit fort en l’Escriture saincte, y trouvant son repos et sa consolation.

     Elle est fort curieuse de recouvrer tous les beaux [p.238] livres nouveaux qui se composent, tant en lettres sainctes qu’humaines; et, quand elle a entrepris à lire un livre, tant grand et long soit-il, elle ne laisse ny s’arreste jamais, jusqu’à ce qu’elle en ait vu la fin, et bien souvent en perd le manger et le dormir. Elle-mesme compose, tant en prose qu’en vers. Sur quoy ne faut penser autrement que ses compositions ne soient très-belles, doctes et plaisantes, car elle en sçait bien l’art; et si on les pouvoit veoir en lumière, le monde en tireroit un grand plaisir et profict.

     Elle fait souvent quelques vers et stances très-belles, qu’elle fait chanter (et mesmes qu’elle chante, car elle a la voix belle et agréable, l’entremeslant avec le luth qu’elle touche gentiment) à de petits enfants chantres qu’elle a; et par ainsy elle passe son temps, et coule ses infortunées journées, sans offenser personne, vivant en la vie tranquille qu’elle a choisy pour la meilleure.

     Elle m’a faict cest honneur de m’escrire en son adversité assez souvent, ayant esté si presumptueux d’avoir envoyé sçavoir de ses nouvelles. Mais quoy! elle estoit fille et sœur de mes roys, et pour ce je voulois sçavoir de sa santé, dont j’en estois bien aise et heureux quand je la sçavois bonne. En la première elle m’escrit ainsy:

     «Par la souvenance que vous avez de moy, qui [p.239] m’a esté non moins nouvelle qu’agréable je cognois que vous avez bien conservé l’affection qu’avez tousjours eue à nostre maison, à ce peu qui reste d’un miserable naufrage, qui, en quelque estat qu’il puisse estre, sera tousjours disposé de vous servir, me sentant bien heureuse que la fortune n’ait pu effacer mon nom de la memoire de mes plus anciens amys, comme vous estes. J’ay sceu que, comme moy, vous avez choisy la vie tranquille, à laquelle j’estime heureux qui s’y peut maintenir, comme Dieu m’en a faict la grace despuis cinq ans, m’ayant logée en une arche de salut où les orages de ces troubles ne peuvent, Dieu mercy! me nuire; à laquelle, s’il me reste quelque moyen de pouvoir servir à mes amys, et à vous particulièrement, vous m’y trouverez entièrement disposée et accompaignée d’une bonne volonté.»

Marguerite de Valois en 1605      Voylà de beaux mots, et voylà aussy l’estat et la belle resolution de ceste belle princesse. Que c’est que d’estre extraicte d’une si noble maison, et de la plus grande du monde, d’où elle a tiré ce grand courage par succession et heritage de tant de braves et vaillants roys ses pere, grand-pere, ayeuls et ancestres! Et qu’il faille, comme elle dit, que d’un si grand naufrage elle soit seule restée, et non pourtant recognue et reverée comme elle debvroit de son peuple! dont je croy que le peuple de France [p.240] en patit beaucoup en ses miseres pour ce seul subject, et en patira de ceste guerre de la Ligue. Mais cecy manque aujourd’huy (22): car, par la valeur et sagesse et beau reglernent de nostre roy, jamais la France ne fut plus fleurissante, ny plus pacifique, ny mieux reglée; qui est le plus grand miracle qu’on vit jamais, estant sortie d’un si grand abisme de maux et corruptions; en quoy paroist bien que Dieu aime nostre reyne: aussy est-il tout bon et misericordieux.

     Oh! qu’il est mal conseillé, qui se fie en l’amour du peuple d’aujourd’huy! Oh! que les Romains recognurent bien autrement la posterité d’Auguste Cesar, de qui ils avoient receu tant de biens et de grandeurs, que le peuple françois, qui en a tant receu de ses derniers roys depuis cent ans, et mesmes du roy François I  et Henry II, que sans eux il y a long-temps que la France seroit bouleversée sens dessus dessous par ses ennemys qui la guettoient pour lors, et mesmes l’empereur Charles, cest affamé et ambitieux. Et qu’il faille qu’ils en soient si ingrats, ces peuples, à l’endroict de leur fille Marguerite, seule et unique [p.241] princesse de France! Il est aisé d’en prevoir une ire de Dieu sur eux, puis que rien n’est tant à luy odieux que l’ingratitude, et mesmes à l’endroict des roys et reynes, qui tiennent icy bas la place et representation de Dieu. Et toy, desloyale fortune, que tu monstres bien qu’il n’y a personne tant aimée du ciel, et favorisée de nature, qui se puisse promettre asseurance de toy et de ton estat pour un seul jour! Si n’as-tu pas grand honneur d’offenser ainsy cruellement celle qui est en tout parfaicte de beauté, douceur, vertu, magnanimité, et de bonté en ce monde?





     (22) On a déjà remarqué plus d’une fois, dans le courant de cette notice, que Brantôme l’avait rédigée à une époque, vers 1593 ou 1594, puis revue à une autre, alors que Henri IV était en pleine possession de son royaume, mais avant la fin du siècle, avant le divorce.
     Tout cecy j’escrivois aux plus fortes guerres des nostres qu’avons eues despuis dix ans. Pour faire fin, si je n’avois à parler de ceste nostre grande reyne ailleurs, et en d’autres discours, j’allongerois cestuy-cy le plus que je pourrois, car d’un si excellent subject les longues paroles ne sont jamais ennuyeuses; mais je les remettray pour ce coup en une autre part.

     Cependant vivez, princesse, vivez en despit de la fortune. Vous ne serez jamais autre qu’immortelle et en la terre et au ciel, où vos belles vertus vous porteront sur leurs testes. Si la voix ou renommée publique n’eust faict un bandon general de vos louanges et grands merites, ou que je fusse de ces bien disans, je me mettrois à en dire davantage; car, [p.242] si jamais fut veue du monde personne en figure celeste, certes vous l’estes.
Celle qui nous devoit à bon droit ordonner
Ses loix et ses edicts, et par sus nous regner,
Qu’on verroit dessous elle un regne de plaisance,
Tel qu’il fut sous son pere, astre heureux de la France!
Fortune l’en empesche. Hé! faut-il qu’un bon droit
Injustement perdu par la fortune soit!

Jamais rien de si beau nature n’a peu faire
Que ceste grand’princesse unique de la France!
Et fortune la veut totalement defaire!
Voylà comme le mal avec le bien balance.


       
Source: l’édition de Louis Molland de 1890, saisie par Bernard Gineste en 2005.
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
  
Éditions (choix)
      
     Pierre de BOURDEILLE, abbé de BRANTÔME (vers 1540-1614), Mémoires de messire Pierre du Bourdeille, seigneur de Brantome, contenans les Vies des Dames illustres de France de son temps [in-12; 407 p.; pièces liminaires; index; édition princeps  fondée non sur le manuscrit même de l’auteur, mais sur une copie parfois défectueuse], Leyde, Jean Sambix le jeune [en fait: Bruxelles, F. Foppens],
1665, pp. ?-?.

     Jean-Antoine ROUCHER [éd.], Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l’histoire de France. Tome LXIII, contenant le Testament de Brantôme, la Vie de François de Bourdeille son père & les Dames Illustres. XVIe siècle [20 cm; IV-450 p.], Paris, Cuchet,
1790 [dont une édition numérique en mode image par la  BNF en 1995, mise en ligne, gallica.bnf.fr, N022688, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-22688, en ligne en 2003], pp.335-408.

     Prosper MÉRIMÉE & Louis LACOUR DE LA PIJARDIÈRE (dit LA PIJARDIÈRE) [éditeurs, préfaciers et annotateurs], Œuvres complètes de Branthôme . Tome X1890 [dont une réédition en fac-similé: Nendeln (Liechtenstein), Kraus reprint, 1977; dont une réédition numérique en mode image par la BNF, 1995, mise en ligne par la BNF, gallica.bnf.fr, N027697, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=N027697, en ligne en 2003; dont la présente saisie en mode texte par Bernard Gineste, mai 2003], pp. 185-252.

     Louis MOLAND [éd.], Brantôme. Vies des dames illustres françoises et étrangères. Nouvelle édition avec une une introduction et des notes [XXXVIII+444 p.; huit «discours» traitant de 35 personnages; une biographie de l’auteur dans l’introduction], Paris, Garnier frères [«Meilleurs ouvrages français et étrangers»], sans date [
[16 cm; 376 p.], Paris, Plon [«Bibliothèque elzévérienne» 8], 1890], pp. 178-242.

     Bernard GINESTE [éd], «Brantôme: Discours sur Marguerite de Valois», in Corpus Étampois, che-16-brantome-margueritedevalois.html, mai
2003.
 
Sur Brantôme
   
      Prosper MÉRIMÉE & Louis LACOUR DE LA PIJARDIÈRE (dit LA PIJARDIÈRE) [éditeurs, préfaciers et annotateurs], Œuvres complètes de Branthôme [13 volumes], Paris, Plon [«Bibliothèque elzévérienne»], 1858-1895 [dont une réédition en fac-similé: Nendeln (Liechtenstein), Kraus reprint, 1977; dont une réédition numérique en mode image par la BNF, 1995, mise en ligne par la BNF, gallica.bnf.fr, N027688-N027700,
de http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=N027688 à http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=N027700, en ligne en 2003].
     
Sur Marguerite de Valois dans le Corpus Étampois
 
     Bernard GINESTE [éd], «Brantôme: Discours sur Marguerite de Valois», in Corpus Étampois, che-16-brantome-margueritedevalois.html, mai 2003.

     Bernard GINESTE [éd.], «Gédéon Tallemand des Réaux: La reine Marguerite (vers 1659)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-17-tallemant1659marguerite.html, 2005.

Sur Brantôme dans le Corpus Étampois

     Bernard GINESTE [éd], «Brantôme: Vie de Claude de France», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-16-brantome-claudedefrance1.html, mai 2003.

 
    Bernard GINESTE [éd], «Brantôme: Discours sur Marguerite de Valois», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-16-brantome-margueritedevalois.html, mai 2003.


 
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