|          
                   
                       
                           
                               
                                   
                                       
                                           
                      
                       
                      Léon Marquis
                       
                      LA LOUETTE
                       
                      [Les rues d’Étampes, 1881, 
pp. 231-232] 
                       
                          
                       
                       
                                      La Louette.
— La Louette, en latin Loa, n’a  qu’un   cours de 8 kilomètres.
Elle prend sa source à Obterre,  près   de la tour de Cenive,
commune de Saint-Hilaire, arrose les communes de Châlo-Saint-Mard 
et Étampes, et se jette dans la Chalouette aux Portereaux, dans les
 anciennes fortifications de la ville d’Étampes, au bout de la rue
du Filoir. Comme la Chalouette, la source de la Louette était autrefois
    un peu plus haut, à un kilomètre environ de sa source actuelle,
    du côté de Boutervilliers.
 D’après    les
érudits, la Louette et la Chalouette ne formaient d’abord qu’une 
  seule rivière et se réunissaient au-dessous du moulin de La
  Ferté, commune de Châlo-Saint-Mard.
 Sur les bords de cette rivière, de la voie ferrée à
   Valnay, on trouve des fossiles végétaux provenant de dépôts
    calcaires des eaux sur les roseaux des anciens marais. Appelé
ostéocole     par Guettard, ce fossile est composé de tuyaux
cylindriques et prismatiques,    généralement verticaux, pressés
les uns contre les  autres, formant une couche compacte qui arrête
le développement   des racines des [p.232] arbres, lesquels finissent par
dépérir lorsqu’ils    arrivent à une certaine grosseur.
 Lorsqu’on 
détourna le lit de cette rivière, en 1840, on trouva    beaucoup 
de bois pétrifié vers le pont de Chaufour.
 La Louette subit une crue extraordinaire    le 2 février 1753, par 
suite de la fonte des neiges. Cette crue dura   de neuf heures du matin à 
neuf heures du soir, et l’eau monta à   5 ou 6 pieds de haut. Les moulins
situés sur la Louette furent endommagés [Guettard, Mém. de l’Académie 
   des Sciences de 1754, p. 257.].
 Cette 
rivière a été fortement détournée    de 
son cours en 1842, depuis le moulin à tan jusqu’à celui   de 
Chaufour, pour faire passer le chemin de fer d’Orléans, car la  rencontre 
ayant lieu suivant un angles très-aigu, on dut faire en cet endroit 
des travaux d’art considérables. Des personnes dignes de foi nous ont
assuré qu’en faisant le grand remblai, plusieurs chevaux ont été 
enterrés vivants par suite d’un éboulement.
 Depuis 
que la rivière artificielle existe, c’est-à-dire depuis    neuf
siècles, on en fait tous les trois ans le curage dans son parcours 
   à travers la ville, et on en profite pour réparer les moulins 
   et les murs des riverains. On lève à cet effet les trois 
vannes  des Portereaux, en sorte que les eaux de la Louette et de la Chalouette 
 se  précipitent en quelques instants dans la rivière des Prés, 
   pour aller ensuite au Port dans celle d’Étampes, à l’endroit 
   où elle est grossie du Juineteau. La dernière opération 
   de cette nature se fit du 9 au 19 mai 1880.
 Quand 
la rivière est mise à clos, — c’est ainsi qu’on appelle    cet
antique usage, — les habitants peuvent prendre à la main les  poissons
surpris dans la vase. C’est ce qu’un poète étampois,   Hémard
de Danjouan, a immortalisé dans le passage suivant de  son charmant
poème Le Chien pêcheur:
 
                                                                       
        
                                                                         
         
          
             
            
               
              
                 
                
                   
                  
                     
                    
                       
                      
                         
                        
                           
                          
                   Trois hyvers
  écoulés,   on lève la barrière, Qui dans
un  lit   forcé captive la rivière.
 Le fleuve 
impétueux    s’échappe en un moment,
 Et laisse 
les   poissons  hors de leur élément
 
 | 
         
        | LE CHIEN AUX ECREVISSES,
                                                          
      ET LA NYMPHE LOUETTE
                                                          
      [Le Chien Pêcheur, 1714]       
    Nous donnons ici quelques extraits du Chien Pêcheur, composé
    en 1714 par Claude-Charles Hémard de Danjouan, et dont s’inspire
  très évidemment l’artiste, probablement Elias Robert.  
        
                 
        | 
 | 
 | Dans ce charmant vallon où
Loëte et sa soeur 
            (=Louette et Chalouette) Unissent deux ruisseaux d’inégale grosseur,
 S’élève un bâtiment d’architecture antique,
 De tout temps habité par l’Ordre Séraphique.     
                (=les Cordeliers)
 |  
        | 5 | 
 | Un  verger le couronne et des arbres épais Y donnent à qui veut le couvert et le frais.
 Par mille autres endroits ce séjour est aimable,
 Mais un Barbet surtout le rend considérable.
 Issu d’illustre race, il porte dans ses yeux
 |  
        | 10 | 
 | Le  beau feu qu’y jetta le sang de ses ayeux. Des flots de ses longs poils l’élégante frisure
 Imite du lion la vaste chevelure.
 |  
        | 
 | 
 | La  nature, il est vrai, par une heureuse erreur, Le revêtit d’un corps bien moindre que son cœur.
 |  
        | 
 | 
 | [...] C’étoit ce jour heureux où la Nymphe captive,
 Pour quelque temps retourne à son aimable rive,
 |  
        | 45 | 
 | Rive  qu’elle forma, qu’elle chérit toujours, Où malgré tous nos vœux l’entraîneroit 
   son cours,
 Si de nos citoyens l’audacieuse ligue
 N’opposoit à ses flots une puissante digue.
 Après combien d’efforts! que de rudes combats!
 |  
        | 50 | 
 | Mortels,  de ce succès de vous élevez pas. Vous sentirez le poids de toute sa vengeance:
 Elle entrera chez vous malgré sa répugnance;
 Mais si vous profitez du fruit de son séjour,
 Vous ne pourrez jamais mériter son amour.
 |  
        | 55 | 
 | Le  don qu’elle vous fait vous déclare la guerre. L’Écrevice est terrible et sur l’onde et sur terre;
 Quoique cet ennemi recule quelquefois,
 Ne vous y fiez pas, prenez garde à vos doigts.
 Il n’est en tout son air rien qui ne vous menace;
 |  
        | 60 | 
 | Il  a le casque en tête, il porte la cuirasse, Et comme Gérion, par six bras défendu,
 Il perce jusqu’au sang le pêcheur éperdu.
 On voit l’onde rougir, et la Nymphe outragée
 S’applaudit en secret d’être si bien vengée.
 |  
        | 
 | 
 |   
 |  
        | 65 | 
 | Elle  boit à longs traits la sanglante liqueur, Et pour comble de rage en nourrit le vainqueur.
 Pour lui, par un bienfait à nul autre semblable,
 Comme un nouvel Achille, il est invulnérable.
 Ainsi lors quelquefois, dans ses affreux combats,
 |  
        | 70 | 
 | Que  pour sauver le corps il abandonne un bras, Un autre bras succède et bientôt le remplace.
 De là cette valeur, de là vient cette audace
 Qui lui fait prodiguer ces membres étonnants,
 Mille fois emportés, mille fois renaissants.
 |  
        | 75 | 
 | Bien  plus, son corps entier souvent se renouvelle, Il quitte son écaille, en prend une plus belle,
 Et tel que le Phénix, reproduit tout nouveau,
 Dans son sépulchre même il trouve son berceau.
 Tel étoit le présent de la Nymphe hautaine,
 |  
        | 80 | 
 | Si  l’on en profitoit, ce n’étoit pas sans peine. Et la peine toujours surpassoit le profit.
 L’Hydre trouva l’Hercule enfin qui le défit.
 Trois hyvers écoulés, on lève la barrière,
 Qui dans un lit forcé captive la rivière.
 |  
        | 85 | 
 | Le  fleuve impétueux s’échappe en un moment, Et laisse les poissons hors de leur élément.
 Comme un autre Tantale on y voit sur les rives
 L’Écrevice cherchant les ondes fugitives.
 Alors chacun s’empresse à prendre part au gain,
 |  
        | 90 | 
 | Et  les poissons, ce jour, se pêchent à la
main. Tous profitent du temps, il n’est pas jusqu’au Frère
 Qui, les bras retroussés, en tunique légère,
 Ne cherche l’Écrevice en ses antres profonds.
 Barbet le suit aussi, Barbet fait mille bonds;
 |  
        | 95 | 
 | Et  sans crainte foulant le bourbeux marécage, Va flairant dans les trous qui sont sous le rivage,
 L’Écrevice aussi-tôt le prend pour un appas,
 Et de sa double serre entr’ouvrant le compas
 Par ses crins le saisit; un autre vient ensuite.
 |  
        | 100 | 
 | Le  Barbet vers son maître à l’instant prend
   la fuite. [...]
 |  
        | 115 | 
 | Lorsque  dans son canal la Nymphe est revenue, Toujours avec succès la pêche continue.
 On le voit enhardi, méprisant le danger,
 Se jetter dans les eaux, sous les flots se plonger.
 [...]
 |  
        | 
 | 
 | L’ennemi  le croit mort, saisit son appanage. Le Barbet ressuscite et revient à la nage.
 Tel qu’on voit quelquefois du milieu d’un buisson
 |  
        | 130 | 
 | Le  dos armé de traits sortir un hérisson, Tel on voit le Barbet reparoître avec gloire
 Chargé de toutes parts du fruit de sa victoire.
 [...]
 |  
        | 181 | 
 | Qui  jamais l’eût pensé, que dans ces mêmes
   lieux Qui furent les témoins de ses faits glorieux,
 Le vainqueur succombant sous les traits de l’envie,
 Pour toute récompense, y dût perdre la vie?
 |  
        | 185 | 
 | Son  audace, il est vrai, lui procura la mort. (Le Frère étoit absent,) il veut prendre l’essort,
 Sans ce guide fidèle et sans sa muselière,
 Téméraire il se lance au fond de la rivière.
 La Nymphe cette fois saisit l’occasion,
 |  
        | 190 | 
 | Et  satisfait enfin sa longue aversion. Elle anime ses flots, excite une tempête.
 En vain le Barbet nage, en vain lève la tête,
 Il fallut succomber. O ciel! il ne vit plus!
 Pour le chercher, hélas! que de soins superflus!
 |  
        | 195 | 
 | Chacun  est attentif si le Barbet abboye. L’Écrevice à son tour en avoit fait sa proye.
 |  
 | 
         
        | BIBLIOGRAPHIE      [Claude-Charles HÉMARD DE DANJOUAN], Le Chien 
   pêcheur ou le Barbet des Cordeliers d’Estampes, poëme héroï-comique
    en latin et en françois [in-8°; 
   15 p.], sans lieu ni date, vers 1720 [non vidi].  
           Révérend Père Pierre-Nicolas 
   DESMOLETS [continuateur], A.-H. de SALLENGRE [†], Continuation des mémoires 
   de littérature et d’histoire [11 vol. in-8°], Paris, 1726-1731 [aliter: (11 vol. in-12), Paris, 1730-1732,
    t. X, pp. ?-? [non vidi].          Michel de CUBIÈRES-PALMÉZEAUX 
   [pseudonyme de Jean Antoine LEBRUN-TOSSA (1760-1837), alias Père 
 Ignace  de CASTEL-VADRA, DORAT-CUBIÈRES, ENÉGISTE-PALMÉZEAUX, 
   Monsieur de MARIBAROU, MÉTROPHILE, C. de PALMÉZEAUX, C.-D. 
  TAVEL, chevalier de MORTON], Épître à Gresset, au 
 sujet de la reprise du ‘Méchant’ par les Comédiens français 
  qui a eu lieu... en 1811. Suivie de deux ouvrages de ce poète célèbre 
   qui ne sont dans aucune édition de ses œuvres, et d’une épître 
   à un jeune provincial intitulée: ‘l’Art de travailler aux 
 journaux’,  par l’ex-R. P. Ignace de Castelvadra [Par J.-A. Lebrun-Tossa.] 
 [in-8°;  93 p.; les deux poèmes attribués ici à 
Jean-Baptiste-Louis  GRESSET, le Chien pêcheur et La Musique, 
poème  ne sont en fait pas de cet auteur], Paris, Moronval, 1812. [non vidi].  
           Maxime de MONTROND,
        «Note XI (Chap. XII, p. 176).
  Le Chien Pêcheur ou Le Barbet des Cordeliers d’Étampes. Poème
  héroï-comique en latin et en français» [édition
  en fait partielle], in ID., Essais historiques sur la ville d’Etampes. Tome 1, Etampes,
  Fortin (& Paris, Debécourt), 1836,
  pp. 221-235.  
 Ernest MENAULT (1830-1903), L’intelligence 
 des animaux [in-16, XVI+351 p.; dédié à Paul Boudet,
  ancien ministre de l’intérieur, avec une brève lettre de
celui-ci   acceptant cette dédicace; nous ne savons pas avec certitude
si les   gravures étaient déjà insérées
dans les   deux premières éditions], Paris, Hachette [«Bibliothèque
  des merveilles»], 1868 [au moins douze éditions française
  de 1868 et quatre anglo-saxonnes de 1869 à 1885; petite partie du
 texte français: pp. 217-219 de l’édition de 1913; gravure
de  Bayard p. 217].
 
      Paul PINSON, Le  Chien Pêcheur
 ou le Barbet des Cordeliers d’Estampes, poëme héroï-comique 
   en latin et en françois, suivi de trois hymnes sur SS. Can, Cantien 
   et Cantianille et d’une hymne grecque inédite sur S. Basile reproduite 
   en fac-simile, par Claude-Charles Hémard de Danjouan, précédés 
   d’une notice biographique et généalogique sur l’auteur [72 p.], Paris,
Léon Willem, 1875. 
      
 Paul PINSON, Essai de bibliographie 
   étampoise [in-8°; 
   55 p.], Paris, Wilhem, 1873 
   [non vidi].
 
 Bernard GINESTE [éd.], «Claude-Charles Hémard de
Danjouan:           Le Chien Pêcheur (1714)», in Corpus
Étampois,           http://www.corpusetampois.com/cle-18-hemard-chienpecheur.html,
          2003.
 
 Bernard GINESTE [éd.], «Claudius-Carolus Hemarida Danjuanus
   Stempanus:       Canis Piscator (1714)», in Corpus Étampois,
          http://www.corpusetampois.com/cls-18-hemarida-canis.html,
          2003.
 
 Bernard GINESTE [éd.], «Élias Robert, La nymphe
 Louette  (vers 1860)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-robert-louette.html,
    mars 2003.
 
 Bernard GINESTE [éd.], «Claudius-Carolus Hemarida Danjuanus
   Stempanus:       Canis Piscator (1714)», in Corpus Étampois,
          http://www.corpusetampois.com/cls-18-hemarida-canis.html, 2003.
 
        Bernard GINESTE [éd.],
        «Émile Bayard et Ettling: Le
  Chien Pêcheur (gravure sur bois, 1868)», in Corpus Étampois,
        http://www.corpusetampois.com/cae-19-bayard-chienpecheur.html,
         2004.  
 
 Toute critique,    correction ou contribution 
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