Corpus Scientifique Étampois
 
 Antoine-Laurent Lavoisier
Observations d’histoire naturelle
 faites aux environs de Dourdan et d’Orléans
 1764  
    
Carte de Cassini de 1756: d'Etampes à la Forêt-le-Roi   Antoine-Laurent et Marie-Anne Lavoisier peints par David en 1788
Lavoisier (1743-1794)
  
     L’un des élèves les plus brillants de l’Étampois Jean-Étienne Guettard fut Antoine-Laurent Lavoisier, le fondateur de la chimie moderne. En 1764 Lavoisier opère un circuit d’exploration géologique aux confins du pays étampois. Certainement hébergé par Guettard, il part d’Étampes pour Dourdan et Orléans en passant par la Beauce, et revient à Étampes. Le compte-rendu manuscrit de cette excursion n’a été édité qu’en 1892.
 

OBSERVATIONS D’HISTOIRE NATURELLE
FAITES AUX ENVIRONS DE DOURDAN ET D’ORLÉANS
(1).

 

(1) Manuscrit autographe (1764).
 
CHEMIN D’ÉTAMPES À DOURDAN.


     On trouve en sortant d’Étampes, quand on est sur la hauteur, des terres rouges grasses propres à être employées dans les bâtiments. On entre ensuite dans une grande plaine où l’on ne voit plus que quelques pierrailles calcaires à la surface.

Carte de Cassini de 1756: d'Etampes à la Forêt-le-Roi

     Lorsqu’on est près d’arriver au village appelé la Forest-le-Roy, on trouve une petite vallée sèche dans laquelle on trouve une carrière d’où l’on tire une pierre très dure, semblable à celle des hauteurs des environs d’Étampes. Lorsqu’on a traversé le village, on trouve une vallée beaucoup plus profonde. On trouve dans le haut, aux endroits où la terre est égratignée, du crayon, et au-dessous du sable, jusqu’en bas de la côte. De là à Dourdan, on rencontre de temps en temps quelques morceaux d’une espèce de meulière pleine.

Carte de Cassini de 1756: De la Forêt-le-Roi à Dourdan

     Lorsqu’on descend la côte après les Granges-le-Roy, on trouve du sable, et ainsi sans discontinuation jusqu’à Dourdan.
Antoine-Laurent et Marie-Anne Lavoisier peints par David en 1788
Lavoisier (1743-1794)
 

ENVIRONS DE DOURDAN.


     On trouve, en creusant dans la plus grande partie des endroits de la ville de Dourdan, de la glaise au rapport de M. Ponspin. On trouve [p.41] aussi de cette même glaise au Potelet (petite maison de campagne qui touche à Dourdan) ; on la tire pour en faire de la tuile. L’endroit où est le trou d’où l’on tire la terre se nomme le Mineray. Ce nom ferait croire qu’on tirait dans cet endroit autrefois une mine de fer. Ce qui paraît confirmer cette conjecture, c’est qu’on trouve dans les champs voisins une grande quantité de laitier.


Dourdan et le Potelet sur la carte de Cassini de 1756

     Tout le reste des environs de Dourdan est uniquement du sable. Les montagnes du haut en bas en sont entièrement composées. Voici le détail des observations (1):

     De Dourdan à l’abbaye de l’Ouyé [Il faut sans doute lire: l’Ouyë (B.G.)] on traverse un terrain sableux. Lorsqu’on approche de l’abbaye, on trouve un sable coloré qui contient des cailloux roulés rangés par bancs horizontaux. La côte qui est à l’est de l’abbaye est toute de sable et il en est de même de tous les environs.
(1) Aux environs de Dourdan, on observe le sable et grès de Fontainebleau, et à un  niveau plus élevé l’assise de la meulière de Beauce, avec bancs variés, calcaires argileux et marneux. F.
De Dourdan à Corbreuse, sur la carte de Cassini de 1756

     De l’abbaye de l’Ouyé à Corbreuse, on trouve du sable jusqu’à ce que l’on sorte de la forêt ; alors on entre dans une grande plaine dans laquelle la terre végétale est assez légère. De Corbreuse à Sainte-Mesme, on trouve le même terrain jusqu’à ce qu’on ait rejoint la forêt. Alors le terrain est fort graveleux. Ces graviers sont assez grossiers et ressemblent à des débris de pierre meulière. Lorsqu’on est près de descendre à Sainte-Mesme, on trouve encore le même gravier dans lequel on trouve de petits graviers de quartz gris et blanc. Dans tout ce terrain, on tire en creusant presque partout des cailloux ou espèces de pierres meulières pleines qu’on emploie pour bâtir et pour les chemins.

De Sainte-Mesme à Saint-Arnould, sur la carte de Cassini de 1756

     De Sainte-Mesme à Saint-Arnould, on continue de trouver du sable à peu près jusqu’à la fin de la forêt. On entre alors dans une plaine assez élevée dans laquelle on fouille pour tirer de la pierre à chaux. Voici le détail de ce qu’on observait dans ces fouilles: [p.42]

     1° Terre végétale argileuse d’un brun jaunâtre: 3 pieds 6 pouces.
     2° Espèce de crayon qui contient de la pierre à chaux en rognons: 18 pieds.

     Cette pierre n’est pas fort dure et contient des buccins d’eau douce.

     Il y a des endroits où les trous sont beaucoup plus profonds, et cela à raison de la plus grande élévation de la côte. Aux Meurgers, par exemple, qui sont de l’autre côté de la vallée, ces mêmes fouilles ont jusqu’à 40 et 50 pieds, et la pierre qu’on en tire est beaucoup plus dure.

     De Saint-Arnould à Dourdan par le grand chemin, on trouve en montant la côte du sable jaune, et dans les champs une assez grande quantité de laitier de fer.

     Lorsqu’on est monté et qu’on est entré dans la forêt, le terrain est graveleux et comme composé de débris de pierre meulière mêlés avec de petits graviers de quartz. Ou y trouve aussi en fouillant à quelques pieds une espèce de cailloux très approchant de la pierre meulière. Il est seulement un peu plus plein. On le tire pour les chemins. On observe quelquefois aussi dans ces fouilles une espèce de grison. Le terrain est ensuite le même jusqu’à la fin de la forêt. En descendant à Dourdan, on retrouve le sable jaune et gris. Non seulement cette côte est toute de sable, mais encore celle du côté de Belair, du Menil.

De Sainte-Mesme à Saint-Arnould, sur la carte de Cassini de 1756

     Il résulte de ces observations que toute la forêt de Dourdan est composée de sable, qu’on trouve sur les hauteurs des cailloux ou pierre meulière pleine et que le gros y est fort rare. On en trouve cependant un peu près de Denise, dans le treillage appelé la Fleur de Lys. On trouve dans le même endroit un peu de crayon.

De Roivuille à Marchais sur la carte de Cassini de 1756

     Le grès n’est pas si rare dans le reste des environs de Dourdan que dans la forêt. On
en trouve dans les endroits suivants, au rapport de M. Ponspin:
     A la Brière, paroisse de Rouinville, à l’est de Dourdan;
     Auprès du moulin de Poissard, près Rouinville.
     A Marchais, peu éloigné de là, on trouve une butte de grès. [p.43]
     A Platteau, un peu plus au sud près la Forest-le-Roy, il y a une gresserie. Les grès dont est bâtie l’abbaye de l’Ouyé en sont tirés.

     A Saint-Arnould, on bâtit en grès; on le tire de Rochefort. On trouve aussi dans quelques endroits des environs de Dourdan une espèce de marne. Voici les endroits que M. Ponspin nous a cités:
     Saint-Cyr, près Rochefort;
     Marchais, au sud-est de Dourdan;
     Liphan, près Dourdan, au sud [Lisez sans doute: Liphard, au nord (B.G.)];
     A la butte de Normond, au-dessus de Saisit-Laurent-Hoiselier.

De Dourdan à Rochefort sur la carte de Cassini de 1756
De Dourdan à Richarville sur la carte de Cassini de 1756
CHEMIN DE DOURDAN
À ARTENAY.


     Noms des villages qui se rencontrent sur la route:

     Les Granges-le-Roy,
     La Villeneuve,
     Trouvillard.
     On laisse à droite la Grange-Paris.
     On laisse à gauche Richarville.
 
     On laisse à droite Hérouville.
     On passe à Authon,

     A Paponville.
     On laisse à droite Garencières;
     A gauche, Sainte-Escobille.
De Richarville à Saint-Escobille sur la carte de Cassini de 1756
     On passe le long du parc d’Oysonville.
     On laisse Vierville à droite.
     On laisse à gauche Congerville, Thionville, Gaudreville, Grandville.
     On laisse à droite Orlut.
     On passe à Bissey.
Gommerville sur la carte de Cassini de 1756
     On laisse à droite Ardellu et Baudreville;
     A gauche, Gommerville, Bierville, Arnouville.
De Guillerville à Bissey sur la carte de Cassini de 1756
     On passe à Mérouville, laissant à droite Levéville-la-Chenar et à gauche Intréville.
Mérouville sur la carte de Cassini de 1756
     On passe à Neuvy. [p.44]
     On laisse Trancainville à droite;
     A gauche, Oinville Saint-Liphard.
     On passe à Hyrouville,
     A Yenville-au-Sel.
     On laisse à droite Mervillier;
     A gauche, Poinville.
     On passe à Santilly et à D’Amberon,
     Puis on arrive à Artenay.

Tancrainville sur la carte de Cassini de 1756
Janville sur la carte de Cassini de 1756

     De Dourdan à Artenay, on entre aux Granges-le-Roi, dans une grande plaine qui continue jusqu’à Artenay et au delà. Les terres végétales dans toute cette plaine sont d’un gris un peu jaunâtre, quelquefois un peu rougeâtre lorsqu’elles sont mouillées. Elles contiennent beaucoup de pierrailles calcaires qui sont communément fort dures.

     De la Neuville à Authon, on trouve quelques cailloux ou morceaux de meulières pleines. Je n’en ai pas vu ensuite dans tout le reste de la route. Il y avait près d’Authon une marnière ouverte.

     Près la ferme de Bissey, on trouve un endroit où la terre a été fouillée et d’où l’on a tiré des rognons de pierre. On observe dans ces fouilles une espèce de crayon avec des rognons de pierres calcaires. On revoit encore de ce même crayon lorsqu’on est vis-à-vis d’Ardellu, et plus loin lorsqu’on est vis-à-vis de Gommerville.

     Il parait, en général, que vers Bissey et environs la couche de terre végétale est moins épaisse et plus légère.

     A Mérouville, on trouve dans les coupes après la terre végétale quelques pieds de crayon, et en dessous de belles pierres de taille en bancs très épais.

     On trouve des marnières près Mérouville, près Neuvy, près Yenville, près Artenay. Lorsqu’on approche de ce dernier endroit, les terres végétales sont plus argileuses; elles retiennent davantage l’eau.

     Dans la plupart des fouilles aux environs d’Artenay, on trouve du crayon. A la Grange, qui est tout auprès, on tire du sable graveleux qu’on emploie pour paver. On trouve de ce même sable en plusieurs endroits jusqu’à Orléans. [p.45]

     Dans les vignes, près d’Orléans, on tire de la pierre calcaire en rognons qu’on emploie pour bâtir.

     A Orléans, la Loire amène beaucoup de pierres des montagnes. On trouve des quartz roulés, des cristaux de roche, quelques granits, des paillettes talqueuses, quelques pierres de volcan.

     D’Artenay à Thoury, on trouve toujours le terrain de la Beauce et des trous à marne en grande quantité. Le terrain est à peu près le même jusqu’à Étampes.


INSTRUCTION SUR LES PUITS DE LA BEAUCE.


     Nous vîmes à Dommerville un puits qui venait d’être fait. Voici ce qu’un ouvrier nous apprit sur les matières qu’on en avait tirées:

     Ce puits a environ 94 pieds de profondeur. Toute cette masse est composée de sept ou huit bancs de pierre calcaire qui contient quelquefois des silex et qui, en général, est toujours fort dure. Ces bancs ont 2 ou 3 pieds d’épaisseur. Tout le reste n’est qu’un crayon ou marne sèche qui s’éboule très facilement, ce qui même est dangereux pour ceux qui fouillent. L’eau vient dans le fond à travers la roche.

Les puits creusés par le Puisatier rencontré par Lavoisier en 1764

     Le même ouvrier avait fait plusieurs autres puits dans la Beauce. Il nous a assuré qu’ils avaient tous la même profondeur et que le terrain dans lequel ils étaient creusés était précisément le même. Les endroits où il les avait creusés sont Intréville, deux à Rouvray, un à Neuvy, un à Mérouville, un à Baudreville, un à Pussay.

     Le même ouvrier en avait ouvert un à Boissy-le-Sec, lequel avait 38 toises de profondeur, toujours dans le sable.

     Il y a une carrière de belles pierres calcaires à Outreville, près Thoury-en-Beauce, au  rapport du même ouvrier.

     J’ai oublié de dire plus haut que les fossés qui environnent Orléans, à l’endroit qu’on appelle le Mail, étaient creusés dans un crayon blanc. On voit même dans quelques endroits de petits bancs de pierre calcaire. [p.46]



ORDRE DES BANCS
POUR LES ENVIRONS D’ÉTAMPES.



     1° Terre labourable: 4 pieds.
     2° Marne et tuf coupés d’un grand nombre de bancs de  pierre de taille: 135 pieds.
     3° Marne qui contient des cailloux coquilliers (1): 12 pieds.
     4° Cailloux bruns coquilliers (2): 4 pieds.
     5° Marne et coquilles (3): 1 pied ½.
     6° Terre brune (4): ½ pied.
     7° Stalactite de sable (5): 2 pieds.
     8° Sable et grès (6): 45 pieds.
     9° Sable coupé par des bancs de cailloux roulés (7): 18 pieds.
     10° Sable coquilliers (8): 6 pieds.
     11° Sable coupé par des bancs de gravier et de falun (9): 16 pieds.
     12° Tuf coquillier: 4 pieds.
     13° Moellon tendre: 4 pieds.
     14° Glaise marneuse: 8 pieds.

     TOTAL: 260 pieds.

     Le bas de cette coupe est à peu près de niveau avec la rivière d’Étampes à Estrechy. En profitant autant qu’il m’a été possible des nivellements faits dans le canton par M. Picard en 1678, j’ai estimé [p.46] que la rivière d’Étampes à Étrechy était environ 99 pieds plus haute que la Seine à Paris. Si l’on ajoute ces 99 pieds à la coupe ci-dessus, on aura 359 pieds pour l’élévation des montagnes des environs d’Étampes, ou, ce qui revient au même, pour l’élévation des plaines de la Beauce au-dessus du niveau de la Seine à Paris. Cette hauteur est précisément telle qu’elle a été mesurée géométriquement par M. Picard. (Voir Mém. acad., t. VI, p. 693 et suiv.)

(1) Mém. acad., 1754, p. 25.
(2) Ibid., p. 26.
(3) Ibid.
(4) Ibid.
(5) Ibid., p. 27.
(6) Mém. acad., 1754, p. 27.
(7) Ibid.
(8) Ibid., 1763, p. 179.
(9) Ibid., p. 179.
 

 Marne et tuf





Sable et grès






1
2
3
4



8
9
10
11


14


Source: saisie numérique (légèrement corrigée) corrigée du Panopticon Lavoisier, elle-même basée sur celle de Dumas et Grimaux.
 
   
       
BIBLIOGRAPHIE
 
Éditions
 
Antoine-Laurent et Marie-Anne Lavoisier peints par David en 1788
     Antoine Laurent LAVOISIER, Observations d’histoire naturelle faittes aux environs de Dourdan et d’Orleans, manuscrit de 8 folios de papier in-4°, de 1764, conservé aux Archives de l’Académie des Sciences, dans le dosseir Lavoisier, sous la cote 0621.
    
     M. DUMAS & E. GRIMAUX [éd.], «Antoine Laurent Lavoisier: Observations d’histoire naturelle faites aux environs de Dourdan et d’Orléans», in ID., Lavoisier. Œuvres, publiées par les soins de son Excellence le Ministre de l’Instruction Publique et des Cultes [6 vol.], Paris, Imprimerie Nationale, 1864-1893, t.5 (1892), pp. 40-45.   

     Marco BERRETA, Andrea SCOTTI, Daniele NUZZO, Raphaël BANGE [éd.], «Antoine Laurent Lavoisier: Observations d’histoire naturelle faites aux environs de Dourdan et d’Orléans»,  in ID., Panopticon Lavoisier, http://moro.imss.fi.it/lavoisier/bookdetailText.asp?bookid=879&PageLineid=&txtsearch=&searchmode= (en ligne en 2007).

     Pietro CORSI (Université de Paris 1, EHESS, directeur du CRHST) [dir.] [éd.], «Antoine Laurent Lavoisier: Observations d’histoire naturelle faites aux environs de Dourdan et d’Orléans» [réédition numérique en mode image et en mode texte], in ID., Les Œuvres de Lavoisier (Site réalisé par le pôle HSTL du Centre de Recherche en Histoire des Sciences et des Techniques),
http://histsciences.univ-paris1.fr/i-corpus/lavoisier/book-detail.php?bookId=185, en ligne en 2007.

     Bernard GINESTE [éd.], «Antoine-Laurent Lavoisier: Observations d’histoire naturelle faites aux environs de Dourdan et d’Orléans (1764)», in Corpus Etampois (2002), http://www.corpusetampois.com/cse-18-lavoisier1764dourdan.html.
      

Sur Lavoisier dans le Corpus Étampois

     Bernard GINESTE [éd.], «Jean-Étienne Guettard & Antoine-Laurent Lavoisier: Description de deux mines de charbon de terre, situées au pied des montagnes de Voyes, l’une en Franche-Comté, l’autre en Alsace, avec quelques expériences sur le charbon qu’on en tire (1778)», in Corpus Etampois, http://www.corpusetampois.com/cse-18-guettard2mines.html, 2002.

     Bernard GINESTE [éd.], «Antoine-Laurent Lavoisier: Observations d’histoire naturelle faites aux environs de Dourdan et d’Orléans (1764)», in Corpus Etampois (2002), http://www.corpusetampois.com/cse-18-lavoisier1764dourdan.html.


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