Corpus Latinum Stampense
 
Claudius Quatigranus (Claude Cassegrain)
Versus de Tempensium jure municipali conscripto
(Poème sur la rédaction des Coutumes du bailliage d’Étampes)

1556
     
L'édition princeps de la Coutume d'Etampes en 1557, mise en ligne par François Jousset sur son site Stampae
L'édition princeps de la Coutume d'Etampes en 1557, mise en ligne par François Jousset sur son site Stampae
Texte de l’édition de 1557 mis en ligne par François Jousset sur son site Stampae

     Claude Cassegrain, lieutenant-général du bailliage d’Étampes, écrivit en 1556 ces savants vers latins pour célébrer la mise par écrit du droit coutumier étampois; il y rend hommage aux trois membres du Parlement qui y présidèrent, et surtout à Christophe de Thou, dont il latinise le nom en Tullius, du nom de famille de Cicéron, auquel il le compare, en même temps qu’à Lycurgue, législateur de l’antique Sparte.
     Il est assez difficile de traduire ce poème, qui constitue une sorte de transfiguration idéalisée à l’antique de la réalité historique française sous-jacente, de sorte qu’on peut proposer de ce texte deux traductions totalement différentes: l’une plus littérale, qui conserve cette fiction idéalisée et l’autre plus terre à terre, qui nous ramène aux réalités concrètes auxquelles il est fait allusion.
     Merci à François Jousset pour sa belle édition des Coutumes d’Étampes. Allez-vite la lire.
 
Claude Cassegrain
Poème sur la rédaction des Coutumes du bailliage d’Étampes
1556
1. Remarque liminaire

     Voilà un poème que personne à ce jour ne s’était encore attaché à mentionner et encore moins à traduire. L’auteur y fait montre en effet, selon le goût du temps, d’une érudition qui confine à l’obscurité. C’est pourquoi je me permets ici: 1° de renvoyer le lecteur à mes notes, qui tentent modestement d’élucider toutes les allusions de l’auteur et d’éclairer la lanterne du commun des lecteurs; 2° de revendiquer l’indulgence qu’il est d’usage d’accorder aux premières tentatives, à la fois pour la traduction et pour les notes qui l’accompagnent; 3° de solliciter enfin toutes les critiques et remarques qui pourraient améliorer cette première tentative. Notre enquête sur lauteur, il est vrai, n’est pas très approfondie: mais il faut bien que nous laissions du travail aux autres, et l’objet de cette page est surtout de rendre à la littérature étampoise un petit bijou, qui gisait dans un tiroir.

     Il y a un mot que je n’ai pas compris dans le titre (Coelium). Pourquoi Christophe de Thou est-il appelé Célius, c’est ce que je ne puis comprendre. Quelqu’un aura-t-il une idée?

2. L’auteur

     Claude Cassegrain paraît issu d’une famille étampoise en vue. L’abbé Alliot, parlant d’un événement survenu en 1554, note que «le lieutenant du bailli était alors Jean Cassegrain, d’une famille dont plusieurs membres exercèrent des fonctions publiques à Etampes. Les Cassegrain se montrèrent presque toujours favorables aux chapelains contre les chanoines dans la longue querelle qui divisa le clergé de Notre-Dame.» De fait nous voyons dans le procès-verbal de la rédaction de la coutume d’Étampes récemment mis en ligne par François Jousset (f. 32 v°)  qu’en 1556 un certain Alexandre Cassegrain était chanoine de Notre-Dame.

     A cette même date de 1556 c’est notre auteur, Claude Cassegrain, qui est lieutenant général du bailliage. Il est licencié en droit et assez lettré pour composer un poème de 24 hexamètres de bonne tenue, célébrant la rédaction de cette même coutume sous la direction de Christophe de Thou, premier président du Parlement de Paris, et de ses assistants Berthélémy Faye et Jacques Viole, conseillers du même Parlement. L’année suivante, nous le voyons mener une enquête auprès des bourgeois d’Étampes au sujet du Port: ce rapport de 51 folios est encore conservé aux Archives municipales d’Étampes sous la cote AA 126.

     Lors de l’occupation d’Étampes par les Réformés en 1562 Cassegrain finit par prendre parti pour les hérétiques: voilà un épisode que notre bon Fleureau a cru devoir passer sous silence, dans son
«Récit véridique» de ces mêmes événements. Il fut par suite condamné, par arrêt du Parlement du 21 novembre 1562, à «estre pendu et estranglé à potences croisées, qui seront mises et plantées en la place des Halles de cette ville de Paris». De cet arrêt perdu du Parlement, cité en 1743 par Denis-François Secousse dans ses Mémoires de Condé, et de ses suites, ni Basile Fleureau ni Léon Marquis ne disent rien, et nous n’en savons pas pour l’heure davantage.

3. Le Poème

     Notre poème est une pièce de 24 hexamètres dactyliques, qui évoque la réalité du temps sous des oripeaux antiques. Claude Cassegrain devient en Claudius Quatigranus, Faye Faius, Viole Violaeus, mais surtout de Thou devient Tullius (alors que la latinisation habituelle du nom des de Thou est Thuanus). Le président du Parlement de Paris est donc assimilé à un nouveau Cicéron, ce grand Romain dont le nom latin complet était comme on sait Marcus Tullius Cicero.

     Étampes devient Tempe, du nom de la vallée thessalienne de ce nom, comme dans le célèbre poème de Clément Marot, et les Étampois sont des Tempiens (Tempenses). Le Parlement de Paris devient le Sénat suprême (Senatus supremus), tandis que le bailliage d’Étampes est le municipe des Tempiens (Municipium Tempensium). Le droit coutumier du bailliage d’Étampes devient donc le droit municipal des Tempiens (jus municipale Tempensium) sur le modèle du droit des Quirites, c’est-à-dire des Romains (
jus Quiritum). Quant au titre de lieutenant général de Cassegrain, il est tout naturellement rendu par celui de légat (legatus).

     Ce cadre idéologique est important pour la compréhension de notre poème, qui fait nettement référence à un discours bien connu de Cicéron, le Pro Murena. En effet, l’un des aspects essentiels de la pensée politique de Cicéron est une réflexion sur les rôles respectifs des pouvoirs civils et militaires. Cicéron prononça ce discours en 63 avant J.-C., vers la fin de son consulat, au cours duquel il avait déjoué, par la seule force de persuasion de ses discours, le coup d’état préparé par Catilina. Le consul élu pour lui succéder, Muréna, était poursuivi en justice par un rival malheureux qui n’acceptait pas sa défaite, Sulpicius. Cicéron prend la défense de Suréna.

     Le passage auquel notre poème fait référence est une discussion sur les mérites comparés de Sulpicius et de Muréna. Le premier était jurisconsulte, c’est-à-dire avocat ou expert en droit, conseiller juridique ou avocat conseil, tandis que le second avait poursuivi jusqu’alors une carrière militaire: il avait été légat, c’est-à-dire lieutenant (legatus) de Lucullus pendant sa campagne victorieuse contre le célèbre Mithridate, roi du Pont, adversaire juré des Romains.

     
Cicéron prend donc fait et cause pour Muréna et entreprend de dénigrer les jurisconsultes, ces experts en droits, qui entretiennent l’ignorance et l’obscurité afin de monnayer ensuite leurs services à un plus haut prix. Il rapporte l’histoire d’un certain Cnaeus Flavius, qui avait un jour publié un ouvrage faisant connaître tous leurs secrets, et rendant dès lors inutiles leurs services. Il prétend même, si on lui échauffe la bile, être capable de devenir lui-même jurisconsulte en trois jours. Voilà la matière qui nourrit notre poème, peut-être après avoir nourri les conversations cultivées de Claude Cassegrain et de Barthélémy Faye, tous deux licenciés en droit: en mettant de l’ordre dans le droit féodal étampois, on fera mieux que jadis tant Flavius que Cicéron lui-même: on rendra le premier venu capable de s’y retrouver dans un dédale jusqu’alors inextricable, indigne des temps nouveaux qui se sont ouverts sous le règne précédent, celui de François Ier.

B.G., octobre 2006

4. Le Texte

Orthographe de l’édition originale
Orthographe normalisée
CLAVDII QVATI-
GRANI, LEGATI TEMPENSIS,
VERSVS DE TEMPENSIVM IVRE MVNI-
cipali conscripto per Dominos Christ. Tullium,
Cœlium, Præsidem. Barthol. Faium, Iac.Violęum,
in Senatu Parisiensi Consiliarios, Lectiss. viros.
CLAUDII QUATIGRANI,
legati Tempensis,
VERSVS DE TEMPENSIVM IVRE MVNICIPALI CONSCRIPTO
per Dominos Christophorum Tullium, Coelium, Praesidem, Bartholomaeum Faium, Jacobum Violaeum,
in Senatu Parisiensi Consiliarios, lectissimos viros.

IVrisconsultum cum se fore Tullius ille
Triduo ait, si quis stomachum mouisset agenti
Plura, parum fidei est habitum illi, vt vana locuto.
Nec posthac turba solito maiore clientum
Transuerso ire foro Marcum videre Quirites,
Scilicet, & distant rebus iactantia verba,
Et non credebat verbis operosa vetustas.
Prisca fides dubitet, paßim at maiora videmus
Temporibus nostris, adeo ætas cedit auorum.
     Noster enim magna Gallorum natus in vrbe
Tullius, humanas edoctus nauiter artes,
Iure sacrosanctum iuris se fecit asylum.
Inde, gradus illos cum decurrisset honorum,
Qui artibus, ingenio, aut meritis qu
æruntur honestis,
Supremi Præses consedit in arce Senatus.
Gratia non illi decus hoc, non sponsor honorum
Nummus, verùm animi candor, virtúsque parauit.
Nam sic officiis etiam est popularibus vsus,
Munera vt illi essent semper Regalia curæ.
     Ergo acciti sunt Henrici numine Regis
Tullius & comites: duo lumina magna Senatus,
Quorum tu Faï vnus eras, Violæus at alter,
Participes rerum digno cum Præside digni,
Qui Henrici auspiciis componant legibus orbem.
Et facient: quippe his iam cernas Tempe Licurgis
Libera, Amiclæis feudorum nexibus antè
Pressa nimis, nimiúmque diu. Sed Tullius istam
Nexus barbariem, bene facundo ore resoluit
Et deturbauit (veluti de ponte) trecentas
Annorum totidem lites. Deinde arte magistra
Configens cornicum oculos (vt Flauius olim)
Nostra vno omnia sic concepit iura libello,
Vere vt municipum nostrorum quilibet ausit
Iurisconsultum profiteri se tribus horis.
Jurisconsultum cum se fore Tullius ille
Triduo ait, si quis stomachum movisset agenti
Plura, parum fidei est habitum illi, ut vana locuto.
Nec posthac turba solito majore clientum
Transverso ire foro Marcum videre Quirites,
Scilicet, et distant rebus jactantia verba,
Et non credebat verbis operosa vetustas.
Prisca fides dubitet, passim at majora videmus
Temporibus nostris, adeo ætas cedit avorum.
     Noster enim magna Gallorum natus in urbe
Tullius, humanas edoctus naviter artes,
Jure sacrosanctum juris se fecit asylum.
Inde, gradus illos cum decurrisset honorum,
Qui artibus, ingenio, aut meritis quaeruntur honestis,
Supremi praeses consedit in arce senatus.
Gratia non illi decus hoc, non sponsor honorum
Nummus, verum animi candor, virtusque paravit.
Nam sic officiis etiam est popularibus usus,
Munera ut illi essent semper regalia curae.
     Ergo acciti sunt Henrici numine regis
Tullius et comites: duo lumina magna senatus,
Quorum tu Fai unus eras, Violaeus at alter,
Participes rerum digno cum praeside digni,
Qui Henrici auspiciis componant legibus orbem.
Et facient: quippe his jam cernas Tempe Licurgis
Libera, Amiclaeis feudorum nexibus ante
Pressa nimis, nimiumque diu. Sed Tullius istam
Nexus barbariem, bene facundo ore resolvit
Et deturbavit (veluti de ponte) trecentas
Annorum totidem lites. Deinde arte magistra
Configens cornicum oculos (ut Flavius olim)
Nostra uno omnia sic concepit jura libello,
Vere ut municipum nostrorum quilibet ausit
Jurisconsultum profiteri se tribus horis.
 
5. Deux traductions

Traduction littérale, un peu savante
Rétroversion prosaïque, dépoussiérée
VERS DE CLAUDIUS QUATIGRANUS,
légat de Tempé,
SUR LA RÉDACTION DE LA LOI
MUNICIPALE DES TEMPÉENS
par messieurs Christophorus Tullius,
Célius, Président,
Bartholomaeus Faius et Jacobus Violaeus,
conseillers au Sénat de Paris,
hommes des plus distingués.
POÈME DE CLAUDE CASSEGRAIN,
lieutenant-général du bailliage d’Étampes,
SUR LA RÉDACTION DES COUTUMES
DU BAILLIAGE D’ÉTAMPES

par messieurs Christophe de Thou,
nouveau Cicéron, Célius, Président,
Barthélémy Faye et Jacques Viole,
conseillers au Parlement de Paris,
personnages des plus distingués.
     Lorsque le grand Tullius déclara qu’il se ferait jurisconsulte en trois jours si on lui échauffait la bile, bien qu’il soit déjà assez occupé, on n’y accorda pas plus de crédit qu’à des paroles creuses, et les Quirites ne virent pas après cela Marcus traverser le Forum avec une plus grande escorte de clients que d’habitude. C’est qu’il y a loin des forfanteries à la réalité et que simples paroles n’en faisaient pas accroire à de longues études. Laissons aux Anciens leurs doutes: quant à nous nous voyons partout de plus grandes choses, tant notre époque l’emporte sur celle de nos aïeux.      Lorsque Marcus Tullius Cicéron déclara qu’il se ferait conseiller juridique en trois jours si on lui échauffait la bile, bien qu’il soit déjà assez occupé, on n’y accorda pas plus de crédit qu’à des paroles creuses, et les Romains ne virent pas après cela Cicéron traverser le Forum avec une plus grande escorte de protégés que d’habitude. C’est qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et qu’après d’interminables études on ne pouvait le croire sur parole. Laissons aux Anciens leurs doutes: quant à nous nous voyons partout de plus grandes choses, tant notre époque l’emporte sur celle de nos aïeux.
     En effet notre Tullius à nous, né dans la grande ville des Gaulois, parfaitement instruit des arts libéraux, à bon droit s’est fait lui-même l’asyle sacro-saint du droit. Puis, après avoir parcouru tous les degrés des charges qui s’obtiennent par le savoir-faire, le talent et les justes mérites, il s’est assis pour y présider sur le plus haut siège du Sénat suprême. Ni la faveur, ni l’argent fournisseur de charges ne lui ont valu cet honneur, mais son esprit intègre et énergique. En effet il s’est acquitté de ces charges confiées par le peuple avec le même soin qu’il aurait accordé à des fonctions dévolues par le roi.
     En effet notre Cicéron à nous, de Thou, né dans la capitale de la France, au terme de ses études, a obtenu sa licence en droit. Puis, après avoir parcouru tous les degrés des charges qui s’obtiennent par le savoir-faire, le talent et les justes mérites, il a obtenu le siège de premier président du Parlement de Paris. Ce ne sont ni le favoritisme ni la corruption qui lui ont valu cet honneur, mais seulement son intégrité et sa valeur. En effet il s’est acquitté de ces charges confiées par le peuple avec le même soin qu’il aurait accordé à des fonctions dévolues par le roi.
     C’est pourquoi il a été mandé par la puissance royale d’Henri à Tullius et à ses compagnons, deux grandes lumières du Sénat, dont tu étais le premier, ô Faius, et Violaeus le second, dignes compagnons d’un président digne de cette tâche: de régler ce pays par des lois. Et c’est bien ce qu’il feront, car tu verras dorénavant grâce à ces Ligurgues, à ces bons Amycléens, Tempé affranchie, de l’échevaux des fiefs qui l’oppressait par trop et depuis trop longtemps. Mais Tullius a bien démêlé, de sa bouche éloquente, cet écheveau barbare, et il a débrouillé, comme du haut d’un pont, trois cents litiges vieux d’autant d’années. En suite de quoi, avec un savoir-faire consommé, crevant les yeux des corneilles (comme jadis Flavius), il a ramassé en un seul petit livre toutes nos coutumes, de telle sorte que n’importe lequel de nos concitoyens pourra se risquer à dire qu’il est devenu jurisconsulte en trois heures.
     C’est bien pourquoi le roi Henri II a donné pour mission à de Thou et à ses collaborateurs (deux éminents conseillers du Parlement, dont tu étais le premier, ô Faye, et Viole le second, dignes de partager cette mission avec un tel président), de mettre de l’ordre dans les coutumes du royaume. Et c’est bien ce qu’il feront, car tu vas voir que comme Lycurgue, le législateur de la Laconie, c’est d’une manière véritablement laconique qu’ils ont délivré Étampes, jusqu’alors et depuis trop longtemps tout empêtrée dans ses coutumes féodales: mais de Thou a parfaitement et éloquemment démêlé cet écheveau barbare, et il a réglé, comme en passant, trois cents litiges vieux d’autant d’années. En suite de quoi, réduisant les experts au chômage (comme jadis Cnaeus Flavius), il a ramassé en un seul petit livre toutes nos coutumes, de sorte que, désormais, n’importe quel Étampois pourra affirmer hardiment qu’il lui a suffi de trois heures pour devenir expert en droit.
 
6. NOTES

Claudius Quatigranus. Claude Cassegrain. Le verbe français casser  provient du latin quassare, frequentatif du verbe quatio, dont la racine est ici conjointe à celle du nom granum, i, m., grain.

Legatus. C’est le latin pour lieutenant, avec cependant une acception nettement militaire.

Tempensis.
Tempien, c’est-à-dire Étampois (usuellement: Stampensis). Ce gentilé latin est forgé sur le toponyme grec Tempe (substantif neutre pluriel), c’est-à-dire la vallée de Tempé en Thessalie, où le XVIe siècle a voulu trouver l’origine du nom d’Étampes, en latin usuel Stampae (substantif féminin pluriel). On connaît à ce sujet le poème de Clément Marot, qui a peut-être lancé la mode, à l’occasion du don d’Étampes par François Ier à sa favorite Anne de Pisseleu (1534) ou bien à l’occasion de son érection subséquente en duché (1537): 
De la Duché d’Estempes: Ce plaisant Val, que l’on nommoit Tempé, / Dont mainte hystoire est encor embellye, / Arrousé d’eaues, si doulx, si attrempé, / Sachez, que plus il n’est en Thessallye. / Juppiter Roy, qui les cueurs gaigne, et lye, / L’a de Thessalle en France remué, / Et quelcque peu son nom propre mué: / Car pour Tempé, veult qu’Estempes s’appelle: / Ainsi luy plaist, ainsi l’a situé, / Pour y loger de France la plus belle

De jure municipali conscripto.
Excellent latin, mais l’assimilation du droit coutumier du bailliage d’Étampes à celui d’un municipe romain est un peu forcée. Le municipe (municipium) était l’un des statuts possibles pour une cité du monde romain antique, inférieur à celui de colonie. La caractéristique principale de ces villes était de se diriger elle-même. En règle générale, les municipes pouvaitent disposer du droit latin ou bien du droit romain, et leurs habitants libres jouissaient donc de la citoyenneté romaine partielle, ou complète.


Christophorum Tullium, Cœlium, Præsidem. Le prénom de ce personnage est Christofle (selon l’orthographe la plus usuelle, semble-t-il), c’est-à-dire Christophe, et son nom est de Thou, patronyme usuellement latinisé en Thuanus. Mais Cassegrain joue ici naturellement sur la vague homophonie de Thou / Tullius, qui sert son propos, qui est de faire du président de Thou un nouveau Cicéron. Christophe de Thou
(1508-1582) ne doit pas être confondu avec son fils Jacques-Auguste de Thou (1553-1617), auteur de célèbres Histoire, et plus connu que son père au point qu’on l’appelle souvent tout simplement le Président de Thou. On oublie que même la célèbre bibliothèque de ce deuxième du Thou lui venait de son père. Rappelons également que le petit-fils de notre personnage, Francois-Auguste de Thou (1607-1642), est également célèbre pour avoir été décapité sur ordre de Richelieu, ayant été mêlé à la conjuration de Cinq-Mars. La lettre de mission que adressée Henri II à Christophe de Thou, en même temps qu’à son collaborateur Barthélémy Faye, ainsi qu’à un certain Gilles Bourdin (avocat du roi au Parlement ensuite remplacé par Jacques Viole), est citée in-extenso dans le Procès-Verbal (ff. 27-28).

Cœlium. Je reste sec devant ce mot. Quelqu’un a-t-il une idée? S’agit-il de Marcus Caelius Rufus, ami, condisciple et correspondant de Cicéron, réputé pour être sa jeunesse dissolue et son caractère irascible? Et pourquoi de Thou serait-il ici ainsi dénommé? La personnalité de ce Caelius est analysée en détail par Gaston Boissier dans son célèbre Cicéron et ses amis (1865), chapitre qui est en ligne (http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/ciceron/boissier/boissier5.html), mais je n’y vois rien qui puisse expliquer cette bizarre allusion. Sagit-il dun surnom amical entre latinistes, voire entre condisciples?

Bartholomaeus Faium. Barthélémy Faye, conseiller au Parlement de Paris.
«En 1567, c’est à Barthélémy Faye, ancien condisciple de Padoue devenu président des Enquêtes au Parlement, que Michel de L’Hospital consacre une épître sur l’impuissance des lois pendant la guerre. En se réjouissant de la promotion de son ami, L’Hospital dénonce ces hommes violents qui se font justice eux-mêmes, etc.» [Loris PETRIS, «Guerre et paix dans les Carmina de Michel de L’Hospital», in Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance LXI (1999), n°1, p. 95-108; dont une édition en ligne par l’Université helvétique de Neuchâtel (12 p. au format PDF), in UniNe, http://www.unine.ch/ilcf/petris2.pdf, en ligne en 2006, pp. 10-11]. Loris cite aussi une autre épître de Michel de l’Hospital à Faye, et une troisième adressée celle-là à Christophe de Thou, Sur la Guerre civile (ibid., p. 11), av. Ajoutons que Faye avait lui-même adressé une épître à Michel de l’Hospital dès 1553 sur un sujet analogue. Il faut remarquer que dans notre poème c’est à Faye que s’adresse l’auteur plus qu’au personnage auquel est rendu l’hommage le plus appuyé, du Thou. On peut donc conjecturer qu’il existait un lien spécial de familiarité entre Barthélémy Faye et Cassegrain.

Iacobum Violaeum.
Jacques Viole. Ce personnage n’avait pas participé avec de Thou, Faye et Harlay à la rédaction précédente des coutumes du bailliage de Sens en novembre 1555. La lettre de mission de Henri II en date du 15 septembre 1556 qui l’adjoint à Chritophe de Thou et à Berthélémy Faye, en remplacement de Gilles Bourdin qui doit se consacrer à d’autres tâches, est donnée in-extenso dans le procès verbal (f°30v° et 31r°). Selon Étienne Pattou, et l’arbre généalogique qu’il donne pour cette famille,
ce Jacques Viole (1517-1584) était seigneur d’Aigremont et Andrezel, conseiller au Parlement et aux requêtes du Palais en 1543. Il a rendu hommage pour Aigremont en le 22 mai 1539 et épousé Philippe de Bailly, dame de l’Hervilliers et des Petit et Grand Ozereau. Un de ses aïeux, Paris Viole, est mentionné dès 1374 comme contrôleur des gabelles à Orléans.

Jurisconsultum, etc. On appelle jurisconsulte toute personne qui fait profession de donner des avis de droit. La littérature, depuis au moins Cicéron, ne leur fait pas une bonne réputation. C’est le lieu de citer, après Littré, le père Fléchier (1632-1710) dans son oraison funèbre de Le Tellier (1603-1685): «Avant M. le Tellier, pour obtenir les privilèges des jurisconsultes, il suffisait d’avoir de quoi les acheter». Tout le poème roule sur une allusion à un passage de Cicéron où pour les besoins de sa cause il dénigre l’office de jurisconsulte. Cicéron y fait de plus allusion à un certain Cnaeus Flavius réputé pour avoir publié un ouvrage qui faisait connaître à tout le monde les secrets dont les jurisconsultes monnayaient jusqu’alors la communication, leur coupant ainsi l’herbe sous les pieds. De même, la publication officielle du texte des coutumes du bailliage va enfin délivrer les Étampois des abus auxquels conduit toujours l’obscurantisme. 

Jurisconsultum cum se fore Tullius ille triduo ait, etc.
Citation versifiée du Pro Murena, discours prononcé par Marcus Tullis Cicero (Cicéron) en 63 avant J.-C, et dont ce poème offre d’autres réminiscences. § XIII (26):
Itaque si mihi, homini uehementer occupato, stomachum moueritis, triduo me iuris consultum esse profitebor: Oui, tout occupé que je suis, pour peu que vous me poussiez à bout, en trois jours je me ferai jurisconsulte (traduction de Nisard, 1840).

Si quis stomachum mouisset:
locution latine, «mettre en branle l’estomac de quelqu’un», c’est-à-dire lui inspirer de l’aigreur (à quoi répond le verbe stomachor, «prendre les choses avec aigreur», «s’échauffer»): c’est la même idée que dans la locution française «échauffer la bile».


Noster.... Tullius. Notre Cicéron à nous. Comparez avec Du Bellay, notre Hercule gaulois, pour parler d’Henri II.

Iure sacrosanctum iuris se fecit asylum. Il s’est fait lui-même à bon droit l’asyle sacro-saint du droit. Pompeuse périphrase qui désigne probablement tout simplement le succès à l’examen que doivent passer les licenciés en droit. Cassegain l’était, comme nos trois personnages: on est entre collègues, voire entre condisciples. On trouve une expression analogue dans un développement de Garbriel Harvey, publié en 1577 à Londres, où l’auteur s’adresse ainsi à Cicéron: Teipsum..., M. Tulli,... quem S.P.Q.R. admiraretur, celebraret, in coelo poneret: ad quem, tanquam ad asylum quoddam augustum, & sacrosanctum omnes rei confugerent, etc. Toi-même... Marcus Tullius... que le Sénat et le Peuple de Rome
admirent, célèbrent et élèvent jusqu’aux cieux, vers qui, comme vers un asyle auguste et sacro-saint toute chose trouve refuge... Reste à trouver la source commune de cette métaphore, qui devait être d’usage dans la littérature d’autocongratulation de ce petit monde de la noblesse de robe.

In arce Senatus. Arx est pris ici au sens de cime
comme chez Ovide, arx Parnassi, le sommet du Parnasse. L’idée est qu’il n’est pas seulement président mais le premier président du Parlement.

Officiis.. popularibus... / Munera... Regalia. Je comprend cette antithèse comme suit: d’un côté les charges ordinaires auxquelles on parvient par le biais ordinaire des élections qui s’opèrent au sein du Parlement; de l’autre les mandats extraordinaires qui sont d’initiative royale, comme celui de mettre par écrit toutes les coutumes du royaume.

Henrici... Regis. Il s’agit évidemment d’Henri II, qui a régné de 1147 à 1159.

Qui... componant legibus orbem. Orbis, le pays, la contrée, sens usuel en poésie.
«Pour organiser le royaume au moyen des lois». L’expression reste tout de même grandiloquente. Reste que cette entreprise du modernisation et d’harmonisation du droit coutumier dans les différents provinces du royaume était extrêmemement ambitieuse. Voyez la thèse de René FILHOL, Le Premier président Christofle de Thou et la réformation des coutumes, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1937 et un article plus récent de Marie Seong-Hak KIM, «Christophe de Thou et la Réformation des Coutumes: l’esprit de réforme juridique au XVIe Siècle», in The Legal History Review 72/1-2 (février 2004), pp. 91-102.

His ... Tempe Licurgis / Libera, amiclaeis.
«Par ces Lycurgues Étampes libérée, par ces Amycléens». J’avoue que cette épithète d’amyclaeus (où le I est une faute de distraction pour Y) m’a donné du fil à retordre. Lycurge est le législateur de Sparte aussi appelée Lacédémone, célèbre capitale de la Laconie, dans le Peloponèse. Amyclées est une ville de Laconie, proche de Sparte. Les Spartiates étaient réputés pour dire beaucoup de choses en peu de mots; quant aux Amycléens, ils passaient pour carrément silencieux (au point que, selon la légende, ils avaient laissé détruire leur ville entièrement plutôt que d’appeler à l’aide leurs alliés et voisins). Bien qu’il ne semble pas exister de liens spéciaux entre Lycurgue et la ville d’Amyclées, l’usage de la poésie du temps paraît avoir autorisé cette épithète pour signifier simplement habitant ou ressortissant de la Laconie, puisqu’on trouve ailleurs ce même Lycurgue qualifié d’amyclaeus. Je comprends donc qu’il est fait ici allusion au caractère laconique, c’est-à-dire très concentré, de l’ouvrage dans lequel de Thou et ses collaborateurs ont résumé tout le droit coutumier du bailliage d’Étampes.

Facundo ore.
«de sa bouche éloquente». On aura noté l’antithèse amusante de la faconde et du laconisme du président de Thou.

Veluti de ponte. Littéralement
«comme du haut d’un pont»; je n’ai pas trouvé l’origine de cette expression, qui ne paraît pas classique, mais dont le sens me paraît être tout simplement «comme en passant».

Configens cornicum oculos (ut Flavius olim).
«Crevant les yeux des corneilles» L’image est célèbre et souvent reprise, mais en définitive n’est pas des plus claires et reste diversement interprétée. Certains entendent «trompant ceux qui voient ou passent pour voir clair», d’autres «rendant inutile leur clairvoyance, cest-à-dire leurs services dexperts», dautres enfin font remarquer que les corneilles sont réputées, à tort ou à raison, pour s’attaquer à leurs proies en leur crevant d’abord les yeux, et le sens original de l’image serait alors bien différent. Il s’agit quoi qu’il en soit d’un nouvelle allusion au Pro Murena de Cicéron, dans un passage où pour les besoins de sa cause Cicéron dénigre le métier de jurisconsulte et raconte comment ce Cnaeus Flavius (qui n’est d’ailleurs guère connu que cette allusion) aurait jadis «crevé les yeux des corneilles» en révélant à tous les secret des jurisconsultes.

Jurisconsultum profiteri se tribus horis.
Pointe finale qui boucle le poème: Cicéron se faisait fort de devenir jurisconsulte en trois jours par forfanterie, de Thou a permis à tout le monde de le faire en trois  heures, ce qui démontre en passant la thèse énoncée entre-temps:
Notre époque l’emporte sur celle de nos aïeux.

ANNEXE 1
ANALYSE MÉTRIQUE DE CE POÈME



Jūrīs|cōnsūl|tūm // cūm | sē fŏrĕ | Tūllĭŭs | īlle
Trīdŭo ă|īt sī | quīs // stŏmă|chūm mō|vīssĕt ă|gēnti
Plūră pă|rūm fĭdĕ|(i) ēst // hăbĭ|t(um) īll(i) ūt | vānă lŏ|cūto
Nēc pōst|hāc tūr|bā // sŏlĭ|tō mā|jōrĕ clĭ|ēntum
Inclusion
5
Trānsvēr|s(o) īrĕ fŏ|rō // Mār|cūm vī|dērĕ Quĭ|rītes


Scīlĭcĕt | ēt dīs|tānt // rē|būs jāc|tāntĭă | vērba
Ēt nōn | crēdē|bāt // vēr|bīs ŏpĕ|rōsă vĕ|tūstas
Prīscă fĭ|dēs dŭbĭ|tēt // păssĭm | āt mā|jōră vĭ|dēmus
Tēmpŏrĭ|būs nōs|trīs ădĕ|(o) aētās | cēdĭt ă|vōrum

10
Nōstĕr ĕ|nīm mā|gnā Gāl|lōrūm | nātŭs ĭn | ūrbe


Tūllĭŭs | hūmā|nās // ē|dōctūs | nāvĭtĕr | ārtes
Jūrĕ să|crōsānc|tūm // jū|rīs sē | fēcĭt ă|sīlum
Īndĕ gră|dūs īl|lōs // cūm | dēcūr|rīssĕt hŏ|nōrum
Qui ārtĭbŭs | īngĕnĭ|(o) //  aūt mĕrĭ|tīs quaē|rūntŭr hŏ|nēstis

15
Sūprē|mī praē|sēs // cōn|sēdĭt ĭn | ārcĕ sĕ|nātus


Grātĭă | nōn īl|lī // dĕcŭs | hōc nōn | spōnsŏr hŏ|nōrum
Nūmmūs | vēr(um) ănĭ|mī // cān|dōr vīr|tūsquĕ pă|rāvit
Nām sīc | ōffĭcĭ|īs // ĕtĭ|(am) ēst pŏpŭ|lārĭbŭs | ūsus
Mūnĕr(a) ŭt | īll(i) ēs|sēnt
// sēm|pēr rē|gālĭă | cūrae

20
Ērgo āc|cītī | sūnt // Hēn|rīcī | nūmĭnĕ | rēgis


Tūllĭŭs | ēt cŏmĭ|tēs // dŭŏ | lūmĭnă | māgnă sĕ|nātus
Quōrūm | tū Fā|ī // ū|nūs ē|rās Vĭŏ|laēŭs ăt | ālter
Pārtĭcĭ|pēs rē|rūm // dī|gnō cūm | praēsĭdĕ | dīgni
Qui Hēnrī|c(i)  aūspĭcĭ|īs // cōm|pōnānt | lēgĭbŭs | ōrbem

25
Ēt făcĭ|ēnt quīp|pe hīs // jām | cērnās | Tēmpĕ Lĭ|cūrgis


Lībĕr(a) Ă|mīclaē|īs // feū|dōrūm | nēxĭbŭs | ānte


Prēssă nĭ|mīs \\ nĭmĭ|ūmquĕ dĭ|ū \\ Sed | Tūllĭŭs | īstam
Nēxūs | bārbărĭ|ēm // bĕnĕ | fācūn|d(o) ōrĕ rĕ | sōlvit
Ēt dē|tūrbā|vīt // vĕlŭ|tī dē | pōntĕ trĕ|cēntas
Césures trihémimère et hephthémimère au vers 27
30
Ānnō|rūm tŏtĭ|dēm // lī|tēs Deīn|d(e) ārtĕ mă|gīstra


Cōnfī|gēns cōr|nīc(um) // ŏcŭ|lōs ūt | Flāvĭŭs | ōlim
Nōstr(a) ū|n(o) ōmnĭă | sīc
// cōn|cēpīt | jūră lĭ|bēllo,
Vēr(e) ūt | mūnĭcĭ|pūm // nōs|trōrūm | quīlĭbĕt | aūsit
Jūrīs|cōnsūl|tūm // prŏfĭ|tērī | sē trĭbŭs | hōris.



Conclusion
   
ANNEXE 2
EXTRAIT DU PRO MURENA DE CICÉRON

     Cicéron a prononcé ce discours alors qu’il était encore Consul, en faveur du consul qui venait d’être élu pour lui succéder, Muréna. Muréna était poursuivi par son rival malheureux Servius Sulpicius. Nous citons ici le passage de ce fameux discours où Cicéron compare les mérites respectifs de Muréna et de Sulpicius, le premier ayant servi aux armées sous les ordres de Lucullus, comme son lieutenant (legatus), tandis que les mérites de Sulpicius sont purement civile, puisqu’il était jurisconsulte, conseiller juridique (jurisconsultus) Rappelons que notre auteur s’intitule lui-même Legatus Tempensis.
     Pourquoi donnons-nous ce texte en Annexe? Évidemment parce qu’il permet de se faire une idée du genre de lecture dont se nourrissaient alors les esprits les plus distingués de la noblesse de robe, qui reconnaissaient dans ce lointain ancêtre et modèle, Marcus Tullius Cicéron, un modèle à leur yeux extraordinairement moderne. Et parce que notre poème n’était intelligible, lorsqu’il fut écrit, qu’à ceux qui avaient lu le Pro Murena.



Texte latin
Traduction française de Nisard (1840)
     [9] IX. (19) Reliqui temporis spatium in contentionem uocatur. Ab utroque dissimillima ratione tractatum est. Seruius hic nobiscum hanc urba nam militiam respondendi, scribendi, cauendi plenam sollicitudinis ac stomachi secutus est; ius ciuile didicit, multum uigilauit, laborauit, praesto multis fuit, multorum stultitiam perpessus est, adrogantiam pertulit, difficultatem exsorbuit; uixit ad aliorum arbitrium, non ad suum. Magna laus et grata hominibus unum hominem elaborare in ea scientia quae sit multis profutura.
IX. Veut-on comparer le reste de leur vie? Ils ont suivi l’un et l’autre une route bien différente. Servius, enrôlé comme nous dans la milice civile, a donné des consultations, des réponses, des formules; ministère plein de soucis et de dégoûts. Il a étudié le droit, s’est consumé dans les veilles et les travaux. Il a été utile aux uns; il a supporté la sottise des autres, affronté l’arrogance de ceux-ci, essuyé en silence l’humeur chagrine de ceux-là; il a vécu pour les autres et non pour lui. Quels éloges, quelle reconnaissance ne mérite pas un homme, qui, seul, se consacre tout entier à des études qui doivent profiter à tant de personnes?
     (20) Quid Murena interea? Fortissimo et sapientissimo uiro, summo imperatori legatus, L. Lucullo, fuit; qua in legatione duxit exercitum, signa contulit, manum conseruit, magnas copias hostium fudit, urbis partim ui, partim obsidione cepit, Asiam istam refertam et eandem delicatam sic obiit ut in ea neque auaritiae neque luxuriae uestigium reliquerit, maximo in bello sic est uersatus ut hic multas res et magnas sine imperatore gesserit, nullam sine hoc imperator. Atque haec quamquam praesente L. Lucullo loquor, tamen ne ab ipso propter periculum nostrum concessam uideamur habere licentiam fingendi, publicis litteris testata sunt omnia, quibus L. Lucullus tantum laudis impertiit quantum neque ambitiosus imperator neque inuidus tribuere alteri in communicanda gloria debuit.
     Que faisait cependant Muréna? Il était lieutenant d’un grand général, aussi distingué par sa prudence que par son courage, de Lucullus; à ce titre, il a commandé en chef, livré bataille; il en est venu aux mains, il a mis en déroute nombre d’ennemis; il a emporté plusieurs villes d’assaut, ou les a réduites à capituler; enfin il a parcouru cette Asie si riche et si voluptueuse, sans y laisser une trace d’avarice ou de mollesse; et dans une guerre de cette importance, il a été assez habile pour faire de grandes choses sans son général, quand son général n’en a point fait sans lui. Bien que je parle ainsi devant Lucullus, je ne crains pas de paraître avoir obtenu de lui, grâce au danger de Muréna, la permission d’exagérer ses services; ils sont attestés dans des lettres authentiques où Lucullus donne à son lieutenant tous les éloges qu’un général exempt d’orgueil et de jalousie doit accorder à ceux qui ont le droit de partager sa gloire.
     (21) Summa in utroque est honestas, summa dignitas; quam ego, si mihi per Seruium liceat, pari atque eadem in laude ponam. Sed non licet; agitat rem militarem, insectatur totam hanc legationem, adsiduitatis et operarum harum cotidianarum putat esse consulatum. Apud exercitum mihi fueris’ inquit; tot annos forum non attigeris; afueris tam diu et, cum longo interuallo ueneris, cum his qui in foro habitarint de dignitate contendas?’ Primum ista nostra adsiduitas, Serui, nescis quantum interdum adferat hominibus fastidi, quantum satietatis. Mihi quidem uehementer expediit positam in oculis esse gratiam; sed tamen ego mei satietatem magno meo labore superaui et tu item fortasse; uerum tamen utrique nostrum deside rium nihil obfuisset.
     Ainsi, des deux côtés, je vois un mérite éminent, une haute considération; et si Servius me le permettait, je placerais les deux rivaux sur la même ligne. Mais il ne veut pas le souffrir; il déprécie l’art militaire, il rabaisse les exploits du lieutenant de Lucullus: c’est notre assiduité dans Rome, c’est ce retour constant d’occupations journalières qui doivent être des titres au consulat. Quoi! dit-il, vous auriez passé tant d’années à l’armée, sans mettre le pied dans le forum; et après une si longue absence et un tel intervalle, vous viendriez disputer les honneurs à ceux qui ont fait du forum leur séjour habituel? D’abord, Servius, vous ne sauriez croire combien notre assiduité devient quelquefois pénible et fatigante pour le peuple. Il m’a sans doute été fort utile que mes concitoyens eussent mes travaux sous les yeux; toutefois ce n’est qu’avec bien de la peine que j’ai pu faire oublier l’ennui de ma présence continuelle. Peut-être l’avez-vous éprouvé comme moi, et nous n’aurions rien perdu ni l’un ni l’autre à nous faire un peu désirer.
     (22) Sed ut hoc omisso ad studiorum atque artium contentionem reuertamur, qui potest dubitari quin ad consulatum adipiscendum multo plus adferat dignitatis rei militaris quam iuris ciuilis gloria? Vigilas tu de nocte ut tuis consultoribus respondeas, ille ut eo quo intendit mature cum exercitu perueniat; te gallorum, illum bucinarum cantus exsuscitat; tu actionem instituis, ille aciem instruit; tu caues ne tui consultores, ille ne urbes aut castra capiantur; ille tenet et scit ut hostium copiae, tu ut aquae pluuiae arceantur; ille exercitatus est in propagandis finibus, tuque in regendis. Ac nimirum (dicendum est enim quod sentio) rei militaris uirtus praestat ceteris omnibus. Haec nomen populo Romano, haec huic urbi aeternam gloriam peperit, haec orbem terrarum parere huic imperio coegit; omnes urbanae res, omnia haec nostra praeclara studia et haec forensis laus et industria latet in tutela ac praesidio bellicae uirtutis. Simul atque increpuit suspicio tumultus, artes ilico nostrae conticiscunt.
     Mais laissons cela, et revenons au parallèle des deux professions. Qui peut douter que la gloire des armes ne donne plus de droits au consulat que celle du barreau? Le jurisconsulte se lève avant le jour pour répondre à ses clients; le guerrier, pour arriver à temps avec son armée au poste dont il veut s’emparer. L’un s’éveille au chant du coq, l’autre, au sonde la trompette. Vous disposez les pièces d’un procès, lui range ses troupes. Vous mettez vos clients à l’abri des surprises, lui ce sont des villes et un camp qu’il protège. Il connaît et sait le moyen de nous garantir de l’ennemi, vous celui de nous préserver des eaux pluviales; sa science consiste à reculer les bornes de l’empire, la vôtre à régler celles d’un champ. En un mot, pour dire ici toute ma pensée; la gloire militaire efface toutes les autres. C’est elle qui a illustré le nom romain; c’est elle qui a immortalisé cette ville; c’est elle qui nous a donné l’empire du monde. Tous les talents civils, nos brillantes études, la gloire et l’éloquence du barreau, fleurissent en paix à l’ombre des vertus militaires: à la première alarme, tous nos arts paisibles rentrent dans le silence.
     [10] X. (23) Et quoniam mihi uideris istam scientiam iuris tamquam filiolam osculari tuam, non patiar te in tanto errore uersari ut istud nescio quid quod tanto opere didicisti praeclarum aliquid esse arbitrere. Aliis ego te uirtutibus, continentiae, grauitatis, iustitiae, fidei, ceteris omnibus, consulatu et omni honore semper dignissimum iudicaui; quod quidem ius ciuile didicisti, non dicam operam perdidisti, sed illud dicam, nullam esse in ista disciplina munitam ad consulatum uiam. Omnes enim artes, quae nobis populi Romani studia concilient, et admirabilem dignitatem et pergratam utilitatem debent habere.
     X. La tendresse vraiment paternelle que je vous vois professer pour cette science du droit, ne me permet pas de vous laisser dans l’erreur profonde qui vous fait attacher un si haut prix à je ne sais quelle étude qui vous a coûté tant de peines. Ce sont d’autres qualités, c’est votre modération, votre sagesse, votre justice, votre intégrité qui, à mes yeux, vous ont particulièrement rendu digne du consulat et des plus grands honneurs. Quant à l’étude que vous avez faite du droit civil, je ne dirai pas que vous ayez perdu votre peine, mais je dirai que ce n’est pas un puissant moyen pour arriver au consulat. En effet, les talents propres à nous concilier la faveur du peuple romain doivent réunir à la plus éclatante considération la plus réelle utilité.
    (24) Summa dignitas est in eis qui militari laude antecellunt; omnia enim quae sunt in imperio et in statu ciuitatis ab his defendi et firmari putantur; summa etiam utilitas, si quidem eorum consilio et periculo cum re publica tum etiam nostris rebus perfrui possumus. Grauis etiam illa est et plena dignitatis dicendi facultas quae saepe ualuit in consule deligendo, posse consilio atque oratione et senatus et populi et eorum qui res iudicant mentis permouere. Quaeritur consul qui dicendo non numquam comprimat tribunicios furores, qui concitatum populum flectat, qui largitioni resistat. Non mirum, si ob hanc facultatem homines saepe etiam non nobiles consulatum consecuti sunt, praesertim cum haec eadem res plurimas gratias, firmissimas amicitias, maxima studia pariat. Quorum in isto uestro artificio, Sulpici, nihil est.
 Une haute considération entoure ceux qui ont en partage le mérite militaire; ils sont regardés comme les défenseurs et les soutiens de nos conquêtes et de nos institutions. Leur utilité n’est pas moindre, puisque c’est leur sagesse et leur courage qui nous assurent le double bienfait de notre indépendance nationale, politique et civile. C’est encore un titre important et justement apprécié que ce talent de la parole qui influa souvent sur le choix d’un consul; ce don de pouvoir, par une sage et persuasive éloquence, toucher les esprits du sénat, du peuple et des juges. On veut un consul dont la voix sache, quand il le faut, étouffer les clameurs des tribuns, calmer les mouvements populaires, résister aux séductions. Il n’est pas étonnant qu’un pareil mérite ait élevé au consulat des hommes sans naissance, puisqu’il donne à celui qui le possède de nombreux clients, des amis fidèles et des partisans dévoués. Votre profession, Sulpicius, ne présente aucun de ces avantages.
     [11] XI. (25) Primum dignitas in tam tenui scientia non potest esse; res enim sunt paruae, prope in singulis litteris atque interpunctionibus uerborum occupatae. Deinde, etiam si quid apud maiores nostros fuit in isto studio admirationis, id enuntiatis uestris mysteriis totum est contemptum et abiectum. Posset agi lege necne pauci quondam sciebant; fastos enim uolgo non habebant. Erant in magna potentia qui consulebantur; a quibus etiam dies tamquam a Chaldaeis petebatur. Inuentus est scriba quidam, Cn. Flauius, qui cornicum oculos confixerit et singulis diebus ediscendis fastos populo proposuerit et ab ipsis (his) cautis iuris consultis eorum sapientiam compilarit. Itaque irati illi, quod sunt ueriti ne dierum ratione peruolgata et cognita sine sua opera lege (agi) posset, uerba quaedam composuerunt ut omnibus in rebus ipsi interessent.
     XI. D’abord, quel éclat peut-il y avoir dans une science aussi frivole, qui repose sur des recherches minutieuses et sur des distinctions de lettres et de mots? En second lieu, si une pareille étude a pu jouir de quelque estime chez nos ancêtres, aujourd’hui que vos mystères sont révélés, elle est frappée de discrédit. Peu de personnes connaissaient autrefois les jours où il était permis d’agir en justice; le tableau des jours fastes n’était pas alors publié. Les jurisconsultes étaient en grande considération, et on les consultait sur les jours, comme les Chaldéens. Il se rencontra un greffier, nommé Cn. Flavius, qui creva, comme on dit, les yeux aux corneilles, et qui, en publiant un tableau des fastes jour par jour, déroba toute leur science à nos subtils jurisconsultes. Ceux-ci, furieux et craignant que la publication et la connaissance de ces tables ne rendissent leur ministère inutile, imaginèrent certaines formules pour pouvoir se mêler dans toutes les affaires.
     [12] XII. (26) Cum hoc fieri bellissime posset: Fundus Sabinus meus est.’ Immo meus,’ deinde iudicium, noluerunt. Fundus’ inquit qui est in agro qui sabinus uocatur.’ Satis uerbose; cedo quid postea? eum ego ex iure Quiritium meum esse aio.’ Quid tum? inde ibi ego te ex iure manum consertum uoco.’ Quid huic tam loquaciter litigioso responderet ille unde petebatur non habebat. Transit idem iuris consultus tibicinis Latini modo. Vnde tu me’ inquit ex iure manum consertum uocasti, inde ibi ego te reuoco.’ Praetor interea ne pulchrum se ac beatum putaret atque aliquid ipse sua sponte loqueretur, ei quoque carmen compositum est cum ceteris rebus absurdum tum uero in illo: Suis utrisque superstitibus praesentibus istam uiam dico; ite uiam.’ Praesto aderat sapiens ille qui inire uiam doceret. Redite uiam.’ Eodem duce redibant. Haec iam tum apud illos barbatos ridicula, credo, uidebantur, homines, cum recte atque in loco constitissent, iuberi abire ut, unde abissent, eodem statim redirent. Isdem ineptiis fucata sunt illa omnia: Quando te in iure conspicio’ et haec: Anne tu dicas qua ex causa uindicaueris?’ Quae dum erant occulta, necessario ab eis qui ea tenebant petebantur; postea uero peruolgata atque in manibus iactata et excussa, inanissima prudentiae reperta sunt, fraudis autem et stultitiae plenis sima.
     XII. Rien n’était plus simple que de procéder ainsi: La terre du pays des Sabins est à moi.Non, elle m’appartient; puis de juger. Ils ne l’ont pas voulu. La terre, disent-ils, qui est dans le pays nommé pays des Sabins. (Voilà déjà bien des mots; voyons la suite.) Moi, je prétends qu’en vertu du droit Quiritaire, elle m’appartient. Et après? En conséquence, je vous appelle sur le lieu même pour y débattre nos droits. L’adversaire ne savait que répondre à ce verbiage du demandeur. Alors le même jurisconsulte passe de son côté, comme un joueur de flûte latin. Je vous appelle à mon tour, dit-il, de l’endroit où nous sommes sur le champ où vous m’avez appelé. Le préteur cependant se serait cru trop de talent et d’esprit, s’il avait pu faire lui-même la réponse; et on lui a aussi composé une formule absurde d’ailleurs, et surtout dans ce qui suit: Devant vos témoins ici présents; voici votre chemin, allez. Notre savant jurisconsulte était là pour leur montrer la route. Revenez, disait le juge. Et le même guide les ramenait. Je crois que nos vieux Romains, tout graves qu’ils étaient, trouvaient bien ridicule d’ordonner à des hommes de quitter la place où ils étaient, où ils devaient être, pour y revenir aussitôt. Tout le reste est empreint de la même extravagance: Puisque je vous aperçois devant le préteur; et ceci encore: Revendiquez-vous pour la forme? Tant que ces formules furent un mystère, il fallait bien s’adresser aux initiés; mais une fois que la publicité et l’usage eurent permis de les voir de près, on les a trouvées aussi vides de sens que pleines de sottise et de mauvaise foi.
     (27) Nam, cum permulta praeclare legibus essent constituta, ea iure consultorum ingeniis pleraque corrupta ac deprauata sunt. Mulieres omnis propter infirmitatem consili maiores in tutorum potestate esse uoluerunt; hi inuenerunt genera tutorum quae potestate mulierum continerentur. Sacra interire illi noluerunt; horum ingenio senes ad coemptiones faciendas interimendorum sacrorum causa reperti sunt. In omni denique iure ciuili aequitatem reliquerunt, uerba ipsa tenuerunt, ut, quia in alicuius libris exempli causa id nomen inuenerant, putarunt omnis mulieres quae coemptionem facerent ‘Gaias’ uocari. Iam illud mihi quidem mirum uideri solet, tot homines, tam ingeniosos, post tot annos etiam nunc statuere non potuisse utrum ’diem tertium’ an ‘perendinum,’ ‘iudicem’ an ‘arbitrum,’ ‘rem’ an ‘litem’ dici oporteret.
     Une foule de sages dispositions contenues dans nos lois ont été altérées et corrompues par la subtilité des jurisconsultes. Nos ancêtres avaient voulu que les femmes, à cause de la faiblesse de leur jugement, fussent toutes en puissance de tuteurs: les jurisconsultes ont inventé une espèce de tuteurs sous la dépendance des femmes. Nos aïeux ne voulaient pas que les sacrifices des familles tombassent en désuétude; pour les anéantir, le génie des jurisconsultes a institué des ventes simulées avec des vieillards. En un mot, dans tout le droit civil ils ont négligé l’équité pour s’en tenir à la lettre; à tel point que, pour avoir trouvé le nom de Caïa, cité comme exemple par un jurisconsulte, ils ont cru que le mariage par coemption donnait à toutes les femmes ce même nom de Caïa. Ce qui me surprend toujours, c’est que tant d’hommes ingénieux n’aient pu décider, depuis tant d’années, si l’on devait dire le troisième jour ou le surlendemain, le juge ou l’arbitre, l’affaire ou le procès.
     [13] XIII. (28) Itaque, ut dixi, dignitas in ista scientia consularis numquam fuit, quae tota ex rebus fictis commenticiisque constaret, gratiae uero multo etiam minus. Quod enim omnibus patet et aeque promptum est mihi et aduersario meo, id esse gratum nullo pacto potest. Itaque non modo benefici conlocandi spem sed etiam illud quod aliquamdiu fuit ‘Licet consulere?’ iam perdidistis. Sapiens existimari nemo potest in ea prudentia quae neque extra Romam usquam neque Romae rebus prolatis quicquam ualet. Peritus ideo haberi nemo potest quod in eo quod sciunt omnes nullo modo possunt inter se discrepare. Difficilis autem res ideo non putatur quod et perpaucis et minime obscuris litteris continetur. Itaque si mihi, homini uehementer occupato, stomachum moueritis, triduo me iuris consultum esse profitebor. Etenim quae de scripto aguntur, scripta sunt omnia, neque tamen quicquam tam anguste scriptum est quo ego non possim Qua de re agitur’ addere; quae consuluntur autem, minimo periculo respondentur. Si id quod oportet responderis, idem uideare respondisse quod Seruius; sin aliter, etiam controuersum ius nosse et tractare uideare.
     XIII. Aussi, je le répète, on ne peut regarder comme un titre au consulat une science qui est toute de vaines formules et de subtilités menteuses. Elle donne moins de droits encore à la faveur publique. Car c’est une arme mise à la portée de tous, qui peut servir également à mon adversaire et à moi, et qui n’exige aucune reconnaissance. Aussi avez-vous perdu non-seulement l’espoir de placer utilement vos services, mais encore l’importance de cette formule autrefois si imposante Vous pouvez consulter. On ne peut se faire un mérite d’une science qui, les jours de fête, n’est d’aucun usage ni dans Rome ni hors de Rome. Peut-on passer pour habile dans une chose que tout le monde sait, et sur laquelle on ne peut digérer d’opinion. Personne ne peut trouver difficile une science renfermée dans un petit nombre de livres connus de tous. Oui, tout occupé que je suis, pour peu que vous me poussiez à bout, en trois jours je me ferai jurisconsulte. Car enfin, tout ce qui est de formule est écrit, et ces formules ne sont pas tellement précises que je ne puisse y faire entrer ce dont il s’agit. Quant aux consultations, il n’y a jamais grand risque à courir si vous répondez juste, vous aurez répondu comme Servius; sinon, vous passerez pour un homme habile dans la connaissance du droit et de la controverse.
     (29) Quapropter non solum illa gloria militaris uestris formulis atque actionibus anteponenda est uerum etiam dicendi consuetudo longe et multum isti uestrae exercitationi ad honorem antecellit. Itaque mihi uidentur plerique initio multo hoc maluisse, post, cum id adsequi non potuissent, istuc potissimum sunt delapsi. Vt aiunt in Graecis artificibus eos auloedos esse qui citharoedi fieri non potuerint, sic nos uidemus, qui oratores euadere non potuerint, eos ad iuris studium deuenire. Magnus dicendi labor, magna res, magna dignitas, summa autem gratia. Etenim a uobis salubritas quaedam, ab eis qui dicunt salus ipsa petitur. Deinde uestra responsa atque decreta et euertuntur saepe dicendo et sine defensione orationis firma esse non possunt. In qua si satis profecissem, parcius de eius laude dicerem; nunc nihil de me dico, sed de eis qui in dicendo magni sunt aut fuerunt.      La gloire militaire n’est donc pas la seule qu’on doive préférer à vos formules et à vos procédures; le talent de la parole laisse bien loin derrière lui votre genre d’études, et je crois que la plupart des jurisconsultes ont commencé par la carrière de l’éloquence; mais que, désespérant d’y atteindre, ils se sont rabattus sur le droit. Semblables à ces musiciens grecs qui deviennent joueurs de flûte parce qu’ils ne peuvent être citharistes, bien des gens qui n’ont pu devenir orateurs se font jurisconsultes. L’étude de l’éloquence est difficile et sérieuse, mais elle procure de la considération et du crédit. A vous, jurisconsultes, ce sont des moyens de salut qu’on vient vous demander; mais à l’orateur, c’est le salut même. D’ailleurs vos oracles tombent souvent devant son plaidoyer, et n’ont de valeur que celle qu’il leur prête. Si j’avais été plus loin dans cet art, j’en ferais l’éloge avec plus de réserve; mais ce n’est pas de moi que je parle; je parle des grands orateurs que Rome a possédés autrefois et qu’elle possède encore aujourd’hui.
     [14] XIV. (30) Duae sunt artes (igitur) quae possunt locare homines in amplissimo gradu dignitatis, una imperatoris, altera oratoris boni. Ab hoc enim pacis ornamenta retinentur, ab illo belli pericula repelluntur. Ceterae tamen uirtutes ipsae per se multum ualent, iustitia, fides, pudor, temperantia; quibus te, Serui, excellere omnes intellegunt. Sed nunc de studiis ad honorem appositis, non de insita cuiusque uirtute disputo. Omnia ista nobis studia de manibus excutiuntur, simul atque aliqui motus nouus bellicum canere coepit. Etenim, ut ait ingeniosus poeta et auctor ualde bonus, ‘proeliis promulgatis pellitur e medio’ non solum ista uestra uerbosa simulatio prudentiae sed etiam ipsa illa domina rerum, ‘sapientia; ui geritur res, spernitur orator’ non solum odiosus in dicendo ac loquax uerum etiam ‘bonus; horridus miles amatur,’ uestrum uero studium totum iacet. ‘Non ex iure manum consertum, sed mage ferro’ inquit ‘rem repetunt.’ Quod si ita est, cedat, opinor, Sulpici, forum castris, otium militiae, stilus gladio, umbra soli; sit denique in ciuitate ea prima res propter quam ipsa est ciuitas omnium princeps.
     XIV. Deux professions peuvent élever un citoyen au plus haut rang dans l’estime publique, l’art militaire et l’éloquence. L’une maintient les avantages de la paix, l’autre écarte les périls de la guerre. Cependant il est d’autres genres de mérite d’un prix incontestable, tels que la justice, la bonne foi, la pudeur, que tout le monde, Sulpicius, remarque en vous à un degré éminent; mais je parle en ce moment des talents qui conduisent au consulat, et non du mérite individuel. Tous nos livres nous tombent des mains au premier bruit qui nous annonce la guerre. En effet, comme l’a dit un poète ingénieux et plein de sens, dès que le cri de guerre a retenti, «on voit aussitôt disparaître non-seulement votre fausse science, toute de vaines paroles, mais encore la vraie souveraine du monde, la sagesse; c’est la force qui décide; l’orateur n’est plus rien. Qu’il soit bavard ou éloquent, n’importe; c’est le farouche soldat que l’on aime.» Toute notre science devient nulle: «Ce n’est plus avec les formules du droit, ajoute le poète, c’est avec le fer qu’on demande justice.» S’il en est ainsi, Sulpicius, le barreau, je pense, doit le céder aux camps, la paix à la guerre, la plume à l’épée, l’ombre au soleil; enfin le premier rang dans Rome appartient à cet art qui a donné à la république le premier rang dans l’univers.
     (31) Verum haec Cato nimium nos nostris uerbis magna facere demonstrat et oblitos esse bellum illud omne Mithridaticum cum mulierculis esse gestum. Quod ego longe secus existimo, iudices; deque eo pauca disseram; neque enim causa in hoc continetur. Nam si omnia bella quae cum Graecis gessimus contemnenda sunt, derideatur de rege Pyrrho triumphus M. Curi, de Philippo T. Flaminini, de Aetolis M. Fului, de rege Perse L. Pauli, de Pseudophilippo Q. Metelli, de Corinthiis L. Mummi. Sin haec bella grauissima uictoriaeque eorum bellorum gratissimae fuerunt, cur Asiaticae nationes atque ille a te hostis contemnitur? Atqui ex ueterum rerum monumentis uel maximum bellum populum Romanum cum Antiocho gessisse uideo; cuius belli uictor L. Scipio aequa parta cum P. fratre gloria, quam laudem ille Africa oppressa cognomine ipso prae se ferebat, eandem hic sibi ex Asiae nomine adsumpsit.
      Mais, au dire de Caton, nous exagérons les services de Muréna, et nous oublions que, dans toute cette guerre de Mithridate, nous n’avons eu affaire qu’à des femmes. Je suis loin de partager cet avis, juges; et sans m’étendre sur ce sujet, qui est étranger à la cause, j’en dirai quelques mots. Si l’on doit n’avoir que du mépris pour toutes les guerres que nous avons eues avec les Grecs, ne faut-il pas tourner en dérision le triomphe de M. Curius sur Pyrrhus, de T. Flamininus sur Philippe, de M. Fulvius sur les Étoliens, de Paul Émile sur le roi Persée, de Q. Métellus sur le faux Philippe, de L. Mummius sur les Corinthiens? Mais si l’on est forcé de reconnaître l’importance de ces guerres, de ces victoires, pourquoi ce mépris pour les peuples asiatiques et pour un ennemi tel que Mithridate? Je lis dans nos annales que la guerre contre Antiochus est une des luttes les plus sanglantes qu’ait soutenues le peuple romain: et L. Scipion, qui a partagé avec son frère l’honneur d’avoir terminé cette guerre, a trouvé dans le surnom d’Asiatique la même gloire que le vainqueur de Carthage dans celui d’Africain.
     (32) Quo quidem in bello uirtus enituit egregia M. Catonis, proaui tui; quo ille, cum esset, ut ego mihi statuo, talis qualem te esse uideo, numquam cum Scipione esset profectus, si cum mulierculis bellandum arbitraretur. Neque uero cum P. Africano senatus egisset ut legatus fratri proficisceretur, cum ipse paulo ante Hannibale ex Italia expulso, ex Africa eiecto, Carthagine oppressa maximis periculis rem publicam liberasset, nisi illud graue bellum et uehemens putaretur.      C’est aussi dans cette guerre que se distingua M. Caton, votre bisaïeul; et cet illustre citoyen que je me représente avec le caractère que je vous connais, n’eût jamais accompagné Scipion, s’il avait cru n’avoir que des femmes à combattre. Et pour que le sénat ait engagé l’Africain à partir comme lieutenant de son frère, lui qui venait de chasser Hannibal de l’Italie et de le forcer à s’exiler de l’Afrique, lui qui par la ruine de Carthage avait délivré la république des plus grands périls, il fallait bien que cette guerre fût regardée comme importante et difficile.
     [15] XV. Atqui si diligenter quid Mithridates potuerit et quid effecerit et qui uir fuerit consideraris, omnibus quibuscum populus Romanus bellum gessit hunc regem nimirum antepones. Quem L. Sulla maximo et fortis simo exercitu, pugnax et acer et non rudis imperator, ut aliud nihil dicam, cum bello inuectum totam in Asiam cum pace dimisit; quem L. Murena, pater huiusce, uehementissime uigilantissimeque uexatum repressum magna ex parte, non oppressum reliquit; qui rex sibi aliquot annis sumptis ad confirmandas rationes et copias belli tantum spe conatuque ualuit ut se Oceanum cum Ponto, Sertori copias cum suis coniuncturum putaret.
     XV. Maintenant si vous considérez avec soin la puissance de Mithridate, ses actions et son caractère, assurément vous le mettrez au-dessus de tous les rois que le peuple romain a eus à combattre. C’est lui que Sylla, cet habile général, pour ne rien dire de plus, à la tête d’une armée nombreuse et aguerrie, après l’avoir irrité par une victoire, laissa sortir en paix de l’Asie ravagée par ses armées; c’est lui que L. Muréna, père de l’accusé, malgré la vigueur et l’opiniâtreté de ses attaques, repoussa sur presque tous les points, mais laissa encore debout; enfin c’est ce roi qui, après quelques années employées à réparer ses pertes et à rassembler de nouvelles forces, reparut si puissant et si redoutable, qu’il put se flatter un instant d’unir l’Océan avec le Pont, les troupes de Sertorius avec les siennes.
     (33) Ad quod bellum duobus consulibus ita missis ut alter Mithridatem persequeretur, alter Bithyniam tueretur, alterius res et terra et mari calamitosae uehementer et opes regis et nomen auxerunt; L. Luculli uero res tantae exstiterunt ut neque maius bellum commemorari possit neque maiore consilio et uirtute gestum. Nam cum totius impetus belli ad Cyzicenorum moenia constitisset eamque urbem sibi Mithridates Asiae ianuam fore putasset qua effracta et reuolsa tota pateret prouincia, perfecta a Lucullo haec sunt omnia ut urbs fidelissimorum sociorum defenderetur et omnes copiae regis diuturnitate obsessionis consumerentur. Quid? illam pugnam naualem ad Tenedum, cum contento cursu acerrimis ducibus hostium classis Italiam spe atque animis inflata peteret, mediocri certamine et parua dimicatione commissam arbitraris? Mitto proelia, praetereo oppugnationes oppidorum; expulsus regno tandem aliquando tantum tamen consilio atque auctoritate ualuit ut se rege Armeniorum adiuncto nouis opibus copiisque renouarit.
     Deux consuls furent chargés de la conduite de cette guerre: l’un devait poursuivre Mithridate, l’autre couvrir la Bithynie. Les échecs essuyés par le second sur terre et sur mer ne firent qu’augmenter encore la puissance et la gloire de ce roi. Mais Lucullus obtint de si brillants succès, qu’on ne peut citer de campagne plus importante et qui ait été conduite avec plus de prudence et de courage. En effet, lorsque tout l’effort de la guerre s’était concentré autour des murs de Cyzique, place que Muréna regardait comme la clef de l’Asie, et dont la prise et la ruine devaient lui ouvrir l’entrée de la province, Lucullus prit si bien ses mesures qu’il garantit de tout péril une ville alliée, et réduisit en même temps l’armée du roi à s’épuiser dans les longueurs d’un siège inutile. Et ce combat naval de Ténédos, lorsque, sous les ordres des chefs les plus intrépides, la flotte ennemie, voguant à pleines voiles, s’avançait vers l’Italie, enflée d’ardeur et d’espérance; croyez-vous que ce n’ait été qu’une simple rencontre et que le succès n’ait pas été disputé? Je passe sous silence de nombreux combats et des sièges fameux. Chassé enfin de ses États, Mithridate eut encore la puissance et l’adresse d’attacher à ses intérêts le roi d’Arménie, et de trouver de nouvelles ressources pour relever sa fortune.
     [16] XVI. Ac si mihi nunc de rebus gestis esset nostri exercitus imperatorisque dicendum, plurima et maxima proelia commemorare possem; sed non id agimus.
XVI. Si j’avais à parler ici des exploits de notre armée et de son général, il me serait facile de vous rappeler un grand nombre de combats glorieux; mais ce n’est point de cela qu’il s’agit.
     (34) Hoc dico: Si bellum hoc, si hic hostis, si ille rex contemnendus fuisset, neque tanta cura senatus et populus Romanus suscipiendum putasset neque tot annos gessisset neque tanta gloria L. (Lucullus), neque uero eius belli conficiendum exitum tanto studio populus Romanus ad Cn. Pompeium detulisset. Cuius ex omnibus pugnis, quae sunt innumerabiles, uel acerrima mihi uidetur illa quae cum rege commissa est et summa contentione pugnata. Qua ex pugna cum se ille eripuisset et Bosphorum confugisset quo exercitus adire non posset, etiam in extrema fortuna et fuga nomen tamen retinuit regium. Itaque ipse Pompeius regno possesso ex omnibus oris ac notis sedibus hoste pulso tamen tantum in unius anima posuit ut, cum ipse omnia quae tenuerat, adierat, sperarat, uictoria possideret, tamen non ante quam illum uita expulit bellum confectum iudicarit. Hunc tu hostem, Cato, contemnis quocum per tot annos tot proeliis tot imperatores bella gesserunt, cuius expulsi et eiecti uita tanti aestimata est ut morte eius nuntiata denique bellum confectum arbitrarentur? Hoc igitur in bello L. Murenam legatum fortissimi animi, summi consili, maximi laboris cognitum esse defendimus, et hanc eius operam non minus ad consulatum adipiscendum quam hanc nostram forensem industriam dignitatis habuisse.
     Je soutiens seulement que si cette guerre, si cet ennemi, si ce roi avaient été à mépriser, le sénat et le peuple romain n’auraient pas attaché tant d’importance à entreprendre cette expédition, et mis une telle persévérance à la continuer pendant tant d’années; Lucullus n’y aurait pas acquis tant de gloire, et le peuple romain ne se serait pas si fort empressé de confier le soin de la terminer à Pompée, qui, de tous les combats qu’il a livrés, n’en a jamais soutenu un plus terrible et où la victoire ait été plus disputée que celui où il eut pour adversaire Mithridate en personne. Ce prince, échappé au désastre, s’enfuit vers le Bosphore, où notre armée ne pouvait pénétrer; et dans sa fuite même et au comble de l’infortune, il conserva toujours le titre de roi. Aussi Pompée, après s’être emparé de son royaume, après l’avoir chassé de tous ses ports et de toutes ses retraites, regardait l’existence de cet ennemi comme si redoutable, que, malgré la victoire qui lui avait livré tous les États, toutes les conquêtes, toutes les espérances de Mithridate, il ne crut la guerre véritablement terminée que lorsque ce prince eut cessé de vivre. Et c’est là l’ennemi que vous méprisez, Caton, ce roi que tant de généraux ont combattu tant de fois et pendant tant d’années; un roi qui, fugitif et dépouillé de tous ses États, inspirait encore tant de crainte, qu’on ne crut la guerre terminée qu’en apprenant sa mort. Oui, je soutiens que, dans cette guerre, Muréna s’est distingué comme un lieutenant du plus grand courage, d’une haute prudence, et d’une infatigable activité, et que de tels services lui ont donné au consulat des titres aussi honorables que nos fonctions civiles du forum.

Source de la version française: Le site de L’antiquité grecque et latine de Philippe Remacle et alii, http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/murena.htm.
Sources: Le texte mis en ligne par François Jousset sur son site Stampae, dans une très belle édition en mode image.
 
   
     
BIBLIOGRAPHIE
 
Éditions

     1) Claudius QUATIGRANUS legatus Tempensis (Claude CASSEGRAIN, lieutenant général du bailliage d’Étampes), « Versus de Tempensium jure municipali conscripto», in Christophe (Christoffe, Christophle, Christofle, Chrestofle) de THOU (1508-1582), Barthélémy FAYE (ou FAÏE) & Jacques VIOLE (1517-1584) [éd.], Coustumes des bailliage et prevosté d’Estampes, anciens ressorts & enclaves d’iceluy bailliage, redigées & arrestées, au moy de Septembre mil cinq cens cinquante six, par ordonnance du roy rédigées en 1556 [4+60 folios; avec un poème en latin de Claude CASSEGRAIN, lieutenant-général d’Étampes], Paris, Jean Dallier, 1557, pp. III-IV.

     2) François JOUSSET [éd.], «Coutumes des baillages et prévosté d’Etampes» [édition en mode texte], in Stampae, 2006,  http://www.stampae.org/plugins/diaporama/diaporama.php?lng=fr&diapo_id=6&diapo_page=2 & page=3, 2006, pp. 2 & 3.

      3) Bernard GINESTE [éd.], 
«Claudius Quatigranus (Claude Cassegrain): Versus de Tempensium jure municipali conscripto (Poème sur la rédaction des Coutumes d’Etampes, 1556)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-16-quatigranus1556versus.html, 2006.

Sur Claude Cassegrain

     Claude CASSEGRAIN (licencié en droit, lieutenant général du bailliage et  gouverneur d’Étampes, †1562), Information faite à la demande du roi auprès des bourgeois d’Étampes sur la propriété et le fonctionnement du port [51 feuillets écrit], 1557, conservé aux Archives municipales d’Étampes sous la cote AA 126.

     PARLEMENT DE PARIS, Arrêt du du 21 novembre 1562 portant condamnation à mort de Claude Cassegrain [aujourd’hui perdu selon DUPIEUX 1930; cité par SECOUSSE 1743, t. IV, pp. 94 & 122]
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     BIGAUT DE FOUCHÈRES (ancien conseiller de la cour d’appel d’Orléans, †1881), Tablettes historiques d’Étampes et de ses environs [in-8°; extrait de l’Abeille d’Étampes (2 janvier 1895-8 avril 1876)], Étampes, A. Allien, 1876, p. 49.


     
Denis-François SECOUSSE [éd. (d’après Barbier)], Mémoires de Condé, ou recueil pour servir à l’histoire de France, contenant ce qui s’est passé de plus mémorable dans le Royaume, sous le règne de François II et sous une partie de celui de Charles IX, où l’on trouvera des preuves de l’Histoire de M. de Thou, augmentés d’un grand nombre de pièces curieuses qui n’ont jamais été imprimées [5 vol.], Londres, C. Du Bosc et G. Darrès, 1743, t. IV, pp. 94 & 122 [selon DUPIEUX 1930].

     Jean-Marie ALLIOT (1848-1927), Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes [in-8°; XXVI+162 p.], Paris, Alphonse Picard, 1888 [dont une réédition numérique en mode texte BNF, 2001, mise en ligne sur son site Gallica en 2006; dont une réédition numérique en mode texte par Bernard GINESTE, in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-15-cartulairedenotredamedetampes.html, 2005-2006], p. 145.

     Le bailli d’Etampes devait être à cette époque (1554) Nicolas de Herbelot, sieur de Ferrières, qui fut à la fois bailli et gouverneur d’Etampes. — Le lieutenant du bailli était alors Jean Cassegrain, d’une famille dont plusieurs membres exercèrent des fonctions publiques à Etampes. Les Cassegrain se montrèrent presque toujours favorables aux chapelains contre les chanoines dans la longue querelle qui divisa le clergé de Notre-Dame.

     Paul DUPIEUX, «La Défense militaire d’Etampes au XVIe siècle» in Revue de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise 32 (1930), pp. 273-289 [dont un extrait (in-4°; 19 p.), Versailles, J.-M. Mercier, 1930, apparemment imprimé seulement en 1932; dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-67123, pp. 273-289, en ligne en 2005; dont une réédition numérique en mode texte par Bernard GINESTE, in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-dupieux1930defense.html, 2005.

     Les officiers royaux déployèrent beaucoup d’activité, d’autant plus peut-être qu’ils redoutaient à la fois les huguenots et les mercenaires étrangers. Seul Claude Cassegrain, lieutenant général du bailliage, avait gagné le camp des rebelles, Il fut condamné à être pendu, par arrêt du Parlement du 21 novembre 1562 (38).
(38) A «estre pendu et estranglé, disait l’arrêt aujourd’hui perdu, à potences croisées, qui seront mises et plantées en la place des Halles de cette ville de Paris». (Mém. de Condé, t. IV, p. 94. Voir aussi p. 122). — Cf. De Bigault de Fouchères, Tables historiques sur Etampes, p. 49.

     Marie-Anne CHABIN [archiviste-paléographe, directrice des Archives départementales de l’Essonne], Inventaire des Archives anciennes d’Étampes. Répertoire numérique et Index. 400 articles. 4 m.l. Documents conservés aux Archives municipales d’Étampes [cahier de 60 folios dactylographiés par Monique Rosier], Corbeil, Archives départementales de l’Essonne, 1990 [dont un exemplaire conservé aux Archives Municipales d’Étampes, où ont été ajoutés manuellement 4 nouveaux articles; dont une réédition numérique en mode texte par Bernard GINESTE, Corpus Étampois, in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/ cbe-20-ame-aa1990chabin.html, 2005.

      Cet inventaire mentionne sous le n°126 d’une liasse de 51 feuillets écrits sous le titre de «Information faite à la demande du roi par Claude Cassegrain, licencié en droit, lieutenant général du bailliage et gouverneur d’Étampes, auprès des bourgeois d’Étampes sur la propriété et le fonctionnement du port, 1557.»

     François JOUSSET [éd.], «Coutumes des baillages et prévosté d’Etampes» [édition en mode texte], in Stampae, 2006,  http://www.stampae.org/plugins/diaporama/diaporama.php?lng=fr&diapo_id=6&diapo_page=2 & page=3, 2006, pp. 2 & 3 [première édition en ligne de ce poème].

      Bernard GINESTE [éd.], «Claudius Quatigranus (Claude Cassegrain): Versus de Tempensium jure municipali conscripto (Poème sur la rédaction des Coutumes d’Etampes, 1556)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-16-quatigranus1556versus.html, 2006.

     Merci de nous communiquer tout autre donnée disponible sur Claude Cassegrain.
    
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