Corpus Latinum Stampense
 
Renaud Lebrun
Legs à Notre-Dame d’Étampes
26 septembre 1311 
     
  Titre de la clause du testament de Renaud Lebrun copiée dans le cartulaire de Notre-Dame d'Etampes (folio 46 recto)
Titre de la copie conservé par le Cartulaire de Notre-Dame (fin XVe siècle)
 
     Le 26 septembre 1311 Renaud Lebrun fit son testament, dont une clause précisait la nature et les conditions d’un legs à la collégiale Notre-Dame d’Étampes, où sa veuve devait surveiller la constitution d’une nouvelle chapellenie.

     Saisir des textes anciens est une tâche fastidieuse et il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.

  

Renaud Lebrun
Legs à Notre-Dame d’Étampes
26 septembre 1311 


1. Introduction

     Le 26 septembre 1311, un certain Renaud Lebrun fit son testament qui contenait entre autres clauses un legs à la collégiale Notre-Dame d’Étampes, sous le sceau du doyen de la chrétienté d’Étampes.

     Le 8 novembre 1317 une copie conforme de ladite clause fut délivrée par le lieutenant du doyen de la chrétienté d’Étampes, Jean Curci, après que le doyen eut lui-même consulté et vérifié le texte original du testament.

     Vers la fin du XVe siècle enfin, dans le cadre de la reconstitution des possessions des biens du chapitre très appauvri par la guerre de Cent Ans, une copie de cette copie fut intégrée au Cartulaire de Notre-Dame, qui est actuellement conservé aux Archives départementales de l’Essonne.

     Ce texte a déjà été édité en 1888 par l’abbé Alliot, lorsque, sous les auspices de la Société historique et archéologique du Gâtinais, il a publié tous les articles du cartulaire de Notre-Dame qui n’avaient pas déjà été édités par dom Basile Fleureau deux siècles plus tôt. Cette première édition n’est pas sans présenter de légères inexactitudes. Elles sont sans grandes conséquences cependant pour la compréhension générale du texte, et c’est pourquoi nous renvoyons en annexe nos observations relatives à l’établissement du texte.

Données externes sur Renaud Lebrun

     Qui était Renaud Lebrun? C’est ce qu’à cette heure nous ne savons pas très bien. Allliot, premier éditeur de notre charte, suppose un peu gratuitement qu’il appartenait à une hypothétique
classe moyenne”, sans doute parce qu’il n’est qualifié ni clerc ni chevalier.

     Que savons nous de lui, à part ce que nous en dit notre document? Peu de chose à la vérité. Les données sont pour l’instant éparses et difficiles à coordonner. Seule l’étude à venir d’autres sources du XIVe siècle étampois permettra d’avancer sur ce dossier.

     Cependant nous avons déjà édité en ligne les registres conservés de la censive des dames de Longchamp à Étampes de 1267 à 1323, où on on trouve bien ce Renaud Lebrun mentionné comme censitaire en 1298 et 1300, puis comme ancien tenancier en 1323.

     Le censier de Longchamp 1298 le mentionne comme tenant une vigne au champtier de Landreilles moyennant un cens de trois deniers. Deux ans plus tard, celui de 1300 ne mentionne plus cette parcelle que comme une terre. A la génération suivante, la dite parcelle, si c’est bien la même, est à nouveau qualifié terre. Le cens en est passé à quatre deniers et demi, ce qui suppose une légère augmentation de la superficie de la parcelle avant le décès de Renaud Lebrun. Elle est désormais détenue parmi d’autres par un certain Philippe de Saclas.
     Censier de Longchamp pour 1298, édition Gineste, n°132: “Renaut Lebrun. Pour sa vingne de Landreilles, III d.”; censier pour 1300, édition Gineste, n°146: “Renaut Le Brun. Pour V quartiers de terre en Landreilles, III d.”; censier pour 1323, édition Gineste n°124: “Item, Phellipot de Saclois. Pour sa vigne des Lendreilles, XXVIII d.; item, pour ses terres joignant, III s.; item, pour la terre qui fu Bonnet Bourgueigniau, III s.; item, pour la terre qui fu Regnaut le Brun, IIII d. ob.”
Données internes sur Renaud Lebrun

     Que nous apprend maintenant lui-même cet extrait de testament sur la personne de son auteur? Ce n’est pas un clerc, puisqu’il est marié.

     Est-ce un chevalier? Cela ne nous est pas précisé, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il n’en soit rien.

     D’un autre côté nous voyons que de son vivant il détenait certains biens dont la possession entraînait  tout ce qui découle de la seigneurie (dominium), à savoir et entre autres
l’exercice de la justice (justitia), et la perception du cens (census) mais aussi et surtout tous les prélèvement seigneuriaux (emolumenta, commoda) qui s’exercent à l’occasion des ventes (ventas), des entrées en possession (saisinas) ou de l’exercice de l’autorité publique, amendes (emendas) et monnayages des autorisations seigneuriales (laudas),

     Reste à déterminer quel était son degré de fortune, qui probablement n’était pas négligeable. Alliot suppose un peu arbitrairement, nous l’avons dit, qu’il appartiendrait à une hypothétique “classe moyenne”, notion bien vague. Quelles sont les données du texte lui-même? Rappelons qu’il ne s’agit pas du son testament lui-même, mais d’un simple extrait relatif à une donation, qui n’était peut-être pas la seule faite par le testateur. Il s’agit en l’occurence d’un ensemble de cens dont le revenu global annuel se montait à 9 livres, 5 sous et 11 deniers.

Nature et forme du legs


     Cette rente était constituée de deux cens bien distinct, l’un qui se percevait à la saint Rémi, c’est-à-dire le 1er octobre, après les vendanges, et l’autre huit jours plus tard, à la saint Denis, c’est-à-dire le 9 octobre.

     Le premier était constitué, d’une part, de
soixante-dix-huit sous de rente sur les vignes de Hazèle, et d’autre part de cinq sous et trois deniers de cens sur cinq quartiers de vigne au même lieu, que Renaud Lebrun exploitait personnellement. Il semble donc que le lieu-dit  étampois Hazèle, non encore identifié à ce jour, contituait une censive aux mains de Renaud Lebrun, qui n’en exploitait lui-même que cinq quartiers, au titre de la réserve seigneuriale.

     Le deuxième de ces cens, qui se percevait comme on vient de le voir huit jours plus tard, était assis sur un ensemble de biens beaucoup plus hétéroclite dans plusieurs champtiers non identifiés sauf pour l’un d’entre eux qui est bien connu, à savoir Bédegon.

     Pour la plupart de ces biens il est précisé qu’ils sont tenus en main-morte, amortizati, et sans doute est-ce le cas aussi les rares fois où cela n’est pas mentionné. Le plus souvent, la notion de main-morte évoque la situation de bien tombés entre les mains de communautés ecclésiastiques, et qui dès lors échappent au cycle des mutations telles que les ventes, les échanges ou les transmissions par héritages. On sait que ce n’était pas sans graves inconvénients pour la société et spécialement pour le système féodal, qui voyait ainsi se tarir une de ses principales sources de revenus, à savoir les droits perçus à l’occasion de ces mutations.

     Il semble donc bien que cette précision se rapporte à la nature de la donation, le donateur ne réservant aucun des droits seigneuriaux qu’il exerçait sur eux en temps que seigneur, ce qui n’était pas toujours le cas, parce qu’on pouvait très bien donner un bien à une communauté ecclésiastique tout en s’y réservant par exemple les droits relatifs à la justice seigneuriale.

4) Localisation et identification des biens en question

     Pour l’heure, la localisation des biens dont il est question est difficile, hormis le cas du site de Bédegon, dont la toponymie actuelle conserve encore le souvenir dans le nom de la rue Saint-Jacques-de-Bezegond.

     Il est cependant à espérer et même à croire que l’exploration du quatorzième siècle étampois, tout à fait en friche aujourd’hui, comblera rapidement ces lacunes de notre documentation.

     1) Les vignes de Harèle ou de Hazèle (avec une belle alternance à deux lignes d’intervalle du R et du Z intervocaliques longtemps caractérique du parler beauceron), ne sont pas encore localisées.
     2) La vigne Monache pas davantage.
     3) La vigne de l’Épine-Ronde non plus; ce toponyme est bien représenté pourtant ailleurs un peu partout en France, et encore de nos jours.
     4) De même pour la vigne de Champ-Thibaud.
     5) La maison de Richard Latouffe et de sa femme ne l’est pas davantage et l’intéressé n’est pas encore signalé dans la documentation actuellement disponible sur le XIVe siècle étampois.
     6) En revanche, comme on l’a dit, le lieu-dit Bédegon ou il est question de terres, de vignes et d’autres biens, est bien localisé depuis le début du XIIe siècle jusqu’à nos jours puisque c’est-là que se situait la chapelle de Saint-Jacques de Bédegond dont le nom d’une rue conserve encore aujourd’hui le souvenir.

     Ces quatre vignes non localisées, Harèle, Monache,
Épine-Ronde et Champ-Thibaud, ainsi que la maison de Richard Latouffe, se trouvaient peut-être tous dans le même secteur environnant Bédegon; car nous voyons en 1500 que les chanoines de Notre-Dame possèdent autour de Bédegon, une assez vaste censive comprenant notamment tout le secteur triangulaire qui est compris entre les deux chemins de Paris que sont aujourd’hui l’avenue de de Paris et la rue Van-Loo, secteur où se sont érigés un certains nombre de maisons à la fin du moyen-âge, et qui n’était peut-être que constitués de vignes en 1311.

Bernard Gineste
31 juillet 2011.
     Alliot, Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes, Paris, Picard, 1888, p.XXIII (au § 11 de son Introduction), veut y voir, pour des raisons un peu idéologiques, le représentant d’une hypothétique “classe moyenne” à une époque où le bon peuple savait où était son devoir: “J’y trouve également, au nombre des fondateurs et des bienfaiteurs, les noms de Jean Bourginel, de Regnault Lebrun, des frères Hué, de Guillaume Célérier, qui tous appartenaient à la classe moyenne, pour ne pas dire populaire, et qui donnaient partie de leurs biens temporels à l’église, afin de sauver leur âme et d’acheter le ciel! Ah! c’est qu’on n’avait pas encore appris aux petits et aux humbles à se passer de Dieu; à croire que tout finit ici-bas; on ne leur avait pas encore dit que le prêtre était leur ennemi, l’église leur spoliatrice; on n’avait pas encore soufflé au cœur du peuple la haine, le mépris, l’indifférence, l’irréligion, l’impiété!”

 Titre de la clause du testament de Renaud Lebrun copiée dans le cartulaire de Notre-Dame d'Etampes (folio 46 recto)

2. Texte et traduction

Fondation par des cens.
[Annotation marginale moderne:] Fondation par des cens.
Clausula testamenti deffuncti Reginaldi Lebrun de censu dato per ipsum [(raturé:) dat] ad capitulum Beate Marie Stampensis. [Titre de la copie du XVe siècle] Clause du testament de feu Renaud Lebrun, relative au cens donné par ce dernier au chapitre de Notre-Dame d’Étampes.
Clausula ista continetur in testamento defuncti Reginaldi Bruni sub sigillo decani christianitatis Stampensis transcripta in hec verba.
[Titre de la copie de 1317] La clause qui suit est contenue dans le testament de feu Renaud Lebrun qui a été rédigé, sous le sceau du doyen de la chrétienté d’Étampes, dans les termes suivants.
Item. Ceterum idem testator leg†...† certas summas pecunie annui et perpetui census infra scriptas ad opus et fundacionem unius perpetue cappellanie in ecclesia Beate Marie Stampensis instituende, modo quo inferius expressum est fundende, videlicet:
[Extrait du testament de 1311] En outre, pour le reste, le dit testateur a légué (?) un cens annuel et perpétuel formé de certaines sommes d’argent  précisées ci-après, pour les besoins et la fondation d’une seule chapellenie à instituer au sein de l’église Notre-Dame d’Étampes, qui doit être fondée de la manière indiquée ci-après, à savoir:
septuaginta et octo solidos [(raturé:) censuales] censuales, quos habet super vineis de Hazele amortizatos.
Soixante-dix-huit sous de cens qu’il détient sur les vignes de Hazèle, en main-morte.
Quinque solidos et tres denarios censuales super quinque quarteriis vinee in eodem loco de Harele, que ipsemet  possidet et debebur [sic] hujus [sic (hujusmodi)] census annuatim in festo sancti Remigii et sunt amortizati. ― Cinq sous et trois deniers de cens, sur cinq quartiers de vigne au même lieu de Harèle [sic] qu’il tient lui-même. Et ce cens se règle chaque année à la fête de saint Rémi. Et ils sont en main-morte.
Item quinque solidos pariensienses [sic (super)] super vinea dicta Monache amortizatos.
― En outre, cinq sous parisis sur la vigne appelée Monache, en main-morte.
Item octo solidos super vinea sua de Spina Rotonda amortizatos.
― En outre, huit sous sur sa vigne de l’Épine-Ronde, en main-morte.
Item quinquaginta [(raturé:) et] et novem solidos et octo denarios censuales amortizatos super terris, vineis et rebus aliis apud Bedegon existentibus.
― En outre, cinquante-neuf sous et huit deniers de cens en main-morte sur des terres, des vignes et d’autres biens situés à Bédegon.
Item sexdecim solidos super vinea de campo Teobaldi censuales amortizatos.
― En outre, seize sous de rente sur la vigne de Champ-Thibaud, en main-morte.
Item quatuordecim solidos censuales amortizatos super domo Richardi la Touffe et ejus uxoris, et debetur hujusmodi census secundus annuatim in festo sancti Dyonisii
― En outre, quatorze sous de rente en main-morte sur la maison de Richard Latouffe et de son épouse. Et ce deuxième cens se règle chaque année à la fête de saint Denis.
Ad cujusmodi cappellaniam perpetuam instituetur capellanus in prefata ecclesia perpetuus, ad ipsam deserviens missam cellebrandro per singulas ebdomadas per quinque dies.
Pour cette chapellenie perpétuelle on instituera un chapelain perpétuel dans la dite église pour la desservir en célébrant la messe cinq jours par semaine.
Quem cappellanum ibidem instituere tenebitur uxor ejusdem testatoris statim post biennium a tempore mortis ejusdem.
L’épouse du dit testateur sera tenue d’instituer au dit lieu un chapelain deux ans exactement après sa mort.
Percipiet autem dictus cappellanus redditus predictos per manum predicte uxoris sue quandiu ipsa vivet; et postea per manum provisorum fabricis [sic (fabrice)] ecclesie Beate Marie Stampensis [f°45v°] predicte, videlicet: pro qualibet missa quam cellebrabit de predictis quinque missis per ebdomadam, sex denarios parisienses, et qualibet die pro matutinis duos denarios.
Le dit chapelain recevra les dits revenus de la main de la susdite épouse tant qu’elle vivra, et ensuite de la main des prévôts de la fabrique dela susdite église Notre-Dame d’Étampes, à savoir, pour chacune des cinq messes hebdomadaires qu’il célébrera, six deniers parisis, et deux deniers pour les matines de quelque jour que ce soit.
Predicta quidem uxor ipsius testatoris quo ad vixerit, et post ejus mortem, predicti provisores, nomine fabrice ecclesie Beate Marie Stampensis omnia emolumenta, venta [sic (ventas)], saisinas, emendas, laudas, et omnia commoda et dominium atque justiciam habebunt.
La susdite épouse du dit testateur, tant qu’elle vivra, et après sa mort les susdits prévôts au nom de la fabrique de l’église Notre-Dame d’Étampes jouiront de tous les avantages, taxes sur les ventes et entrées en possession, amendes, taxes sur les autorisations seigneuriales et tous les profits, ainsi que de l’autorité et de la juridiction seigneuriales.
Itaque nihil aliud quin pretaxatas summas censuales, cappellanus habebit.
Ainsi donc le chapelain ne jouira de rien d’autre que des cens dont les montants viennent d’être précisés.
Dicta autem uxor hec omnia nomine suo habebit, et post modum provisores, nomine fabrice, ut premissum est.
C’est la dite épouse qui jouira de tous ces droits en son propre nom, et ensuite les prévôts au nom de la fabrique, comme il été dit précédemment.
Omni enim die qua capellanus in predictis [(raturé:) offis] officiis, sive in missa cellebranda deffecerit, sive ad matutinas non interfuerit, debita sibi solucio, videlicet pro unaquaque missa sex denarii et pro matutinis duo denarii ad opus fabrice predicte aplicabitur, sive tempore quo vivet dicta uxor, sive tempore subsequenti.
En effet, pour chaque jour où le chapelain manquera à ses obligations, que ce soit à la célébration des messes ou en ne se présentant pas aux matines, le règlement qui lui est dû pour chaque messe, soit six deniers, et pour chaque office de matines, soit deux deniers, sera employé aux besoins de la susdite fabrique, que ce soit du vivant de la dite épouse ou pour le temps qui suivra.
Sed si contingat dictam uxorem vel post modum provisores predictos, cappellanum predictum super suis redditibus et salucionibus [sic (solucionibus)], modis quibus supra sibi faciendis molestare, satifacere [sic (satisfacere)], sibi nolle vel in aliquo defraudare velle aut gravare justiciam, dominium, commoda et emolumenta predicta reddituum predictarum amittant, ad predictum cappellanum pleno jure perpetuo devolvenda.
Mais s’il arrivait que la dite épouse ou ensuite les susdits prévôts maltraitent le susdit chapelain au sujet de ses revenus et des règlements qu’il faut lui faire comme précisé ci-dessus, qu’ils refusent de lui rendre justice ou qu’ils veuillent le frustrer de quelque manière que ce soit, ou lui causer des difficultés, qu’ils perdent le droit de justice, la seigneurie, les avantages et les émoluments susdits relatifs aux susdits revenus,  qui reviendraient alors de plein droit et à perpétuité au susdit chapelain.
Et idem sic, si provisores onus distribuendi redditus predictos modis quibus supra dicto capellano subire recusent.
Et qu’il en soit de même si les prévôts refusent de s’acquitter de la charge de distribuer les dits revenus au dit chapelain comme précisé ci-dessus.
Acta sunt hec, vocata et presente, consentiente et ratum habente dicta uxore dicti testatoris.
Tout cela a été conclu après convocation et en présence de la dite épouse du dit testateur, avec son accord et son agrément.
Data vero dicti testatoris sic est. Datum anno Domini M° CCC° XI°, die dominica post festum beati Mathei apostoli.
[Conclusion de la copie de 1317] Et voici la date donnée par le dit testateur: Donné l’an du Seigneur 1311 le dimanche [26 septembre] après la fête de l’apôtre saint Matthieu [mardi 21 septembre].
Collacio hujusmodi scriba [sic (scripta)] per Johannem Curci, locum tenentem decani christianitatis Stampensis, anno Domini M°CCC° decimo septimo, die martis ante hiemale festum beati Martini.
Cette copie-ci rédigée par Jean Curci, lieutenant du doyen de la chrétienté d’Étampes, l’an 1317, le mardi [8 novembre] avant la fête de saint Martin d’hiver [vendredi 11 novembre].
Nos quoque decanus Stampensis dictum testamentis [sic (testamentum)] vidimus, palpavimus, et legimus. Clausulam hujusmodi in hiis scriptis duximus, salvo jure cujuslibet, redigendam, anno et die ultimo dictis.
Nous aussi doyen d’Étampes avons vu, palpé et lu le dit testament. Nous avons jugé bon de recopier la dite clause dans le présent acte, sous réserve du droit d’autrui, les an et jour donnés en dernier lieu.

Titre de la clause du testament de Renaud Lebrun copiée dans le cartulaire de Notre-Dame d'Etampes (folio 46 recto)

3. Remarques sur le texte, et sur l’édition Alliot de 1888

     L’édition d’Alliot, sans être franchement mauvaise, porte de nombreuses marques d’inattention et de précipitation. L’auteur ne s’attache visiblement pas à comprendre tous les détails du texte jusque dans ses plus infimes détails grammaticaux, ce qui se traduit par des ponctuations aberrantes et des résolutions incorrectes d’abréviations. Ce manque de soin est d’autant plus regrettable qu’il se cumule parfois à celui du copiste, auteur du cartulaire de Notre-Dame, dont il faut, pour bien établir le texte original, comprendre les fautes et expliquer les travers.

     L’auteur du cartulaire
confond curieusement deux fois les sons T et B (debebur pout debetur, et scriba pour scripta). Il altère super en par(isienses). A deux reprises, par pure négligence, il porté erronément l’abréviation correspondant au -is final (fabricis pour fabrice, testamentis pour testamentum).

     Alliot ne paraît pas s’apercevoir de ces coquilles du  copiste qu’il semble corriger sans s’en apercevoir excepté dans un cas spectaculaire (scriba pour scripta). I
l corrige par exemple en -tio les substantifs qu’on écrit alors en -cio, alors qu’il respecte pour d’autres chartes l’orthographe du temps. Inversement il ne corrige pas d’autres fautes qui produise pourtant des non-sens. Par exemple dans salucio il corrige le le C et T, correction qui ne s’impose pas, et néglige de corriger le A en O.

      
Une autre fois, comme on l’a dit, le copiste a mis par(isienses) au lieu de super. Alliot a bien vu qu’il manquait une préposition et restitue alors erronément la préposition in, contre l’usage de l’auteur, et sans voir que la précision par(isienses), “parisis”, est dans le contexte à la fois bizarre et isolée.

Titre de la clause du testament de Renaud Lebrun copiée dans le cartulaire de Notre-Dame d'Etampes (folio 46 recto)
     Un autre mot écrit vaguement par le copiste, qui sans doute n’a pu lui même déchiffrer clairement l’original, est lu par Alliot legaverit, en quoi il est dificile de le suivre au regard du manuscrit (voyez ci-dessous), et ne satisfait pas non plus le contexte grammatical. Pour ma part j’ai renoncé à identifier l’intégralité du mot dont les seules trois premières lettres sont lisibles, leg-.
 
     Ailleurs, Alliot n’a pas reconnu le I de Item et l’a donc passé sous silence.

     D’une manière générale donc, le travail d’édition de l’abbé Alliot, méritoire à bien des égards, est bon, sans être parfait, et peut être amélioré sensiblement, sans qu’il en découle cependant de conséquence bien spectaculaires pour cette charte-ci.

     Je donne ci-après comparaison des textes établis par Alliot (1888) et par moi-même (2011) avec possibilité de télécharger deux clichés des folios considérés du Cartulaire conservé à Chamarande, pour que chacun puisse se faire son idée des problèmes qui se posent en ce domaine, et, dans l’édition juxtalinéaire suivante de son texte et du mien, j’ai porté
en rouge les différences de lecture .

 
Titre de la clause du testament de Renaud Lebrun copiée dans le cartulaire de Notre-Dame d'Etampes (folio 46 recto)


Édition Alliot (1888)
Édition Gineste (2011)
Notes (Gineste, 2011)
Clausula testamenti deffuncti Reginaldi Lebrun de censu dato per ipsum ad capitulum Beate Marie Stampensis. Clausula testamenti deffuncti Reginaldi Lebrun de censu dato per ipsum [(raturé:)dat.] ad capitulum Beate Marie Stampensis. C’est le titre donné à cet extrait par l’auteur du Cartulaire..
Clausula ista continetur in testamento defuncti Reginaldi Bruni sub sigillo decani christianitatis Stampensis transcripta in hec verba.
Clausula ista continetur in testamento defuncti Reginaldi Bruni sub sigillo decani christianitatis Stampensis transcripta in hec verba.
C’est le titre et entrée en matière de l’extrait opéré en 1317 au vu du texte original du manuscrit de 1311.
Ceterum idem testator legaverit certas summas [p.88] pecunie annui et perpetui census infra scriptas ad opus et fundationem unius perpetue cappellanie in ecclesia Beate Marie Stampensis instituende, modo quo inferius. Expressum est fundende, videlicet:
Item. Ceterum idem testator leg†...† certas summas pecunie annui et perpetui census infra scriptas ad opus et fundacionem unius perpetue cappellanie in ecclesia Beate Marie Stampensis instituende, modo quo inferius expressum est fundende, videlicet: Alliot n’a pas identifié et donc passé sous silence le “I” de “Item” qui introduisait dans le testament original la clause recopiée en 1317.Il corrige machinalement l’orthographe usuelle au XIVe siècle (-ci- pour -ti-). Sa ponctuation aberrante marque qu’il ne s’est pas attaché à comprendre la structure de la phrase.
septuaginta et octo solidos censuales, quos habet super vineis de Hazele amortizatos.

septuaginta et octo solidos [(raturé:) censuales] censuales, quos habet super vineis de Hazele amortizatos.

Quinque solidos et tres denarios censuales super quinque quarteriis vinee in eodem loco de Hazele, que ipsemet  possidet et debetur hujus census annuatim in festo sancti Remigii et sunt amortizati. Quinque solidos et tres denarios censuales super quinque quarteriis vinee in eodem loco de Harele, que ipsemet  possidet et debebur [sic (debetur)] hujus [sic (hujusmodi)] census annuatim in festo sancti Remigii et sunt amortizati. Alliot n’a pas vu que le testament hésite entre les orthographes Hazele et Harele. ― Ni que le copiste a écrit debebur pour debetur. ni que hujus” n’a pas de sens, représente une nouvelle étourderie du copiste pour “hujusmodi”.
Item quinque solidos parisienses [in] vinea dicta Monache amortizatos.
Item quinque solidos par. [sic (lisez:) super] vinea dicta Monache amortizatos.
Alliot a vu qu’il manque une préposition et restitue à tort “in”, sans voir que par ailleurs la précisions “par(isienses)” est aberrante dans le contexte et représente une nouvelle étourderie du copiste qui a mal lu la préposition “super”, d’ailleurs plus normale que “in”.
Item octo solidos super vinea sua de Spina Rotonda amortizatos.
Item octo solidos super vinea sua de Spina Rotonda amortizatos.

Item quinquaginta et novem solidos et octo denarios censuales amortizatos super terris, vineis et rebus aliis apud Bedegon existentibus.
Item quinquaginta [(raturé:) et] et novem solidos et octo denarios censuales amortizatos super terris, vineis et rebus aliis apud Bedegon existentibus.

Item sexdecim solidos super vinea de campo Teobaldi (1) censuales amortizatos.

(1) Les écarts nommés Hazèle, le Champ-Thibault, etc... sont assez voisins d’Etampes, mais ne se retrouvent déjà plus dans les terriers du XVIIe siècle.
Item sexdecim solidos super vinea de campo Teobaldi censuales amortizatos.

Item quatuordecim solidos censuales amortizatos super domo Richardi la Touffe et ejus uxoris, et debetur hujusmodi census secundus annuatim in festo sancti Dyonisii
Item quatuordecim solidos censuales amortizatos super domo Richardi la Touffe et ejus uxoris, et debetur hujusmodi census secundus annuatim in festo sancti Dyonisii

Ad cujusmodi cappellaniam perpetuam instituetur capellanus in prefata ecclesia perpetuus, ad ipsam deserviens missam cellebrandro per singulas ebdomadas per quinque dies.
Ad cujusmodi cappellaniam perpetuam instituetur capellanus in prefata ecclesia perpetuus, ad ipsam deserviens missam cellebrandro per singulas ebdomadas per quinque dies.

Quem cappellanum ibidem instituere tenebitur uxor ejusdem testatoris statim post biennium a tempore mortis ejusdem.
Quem cappellanum ibidem instituere tenebitur uxor ejusdem testatoris statim post biennium a tempore mortis ejusdem.

Percipiet autem dictus cappellanus redditus predictos per manum predicte uxoris sue quandiu ipsa vivet; et postea per manum provisorum fabrice ecclesie Beate Marie Stampensis predicte, videlicet: pro qualibet missa quam cellebrabit de predictis quinque missis per ebdomadam, sex denarios parisienses, et qualibet die pro matutinis duos denarios. Percipiet autem dictus cappellanus redditus predictos per manum predicte uxoris sue quandiu ipsa vivet; et postea per manum provisorum fabricis [sic (fabrice)] ecclesie Beate Marie Stampensis [f°45v°] predicte, videlicet: pro qualibet missa quam cellebrabit de predictis quinque missis per ebdomadam, sex denarios parisienses, et qualibet die pro matutinis duos denarios.
Alliot n’a pas vu que le copiste a par négligence porté la terminaison -is en lieu et place de la terminaison -e.
Predicta quidem uxor ipsius testatoris quo ad vixerit, et post ejus mortem, predicti provisores, nomine fabrice ecclesie Beate Marie Stampensis omnia emolumenta, venta, saisinas, emendas, laudas, et omnia commoda et dominium atque justitiam habebunt.
Predicta quidem uxor ipsius testatoris quo ad vixerit, et post ejus mortem, predicti provisores, nomine fabrice ecclesie Beate Marie Stampensis omnia emolumenta, venta, saisinas, emendas, laudas, et omnia commoda et dominium atque justiciam habebunt.
Alliot corrige ici encore machinalement l’orthographe usuelle au XIVe siècle (-ci- pour -ti-).
Itaque nihil aliud quin pretaxatas summas [p.89] censuales, cappellanus habebit.
Itaque nihil aliud quin pretaxatas summas censuales, cappellanus habebit.

Dicta autem uxor hec omnia, nomine suo habebit, et post modum provisores, nomine fabrice, ut premissum est. Dicta autem uxor hec omnia nomine suo habebit, et post modum provisores, nomine fabrice, ut premissum est.

Omni enim die qua capellanus in predictis officiis, sive in missa cellebranda deffecerit, sive ad matutinas non interfuerit, debita sibi solutio, videlicet pro unaquaque missa sex denarii et pro matutinis duo denarii ad opus fabrice predicte aplicabitur, sive tempore quo vivet dicta uxor, sive tempore subsequenti.
Omni enim die qua capellanus in predictis [(raturé:) offis] officiis, sive in missa cellebranda deffecerit, sive ad matutinas non interfuerit, debita sibi solucio, videlicet pro unaquaque missa sex denarii et pro matutinis duo denarii ad opus fabrice predicte aplicabitur, sive tempore quo vivet dicta uxor, sive tempore subsequenti.
Alliot corrige ici encore machinalement l’orthographe usuelle au XIVe siècle (-ci- pour -ti-).
Sed si contingat dictam uxorem vel post modum provisores predictos, cappellanum predictum super suis redditibus et salutionibus, modis quibus supra sibi faciendis molestare, satisfacere, sibi nolle vel in aliquo defraudare velle, aut gravare justitiam, dominium, commoda et emolumenta predicta, reddituum predictarum amittant, ad predictum cappellanum pleno jure perpetuo devoluenda.
Sed si contingat dictam uxorem vel post modum provisores predictos, cappellanum predictum super suis redditibus et salucionibus [sic (solucionibus)], modis quibus supra sibi faciendis molestare, satifacere [sic (satisfacere)], sibi nolle vel in aliquo defraudare velle aut gravare justiciam, dominium, commoda et emolumenta predicta reddituum predictarum amittant, ad predictum cappellanum pleno jure perpetuo devolvenda.
Alliot corrige ici encore machinalement l’orthographe usuelle au XIVe siècle (-ci- pour -ti-), sans paraître s’apercevoir qu’il fallait surtout corriger “salutio”, qui n’a pas de sens, en “solucio (solutio)”, nouvelle étourderie du copiste.  Il corrige aussi, à juste titre, “satifacere” en “satisfacere”.  Il corrige à nouveau -ci- en -ti-.
Et idem sic, si provisores onus distribuendi redditus predictos modis quibus supradictis capellano subire recusent.
Et idem sic, si provisores onus distribuendi redditus predictos modis quibus supra dicto capellano subire recusent.
Alliot n’a pas reconnu le tour modis quibus supra”, pourtant déjà utilisée au paragraphe précédent et correspondant au français comme dessus”, et il a par suite mal résolu l’abréviation de dict(o).
Acta sunt hec, vocata et presente, consentiente et ratum habente dicta uxore dicti testatoris.
Acta sunt hec, vocata et presente, consentiente et ratum habente dicta uxore dicti testatoris.

Data vero dicti testatoris sic est.
Datum anno Domini M° CCC° XI°, die dominica post festum beati Mathei apostoli.
Data vero dicti testatoris sic est: Datum anno Domini M° CCC° XI°, die dominica post festum beati Mathei apostoli.
La saint Mathieu, c’est-à-dire le 21 septembre, tombant un mardi en 1311, le dimanche suivant tombait le 26 septembre.
Collatio hujusmodi scriba (1) per Johannem Curci, locum tenentem decani christianitatis Stampensis, anno Domini M°CCC° decimo septimo, die martis ante hiemale festum beati Martini.

(1) C’est scripta qu’il fallait dire.
Collacio hujusmodi scriba [sic (scripta)] per Johannem Curci, locum tenentem decani christianitatis Stampensis, anno Domini M°CCC° decimo septimo, die martis ante hiemale festum beati Martini.
Alliot corrige corrige à nouveau -ci- en -ti-. Il relève cependant ici  une faute étonnante du copiste, “scriba” pour “scripta”; cette faute est à rapprocher d’une autre plus haut, “debebur” pour “debetur”. La saint Martin d’hiver, c’est-à-dire le 11 novembre, tombant un vendredi en 1917, le mardi précédent tombait le 8 novembre.
Nos quoque decanus Stampensis dictum testamentum vidimus, palpavimus, et legimus clausulam hujusmodi in hiis scriptis duximus, salvo jure cujuslibet, redigendam, anno et die ultimo dictis.
Nos quoque decanus Stampensis dictum testamentis [sic (testamentum)] vidimus, palpavimus, et legimus. Clausulam hujusmodi in hiis scriptis duximus, salvo jure cujuslibet, redigendam, anno et die ultimo dictis.
A nouveau le copiste porte une terminaision aberrante par distraction, -is pour -um, de même que plus haut il avait porté -is pour -e.

 
Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome. 
Source du texte: le Cartulaire de Notre-Dame conservé aux Archives départementales de l’Essonne, saisie de Bernard Gineste, juillet 2011.
BIBLIOGRAPHIE
 
Éditions
 
     1) Testament original, en date du 26 septembre 1311, portant le sceau du doyen de la chrétienté d’Étampes, encore conservé en 1317, perdu.

     2) Extrait certifié conforme par le doyen de la chrétienté d’Étampes, par son lieutenant Jean Curci, à Étampes le 8 novembre 1317, encore conservé à la fin du XVe siècle, perdu.

     3) Copie dans la Cartulaire, fin du XVe siècle, conservé aux Archives départementales de l’Essonne sous la cote
1J 448, folio paginé 45, recte et verso.

     4) Édition Alliot,
Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes, Paris, Picard, 1888, pp. 88-89.
     Dont une saisie dans la présente page,
http://www.corpusetampois.com/cls-14-1311testamentderenaudlebrun.html#alliot, 2011.

     5) Présente édition, revue et corrigé sur le texte du Cartulaire:
Bernard GINESTE [éd.], «Renaud Lebrun: Legs à Notre-Dame d’Étampes (26 mars 1311)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-14-1311testamentderenaudlebrun.html, 1ère édition, 31 juillet 2011. 
    
Autres sources

     Bernard GINESTE [éd.], «Dames de Lonchamp: Registre des censitaires d’Étampes, deuxième génération (1292-1306)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-13-longchamp1292a1306.html, avril 2009.

     Bernard GINESTE [éd.], «Dames de Lonchamp: Registre des censitaires d’Etampes, troisième génération (1292-1306)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-13-longchamp1323.html, juin 2009.


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