Corpus Latinum Stampense
 
Louis VI
Échange de terre avec les moines de Longpont
1137, avant le 1er août
   
Eglise de Longpont (Gravure de L. Gaucherel)
Statue de Notre-Dame (Gravure de L. Gaucherel)
Portail de l'Eglise de Longpont (Gravure de L. Gaucherel)
    
     En 1137, Louis VI échange une terre avec les moines de Longpont, et leur concède deux faveurs en remerciement de leur obligeance. Il leur soumet les gens de l’hôpital de Longpont, d’une part; il s’engage d’autre part à ce que ses officiers de justice se comportent normalement, ce qui n'a pas lair facile à réaliser effectivement, si on lit ce que son fils Louis VII en écrit encore en 1142.
     Aucun rapport direct avec l’histoire du pays d’Étampes, mais un éclairage intéressant sur la société du temps. 

     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.

 
Louis VI
Échange de terre avec les moines de Longpont
1137, avant le 1er août
1. Première traduction (2008)

     In nomine sancte & individue Trinitatis. Sciant tam presentes quam futuri quod
     Au nom de la sainte et indivise Trinité. Que tous, présents et à venir, sachent ceci.
     ego Ludovicus, rex Francorum, quandam terram, que juxta portam Parisiacensem est, apud Montleheri, que etiam erat monachis sancte Marie de Longo Ponte, ab eisdem monachis alternavi, eo scilicet tenore quod tot jugera de mea propria cultura de Alba Spina (1), que vicinior est eis, illis reddidi, quot de predicta terra ab eis accepi.
     Moi Louis, roi des Francs, j’ai acquis par échange une terre qui se trouve à côté de la porte de Paris à Montlhéry, qui appartenait aux moines de Notre-Dame de Longpont, des dits moines, étant entendu que je leur ai donné en retour, dans ma terre cultivable de L’Aubépine (1) qui est plus proche d’eux, le même nombre d’arpents que j’ai reçus d’eux de la susdite terre.
     Concessi etiam & hoc precepto sigillo meo munito confirmavi quod homines de elemosina domini Milonis junioris, apud Longum Pontem commorantes, placitum generale monachis [p.67] predictis reddant (2), & de incursionibus forisfactorum tam de pratis meis & de vineis quam etiam de segetibus, juxta estimationem dampni, sicut mos antiquitus fuerat, sacramento adhibito, a ministris meis non inquietentur, dampno, sicut dictum est, eis juxta estimationem persoluto (3).      J’ai aussi accordé, et j’ai confirmé cela par un édit certifié de mon sceau, que les hommes de l’hôpital de monseigneur Milon le Jeune qui demeurent à Longpont se rendraient aux plaids géréraux des susdits moines (2); et que, lorsqu’ils encourraient des amendes, relativement à mes prés et à mes vignes autant qu’à mes moissons, amendes proportionnées à l’estimation du dommage avec prestation de serment, comme c’était autrefois la coutume, ils ne seraient pas inquiétés par mes officiers, une fois, ainsi qu’on l’a dit, que le dommage aura été remboursé d’une manière proportionnée à cette estimation (3).
     Acta sunt hec anno incarnationis Dominice millesimo C° XXX° VII°, regis autem Ludovici anno regni XXmo VIIIIno, indictione XV.
     Cela s’est fait l’an de l’incarnation du Seigneur 1137, et 29 du règne du roi Louis, indiction 15.
Sceau de Louis VI
Sceau de Louis VI  


NOTULES

     (1) Le lieu-dit Alba Spina n’a pas pu être identifié par Marion. Il pourrait théoriquement transcrire une dénomination vernaculaire Blanche-Épine, mais plutôt, comme je le crois, L’Aubépine, ou plus vraisemblablement encore L’Aubépin. On signale en effet de nos jours encore beaucoup de lieux-dits L’Aubépine, par exemple à Antigny (Vendée), à Saint-Just-Malmont (Haute-Loire), à Goron (Mayenne) et à Mary (Saône-et-Loire).
Bien plus, on trouve plus près de Longpont deux lieux-dits L’Aubépine en Eure-et-Loir, selon le Dictionnaire topographique de ce département publié par Lucien Merlet en 1861, l’un à Nogent-le-Rotrou, l’autre à Saumeray, et précisément la transcription latine du second est Alba Spina dans un polyptyque de Chartres en date de 1300. Mais il faut y joindre des lieux-dits Laubépin, par exemple à Uzychy (Saône-et-Loire), à La Jarne (Charente-Maritime), à Larajasse (Rhône), etc. En Suisse romande le masculin paraît d’usage, avec des formes telles que Aubépin, Aubépins, voire Arbépin ou Arbépins. De quoi s’agit-il? En latin classique, spina signifie épine, et alba spina, depuis au moins Pline l’Ancien “aubépine”, mais il existe aussi un masculin spinus qui signifie chez Virgile prunelier sauvage”. Il est clair qu’en latin vulgaire et tardif, et par suite en ancien français, on a dit albus spinus “aubépin”. On rencontre bien le féminin dès le moyen âge et surtout en français moderne, mais il semble qu’il s’agisse alors d’une régression artificielle vers le latin savant. Littré atteste albespin en provençal, aibôpin en bourguignon, et, en berrichon, ébeaupin, ébiaupin, abeaupin, abiaupin (B.G.).

     (2) Qu’est-ce qu’un placitum generale, ou “plaid général”? Le Lexicon de Niemeyer, édition de 1992, ne donne qu’un sens à cette expression, “assemblée générale du royaume”, qui très évidemment ne convient pas ici. En revanche, deux articles récents de chercheurs suisses montrent que dans leur secteur encore au début du XIVe siècle l’expression s’applique en réalité aux simples seigneuries locales, comme c’était visiblement le cas à Longpont au XIe siècle.
     “Institution propre aux communautés dont les rapports avec l’autorité seigneuriale sont régies par une coutume orale, le placitum generale s’est tenu dans certaines seigneuries alpines jusqu’au commencement du XIVe siècle. Souvent annuel, il réunit le seigneur et ses hommes pour un record de coutumes et des assises générales. À partir de l’exemple de la Suisse romande, on a très bien montré que le plaid général a trois fonctions si étroitement imbriquées qu’elles sont inséparables: 1) rappeler aux justiciables les règles du droit local, que nul n’est censé ignorer, ce faisant manifester la puissance du seigneur justicier; 2) rappeler aussi les limites coutumières de cette puissance, et éventuellement en instaurer de nouvelles; 3) organiser le nécessaire dialogue entre le seigneur et ses hommes, dans le domaine économique notamment.” (Nicolas Carrier, article référencé ci-dessous en Bibliographie, 2003)
(B.G.).

     (3) Ce que semble simplement vouloir dire le roi est que ses officiers n’abuseront pas d’une infraction constatée, par exemple lorsqu’une vache des moines se sera introduit dans un pré du roi, pour leur soutirer des amendes à répétition dont le montant n’aura pas été fixé clairement et une fois pour toutes, avec serment. Le dit serment constitue une garantie importante dans les sociétés régies par le droit oral, analogue à un tampon sur un formulaire de procès-verbal. On essaie en ce temps d’instituer vaille que vaille un état de droit (prétendument originel) à partir d’une situation où la noblesse locale, y compris ceux qui sont théoriquement les officiers du roi, constitue en réalité un réseau mafieux que personne ne contrôle vraiment. Voyez le mandement de Louis VII de 1142 où ce prince menace cette fois carrément
de représailles les chefs de famille de Montlhéry s’ils ne contrôlent pas à cet égard leur famille, terme également en vigueur, comme on sait, dans la mafia moderne (B.G.).
 

Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
2. Texte et notes de Marion (1879)

     In nomine sancte & individue Trinitatis. Sciant tam presentes quam futuri quod ego Ludovicus (1), rex Francorum, quandam terram, que juxta portam Parisiacensem est, apud Montleheri, que etiam erat monachis sancte Marie de Longo Ponte, ab eisdem monachis alternavi, eo scilicet tenore quod tot jugera de mea propria cultura de Alba Spina, que vicinior est eis, illis reddidi, quot de predicta terra ab eis accepi. Concessi etiam & hoc precepto sigillo meo munito confirmavi quod hommes de elemosina domini Milonis junioris (2), apud Longum Pontem commorantes, placitum generale monachis [p.67] predictis reddant, & de incursionibus (3) forisfactum tam de pratis meis & de vineis quam etiam de segetibus, juxta estimationem dampni, sicut mos antiquitus fuerat, sacramento adhibito, a ministris meis non inquietentur, dampno, sicut dictum est, eis juxta estimationem persoluto.
     Acta sunt hec anno incarnationis Dominice millesimo C° XXX° VII°, regis autem Ludovici anno regni XXmo VIIIIno, indictione XV.
1137. Avant le 1er août.

     (1) Louis VI le Gros.

     (2) Milon de Montlhéry, seigneur de Bray, vicomte de Troyes, troisième fils de Milon le Grand, seigneur de Montlhéry. II mourut en 1116 ou 1117, assassiné par son cousin germain, Hugues de Rochefort, seigneur de Crécy, de Gometz & de Châteaufort, sénéchal de France après son père, en 1107. (Voyez plus bas la charte n°LXXXIV & l’Introduction, p. 17.)

     (3) Le mot incursio a le sens de responsabilité devant la justice, du fait d’encourir un châtiment, en vieux français encourement (Voyez du Cange, v° incursio.)



        
Source du texte: L’édition de Jules Marion (1879).
 
   
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE ET PROVISOIRE
 
Éditions (seront davantage précisées ultérieurement)

     Jules MARION, Le Cartulaire du Prieuré de Notre Dame de Longpont de l’ordre de Cluny au diocèse de Paris, publié pour la première fois avec une Introduction et des Notes. XIe-XIIe siècle [in-8°; 371 p.; 3 planches; texte latin; index], Lyon, A. Louis Perrin  & Marinet, 1879, n°V, pp. 66-67.
     Dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111131d
, en ligne en 2008.

     Bernard GINESTE [éd.], «Louis VI: Échange de terre avec les moines de Longpont (1137)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-12-louis6longpont1137.html, 2008.

Sur les plaids généraux

     J.-F. POUDRET, «Le rôle des plaids généraux dans la formation, la transmission et l’enregistrement de la coutume d’après les sources romandes du Moyen Âge», in Mémoires de la société pour l’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romans 40 (1983), pp. 177-193.

     Nicolas CARRIER, «Les communautés montagnardes et la justice dans les Alpes nord-occidentales à la fin du Moyen Âge. Chamonix, Abondance et les régions voisines, XIVe-XVe siècles», in CRM (Cahiers de Recherches Médiévales) 10 (2003), pp. 89-118.
     Dont une rédition numérique en mode texte en ligne, http://crm.revues.org/index1573.html, en ligne en 2008.

 

Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.

    
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