Corpus Latinum Stampense
 
Un moine de Longpont
Donation de Jean Pâlée
notice, vers 1127
   
Sceau de Louis VII
    
     Entre 1125 et 1129, Jean Pâlée, sergent du roi Louis VII, donne à Longpont des biens sis à Savigny-sur-Orge.

     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.

 
Un moine de Longpont
Donation de Jean Pâlée
notice, entre 1125 et 1129
1. Introduction, texte et traduction (2008)

     Marion, dont l’édition date de 1879, date cette charte des environs de 1136, parce qu’elle mentionne l’abbé Landry, dont la Gallia Christiana précise qu’il était abbé de Longpont à cette date-là, sans quon possède dautre donnée chronologique relative à ce personnage. Dans le catalogue des abbés de Longpont qu’il donne à la fin de son Introduction (p.55), Marion fournit notamment ces dates: Henry, cinquième abbé, cité en 1086 et 1125; Landry, sixième abbé, cité en 1136; Jean, septième abbé, cité en 1140.

     Cependant, depuis cette édition du Cartulaire de Longpont, Cadier et
Couderc ont donné en 1891 celle des Cartulaire et censier de Saint-Merry de Paris, et notamment une charte de juin 1229 qui fait état d’un conflit au sujet d’une donation du défunt Jean Palée, de son vivant sergent du roi de France (defuncti Johannis Paalee, quondam servientis domini regis Francie). Voyez le texte complet de cette charte en Annexe. Il faut donc dater sa donation désormais à une date comprise entre 1125 (dernière mention connue du prédécesseur de Landry) et 1129 (première mention du décès de Jean Pâlée): nous dirons pour simplifier vers 1127.
     
Texte donné par Marion (1879)
Traduction par Gineste (2008)
     Presentibus & futuris notum fieri volumus quod
     Nous voulons faire connaître aux gens présents et à venir ceci.
     Johannes Paalee (1) dono concessit ecclesie beate Marie de Longo Ponte quartam decime partem, quam Saviniaco  (2) habebat, tam de annona quam de vino seu ceteris fructibus annuis, necnon & XXti duos denarios censuales & medietatem hostisie, de qua Johannes, filius Hermerii (3), XIIcim reddit:       Jean Pâlée (1) a fait donation à l’église de Notre-Dame Longpont du quart de la dîme qu’il détenait à Savigny (2), tant sur le blé que sur le vin et que sur les autres récoltes annuelles, ainsi que de 22 deniers de cens et de la moitié d’une tenure pour laquelle Jean fils d’Hermier (3) règle 12 deniers.
     alios vero decem alii homines reddunt, videlicet Drogo de Marcociis (4), II denarios, Petrus de Furno (5), II denarios, Drogo de Castis (6), III denarios, Robertus, filius Johannis (7), III [p.72] denarios.
     En outre dix autres deniers sont réglés par d’autres personnes, à savoir 2 deniers par Droin de Marcoussis (4), 2 deniers par Pierre du Four (5), 3 deniers  par Droin de Châtres (6), et 3 deniers par Robert fils de Jean (7).
     Prefato siquidem Johanni scilicet Paalee domnus Landricus, tunc ejusdem prior ecclesie (8), XXti libras in monimentum hujus donationis ex karitate tribuit.
     Au susdit Jean, c’est-à-dire à Jean Pâlée, monseigneur Landry, alors prieur de l’église (8), a donné vingt livres par charité, pour marquer cette donation.
     Hujus autem concessionis memoratus Johannes ab avunculo suo, Gisleberto de Orengiaco (9), de cujus feodo prefata movebat decima, & a filiabus suis concessionem impetravit.
     Le susdit Jean a demandé à son oncle Gibert d’Orangis (9), du fief de qui relevait la dite dîme, et à ses propres filles, leur consentement à cette donation.
     Concesserunt autem & hoc Oddo de Villa Moissun (10) & Josbertus, coqus (11), ad quem specialiter pertinebat feodus quem Gislebertus tenebat.
     Cela a aussi reçu le consentement d’Eudes de Villemoisson (10); et aussi du cuisinier Jobert (11), à qui appartenait en propre le fief tenu par Gibert.

NOTULE

     (1Selon le lexicographe Gunnar Tilander, Romania 55 (1929), pp. 554-560, la paalee ou palee est en vieux français une pâture préparée pour les jeunes oiseaux de proie. Le Lexique de l’ancien français de Godefroy, plus ancien, donne seulement: “palee, s. f., sorte de plante, l’hordeum murinum” (c’est-à-dire en latin “orge des souris” ou “des rats”). Les noms actuels de cette graminée sauvage sont “orge des rats, orge des souris, orge des murs, orge queue-de-rat”. On peut tirer de la farine de ses grains, si petits soient-ils. Quoi qu’il en soit ce Jean Pâlée (avec la même graphie Johannes Paalee) est connu par ailleurs, notamment par une charte de Saint-Merry de Paris en date de juin 1229, dont nous donnons le texte en Annexe, repris de la mise en ligne par l’École des Chartes de l’édition Cadier-Couderc. (B.G.)

     (2) Savigny-sur-Orge. Il en est question dans trente chartes du Cartulaire de Longpont: n°1 (medietatem decimarum de Saviniaco... villam que vocatur Saviniacus), n°2 (medietatem decime de Saviniaco.... in eclesia de Saviniaco... villam que vocatur Saviniacus), n°10 (quartam decime partem quam Saviniaco habebat), n°17 (Burchardus de Saviniaco... apud Saviniacum... Maria mater ejus, Aaalicia uxor ejus, Rainaudus et Ansellus fratres ejus), n°21 (Terricus presbiter de Saviniaco), n°89 (Stephanus de Saviniaco), n°90 (Tebaldus de Saviniaco et Guido frater ejus), n°97 (Rogerius de Savini), n°122 (Guido de Saviniaco, Rogerius de Saviniaco), n°133 (Restaldus de Saviniaco, Ascelinus de Saviniaco), n°138 (Bernoale de Saviniaco), n°149 (apud Savigni), n°153 (Roscelina uxor Tebaldi de Saviniaco.... medietatem ecclesie de Savigniaco et medietatem decime et medietatem atrii... Rainerius major, Rogerius frater ejus), n°156 (domnus Stephanus miles de Savigniaco... apud Savigniacum), n°157 (apud Savigniacum et Berlenviler), n°158 (apud Savigniacum... Rainerius de Saviniaco), n°167 (Rainerius de Savigniaco), n°174 (apud Saviniacum), n°175 (apud Saviniacum), n°179 (apud Saviniacum), n°206 (Rogerius de Saviniaco), n°246 (Rainerius major de Saviniaco, Gaufredus nepos ejus, Albertus frater Rainerii), n°253 (Gaufredus major de Saviniaco), n°268 (Rogerio majore de Saviniaco), n°287 (Berardus de Saviniaco), n°283 (partem terre de Saviniaco), n°287 (Berardus de Saviniaco), n°294 (Rogerius de Savigni), n°334 (Gaudricus miles de Saviniaco), n°352 (Hubertus de Saviniaco... Gaufredus de Saviniaco).

     (3) Ce Jean fils d’Hermier ne nous est connu que par cette charte.

     (4) Ce Droin de Marcoussis ne nous est connu que par cette charte.

     (5) Ce Pierre du Four ne nous est connu que par cette charte.

     (6) Droin de Châtres (Arpajon). Marion donne le texte Drogo de Castis, sans proposer aucune identification pour le toponyme en question; je suppose une distraction de copiste ou une graphie aberrante (apparemment non isolée, du reste) de de Castris, “de Châtres”, c’est-à-dire de la moderne Arpajon. (B.G.)

     (7) Ce Robert fils de Jean est identifié par Marion à un fils de Jean de Massy, dans son index: n°10 (Robertus, filius Johannis) et n°85 (Johannes de Maciaco... Robertus filius ipsius Johannis).

     (8Ce Landry, sixième prieur de Longpont, est cité par onze chartes du cartulaire. Marion, dont l’édition date de 1879, les date toutes des environs de 1136 (n°10, n°16, n°20, n°21, n°22, n°27, n°34, n°40 et n°297), sauf deux, apparemment par distraction (n°350 et n°353, datées de 1140 environ, date la première connu du successeur de Landry, Jean) parce que la Gallia Christiana précise que Landry était abbé de Longpont à cette date-là, sans qu’on possède d’autre donnée chronologique relative à ce personnage. Dans le catalogue des abbés de Longpont qu’il donne à la fin de son Introduction (p.55), Marion fournit notamment ces dates: Henry, cinquième abbé, cité en 1086 et 1125; Landry, sixième abbé, cité en 1136; Jean, septième abbé, cité en 1140. Cependant j’ai montré que la présente charte n°10 (ici) est antérieure à 1129, et que donc toutes les chartes mentionnant Landry peuvent donc théoriquement être aussi antérieure à 1129.

     (9) Ce Gibert (Gislebertus) d’Orangis (Orengi, Orengiacum, Oringiacum, dans l’actuelle commune de Ris-Orangis), paraît être Gilbert I le fils de Thibaud d’Orangis et d’Arembourg, et le père de Gautier et de Gibert II d’Orangis, n°10 (Gisleberto de Orengiaco, vers 1136 selon Marion, vers 1127 selon moi), n°299 (Teobaldus de Orengi... Eremburgis uxor supradicti Tebaldi et Gislebertus ipsorum filius, vers 1100 selon Marion), n°334 (Galterius de Orengi et Gislebertus frater ejus, vers 1150 selon Marion).
     Il est question d’Orangis ou de chevaliers de ce lieu dans dix-neuf chartes du Cartulaire de Longpont: n°1 (ecclesiam de Orengiaco cum decima et atrio), n°2 (
ecclesiam de Orengiaco cum decima et atrio), n°10 (Johannes Paalee...  ab avunculo suo, Gisleberto de Orengiaco), n°35 (Herbertus de Orengiaco... de grangia monachorum dc Longo Ponte, que Orengiaco sita est), n°39 (ecclesiam de Orengiaco, atrium, decimam, nemoris medietatem.. furno), n°40 (in grangia de Orengi... Baldoino de Orengi), n°58 (Hugo de Orengiaco), n°185 (Tebaldus de Orengiaco), n°195 (de dono de Orengiaco... donum de Orengiaco, videlcet ecclesiam, atrium, decimam, nemoris medietatem, furni medietatem , in vita patris sui et post mortem ejus totum); n°275 (Tegerius qui a multis appellatus est Tescelinus de Palesolio... soror ejus Adaleidis uxor Galterii de Orengiaco et filii Aymo et Aszo et alia soror Helyzabeth uxor Petri de Linais... Wlgrinus de Orengiaco), n°294 (ecclesiam de Orengi... ecclesiam de Orengi... ecclesiam... de Orengi), n°298 (apud Orengi); n°299 (Teobaldus de Orengi... juxta monasterium de Orengiaco), n°302 (Adaleidis uxor Galterii de Orengiaco... omnem decimam et sepulturam quam habebat in Orengiaco), n°303 (in ecclesia de Orengi), n°328 (Adales, mater Tebaldi de Orengi... tres arpennos terre et unam masuram apud Orengi); n°334 (Galterius de Orengi et Gislebertus frater ejus... Galterius de Orengi et Gislebertus frater ejus), n°340 (duos sextarios annone in decima sua apud Orengiacum, unum videlicet de frumento et alium de ordeo), n°341 (Luciana, uxor Walterii de Orengiaco).
     Liste des persones concernées: Baldoinus (40), Galterius (275, 302, 334, 341), Gislebertus (10, 334), Herbertus (35), Hugo (58), Tebaldus (184, 299, 328), Wlgrinus (275).

     (10Eudes (Oddo) de Villemoisson (Villa Moisson, Villa Moissun, Villa Muissun, Villa Mussun) est mentionné par deux chartes du cartulaires de Longpont: n°10 (Oddo de Villa Moissun) et n°16 (Oddone de Villamoyssun).
     Villemoisson, aujourd’hui Villemoisson-sur-Orge dans le canton de Longjumeau, apparaît dans treize chartes du Cartulaire de Longpont: n°10 (
Oddo de Villa Moissun), n°16 (Oddone de Villamoyssun), n°66 (Guido de Villa Muissun), n°72 (Teodericus de Villamoissun), n°88 (Rainaldus filius Guidonis de Villa Moissun), n°89 (Teodericus miles de Villa Moissun... concedente Auxent uxore sua, necnon et fratribus suis Galterio, Guidone, Rainaldo, Gaufredo, Aymone clerico, Galterio, Petro), n°91 (Theodericus de Villa Mussum et Galterius atque Rainaldus fratres ejus), n°93 (Guido de Villa Moisson), n°99 (Teodericus miles de Villamoissun), n°117 (Guido de Villa Moissun... filii ipsius Guidonis, Teodericus, Rainaldus; Guido nepos ejus), n°139 (Rainaldus Misebele de Villa Moissun... Petrum filium suum), n°186 (Guido de Villamoissun, Rainaldus filius ejus), n°251 (Teodericus de Villa Moissun).
     Liste des personnes concernées: Guido (66, 88, 93, 117, 186), Oddo (10, 16), Teodericus (72, 89, 91, 99, 251).

     (11) Le cuisinier Jobert est cité par quinze chartes du Cartulaire de Longpont, dont trois en compagnie de son fils Poin (une fois il est cité comme l’oncle d’un certain Hugues du Pétrin): n°10 (Josbertus, coqus); n°87 (Josbertus quoquus); n°134 (Josbertus cocus, Poin filius ejus); n°135 (Hugo de pistrino, nepos Josberti coci); n°156 (Josbertus cocus); n°166 (Josbertus cocus); n°177 (Josbertus cocus); n°179 (Josbertus cocus); n°253 (Josbertus cocus); n°273 (Josbertus cocus); 289 (Josbertus cocus); n°335 (Josbertus quocus, Poin filius ejus); n°340 (Josbertus coquus); n°341 (Josbertus quocus, Poin filius ejus); n°347 (Josberto coco). C’est peut-être le même que le cuisinier Joscelin (n°119, Joscelinus coquus), car Joscelin est un hypocoristique, ou diminutif de Josbert.

2. Texte et notes de Marion (1879)


     Presentibus & futuris notum fieri volumus quod Johannes Paalee dono concessit ecclesie beate Marie de Longo Ponte quartam decime partem, quam Saviniaco habebat, tam de annona quam de vino seu ceteris fructibus annuis, necnon & XXII duos denarios censuales & medietatem hostisie, de qua Johannes, filius Hermerii, XIIcim reddit: alis vero decem alii homines reddunt, videlicet Drogo de Marcociis, II denarios, Petrus de Furno, II denarios, Drogo de Castis, III denarios, Robertus, filius Johannis, III [p.72] denarios. Prefato siquidem Johanni scilicet Paalee domnus Landricus, tunc ejusdem prior ecclesie (1), XXti libras in monimentum hujus donationis ex karitate tribuit. Hujus autem concessionis memoratus Johannes ab avunculo suo, Gisleberto de Orengiaco, de cujus feodo prefata movebat decima, & a filiabus suis concessionem impetravit. Concesserunt autem & hoc Oddo de Villa Moissun & Josbertus, coqus, ad quem specialiter pertinebat feodus quem Gislebertus tenebat. S. D.
Vers 1136.
   







     (1) Landry était prieur de Longpont en 1136. (Gall. Christ.)


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
ANNEXE 1
Thomas abbé d’Hermières
Charte relative à une donation du défunt Jean Palée
juin 1229

XXXI.
Juin 1229.
     Composition faite entre l’abbé d’Hermières et les chanoines de Saint-Merry, au sujet d’une rente perçue sur des maisons de la rue Baillehoue.

     Littere abbatis de Hermeriis de elemosina Johannis Paalee.

     Universis Christi fidelibus ad quos presentes litteræ (3) pervenerint Thomas, dictus abbas Hermeriarum (4), totusque ejusdem loci conventus, eternam in Domino salutem. Notum facimus quod
     (3) Le ms. porte “litteras.”
     (4) Hermières, commune de Favières, canton de Tournan (Seine-et-Marne).
     cum, ex elemosina defuncti Johannis Paalee, quondam servientis domini regis Francie, et Guillelmi Esaiacos, fratris sui, quinquaginta solidos parisiensium superexcrescentis census haberemus, in fundo terre et in censiva canonicorum Sancti Mederici Parisiensis sitos, super quasdam domos Parisius, in vico qui vulgariter [p.138] appellatur Bullehoe (1), et predicti canonici nos compellerent ad vendendum censum prenominatum, minime sustinentes quod idem census ad manum mortuam devenisset,
     (1) C’est la rue Baille-Hoë ou Baille-Hou qui reçut, peu de temps après, le nom de rue Brisemiche, qu’elle porte encore.
     tandem, bonis viris intromittentibus se de [fol. 50] pace super hoc inter nos et eosdem canonicos, pacem gratam et perpetuam super hoc inter nos fecimus in hunc modum:

     quod nos, de communi assensu nostri conventus, pro sufferentia hujus rei, et pro eo quod de cetero prefati canonici minime nos compellerent ad prefatum censum distrahendum, gratanter et liberaliter eisdem canonicis Sancti Mederici quartam partem, videlicet duodecim solidos et dimidium parisiensium, concessimus de eodem superexcrescente censu, singulis annis, in octabis Sancti Dyonisii, dictis canonicis Sancti Mederici a nobis persolvendos, salvo tamen et retento eisdem canonicis Sancti Mederici censu capitali viginti et unius denariorum parisiensium, quem nos tenemur reddere canonicis memoratis Sancti Mederici, in dictis octabis, singulis annis, sicuti prius, a dicto Johanne, dictos XX et unum denarios percipere ipsi canonici Sancti Mederici consueverant ab antiquo, retenta in domibus antedictis canonicis Sancti Mederici tota justicia, teloneo et omnibus aliis proventibus quibuscunque, qui ex fundo terre solent dominis provenire.

     Sciendum enim est quod si hospites, qui in domibus memoratis erunt, moram fecerunt in antedicto censu reddendo, nos ipsi neque fenestras domorum illarum propter hoc capere poterimus ullo modo, neque aliquam habere cohercionem, sed per dictos canonicos Sancti Mederici, aut per ecclesiasticum judicem, censum habere poterimus supradictum.

     In cujus rei memoriam et testimonium, ad petitionem supradictorum, presentes litteras sigillo nostri conventus canonicis supradictis tradidimus communitas. Actum anno Dominice Incarnationis M° CC° XXIX°, mense junio.


Éditions

     Léon CADIER (1862-1889) & Camille COUDERC (1860-1933), «Cartulaire et censier de Saint-Merry de Paris», in Mémoires de la Société de l’histoire de Paris 18 (1891), pp. 101-271 (acte n°31, pp. 137-138).
     Dont une réédition numérique en mode image et en mode texte, mise en ligne par l’École des Chartres sur son site ELEC, http://elec.enc.sorbonne.fr/cartulaires/smerry/acte31/, en ligne en 2008.


ANNEXE 2
Sur l’étymologie de Villemoisson
par Bernard Gineste, 2008

     L’origine du toponyme Villemoisson n’a pas trouvé à ce jour, du moins à ma connaissance, d’étymologie satisfaisante. Il s’agit aujourd’hui d’une commune essonnienne de l’arrondissement de Palaiseau, au canton de Longjumeau, Villemoisson-sur-Orge.

     Ses plus anciennes attestations se trouvent dans le Cartulaire de Longpont, qui, vers le milieu du douzième siècle, retranscrit des notices de la fin du onzième et du début du siècle suivant. L’orthographe hésite alors entre Villa Muissun, Villa Moisson, Villa Moissun, Villa Mussun (1). La formation du toponyme ne doit pas alors être bien ancienne
.
     (1) Cartulaire de Longpont, édition Marion, 1879, p. 352.
     Trois cents ans plus tard, sa signification n’est plus comprise et on le latinise en prenant le deuxième élément au sens de “moisson”, cest-à-dire de “récolte des blés”: Villa Messionis (XVe s.), voire Villa Messis.(2).
     (2) Hippolyte Cocheris, Dictionnaire des anciens noms des communes de Seine-et-Oise, 1874, que j’ai mis en ligne, ici.
     Cependant, d’après les règles de la grammaire de l’ancien français, le deuxième élément de ce toponyme ne peut pas être un nom commun, et représente à coup sûr un anthroponyme; et cette hypothèse est confortée par le choix des premiers scribes qui ont renoncé à latiniser un anthroponyme non classique: mais lequel?

     Il ne s’agit pas d’un anthroponyme d’origine germanique, ni biblique; c’est donc un surnom; ce surnom, c’est évidemment Muisson, ou Moisson, c’est-à-dire, en ancien français (conservé d’ailleurs dans les parlers du Nord-Est et de la Normandie), “Moineau”.

     A ceux qui s’étonneraient que le surnom d’usage d’un seigneur local ait été celui d’un passereau d’apparence aussi insignifiante que le moineau, je ferai remarquer qu’on a bien dans le même secteur deux chevaliers de Montlhéry successifs appelés
Guillaume Cochevis, cités une quinzaine de fois par le Cartulaire de Longpont (Guillermus, Guillelmus ou Willelmus Cochivi, Cochivit, Cuchevi, Cuchivis ou Cuchivith); or il est indubitable que ce mot de cochevis, comme je l’ai montré ailleurs (3), se rapporte quant à lui à l’alouette huppé, qui est bien un autre petit passereau.

     Au reste muisson ou moisson (quon fait dériver dun bas-latin *muscio, dérivé de musca“mouche”) signifiait peut-être en ancien français seulement oiseau, sans précision despèce, car cest bien le sens général qua encore aujourdhui le mot mouchon en Belgique francophone.
     (3) Bernard Gineste, «Guillaume Cochevis chevalier de Montlhéry», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-12-thibauddeparis1146longpont.html#cochevis, 2008.



     Ainsi donc Villemoisson tire selon toute apparence de l’un de ses seigneurs du XIe siècle qui était connu dans le pays sous le nom de Muisson, “Moineau”, de même qu’à la génération suivante une famille de chevaliers fut connu dans le même secteur sous le nom de Cochevis, “Alouette (huppée)”.

     L
existence de cet anthroponyme au Moyen Âge est bien attestée par sa survivance en temps que patronyme, Muisson, Mousson, Musson, spécialement en Normandie où  précisément le nom commun de muisson est resté longtemps en usage pour “moineau”.

     On remarquera à ce sujet un petit dossier de toponymie wallonne en ligne relatif à la ville de Trazegnies, dont je n’ai pu trouver l’excellent auteur (4). En 1876 il y est fait mention d’une terre dite Culture Mouchon. En wallon, mouchon signifie “oiseau”. Cependant en 1559, mention d’un marchand du lieu nommé Jehan Muisson. En 1543, de son père dénommé par l’acte Jacques Misson mais qui signe bien Muysson, propriétaire d’une terre labourable dans la commune. En 1427 enfin, mention d’un bonnier tenant à Mousson, couture. C’est en fait la même évolution que dans le cas de notre toponyme essonnien, dérivé, quelques siècles plus tôt, du même anthroponyme, *Ville Muisson, “domaine du dénommé Muisson, c’est-à-dire Moineau”.

Bernard Gineste, octobre 2008


     (4) Auteur indéterminé, «Toponymie de Trazegnies» [blog], http://toponymiedetrazegnies.unblog.fr/2007/01/, en ligne en 2008
     Pour citer cette hypothèse: Bernard Gineste, «Sur l’étymologie de Villemoisson», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-12-thibauddeparis1146longpont#villemoisson, 2008.

Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source du texte: L’édition de Jules Marion (1879).
 
   
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
 
Éditions

     Jules MARION, Le Cartulaire du Prieuré de Notre Dame de Longpont de l’ordre de Cluny au diocèse de Paris, publié pour la première fois avec une Introduction et des Notes. XIe-XIIe siècle [in-8°; 371 p.; 3 planches; texte latin; index], Lyon, A. Louis Perrin  & Marinet, 1879, n°X, pp. 71-72.
     Dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111131d
, en ligne en 2008.

     Bernard GINESTE [éd.], «Un moine de Longpont: Donation de Jean Pâlée (notice, vers 1127)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-12-jeanpalee1136longpont.html, 2008.
 

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