LA CANTIADE
OU L’ELOGE DES ILLUSTRES MARTYRS
Saints Can, Cantien, & Cantienne,
Fréres & Sœur.
Composé par Me Sébastien Bredet,
Conseiller au Bailliage d’Estampes,
Lieutenant Particulier, Civil, & Assesseur Criminel en la Prevosté,
& Maire de la Ville.
A PARIS,
Janvier 1673.
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A
MONSEIGNEUR
l’illustrissime, & Reverendissime
LOUYS HENRY DE GONDRIN,
Archevesque de Sens, Primat des Gaules, & de Germanie.
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MONSEIGNEUR,
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Quoy que la France ait cet advantage d’avoir des Roys que Dieu a tousjours
chery (& dont ils disent tenir leur Sceptre) jusques à leur
témoigner son amour par l’envoy de l’Oriflame (1)
& de la Sainte Ampoule (2), dont
le Baume Celeste a esté divinement destiné pour les sacrer,
& qui depuis ce temps ont toujours esté vainqueurs de leurs
ennemis: Neantmoins, comme le Peuple Hebreux autrefois si chery de Dieu,
ne gagnoit pas [p.4] tousjours des Batailles, si ce n’estoit lors que Moïse
eslevoit ses bras au Ciel, & que ses prieres en attiroient le secours (3); Je puis dire, MONSEIGNEUR,
que si nostre triomphant Monarque a cette année (4) tant remporté
de Victoires, tant conquis de Places, & abbaissé si fort l’orgueil
des Holandois, que les armes ont esté secondées par vos
prieres, comme par celles d’un autre Moïse, ce qui m’obligea de faire
ce Distique à vostre Grandeur, le vingt-six du mois de Juin dernier,
en ces termes,
Israël ut vicit cum oraret
filius Amram,
Gondrinus
cum orat Borbonius superat. (5)
Car ce fut dans ce temps que vous ordonnate
les Prieres des Quarante Heures (6), non seulement par tout vostre Dioceze, mais particulierement
dans toutes les Paroisses & Monasteres de la ville d’Estampes, au
cours de vostre Visite (7); & c’est dans ce mesme temps que nostre Invincible Prince
prenoit les villes aussi-tost qu’il se presentoit devant elles; Ce fut,
dis-je, lors que vous témoignates avec tout le peuple d’Estampes,
par un Te Deum solemnellement chanté, la joye
inconcevable [p.5] de la Naissance
du second Fils de France, Monseigneur le Duc d’Anjou (8); Ce fut lors que
vous honorates les Feux de la ville (9) de vostre presence, & que vostre Grandeur voulut bien allumer
avec le flambeau que je luy presentay en qualité de Maire; Et ce
fut enfin, ce mesme jour que vous fites ouverture de l’incomparable Chasse
de vermeil doré, dont l’Eglise de Nostre-Dame d’Estampes est depositaire
(10), d’où vous
tirates & fites voir à tout le peuple les sacrez Ossemens des
trois Martyrs, Can, Cantien & Cantienne, Freres & Sœur, enfans de
l’Empereur Carinus, & Neveux, ou petits Fils de l’Empereur Carus, de
la famille des Aniciens, à la loüange desquels j’ay composé
ce petit Poëme du nom de Cantiade que j’oze presenter à
vostre Grandeur, en qualité de,
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(1) L’oriflamme
était la bannière de l’abbaye de Saint- Denis, qui était
portée devant les rois de France quand ils allaient à la
guerre, jusqu’en 1415 où elle fut perdue à Azincourt . —
(2) La Sainte Ampoule, dont on entend parler
à partir du IXe siècle, aurait été apportée
à saint Rémi par une colombe pour opérer le sacre
du premier roi de France, Clovis, en 481. — (3) Livre
de l’Exode, XVII, 8-13. Lors de la bataille de Réphidim, Josué
triomphe des Amalécites pour autant que Moïse continue à
tendre les mains vers Dieu.— (4) La guerre
de Hollande a été commencée par Louis XIV le 6 avril
1672. Le roi et Condé prennent Orsoy, Wesel, Rhinberg, Burick et
passent le Rhin le 12 juin. Dès le 16 les Hollandais proposent
de céder les villes du Rhin, Maastricht, le Brabant et la Flandre
hollandaise plus de dix millions de livres, mais Louis XIV veut plus et
réclame le rétablissement de la liberté du culte
catholique; le 20 les Hollandais rompent les écluses de Muyden et
provoquent l’inondation du pays.
(5)
“De même qu’Israël l’emporta tant que priait le fils d’Amram
(Moïse), quand prie Gondrin triomphe Bourbon (Louis XIV)” (trad.
B.G.). —
(6) Dans la liturgie
catholique on appelle quarante heures certaines prières
extraordinaires continuées jour et nuit devant le Saint-Sacrement.
Gondrin avait publié un Mandement ordonnant des prières
de ce genre le 8 février 1652 à l’occasion des troubles de
la Fronde, “prescrivant les prières des quarante-heures pour la
pacification du royaume” (catalogue de la BNF). — (7) Gondrin
est arrivé à Étampes le 12 mai 1672 (cf. Georges Dubois,
Henri de Pardaillan de Gondrin, archevêque
de Sens, 1646-1674, Alençon, veuve Félix Guy, 1902, p.
339; la date du 7 juillet, donnée
par Jacques Gélis, Cahier d’Étampes-Histoire
n°7, 2005, p. 22, doit correspondre à un second passage dans cette
ville; Gélis s’est surtout intéressé à un
incident qui eut lieu au cours de cette visite entre l’archevêque
et les capucins d’Étampes). — (8) Louis-François
de France, fils de France, duc d’Anjou, né le 14 juin 1672, mourut
la même année le 4 novembre. — (9) Il
s’agit de toute évidence de feux de joie à l’occasion de la
naissance du duc d’Anjou: la Rapsodie de Nicolas Plisson, éditée
par Charles Forteau, Annales du Gâtinais 23 (1909), pp. 259-260,
mentionne des feux de joie de ce genre, également après
un Te Deum, en 1660 (paix avec l’Espagne), 1678 (paix
de Nimègue), début 1679 (nouvelle paix avec l’Espagne) et 22
mai 1679 (paix avec l’Empereur). — (10) Le 26 juin
1672.
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MONSEIGNEUR,
Vostre tres-humble & tres-obeissant
serviteur,
BREDET.
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ADVIS.
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TOUS ceux
qui ont écrit le Martyre des Saints Can, Cantien & Cantienne,
freres & sœur, de l’illustre famille des Aniciens, petit fils &
enfans des Empereurs Romains Carus & Carinus, n’ayans pas lû
lorsqu’ils ont composé leur Histoire tous les Autheurs qui en ont
parlé, m’ont obligé pour satisfaire à la curiosité
de nos successeurs d’en adjouster à ce discours le Catalogue, ausquels
on aura recours pour s’instruire de la verité, & pour apprendre
comme Estampes possede une grande partie des leurs precieuses Reliques,
desquelles le Roy Robert, fils de Hugues Capet a enrichy l’Eglise de Nostre-Dame,
dont il est le fondateur; les Breviaires de Sens & de Paris le publient;
ces Saintes Reliques furent données à ce grand & pieux
Monarque, peu de temps apres l’an mil, au voyage qu’il fit à Rome,
& duquel le Pape Benoist VII. ou selon d’autres VIII. du nom, fait mention
dans une de ses Lettres aux Evesques de Bourgogne & d’Aquilée,
rapportée au 4. Tome de l’Histoire de Duchesne, page 170. Il y a
contestation pour la possession des sacrez Ossemens de nos Saints Martyrs,
entre l’Eglise de Milan & d’Aquilée, parce que chacune semble
vouloir [p.7] s’attribuer les Corps entiers;
mais Ferrarius est d’opinion que l’Eglise de Milan possede seulement quelques
insignes parties de ces sacrées dépoüilles, que l’on
appelle par une figure dite Synecdoche, corps entiers; Il est vray que l’Eglise
de Milan a une particuliere veneration pour ces Saints Martyrs; ce qui donna
sujet au grand S. Ambroise, qui en estoit Archevesque, de faire un Sermon
à leur loüange que l’on void entre ses œuvres. Ces sacrées
Reliques ont reposé en un vase de Porphire, dans une Eglise dediée
à Dieu, sous le nom de S. Denys, Confesseur, située hors de
la porte Orientale de la mesme ville, jusques à ce que cette Eglise
estant devenüe presque entierement ruïnée par la suite
des temps, Antoine de Leva, Gouverneur de l’Estat de Milan, pour l’Empereur
Charles V. se résolut d’achever de la faire destruire. L’on enleva
tous les Corps Saints qui y reposoient, au mois de Fevrier 1528.* & on les transporta
dans l’Eglise Metropolitaine; ceux des glorieux Saints Can, Cantien &
Cantienne estoient gardez dans un Vaze en ovale, de Porphire tres-fin,
lequel fut dedié à servir de Baptistaire dans la mesme Eglise,
comme l’a remarqué Jean Baptiste Ville, Livre 7. des Eglises de
Milan, ils reposent aujourd’huy dans un lieu dit Confessio, ou Scurole
(c’est une Chapelle qui est soubs le maistre Autel de [p.8] cette Eglise Metropolitaine, l’une des merveilles
d’Italie, ainsi qu’est la Chapelle de Sainte Geneviefve de Paris, soubs
le maistre Autel de la mesme Eglise) & l’on lit à leur Sepulchre
l’inscription suivante, gravée sur un marbre, |
Robert le Pieux (camée des années 1630)
* D’après le texte
de l’inscription donné ci-après, il faut plutôt lire
ici 1578 (B.G.).
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Corpora Sanctorum Cantii, Cantiani,
& Cantianillæ, fratrum & Maximi Martyrum: Nonæ, Dionisii
& Galbini Archiepiscoporum Mediolani, Confessorum. Cineres aliquot
Sanctæ Pelagiæ Virginis & Martyris. Os unum Sancti Juliani
Episcopi Cenomanorum Confessoris.
Primum
inspecta est [lisez: et] recognita
Carolus S. R. Presbiter Cardinalis tituli Sanctæ Praxedis, Archiepiscopus
Mediolanensis reposuit.
Kalendis
Februarii M.D.LXXIIX.*
C’est au mesme sens que l’Eglise de Milan,
que celle de Nostre-Dame d’Estampes se console de posseder les Corps des
Saints Martyrs, d’autant qu’elle n’en possede que des parties insignes,
que l’on a veu de temps en temps, dont les Procez verbaux ont esté
dressez. Il y a eu deux translations des Saintes Reliques de ces glorieux
Martyrs à Estampes; La premiere, le quatriéme jour d’Aoust,
de l’an 1249. le Pape Innocent IV seant à Rome du reigne du Roy Saint
Loüis, par Gillon, ou Gilles, Archevesque de Sens, de l’illustre maison
des Cornu, Seigneurs de Villeneufve, pres Montreau Fautyonne, qui avoit
eu l’honneur destre consacré à Lyon des propres mains du mesme
Pontife Romain, l’an [p.9] 1244. ce Prelat
emporta la Machoire de Sainte Cantienne, pour enrichir son Eglise Cathedrale,
oû elle est conservée dans une Chasse eslevée derriere
le grand Autel; Il est probable que c’est luy qui ordonna ensuite qu’à
l’advenir on celebreroit la Feste de ces Saints Martyrs par toute la Province
Senonoise, & qu’il fit cette Ordonnance dans un Concile Provincial,
autrement ses suffragans ne se seroient pas soumis à faire celebrer
cette Feste dans leurs Dioceses. Il y en a qui ont écrit que Gillon
ayant douté de la verité des Sainte Reliques, il tomba dans
l’aveuglement, & qu’aussi-tost qu’il eust recours à l’intercession
des mesmes Saints, il recouvra la veuë; Il est vray qu’il faut qu’une
raison tres-puissante ait excité ce Prelat à faire celebrer
la Feste de ces Martyrs dans toute sa Province, & qu’un semblable miracle
pourroit bien luy avoir porté. Quant à la seconde translation,
le temps qui consume toutes choses, ayant apporté de la corruption
au coffre de bois qui soutenoit l’argenteri de la Chasse, laquelle on avoit
aussi volonté d’enrichir et de redorer, on obtint commisson de Monseigneur
Jean David Duperron, Archesque de Sens, en datte du premier jour de Juillet
1620. par laquelle il commit Messire Guy de Verambrois, Prestre, Maistre
és Arts en l’Université de Paris, Doyen de la Chrestienté
d’Estampes, & Curé de la Paroisse de S. Martin, les vieilles Estampes,
pour faire l’ouverture de la Chasse, & environ dix [p.10] mois apres la translation solemnelle de ces
Saintes Reliques fut faite, lesquelles furent remises dans la Chasse de nouveau
reparée & enrichie, par Reverendissime Pere en Dieu Messire Henri
Clausse, Evesque d’Aure, & Coadjuteur de Chaalons, designé successeur,
dont il dressa son Prcez verbal l’an 1621. le jour avant les Ides d’Avril
(c’est le 12. de ce mois) la seconde Ferie de Pasques, Gregoire XV. estant
Souverain Pontife, Jean David Duperron, Archevesque de Sens, du reigne de
Loüis XIII Roy de France & de Navarre, d’heureuse mémoire;
lesquelles Saintes Reliques depuis ce temps ont esté tousjours renfermées
jusques au 26. Juin de la presente année 1672. auquel temps Monseigneur
Loüis Henry de Gondrin, Archevesque de Sens, dans le cours de sa visite
fit ouvertures des Chasses, dont il adressé son Procez verbal, contenant
le nombre des Ossemens des Saints Martyrs, & autre Reliques qui s’y sont
trouvez.
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* Corps des saints martyrs Can,
Cantienne et Cantienne, frères, ainsi que Maxime; des archevêques
de Milan Nona, Denis et Galbin, confesseurs de la foi. Quelques cendres
de sainte Pélagie vierge et martyre. Un os de saint Julien évêque
du mans confesseur de la foi. Après les avoir inspectés
et vérifiés, Charles S. R. cardinal-prêtre du titre
de Sainte-Praxède, archevêque de Milan, les a remis en place,
le premier février 1578 (trad. B.G.).
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CATALOGUE DES AUTHEURS
tant anciens que modernes, qui ont écrit sur le sujet de
ces Saints Martyrs.*
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* Pierre,
Evesque d’Aquilée.
* Les registres de la mesme ville, contenans neuf Leçons.
* Saint Ambroise.
* Saint Maximin. [p.11]
* Bede.
* Usuardus.
* Adon.
* Philippes Ferrarius.
* Jean Baptiste Ville.
* Le RPF Paul Morige Giefvat.
* Guy, ou Guidon, Abbé de Saint Denis.
* Surius.
* Monbrice.
* Baronius.
* Venantius Fortunatus.
* Un ancien Poëme gaulois anonime.
* L’auteur H. B. T.
* Maistre Pierre Legendre, Advocat.
* Monsieur du Saussay, Evesque de Toul.
* Monsieur Chauvin, Conseiller des Monnoyes. |
* Sur ce catalogue sommaire et quelque
peu brouillon, je me permets de renvoyer à l’esquisse bibliographique
que j’ai donnée en annexe à mon édition du chapitre
des Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes
que dom Basile Fleureau a consacré à ces reliques (cliquez ici) (B.G.).
|
* Dom Basile Fleureau,
de la Congregation de Saint Paul*.
* Les Breviaires de Sens, de Paris & de Chartres.
* L’Office particulier des Saint Martyrs.
* Les Procez verbaux des Chasses faits és années 1282.
1570. 1620. 1621. & 1672. [p.12]
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* On remarquera que dom Basile Fleureau,
mort en mars 1574, est alors encore vivant, et que ses Antiquitez
ne seront publiées qu’en 1683. Sébastien Bredet a donc eu
entre les mains le manuscrit original de Fleureau, apparemment tout entier
rédigé dès 1668 (B.G.).
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LA CANTIADE.
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SONNET Premier.
Entre un nombre infini d’Illustres
personnages
Issus de noble sang des grands Aniciens*,
Se trevent** trois Martyrs
qu’on nomme Cantiens,
Deux freres, une sœur, tous égaux en courage.
Quantité de Consuls ornoit leurs parentages
Un grand nombre de Saints & beaucoup de Chrestiens,
Et si nous lisons bien l’Histoire des anciens,
Les titres d’Empereurs devenoient leurs partages.
La Naissance donnoit à ces nobles germains***
Ce que leur pere avoit, le Sceptre entre les mains,
Si Diocletian**** n’eust envahi l’Empire.
Mais afin d’en frustrer les freres & la sœur,
Il leur fit à tous trois endurer le martyre,
Et s’en rendit ainsi paisible possesseur*****.
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* Aniciens, francisation approximative du nom latin
des Anicii, membres de la gens Anicia, famille
romaine connue surtout à la fin de l’Empire où elle occupa
de hautes charges; elle donna même des empereurs tels que Pétrone
Maxime et Olybrius; mais rien n’indique qu’en aient jamais fait partie ni
les empereurs Carus et Carin, ni surtout nos trois martyrs. Le typographe
a oublié le s de grands.
** Il faut sans doute lire “se treuvent”,
c’est-à-dire “se trouvent”.
*** Germains,
latinisme pour “frères”.
**** Gaius Aurelius Valerius Diocletianus
, alias Dioclétien (vers 245-313), empereur romain (284-305),
responsable d’une persécution antichrétienne mythique dans
la littérature martyrologique. Envahi signifie “usurpé”
***** Paisible possesseur,
locution technique de la langue du droit, où l’on reconnaît
la plume d’un lieutenant du bailliage tel que l’était Bredet.
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II. SONNET.
Mais pour bien colorer cet acte
tyrannique,
Et commetre ce crime en cette Region*,
Il donna son pretexte à leur Religion,
Pour les faire mourir en la foy Catholique, [p.13]
Se figurant tousjours ce malheureux Ethnique**
Que son sort dependoit d’une telle
action,
Et que pour satisfaire à son ambition,
Il devoit entreprendre un dessein si tragique.
Pour s’affermir au Trosne où jadis s’estoient veus
Leur pere & leur ayeul, Carus & Carinus,
Dont le premier perit par un coup de Tempeste***,
Il fit la guerre à l’autre, & lui perça le flanc****,
Aux enfans & neveux il fit trancher la teste,
Et combla ses grandeurs en respendant leur Sang.
III. SONNET.
Ce Tyran orgueilleux & tout
boüillonnant d’ire,
Se porta furieux contre la Chestienté,
Par d’injustes Edits remplis de cruauté,
Au premier pas qu’il fit pour monter
à l’Empire.
Car pour tout écarter ce qui
luy pouvoit nuire,
Son esprit de vengeance & de
malignité
S’advisa d’attaquer la generosité*
De ceux qui pour un Dieu** souffrirent le martyre.
Au nombre
glorieux*** de cent mille Chrestiens****
On adjoûta les corps des jeunes
Cantiens,
Dont le cœur magnanime emporta la
Victoire. [p.14]
D’où l’on peut inferer que
ces nobles germains
Ont gagné dans le Ciel trois
Couronnes de gloire,
Quoy qu’ils n’en ayent perdu qu’une
chez les Romains.
|
* En cette Region.
Il faut comprendre, sans doute, “relativement à des personnes
d’une si haute dignité”. Ces motivations politiques, entièrement
imaginées à ma connaissance par Sébastien Bredet,
sont du plus grand intérêt romanesque; elles reflètent
surtout l’idée que pouvait se faire en ce temps-là un officier
royal étampois des finesses de la haute politique.
** Ethnique, hellénisme
quelque peu forcé, signifiant “païen”.
*** Marcus Aurelius
Carus, alias Carus (vers 230-283), empereur romain en 282
et 283, d’ascendance en réalité inconnue, laissant le gouverment
de l’Occident à son fils Carinus, et parti conquérir la
Mésopotamie, y serait mort frappé par la foudre dans sa
tente.
**** Marcus Aurelius Carinus, alias
Carin, fils et successeur de Carus, empereur de 284
à 285, était en train de l’emporter sur son rival Dioclétien
lorsqu’il fut poignardé par l’un de ses propres hommes.
* La générosité,
“la noblesse”.
**
Pour un Dieu, latinisme grammatical: “pour attester
l’unicité de Dieu”.
***
Au nombre glorieux, latinisme lexical: “à
la troupe glorieuse”.
**** Cent mille: La littérature martyrologique
a considérablement exagéré au cours des siècles
le nombre des victimes des persécutions antichrétiennes.
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IV. SONNET.
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Lors qu’on eut publié deux
Edits fort severes,
Portans injonction d’adorer les faux Dieux,
Qu’on les veid* affichez en quantité de lieux,
Que leur bruit eut touché l’oreille de ces freres,
Leurs esprits éclairez des divines Lumieres
Que conduisoit tousjours le grand Docteur Protus**
Au celeste Sentier de toutes les Vertus,
Quiterent avec luy ce lieu plein de miseres:
Cette Troupe sacrée, ardente pour la foy,
Qui n’adoroit qu’un Dieu, qui n’aimoit que sa Loy,
Voyant Rome en desordre & toute desolée,
Pour ne pas du Tyran irriter le courroux***,
Se mit aussi-tost au chemin d’Aquilée,
Dans l’espoir d’y trouver un air qui fust plus doux.
|
* On les veid. “on les vit”.
** Protus, pédagogue
des trois jeunes gens et martyr avec eux, ne semble jamais avoir intéressé
les Étampois, qui n’ont jamais prétendu posséder
ses reliques (bien qu’il ait été représenté
sur la châsse, cf. Fleureau, Antiquitez, p. 364). La légende
originelle, de plus, en faisait l’initiateur des jeunes gens au christianisme;
mais Bredet laisse plutôt à entendre qu’ils descendaient des
Empereurs Carus et Carinus (ce qui est très loin d’être avéré)
eux-mêmes déjà chrétiens (ce qui ne l’est pas
davantage) puisque nos martyrs auraient été, dit-il, chétiens
dès le berceau.
*** Pour ne
pas... Ce point du récit, la fuite des martyrs, est une difficulté
traditionnelle à laquelle on donne toujours des explications plus
ou moins embarrassées.
|
V. SONNET.
Mais les deux Gouverneurs, Ministres
de sa rage,
Advertis du projet des ces Princes Romains, [p.15]
Les font si bien chercher qu’ils tombent entre leurs mains
Au moment qu’ils croyaient éviter cet orage.
Loin que cet accident r’allentit leur courage,
Ils combattent sans peur ces Edits inhumains,
Et lors que les Sergens* demandent leurs desseins,
A l’envy pour response ils tiennent ce lengage.
L’ordre de l’Empereur ne nous étonne pas,
Et nous sommes tous prests de souffrit le trespas
Plutost que de donner de l’encens aux Idoles,
Nous ne connoissons pas des Demons pour des Dieux**
Et vous n’aurez de nous jamais d’autres
paroles,
Puisque nous n’en offrons qu’au Monarque des Cieux.
V. SONNET.
|
* Ce mot de sergent fleure bon aussi le terroir étampois,
et plus généralement les institutions du début du
XVIIe siècle, comme la périphrase qui suit. ministres
de Justice, désignant Dulcidius et Sisinius.
** On sait que les premiers chrétiens
ne niaient pas proprement l’existence des dieux païens ni les prodiges
qui leur étaient attribués: mais il les identifiaient à
des démons, anges déchus qui égaraient volontairement
l’humanité.
|
Vos Dieux sont des Rochers* & de
vaines Idoles
Dont vostre aveuglement vous fait
adorateurs,
Des hommes comme vous en sont les
createurs,
Comment donc servez-vous des Deïtez
frivoles?
Encor un coup voicy nos dernieres
paroles
D’un seul Dieu tout puissant nous
sommes amateurs
Qui ne doit point son estre à
la main des Sculpteurs
Et nous l’avons apris en de bonnes
Ecoles. [p.16]
|
* Cf. par exemple
Deutéronome XXXII, 37: “Où sont leurs
dieux, le rocher vers lequel ils se retiraient?”
|
Que Dulcitius sçache avec
Sisinius**
Que nous n’entrerons point en de si
grands abus,
Qu’ayant loué Jesus mesme dedans les Langes,
|
** Le comte Sisinius était représenté
sur la châsse (cf. Fleureau, Antiquitez, p. 363), châsse
fabriquée à l’époque d’ailleurs où Étampes
était un comté.
|
Dans les Drapeaux*** encore & dedans le Berceau,
Nous ne cesserons point de chanter
ses louanges,
Et de parler de luy jusques dans
le Tombeau.
|
*** Un drapeau
est originellement une pièce de drap, dans laquelle spécialement
on enveloppe les enfants, autrement dit rien d’autre qu’un lange.
|
VII. SONNET.
|
|
Alors ces menaçans ministres
de Justice
S’en retournent sans fruit avec leur
vain effort,
Et de tout ce discours vont faire
le rapport,
Ensemble du refus de faire sacrifice:
|
|
Mais quoy que tout cecy regardast
la Police,
Que le crime eust esté commis dans leur
Ressort*,
Des Juges informez ne disent rien d’abord,
Et n’osent pas encor ordonner du supplice:
Ils n’osent pas punir ce crime, cette erreur,
Sans en avoir receu l’ordre de l’Empereur,
Vers qui sans perdre temps ils deputent
un homme,
Pour l’instruire de tout ce qu’on
leur avoit dit,
Et sur le fier refus d’obeïr
à l’Edit,
Sçavoir les volontez &
le desir de Rome. [p.17]
|
* A ces considérations
on reconnaît bien à nouveau l’auteur, conseiller au bailliage d’Étampes,
lieutenant particulier et civil, ainsi que surtout assesseur criminel
en la prévôté.
|
Lettre du President Dulcitius,
& du Conte Sisinius,
Gouverneurs d’Aquillée, envoyée à
l’Empereur Diocletian.
Invincible Empereur, dont la vaillance
extreme
a vaincu tant de Roys,
Vangez les vrais autheurs de vostre Diademe
en conservant vos Loix.
La race de Carin d’un vain orgueil enflée
est venuë en ces lieux
Censurer vos Edits, suborner Aquilée
& rire de nos Dieux.
Desja mil habitans de toute la Province
suivent ces imposteurs,
Mandez sur ce sujet vostre dessein grand Prince
à vos deux serviteurs.
DULCITIUS, SISINIUS.
|
Dioclétien au diadème
|
Response de Diocletian
aux Gouverneurs d’Aquilée.
Mon poil se herissa, mon ame fut
glacée
Lisant en peu de mots tant de meschancetez,
[p.18]
Et l’amour que j’avois la tiendroit
balancée*
Si je n’estois certain de vos fidelitez.
Enfin, sur ce sujet j’ay fait faire
assemblée,
Où nous avons jugé comme
les Senateurs**,
Qu’on executera l’Edit dans Aquilée
Pour vanger de nos Dieux tous les
blasphémateurs.
Quant aux fils de Carin que l’Univers
revere,
Tirez les par douceur de leur aveuglement,
Dites leur en faveur de Carus leur
grand pere,
Que je seray soigneux de leur avancement,
Pourveu qu’en renonçans à
l’horreur de leur crime,
Ils aillent presenter de l’encens
à nos Dieux,
Mais s’ils sont refusant d’observer
nos maximes,
Vous priverez du jour ces esprits
vicieux.
VIII. SONNET.
Cependant ces germains s’eschapent
à l’emblée*,
Montez dedans un Char traisné de trois mulets,
Sçachant qu’on leur tendoit de captieux filets,
Pour les perdre en secret dans la grande Aquilée.
Cette jeunesse, enfin, de Protus conseillée,
Ayant pour cette fin receu quelques billets,
Fuyant vid** des Tyrans
accourir les valets,
Et tomber une mule assez mal attelée. [p.19]
A la chute de l’un de ces trois animaux,
Ils sortent de leur Char, previennent les Boureaux***,
Comme advertis du Ciel du temps de leur victoire****.
Suivez, leur dirent-ils, nous voulons preceder,
Retarder nostre mort, ce seroit retarder
Un temps trop precieux qui nous porte à la gloire.
X. SONNET.
En un mot ces germains sont conduits
au supplice
Pour la foy de JESUS il y portent leurs
pas,
Et ce lieu qu’on nommoit ad Aquas
gradatas*,
Est appellé par eux le lieu
de leurs delices.
Ils y blasment Juppin** nonobstant les malices
Des partisans des Dieux qu’ils ne
connoissoient pas.
L’offre de Jovius*** n’eut pour eux point d’apas,
Ils pousserent à bout toutes
leurs artifices.
Bref, ayant rejetté leurs
presents & leurs Dieux,
Ausquels ils preferoient le Souverain
des Cieux,
Sans craindre le peril ny la mort
la plus grande.
On les decapita, prodigieux effet!
On demanda leur sang, ils donnerent
du laict,
Mais laict qui leur acquis la celeste
Guirlande****. [p.20]
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* Et l’amour
que j’avois la tiendroit balancée, “et l’amour que j’avais
pour les fils de Carus ferait hésiter mon âme”.
** Dans cette vision de l’empereur qui prend conseil
du Sénat, il semble entrer quelque chose des institutions de l’époque
de Bredet, tant du conseil de bailliage d’Étampes que de la Cour de
Parlement de Paris.
Kranj (Slovénie), vers 1520
* à
l’emblée: “par surprise”. — ** Vid: “vit”. — ***
Previennent les boureaux: “vont à leur rencontre”. — **** Du temps de leur
victoire: “du moment où ils remporteront la palme du martyre”.
Notre-Dame d’Étampes, fin XVIIe siècle
* Ad aquas
gradatas: lieu-dit de la banlieue d’Aquilée, “aux Eaux-en-Degrés”.
— ** Ils
y blâment Juppin: “Ils y blasphèment Jupiter”. — *** Jovius:
nom du sergent qui les poursuit. — **** Qui leur acquis la celeste Guirlande. Allusion
probable à la Voie lactée, elle-même synecdoque du
Ciel et donc du séjour des bienheureux.
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MEMOIRE DES OSSEMENS
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des
Saints Can, Cantien & Cantienne, & autres Reliques qui se sont
trouvées dans les deux Chasses d’Estampes, veus & examinez
de l’Ordonnance de Monsieur l’Archevesque de Sens, en sa presence, &
d’un grand nombre de peuple, par les Sieurs Pichonnat, Docteur en Medecine*, &
le Muret, Maistre Chirurgien**, le 26 Juin 1672.
* Premierement, un os de la jambe gauche, nomme Tibia.
* Un os du bras droit dit Humerus.
* L’omoplate gauche.
* L’os du coude gauche, dit Cubitus.
* La premiere vertebre du col.
* Un vertebre des Lombes.
* Six autres vertebres.
* Une autre vertebre en morceaux.
* Une partie de l’os de la teste, nommé Petreux, où
Lapophise interne de l’oreille est entiere.
* Un grand morceaau de la teste, nommé Occipital.
* Un os du talon, dit Astragal.
* Une coste entiere.
* Un morceau de la machoire superieure, où il y a sept alveoles,
ou trous de dents.
* Un autre morceau dudit os Petreux.
* Un autre morceau de la partie inferieure de l’os du bras, dit
Cubitus.
* La moitié d’une coste. [p.21]
* Sept morceaux de costes.
* Cinq autres petites esquilles de costes.
* Deux petits morceaux de vertebre, ou espine.
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* Michel Pichonnat,
probablement fils de l’apothicaire étampois François Pichonnat
(AD91 E. 3783 et E. 3791); nous le voyons nommé en 1697 “médecin,
pour visiter les pauvres malades de l’hôtel-Dieu” (Archives municipales
d’Étampes AA 185) ainsi que “médecin contrôleur de
la gabelle d’Étampes” (Léon Marquis, Les Rues d’Étampes,
1881, p. 57). Avec le médecin et apothicaire François Descurain
(grand-père de Jean-Étienne Guettard) et le curé de
Notre-Dame Le Maistre, il formait une petite académie étampoise
qui se réunissait en présence de la jeunesse du lieu, au témoignage
de son petit-fils (cf. Marquis, op. cit., p. 349).
** Le chirugien étampois Michel Le Muret,
probablement fils du chirurgien Ferry Le Muret (AD91 3855), nous est connu
notamment par les archives des censives du Bourgneuf et de Longchamp (AD91
E. 3800 et 3804; E. 3906, 3911 et 3912).
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* Un morceau de la
peau de S. Jean Chrisostome.
* Une bourse dans laquelle il y a trois morceaux de fer.
* Un sachet couvert de taffetas blanc, où il y a cete inscription,
Hic habentur pulvis de carne & ossibus beatorum Martyrum
Cantii, Cantiani, & Cantianillæ*.
* Un autre sachet semblable où est cette autre inscription,
Hic habentur de indusiis & linteaminibus Sanctorum**.
* Un autre sachet de satin rouge, où est écrit de
la pierre du Tombeau de Nostre Seigneur, & plusieurs autres Reliques.
* Un petit flacon de plomb, où il y a une matiere comme
de terre.
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* Ici se trouve
de la poussière de la chair et des os des saints martyrs Can, Cantien
et Cantienne (trad. B.G.).
**
Ici se trouvent une part des chemises et des linges des saints
(trad. B.G.).
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Hymnus Sanctæ Cantianillæ,
& in fine
cujuslibet versiculi invenitur ipsum nomen Cantiannilla declinatum.
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Hymne de sainte Cantienne
et à la fin de chaque strophe se trouve décliné
le dit nom de Cantienne.
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Notes
à l’intention
des non latinistes
On notera que le texte
de cette hymne est visiblement corrompu par endroit.
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Orbis exultans* resonnet tropheum,
Hanc diem stempæ** celebrent sacratam,
virgo conscendit meritis olympum,
Cantianilla. [p.22]
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Le monde exultant
chante cette victoire,
Étampes
célèbre ce jour sacré:
Sur l’Olympe
par ses mérites monte la vierge
Cantienne.
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Cantianilla au nominatif
(en fonction de sujet)
* Plusieurs hymnes anciennes
commencent par ces mots: Orbis exultans celebret hoc festum, etc.
— ** Cette orthographe
Stempæ semble dater notre pièce du XVIe siècle.
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Urget at Christum Jovius negare,
Fraustra* promissis †crucæ frustra†**, sistit,
Firmitas contra rigidum*** Tyrannum,
Cantianillæ.
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Jovius la presse
de renier le Christ
En vain lui
tend-il des [?bouts d’encens?]: elle tient bon
Contre l’inflexible
tyran, la fermeté
De Cantienne.
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Cantianillæ
au génitif
(en fonction de complément du nom)
* Fraustra = frustra
— ** cruca:
une des formes en bas latin du mot “crosse” (?); le texte porte frustra:
Il faut peut-être corriger en auri frustis “des lingots
d’or” (cf. Prudence, Psychomachia: auri sordida frusta rudis),
ou plutôt en thuris frustis, “des morceaux d’encens”. —
*** Le texte porte erronément regidum.
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Concinit vadens ad Aquas Gradatas,
Pro Deo fundit niveum cruorem*,
Est ne constanti similis puella,
Cantianillæ.
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Elle chante en gagnant
les Eaux-Étagées,
Elle verse pour
Dieu un sang de neige:
Il n’est aucune
jeune fille semblable à la ferme
Cantienne.
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Cantianillæ
au datif
(en fonction de complément de l’adjectif similis,
semblable à)
* Niveus cruor,
miracle: au lieu de sang, du lait aurait coulé de ses blessures.
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Cernitur victrix hodie triumphat,
Et refert palmam superando, Christus,
Propter hæc cingit nitida corona,
Cantianillam.
|
On la voit vaincre
aujourd’hui, elle triomphe
Et remporte
la palme par sa victoire: le Christ
Pour cela ceint
d’une éclatante couronne
Cantienne.
|
Cantianillam à
l'accusatif
(en fonction de complément d’objet direct)
|
Martyr insignis rogitamus omnes
Voce communi triadem precari,
Supplicum fœlix memorare virgo,
Cantiannilla.
|
Insigne martyre,
nous te pressons tous
D’une seule
voix de prier la Trinité
D’écouter
nos suppliques, ô bienheureuse vierge,
Cantienne!
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Cantianilla au vocatif
(en fonction d’apostrophe) |
Semper oremus sine fine numen,
Post neces ut nos radiantis axis,
Cum pia celsas* adeamus arces,
Cantianilla.
Amen. [p.23]
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Prions sans cesse
la divinité
Pour qu’après
notre mort, du ciel rayonnant
Nous gagnions
les sublimes hauteurs, avec la pieuse
Cantienne.
Amen!
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Cantianilla à
l’ablatif
(en fonction de complément circonstanciel d’accompagnement)
* Le texte porte erronément
cellas.
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APPROBATION
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Je
certifie avoir leu exactement la Cantiade, ou l’Eloge des Martyrs Saints
Can, Cantien & Cantienne, freres & sœur, composé par Maistre
Sebastien Bredet, Conseiller au Bailliage d’Estampes, Lieutenant Particulier,
Civil, Assesseur Criminel en la Prevosté dudit lieu, Maire de ladite
ville d’Estampes; dans lequel Eloge je n’ay rien trouvé de contraire
à la Foy Catholique, Apostolique, & Romaine. Fait à Paris
en Sorbonne, le vingt-cinquiéme Septembre 1672. Signé, N.
PETITPIED*, Docteur de la Société
de Sorbonne.
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* Nicolas Petitpied
(1627-1705), canoniste français, docteur en Sorbonne, à ne
pas confondre avec son neveu et homonyme plus connu, également docteur
en Sorbonne (Nouvelle biographie générale, Paris, Firmin
Didot, 1862, tome 39, p. 719).
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ANNEXE
Abbé Bonvoisin
Sur la reconnaissance
des reliques de 1672
Extrait de sa Notice de 1866
Enfin les châsses furent ouvertes une dernière fois
solennellement par Henri de Gondrin, archevêque de Sens, en
1672. Cet archevêque, en cours de visite, voulut s’assurer
par lui-même de l’importance de ces reliques, objet d’une si grande
vénération; il prit les précautions les plus
minutieuses. Indépendamment des curés d’Étampes,
des [p.52] chanoines
de Notre-Dame et de Sainte-Croix, des échevins de la ville, des
marguilliers de Notre-Dame, il appela les notables bourgeois et marchands
du quartier, et se fit assister de maître Pichonnat, docteur médecin,
et Michel Muret, maître chirurgien en cette ville. Il semble que
la Providence permit cette visite, dont rien ne démontre humainement
la nécessité, pour relier la chaîne des temps.
Sans elle nous n’aurions aucune trace des reconnaissances de 1531 et
de 1570. Il ne reste aucune pièce à cet égard,
mais copie des procès-verbaux de ces visites avait été
déposée avec les saintes reliques; c’est là aussi
que se trouve le procès-verbal de l’évêque d’Aure,
1621.
Mgr de Gondrin ordonna, pour en
conserver la mémoire à la postérité,
qu’il serait fait une copie de toutes les pièces trouvées
dans les châsses pour être insérée, ainsi
que l’attestation des médecins, dans le procès-verbal
qu’il signa avec son secrétaire, [p.53]
et sur lequel il fit apposer son sceau, portant
ses armes et l’inscription: Ludovicus Henricus, archiepiscopus
Senonensis (1).
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(1) Ce procès-verbal de seize pages, parchemin
bien conservé, est classé dans les archives de la
fabrique de Notre-Dame.
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Du reste, tout fut trouvé en cette visite comme il est dit
au procès-verbal de 1621 les reliques insignes dans la grande
châsse en vermeil, et les deux petits sacs de soie dans la petite
châsse en bois doré, avec les inscriptions:
Hic habetur pulvis ex ossibus sanctorum Cantii, Cantiani
et Cantianillæ. Et sur l’autre: Hic habentur de indusiis
et linteaminibus sanctorum.
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Abbé
BONVOISIN (curé de N.-D. d’Étampes, chanoine honoraire
de Versailles), Notice historique sur le culte et les reliques
des saint martyr Cant, Cantien et Cantianille, patrons de la ville
d’Étampes [14 cm sur 9; 127 p.; bibliographie pp. 3-4 &
121], Versailles, Beau jeune, 1866, pp. 51-53.
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Source: la texte original mis en ligne en mode image
par la BNF, saisi en mode texte , annoté et illustré
par Bernard Gineste en 2010.
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