A
mon ami François Jousset
Abbé Bonvoisin
Notice
historique sur le culte et les reliques des saint martyrs
Cant, Cantien et Cantianille, patrons
de la ville d’Étampes
1866
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Le produit
de la vente de cette petite notice est destiné à payer
les nouvelles châsses.
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NOTICE HISTORIQUE
SUR LE CULTE ET LES RELIQUES
DES SAINTS MARTYRS
CANT, CANTIEN ET CANTIANILLE
PATRONS DE LA VILLE D’ÉTAMPES
Par M. l’abbé BONVOISIN,
Curé de N.-D. d’ÉTAMPES,
Chanoine honoraire de Versailles.
VERSAILLES,
IMPRIMERIE DE BEAU JEUNE,
Rue de l’Orangerie, 36.
1866.
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Si, comme le font supposer les papiers conservés dans les archives
de Notre-Dame, cette église a été terminée
vers l’an 1025, il y a maintenant huit cent quarante ans que le culte
des saints martyrs dont je vais retracer l’histoire, a commencé
dans cette ville.
Quand la pensée m’est venue
d’entreprendre ce travail, il m’a paru que je ferais une œuvre agréable
aux habitants d’Etampes, dont la dévotion repose, au moins chez
le plus grand nombre, sur des traditions vagues et indéterminées.
L’apôtre saint Paul veut que
notre soumission soit raisonnée; c’est un devoir pour
tout fidèle de se rendre compte de sa foi. [p.2] Mais ce que le grand
apôtre dit de la foi peut aussi s’appliquer au culte, et je serais
heureux si cette petite Notice apporte la lumière dans l’esprit
de ceux qui voudront bien la lire attentivement. Leur piété
sera éclairée; ils n’auront pas moins de dévotion
qu’auparavant, mais ils sauront pourquoi ils suivent nos processions,
pourquoi ils amènent leurs enfants et les font passer sous les
saintes reliques, pourquoi ils les font inscrire sur les registres de la
confrérie, et les mettent ainsi sous la sauvegarde de nos saints
patrons.
Il est très-probable que le
travail que j’entreprends aujourd’hui a déjà été
fait dans les temps anciens par quelque habitant d’Étampes;
mais il n’en reste aucune trace, et je n’ai pu me procurer que des ouvrages
relativement récents. En voici la nomenclature:
L’Éloge de trois Martyrs,
par Jean Chauvin, conseiller du roi, en la cour des monnoyes, [p.3] imprimé à Paris
chez R. Sara, 1658;
Dom Fleureau, Antiquités
d’Etampes, Paris, chez Coignard, 1683;
La vie des trois Martyrs, Cant,
etc. Orléans, chez Ch. Jacob, qui déclare l’avoir rédigée
lui-même, 1748;
Abrégé de la vie
des saints Martyrs, etc., avec une approbation de Mgr Languet, archevêque
de Sens, de 1742 (2e édition), sans nom d’auteur, chez P.-H.
Tarbé, Sens, 1781.
Enfin, et par-dessus tout, pour les
détails propres à la ville d’Étampes, les notes
et procès-verbaux conservés dans les archives de Notre-Dame.
Ont écrit particulièrement
sur le martyre de nos saints patrons:
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Martyre de Cant, Cantien et Cantianille
(Notre-Dame d’Étampes)
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Saint Ambroise, archevêque de Milan, sermon 75 (1). [p.4]
Pierre de
Natalibus. Livre V, ch. 70;
Mombritius. Tome 1er Vie des Saints;
Huit leçons d’un ancien bréviaire
d’Aquilée;
Les différentes éditions
du bréviaire de Sens;
L’ancien bréviaire de Paris;
Le bréviaire de Versailles,
1829;
Les notes de Baronius, 1598;
Le martyrologe romain;
Les martyrologes d’Usuard, de Surius,
de Bède, d’Adon, de Guy, abbé de Saint-Denis.
Enfin, André de Saussaye,
protonotaire de la sainte Église romaine, official de Paris,
dans son martyrologe de l’Église gallicane. [p.5]
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(1) Quelques auteurs pensent que ce sermon,
imprimé avec les œuvres de saint Ambroise, est de saint Maximin,
évêque de Turin. (Note de Lourent le Chartreux et d’Usuard.)
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I.
HISTOIRE DES MARTYRS
Avant de commencer l’histoire du
culte de nos saints patrons, il semble important de les faire bien connaître:
c’est le moyen de comprendre le prix du trésor que possède
notre ville et de ranimer notre dévotion.
Voici d’abord comment s’explique
le martyrologe romain, au 31 mai:
Aujourd’hui, à Aquilée,
le martyre des saints Cant, Cantien et Cantianille leur [p.6] sœur, de l’illustre famille des Aniciens,
lesquels, ainsi que Protus, leur gouverneur, eurent la tête tranchée
pour leur constance dans la foi, sous les empereurs Dioclétien
et Maximien.
La famille des Aniciens, d’où
sont sortis nos saints patrons, était une des plus recommandables
de Rome: elle donna à cette ville des philosophes, des consuls
et des empereurs; bien plus, elle lui donna des saints. Le premier sénateur
qui se fit chrétien, était un Anicien, comme le constatent
ces deux vers de Prudence, dans son livre contre Symmaque:
Fertur
enim ante alius generosus Anicius urbis
Illustrasse caput; sic se Roma inclyta jactat.
Tite-Live
nous apprend, au livre 45 de ses Annales, qu’un Anicien, Lucius, triompha
des Illyriens et de leur roi Gentius. Saint Jérôme, dans
sa lettre huitième, à Démétriade, qui,
elle aussi, était Anicienne, [p.7]
la félicite d’appartenir à
une famille dont tous, ou presque tous les membres, avaient été
honorés du consulat. La grandeur et la richesse des palais aniciens
étaient passées en proverbe à Rome, tellement que
Secondinus, voulant faire un éloge pompeux des œuvres de saint
Augustin , lui écrivait: «Pour moi, je confesse que la beauté
et la richesse des palais et des marbres d’Anicius, que chacun admire, n’ont
rien de comparable à la beauté et à la richesse de
vos écrits.» Mais cette famille ne fut pas seulement illustre
par ses richesses, ses palais et le rang que ses membres occupaient dans
le monde. Elle le fut surtout par ses martyrs et ses confesseurs. En effet,
indépendamment des saints dont nous voulons retracer l’histoire, elle
donna à l’Église les saintes femmes Proba, Julienne et Démétriade,
et l’illustre confesseur de la vérité, Anicius-Manlius-Severinus
Boëce, consul et [p.8] philosophe
chrétien. (Baronius, martyrol. rom., 31 mai.)
On cite encore comme sortant de
cette famille, saint Benoît, père de la vie monastique,
en Occident, et aussi le docteur angélique saint Thomas, si,
comme plusieurs l’ont prétendu, il était parent de l’empereur
Frédéric Il.
On croit que nos saints patrons
étaient fils de Carinus, gouverneur des Gaules, et neveux de
Numérien; c’est l’opinion de Pierre, évêque d’Aquilée.
Ces deux princes, sous le nom de Césars, avaient été
associés à l’empire par Carus, leur père, dans le
commencement de sou règne. Mais Carus, ayant été
frappé de la foudre après sa grande victoire sur les Perses,
le trône leur fut disputé par Dioclétien, qui devint
maître de l’empire, en 284, et s’associa plus tard Maximien.
Nos saints, dépouillés
alors de tout ce [p.9] qui
paraît grand aux yeux du monde, comprirent qu’il y a pour l’homme
une autre fin que la gloire et les splendeurs de la terre; et sous la
conduite du prêtre Protus, leur gouverneur, ils s’appliquèrent
à l’étude des preuves sur lesquelles on établit
la vérité de notre sainte religion.
Ainsi, ils passèrent leur
première jeunesse à peu près oubliés de
leurs ennemis, sous la direction d’un guide sage et expérimenté,
qui leur inspira un sincère amour pour Dieu, une vive reconnaissance
pour ses bienfaits, et une ferme résolution de sceller de leur
sang, s’il le fallait, l’hommage qu’ils rendaient déjà à
la vérité, par la pratique de toutes les vertus chrétiennes.
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Martyre de Cant, Cantien et Cantianille
(Notre-Dame d’Étampes)
Kranj (Slovénie), vers 1520
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Cependant les empereurs romains s’obstinaient à ne pas voir
le doigt de Dieu dans le triomphe du christianisme, qui, depuis trois
cents ans, malgré la cruauté des bourreaux, continuait
à éclairer le monde et à le renouveler par sa doctrine
vivifiante. Ils [p.10] voulurent
en finir avec lui; et tentèrent par une nouvelle et plus violente
persécution, d’éteindre le flambeau de la foi, dans
le sang des martyrs. Nos saints habitaient Reine. Pour épargner
à leur foi cette terrible épreuve et d’après le
conseil de Protus, ils voulurent s’abriter contre l’orage. En effet,
il est défendu de tenter le Seigneur; ils se laissèrent
donc guider par la parole du divin Maître: «Si
ou vous persécute dans un lieu, fuyez dans un autre.»
Après avoir vendu, pour en distribuer le produit aux pauvres,
tout ce qu’ils possédaient à Rome; après avoir affranchi
leurs esclaves, ils se retirèrent à Aquilée, ville
d’Istrie, où ils possédaient d’autres biens. Là,
ils espéraient trouver le prêtre Chrysogone, leur ami,
qui était devenu évêque de ce lieu (1). [p.11]
Nos jeunes gens furent bientôt
découverts dans cette ville où la persécution
les avait devancés; l’évêque Chrysogone avait déjà
remporté la couronne du martyre. Dulcidius et Sisinius, chargés
de la recherche des chrétiens dans ce lieu, leur firent intimer
l’ordre de se présenter pour sacrifier aux dieux: c’est alors
que ceux-ci répondirent à 1’émissaire de ces magistrats
iniques:
«Ce n’est pas notre coutume
de sacrifier aux démons; dites à ceux qui vous ont envovés,
que nous sommes résolus de perdre tout plutôt que de perdre
Jésus-Christ.» [p.12]
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(1) Aquilée, qui n’est plus qu’un
village habité par quelques pêcheurs, dans le Frioul, province
vénitienne, était, à 1’époque dont nous
parlons, une ville célèbre, désignée sous
le nom de seconde Rome. On croit que l’Evangile fut prêché
à Aquilée par saint [p.11] Jacques,
lequel eut pour successeur saint Marc qui aurait écrit son évangile
dans ce lieu. Ses plus illustres évêques furent saint Hermonas,
saint Hilaire, saint Chrysogone , saint Théodore, saint Chromatius
et saint Théodoret. Elle prit, dans la suite, le titre d’Eglise
patriarchale; elle fut ravagée plusieurs fois par les barbares,
qui pénétraient le plus souvent en Italie par le Frioul;
enfin, le titre d’église patriarchale fut transféré
à différentes villes et en dernier lieu à Venise,
qui a conservé aussi le patronage de saint Marc.
La ruine complète d’Aquilée peut être reportée
au XIe ou au XIIe siècle.
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Cependant le gouverneur, incertain et hésitant sur la conduite
qu’il devait tenir envers des personnages de ce rang, résolut
d’en référer à l’empereur, et il le fit, selon
un ancien auteur, dans les termes suivants (1):
«Divin empereur, nous nous
croyons obligés de vous rendre compte de ce qui se passe ici
contre l’honneur des dieux et le service de votre auguste majesté.
Les lois romaines vont disparaître, si votre autorité,
qui est leur âme et leur force, ne nous vient pas en aide. Les
chrétiens font un si grand mépris des dieux que ce mépris
surpasse tout ce qu’on peut imaginer. Nous avons en outre appris l’arrivée
dans cette ville d’Aquilée de jeunes princes, accompagnés
de leur sœur, qui adorent le Christ et méprisent ouvertement les
dieux. Nous attendons le commandement qu’il vous plaira de nous faire
et [p.13] nous
l’exécuterons avec la prompte et parfaite obéissance
que nous devons aux ordres de votre divine majesté.»
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(1) Éloge de Martyrs, par
Jean Chauvin.
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Si cette lettre n’est pas authentique, elle exprime bien cependant les
sentiments dont étaient certainement animés ces deux hommes
qui devaient se surveiller mutuellement, qui rampaient devant le maître,
et qui étaient vraiment dans une situation très-embarrassante
en présence de ces jeunes princes; trop mous, ne seraient-ils pas
accusés de trahison; trop sévères, n’y avait-il pas
danger de se compromettre; il s’agissait, en effet, de personnes que la
politique des empereurs pouvait avoir intérêt à ménager.
Pendant le temps qui s’écoula
entre l’envoi de cette lettre et l’arrivée de la réponse
de l’empereur, nos saints, loin de se déconcerter, furent remplis
d’une nouvelle ardeur. Maintenant qu’ils étaient connus et qu’ils
avaient rendu un premier témoignage
[p.14] authentique de leur foi, rien ne pouvait plus
les retenir. Ils visitaient les chrétiens, dont les prisons
leur étaient ouvertes à prix d’argent; ils consolaient
et encourageaient les confesseurs de la foi, ils s’entretenaient avec
eux, du bonheur de mourir pour Jésus-Christ, et d’échanger
une vie fragile et misérable contre une vie éternelle
et glorieuse.
Jusque-là ils étaient
demeurés en liberté et cédant aux conseils de
leurs amis, des martyrs même, qui voulaient épargner une
si terrible épreuve à leur jeunesse, ils se décidèrent
à sortir d’ Aquilée. Déjà ils avaient pu
faire en secret tous les préparatifs de leur départ: et
montés sur leur char, ils s’éloignaient rapidement de la
ville, lorsque Dieu, qui leur réservait la couronne du martyre,
permit qu’une de leur mule, s’étant blessée au pied, leur
course se trouvât ralentie. Cet accident donna aux gens du gouverneur
qui les poursuivaient la facilité, [p.15]
de les atteindre, et ils furent arrêtés
à une lieue d’Aquilée, dans un village qui, à cause
de leur martyre , fut appelé depuis San-Cantiano, Saint-Cantien.
Vers ce même temps, était
arrivée la réponse de l’empereur, ainsi conçue:
«Quoi! ne suis-je pas empereur après la mort
de Carinus? La défaite du père n’est-elle pas aussi celle
des enfants? Est-ce à moi, ou aux dieux qu’ils en veulent? Si
c’est aux dieux, ce sont des impies; si c’est à moi, ce sont des
rebelles. Dans l’un comme dans l’autre cas, j’ai de quoi les réduire.
Ma puissance est comme la foudre, et leur tète ne saurait s’en
garantir. S’ils sont sages, ils quitteront leurs erreurs pour obéir
à mes lois. J’ai pitié de leur jeunesse, et je vois avec
peine tant de sang répandu. C’est assez d’avoir triomphé
du père, je veux avoir pitié des enfants; celui-là
a senti la pesanteur de mon bras, ceux-ci n’en recevront que des [p.16] caresses. Mais, s’ils
sont opiniâtres, qu’on ne m’en parle plus qu’est-ce que la perte
de leur vie à côté de ma gloire et du salut de l’Etat?»
Le gouverneur d’Aquilée avant
reçu cette lettre, se rendit au lieu où l’on avait arrêté
les martyrs pour leur notifier les ordres de l’empereur et leur faire
connaître en même temps ses promesses. Il employa tour à
tour les menaces et les flatteries les plus insidieuses; tout fut inutile.
Nos saints répondirent qu’ils aimaient mille fois mieux souffrir
la mort pour Jésus-Christ, que de le trahir par une indigne
lâcheté. Le gouverneur ayant épuisé sans
succès tous les moyens pour vaincre leur constance, les livra
au bourreau, suivant les ordres de l’empereur, et ils eurent la tête
tranchée. On place communément leur martyre vers l’an 304.
Ils furent inhumés par le prêtre Zoïlius, qui déposa
leur corps dans le même tombeau. [p.17]
Raconterai-je ici une circonstance
merveilleuse de leur supplice, consignée dans le bréviaire
d’Aquilée? A la neuvième leçon de l’office de
nos saints patrons, qui étaient aussi les patrons de cette ville,
il est dit que, lorsqu’ils furent frappés par le glaive, «le
sang qu’ils répandirent eut l’apparence du lait.» Le Seigneur
voulait sans doute par ce prodige, donner à tous les témoins
de leur martyre une preuve éclatante de la pureté et de
l’innocence de ses jeunes amis «et ecce sanguis eorum tanquam
lac, omnibus assistantibus apparuit.» Avec nos saints patrons
fut aussi décapité le prêtre Protus, leur gouverneur,
qui, après avoir éclairé leur esprit par la connaissance
des vérités saintes et formé leur cœur à
la vertu, les fortifiait encore au jour glorieux du combat.
Dieu ne tarda pas à manifester
la gloire de ses serviteurs ; et les prodiges dus à leur intercession,
rendirent leur nom célèbre
[p.18] à Aquilée et dans toute
la contrée. Le grand archevêque de Milan , saint Ambroise,
a prononcé deux discours que nous possédons encore,
et qui sont consacrés à la gloire de ces vaillants soldats
de Jésus-Christ. Venance-Fortunat, dans son poëme sur la
vie de saint Martin, décrit l’honneur singulier qu’on rendait dans
la ville d’Aquilée à nos Saints, qu’il appelle les amis
de Dieu:
Aut aquileiensem si fortè accesseris
urbem
Cantianos Domini nimium tum venereris
amicos. [p.19]
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Martyre de Cant, Cantien et Cantianille
(Notre-Dame d’Étampes)
Kranj (Slovénie), vers 1520
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II.
LEUR PUISSANCE AUPRÈS
DE DIEU
II y avait déjà plusieurs siècles que
les prodiges accomplis au tombeau des saints
martyrs attestaient leur puissance, lorsque le roi Robert
le Pieux, fondateur de l’église Notre-Dame, à Etampes-le-Châtel
(1), obtint
[p.20] du souverain Pontife une partie notable
de leurs reliques. On croit généralement qu’il les rapporta
en France, lors de son voyage en Italie, entre les années 1016
et 1020 sous le pontificat de Benoît VIII ; à cette même
époque se terminait l’église Notre- Dame, qui fut achevée
vers l’an 1026: c’est à cette église que le saint roi
destinait le trésor qu’il apportait de Rome.
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(1) On appelait alors Etampes-le-Châtel,
la partie de la ville où était établi le château,
c’est-à-dire les paroisses Notre-Dame et Saint-Basile jusqu’au
lieu nommé le Haut-Pavé le reste de la ville prit le nom
d’Etampes-les-Vieilles. Une inscription, gravée sur le bronze,
nous apprend qu’au XIVe et au XVe siècle, l’ensemble de la ville
était connu sous le nom d’Etampes-la Vallée (cloche de Notre-Dame).
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Avec ce grand événement commence l’Histoire des reliques
et du culte des corps saints à Étampes; à peine
ces pieuses reliques furent-elles arrivées dans nos murs et
exposées à la vénération des fidèles,
que Dieu se plut à moutier de quel trésor notre ville venait
d’être enrichie. Nos pères alors furent témoins de
nombreux prodiges opérés en faveur de ceux qui invoquaient
nos saints martyrs; et la ville s’empressa de prendre pour PATRONS
ces puissants intercesseurs auprès de Dieu. De là ces
fêtes, ces processions établies en leur honneur et où [p.21] l’on se rendait en foule, non-seulement
des environs, mais des villes de Chartres, d’Orléans, et de Paris:
de là ces neuvaines demandées et suivies par un grand
nombre de paroisses; de là aussi cette confrérie nombreuse
des corps saints, composée de personnes de toutes conditions,
et que le pape Urbain VIII, par un bref d’indulgence plénière
du 16 juin 1644, enrichit des trésors de l’Église.
Nous venons de parler de miracles
nombreux. Ils sont consignés dans plusieurs notices publiées
sur nos saints. Nos pères avec leur foi simple et confiante
étaient heureux de croire; il y avait des
traditions qui leur suffisaient. Dans leurs angoisses ils accouraient
à Dieu, ils étaient à leur tour témoins
de prodiges et ne pensaient pas toujours à en laisser des témoignages
écrits et authentiques. Auraient-ils pu s’imaginer qu’un jour
viendrait où leurs arrière-petits-enfants ne croiraient
plus à la puissance [p.22]
de leurs saints patrons? Mais aujourd’hui, l’incrédulité,
et en dehors même de l’incrédulité, notre siècle
accoutumé à discuter, à raisonner sur tout, veut
des preuves; peut-être, écrivant en d’autres temps, nous
serions-nous contentés de raconter; aujourd’hui nous sommes
heureux de pouvoir établir la vérité des faits.
Nous avons trouvé les traces
de sept miracles dus à la protection de nos saints, mais nous
nous sommes cru longtemps incapable de rien prouver, et nous désespérions
presque d’y réussir lorsque la Providence a fait arriver dans
nos mains trois pièces authentiques que nous avons classées
et déposées dans les archives de Notre- Dame; et comme
cette même Providence ne fait rien à demi, elle nous a fait
ouvrir les yeux et constater la date d’un ex-voto que nous avions cru
se rapporter au miracle que nous allons raconter sous le n°4 et qui
se rapporte au n°7. [p.23]
Voici maintenant les faits, dans
l’ordre où ils sont racontés par les anciens auteurs.
1° La guérison d’un bûcheron
d’Etréchy. Cet homme travaillant de son métier s’était
coupé le pied d’un coup de hache, et se sentant défaillir
tant par la vivacité de la douleur que par la quantité
de sang qu’il perdait, il invoqua les saints dont on transférait
ce jour-là même les reliques dans une nouvelle châsse
et fut instantanément guéri en présence
de nombreux témoins (je cite les expressions de mon vieil
auteur). Ce miracle fut opéré au lieu appelé, à
Etréchy, la chapelle des corps saints, soit que cette chapelle
existât déjà, soit qu’elle ait été
érigée à cette occasion.
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Bulle d’Urbain VIII
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2° Un enfant perclus de tous ses membres ne pouvant que ramper
et se traîner à terre avait été recueilli
par la charité d’une dame nommée Marie Aupié, demeurant
à Etampes, sur la rue qui menait à Paris. Comme, en un
jour de fête solennelle, [p.24]
et où il y avait foule, cette
femme s’était rendue dans l’église Notre-Dame, l’enfant
qui entendait le son des cloches voulut aussi y aller, et se traînant
comme il le put, il pénétra dans cette même église,
poussant des cris et des gémissements qui furent entendus de la
multitude. Aussitôt il se relève plein de force. On accourt
en foule pour être témoin du prodige, et chacun voit avec
admiration, sortir, seul et sans appui, cet enfant dont toute la ville
connaissait l’infirmité (1).
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(1) Vie des saints martyrs, par Charles Jacob.
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3° Un enfant parvenu à l’âge de sept ans n’était
pas seulement infirme, dit notre auteur, c’était était
l’infirmité même; sou corps était couvert de plaies
et de boutons hideux : la mère, qui était une pieuse
femme, s’adresse à nos saints, elle fait une neuvaine, et l’enfant
est guéri.
4° En 1513, une femme avant
mis au monde un enfant mort, cet enfant fut
[p.25] enseveli le même jour; cependant
le lendemain il est retiré de son linceul et apporté à
Étampes sous la châsse de nos saints. Dieu lui rendit la
vie en présence d’une multitude de témoins qui assistèrent
à son baptême. (1)
5° Les apparitions des saints
sont rares ordinairement elles se font sans témoins, et nous
n’avons pour garant de la vérité de ces prodiges que
la déclaration de ceux en faveur de qui ils ont été
opérés; si l’on en croit la tradition, ce prodige
même a été accompli par nos saints. Voici la légende:
une femme d’Etampes nommée Sulpicie, qui avait une grande fortune,
donna tout son bien aux Églises et aux pauvres, ou plutôt
elle se donna elle-même aux pauvres, en les soignant de ses mains
dans leurs infirmités; aux églises, en y passant pour
les orner presque tout son temps et y demeurant une partie des nuits
en [p.26] prière;
on dit que la Vierge Marie et les saints martyrs lui apparurent dans l’église
Notre-Dame. C’est une tradition du pays accompagnée de tant
de circonstances, qu’il est difficile d’en douter, dit le même
auteur.
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(1) Vie des saints martyrs, par Charles Jacob.
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Voilà cinq faits merveilleux, sans aucune pièce à
l’appui, et dont il n’est possible de donner d’autres preuves que le
témoignage de ceux qui les ont rapportés, dans le temps
passé, alors qu’ils étaient crus de tous en vertu des
traditions locales. Ces miracles sont-ils certains, authentiques? Il
est impossible de l’affirmer, par conséquent nous ne sommes pas
obligés de les croire; le doute même ne peut être imputé
à péché. Pouvons-nous, avons-nous le droit de les
nier d’une manière absolue? Non encore. En effet, et d’abord ces
miracles ont été acceptés par nos pères;
avons-nous le droit de nous croire meilleurs juges que les contemporains,
nous qui venons si longtemps [p.27] après?
Ensuite ces miracles ne sont pas plus impossibles à Dieu que tous
ceux que nous lisons clans la Sainte-Écriture et dans la vie des
autres saints. Le miracle en général est un témoignage
ou une preuve de la sainteté de celui au nom de qui il est opéré.
et voilà pourquoi il est important d’établir la vérité
des faits miraculeux dus à l’intercession de nos saints martyrs,
et dans ce cas un seul fait serait suffisant. S’il nous était
impossible de produire d’autres faits que ceux que nous avons rapportés,
on pourrait dire que les miracles nous manquent. Mais comme i1 nous en
reste deux à citer portant avec eux leur preuve, nous n’avons
plus de raison pour rejeter les cinq premiers, qui sont aussi possibles
et autant croyables que les deux derniers, donc:
6° En 1638, il y avait à
Sainte-Mesme une petite fille âgée de sept ans; elle
était née dans cette paroisse et s’appelait Jacquette, [p.28] fille de Jacques Chappe,
boulanger à Sainte-Mesme, et de Jacqueline Corneille: cette
enfant depuis plusieurs mois était paralysée de tous
ses membres, et il lui était impossible de s’en servir. Le médecin
de Saint-Arnould ayant déclaré, après trois mois
de soins inutiles, qu’il lui était impossible de se charger
de sa guérison, fit un rapport avec lequel on consulta plusieurs
médecins à Paris; mais leur avis fut qu’il était
impossible de traiter sur un rapport une maladie qui paraissait si grave,
et ils ne voulurent pas s’en charger sans voir la malade. Les parents,
à qui leurs ressources ne permettaient ni de mener l’enfant à
Paris, ni de faire venir les médecins pour la soigner à
Sainte-Mesme, résolurent de s’abandonner à la Providence
et de recourir aux saints patrons d’Etampes.
Cette petite fille ne pouvait en
aucune façon se soutenir ; il était impossible de la toucher
sans qu’elle manifestât par ses cris
[p.29] les plus vives douleurs. Aussi, fut-il
très- difficile de la placer dans la voiture qui devait l’emmener
à Etampes, et sur toute la route chaque secousse provoquait de
nouvelles douleurs et des cris déchirants; à Etampes, un
homme fut obligé de la porter dans ses bras pour l’approcher de
la châsse contenant les saintes reliques.
Au retour, elle parut plus gaie,
et ne se plaignit nullement en route: descendue de voiture à Sainte-Mesme,
elle marcha avec le secours de la main de sa mère; le lendemain,
elle se leva seule, et marcha comme si elle n’avait pas été
malade.
Ceci se passait le 6 avril 1638;
elle revint à Etampes pour la fête des corps saints au
31 mai, et suivit à pied avec sa mère toute la procession. |
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Après la cérémonie, cette femme se présenta
pour déclarer et affirmer ce fait devant les chanoines et le
doyen du chapitre [p.30] de
Notre-Dame, qui en dressa immédiatement procès-verbal
rapport.
Le même jour, le doyen du
chapitre déposa, assisté de la mère, ce rapport
entre les mains du sieur Dubois Chevallier, bailli gouverneur et capitaine
des villes, duché et château d’Etampes, pour qu’il soit
informé, et ledit gouverneur rendit une ordonnance qui donnait
commission au juge de Dourdan, dont dépendait Sainte-Mesme, d’appeler
témoins et de faire une enquête, attendu qu’elle pourrait
être faite en ce lieu plus commodément et plus complètement
qu’à Etampes.
L’enquête eut lieu par le ministère
du conseiller avocat du roi au bailliage de Dourdan, le jeudi dixième
jour de mars mil six cent trente-neuf; on appela neuf témoins
du lieu indépendamment de l’enfant et de ses père et mère;
parmi ces té moins figurent le curé de Sainte-Mesme, le
médecin qui avait soigné l’enfant, et [p.31] l’homme qui
s’était chargé de le conduire à Etampes. Les faits
racontés plus haut sont le résumé de cette enquête
(1).
7° Il existe un septième
miracle postérieur en date et qui n’a été rapporté
par aucun auteur. De celui-là il n’y a ni notes ni procès-verbal;
mais l’église Notre-Dame en possède un monument commémoratif,
ce qu’on appelle communément un ex-voto, avec date, et un nom
propre. Voici les détails concernant ce tableau que chacun a
pu voir depuis longtemps au-dessus d’un banc de confrérie dans
la chapelle des Fonts une femme à genoux, les bras tendus, a déposé
devant les saints un petit enfant, qui paraît mort ou mourant.
Les deux saints sont debout, portant leur tête qu’ils semblent
eux-mêmes offrir au Seigneur auprès de qui ils intercèdent
en [p.32] faveur de l’enfant
déposé à leurs pieds; la sainte est aussi debout
portant la palme des martvrs. Le tableau est complété par
l’inscription Gabriel Cordetz horum ope vixit 1663. N’est-ce pas
le cri de la reconnaissance? C’est à leur secours que Gabriel
Cordetz est redevable de la vie. Est-il possible de donner un autre sens
à cette inscription, et quelqu’un pourrait-il nier la force probante
de ce tableau? Comprend-on une femme qui viendrait déposer un monument
semblable dans une église ouverte au public, si le fait pouvait
être nié? Comment? Cet enfant s’appelle Gabriel Cordetz,
chacun pouvait le connaître, on déclare qu’il doit la vie
à la protection des saints, que le fait s’est passé en 1663;
le tableau est déposé dans une église paroissiale,
où il y a un curé, un chapitre, des marguilliers, et ce
tableau est conservé, respecté, jusqu’à la Révolution,
pendant cent trente ans, et nous le trouvons replacé [p.33] à nouveau lorsque
la paix est rendue à l’Eglise. S’il devait rester un doute dans
notre esprit, il semble qu’il n’y aurait plus à tirer aucune induction
des monuments publics que nous trouvons partout.
|
(1) Le procès-verbal dressé
par le doyen du chapitre, l’ordre d’informer donné par le gouverneur
d’Etampes, et l’enquête faite à Dourdan, sont conservés
aux archives de Notre-Dame.
|
Sur les sept miracles que nous venons de rapporter, cinq ont été
opérés en faveur de jeunes enfants; ne pourrions-nous
pas en conclure que Dieu, à cause de la jeunesse de nos saints
patrons, a voulu particulièrement les constituer protecteurs de
l’enfance? Et ne semble-t-il pas avoir voulu nous le faire comprendre
par le miracle opéré sur leur sang au moment de leur martyre?
Mais, dit-on, ces miracles ne se
renouvellent plus. D’abord, qu’en savons-nous? Et si vous conservez
vos enfants, mères chrétiennes, alors que nous voyons
tomber ces petits êtres comme les fruits à peine formés
qui jonchent la terre au printemps; pouvez-vous dire, vous à
qui le Seigneur [p.34] les
a laissés, qu’il n’a pas exaucé la prière que vous
lui avez faite en les recommandant à ses serviteurs? On ne voit
plus de miracles, dites-vous c’est que pour un miracle il faut deux choses;
l’intercession du saint auquel nous nous adressons, mais aussi la foi digne
de ceux qui l’invoquent.
«Ne vous l’ai-je pas déjà
annoncé,» disait le Sauveur à la sœur de Lazare;
«Si vous croyez, vous verrez les merveilles de
la puissance du Seigneur,» et à un malheureux père
qui lui présentait son fils possédé du démon:
«Si tu peux croire, tout est possible à
celui qui croit.» Ils ont cru, et le possédé fut
délivré, et Lazare sortit du tombeau. Si nous avions un
peu de cette foi simple et confiante qui soutenait nos pères, nous
saurions faire de ces prières qui méritent d’être exaucées,
et nous verrions que le bras de Dieu n’est pas raccourci. [p.35]
Nous sommes instruits maintenant,
autant qu’on peut l’être à de si grandes distances, sur
l’histoire de nos saints patrons; nous avons étudié leur
origine, leur vie presque solitaire au milieu d’une ville où il
auraient dû tenir un si haut rang, ainsi que les circonstances de
leur glorieux martyre. Et maintenant qu’ils sont dans la gloire, il nous
a encore été donné de suivre à travers les
siècles l’histoire de leurs bienfaits. [p.36]
|
|
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III.
LEURS RELIQUES
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Il y a huit cent cinquante ans que leurs corps saints nous furent
confiés. Avons-nous conservé fidèlement ce précieux
dépôt? Voilà une étude des plus intéressante
et c’est une gloire pour notre ville d’avoir gardé ce trésor,
comme il est facile de s’en convaincre, au milieu de tant de discordes,
de guerres, de révolutions, et malgré l’invasion et l’établissement
de l’hérésie dans l’église de Notre-Dame, à
une époque, comme nous le lirons plus loin, qui fut si désastreuse
pour cette église.
Les saintes reliques, confiées
au chapitre de Notre-Dame vers l’an 1025, demeurèrent, pendant
deux cent cinquante ans environ, dans la châsse qui les avait
reçues à leur arrivée à Étampes.
Cette châsse était de bois et sans doute travaillée
comme on savait le faire. dans ce onzième siècle, si maltraité
par quelques-uns, et qui pourrait être notre maître en bien
des choses; n’eussions-nous de spécimen de son savoir-faire que
notre église de Notre-Dame. [p.37]
Cependant quel qu’en fût le
travail, la châsse était de bois, et nos bons pères
voulurent quelque chose de mieux. Les églises, les prêtres,
les laïques, chacun contribua à l’œuvre et l’on fit une
châsse d’argent. Gilon, qui était alors archevêque
de Sens, vint Étampes présider à la translation
qui se fit le 4 août 1282 sous le souverain pontificat de Nicolas
III, et sous le règne de Philippe le Hardi.
Une première reconnaissance,
dont nous n’avons pas la date et qui eut lieu, sans doute, à
la réception même des saintes reliques à Étampes,
avait été faite par Léotheric, archevêque
de Sens, qui en transporta une partie dans son église cathédrale.
(Manuscrit du XIe siècle conservé à Sens.) Le bréviaire
de Sens rapporte ce fait le 31 mai, dans la légende de nos saints,
dont l’office était obligatoire pour toutes les personnes tenues
au bréviaire dans ce diocèse. On prit dans cette châsse, [p.38] dit-il, quelques ossements
insignes qui sont conservés et honorés dans l’église
cathédrale, et placés dans le reliquaire déposé
derrière le maître-autel. «Ex quibus
corporibus extracta sunt postea quædam ossa insignia quæ servat
et honorat Ecclesia Senonensis in thecâ retro majus altare elevatâ
(1).» Le Bréviaire de
Sens, dans une autre édition, s’exprime ainsi: «Les
saintes reliques furent apportées en France par le roi Robert,
dans le commencement du XIe siècle, et déposées
dans l’église de Notre-Dame que ce prince venait de faire bâtir
à Étampes. On en détacha quelques ossements qui dans
le même temps, furent placés dans la cathédrale de
Sens, et dont parle Gautier, archevêque de cette ville, dans le
catalogue qu’il dressa, sous le règne de saint Louis, des reliques
que possède cette église cathédrale (2).»
[p.39]
|
(1) Bréviaire de Sens, 1748.
(2) Bréviaire de Sens, 1780.
|
Il y eut deux archevêques à Sens du nom de Gilon. Ceux
qui supposent cette première translation faite par Gilon Ier
la placent en 1249, et lui attribuent le fait de la distraction d’une
partie des reliques recensées par l’archevèque Gauthier.
Mais l’opinion de ceux qui placent cette translation en 1282 sous le
pontificat de Gilon II, paraît la plus probable. Elle explique aussi
un fait assez difficile à imaginer dans la première supposition,
mais qui se comprend avec la possession dans l’église de Sens
des reliques des saints martyrs, depuis plus de deux cents ans.
On raconte donc que l’archevêque
de Sens, Gilon, ayant été appelé à Etampes
pour la translation des saintes reliques, n’y vint qu’avec peine, dans
la persuasion où il était que ces reliques n’étaient
pas revêtues d’un caractère suffisant d’authenticité.
Il prononça même, dit-on, des paroles dont les [p.40] fidèles
d’Étampes furent scandalisés. Toutefois, il ne demeura
pas longtemps dans sou aveuglement, et Dieu lui ouvrit les en le rendant
témoin de deux prodiges.
D’après une tradition conservée
jusqu’à l’époque où écrivait dom Fleureau,
Gilon, avant douté de la vérité des saintes reliques,
perdit la vue et la recouvra aussitôt qu’il eut recours à
l’intercession des saints. Il est impossible de nier, et également
impossible de constater le fait. Il y eut au moins un certain aveuglement
spirituel, et voilà pourquoi j’ai cru devoir employer l’expression:
Dieu lui ouvrit les yeux, qui peut s’entendre dans les deux sens. Du
reste, voici comment le fait est raconté par différents
auteurs.
En cette année, la campagne
était stérile par suite d’une sécheresse excessive,
et l’on profita de la présence du pontife pour organiser une
procession solennelle, qui se rendit [p.41]
par la route de Paris jusqu’au lieu où
les saintes reliques avaient été déposées
lors de leur arrivée à Étampes. Là aussi devait
se faite la translation dans la châsse nouvelle. Pendant le parcours
de la procession, le soleil perdit de son ardeur, le ciel se couvrit de
nuages, et une pluie abondante vint récompenser la foi de ce bon
peuple. Mais cette faveur devait être suivie d’un prodige plus étonnant
encore. Lorsque l’office fut terminé, on voulut reprendre le chemin
de la ville; il fut impossible non-seulement d’emporter, mais même
de soulever la châsse. C’est alors que l’archevêque, s’adressant
à l’assemblée, prononça les paroles suivantes:
«Ames fidèles, voici le lieu où l’on a placé
d’abord le corps des martyrs avant qu’ils soient reçus dans votre
ville. Peut-être ne leur avons-nous pas rendu les honneurs qu’ils
méritaient, et sommes nous indignes de posséder un pareil
trésor? Ils sont à Dieu, puisque ce sont vraiment [p.42] ses saints et ses amis
(1).» L’archevêque avant
fait cette confession et cet acte de foi, la procession reprit sans difficulté
le chemin de la ville.
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(1) Notice de Ch. Jacob.
|
Il n’est pas étonnant qu’un prélat même très-régulier,
et surtout parce qu’il était très-régulier,
ait eu des doutes sur l’authenticité de nos saintes reliques,
alors qu’il y avait à Sens une possession de plus de deux cents
ans. Dans ces temps où les communications étaient plus difficiles,
les relations moins fréquentes, les traditions pouvaient facilement
s’obscurcir, et un évêque possesseur dans sa cathédrale
d’un trésor recensé par trois de ses prédécesseurs,
a bien pu concevoir et exprimer des doutes sur l’existence de ces mêmes
reliques dans une autre église.
Quoi qu’il en soit de ce fait dont
la vérité peut très-bien être contestée,
il est certain qu’une reconnaissance et translation des [p.43] reliques a été
faite par un archevêque appelé Gilon, en 1282, et qu’une
partie des ossements de nos saints patrons avait été précédemment
transférée dans l’église cathédrale de Sens,
où ils sont vénérés depuis le commencement
du XIe siècle.
Les saintes reliques furent conservées
dans la nouvelle châsse où elles avaient été
déposées par l’archevêque de Sens jusqu’en l’année
1531, qu’elle fut ouverte par messire Jean Guychard, prêtre-chantre
et chanoine de Notre-Dame, doyen de la chrétienté d’Étampes
(1), pour y déposer encore différentes
reliques, et entre autres le bras de monsieur saint Jean Chrysostome,
ainsi qu’il est établi dans le procès-verbal [p.44] de Laurent Boytrou, chantre
de Notre-Dame, 1570.
|
(1) Voici comment on a connaissance de
ce fait de l’ouverture de la châsse par Guychard en 1531, constatée
par Boytrou en 1570. Lors de la visite et reconnaissance faite par l’archevêque
de Sens dont nous parlerons plus loin en 1672, ce prélat ordonna
recolement et copie de toutes les pièces enfermées avec
les saintes reliques, pour être joint au procès-verbal
qu’il signa, de son opération, et dans ce long procès-verbal,
sont relatés les deux faits qui nous occupent.
|
Nous arrivons ainsi à l’année 1562, trente-un ans après
le dépôt dans les châsses de la relique de saint
Jean Chrysostome. A cette époque, le reliquaire fut ouvert sans
qu’il en ait été dressé procès-verbal, et
nous ne savons par qui, pour soustraire les saintes reliques à
la fureur des protestants venus d’Allemagne. Ces soldats, connus sous le
nom de reytres, furent amenés par Dandelot et occupèrent
Étampes. Le prince de Condé, chef déclaré des
protestants, s’était emparé d’Orléans, à cette
époque, sous le règne de Charles IX. Ces soldats, pendant six
semaines qu’ils passèrent à Étampes, y exercèrent
des cruautés inouïes contre les habitants, et particulièrement
contre les ecclésiastiques. Ils étaient établis dans
l’église Notre-Dame (1).
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(1) Moreri, au mot Etampes.
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«Ils brûlèrent les châsses
et les chaires [p.45] de
ladite église , brisèrent les images, abattirent les
orgues, brûlèrent les livres à chanter et les livres
de la librairie (1) de
ladite église, tant de la sainte Ecriture que de droit et de médecine;
emportèrent les calices tant d’or que d’argent, chappes, chasubles
et autres linges, et tous autres ornements servant en la dite église,
qui était aussi bien décorée et fournye qu’église
qui fut en ce royaume (2).»
|
(1) Bibliothèque.
(2) Archives de Notre-Dame.
|
Huit ans après ces événements, l’ordre paraissant
à peu près rétabli, il fut procédé
à la réintégration des saintes reliques dans une
châsse nouvelle: cette fonction fut remplie par Laurent Boytrou,
prêtre, bachelier en décret, chantre et chanoine de l’église
collégiale de Notre-Dame d’Étampes, doyen de la chrétienté
dudit lieu, pour Mon seigneur révérendissime Nicolas,
cardinal de Pellevé, archevêque de Sens, et de lui [p.46] autorisé.
Elle eut lieu en présence de Louis Marublier, tabellion d’Étampes,
et Pierre Soreau, notaire soubs lui. Étaient aussi
présents le chevecier curé de Notre-Dame et dix autres
prêtres attachés à cette église, ainsi que
le bailly-gouverneur, le lieutenant, l’avocat du roi, et les juges
d’Etampes; on avait de plus appelé à cette cérémonie
six bourgeois et marchands proviseurs de l’église, et les sergents
bedeaux de la paroisse. «Après bonne et suffisante information faite par
les dits, furent reconnues les saintes reliques qui avaient été,
par la grâce de Dieu, sauvées par aucuns bons habitants de
cette ville, et icelles placées dans une châsse ou capse
nouvelle; à savoir les reliques des saints Cant, Cantien et Cantienne;
et le bras de saint Jean Chrysostome dans une châsse en forme de
bras portée par un ange (1).» [p.47]
|
(1) Archives de Notre-Dame.
|
En 1620, les chanoines de Notre-Dame et les habitants d’Étampes,
avant résolu de restaurer et enrichir la châsse qui contenait
les saintes reliques, s’adressèrent à l’archevêque
de Sens, qui donna pouvoir de l’ouvrir à M. Guidon de Verambrois,
curé de Saint Martin, alors doyen de la chrétienté
d’Étampes. Cette commission est du 1er juillet. Le chapitre de
Notre-Dame, par son décret du 16 du même mois, consentit
à ce qu’elle fût mise à exécution. Pour le
30 du même mois, on indiqua une procession générale
à laquelle assistèrent le clergé, les magistrats
et le peuple. Après la messe on fit l’ouverture de la châsse
qui était déjà enrichie de lames d’argent, et les
saintes reliques furent déposées dans un coffre fermant
à trois clefs.
Voici comment est rapporté
par plusieurs auteurs le détail des objets reconnus en 1620:
1° les reliques des saints avec l’inscription: hic continentur
reliquiæ sanctorum [p.48]
martyrum Cantii, Cantiani et Cantianillæ.
(Ici sont renfermées les reliques des saints martyrs Cant,
Cantien et Cantianille;) et 2° un peu plus loin une autre inscription
portant ces mots: Hic requiescunt reliquiæ ex ossibus beatissimorum
Dei martyrum Cantii, Cantiani et Cantianillæ fratrum. (Ici repose
une partie des ossements des saints Cant, Cantien et Cantianille frères.)
On trouva encore 3° une bourse en soie contenant trois fragments
de fer qu’on a toujours regardés comme provenant de l’instrument
de leur supplice, avec des linges tachés de sang et portant l’inscription:
Ex indusiis et linteaminibus sanctorum (des vêtements
et du linceul des saints.) Mais 4° l’objet le plus important,
s’il n’est pas le plus précieux, puisqu’il n’est qu’un témoignage
de la certitude et de l’authenticité de nos saintes reliques,
est la pièce suivante: Un parchemin, regardé sans doute
comme illisible, puisqu’aucun procès-verbal n’en [p.49] donne le texte,
mais qui est d’un grand prix parce qu’il portait un sceau avec les empreintes
suivantes: un évêque, crosse en main, avec les mots: Gilo
Dei gratiâ archiepiscopus Senonensis (Gilon par la grâce
de Dieu archechevêque de Sens,) et auprès, saint Etienne,
premier martyr, patron de cette Église. C’est le sceau de Gilon,
archevêque de Sens, qui fit la reconnaissance des saintes reliques
en 1282.
Quelles que soient la bonne foi
et la sagacité du chantre Laurent Boytrou et des personnes dont
il se fit entourer en 1570 pour reconnaître les reliques échappées
aux protestants, il pourrait nous rester un doute; mais ici nous avons
une preuve matérielle. Si les reliques avaient été
brûlées avec la châsse, le parchemin eût disparu
comme le reste; le sceau (en cire sans doute, mais fût-il même
de plomb) n’aurait pas résisté à l’action de
la chaleur. Nous retrouvons cette pièce de 1282 avec les saintes
reliques dans [p.50] le
nouveau reliquaire de 1570: la conclusion est facile, et nous ne pouvons
pas douter qu’on rendît réellement à l’église
à cette époque ce qui avait été sauvé
en 1562.
La châsse ayant été
réparée et enrichie, messire Henry Chausse, évêque
d’Aure, coadjuteur de Châlons, commis et député
par Mgr l’archevêque de Sens, fit la translation dans cette châsse
nouvelle, le lundi de Pâques, 12 avril l621.
Les reliques insignes ayant été
placées dans la châsse en vermeil, le prélat se
fit présenter une châsse plus petite en bois doré,
dans laquelle il déposa: 1° un petit sac de satin blanc contenant
de la poudre provenant de la chair et os des saints, et quelques petits
ossements; et 2° un autre sac de satin blanc semblable au premier,
et contenant quelques restes de vêtements et linges usés retirés
de la première châsse; et les deux sachets furent enveloppés
dans un morceau de taffetas incarnat; lesdites
[p.51] reliques pouvant être plus facilement
et plus souvent vénérées par le peuple dans cette
petite châsse. Le procès-verbal de cette translation fut
signé par ledit évêque coadjuteur de Châlons
et scellé de son sceau en cire blanche, portant d’un côté
ses armes avec la crosse et la mitre, et de l’autre une image de la Vierge
tenant l’enfant Jésus.
C’est sans doute à dater
de ce jour qu’a commencé l’usage de porter la grande châsse
à la procession de Pâques, et la petite à la procession
de la Pentecôte, et la dénomination populaire des grands
et des petits corps saints.
Enfin les châsses furent ouvertes
une dernière fois solennellement par Henri de Gondrin, archevêque
de Sens, en 1672. Cet archevêque, en cours de visite, voulut
s’assurer par lui-même de l’importance de ces reliques, objet
d’une si grande vénération; il prit les précautions
les plus minutieuses. Indépendamment des curés d’Étampes,
des [p.52] chanoines
de Notre-Dame et de Sainte-Croix, des échevins de la ville, des
marguilliers de Notre-Dame, il appela les notables bourgeois et marchands
du quartier, et se fit assister de maître Pichonnat, docteur médecin,
et Michel Muret, maître chirurgien en cette ville. Il semble que
la Providence permit cette visite, dont rien ne démontre humainement
la nécessité, pour relier la chaîne des temps.
Sans elle nous n’aurions aucune trace des reconnaissances de 1531 et
de 1570. Il ne reste aucune pièce à cet égard,
mais copie des procès-verbaux de ces visites avait été
déposée avec les saintes reliques; c’est là aussi
que se trouve le procès-verbal de l’évêque d’Aure,
1621.
Mgr de Gondrin ordonna, pour en conserver
la mémoire à la postérité, qu’il serait
fait une copie de toutes les pièces trouvées dans les châsses
pour être insérée, ainsi que l’attestation des
médecins, dans le procès-verbal qu’il signa avec son secrétaire, [p.53] et sur lequel il fit apposer
son sceau, portant ses armes et l’inscription: Ludovicus Henricus, archiepiscopus
Senonensis (1).
Du reste, tout fut trouvé
en cette visite comme il est dit au procès-verbal de 1621 les
reliques insignes dans la grande châsse en vermeil, et les deux
petits sacs de soie dans la petite châsse en bois doré, avec
les inscriptions: Hic habetur pulvis ex ossibus sanctorum
Cantii, Cantiani et Cantianillæ. Et sur l’autre: Hic habentur
de indusiis et linteaminibus sanctorum.
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(1) Ce procès-verbal de seize pages, parchemin
bien conservé, est classé dans les archives de la fabrique
de Notre-Dame.
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Il semble que c’est ici le lieu de donner la description de cette
châsse en vermeil, dont les anciens nous ont si souvent parlé;
d’autant plus que ces anciens disparaissent, et, avec eux, les traditions
pourraient bien disparaître aussi.
Nous avons trouvé, et il
se rencontre [p.54] encore à
Étampes des personnes qui ont vu la procession des corps saints
avant 1793, époque où cette châsse magnifique a
été détruite. Si par hasard elle n’avait été
que vendue, peut-être est-elle conservée dans quelque musée
ou château, et la description que nous allons en donner pourrait contribuer
à la faire reconnaître par ses heureux propriétaires.
Nous puisons nos renseignements dans dom Fleureau, dans quelques manuscrits
et dans les traditions orales. Il semble cependant qu’il faut peu se fier
à ces traditions. Un fait suffit pour en juger. Cette châsse,
m’a-t-on dit, était une image en petit de la Sainte-Chapelle, et
cette donnée est peu en rapport avec les monuments écrits.
Voici le texte d’une note manuscrite
que j’ai déposée dans les archives de Notre-Dame, et dans
le dossier concernant les reliques des corps saints.
«La grande châsse des
corps saints est [p.55] recouverte
de feuilles d’argent doré ou vermeil, du poids de deux cents
marcs; elle a trois pieds neuf pouces de hauteur, quatre pieds un pouce
de longueur et deux pieds de largeur; elle est surtout remarquable par
la finesse du travail, et si elle le cède en quelque chose à
la châsse de Sainte-Geneviève de Paris, ce ne peut être
que sous le rapport des pierres précieuses dont cette dernière
est enrichie. Elle a la forme d’une église flanquée de
huit tourelles: deux à chaque angle, et ces tourelles, dans l’espace
qui les sépare à chaque coin, forment quatre niches dans
lesquelles sont placés les patrons des quatre autres paroisses
de la ville, saint Pierre, saint Basile, saint Gilles et saint Martin. A
l’une des extrémités de la châsse est la figure de Notre-Seigneur
bénissant d’une main, et de l’autre portant un globe surmonté
d’une croix, et au-dessous une lame d’argent sur laquelle est gravée
l’inscription Salvavtor mundi. Cette partie est [p.56] complétée
par un chapiteau orné de six fleurons. Au milieu, au-dessus de la
tète du Christ, est une rose enrichie de pierreries. A l’extrémité
opposée se trouve la Vierge portant dans ses bras l’Enfant Jésus,
avec l’inscription Regina cœli. Cette Vierge est
assise sur un siége, entourée de fleurs de lis d’or avec
un cercle de rosettes. Les côtés de la châsse sont
divisés en cinq parties formant cinq niches recouvertes d’autant
de chapiteaux, et contenant d’un Côté les apôtres
Saint Pierre, saint Barthélemy, saint Mathieu, saint André
et saint Paul portant chacun l’instrument de son martyre, et l’autre l’histoire
du martyre de nos saints. Dans la première niche, le gouverneur
présidant au supplice; dans la deuxième, sainte Cantianille
à genoux, et le bourreau prêt à frapper; dans les
trois suivantes, saint Cant, saint Cantien et saint Protus, attendant
le coup qui doit leur procurer la gloire du martyre.»
Dom Fleureau, dans son Histoire
des [p.57] Antiquités
d’Etampes, complète cette description par les détails
suivants:
La Vierge et l’Enfant
portent chacun un diadème enrichi de pierreries, des diadèmes
semblables étant placés sur la tête de chaque apôtre
et de chacun des saints martyrs. Outre l’instrument de leur martyre,
les apôtres saint Pierre et saint Paul portent un livre, et de
plus, des clefs sont aux mains du prince des apôtres. Tout le tour
de la châsse est orné à la base d’une bordure frisonnée
et garnie de fleurons. L’espace entre les images des saints est divisé
par carrés, et chacun de ces carrés est orné d’une
rose ou d’un fleuron. Le couronnement est copatronmposé d’une suite
de fleurons qui règnent tout autour, tant sur la largeur que sur
la longueur. Quant au comble ou couverture, il est divisé par carrés
garnis de fleurs de lis en bosse, le tout en argent doré, et aux
angles de chaque carré il y a des fleurs blanches [p.58] mêlées d’azur et
de violet. Le couronnement du comble est composé de fusées
surmontées d’une suite de fleurons. A l’une des extrémités
est une statue de la sainte Vierge; à l’autre, un ange portant
une banderole sur laquelle sont écrits les mots: Ave Maria.
Le milieu du comble supporte un vase dans lequel se trouve un bouquet
composé de trois lis dont la tige est de couleur verte.
Le dessous de la châsse
est aussi garni de lames d’argent disposées en carrés,
mais sans dorure. Au milieu sont les armes d’un comte d’Étampes,
de la maison d’Évreux, parce qu’on tenait de lui un bâton
d’argent qui avait été employé à cette dernière
ornementation.
Telle était la châsse
vraiment magnifique dans laquelle ont reposé les reliques de
nos saints patrons pendant cent soixante-douze ans, de 1621 à 1793.
Mais en quoi consistaient ces saintes reliques? Aucun [p.59] auteur, aucun procès-verbal
ne le dit positivement. Un seul procès-verbal aurait pu le constater:
celui de Gilon en 1282; mais à l’ouverture du reliquaire, en
1621, ceux qui trouvèrent le parchemin avec le sceau de Gilo
archiepiscopus senonensis, se contentent de dire qu’il était
écrit eu lettres antiques, que personne sans doute n’a pu déchiffrer;
voilà pourquoi nous disons ailleurs que ce parchemin parut illisible.
Ce que nous savons par le texte
mème du Bréviaire de Sens, c’est que l’archevêque
avait retiré de notre châsse quelques ossements insignes.
Ce que nous savons encore, c’est que la coutume d’une Église,
quand elle concède quelques reliques à une autre Église,
est toujours d’en donner une faible partie relativement à ce
qu’elle possède, et si des ossements insignes ont été
détachés en faveur de l’Eglise de Sens, nous devons en conclure
que notre trésor était considérable. En même
temps, [p.60] l’inscription
trouvée dans la châsse en 1621, ex ossibus sanctorum
etc. (des ossements des saints, etc.,) ne peut pas nous permettre
de penser que nous ayons jamais eu les corps entiers des saints martyrs.
Le roi Robert a dû obtenir une partie de ces reliques, dans les
conditions que j’ai exprimées relativement à 1’Eglise de
Sens. Dans ce cas, elles ont été tirées des châsses
de la ville d’Aquilée, qui honorait ces saints comme ses patrons,
ou de la cathédrale de Milan qui en a ait obtenu une partie notable
dès le Ve siècle, et où elles sont encore l’objet
d’une grande vénération.
Il nous a été possible,
pendant 800 ans, de suivre l’histoire de ces saintes reliques à
Etampes. Nous avons constaté six fois leur reconnaissance dans
cet espace de huit siècles, et nous arrivons ainsi à établir
une possession non interrompue qui ne peut laisser aucun doute dans
les esprits même [p.61] les
plus prévenus; mais nous touchons à des jours calamiteux:
ce que n’avait pas fait le temps, ce qu’avait tenté en vain la
rage de l’hérésie, s’est accompli presque sous nos yeux.
Les saintes reliques ont été détruites comme le
furent, dans le même temps, celles de la glorieuse patronne de Paris.
Dans ces jours d’aveuglement, on
vit par toute la France des scènes de même nature. Les
ornements, les vases sacrés, en un mot, toutes les richesses
des églises leur furent enlevées, le plus souvent pillées,
presque partout dilapidées; les châsses d’or, d’argent,
enrichies de pierres précieuses, eurent le même sort. Ainsi
en fut-il de la châsse dite des corps saints: elle fut ouverte,
profanée, et les saints ossements livrés aux flammes devant
la porte principale de Notre-Dame, sur la place dite de l’Hospice, au milieu
de danses extravagantes, accompagnées de hurlements impies.
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On a conservé les noms de quelques-uns [p.62] de ceux
qui participèrent à ces sacrilèges orgies. Ils
ont disparu: le tombeau renferme leurs cendres. Ne redisons pas des noms
qui ne doivent être connus que de Celui qui pardonne au repentir.
Il y en a un cependant que nous voulons arracher à l’oubli parce
que, remplissant des fonctions odieuses, il a su céder à
un bon mouvement. C’est celui du commissaire Lobas (1), qui présidait à l’incendie.
A quelques-uns des assistants qui ne pouvaient maîtriser la peine
qu’ils éprouvaient dans leur cœur, il permit d’emporter ce qui
pouvait encore être sauvé, lorsque la première fureur
commença à se calmer. Hélas il était bien
tard déjà. Cependant une pieuse femme, dont le nom n’a
pas été conservé, put enlever un petit ossement
qui avait roulé en dehors du foyer. Ce petit ossement est regardé
comme une [p.63] phalange
d’un des doigts de nos saints. Cette chrétienne garda chez elle
ce trésor jusqu’à la fin de la Terreur. Dès que l’Eglise
eut retrouvé un peu de calme, sur le témoignage de cette
dame et sur celui de M. Banouard, depuis membre du conseil de Fabrique,
qui s’était mis en rapport avec elle dès les premiers
jours, la sainte relique fut reconnue par M. l’abbé de l’Espinasse,
vicaire général de Paris, chargé, avant le Concordat,
et aussitôt après le rétablissement du culte extérieur,
de l’administration spirituelle de tous les environs de la capitale.
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(1) Le sieur Lebas, avant d’être commissaire,
avait été maître d’école à Etampes.
(Renseignement donné par M. Venard, ancien notaire, qui fut un
moment son écolier.)
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M. Boivin, curé de Notre-Dame, assisté de MM. les curés
de Saint-Basile, Saint-Gilles et Saint-Martin et en présence
d’un grand nombre de fidèles, déposa le petit ossement,
reconnu par M. de l’Espinasse, dans une boîte oblongue fermée
avec un ruban rouge sur lequel fut apposé l’ancien sceau du chapitre
de Notre-Dame: et ladite boîte fut placée dans une châsse
en bois doré. [p.64]
Cette châsse fut remplacée
en 1832 par la châsse en cuivre que nous portons aujourd’hui,
dans les processions solennelles.
Indépendamment de cette châsse
dite des corps saints, celle en bois doré connue sous le nom
de châsse de sainte Julienne contient:
1° Une relique de sainte Julienne,
provenant de la collégiale de Sainte-Croix;
2° Une relique de saint Vincent
de Paul;
3° Une relique de sainte Pauline,
martyre.
Il y a encore dans cette châsse
huit petits reliquaires, dont l’authenticité ne pourra être
reconnue que lorsqu’on ouvrira la boîte qui les contient. [p.65]
|
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IV
DU CULTE DES SAINTS MARTYRS A ÉTAMPES.
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Il est facile de se figurer quel a dû être l’enthousiasme
de nos pères, quand on leur annonça le don du Roi et
l’arrivée des saintes reliques. C’était au commencement
du XIe siècle; un siècle de foi.
Des corps saints venant de Rome,
donnés par le Saint-Père, apportés par un Roi
qui, indépendamment de son titre auguste, était le seigneur
immédiat de cette bonne ville d’Étampes qu’il aimait tant,
et qu’il [p.66] venait de doter
d’une église magnifique: un Roi qui était connu pour
aimer les cérémonies religieuses et qui se mêlait
volontiers aux clercs dont il prenait quelques fois, dit-on, les vêtements
sacrés pour participer directement aux cérémonies
saintes. Voyez comme tout s’agite dans cette ville nouvelle d’Étampes-le-Châtel.
Les processions s’organisent, le clergé des églises voisines,
Saint-Gilles, Saint-Martin, Saint Pierre, Morigny, se réunissent
aux heureux chanoines de Notre-Dame qui vont recevoir le dépôt
sacré. Les différentes autorités, les bourgeois,
les soldats, tout est en mouvement, et l’on va aussi loin que possible
à la rencontre des saintes reliques.
«Il y en a d’aucuns qui
ont écrit, dit un vieil auteur, que nos saints ont souffert
le martyre en la chapelle des corps saints, aux environs d’Etréchy,»
et il entasse les arguments pour leur montrer combien ils sont dans
l’erreur. Cette erreur est excusable: [p.67]
elle repose sur un mot. On dit lever un corps,
pour signifier qu’on le retire du lieu de sa sépulture, et on
se sert de la même expression pour dire qu’on est allé
le prendre au lieu où il était déposé. Est-il
étonnant, dans les temps qui ont suivi la cérémonie
dont nous parlons, que le peuple peu instruit ait fait erreur sur le
sens de ce mot, et soit arrivé à croire, quelques siècles
plus tard, qu’on était allé exhumer ces corps saints enterrés
d’abord au lieu de leur supplice sur lequel, par la suite, on aurait
bâti une chapelle. Mais il paraît certain que nos pères
sont allés chercher les saintes reliques dans les environs d’Etréchy.
La foi alors était assez robuste pour qu’on ne redoutât pas
une pareille procession. En effet, pourquoi une chapelle des corps saints
de ce côté plutôt qu’ailleurs? C’est encore sur cette
route de Paris que se rendit la procession à laquelle assistait
l’archevêque Gilon, puisqu’un [p.68]
auteur nous dit qu’on passa alors par la léproserie
de Saint-Michel.
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Nous pouvons donc supposer que cette chapelle a été
édifiée sur le lieu où avaient été
déposées les saintes reliques avant d’être reçues
solennellement dans la ville. Peut-être même y avait-il là
une chapelle desservie par quelques religieux auxquels on aurait donné
la garde des corps saints à leur arrivée en France, et
jusqu’au moment auquel on pourrait les recevoir dans l’église
inachevée et à laquelle ils étaient destinés
(1).
Nos saints eurent-ils immédiatement
le titre de PATRONS d’Étampes; leur fut-il donné
dans une forme authentique et avec les formalités qui ont été
déterminées [p.69] postérieurement
par les Souverains Pontifes. Nous ne saurions le dire; mais ce qui
est certain, c’est que ce titre leur a été conféré
par une tradition dont il n’est pas possible de trouver l’origine,
tant elle est reculée. Dans les différents récits
de miracles que nous avons rapportés, ils sont qualifiés
du titre de patrons de la ville. C’est le titre qu’ils portent dans le
livre des Antiquités d’Etampes: et les différentes
notices qui accompagnent leur office imprimé à Sens et
Orléans se servent de la même dénomination.
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(1) Les auteurs s’accordent à dire
que le voyage du roi Robert, en Italie, a dû avoir lieu entre
les années 1016 et 1020; s’il a rapporté, comme on le
pense, ces saintes reliques à son retour, elles ont dû être
déposées en quelque lieu jusqu’à l’achèvement
de Notre-Dame, qui n’a pas été terminée avant 1025.
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Marc-Augustin Lamy, dans son livre intitulé Coutumes des
bailliage et prévosté d’Etampes, a mis un tableau
des jours où on ne plaide pas audit lieu et, après avoir
indiqué saint Martin, saint Gilles et saint Basile avec le titre
de patrons de ces paroisses, il dit au 31 mai: «En
la fête des saints Cant, Cantien et Cantianille, Patrons
de la ville d’Etampes.» Ce patronage était [p.70] tellement compris par
nos pères, qu’ils allaient jusqu’à contester au chapitre
de Notre-Dame le titre de propriétaire de saintes reliques:
selon eux, le chapitre n’en était que le gardien. Une procession
ne se serait pas faite sans que toutes les paroisses y fussent représentées;
la présence du clergé paroissial des différentes
églises de la ville n’était pas considérée
comme une déférence ou un devoir, mais, comme un droit
que les curés tenaient à constater et à exercer
chaque fois qu’on descendait les châsses. «Au
moment de sortir de l’église les curés des quatre paroisses
et faubourgs de la ville appuient une main au coin de la châsse qui
leur est assigné par l’image du patron de leur paroisse. Cela se
fait, dit-on, pour conserver à la ville entière la possession
de cette châsse. Dès qu’elle est sortie, les curés
reprennent leur rang pour suivre la procession. Et une cérémonie
semblable a lieu à la [p.71]
rentrée dans l’église Notre-Dame
(1).» L’antique dévotion des Etampais [sic] envers leurs saints patrons ne
peut laisser aucun doute c’est à eux qu’on recourait dans toutes
les épreuves; dans les jours difficiles, ils étaient considérés
comme les protecteurs et la force de la cité. Dans les temps
plu vieux, comme dans les sécheresses excessives, on recourait
aux saints patrons, et l’on était exaucé. De là ce
cri de reconnaissance inséré dans une des hymnes composées
en leur honneur:
Canti Stampis decus indè
nostris (2).
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(1) Archives de Notre-Dame.
(2) Office des saints martyrs,
Sens, Tarbé, 1781.
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Indépendamment de leur fête qui se célébrait
le 31 mai, comme elle est indiquée au martyrologe, il y avait,
chaque année, deux processions solennelles: le mardi de Pâques
et le mardi de la Pentecôte.
Un auteur rendant compte d’une de
ces [p.72] processions, en 1718,
en fait le tableau suivant:
«La procession la plus
solennelle a lieu le mardi de Pâques. En tête de la procession,
l’on voit les capucins et les cordeliers dont chacun connaît
le recueillement; ils sont suivis par les barnabites, qui précèdent
le clergé de toutes les paroisses de la ville et des environs;
ensuite arrivent les chanoines de Notre-Dame et de Sainte-Croix qui marchent
ensemble sur deux rangs: ceux de Notre-Dame à droite, et ceux
de Sainte-Croix à gauche. La châsse, portée par
des hommes marchant pieds nus et couronnés de fleurs, est entourée
de torches et de flambeaux; elle est suivie d’une autre châsse
plus petite et d’un reliquaire de saint Matthieu, apôtre et évangéliste.
Il y a encore un reliquaire de saint Jean Chrysostome et une image en
ronde-bosse dans laquelle est un morceau des vêtements de la sainte
Vierge. Le prêtre qui doit célébrer la [p.73] messe porte
une croix d’argent finement travaillée. Cette croix et les deux
reliquaires de la sainte Vierge ont été donnés à
l’église Notre-Dame par Louis d’Evreux, comte d’Etampes» (1).
|
(1)
Archives de Notre-Dame.
|
Cette procession solennelle de Pâques se renouvelait le mardi
de la Pentecôte avec la même solennité; mais, dans
ce jour, on ne portait que la petite châsse.
On se rendait en foule à
ces processions de tous les lieux circonvoisins: il s’y trouvait toujours
aussi des pèlerins venus de lieux très-éloignés.
L’auteur que nous venons de citer parle d’un chartreux qui ne pouvant
quitter sa solitude, se trouvait toujours de cœur à ces saintes
solennités. Les savants et les ignorants, le peuple et les princes,
les magistrats et les prêtres s’y trouvaient mêlés
aux pieuses femmes aussi bien qu’aux soldats; et je pourrais citer [p.74] le nom d’un officier
des dernières années de Louis XV qui, en quelque lieu que
fût son régiment, demandait, chaque année, une permission
de plusieurs jours pour assister, à Etampes, à la procession
des corps saints.
Voilà à peu prés
tout ce que nous savons concernant le culte de nos saints patrons,
dans les temps anciens: des offices solennels, des processions, des
pèlerinages. Cependant, il y a un dernier fait qui montre que
le souvenir de nos saints et la dévotion des anciens étaient
toujours vivaces. Ce fait, le seul qui ait survécu, nous parle
tous les jours. C’est la bénédiction, en 1718, de la grosse
cloche de Notre-Dame, qui porte le nom de l’aîné de nos
saints patrons (1).
«Je m’appelle Cant, et j’ai reçu
ce nom de maître Jean Dansfleit, prêtre doyen des chanoines,
ayant exercé très-honorablement [p.75] son ministère
dans cette église pendant plus de soixante-cinq ans... en 1718.»
Ce bon chanoine avait donc déjà dix-neuf ans de ministère
dans l’église de Notre-Dame lorsque les châsses furent ouvertes,
en 1672, par Mgr de Goudriu; il avait dû voir les saintes reliques,
et il nous apparaît, par la cloche à laquelle il a donné
ce nom de Cant, comme un témoin permanent de la vérité
et de l’authenticité des pièces que nous avons consultées
pour écrire cette notice. II ne nous reste qu’un seul de nos saints
ossements. Auquel de nos trois patrons a-t-il appartenu? Nous ne saurions
le dire. Mais un souvenir du culte de nos pères nous est demeuré,
il nous parle tous les jours; et, faites-y bien attention, chrétiens
d’Etampes, quelle que soit votre paroisse, quand cette grande voix de la
grosse cloche de Notre-Dame, qui porte le nom du premier de vos saints
patrons, retentit à vos oreilles, qu’elle dise aussi quelque chose
à [p.76] votre
cœur. C’est celle qui, tous les jours, nous invite à saluer Marie
le matin, à midi et le soir. C’est celle qui nous appelle à
la sainte messe et à nos différents exercices du soir, dans
le saint temps du carême, et dans le mois consacré à
la Mère des chrétiens. Oh! qu’ils soient bénis de
Dieu dans l’éternité, ces bons chanoines de Notre- Dame,
qui ont pensé à donner une voix à nos saints patrons!
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(1) Inscription de la cloche.
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Dans les jours qui se sont écoulés entre l’année
1793 et la réouverture des églises, les bons chrétiens
d’Etampes furent contraints de refouler dans leur cœur tous leurs sentiments,
se contentant de parler tout bas de la conservation, presque miraculeuse,
d’une partie des saintes reliques. Mais aussitôt que la liberté
fut rendue à l’Eglise, il y eut explosion. On vit quelque chose
qui ressemblait à l’enthousiasme des premiers temps, et les hommes,
commençant à respirer, revinrent en foule à la dévotion [p.77] de leurs ancêtres.
Ceux qui furent témoins de cette résurrection, s’accordent
à dire qu’il y avait quelque chose, dans cette manifestation, qui
tenait du prodige.
Cependant, quel que soit cet empressement
de la multitude, le curé de Notre-Dame, qui avait connaissance,
par les anciens, de la pompe avec laquelle se faisaient autrefois ces cérémonies,
gémissait dans son cœur, parce qu’il n’y reconnaissait
que l’ombre des anciens jours. Il eût volontiers dit avec le prophète
des lamentations: Viæ Sion lugent eo quod non sint qui veniant
ad solemnitatem. «Les rues de Sion versent des larmes, parce qu’on
n’y rencontre plus ceux qui venaient autrefois à ses solennités.»
Il crut remplir un devoir de sa charge en rendant compte de l’état
des choses à Mgr l’évêque de Versailles, de qui
relevait la ville d’Etampes, depuis le Concordat.
L’évêché, ne
voulant rien faire légèrement
[p.78] et à la hâte, exigea
des délibérations des diverses fabriques des paroisses
et avis de l’administration municipale; puis rendit une ordonnance
dont la teneur suit:
Louis Charrier de
la Roche, par la miséricorde divine et l’autorité du
saint-siége apostolique, évêque de Versailles;
M. le curé de la paroisse
titulaire de Notre-Dame d’Étampes nous ayant exposé
qu’avant la suppression du chapitre de Notre-Dame, il était
d’usage que toutes les paroisses qu’on comptait alors dans la ville
se réunissaient, ainsi que les autorités civiles et judiciaires,
eu l’église Notre-Dame, qui était alors, comme elle l’est
encore, la principale église de la ville, pour assister aux
processions publiques qui avaient lieu à certains jours, et qui
seront ci-après désignées; et ledit curé
nous ayant témoigné le désir que les anciens usages
relatifs à ces processions soient, par notre autorité,
remis en vigueur, nous avons demandé qu’avant de faire droit à
cette requête, le corps municipal ainsi que les fabriques des différentes
paroisses seraient non-seulement consultés, mais encore invités
à émettre par écrit leur vœu sur le rétablissement
desdits anciens usages;
Vu l’avis en date du 4 de ce mois
par lequel [p.79] M.
le maire et MM. les adjoints d’Etampes annoncent que lors du concordat,
et depuis cette époque, le conseil municipal n’a cessé
dans toutes les occasions, comme interprète du vœu général,
d’exprimer son désir pour que lesdits anciens usages soient remis
en vigueur;
(Cette pièce est signée:
le maire d’Etampes, chevalier de la Légion-d’Honneur, maréchal
de camp Romanet; Venard, Boivin-Chevalier, adjoints).
Vu les délibérations
en date des 3 et 6 de ce mois des églises de Notre-Dame et de
Saint Martin, et avant l’arrivée de celles de Saint-Gilles et
de Saint-Basile, que nous savons être du même avis;
Nous, évêque susdit,
notre promoteur général entendu dans ses conclusions,
avons statué et statuons ce qui suit:
Art. 1er. Toutes les autorités
civiles et judiciaires seront invitées, et le clergé
des trois paroisses de Saint-Basile, Saint-Gilles et Saint Martin sera
tenu de se rendre en corps à l’église Notre-Dame, pour assister
aux processions des lundi ou mardi de Pâques et de la Pentecôte,
qui sont consacrées au transport des reliques [p.80] des saints martyrs Cant,
Cantien et Cantianille, patrons de ladite ville.
Nota. Ces processions n’auront
lieu qu’après que notre Saint-Père aura rétabli
l’obligation de chômer lesdits jours qui, depuis le concordat,
ne sont plus que des fêtes de dévotion.
(Les art. 2 et 3 concernent d’autres
cérémonies qui n’ont pas rapport au sujet qui nous occupe.)
Art. 4. Aussitôt
la réception de la présente, Messieurs les administrateurs
de la fabrique Notre-Dame convoqueront, ainsi que nous les y autorisons,
les administrateurs des fabriques des autres paroisses de la ville pour
que, dans l’assemblée générale qui aura lieu dans
le local qui sera indiqué de concert avec Monsieur le maire, et
à laquelle assemblée ce magistrat sera invité de
se rendre, il soit d’abord fait lecture de la présente ordonnance,
et l’on convienne de l’heure, de la marche des processions.., et enfin
du mode d’invitations à faire chaque année.
Et sera notre présente ordonnance transcrite
tout au long sur les registres de chacune des quatre paroisses de la
ville d’Étampes, et sera exécutée à perpétuité
selon sa forme et teneur, [p.81] sauf
les changements et additions que nous nous réservons d’y apporter
par la suite, s’il est nécessaire, et sur les demandes qui nous
seront adressées.
Donné à Versailles,
le 16 septembre 1815.
Signé: LOUIS, évêque
de Versailles;
Par mandement:
VAQUER, s.-g.
Et plus bas:
Pour copie conforme:
VAQUIER, secrétaire-général.
Par cette pièce authentique,
par cette ordonnance rendue sur la demande du maire, des adjoints et
des quatre curés de la ville: 1° tout ce qui a été
fait depuis la réouverture des églises est ratifié
par l’autorité épiscopale; 2° l’authenticité
des saintes reliques sauvées en 1793 est implicitement reconnue;
3° le culte solennel de nos saints patrons est officiellement rétabli;
4° liberté nous est accordée de faire nos [p.82] processions le lundi ou
le mardi de Pâques et de la Pentecôte; et enfin 5° la
première autorité du diocèse, dans un acte authentique,
donne à nos saints le titre de patrons de la ville d’Etampes.
Nous avons le témoignage de
tous les siècles. Gilon, au moyen-âge; de Pellevé
et de Gondrin, dans les temps postérieurs; Charrier de la Roche,
au XIXe siècle; et nos corps saints de 1865 sont toujours les corps
saints du roi Robert, les corps saints d’Aquilée en 304. [p.83] |
Bannière de procession étampoise (XIXe s.)
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V
CHAPITRE ADDITIONNEL (1865)
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Malgré tous les renseignements contenus dans cette
notice, on pourrait présenter une objection et dire: vous avez
sauvé, à l’époque de l’incinération des saintes
reliques, un ossement et un peu de cendre provenant des objets brûlés;
mais quel est cet ossement, quel est celui de vos trois patrons auquel
il doit appartenir?
A cette objection, il semble d’abord
qu’il n’y a rien à répondre. Cependant, on trouve [p.84] et l’on conserve, dans presque
toutes les maisons, quelque objet que l’on regarde avec raison comme
souvenir de famille. Auquel des ancêtres a-t-il appartenu? On
ne saurait le dire, mais c’est un souvenir de famille, et cela
suffit. Nous pouvons en dire autant pour le fait qui nous occupe; la partie
représente le tout, et cela rigoureusement pourrait nous suffire
et devrait répondre à l’objection.
Cette objection pourtant, le curé
de Notre-Dame se l’était proposée depuis le commencement,
et il voulait la résoudre en présentant à la vénération
des fidèles trois reliques distinctes.
Deux voies se présentaient
pour arriver à ce but: s’adresser à Milan ou à
Sens.
Nous savons, en effet, qu’une partie des saintes reliques
était restée à Milan lors de la donation faite
au roi Robert le Pieux. Aujourd’hui encore, leur châsse est conservée
et vénérée dans une chapelle particulière [p.85] de la cathédrale
de cette ville. C’est à Milan donc que le curé de Notre-Dame
crut devoir s’adresser d’abord. Il écrivit à Monseigneur
l’archevêque, lui exposant l’état des choses et le suppliant
de vouloir bien concéder quelques fragments des saintes reliques
conservées clans sa cathédrale à la ville d’Étampes.
La lettre fut envoyée par
l’entremise de Monseigneur l’évêque de Versailles. Est-
elle parvenue à sa destination? L’agitation qui régnait
alors en Italie l’a-t-elle exposée à rester dans quelque
bureau où elle est oubliée? Il est impossible de le dire;
mais cette supplique est demeurée sans réponse.
Heureusement, nous avions la ressource
de nous adresser à Sens.
Une partie notable des saintes reliques
fut portée à Sens dès le XIe siècle; les
bréviaires de ce diocèse constatent ce fait jus qu’à
l’époque de la dernière édition qui est de 1780;
il ne s’agissait plus que de savoir [p.86]
si elles avaient échappé au
désastre de 1793. Après plusieurs tentatives d’abord inutiles,
le curé de Notre-Dame eut le bonheur d’acquérir la certitude
qu’elles existaient encore, et avec la désignation suivante:
«Reliques des saints Cant,
Cantien et Cantianille, patrons de la ville d’Étampes.»
La cathédrale de Sens possède,
en outre:
1° Un manuscrit du XIe siècle,
portant qu’une partie notable des saintes reliques a été
apportée en cette ville, plurima portio, par Léothéric,
archevêque de Sens;
2° L’inventaire général
des reliques de la cathédrale, par Roger, archevêque de
Sens, en 1095;
3° L’inventaire rédigé
par Guy des Noyers, archevêque de Sens, en 1192;
4° Un inventaire de 1239, par
Gauthier Cornu, aussi archevêque de Sens.
En un mot, ces saintes reliques,
conservées et inventoriées de siècle en siècle,
ont [p.87] été
reconnues en dernier lieu par Mgr Jolly, archevêque actuel,
en 1844.
Ces renseignements ne laissant aucun
doute, le curé de Notre-Dame s’adressa à Mgr l’archevêque
de Sens, le suppliant de rendre à son église le trésor
qui lui avait été destiné dès l’an 1025
par son pieux fondateur.
Mgr Jolly, voulant satisfaire la
piété des habitants d’Étampes, accueillit de
la manière la plus gracieuse la requête qui lui était
adressée, et consentit à détacher quelques parties
des saintes reliques conservées à Sens pour les rendre,
autant que possible, à la ville qui les avait possédées
d’abord. M. le curé de Notre-Dame avait osé redemander
le tout. Cependant, la ville d’Étampes doit se montrer reconnaissante
de ce que l’archevêque de Sens a bien voulu faire en cette circonstance.
La ville d’Étampes, au XIe siècle, avait donné à
Sens une partie des corps saints, et Sens aujourd’hui [p.88] lui rend une partie de ce qu’elle
a conservé. Les voies de Providence sont admirables; quelques-uns
des bons chanoines de Notre-Dame, retenus par le respect qu’ils devaient
à leur archevêque, ont probablement, tout en cédant
à ses saints désirs, murmuré intérieurement;
quelques pieux fidèles ont sans doute vu partir avec peine une portion
du trésor qu’ils devaient regarder comme leur propriété;
et ce qu’ils ont peut-être considéré comme un abus
d’autorité devait être un jour la consolation et la joie
de leurs successeurs et de leurs petits-enfants. Les siècles s’écoulent;
on paraît oublier, du moins on ne se préoccupe pas de la
présence d’une partie des saintes reliques dans un autre lieu,
quoique la Providence permette toujours que chacun des auteurs qui ont
écrit sur nos saints aient constamment relaté le fait.
Le Bréviaire de Sens en est un témoignage permanent.
Puis arrivent les jours mauvais, l’ouragan [p.89] a tout dispersé, Étampes
paraît réduit à se contenter de reliques qui pourraient
être regardées comme insuffisantes; prés d’un siècle
s’écoule dans cet état, et un jour le Seigneur semble
prendre son prêtre par la main pour lui montrer où il
doit frapper.
Béni soit le Seigneur qui
m’a inspiré la pensée de m’occuper de cette recherche
importante, et je le supplie de me rendre participant des prières
qui lui seront adressées devant ces saintes reliques.
Tout étant réglé
et entendu entre l’archevêché de Sens et M. le curé
de Notre-Dame, remise lui fut faite par M. Carlier, chanoine de Sens,
gardien du trésor de la cathédrale, de la portion destinée
à la ville d’Étampes, avec les pièces à
l’appui.
La chaîne des temps est reliée,
et aucun doute ne peut exister dans l’esprit des chrétiens
d’Étampes, qui sont assurés maintenant, comme au XIe
siècle, de posséder des
[p.90] reliques authentiques de chacun de leurs saints
patrons.
Les ossements et débris sauvés
en 1793 sont conservés dans un reliquaire à part, sous
la dénomination générale de reliques des saints
Cant, Cantien et Cantianille, patrons de la ville d’Étampes, et
les trois reliquaires venus de Sens et conservés dans la même
châsse contiennent séparément une relique de chacun
des saints.
Quant à ces dernières
reliques, afin qu’il ne reste aucun doute possible sur leur authenticité,
voici copie de la lettre concernant leur conservation à Sens,
en 1793.
A Monsieur le Curé de Notre-Dame
d’Etampes.
Sens, 23 septembre 1865.
Monsieur le Curé,
Vous me demandez comment les reliques
du trésor de Sens ont été sauvées de la
profanation en 1793, et je m’empresse de vous transmettre ce l’enseignement
qui pourra vous être très-utile dans la notice que vous
préparez.
Les membres du district vinrent un
jour au [p.91] trésor
pour en enlever les ornements d’or, d’argent et de pierreries qui étaient
incrustés dans les châsses, sous le prétexte de
les envoyer à la monnaie, mais en réalité pour se
les partager. Tout ce qui était précieux fut arraché
et emporté; quant aux châsses et aux ossements qu’elles contenaient,
elles n’eurent pas le privilége d’exciter la cupidité des
vandales. Elles furent donc rejetées de côté; ce n’était
à leurs yeux que du bois et des ossements.
Le soir du même jour, Messieurs
Jean Hédiard, loueur de chaises du chapitre, et Charles Dérouet,
ancien sacristain (lesquels au moment de l’expulsion des chanoines
avaient été nommés gardiens de la cathédrale),
se concertèrent et, profitant des ténèbres, ils
portèrent toutes les reliques chez Jean Hédiard, qui demeurait
dans le voisinage de la cathédrale.
Toutes les châsses furent cachées
dans un cabinet qui se trouvait placé au fond d’une alcôve;
et afin que ces objets sacrés ne pussent pas être découverts
par les révolutionnaires, M. Hédiard fit masquer la porte
du cabinet par un papier de tenture placé à l’intérieur
de l’alcôve, et qui passait devant la porte sans l’indiquer.
A la restauration du culte, Mgr de
la Tour-du-Pin Montauban replaça solennellement toutes ces
reliques au trésor.
J’aime à croire que ces renseignements
suffiront [p.92] pour
vous convaincre que toutes les reliques du trésor de la cathédrale
de Sens sont parfaitement authentiques.
Agréez, Monsieur le curé,
etc.
CARLIER,
Chanoine gardien du trésor.
Dans ces derniers temps, le curé
de Notre-Dame, voyant l’empressement avec lequel les mères amènent
toujours les petits enfants, aux jours des processions, vénérer
les saintes reliques, a établi qu’une messe serait dite tous
les premiers dimanches du mois, dans cette paroisse, pour les enfants
recommandés à nos saints patrons. Pour avoir part au bénéfice
de ces prières, il faut faire inscrire les enfants, quelle que
soit leur paroisse, sur un registre qui reste à la sacristie, et
déposer une légère offrande destinée à
l’acquit des honoraires dus pour ces douze messes par an; le reste sera
conservé pour l’acquisition, par la suite, d’une châsse plus
riche et plus facile à porter dans nos processions. [p.93]
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VI
ANTIQUITÉS RELIGIEUSES D’ÉTAMPES
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Ce qui va suivre est tiré
presque textuellement du livre intitulé Les Antiquités
d’Étampes, par dom Fleureau, 1683, et nous croyons devoir
le publier: 1° parce que ce livre devient très-rare; et 2°
parce que les personnes chrétiennes qui liront cette notice seront
édifiées en voyant quelle a été en tout temps
la religion de cette ville d’Étampes où toutes les institutions
pieuses furent toujours si bien accueillies.
[p.94]
SAINT-MARTIN.
La paroisse Saint-Martin est bien
certainement la plus ancienne d’Etampes, puisque ce quartier était
d’abord toute la cité, ce qui est prouvé par le nom même
d’Étampes-les-Vieilles que cette partie de la ville conserva lorsque
nos rois fondèrent à l’autre extrémité, du
côté de Paris, la nouvelle ville qui prit le nom d’Etampes-le-Châtel
à cause du château qu’ils firent élever au lieu où
se trouve encore la tour de Guinette.
On pense que la foi fut apportée
dans cette ville vieille par les apôtres saint Potentien et
saint Altin, lorsqu’ils furent envoyés de Sens par saint Savinien
pour évangéliser la ville de Chartres; ou par les prêtres
Saint Victorin et saint Serotin, qu’il chargea, vers l’an 269 de l’ère
chrétienne, de prêcher la foi dans tous les lieux du territoire
sénonais; l’ancienne tradition d’Étampes fait remonter
la construction de la première église de Saint-Martin
à la fin du [p.95] règne
de Clovis, vers l’an 499. L’église actuelle a été
consacrée eu 1526, et la tour a été achevée
en 1537.
SAINT-PIERRE.
Après Saint-Martin, la paroisse
la plus ancienne paraît être celle de Saint-Pierre, supprimée
à l’époque néfaste de 1793, bien que le quartier
ait conservé et son ancien nom et son ancien cimetière.
En 644, comme le raconte dom Fleureau,
qui déclare avoir vu les anciens titres, un saint prêtre
nommé Léobaldus, abbé de Saint-Aignan d’Orléans,
fit bâtir à Fleury-sur-Loire un monastère et donna
aux religieux tous les biens sis à Étampes, qu’il avait
acquis d’une femme nommée Albune. Terras et prata quæ
ab Albuna in pago Stampensi visus sum comparasse, sicut à me possessum
est in integrum.
Plus tard ces religieux vinrent
à Étampes et y fondèrent une église sous
le vocable du [p.96] prince
des apôtres, ils établirent en même temps douze religieux
pour la desservir, sous la conduite d’un prieur nommé Pierre
d’Étampes. Cette église du prieuré bâtie
dans la partie nord-est du cimetière actuel de Saint-Pierre,
est demeurée l’église paroissiale jusqu’à la réunion
de Saint-Pierre à la paroisse Notre-Dame à l’époque
du concordat de 1804.
NOTRE-DAME.
L’église Notre-Dame a été
fondée et donnée aux chanoines par le roi Robert le Pieux,
vers l’an 1025. Avant cette époque, il existait au même
lieu une chapelle dédiée à saint Sérin, sur
l’emplacement de laquelle le roi fit édifier la nouvelle église
qu’il dota et dans laquelle il établit un collège de chanoines
pour la desservir, en même temps que, pour le service paroissiale
il établissait une autre église sous le vocable de Saint
Basile. [p.97]
SAINT-BASILE.
L’origine de cette église
est la même que celle de Notre-Dame. Elle a été
bâtie par Robert le Pieux.
Helgaud, abbé de Saint-Benoît-sur-Loire,
qui a écrit la vie de ce roi, dit qu’avant restauré l’église
de Melun il y joignit une chapelle comme il avait fait à Étampes,
où, après avoir bâti l’église Notre-Dame
où il établit un collège de chanoines, il fit
bâtir une autre église dans le même lieu.
Saint-Basile, dans le principe,
était desservi par les chanoines. En 1127, par suite d’un concordat
passé entre l’archevêque de Sens et les chanoines de
Notre-Dame, par l’entremise des évêques de Meaux et de
Chartres, présidés par le cardinal-légat Mathieu,
évêque d’Albe, il fut décidé que les chanoines
désigneraient le curé, auquel l’archevêque donnerait
l’institution canonique. [p.98]
En cas de vacances, Saint-Basile
était desservi par les chanoines qui devaient, dans l’espace
de trente jours, présenter un curé, autrement il était
pourvu d’office par l’archevêque (concordat de 1180). Les limites
des deux paroisses sont fixées en 1226.
L’église Saint-Basile, devenue
paroisse indépendante, est enfin consacrée en 1497.
Quelques personnes croient que Saint
Laurent est deuxième patron de cette paroisse; cette erreur
provient de ce qu’en 1415 il fut décidé entre les chanoines
de Notre-Dame et le curé de Saint-Basile qu’on ferait en commun
dans cette église la fête de Saint-Laurent, que le clergé
des deux paroisses faisait précédemment dans la chapelle
du château.
L’archevêque de Sens consacra
sept autels dans l’église de Saint-Basile, qui furent dédiés
à la sainte Trinité, à la sainte Vierge, à
saint Jean-Baptiste, saint Jacques, saint
[p.99] Sébastien, saint Prix, saint Maur et saint
Fiacre, saint Michel et sainte Catherine, et le dernier à saint
Sauveur; et pas un à saint Laurent, ce qu’on n’aurait probablement
pas omis s’il eût été second patron.
SAINT-GILLES.
Dans le principe, Saint-Gilles dépendait
d’Etampes-les-Vieilles. On pense que cette
paroisse a été érigée entre les
années 1120 et 1161, parce qu’il n’en est pas question dans
des lettres de Louis le Gros concernant toutes les églises d’Étampes,
et qu’elle figure dans une ordonnance de l’archevêque de Sens
en 1161. On ne connaît pas de fondateur particulier de l’église;
elle a dû être édifiée par la générosité
des paroissiens qui sont devenus plus nombreux à cette époque.
Le roi Louis le Gros avait accordé des immunités et franchises
aux habitants qui viendraient s’établir dans les environs du
marché Saint-Gilles, sans doute pour
[p.100] former un centre de population propre à
relier Etampes-les-Vieilles avec Étampes-le-Châtel. L’église
n’a été complètement achevée par la construction
des nefs latérales, des chapelles et de la sacristie, qu’en 1547.
Dom Fleureau fait la remarque que
cette église avait gardé l’usage de conserver la sainte
Eucharistie dans un ciborium suspendu au-dessus
de l’autel jusqu’en 1632, époque à laquelle on établit
un tabernacle. Le ciborium de Saint-Gilles était suspendu
à une belle et grande crosse en cuivre doré.
HÔTEL-DIEU.
Aux évêques appartient
le soin des pauvres et des malades, et voilà pourquoi dans presque
toutes les anciennes villes les hôpitaux sont auprès des
cathédrales. Ainsi en était-il aussi pour les collèges
des chanoines. Ceux de Notre-Dame n’ont pas manqué [p.101] à ce
devoir. Dans le principe, ils soignaient eux-mêmes les malades,
dont les lits étaient placés dans l’église. Ils avaient
affecté à cet usage la partie de la nef latérale
qui s’étend de la porte du côté du marché au
bas de l’église. Plus tard les chanoines établirent pour
les malades des constructions sur les terrains appartenant au chapitre,
qui sont occupés encore maintenant par l’Hôtel-Dieu actuel.
La chapelle, qui n’était
qu’un appentis, se trouvait à la place qui est devenue plus
tard le cimetière des religieuses. Ce cimetière, supprimé
en 1858, occupait l’emplacement sur lequel est établi [sic] maintenant la
salle de consultation et le vestibule pour l’entrée de la chapelle
réservée aux malades et aux vieillards. La salle des malades,
bâtie en 1559, est devenue la chapelle, en 1632; et l’on construisit
à cette époque les salles qui longent la rue de l’Hospice.
Ces travaux furent payés avec les épargnes de l’établissement [p.102] et les aumônes
des fidèles. Dans les vieux titres, l’Hôtel-Dieu est appelé
l’aumônerie Notre-Dame.
L’Hôtel-Dieu ne connaît
aucun fondateur particulier; œuvre de la charité des chanoines,
dans le principe, il a dû son extension à la charité
publique, et tout ce qu’il possède lui vient de la générosité
des habitants d’Étampes et de quelques personnes des environs
de cette ville. Aujourd’hui encore, alors que la plupart des hospices
sont soutenus par les subventions des villes, des départements ou
de l’État, l’Hôtel-Dieu d’Étampes vit et se soutient
par ses propres ressources, c’est un Hôtel-Dieu
dans la force du terme.
Il existe peu de renseignements
sur la manière dont était administré l’Hôtel-Dieu
de 1191 (époque à laquelle il paraît certain qu’il
était sorti des mains des chanoines) jusqu’en 1537: seulement
à cette époque les habitants, trouvant que le bien des pauvres [p.103] était
mal géré, s’adressèrent à l’archevêque
de Sens, à qui ils portèrent plainte contre le sieur Jacques
de la Vallée, sous l’administration duquel les pauvres étaient
abandonnés jusqu’à mourir dans les rues.
A la suite de ces plaintes, en 1538,
il fut établi que l’hospice serait administré par des
habitants et bourgeois d’Étampes, élus à cet effet.
Dans un règlement de 1225,
il est question d’un maître et de frères: dans la transaction
de 1538, il n’en est plus parlé.
A cette dernière époque,
le maire et les échevins d’Étampes, administrateurs de
l’Hôtel-Dieu, avant décidé d’y établir des
religieuses hospitalières de l’ordre de Saint Augustin, il se
présenta assez de jeunes filles d’Étampes disposées
à se vouer à cette bonne œuvre pour qu’il ne fût
pas nécessaire de recourir ailleurs. L’archevêque de Sens
leur donna des constitutions et les reçut
[p.104] à la vêture et à la
profession suivant les formes prescrites par les canons de l’Eglise.
Il y a donc 330 ans que l’Hôtel-Dieu
est desservi par les Augustines d’Etampes. Depuis cette époque
il a dû se conformer à toutes les ordonnances et lois qui
sont venues réglementer l’assistance publique.
LA CONGRÉGATION
NOTRE-DAME.
Les Dames chanoinesses de la congrégation
Notre-Dame, fondées par le bienheureux P. Fourrier, curé
de Mattincourt, ont été établies à Étampes
sous les auspices de l’archevêque de Sens, en 1630, du vivant
même de leur saint fondateur. Après avoir demeuré
dans deux maisons particulières, d’abord sur Notre-Dame ensuite
sur Saint-Gilles, elles firent bâtir un couvent et une chapelle
dans la maison qui est connue maintenant sous le nom de Grenier-d’Abondance.
Dispersées au jour de la Terreur,
[p.105] elles ont pu racheter après
ces mauvais jours la maison qu’elles occupent maintenant et qui était
précédemment le couvent des Cordeliers.
COLLÉGE.
Cet établissement, devenu
purement laïque, appartient cependant à l’histoire religieuse
d’Étampes par son origine. D’abord les chanoines de Notre-Dame
ont dû se conformer aux ordonnances qui enjoignaient aux évêchés,
monastères et colléges de chanoines d’établir
des écoles pour enseigner aux enfants la lecture, l’écriture,
l’arithmétique, etc. De plus, dans le règlement de 1191
entre les chanoines de Sainte-Croix et de Notre-Dame, ces derniers réclamèrent
comme leur étant acquis le droit de tenir et conserver l’école
qu’ils avaient établie précédemment; en 1357 le
chantre de Notre-Dame confirme le prêtre Jean Thomas dans ses fonctions
de maître de grammaire. [p.106]
Sous le règne de François
Ier, les habitants d’Étampes firent bâtir une maison
commode pour y tenir les écoles; le maître jusqu’à
cette époque réunissait les enfants dans sa propre maison.
En 1570, les lépreux étant
très-rares et l’établissement de la maladrerie de Saint-Lazare
devenant à peu près inutile, le maire et les échevins
d’Étampes obtinrent du roi des lettres patentes pour affecter
une rente de 300 livres, prise sur les revenus de cette maison, à
l’entretien de leur collége.
En 1626, la ville donna la direction
du collége aux pères de la congrégation de Saint-Paul,
dits Barnabites, établis depuis peu d’années à
Montargis, et qui comptaient parmi leurs membres un certain nombre
d’enfants d’Étampes.
Le collége établi
dans la maison à tourelle qui est aujourd’hui à l’angle
des rues Saint-Antoine et du Pont-Quesneaux n’avait pas de chapelle:
ce qui ne pouvait pas [p.107] convenir
à une communauté religieuse; en 1629, par arrangement
entre les autorités de la ville et les prêtres chargés
de l’hospice Saint-Antoine, Mgr Octave de Bellegarde, archevêque
de Sens, mit le collège en possession de la maison qu’il occupe
aujourd’hui et qui est l’ancien hôpital de Saint-Antoine.
Quand cet établissement fut
donné aux Barnabites pour y établir leur collège,
il ne restait plus que quelques bâtiments en ruine auprès
de la chapelle. On ne sait pas par qui cet hôpital a été
fondé: d’un concordat entre les chanoines de Sainte-Croix et
ceux de Notre-Dame en 1210, on sait qu’il appartenait à ces derniers
et s’appelait alors l’aumônerie des Bretons.
— Pourquoi ce nom d’aumônerie
des Bretons? pourquoi le hameau de la Bretagne entre Saint-Pierre
et Morigny? pourquoi le cimetière des Bretons, au même
lieu? On pense que le lieu dit le cimetière des Bretons [p.108] fut ainsi
dénommé parce que en 1465 les soldats du duc de Bretagne,
campés dans cette partie de la ville, y moururent en très-grand
nombre; ils peuvent même avoir à cette époque donné
leur nom au hameau où ils étaient établis: mais
ne les a-t-on pas plutôt établis là parce qu’il y
avait déjà dans ce lieu une colonie de Bretons venus à
l’on ne sait quelle époque, puisque déjà en 1210,
250 ans auparavant, il existait à Étampes un hôpital
des Bretons?
SAINTE-CROIX.
Outre Notre-Dame, il existait autrefois
dans cette ville une collégiale dite de Sainte- Croix, qui
a été supprimée en 1793. Sainte-Croix n’ était
pas paroisse. Cette église et les maisons des chanoines étaient
établies dans le triangle formé aujourd’hui par les
rues Sainte-Croix, de la Juiverie, et la place de l’Hôtel-de-Ville.
Quand cette église a-t-elle été bâtie? Evidemment
entre 1183 et 1185, [p.109] puisque
Philippe-Auguste fait abandon aux clercs d’Étampes, en 1183, de tous
les biens appartenant à la synagogue pour construire une église,
et que les chanoines de Sainte-Croix sont considérés
comme formant un établissement particulier et séparé
de ceux de Notre-Dame par le pape Luce III, mort en 1185.
LES CORDELIERS.
Les Cordeliers, l’un des quatre
ordres mendiants fondés par saint François d’Assises [sic], prêchaient principalement
dans les campagnes: ils s’établirent à Étampes
vers 1230, dans la rue qui porte leur nom et dans le lieu où sont
aujourd’hui les religieuses de la Congrégation; leur couvent
fut brûlé par les protestants en 1507, et rebâti en
grande partie par les générosités du roi Henri III.
On croit que la fondation primitive est due à la reine Blanche,
mère de saint Louis. [p.110]
LES CAPUCINS.
Les Capucins appartiennent aussi
à la famille de saint François, et ont la même mission
que les Cordeliers; il n’y a de différence que dans quelques articles
de leur règle. Ils vinrent à Étampes en 1580, quand
le roi leur concéda les bâtiments et la chapelle des
chevaliers de Saint-Jacques, dont il sera parlé plus loin. Ils
étaient établis au lieu appelé encore aujourd’hui
les Capucins, entre le faubourg Evesard [sic]
et Saint Michel. Leur chapelle, finie et
bénie en 1616, était auprès de la grande route,
et l’établissement s’étendait jusqu’à la rivière
(1).
|
(1) C’est sur cet emplacement qu’on a
construit depuis les abattoirs.
|
LA MALADRERIE.
Au-delà du lieu où
nous venons de fixer l’établissement des Capucins se trouvait
autrefois un hôpital appelé la Maladrerie, ou [p.111] hospice Saint-Lazare
pour les lépreux. Cet établissement existait avant le règne
du roi Louis-le-Gros, puisque, par une charte de 1120, il fait donation
d’une pièce de terre pour le labourage d’une charrue, en faveur
des pauvres lépreux d’Étampes reçus dans cette maison.
La chapelle, dédiée à l’archange saint Michel, a
donné son nom au hameau où la maison était établie
(1).
LES MATHURINS.
Couvent de la Sainte-Trinité
pour la rédemption des captifs.
Lorsque les princes chrétiens
signalaient leur zèle pour la religion en travaillant par la
guerre à la délivrance des Lieux saints occupés
par les Musulmans, Dieu inspira à [p.112]
saint Jean de Matha la pensée d’instituer
un ordre pour le rachat des chrétiens prisonniers de guerre,
qui restaient captifs chez les infidèles. La ville d’Étampes
eut un couvent de cet ordre vers l’an 1200, pendant la vie même
du saint fondateur.
|
(1) La lèpre était commune, en Europe,
à cette époque; et elle a disparu grâce aux maladreries
établies au dehors de presque toutes les villes, grâce
aussi aux mesures hygiéniques sanctionnées par la religion
et qui étaient imposées aux lépreux.
|
Ce couvent, dit communément des Mathurins ou Trinitaires, mais
plus vulgairement des Mathurins, était situé dans les
limites de la paroisse Saint-Martin, à peu près à
égale distance de l’église et du haut pavé, dans
un lieu qui s’appelait auparavant, de même que l’hôpital
Saint-Antoine, l’Aumônerie des Bretons, soit que cette aumônerie
ait été déplacée, soit qu’il y en ait eu
deux dans la ville. (C’est sur cet emplacement qu’est établie
aujourd’hui la brasserie de Saint-Martin.)
Les Trinitaires furent nommés
en France les Mathurins, à cause de l’église de Saint
Mathurin à Paris, qui leur fut donnée pour leur premier
établissement, en 1197. — Le [p.113]
couvent d’Étampes était nommé
le quatrième entre tous ceux existant en France en 1209.
Bulle du pape Innocent III.
HOPITAL SAINT-JEAN.
Il y avait encore en cette paroisse
Saint-Martin l’hôpital Saint-Jean (n°50 actuel de la rue
du Haut-Pavé, vis-à-vis la rue de Saclas), appelé
aussi le Refuge des pauvres. On ne sait ni quand ni par qui a été
fondé cet hôpital, mais il existait dès l’année
1085, puisque, dans une charte de cette année, le roi Philippe
Ier lui fait don d’un arpent de terre à toujours et en toute propriété.
LA CHAPELLE DU PETIT SAINT-MARD.
La chapelle du petit Saint-Mard,
et non pas Saint-Mars, fut ainsi nommée par abréviation
du nom de saint Médard, qui en était le patron. Cette
chapelle n’était qu’une chapelle de secours pour les habitants
du hameau trop éloignés de la paroisse. Le prêtre [p.114] qui la desservait payait une
redevance aux curés de Saint-Martin, et les habitants étaient
obligés de se rendre à la paroisse principale pour la
fête de Pâques; ils devaient aussi s’adresser au curé
de Saint Martin ou à son vicaire pour la réception des
sacrements. Cette chapelle, qui existait dès l’an 1219 sans qu’on
sache par qui elle fut fondée, a subsisté jusqu’en 1793.
SAINT-JACQUES DE
BEDEGON.
Le hameau de Bedegon occupait une
partie du territoire que nous appelons aujourd’hui le faubourg Saint-Jacques.
Il fut donné par Philippe Ier aux chanoines pour y faire bâtir
une chapelle qui s’appela la chapelle Saint-Jacques de Bedegon à
cause du lieu où elle fut établie, et qui donna son nom
au faubourg. Elle était bâtie dans le haut du cimetière
commun aux deux paroisses Saint-Basile et Notre-Dame, et qui a subsisté
jusqu’à l’année 1790. Le nouveau
[p.115] cimetière a été béni
par le curé de Notre-Dame, le 21 novembre 1802.
LA COMMANDERIE DE SAINT-JACQUES
DE L’ÉPÉE.
Les chevaliers de Saint-Jacques de
l’Épée formaient un ordre religieux militaire fondé
en 1175, par le pape Alexandre III, pour protéger les pèlerins
qui allaient visiter l’église de Saint-Jacques de Compostelle
en Espagne; ce pélerinage était très-suivi à
cette époque de l’histoire de l’Église. Ils vinrent en
France sous le règne de François Ier et s’établirent
à Étampes en 1518, en vertu d’une institution royale. Le
lieu où ils s’installèrent fut nommé l’Hôpital
Saint-Jacques de l’Épée; mais ils ne demeurèrent
que soixante-deux ans dans cette ville, et le roi Henri III donna par
lettre-patente [sic], en 1580,
leur maison et toutes ses dépendances aux religieux de saint
François, [p.116] appelés
Capucins, comme nous l’avons dit plus haut.
HOPITAL DE BUZENVAL.
Il y avait encore dans le haut de
Saint-Pierre, au lieu dit la Rue sans Pain, un petit hospice sur lequel
nous n’avons pu nous procurer aucun renseignement. Il ressort seulement
d’un registre des censives de Notre-Dame, qu’il existait au XIVe siècle.
Ses biens ont été attribués à l’Hôtel-Dieu.
CONCILES D’ÉTAMPES.
Je crois qu’il sera agréable
aux personnes qui liront cette notice, d’y trouver le renseignement
suivant sur les conciles tenus dans cette ville.
1° Dom Fleureau parle, sans en
indiquer l’objet, d’un concile où furent convoqués par
Gerduyn, archevêque de Sens eu 1048, tous les évêques
de la province.
2° le deuxième fut présidé
par Daimbert, [p.117] archevêque
de Sens. Yves évêque de Chartres, Guillaume de Paris,
Jean d’Orléans, Gaultier de Meaux, Humbauld d’Auxerre se rendirent
à l’appel de l’archevêque en 1112. Ce concile confirma l’élection
contestée d’Yves, évêque de Chartres; adressa une
admonition sévère à l’évêque de Troyes;
les évêques réunis procédèrent à
la consécration d’un évêque, Hugues IV, nominé
à Nevers; enfin l’on publia de saintes ordonnances pour la réformation
des mœurs dépravées et corrompues de ce temps-là.
3° Le grand concile national
d’Étampes, qui intéressait l’Eglise universelle, fut
convoqué par Louis le Gros en 1130: voici à quelle occasion.
Aussitôt après la mort du pape Honoré II, les cardinaux
qui se trouvaient au palais, craignant une trop longue vacance du saint
siège, et voulant déjouer les cabales qu’ils savaient
exister dans Rome, se hâterent de lui donner un successeur, et
élirent pour Pontife le cardinal [p.118]
Grégoire qui prit le nom d’Innocent II.
Les cardinaux qui ne s’étaient pas trouvés à cette
élection et qui avaient des inclinations contraires, élurent
pour pape Pierre de Léon, qui prit le nom d’Anaclet.
Anaclet ne fut pas plus tôt
proclamé qu’appuyé de sa famille, très-nombreuse,
il se rendit assisté de tous ceux de sa faction à Saint-Pierre.
Innocent II, obligé de sortir de Rome, passa en France, parce
que ce Royaume a toujours été considéré
comme le protecteur du Saint-Siége. De là il écrivit
à tous les princes, et leur envoya des légats pour se faire
reconnaître comme le Pontife légitime: l’affaire était
de la plus grande importance. Le roi donna asile au prêtre persécuté,
mais il ne voulut prendre un parti définitif qu’après avoir
consulté les prélats de son royaume. A ce concile d’Étampes
assistèrent les archevêques de Sens, de Rheims, de Bourges,
de Tours et la plupart de évêques et abbés du royaume. [p.119]
Entre tous ces personnages éminents
se trouvait saint Bernard, abbé de Clairvaux. Ce saint homme
était entouré d’une telle vénération que
tous les évêques à l’unanimité, et le roi
lui-même, prirent l’engagement de se soumettre à son avis
sur l’affaire en litige il s’agissait non pas seulement de la France,
mais de l’intérêt de toute la chrétienté. Le
Saint, après trois jours de veille, de jeûne et de prières,
pendant lesquels il étudia la question sous tous ses aspects,
établit dans son rapport à l’assemblée, que la
première élection ayant été faite suivant
les formes canoniques, la deuxième, qui n’aurait pas dû avoir
lieu, était complétement nulle, et que par conséquent
Innocent II était le seul pape légitime.
L’assemblée entière
se soumit immédiatement à la décision du Saint,
et le roi voulant en donner des preuves évidentes à tous
ceux qui attendaient l’issue du concile pour embrasser un parti, se
rendit avec [p.120] Philippe
son fils désigné pour lui succéder, à Fleury-sur-Loire
où se trouvait le Pontife. La nouvelle fut envoyée d’Étampes
dans toutes les cours, et le pape fut généralement reconnu.
Ainsi il y eut un jour au XII siècle
où tout l’univers avait les yeux fixés sur Étampes,
parce que de cette ville allait sortir la parole qui devait rendre la
paix au monde chrétien et réunir tous les cœurs. Après
douze cents ans de foi, nos pères entendaient répéter
la parole du Sauveur: Erit pastor unus et ovile unum; il n’y aura qu’un
troupeau et qu’un pasteur. Tel est le vœu sincère que forme
encore l’auteur de ce petit livre: un seul père, le SOUVERAIN
PONTIFE, et tous les chrétiens unis dans une même
soumission à la SAINTE ÉGLISE ROMAINE. [p.121]
|
|
Outre les auteurs indiqués
aux pages 3 et 4 de cette notice comme ayant écrit sur nos saints
patrons, on peut encore citer:
Petrus Gendrœus, Pierre Legendre,
avocat, auteur* d’un poème intitulé
Cantiades, autrement la Cantiade, antérieur
à 1650*;
Et les auteurs d’un ouvrage édité
vers 1625**, par Martin
Vérac, sous les initiales H. B. T., qui cachent les noms de
dom Hardi, religieux, de Morigny, Louis Bastard,
et Nicolas Thyrouin, tous deux chanoines de Notre-Dame.
|
*
Il s’agit là d’une double erreur
de Bonvoisin (malheureusement répétée de confiance
par Léon Marquis, Les rues d’Étampes, 1881). En fait
la Cantiade est due à Sébastien Bredet,
magistrat étampois, et a été publiée seulement
en 1673. (B.G., 2007)
** Ouvrage en fait publié à Paris en 1610. (B.G.,
2007)
|
Il nous a été impossible
de trouver ces opuscules cités dans les auteurs indiqués,
et qui contiennent peut-être des renseignements utiles concernant
la ville d’Étampes.
FIN. [p.122] [p.123]
|
|
|
AVIS
SUR
L’USAGE DE DIRE DES ÉVANGILES.
|
|
Ce pieux usage a pour but d’attirer
la bénédiction du Ciel sur la personne pour qui le prêtre
récite l’Evangile. Il est donc de la plus haute importance
que les fidèles qui ont recours à cette grâce,
ou qui veulent y faire participer les enfants qui n’ont pas encore l’âge
de raison, apportent à cette cérémonie l’esprit
de recueillement et de de pitié [lisez:
de piété], qui en assure le succès
pour eux et pour ceux qui leur sont chers.
Arrivée au lieu où
se disent les Evangiles, la personne qui désire cette faveur,
se met à genoux, baise pieusement l’étole que le prêtre
lui présente, et que celui-ci pose sur sur [sic] sa tête en signe de
bénédiction. Voici deux petites formules de prières [p.124] qu’on peut réciter
si l’on veut, ou avant, ou pendant, ou après la récitation
de 1’Evangile.
1° Si la personne fait dire
l’Evangile pour elle-même, elle peut employer la formule suivante:
ORAISON.
O Dieu qui avez manifesté
votre puissance et votre miséricorde dans la personne des saints
martyrs que nous honorons en ce jour, daignez m’accorder par leur intercession
et en vertu de votre divine parole, la grâce de... (ici l’on
exprime à Dieu la grâce particulière qu’on veut
obtenir). Je vous le demande au nom de J.-C. par les mérites
duquel ces saints règnent maintenant avec vous dans le ciel.
Ainsi soit-il.
2° Des personnes qui apportent
des enfants qu’on leur dise un Evangile et qu’on les bénisse,
peuvent réciter la prière suivante à leur intention.
ORAISON.
Seigneur, qui avez témoigné
à l’enfance une prédilection particulière, répandez
vos célestes bénédictions sur cet enfant que je
vous présente; éloignez de lui tous les maux qui peuvent
l’assiéger; faites qu’il s’élève pour votre gloire
et pour le bonheur de sa famille. Ainsi soit-il. [p.125]
|
|
ANCIEN CANTIQUE DES MARTYRS.
Suivons le Ciel qui nous inspire,
Chantons ces Chrétiens
généreux,
Que le sang, l’amour le
martyre
Ont unis par les mêmes
nœuds.
En vain par de noirs artifices
Cherche-t-on à gagner
leurs cœurs,
L’amour, plus fort que les
supplices,
Sut toujours les rendre
vainqueurs.
Peu touchés des grandeurs
païennes
Qui distinguèrent
leurs aïeux,
Le nom de victimes chrétiennes,
Est le seul qui brille à
leurs yeux.
Exercés dès
leur tendre enfance,
A vaincre toute passion;
Rien n’ébranlera
leur constance,
Les croix font leur ambition.
Dans un âge où
l’on est avide
Du faux éclat d’un
vain honneur,
Un bien plus noble et plus
solide
Pourra seul captiver leur
cœur.
Mais quoi! lorsque Rome
en carnage
Vous destine un glorieux
sort,
Victimes, vous fuyez l’orage?
Dans peu vous braverez la
mort.
Où courez-vous, braves
Athlètes?
Ce grand cœur prêt
à s’immoler
Dément tous les pas
que vous faites,
Arrêtez, le coup va
frapper. [p.126]
Fuir, il est vrai, c’est
prudence,
A ces lois l’amour généreux
Ne souscrit qu’avec répugnance,
Bientôt on comblera
ses vœux.
Le tyran écumant
de rage
Tonne, menace sans succès,
Trop lent au gré
de leur courage;
Ils ne craignent que ses
délais.
Enfin devenu plus propice,
II fait exécuter
la loi.
Nos héros, par leur
sacrifice,
Rendent témoignage
à la foi.
O vous dont le juste salaire
Est une couronne sans fin,
Fleurs qu’une eau vive désaltère,
Ornez le céleste
jardin.
L’amour vous ravit à
la terre,
Et la vertu vous place aux
cieux.
D’une ville qui vous est
chère
Daignez au Ciel offrir les
vœux.
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Kranj (Slovénie), vers 1520
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HYMNE ANCIENNE
Templa dum puri tenet alta cœli
Victor abruptis animus catenis,
Non caret tanti sociale corpus
Parte
triumphi.
Fulget en quantis opulenta
donis.
Illa quæ sacram tegit
arca gazam!
Quot micant gemmæ totidem
receptæ
Signa
salutis. [p.127]
Qua triumphales tulit illa
gressus,
Omne certatim genus, omnis
ætas
Ambiit gratum subiitve collo
Pondus
amico.
Sed nihil plausus, nihil
ille cantus,
Concinant puro nisi corde
mores;
Gratior cultus placet æmulatum
Vita clientûm.
Cantii Stampis decus unde
nostris,
Vos Dei quando memorant amicos,
Vester hunc nobis favor,
hunc patronus
Sanguis
amicos.
Raptus ardenti velut ille
curru
Pallium vales, animumque
liquit;
Sic quibus cessit spolium,
nec impar
Spiritus
adsit.
Quæ tuis dantur tibi,
Christe, laudes
Martyrum Regi referantur
uni:
In tuis temet caput ipse
membris
Jure coronas.
Amen.
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[Cette hymne n’est en réalité pas très
ancienne, puisqu’elle est due à Charles-Hémard de Danjouan,
poète étampois du XVIIIe siècle (B.G., 2007)]
Martyre de Cant, Cantien
et Cantianille
(Notre-Dame d’Étampes)
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On
chante à la procession dite des Corps saints:
Les trois derniers psaumes de Laudes;
Le Magnificat;
Le Benedictus;
Et des cantiques. [p.128]
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Notes de l’abbé
Baron, curé de Notre-Dame (1834-1847)
édité
par l’abbé Guibourgé, Étampes ville royale,
1957, pp. 61-62.
Dans une note que nous avons trouvée dans les archives paroissiales,
voici ce qu’écrit M. l’abbé Baron, curé de Notre-
Dame de 1834 à 1847:
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Au moment de la persécution en 1793, la châsse de vermeil
fut enlevée et les reliques livrées aux flammes. Heureusement
celui qui présidait à l’incendie de ces objets sacrés
permit aux assistants d’enlever ce qu’ils pourraient, et une femme
pieuse put sauver un petit ossement qu’on croit être un doigt.
Elle le conserva religieusement chez elle jusqu’à la cessation
de la persécution. Le commissaire qui accorda la permission
d’emporter quelque chose des reliques s’appelait Lebas.
Sitôt que 1’Eglise commença
à jouir d’un peu de calme, un homme vraiment chrétien
nommé M. Ranouard, mort il y a [p.62]
quelques années, après avoir
été trésorier de la fabrique de Notre-Dame pendant
40 ans, apprit qu’une parcelle des Corps Saints avait été
sauvée. Alors il la demanda à la personne qui en était
la dépositaire. L’ayant obtenue, il la fit reconnaître à
Paris par M. l’abbé de l’Espinasse, chargé avant le Concordat
de l’administration spirituelle des environs de Paris. Aussitôt
que toutes les formalités voulues pour établir l’authenticité
de la relique furent accomplies, et dès que le culte fut rétabli,
il y eut une cérémonie pour la reconnaissance et le rétablissement
de la dévotion aux Corps Saints.
En présence de M. Boivin,
curé de Saint-Basile, de Saint Gilles et de Saint-Martin, et
d’un grand nombre de fidèles, le petit ossement fut renfermé
dans une petite boîte. Le sceau de l’ancien Chapitre de Notre-Dame
fut apposé dessus, sur cire cachetée collant un ruban
rouge; puis la même petite boîte fut renfermée dans
une châsse en bois doré.
Dès lors le culte des Corps
Saints fut observé comme avant 1793. Les processions des mardis
de Pâques et de la Pentecôte, les neuvaines, reprirent
avec une nouvelle vigueur. Plus tard, par les soins de M. Banouard,
une autre châsse fut substituée à l’ancienne qui
n’était qu’en bois doré. Cette châsse d’un très
beau travail est en cuivre doré.
On connaît tous ces détails
par le récit de M. Banouard et par des vieillards qui en furent
les témoins. La relique est bien authentique qui fasse mention
de son existence, de sa reconnaissance, de l’approbation de l’autorité
spirituelle. Il est à désirer que cette relique soit revêtue
d’une authenticité plus régulière et plus canonique.
signé: Baron, curé
de Notre-Dame.
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Notre-Dame vers 1825
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31 mai: Saints
Cant, Cantien, cantienne et Protus
Les Petits Bollandiste
de Paul Guérin, édition de 1872
Voici le récit que porte le recueil de vies de saints
appelé Les Petits Bollandistes, dans son édition de 1872, due à Mgr Paul Guérin,
au 31 mai (tome 6, pp. 323 et suivantes).
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Les bienheureux martyrs du Christ Cant, Cantien et Cantianille de la
race des Anicius, et parents de l’empereur Carin, de bonne mémoire,
naquirent à Rome dans la quatorzième région, et
y furent élevés. Ils eurent pour gouverneur Protus, qui
les instruisit pleinement dans la foi catholique. En ce temps-là,
Dioclétien régnait à Rome, Maximien en Illyrie, et
Carin dans les Gaules, où il avait de grands égards pour les
chrétiens: mais peu de temps après il mourut (285). Après
sa mort, les exécrables empereurs Dioclétien et Maximien
firent publier dans toutes les provinces de l’empire des édits
qui enjoignaient de punir de diverses peines les chrétiens qui refuseraient
de sacrifier.
Lorsque les bienheureux Cant, Cantien
et Cantianille eurent connaissance de ces édits, comme ils habitaient
la ville de Rome, après avoir pris conseil du bienheureux Protus,
ils vendirent et distribuèrent aux pauvres tous leurs biens
et les maisons qu’ils possédaient dans l’enceinte des murs, afin
de se soustraire à une injuste sentence. Quant aux esclaves de
l’un et de l’autre sexe qu’ils avaient au nombre de 70, ils leur donnèrent
la liberté, après les avoir fait baptiser au nom du Père,
et du Fils, et du saint-Esprit. Ils résolurent ensuite de parcourir
les biens ruraux qu’ils possédaient aux environs de Rome, sous
prétexte de les visiter; et profitant de cette occasion qui s’offrait
à eux, ils sortirent de la ville et dirigèrent leurs pas
vers Aquilée, par amour pour l’illustre martyr Chrysogone: ils
avaient aussi des biens considérables dans le territoire de cette
ville. Mais, comme la lumière ne saurait se cacher dans les ténèbres,
il était nécessaire que le Seigneur les couronnât
pour la gloire de son nom.
Lors donc que les saints martyrs Cant,
Cantien et Cantianille furent entrés, avec leur gouverneur Protus,
dans la ville d’Aquilée, ils s’aperçurent incontinent
que la persécution y sévissait avec encore plus de fureur
qu’à Rome. Il y avait, en effet, dans les prisons un si grand
nombre de martyrs et de confesseurs enchaînés pour le nom
du Christ, qu’on ne pouvait plus les compter.
Nos saints Martyrs, après leur
arrivée en cette ville, se présentèrent, au milieu
de la nuit , à cette prison, et demandèrent aux chrétiens
qui y étaient détenus s’ils avaient au milieu d’eux le très-saint
martyr du Christ , Chrysogone. Les saints martyrs de la prison répondirent:
“Voilà trente-six jours que Chrysogone a reçu la palme
du martyre par la décapitation, sur l’ordre de princes iniques.
Il a été mis à mort non loin de cette ville, en un
lieu appelé "aux Eaux de Grade", et il a été inhumé
par le très-saint prêtre Zoïle”. Les martyrs Cant,
Cantien , Protus et Cantinanille pleurèrent de joie avec ceux
qui étaient en prison: puis, au moyen de quelque argent qu’ils
donnèrent aux gardiens, ils purent passe la nuit avec les confesseurs.
Le matin étant venu, ils quittèrent la prison et se mirent
à annoncer Notre-Seigneur Jésus-Christ, au nom duquel ils
opéraient beaucoup de miracles, illuminant les aveugles, purifiant
les lépreux, chassant les démons, et pas, l’imposition des
mains, guérissant ceux que leurs infirmités retenaient
sur leur grabat.
En ce même temps et dans cette
même ville d’Aquilée, le très-impie Dulcidius partageait
la charge de président avec son collège Sisinnius. Les
juges iniques, apprenant que les saints de Dieu, Cant, Cantien, Protus
et Cantianilla étaient venus de Rome en cette ville, ordonnèrent
aux appariteurs de se saisir de leurs personnes, pour leur faire offrir
de l’encens aux dieux. Les bienheureux Martyrs, levant les yeux au ciel,
répondirent: “Nous ne sacrifions point aux démons, car
il est écrit Tous les dieux des gentils sont des
démons; mais c’est le Seigneur qui a fait les cieux; et encore:
Qu’ils leur deviennent semblables, ceux qui les fabriquent
et tous ceux qui se confient en eux. Allez donc dire à votre
inique président que nous voulons mourir pour le nom du Christ
plutôt que de nous éloigner de ses commandements; car depuis
le berceau nous confessons le Seigneur Jésus-Christ.”
Les satellites retournèrent
vers, le président et lui rendirent compte de ce qui s’était
passé. Alors le président Dulcidius et son collègue
Sisinnius, piqués de ce refus, écrivirent en ces termes
aux empereurs Dioclétain et Maximien: “Très-pieux empereurs,
venez au secours des lois romaines, pour lesquelles votre bras victorieux
sait faire ployer les têtes superbes des ennemis; prêtez votre
assistance aux dieux tout puissants , qui ne reçoivent que du mépris
de la part des chrétiens. On vient de voir arriver de la ville
de Rome trois frères germains, qu’on sait être membres de
la famille de l’empereur Carin, accompagnés de leur gouverneur Protus,
ils se sont concertés pour résister à nos ordres
et pour prêcher le Christ, celui-là même que les juifs
crucifièrent sous Ponce-Pilate, président de la Judée,
et en son nom ils font beaucoup de merveilles surprenantes. C’est à
vous de voir ce que vous avez à ordonner.” Les exécrables
Dioclétien et Maximien, saisis de fureur, rendirent cette sentence,
que, s’ils refusaient de sacrifier, ils devaient être mis à
mort.
Lorsque la sentence fut connue des
bienheureux martyrs Cant, Cantien et Cantianilla, ils prirent un char
et sortirent de la ville avec leur gouverneur Protus, afin de se rendre
en toute hâte au tombeau du saint martyr Chrysosgone, se souvenant
de cette divine parole:“Venez, bénis de mon Père, recevez
le royaume qui vous a été préparé dès
l’origine du monde.” Or, dans la nuit précédente, le Seigneur
avait visiter les bienheureux martyrs, et leur avait dit: “Paix à
vous. Hâtez-vous de vous rendre auprès de mon bien-aimé
Chrysosgone; car c’est là que j’ai préparé vos couronnes,
c’est là que vous devez être couronnés, pour aller
ensuite vous réjouir sans fin dans mon royaume avec Chrysosgone.
Ne vous affligez point, car il est écrit: Si on vous persécute
dans une ville, fuyez dans une autre; et qui vous persécute, me
persécute moi-même”…
Les saints Martyrs se trouvant donc
au lieu où avait souffert le saint martyr Chysosgone, se mirent
à genoux et adressèrent au ciel (une prière)…Comme
ils priaient, le comte Sisinnius survint avec ses appariteurs, qui se
saisirent des saints martyrs.
Sisinnius les exhorta à brûler
de l’encens à l’honneur de Jupiter. Les bienheureux serviteurs
de Dieu remplis d’indignation, dirent que jamais ils ne sacrifieraient
aux démons, mais seulement à Dieu, qui a fait le ciel et
la terre, la mer et tout ce qui y est contenu: car, ajoutèrent-ils,
toutes les idoles et tous ceux qui les révèrent iront ensemble
au feu éternel. L’impie Sisinnius, irrité de ce langage,
dit à ses appariteurs que si ces hommes n’offraient de l’encens
à Jupiter, ils n’avaient qu’à les décapiter...
En se rendant au lieu du supplice,
ils chantaient joyeusement des psaumes. Et après s’être
mutuellement donné le baiser de paix, ils se mirent à
genoux présentèrent leur tête au glaive et reçurent
ainsi des couronnes immortelles. Mais, ô prodige! Leur sang apparut
aux spectateurs comme du lait, on en voit encore les traces de nos jours,
sur la pierre placé au lieu de leur martyre. En ce même
temps, le vénérable prêtre Zonus recueillit les
corps de ces bienheureux martyrs, les embauma avec des aromates de prix
et les déposa dans un tombeau de marbre près de celui de
saint Chrysogone.
Vaillants soldats de Jésus-Christ,
Vous avez gagné la victoire,
Enfin, votre nom est écrit
Dans les registres de la gloire;
Pour vous, il n’est plus de combats:
Les tyrans sont défaits,
leur orgueil est à bas.
Ces formidables majestés,
Ces étonnants foudres de
guerre,
Ces rois qu’on a tant redoutés,
Ne paraissent plus sur la terre.
L’éclat de leur pourpre
est passé,
Et leur sceptre fragile en tombant
s’est cassé.
Le fer, le feu, ni les carreaux
N’attaquent plus votre innocence.
Contre vous la main des bourreaux
Est inutile et sans indulgence;
Vous êtes vainqueurs de
la mort;
L’orage est abattu, votre nef
est au port.
Grands Saints, dans ce charmant
bonheur
Où vous a conduits le martyre,
Jetez un regard de faveur
Sur ceux qui goûtent votre
empire;
Soyez ici-bas nos tuteurs,
Et soyez dans le ciel nos puissants
protecteurs.
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Martyre de Cant, Cantien et Cantianille
(Notre-Dame d’Étampes)
Kranj (Slovénie), vers 1520
|
Nous avons ici repris
une saisie récemment mise en ligne sur un forum d’obédience
catholique, expurgée seulement de quelques légères
coquilles: ANONYME (sous le pseudonyme «Gabrielle») [éd],
«Saint Cant, Cantien et Cantinilla (frères et sœurs)»
[saisie de l’édition des Petits Bollandistes de 1872], in Mi ca
El !? [forum], http://www.phpbbserver.com/micael/, mis en ligne du 2
au 5 juin 2007.
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Abbé BONVOISIN (curé
de N.-D. d’Étampes, chanoine honoraire de Versailles), Notice
historique sur le culte et les reliques des saint martyr Cant, Cantien
et Cantianille, patrons de la ville d’Étampes [14 cm sur 9;
127 p.; bibliographie pp. 3-4 & 121], Versailles, Beaujeune, 1866.
Bernard GINESTE, «Bonvoisin:
Notice historique sur le culte et les reliques des saint martyr
Cant, Cantien et Cantianille (1866)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/
che-19-bonvoisin1866notice.html, 2007.
Sur
ces saints et leur culte
Voyez la bibliographie conséquente
que nous avons mise en ligne en annexe à notre édition
du chapire des Antiquitez d’Estampes consacré par Dom Basile
Fleureau aux reliques de ces saints, à cette adresse: http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-c08.html#bibliographie.
Toute critique, correction
ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution
welcome.
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