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Les Filles-Dieu de Paris et leur couvent, où fut enterré Cantien Hue, d’après deux dessins du XIXe siècle, l’un de Robida, l’autre édité dans Les rues de Paris, édition de 1844. Les condamnés à mort s’y arrêtaient, sur la route de Montfaucon. |
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1. Un texte visiblement altéré
Léon Marquis, dans son ouvrage d’érudition locale Les rues d’Étampes et ses monuments, paru en 1881, consacré une petite notice à l’Étampois Cantien Hue, qui fut à la fin du Moyen Age une gloire locale, puisqu’il fut recteur de l’Université de Paris, avant de devenir visiteur de l’ordre de Fontevrault. Marquis nous donne le texte de son épitaphe disparue, d’après Description de Paris et de ses environs de Jean-Aymar Piganiol de la Force. Cette inscription, autrefois conservée dans une chapelle de l'ancien couvent des Filles-Dieu de Paris, nous apprend que Cantien Hue était mort le jour de la Saint-Ambroise (c’est-à-dire le 4 avril) de l’an 1502. Cependant le reste du texte paraît visiblement altéré, et nous nous proposons ici d’en reconstituer si possible la teneur originelle. Voici la notice donnée par Marquis:
2. La fin du texte
Il est manifeste
que la fin du texte, disposée par Marquis sur trois lignes constituait
originellement un quatrain d’octosyllabes à rimes croisées.
Il n’est pas moins clair que trois erreurs de transcription ont été commises. Tout d’abord il y avait selon toute apparence un tilde sur le deuxième mot “ã”, qu’il faut donc lire “an”. Par ailleurs l’article au début de la deuxième ligne, “Le”, a été rajouté malencontreusement soit par Piganiol, ou par Marquis. Enfin, il n’était surement pas porté “eleve la teste”, qui n’a pas de sens, mais “eleve lateste”, qu’il faut probablement lire: “eleve l’atteste”, en comprenant que cette épitaphe a été composée par un ancien élève de Cantien Hue. Il faut donc lire:Lequel a mil cinq cens et deux de Saint-Ambroise Lequel, an mil cinq cens et deux, 3. Le début du texte
Manifestement, l’auteur inconnu du relevé de cette inscription a considéré qu’on avait au début un distique rimé. Cette solution n’est pas satisfaisante parce qu’on aurait alors un décasylllabe suivi d’un alexandrin, suivis deux vers sans rime ni raison. En revanche on observe un retour de son au bout de huit syllabes, entre “diable” et “louable”. Il apparaît donc comme extrêmemement probable que le début de l’épitaphe était également un quatrain d’octosyllables. Cependant il se présente deux difficultés en ce sens que nous mettons ci-après en rouge:Cy gist Cantien Hüe, digne de mémoire, Il faut donc supposer que l’angle supérieur droit de la stèle portant cette inscription présentait une cassure triangulaire, comme il arrive souvent, de sorte que Piganiol de la Force, ou sa source, a cru devoir reconstituer le texte tel que nous l’a transmis Marquis. Une erreur de départ a été commise, qui a empêché de percevoir correctement la structure prosodique de l’inscription. Au lieu de restituer “digne de mention”, qui rimait évidemment avec “conversation”, on a restitué “digne de memoire”, qu’on a cru rimer avec “victoire”. Au deuxième vers, il a été restitué correctement “diable”, qui rime de fait avec “louable”, huit syllabes plus loin. Au troisième vers en revanche, on a cru qu’il fallait restituer un mot court, “vie”, là où en fait il n’y avait rien sur le fragment disparu. Ce mot de “vie” serait d’ailleurs une redondance inutile, car il faut ici rappeler que “conversation” signifie encore au XVIe siècle “manière de vivre”. Il faut donc tout simplement lire:
4. Restitution proposée
(avec paraphrase)
Toute critique,
correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution
welcome.
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ANNEXE
Sur le Couvent des Filles-Dieu de Paris au Moyen Age Le couvent des Filles-Dieu de Paris se trouvait dans le quartier Saint-Denis. Le couvent lui-même se trouvait aux environs du n°37 rue du Faubourg-Saint-Denis, et son cimetière à l’emplacement où se dresse actuellement le théâtre du Gymnase. Nous extrayons ici quelques données d’un ouvrage paru en 1879 et intitulé Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu’à nos jours, d’après une mise en ligne effectuée par le site Paris pittoresque, page http://www.paris-pittoresque.com/histoire/10-3.htm et suivantes. On rapporte également qu’il était d’usage que les condamnés à mort qui étaient conduits à Montfaucon fassent une station devant le couvent des Filles-Dieu: moment qui a inspiré à deux artistes du XIXe siècle les dessins que nous donnons en illustration. Le premier est un dessin à la plume d’Albert Robida conservé au Louvres, intitulé Dernier arrêt au couvent des Filles-Dieu des condamnés allant à Montfaucon; le deuxième illustrait Les rues de Paris, Paris ancien et moderne, ouvrage publié par Kugelman en 1844. A la même date, remonte la création d’une maison religieuse destinée à recevoir les pécheresses «qui, pendant leur vie, avaient abusé de leur corps, et, à la fin, étaient tombées dans la mendicité.» Ce fut Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, qui conçut l’idée charitable de fonder en 1226 un refuge pour les filles de mauvaise vie qu’il parvenait à arracher à leur honteux métier. Il leur donna, dans le voisinage de Saint-Lazare, tout le terrain nécessaire pour se bâtir une maison, mais, en 1360, leur couvent fut démoli par ordre d’Étienne Marcel, prévôt des marchands. Et les Filles-Dieu, c’était le nom qu’on leur avait donné, se retirèrent dans l’hôpital de Sainte-Madeleine, fondé en 1316 par Imbert des Lions, bourgeois de Paris, pour y recevoir les pauvres femmes mendiantes qui passaient par Paris; elles y couchaient et étaient congédiées le lendemain matin avec un pain et un denier. Cet hôpital était situé près de la rue Saint-Denis, ou se trouve aujourd’hui [1879] l’impasse des Filles-Dieu. Nous reviendrons sur cet établissement qui était contigu à la cour des Miracles, réceptacle de tous les vices, repaire de débauches, asile de toutes les misères et de tous les crimes, à partir du XIVe siècle. […] C’est ainsi que les Parisiens entendaient quotidiennement crier: du pain pour les frères de Saint-Jacques! du pain aux carmes! du pain pour les frères de Saint-Augustin! du pain pour les frères cordeliers! du pain pour les aveugles des Quinze-Vingts. Du pain pour Jésus notre sire! (c’étaient les filles-Dieu qui criaient de la sorte). Du pain pour les pauvres écoliers! etc., etc. […] Nous avons omis de signaler la construction de fontaines publiques, qui se fit sous ce règne [celui de saint Louis] et sous le précédent, car on ignore la date précise de leur établissement; mais en 1265, il existait au haut du faubourg Saint-Denis, une fontaine qu’on appelait fontaine Saint-Lazare. Saint Louis permit aux Filles-Dieu de mener jusqu’à leur couvent les eaux de cette fontaine qui était alimentée par l’aqueduc de Saint-Gervais (Romain-ville), construit dans les dernières années du règne de Philippe-Auguste. Les Filles-Dieu profitant de l’autorisation qui leur était donnée, firent alors construire une fontaine à la porte de leur couvent. […] |
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Source: Léon Marquis, 1881; Bernard Gineste, septembre 2003 (édition révisée en juillet 2007). |
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
Éditions Jean-Aymar PIGANIOL DE LA
FORCE [éd.], Claude-Marin SAUGRAIN [auteur], Les Curiositez de
Paris, de Versailles, de Marly, de Vincennes, de St-Cloud et des environs,
avec les antiquitez justes et précises sur chaque sujet et les adresses
pour trouver facilement tout ce que ces lieux renferment d’agréable
et d’utile, ouvrage enrichi d’un grand nombre de figures en taille-douce
[d’après Perelle et Israël Silvestre et sur de nouveaux dessins].
Par M. L. R. 2e édition revue, corrigée et considérablement
augmentée... [2 vol. in-12, frontispice et pllanches gravées;
d’après le ″Dictionnaire″ de Barbier et les ″Supercheries″ de Quérard,
cette édition aurait été augmentée par Piganiol
de La Force; Anatole de Montaiglon, dans sa Préface à l’édition
de 1883, déclare ″qu’il y a tout lieu de penser que Piganiol n’y
est pour rien″], Paris, Saugrain l’aîné, 1723. Bernard GINESTE [éd.], «Épitaphe rimée de Cantien Hue (1502)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-16-1502epitaphedecantienhue.html, 2003. Sur Cantien
Hue
Cæsar Egassius BULÆUS (César-Égasse du BOULAY), Historia Universitatis Parisiensis [6 vol. (1665-1673)], tomus V, Parisiis, F. Noel & P. de Bresche, 1670, pp. 889, 921 & 922. Dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k947659, 2001, en ligne en 2007, pp. 889, 921 & 922. Dont des extraits en mode texte relatifs à Jean et Cantien Hue: Bernard GINESTE, «César Égasse du Boulay: Sur Jean et Cantien Hue (1670)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b36#annexe01, 2003. MORÉRI, Dictionnaire historique (non encore consulté). Léon MARQUIS, «Hue, Cantien», in ID., Les rues d’Étampes et ses monuments, Histoire - Archéologie - Chronique - Géographie - Biographie et Bibliographie, avec des documents inédits, plans, cartes et figures pouvant servir de suppléments et d’éclaircissement aux Antiquités de la ville et du duché d’Etampes, de Dom Basile Fleureau [in-8°; 438 p.; planches; préface de V. A. Malte-Brun], Étampes, Brière, 1881 [dont deux rééditions en fac-similé: Marseille, Lafitte reprints, 1986; Éditions de la Tour Gile, 1996], p. 367 [dont une saisie numérique en mode texte par le Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-marquis-rues06.html#huecantien, 2003]. Toute critique,
correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution
welcome.
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