CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Léon Guibourgé
La rue Saint-Jacques
Étampes ville royale, chapitre V.5
1957
 
Rue Saint-Jacques et Hôtel des Trois Rois (carte postale Rameau n°282)  
Rue Saint-Jacques et Hôtel des Trois Rois (carte postale Rameau n°282)
  
 
ÉTAMPES, VILLE ROYALE
Étampes, chez l’auteur, 1957
chapitre V.5, pp. 187-191.
La rue Saint-Jacques
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Léon Guibourgé ROUTE DES PÈLERINS, SES AUBERGES ET SES HÔTELS.

     Le quartier Saint-Gilles est traversé par la rue Saint-Jacques. Cette rue fait partie de la grande route qui va de Paris en Espagne, qu’on appelle aujourd’hui la route nationale n°20, et qui, au moyen âge, était empruntée par les pèlerins qui se rendaient au tombeau de saint Jacques à Compostelle, en Espagne.

     Rappelons qui était saint Jacques. Il était un des douze apôtres choisis par le Christ pour évangéliser le monde. Il avait comme frère saint Jean, un des quatre évangélistes. Saint Jacques fut évêque de Jérusalem et eut la tête tranchée dans cette ville même par ordre d’Hérode Agrippa en l’an 43. C’est pour rappeler son martyre qu’on le représente habituellement appuyé sur une épée. Et c’est pourquoi, dans le quartier Notre-Dame, il y avait une commanderie appelée «Commanderie de Saint Jacques-de-l’Épée».

     Au XIIe siècle, les pèlerinages au tombeau de saint Jacques de Compostelle étaient devenus très importants. Les pèlerins venant du Nord passaient par Paris. Ils étaient reçus dans un hospice situé au coin de la rue Saint-Denis et de la rue Etienne Marcel. De là, en procession, ils se rendaient à l’église Saint Jacques, la Boucherie De cette église, il ne reste plus que le clocher, dit la tour Saint-Jacques, près de l’Hôtel de Ville. Là, ils assistaient à un office Solennel. Ensuite, franchissant la Seine, ils passaient par le mont Sainte-Geneviève et s’arrêtaient à l’église Saint-Jacques du Haut-Pas, où il y avait un nouvel [p.188] office. Ensuite, les pèlerins quittaient la capitale pour prendre la route du Sud, qui suivait la direction dans le ciel de la Voie Lactée, qu’on appelle encore le chemin de Saint-Jacques.

     Après le départ de Paris, l’étape la plus importante était Etampes. Les pèlerins y entraient par la porte Saint-Jacques et se rendaient à l’église Saint-Gilles. Dans le quartier, il y avait de nombreux hôpitaux et auberges pour les recevoir. Déjà, à l’entrée de la ville, se trouvait la commanderie de Saint-Jacques-de-l’Épée, à l’endroit de l’abattoir actuel, qui recevait une partie des pèlerins. Dans le centre de la ville les hébergeaient également l’hôpital Saint-Antoine, aujourd’hui le collège, et l’hôpital Saint-Jean, au coin de la rue Saint-Jacques et de la rue Saint-Jean.

     Les pèlerins étaient encore reçus dans les nombreuses auberges de la rue Saint-Jacques, aux abords de l’église Saint-Gilles. Que d’auberges, en effet, où s’arrêtaient les coches, les diligences, les berlines, les pataches, les voitures de toutes sortes. De nos jours, les moyens de transport sont modernisés, les rapides automobiles ont remplacé les voitures à chevaux. Aussi, la plupart des auberges ont disparu pour faire place à des garages pour le ravitaillement ou la réparation des autos. Notons cependant les principales et anciennes auberges de ce quartier Saint-Gilles avec certains faits historiques qui s’y rapportent.

     En partant de la rue d’Enfer, direction de Paris, on voyait à gauche: le Dauphin, la Fontaine, le Duc-de-Bourgogne, les Trois-Rois, les Trois-Marchands, la Rose, le Lion-d’Or, le Cygne, l’Ours, le Lion-d’Argent, Ecu-de-France, le Grand-Cerf, le Bois-de-Vincennes, le Rossignol, la Fleur-de-Lys...

     De l’autre côté de la rue Saint-Jacques, à droite, les auberges étaient moins nombreuses, disposant de moins de place. C’étaient: le Coq, la Tête-Noire, l’Aigle-d’Or, le Chêne-Vert, le Grand-Courrier, le Chapeau-Rouge et la Croix-d’Or.

     Actuellement, la plupart de ces maisons ont disparu surtout à la suite du bombardement de 1944. Quelques-unes avaient une certaine réputation et recevaient des personnages de marque. C’est ainsi que le 12 août, à l’auberge de la Fontaine, fut reçu le roi de France Louis XII et trois ambassadeurs de Venise. C’est ce qui résulte d’une lettre écrite d’Etampes le 14 août 1498 par un des familiers de l’ambassade:
     «Les ambassadeurs vénitiens, revenant de Paris. arrivèrent à Etampes le 11 août, sur l’avis du roi qui les reçut dans cette ville en audience solennelle, le lendemain dimanche, à l’auberge de la Fontaine. Le roi était vêtu de velours noir. Ce fut à Messer [p.189] Antonio Lorédan que fut réservé l’honneur de porter la parole. Le grand chancelier lui fit cette réponse: ‘Vous me direz qu’un si grand roi ne devrait point se tenir à l’auberge ; je vous répondrai que dans ce pays d’Etampes les meilleures maisons sont encore les auberges’. Il y a bien dans ce lieu un château royal dans lequel loge la reine, épouse du roi défunt; néanmoins, Sa Majesté a voulu donner audience dans cette hôtellerie, toute tendue expressément de drap de velours alexandrin, avec des lis d’or à l’endroit où le roi se tenait; et aussitôt le discours fini, Sa Majesté s’est levée et à fait un accueil tout fraternel aux magnifiques ambassadeurs. Le roi a fort bonne mine, une mine souriante. Il est âgé de 40 ans et paraît fort dispos de sa personne. Aujourd’hui lundi 13 août, les ambassadeurs ont été reçu en audience secrète. On dit que demain Sa Majesté se confessera et communiera, puis qu’elle touchera les gens atteints d’écrouelles, lesquels, dit-on, une fois touchées, se portent mieux, chose merveilleuse... Ecrit d’Etampes le 14 août 1498.»

Rue Saint-Jacques (carte postale CLC n°15)











Rue Saint-Jacques et Hôtel des Trois Rois (carte postale Louis Des Gachons n°22)
LES TROIS ROIS, LA MALLE-POSTE, LE GRAND COURRIER.

     Non loin de l’hôtel de La Fontaine, dont nous avons parlé, se trouvait l’important hôtel des Trois Rois. Primitivement il était au bout de la rue des Cordeliers. II s’est installé rue Saint Jacques quand la Congrégation Notre-Dame vint s’établir rue des Cordeliers. Dom Fleureau au sujet des guerres civiles vers la fin du XVIe siècle écrivait: «En 1589, les habitants d’Etampes furent contraints de payer la rançon des sieurs de Vaugrigneuse et de Monroger du party du roy, qui furent enlevés de l’hôtellerie des Mores par les soldats de la garnison de Dourdan.» — Cette hôtellerie des Mores était celle des Trois Rois Maures, qu’on appelait encore «Hôtel des Maures» pendant la Révolution, car naturellement il fallait supprimer tout ce qui rappelait la royauté. Nous pensons que, primitivement, il s’agissait des «Trois Rois Mages». Avant le dernier bombardement d’Etampes on voyait encore sur la façade de l’ancien hôtel trois bustes qui prétendaient rappeler ces trois rois et qui en réalité représentaient trois empereurs romains.

     Actuellement l’hôtellerie des Trois Rois est devenu le garage Gouguenheim. Au lieu d’automobiles, c’étaient des carrosses qui entraient dans la cour. Au XVIIe siècle, de grands personnages venaient y loger.

     Dans les anciens registres de la mairie d’Etampes, il y est [p.190] relaté [sic] «le 30 mai 1666 l’entrée solennelle de Mme de Vendôme et de Mlle Aumale [sic], sa fille, future reine du Portugal. Le maire et les échevins allèrent les saluer à l’entrée de la ville, à la porte Evézard, et les menèrent à l’Hôtel des Trois Rois après un arrêt à l’église Notre-Dame, où fut chanté un Te Deum. Le lendemain on les accompagna jusqu’à la sortie de la ville, aux Belles-Croix.
»

     Deux ans après, le 25 septembre 1668, le roi Louis XIV et la Reine se rendant au château de Chambord, passèrent à Etampes. «On fit des décorations de tapis et armoireries aux portes Saint Jacques, de la Couronne et de Saint-Martin, à l’église Notre-Dame et à l’Hôtel des Trois Rois, leur logis. A leur retour, le 19 octobre, ils couchèrent également à cet hôtel.»

     On dit également que c’est dans cet hôtel qu’eut lieu le 27 février 1722 la réception solennelle de l’infante Marie-Anne Victoire d’Espagne.

     On rapporte encore que l’Opéra-Comique Le Pré aux Clercs a une scène qui se passe à l’hôtel des Trois Rois, et l’un des décors représente le jardin de cet hôtel avec la tour de Guinette dans le fond.

     Parlons maintenant de la Poste aux chevaux. Le quartier Saint-Gilles étant le centre de la ville, la poste aux chevaux se trouvait vers le milieu de la rue Saint-Jacques, dans ce grand emplacement actuellement vide, particulièrement touché par le bombardement, en face l’avenue de la Libération. Aux alentours de la Poste aux chevaux, il y avait des hôtels qui lui faisaient concurrence, comme l’hôtel du Grand Cerf avec sa diligence à 9 places qui allait tous les jours à Paris.

     C’est sur l’emplacement de cet hôtel que les Sœurs de Bon-Secours avaient établi leur communauté. Nous parlerons clans la suite de ces religieuses qui sont toujours à Etampes.

     Le grand trafic du roulage était toutefois l’apanage du Maître de Poste, qui avait le service des Malles, le service était privilégié. Voici ce que dit le règlement: «Les Maîtres de Poste ne doivent employer à la conduite des voitures que de bons chevaux et des postillons en rang, revêtus de leur uniforme avec écusson. Les heures du passage des Malles étant fixées, les chevaux et les postillons doivent toujours être prêts à partir soit le jour, soit la nuit; la poste doit être parcourue dans une heure, y compris le temps de relayer. En conséquence tout retard dans le service ne peut provenir que de la négligence du Maître de Poste... M. le Directeur général attend du zèle et du dévouement des Maîtres de Poste que le service des Malles se fera dans les relais [p.191] avec la plus grande célérité et à l’égard des postillons, il sera sévi contre ceux qui exigeraient au delà de 75 centimes par poste pour leurs guides...»

     A Etampes, les Maîtres de Poste font bien leur service. Au XVIe siècle par exemple, il y a Symon le Long à la tête de la Poste aux chevaux. Le 21 avril 1562, il refuse trois chevaux à l’huissier du Parlement de Paris qui était porteur d’un mandement pour réquisitionner des chevaux de Paris à Orléans, parce que ses papiers n’étaient pas tout à fait en règles.

     Un autre hôtel que nous ne pouvons passer sous silence se trouvait au même endroit, en face de la Malle-Poste. C’était l’hôtel du Grand Courrier. Il avait une nombreuse clientèle et il a tenu longtemps jusqu’à la dernière guerre. Nos contemporains l’ont bien connu. Anciennement il s’appelait les Trois Fauchets parce qu’il était non loin de la rue du même nom. Léon Marquis dit de lui: «C’est sans contredit le premier hôtel d’Etampes, le rendez-vous des voyageurs de distinction». Les Allemands pendant l’occupation le fréquentaient de préférence.

     Aujourd’hui, les hôtels de la rue Saint-Jacques sont beaucoup moins nombreux qu’autrefois. Les voyageurs ne font que passer. Mais les hôtels qui restent tâchent de garder la bonne réputation de leurs devanciers. [p.192]

L'Hôtel du Grand-Courrier (carte postale Royer n°81)
   
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BIBLIOGRAPHIE

Éditions
Léon Guibourgé
     Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président de la Société artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix], Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes, Éditions d’art Rameau, 1954.

    
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.

    
Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [réédition en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X].

    
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: La rue Saint-Jacques (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes505ruesaintjacques.html,
2004.



Toute correction, critique ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 187-191. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004.
    
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