ROUTE DES PÈLERINS,
SES AUBERGES ET SES HÔTELS.
Le quartier Saint-Gilles est traversé
par la rue Saint-Jacques. Cette rue fait partie de la grande route qui
va de Paris en Espagne, qu’on appelle aujourd’hui la route nationale n°20,
et qui, au moyen âge, était empruntée par les pèlerins
qui se rendaient au tombeau de saint Jacques à Compostelle, en Espagne.
Rappelons qui était saint Jacques.
Il était un des douze apôtres choisis par le Christ pour évangéliser
le monde. Il avait comme frère saint Jean, un des quatre évangélistes.
Saint Jacques fut évêque de Jérusalem et eut la tête
tranchée dans cette ville même par ordre d’Hérode Agrippa
en l’an 43. C’est pour rappeler son martyre qu’on le représente
habituellement appuyé sur une épée. Et c’est pourquoi,
dans le quartier Notre-Dame, il y avait une commanderie appelée «Commanderie
de Saint Jacques-de-l’Épée».
Au XIIe siècle, les pèlerinages
au tombeau de saint Jacques de Compostelle étaient devenus très
importants. Les pèlerins venant du Nord passaient par Paris. Ils
étaient reçus dans un hospice situé au coin de la rue
Saint-Denis et de la rue Etienne Marcel. De là, en procession, ils
se rendaient à l’église Saint Jacques, la Boucherie De cette
église, il ne reste plus que le clocher, dit la tour Saint-Jacques,
près de l’Hôtel de Ville. Là, ils assistaient à
un office Solennel. Ensuite, franchissant la Seine, ils passaient par le
mont Sainte-Geneviève et s’arrêtaient à l’église
Saint-Jacques du Haut-Pas, où il y avait un nouvel [p.188] office. Ensuite, les pèlerins
quittaient la capitale pour prendre la route du Sud, qui suivait la direction
dans le ciel de la Voie Lactée, qu’on appelle encore le chemin de
Saint-Jacques.
Après le départ de Paris, l’étape
la plus importante était Etampes. Les pèlerins y entraient
par la porte Saint-Jacques et se rendaient à l’église Saint-Gilles.
Dans le quartier, il y avait de nombreux hôpitaux et auberges pour
les recevoir. Déjà, à l’entrée de la ville,
se trouvait la commanderie de Saint-Jacques-de-l’Épée, à
l’endroit de l’abattoir actuel, qui recevait une partie des pèlerins.
Dans le centre de la ville les hébergeaient également l’hôpital
Saint-Antoine, aujourd’hui le collège, et l’hôpital Saint-Jean,
au coin de la rue Saint-Jacques et de la rue Saint-Jean.
Les pèlerins étaient encore
reçus dans les nombreuses auberges de la rue Saint-Jacques, aux
abords de l’église Saint-Gilles. Que d’auberges, en effet, où
s’arrêtaient les coches, les diligences, les berlines, les pataches,
les voitures de toutes sortes. De nos jours, les moyens de transport sont
modernisés, les rapides automobiles ont remplacé les voitures
à chevaux. Aussi, la plupart des auberges ont disparu pour faire
place à des garages pour le ravitaillement ou la réparation
des autos. Notons cependant les principales et anciennes auberges de ce
quartier Saint-Gilles avec certains faits historiques qui s’y rapportent.
En partant de la rue d’Enfer, direction de Paris, on voyait à gauche:
le Dauphin, la Fontaine, le Duc-de-Bourgogne, les Trois-Rois, les Trois-Marchands,
la Rose, le Lion-d’Or, le Cygne, l’Ours, le Lion-d’Argent, Ecu-de-France,
le Grand-Cerf, le Bois-de-Vincennes, le Rossignol, la Fleur-de-Lys...
De l’autre côté de la rue Saint-Jacques,
à droite, les auberges étaient moins nombreuses, disposant
de moins de place. C’étaient: le Coq, la Tête-Noire, l’Aigle-d’Or,
le Chêne-Vert, le Grand-Courrier, le Chapeau-Rouge et la Croix-d’Or.
Actuellement, la plupart de ces maisons ont
disparu surtout à la suite du bombardement de 1944. Quelques-unes
avaient une certaine réputation et recevaient des personnages de
marque. C’est ainsi que le 12 août, à l’auberge de la Fontaine,
fut reçu le roi de France Louis XII et trois ambassadeurs de Venise.
C’est ce qui résulte d’une lettre écrite d’Etampes le 14 août
1498 par un des familiers de l’ambassade:
«Les ambassadeurs vénitiens,
revenant de Paris. arrivèrent à Etampes le 11 août,
sur l’avis du roi qui les reçut dans cette ville en audience solennelle,
le lendemain dimanche, à l’auberge de la Fontaine. Le roi était
vêtu de velours noir. Ce fut à Messer [p.189] Antonio Lorédan
que fut réservé l’honneur de porter la parole. Le grand chancelier
lui fit cette réponse: ‘Vous me direz qu’un si grand roi ne devrait
point se tenir à l’auberge ; je vous répondrai que dans
ce pays d’Etampes les meilleures maisons sont encore les auberges’. Il
y a bien dans ce lieu un château royal dans lequel loge la reine,
épouse du roi défunt; néanmoins, Sa Majesté
a voulu donner audience dans cette hôtellerie, toute tendue expressément
de drap de velours alexandrin, avec des lis d’or à l’endroit où
le roi se tenait; et aussitôt le discours fini, Sa Majesté
s’est levée et à fait un accueil tout fraternel aux magnifiques
ambassadeurs. Le roi a fort bonne mine, une mine souriante. Il est âgé
de 40 ans et paraît fort dispos de sa personne. Aujourd’hui lundi 13
août, les ambassadeurs ont été reçu en audience
secrète. On dit que demain Sa Majesté se confessera et communiera,
puis qu’elle touchera les gens atteints d’écrouelles, lesquels, dit-on,
une fois touchées, se portent mieux, chose merveilleuse... Ecrit
d’Etampes le 14 août 1498.»
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LES TROIS ROIS, LA MALLE-POSTE, LE GRAND COURRIER.
Non loin de l’hôtel de La Fontaine,
dont nous avons parlé, se trouvait l’important hôtel des Trois
Rois. Primitivement il était au bout de la rue des Cordeliers.
II s’est installé rue Saint Jacques quand la Congrégation
Notre-Dame vint s’établir rue des Cordeliers. Dom Fleureau au sujet
des guerres civiles vers la fin du XVIe siècle écrivait:
«En 1589, les habitants d’Etampes furent contraints
de payer la rançon des sieurs de Vaugrigneuse et de Monroger du party
du roy, qui furent enlevés de l’hôtellerie des Mores par les
soldats de la garnison de Dourdan.» — Cette hôtellerie
des Mores était celle des Trois Rois Maures, qu’on appelait encore
«Hôtel des Maures» pendant la Révolution, car
naturellement il fallait supprimer tout ce qui rappelait la royauté.
Nous pensons que, primitivement, il s’agissait des «Trois Rois Mages».
Avant le dernier bombardement d’Etampes on voyait encore sur la façade
de l’ancien hôtel trois bustes qui prétendaient rappeler ces
trois rois et qui en réalité représentaient trois
empereurs romains.
Actuellement l’hôtellerie des Trois
Rois est devenu le garage Gouguenheim. Au lieu d’automobiles, c’étaient
des carrosses qui entraient dans la cour. Au XVIIe siècle, de grands
personnages venaient y loger.
Dans les anciens registres de la mairie d’Etampes,
il y est [p.190] relaté [sic] «le 30 mai 1666 l’entrée
solennelle de Mme de Vendôme et de Mlle Aumale [sic], sa fille, future reine du
Portugal. Le maire et les échevins allèrent les saluer à
l’entrée de la ville, à la porte Evézard, et les menèrent
à l’Hôtel des Trois Rois après un arrêt à
l’église Notre-Dame, où fut chanté un Te Deum. Le
lendemain on les accompagna jusqu’à la sortie de la ville, aux Belles-Croix.»
Deux ans après, le 25 septembre 1668,
le roi Louis XIV et la Reine se rendant au château de Chambord,
passèrent à Etampes. «On fit des décorations
de tapis et armoireries aux portes Saint Jacques, de la Couronne et de
Saint-Martin, à l’église Notre-Dame et à l’Hôtel
des Trois Rois, leur logis. A leur retour, le 19 octobre, ils couchèrent
également à cet hôtel.»
On dit également que c’est dans cet
hôtel qu’eut lieu le 27 février 1722 la réception
solennelle de l’infante Marie-Anne Victoire d’Espagne.
On rapporte encore que l’Opéra-Comique
Le Pré aux Clercs a une scène qui se passe à l’hôtel
des Trois Rois, et l’un des décors représente le jardin de
cet hôtel avec la tour de Guinette dans le fond.
Parlons maintenant de la Poste aux chevaux.
Le quartier Saint-Gilles étant le centre de la ville, la poste aux
chevaux se trouvait vers le milieu de la rue Saint-Jacques, dans ce grand
emplacement actuellement vide, particulièrement touché par
le bombardement, en face l’avenue de la Libération. Aux alentours
de la Poste aux chevaux, il y avait des hôtels qui lui faisaient concurrence,
comme l’hôtel du Grand Cerf avec sa diligence à 9 places qui
allait tous les jours à Paris.
C’est sur l’emplacement de cet hôtel
que les Sœurs de Bon-Secours avaient établi leur communauté.
Nous parlerons clans la suite de ces religieuses qui sont toujours à
Etampes.
Le grand trafic du roulage était toutefois
l’apanage du Maître de Poste, qui avait le service des Malles, le
service était privilégié. Voici ce que dit le règlement:
«Les Maîtres de Poste ne doivent employer à
la conduite des voitures que de bons chevaux et des postillons en rang,
revêtus de leur uniforme avec écusson. Les heures du passage
des Malles étant fixées, les chevaux et les postillons doivent
toujours être prêts à partir soit le jour, soit la nuit;
la poste doit être parcourue dans une heure, y compris le temps de
relayer. En conséquence tout retard dans le service ne peut provenir
que de la négligence du Maître de Poste... M. le Directeur
général attend du zèle et du dévouement des
Maîtres de Poste que le service des Malles se fera dans les relais [p.191] avec la plus grande célérité
et à l’égard des postillons, il sera sévi contre
ceux qui exigeraient au delà de 75 centimes par poste pour leurs
guides...»
A Etampes, les Maîtres de Poste font
bien leur service. Au XVIe siècle par exemple, il y a Symon le
Long à la tête de la Poste aux chevaux. Le 21 avril 1562,
il refuse trois chevaux à l’huissier du Parlement de Paris qui était
porteur d’un mandement pour réquisitionner des chevaux de Paris
à Orléans, parce que ses papiers n’étaient pas tout
à fait en règles.
Un autre hôtel que nous ne pouvons
passer sous silence se trouvait au même endroit, en face de la Malle-Poste.
C’était l’hôtel du Grand Courrier. Il avait une nombreuse
clientèle et il a tenu longtemps jusqu’à la dernière
guerre. Nos contemporains l’ont bien connu. Anciennement il s’appelait les
Trois Fauchets parce qu’il était non loin de la rue du même
nom. Léon Marquis dit de lui: «C’est sans contredit le premier
hôtel d’Etampes, le rendez-vous des voyageurs de distinction».
Les Allemands pendant l’occupation le fréquentaient de préférence.
Aujourd’hui, les hôtels de la rue Saint-Jacques
sont beaucoup moins nombreux qu’autrefois. Les voyageurs ne font que passer.
Mais les hôtels qui restent tâchent de garder la bonne réputation
de leurs devanciers. [p.192]
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Brochure
préalable: Léon GUIBOURGÉ
[chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier
d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités
de Seine-et-Oise, vice-président de la Société
artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes
et du Hurepoix], Étampes, la favorite des rois
[in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos
de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture
de Philippe Lejeune], Étampes, Éditions d’art Rameau,
1954.
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ,
Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.;
armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface
d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la
Semeuse), 1957.
Réédition
en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ,
Étampes, ville royale [réédition
en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de
la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine],
Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X].
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.],
«Léon Guibourgé: Étampes ville
royale (1957)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html
(33 pages web) 2004.
Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.],
«Léon Guibourgé: La rue Saint-Jacques
(1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes505ruesaintjacques.html,
2004.
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