ORIGINE,
HISTOIRE ET DESCRIPTION.
Une rue du quartier Notre-Dame s’appelle
la rue Sainte-Croix. Pourquoi cette appellation? C’est en souvenir d’une
église dite Sainte-Croix, aujourd’hui détruite. Voyons son
origine, son histoire et sa description.
Après la prise
de Jérusalem par Titus, général romain, en l’an 70,
les Juifs furent massacrés ou dispersés dans le monde entier.
Nous les voyons donc dans les premiers siècles du christianisme, installés
partout et se livrer au commerce où ils montraient beaucoup d’habileté.
S’occupaient-ils aussi de politique? Peut-être.* En tout cas, les rois
de France les supportaient difficilement. Dagobert les chassa de son
royaume à la demande de l’empereur Héracle, alarmé
par un certain oracle qui prédisait que les Juifs devaient renverser
l’empire romain. Le roi Robert les bannit également parce qu’ils
avaient faussement averti le calife de Babylone que les chrétiens
voulaient détruire son empire sous prétexte de leurs pèlerinages
aux Lieux Saints. Et son arrière-petit-fils Philippe Auguste en
fit autant.
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Ce chapitre aurait-t-il été
rédigé sous l’Occupation allemande de la ville? On y sent
en tout cas encore l’esprit de Vichy. (B.G.)
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Il agit ainsi, dit dom Fleureau, «sur les plaintes qui lui furent
rendues des cruautés inouïes que les Juifs de son royaume exerçaient
sur leurs serviteurs et servantes chrétiens, de leurs usures intolérables,
et du mépris qu’ils faisaient des ornements d’église qui tombaient
entre leurs mains, jusqu’à se servir par dérision des saints
calices en leurs festins.
«Le
roi Philippe-Auguste les chassa donc de son royaume [p.92] en l’an 1182 et afin
qu’ils fussent sans espérance de retour il voulut que leurs synagogues
ou écoles fussent dédiées au service du vray Dieu
et au culte de la vraye religion.»
L’historien
Rigord, qui a écrit la vie de Phulippe Auguste, raconte que les
habitants d’Etampes détruisirent leur synagogue et à sa
place élevèrent une église sous le nom de «Sainte-Croix».
Des lettres patentes autorisant la construction de cette église
furent expédiées de Fontainebleau où résidait
le roi en 1183.
Le
soin de la nouvelle église fut confié à des chanoines.
C’est pourquoi l’église prit le nom de Collégiale Sainte-Croix,
et le Pape Luce III dans une bulle du 26 juillet de la même année
déclara prendre sous sa protection cette église et tous
les biens qui avaient été ôté aux Juifs et
qui lui revenaient.
L’archevêque de Sens, au mois
de mars 1210, déclara que les chanoines de Saint-Croix récompenseront
en terres équivalentes les censives dues aux chanoines de Notre-Dame.
Il faut en effet remarquer que la Collégiale Sainte-Croix a été
bâtie sur le territoire de la Collégiale Notre-Dame. Cette
situation va attirer des difficultés entre les chanoines des deux
Collégiales.
De
fait, quelque temps après, les chanoines de Notre-Dame étant
curés du territoire, prétendirent que l’église Sainte-Croix,
nouvellement bâtie dans l’étendue de leur paroisse, devait
leur être assujettie avec les chanoines de cette église. Cette
prétention fut jugée de si grande importance que le roi lui-même
voulut en prendre connaissance. Après conseil de Maurice, évêque
de Paris, il résolut de donner l’église Sainte-Croix avec
tous ses revenus â l’abbé et aux chanoines de Notre-Dame,
avec pouvoir de disposer des prébendes, c’est-à-dire des
traitements, comme ils jugeraient à propos, et d’instituer ou de
destituer ceux qu’ils voudraient. Cette résolution du roi fut suivie
d’effet: sa Majesté étant à Fontainebleau l’an 1189,
elle fit expédier ses lettres patentes à Odon, abbé
de Notre-Dame.
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Mais cette décision, au lieu
d’apaiser les différends, ne fit que les augmenter. Les chanoines
de Sainte-Croix présentèrent au roi leurs réclamations,
disant que cette dépendance des chanoines de Notre-Dame leur causait
de grands préjudices. Le roi alors révoqua le donations
et les nominations et prit un autre conseil. Conservant comme juge l’évêque
de Paris, il y adjoignit l’abbé de Sainte-Geneviève de Paris,
leur recommandant de juger l’affaire diligemment avant la Saint Jean-Baptiste
prochaine, parce qu’il se disposait à partir en Terre Sainte.
Les
juges ne purent en temps voulu régler l’affaire. Alors le roi,
avant son départ, commanda au Bailly et au Prévost d’Etampes [p.93] de tenir la main à
ce que rien ne fut innové à l’état actuel des choses
jusqu’à la sentence des juges. Mais le Roi ne fut pas plutôt
parti que le Bailly et le Prévost ne tinrent aucun compte de l’ordre
du roi, et rétablirent les chanoines de Sainte-Croix dans leurs
privilèges. Le chapitre de Notre-Dame aussitôt adressa de
grandes réclamations à Guillaume, archevêque de Reims,
légat du Pape, oncle du roi, et régent du royaume, en l’absence
du roi.
Le
Bailly et le Prévost d’Etampes durent venir s’expliquer devant le
Régent. Ils prétendirent qu’ils n’avaient fait qu’exécuter
la sentence des juges, mais qu’il y avait encore quelques points à
régler sur lesquels on n’était pas d’accord.
Le
Régent commanda aux juges de s’expliquer clairement, et les juges
enfin rendirent leur sentence définitive qu’on envoya au roi en Syrie,
et le roi l’approuva de son autorité par lettres patentes données
à saint Jean d’Acre en 1191.
Cette
sentence ordonna les choses suivantes: «On ne célébrera
point de messes en l’église Sainte-Croix qu’après Primes
sonnées à Notre-Dame. Il n’y aura point en cette église
Sainte-Croix de fonts baptismaux, de confession et de communion pour ceux
de la paroisse Notre-Dame, sinon en cas de nécessité, et l’on
ne recevra aucun à la sépulture. Les femmes nouvellement relevées
de couches n’y seront point reçues pour faire sur elles les bénédictions
et prières accoutumées de l’église. Les chanoines de
Sainte-Croix ne visiteront point les paroissiens malades avec la croix et
l’eau bénite, ni leur porteront l’huile des infirmes. Ils n’assisteront
à aucun convoi mortuaire dans l’étendue de la paroisse Notre-Dame,
sinon avec le convoi de ladite église Notre- Dame, s’ils veulent y
assister. Aucun n’aura la direction des choses que du consentement du chantre
de Notre-Dame. On ne sonnera point les cloches à la bénédiction
du cierge pascal. Ils ne donneront point d’approbation aux contrats comme
le chantre a coutume de faire. Ils ne poseront aucun scellé à
la maison des défunts. Ils ne béniront point le pain à
la messe... Le chantre et chapitre de Notre-Dame pourront les citer de comparaître
en leurs chapitres pour y corriger les fautes qu’ils n’auront pu ou voulu
corriger dans le leur. Le chantre et le chapitre de Notre-Dame auront le
pouvoir de punir, selon les saints canons, les clercs de ladite église
Sainte-Croix, pourvu que la plus grande partie des chanoines de Notre-Dame
y consente...»
Comme
on le voit, les chanoines de Notre-Dame, étant les administrateurs
de la paroisse, tenaient à leurs droits, et les chanoines de Sainte-Croix
n’avaient qu’à s’incliner. Le Pape
[p.94] Célestin III confirma
la sentence du roi le 7 novembre 1181, et le Pape Innocent III, son successeur,
fit de même.
Mais quelques années après
il survint un autre différend entre les chanoines des deux églises.
Ceux de Notre-Dame prétendaient que ceux de Sainte-Croix étaient
obligés d’après la coutume d’aller certains jours en procession
à l’église Notre-Dame, ce que ceux de Sainte-Croix refusaient
de faire. Les chanoines de Notre- Dame eurent recours au Pape Alexandre IV
qui, par un bref du 3 octobre 1257, chargea le chantre de l’église
de Chartres de régler le différend. L’affaire s’arrangea,
car à partir de cette date on voit les chanoines de Sainte-Croix
se rendre processionnellement à Notre-Dame pour assister avec le
clergé de cette église aux processions du Dimanche des Rameaux,
au jour de Saint Marc et des trois jours des Rogations. Tous ces différends
étant réglés, l’harmonie régna dans la suite
entre les deux Collégiales.
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Quelle était l’importance de la Collégiale Sainte-Croix
comme nombre de chanoines et de chapelains?
Le Collège
de Sainte-Croix était composé de deux dignitaires: le doyen
du chapitre et le chantre, de dix-neuf chanoines et de dix chapelains.
Remarquons que le nombre des chanoines dans cette église était
plus important qu’à Notre-Dame. Par contre les chapelains étaient
moins nombreux.
Leurs
revenus, prébendes ou bénéfices, venaient non pas
de fondation royale, mais des biens des Juifs chassés et des dons
des habitants d’Etampes. Cependant les chanoines avaient quelques difficultés
à vivre. Aussi l’archevêque diocésain, le 19 août
1331, ordonna que leurs stages à l’avenir ne seraient que de trois
mois «tellement dit l’ordonnance, que chaque chanoine résidant
actuellement pendant trois mois de l’année gagnerait autant qu’il
gagnait auparavant en résidant pendant six mois.»
Passons
aux chapelains. Ceux-ci étaient nommés par le chapitre.
Ils desservaient dans l’église dix chapelles, qui étaient
érigées sous les invocations suivantes: Notre-Dame, la Vierge
de Pitié, Saint Thibault, abbé, Saint Eloi, évêque
de Noyon, Sainte Marie-Magdeleine, Saint Nicolas, évêque de
Myrrhe, Saint Etienne, premier martyr, Saint Louis, roi de France, Saint
Denys l’aéropagite, Saint Jean l’évangéliste.
Chanoines
et chapelains en cette église Sainte-Croix formaient un collège
important. Il fallait à ce collège une église correspondant
à son importance. De fait, la Collégiale Sainte-Croix était
belle et spacieuse. Voici la description qu’on peut en donner, d’après
Maxime Legrand. [p.95]
Elle
ressemblait, dit-on, à l’église Saint-Martin. Elle mesurait
55 mètres de long sur 37 mètres de large, y compris la
sacristie. Elle était composée d’une nef et de deux bas-côtés,
de huit travées, de deux transepts, d’un chœur, d’une abside de
cinq travées terminée en demi-cercle, et chose remarquable,
entourée de trois chapelles semi-circulaires comme à Saint-Martin,
quoique moins profondes. Une tour à droite bordait la sacristie.
Des vingt piliers, huit autour du chœur étaient circulaires, les
six suivants octogonaux, les autres carrés et flanqués d’élégantes
colonnettes. Autour, trente contreforts, dont trois contenaient des escaliers
à vis, l’un conduisait au clocher aussi haut, paraît-il que
celui de Notre-Dame. Quatre portes y donnaient accès: trois sur la
place de l’Hôtel-de-Ville, l’autre sur la rue Sainte- Croix.
La Révolution
de 1893 [lisez 1793] détruisit
l’église. Elle servit de carrière pour construire des maisons.
Cependant quelques vestiges de ses murs et colonnes se voient encore aujourd’hui
sous des tas de boulets dans la cour d’un chantier de marchand de charbons.
Grandeur et décadence! [p.96]
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine, ancien
archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre
de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président
de la Société artistique et archéologique de
Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix], Étampes,
la favorite des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture
en couleur; avant-propos de Barthélémy Durand, maire;
dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes, Éditions
d’art Rameau, 1954.
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes,
ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en
couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes,
chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.
Réédition en fac-similé: Péronnas, Éditions de la Tour
Gile, 1997.
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon
Guibourgé: Étampes ville royale (1957)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004.
Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé:
L’église Sainte-Croix
d’Étampes (1957)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes303saintecroix.html, 2004.
Toute critique
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