CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Léon Guibourgé
L’église Saint-Basile d’Étampes
Étampes ville royale, chapitre III.2
1957
 
Façade de l'église Saint-Basile d'Etampes en 1905 (carte postale CLC n°29)  
Façade de l’église Saint-Basile d’Étampes en 1905 (carte postale CLC n°29)
 
ÉTAMPES, VILLE ROYALE
Étampes, chez l’auteur, 1957
chapitre III.2, pp. 86-90.
L’église Saint-Basile d’Étampes
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT


     LE PORTAIL, LE CLOCHER ET SES CLOCHES.

  Léon Guibourgé      Il nous faut maintenant décrire l’église Saint-Basile, desserte de Notre-Dame. Regardons d’abord la façade.

     Nous avons dit que la fondation de Saint-Basile remontait au XIe siècle, au temps du roi Robert le Pieux. Mais actuellement les parties les plus anciennes datent du XIIe siècle. De cette époque nous avons le portail roman de la façade. M. le comte de Saint-Périer, archéologue éminent, nous donne des détails intéressants sur les sculptures de ce portail. Nous empruntons les lignes suivantes à un article paru en février 1948 dans le bulletin des «Amis d’Etampes».
     «La deuxième voussure du portail montre un «Jugement dernier»: au centre, la balance symbolique, le pèsement des âmes... Un des plateaux, sur lequel un petit ange assis représente l’âme des élus, s’incline sous la pression d’un autre ange, tandis qu’un démon s’efforce de faire basculer l’autre plateau de son côté. De part et d’autre de la balance, deux scènes représentent, l’une les élus assis à une table, les bras levés vers le ciel et la face extasiée, l’autre les damnés piétinés par des monstres inspirés par l’Apocalypse...
     «Un détail singulier que l’on observe ici doit retenir notre attention, car il est fort rare. Dans presque tous les jugements derniers du XIIe siècle et dans ceux du XIIIe et des époques postérieures les élus sont placés à droite de la figure centrale: Christ ou archange tenant la balance, et les damnés à gauche. [p.80] Cette place des élus est d’ailleurs conforme aux Ecritures... Or, à Saint-Basile, les damnés sont placés à droite du centre, les élus à gauche... Comment pouvons-nous expliquer cette anomalie?... Le sculpteur qui tailla la balance au portail de Saint-Basile plaça à sa droite, à lui, l’ange qui représente les élus, c’est-à-dire dans le plateau gauche de la balance, ce qui entraînait en conséquence la position respective des élus et des damnés. L’absence dans la composition d’une figure centrale, le Christ ou l’archange, a sans doute aussi contribué à cette inversion. On n’y attache, semble-t-il, aucune importance, car on ne peut admettre que le maître ès-arts qui dirigeait les travaux ne se soit pas aperçu de l’erreur. Ainsi s’expliquerait, d’après nous, cette disposition certainement rare et qui constitue un détail assez intéressant de notre vieille église.»

Portail de l'église Saint-Basile (carte postale de Mulard n°71)      Cette scène du Jugement a été restaurée vers 1842 par Auguste Magne. La ferronnerie de la porte, sans doute refaite sur le modèle de l’ancienne, a été exécutée en 1845 par Tabart, serrurier à Etampes.

     Après l’examen de ce curieux portail habituellement fermé, contournons l’église sur la droite et nous arrivons au portail latéral méridional qui est de l’époque de la Renaissance du XVIe siècle. Au-dessus, nous voyons une fenêtre avec meneaux à jour et, au milieu de cette fenêtre, une belle statue de la Sainte Vierge avec l’Enfant Jésus. Sous ce portail latéral, qui forme porche, se trouve à gauche une petite porte qui conduit aux cloches par une tourelle octogonale contenant un escalier à vis. Prenons cet escalier avec précaution, car il est sombre, et nous arrivons dans le clocher. Là, il y a trois cloches qui datent de 1829. Elles sont de différentes grosseurs, accordées en tierce majeure. Elles furent bénites le même jour par Mgr Borderies, évêque de Versailles, en présence des notables de la ville. Appliquons-nous à lire leurs inscriptions. Sur la plus grosse cloche, on peut lire:
     «Je fus faite par Aimé Hildebrand et pèse 3.015 livres.» Au-dessus on voit l’image du Crucifix avec ces mots : «Sit nomen Domini benedictum».
     A côté, les effigies de saint Basile, de Charles X, de la Sainte Vierge et de la Religion terrassant l’Impiété.
     Autour: «Pour l’Eglise paroissiale de Saint-Basile d’Etampes. Le 20 octobre de l’an de grâce 1829, j’ai été bénite par Mgr Etienne-Jean Borderies, évêque de Versailles, assisté de M. Buffet, curé de cette paroisse, et nommée Caroline par M. Armand-Aune-Philippe Desroys du Roure, sous-préfet de l’arrondissement, [p.81] et par dame Adèle-Rosalie du Tilleul, comte Mollien, épouse de M. le Comte Mollien, pair de France, en présence de M. Boivin-Chevalier, maire, et de MM. Polluche, Baron, Lefebvre, Roger et Lainare, marguillers.»

     La moyenne cloche porte les même effigies, légende et écussons que la première, avec ces mots: «Je pèse 2.805 livres». Elle s’appelle Marie et a eu pour parrain Pierre-Louis-Marie de Tullières, chevalier de Saint-Louis et de Saint-Lazare, et pour marraine dame Angélique-Marie Cousinet de Mirebeau.

     La petite cloche, avec les mêmes dessins: «Je pèse 1.380 livres». Elle se nomme Louise. Son parrain est M. Ange-François Gabaille, procureur du roi au tribunal d’Etampes, et sa marraine dame Marguerite-Elisabeth Guibert, veuve de M. Picart de Noirépinay.

     Ces trois cloches remplacèrent la cloche civique de 1793, la seule qui restait. Nous avons dit comment, à la Révolution, les autres cloches furent dispersées et comment la plus petite de Saint-Basile échoua dans le clocher de Chalo-Saint-Mars.

     L’INTÉRIEUR, LE BAS-CÔTÉ DROIT, LES ORGUES.

Intérieur de l'église Saint-Basile (carte postale de Mulard n°86)      Après la visite du clocher, pénétrons dans l’église. Nous sommes dans le transept, et nous avons une vue générale de son intérieur. Cet intérieur comprend une nef avec transept et deux bas-côtés doubles. La nef a cinq travées supportées par des piliers octogonaux, sauf ceux du chœur qui sont carrés. Ces piliers sont sans chapiteaux, les nervures de la voûte partant directement des colonnes vers le haut, ce qui est une caractéristique des XVe et XVIe siècles.

     Faisons le tour intérieur de l’église. Nous partons de la porte latérale par où nous sommes entrés et nous nous dirigeons vers la tribune des orgues par le bas-côté droit. Ce bas-côté est garni de chapelles avec de grandes fenêtres de style gothique flamboyant. Ces fenêtres sont une adjonction au XVIe siècle. Nous avons vu que l’abbé Buffet, au XIXe siècle, avait de plus enrichi ces chapelles par des bas-reliefs et des clés de voûte.

     La première chapelle que nous rencontrons dans ce bas-côté est la chapelle de saint Joseph. A droite de l’autel est la statue de saint Marcou, saint que l’on invoquait pour obtenir certaines guérisons. Un tableau, près de la porte que nous avons prise pour entrer dans l’église, le représente guérissant les écrouelles, autrement dit les maladies lymphatiques. [p.82]

     Vient ensuite la chapelle Saint-Laurent. Le saint est représenté en bas-relief avec son gril et sa palme de martyr. Près du confessionnal, on remarque un tableau du Christ en croix avec Marie-Madeleine au pied de la croix.

     La chapelle suivante est celle de Saint Alexis. Celui-ci est également figuré en bas-relief. Il a été placé là en souvenir du curé Alexis-Louis Buffet. En dessous, en effet, on voit un médaillon en marbre blanc représentant le profil de l’abbé Alexis Buffet. Ce médaillon est accompagné d’une inscription latine qui en explique le but et l’origine. En voici la traduction:

     «Alexis-Louis Buffet dirigea cette paroisse pieusement et saintement pendant cinquante ans. il s’endormit dans le Seigneur le 19 du mois de janvier en l’année 1876.
     «Les prêtres, ses élèves et fils dans le Christ, ont apposé celle effigie en mémoire de leur Père bien-aimé.»

     On peut voir encore dans cette chapelle une statue en pierre de l’Ecce Homo, un peu monumentale pour l’endroit.

     La dernière chapelle de ce bas-côté est la chapelle de Notre- Dame de Pitié. Il y a en effet une petite pierre tombale ancienne représentant la Vierge avec son fils mort sur ses genoux. On y lit:
     «Cy gist honeste psône Eugénie Layard, en son vivant fème de deffunt honorable ho.e Me Michel Poynet, Sr de Valenay, échev. d’Estampe, laquelle décéda le XXIe ior de Jâvier mil VCXL.
     «Priez Dieu pour eux.»

     La défunte est représentée sur la pierre à genoux priant à côté de la Vierge.

     Au-dessus, il y a un joli bas-relief, représentant la Crucifixion. Le long du mur, sous la fenêtre, s’alignent d’autres bas-reliefs de même style rappelant les différentes scènes du chemin de la Croix. Six de ces bas-reliefs proviennent de l’église d’Etréchy et les trois autres ont été faits par M. Sandrier, au temps de l’abbé Buffet. Ils sont finement sculptés. Malheureusement plusieurs sont détériorés par l’humidité.

     A cet endroit de l’église est l’escalier de la tribune. On rapporte qu’en 1870, par les petites fenêtres de cet escalier, des habitants passèrent des vêtements civils à des prisonniers français enfermés dans l’église, pour leur permettre de s’évader.

     Les fenêtres de ce bas-côté de l’église n’ont plus de vitraux peints. Le bombardement d’Etampes de 1944 les a soufflés. Ils dataient du temps de l’abbé Buffet. On y voyait d’ailleurs son portrait, des figures de saints et les noms des donateurs: [p.83] les familles de Saint-Périer, de la Tullaye, des Varennes, etc... Nous sommes au fond de l’église avec sa grande porte centrale et deux petites de chaque côté. Ces portes sont protégées par des tambours sculptés de style Louis XV. Ces tambours auraient été achetés par l’abbé Buffet et proviendraient d’une église de Provins et du château d’Andonville.

     Les grandes orgues, au-dessus de la porte principale, sont les plus belles d’Etampes. Elles ont été montées en 1845. On peut les entendre actuellement tous les dimanches, à la messe de onze heures et demie. Me Etienne, qui en est l’organiste, les entretient avec un soin jaloux. La soufflerie électrique vient d’y être installée.

     BAS-CÔTÉ GAUCHE, LE GRAND VITRAIL DU FOND.

Le portail sud de Saint-Basile en 1913 (carte postale Lévy et fils n°26)      Traversons l’église en passant devant la tribune des Orgues. Nous voici dans le bas-côté gauche. Ce bas-côté comme celui de droite est double. Il en a la même élégance avec ses minces piliers sans chapiteaux, mais il est moins décoré. Il contient les fonts-baptismaux, il y a trois bas-reliefs en pierre dans le même style que ceux du bas-côté droit. Ils représentent des scènes de baptême: le baptême du Christ, encadré du baptême de Clovis et du baptême d’un autre grand personnage, probablement l’empereur Constantin.

     En suivant ce bas-côté, nous arrivons à l’autel de Saint-Etienne surmonté d’un bas-relief représentant le martyre du saint qui fut lapidé. A gauche de l’autel se trouve une petite porte donnant dans l’escalier en tourelle qui conduit sous les toits.

     Nous sommes maintenant dans le transept. Au-dessus du portail latéral qui donne dans ce transept et qui est habituellement fermé, nous apercevons un grand vitrail. Une partie manque. Mais on peut reconstituer la scène. C’est saint Basile devant le préfet romain Modeste. Celui-ci l’a cité à son tribunal. Le juge stupéfait de ses réponses lui dit: «Jamais homme ne m’a parlé avec cette audace». Et saint Basile de lui répondre: «Vous avez pour la première fois, sans doute, affaire à un évêque.» En dessous du vitrail, à droite du tambour de porte, on remarque une plaque mortuaire en marbre noir. Cette plaque a été brisée et les morceaux sont recollés dans le mur. Elle vient de l’église Sainte-Croix d’Etampes. Il s’agit de Maria Pinet, morte en 1626, des dons faits à l’église et des prières demandées pour le repos de son âme. [p.84]

     Toujours dans ce transept, à droite du vitrail, voici un grand tableau, représentant l’«Ecce Homo ». Ce tableau a été donné vers 1832 par Alexandre de la Borde, aide de camp de Louis Philippe, et restauré en 1825 par Vassor.

     Continuons de suivre le bas-côté. Nous y voyons plusieurs tableaux, sans grande valeur, à cause même de leur facture ou encore parce qu’ils ne sont que des copies: Les enfants Jésus et Jean-Baptiste avec leurs mères, Notre-Seigneur au milieu des enfants, la Cène, Jésus et Jean-Baptiste.

     Dans le fond de ce bas-côté, l’autel du Sacré-Cœur, et derrière, un vitrail représentant Tobie et son Ange Gardien.

     Avant de passer dans le bas-côté droit, arrêtons-nous devant le chœur qui contient deux rangées de stalles. Signalons à droite près de la grille du chœur, une stalle seule ou plutôt une chaire d’officiant en bois sculpté qui est classée parmi les monuments historiques.

     Le grand panneau du dossier figure un arbre de Jessé. Le style est de l’époque Louis XII. L’érudit L.-Eug. Lefèvre suggère qu’il fut offert à l’église, à l’occasion de la consécration de celle-ci en1497 et que l’archevêque de Sens, Tristan de Salazar l’étrenna.

     Au-dessus du maître-autel, un grand vitrail, le seul dans l’église qui soit classé, c’est-à-dire qui ait de la valeur. La fenêtre que le vitrail bouche agréablement est immense, elle occupe tout le mur du fond de l’église. Nous avons emprunté l’étude de ce vitrail à M. Lefèvre. Il faut diviser le vitrail en deux parties. Dans le panneau de droite on a représenté saint Basile, patron de la paroisse, en évêque. Il est debout, bénissant un homme à genoux devant lui. Son nom est inscrit à ses pieds en caractères anciens. Le dais et le soubassement qui l’encadre sont bien du style de la Renaissance.

     L’autre sujet du vitrail occupe les trois autres panneaux de gauche. Il représente un Calvaire dans la partie supérieure. Le Christ est en croix, entre les deux larrons. Autour des croix deux soldats romains à cheval, à gauche, deux grands personnages dont l’un n’a plus que le buste. Cette dernière remarque montre que le tableau est coupé et que manque la partie supérieure où il devait y avoir la Sainte Vierge, Madeleine et saint Jean et d’autres personnages. Dans les petits panneaux qui sont au-dessus, on voit des personnages de la scène du Jardin des Oliviers. Toutes ces figurations du haut du vitrail sont bien de la même époque que le panneau de Saint-Basile, c’est-à-dire de l’époque de la Renaissance entre 1530 et 1550.

     La partie inférieure du vitrail est d’époque plus tardive. Le [p.85] vitrail s’étant trouvé endommagé, on n’a pas voulu dans la restauration rétablir la scène telle qu’elle existait primitivement avec tous les personnages de la scène du Crucifiement. Les artistes traitèrent un autre sujet: le Portement de Croix. On voit en effet Jésus courbé, portant sa croix, entouré de peu de personnages, les teintes sont ternes, à peine relevées par quelques couleurs vives du manteau bleu de la Sainte Vierge, du caleçon vert du bourreau et quelques brins d’herbe dans le bas. Cette partie du vitrail maladroitement restaurée peut dater de l’an 1600 environ, mais n’enlève pas la valeur de la parties supérieure.

     BAS-CÔTÉ DROIT, SACRISTIE, CHAPELLE DE LA SAINTE-VIERGE.

     Du chœur, passons dans le bas-côté droit de l’église. Au fond de ce bas-côté, l’autel de la «Mater Dolorosa». Derrière, deux vitraux modernes: saint Jean l’Evangéliste et Mgr Belzunce, évêque de Marseille.

     Le long du mur, deux tableaux provenant de la Collégiale Sainte-Croix: les disciples d’Emmaüs d’après le Titien, et l’Enfant Jésus avec Marie devant lequel s’incline un couple princier. Suivant une tradition, les personnages des disciples d’Emmaus seraient des figures historiques. Le disciple qui est à la droite du Sauveur représenterait l’empereur Charles-Quint, celui de gauche le cardinal Ximénès, et le jeune garçon qui apporte un plat, Philippe II, roi d’Espagne. Ce tableau est au- dessus de la porte de la sacristie. Entrons par cette porte. La sacristie est voûtée dans le même style que l’église. De cette pièce part un escalier de pierre en colimaçon qui monte dans une salle située au-dessus. Un autre escalier descend dans une deuxième sacristie plus petite. De celle-ci on pénètre dans une grande salle accolée au chevet de l’église et de construction récente qui servait de salle de catéchisme.

     Revenons dans l’église: nous sommes devant la chapelle de la Sainte-Vierge, fermée par une grille en fer forgé. L’autel est surmonté d’une statue de la Vierge portant l’Enfant Jésus. A remarquer dans cette chapelle quelques tableaux: deux petits représentant Jésus apparaissant à Marie-Madeleine et la Vierge Marie regardant son enfant dormir; un plus grand, au-dessus du confessionnal, figurant l’Assomption. A noter principalement une plaque en marbre noir, accolée au mur, sur laquelle on peut lire en lettres dorées: [p.86]

     «Extrait du testament de IVI. Anne-Jacques-Joseph Gabaille, en date du 14 mars 1804.»
     Sur ledit testament, M. Gabaille a légué au bureau de bienfaisance, à Etampes, cent francs de rente, «à la charge par ledit bureau de payer à l’œuvre de l’église Saint-Basile une somme de cinq francs pour dire chaque année une messe basse le jour anniversaire du décès du testateur (31 octobre), prier à cette messe pour les descendans, parens et alliés du testateur vivans et décédés, dire après le dernier évangile de cette messe un De pro lundis pour le repos de l’âme du testateur et celle de Catherine-Victoire Bureau, sa femme, et pour les recommander aux prières le dimanche qui précédera le jour où se dira cette messe.
     «A la charge en outre par ledit bureau d’employer les sommes léguées à divers actes de charité, notamment à faire apprendre à lire, écrire, compter et un métier à un enfant choisi parmi trois sujets qui lui seront présentés par M. le Curé ou desservant de l’église Saint-Basile, le tout conformément aux dispositions contenues au dit testament, déposé chez Me Venard, notaire à Etampes, le 31 octobre 1825.»

     En quittant la chapelle de la Sainte-Vierge, nous nous retrouvons près de la porte latérale par laquelle nous sommes entrés. Notre visite est terminée. L’impression de cette visite est heureuse. L’église est belle, sa voûte est élancée, ses piliers élégants, ses bas-côtés richement décorés. Le mobilier, comme la chaire, le banc-d’œuvre et les stalles, don de la famille Moizart, est de bon goût, les autels sont convenables. Ne parlons pas des statues qui sont quelconques, ni des vitraux qui font défaut ou sont modernes, à part le vitrail ancien du fond. Notons le Chemin de Croix qui est curieux car il est en cuir repoussé.

     Remercions les Beaux-Arts qui, après la guerre, ont refait avec soin la toiture, réparé le clocher, consolidé certains piliers et clos les fenêtres. L’église Saint-Basile, par elle-même et par son histoire, mérite d’être conservée avec soin, comme les autres églises d’Etampes, à la postérité.

     UNE PAGE DE SON HISTOIRE AU XVIe SIÈCLE: UN CURÉ CÉLÈBRE, LE CURÉ JEAN POCAIRE.

     La période la plus brillante de la paroisse Saint-Basile est sans contredit celle de la fin du XVe siècle et du début du XVIe, époque où l’église a été agrandie, embellie et consacrée. Et cette période [p.87] intéressante, on la doit à un curé très intelligent et très entreprenant qui s’appelait Jean Pocaire.

     Jean Pocaire était licencié en droit et doyen d’Etampes. Les archives de l’église Saint-Basile conservent un manuscrit intitulé: «Martyrologe, papier et registe des cens, rentes, fondations, anniversaires et autres droits et devoirs, dus par chaque an, aux jours ci-après déclarés à noble homme Jean Pocaire, prêtre et curé de la cure et église paroissiale Saint-Basile».

     D’autre part, la charte de consécration de l’église nous rapporte que c’est sous Jean Pocaire que l’Eglise fut consacrée, le 11 mars 1497.

     A cette époque, l’église venait d’être restaurée par les soins de Jean Pocaire. La guerre de Cent ans avait désolé tout le pays, les épidémies avaient décimé le clergé régulier et séculier, les églises si belles et si prospères durant le XIIIe siècle se ressentaient du contre-coup de ces calamités qui s’étaient abattues sur le pays, la plupart tombaient en ruines.

     Le Cartulaire de Notre-Dame d’Etampes, qui est un témoin irrécusable pour l’histoire d’Etampes, nous fait dans plusieurs de ses chartes, un tableau émouvant de l’état dans lequel la guerre des Anglais avait mis le pays. Il nous parle notamment de l’état de délabrement où se trouvait Notre-Dame après ces épreuves. Or, ce qui arrive à Notre-Dame arriva également à Saint-Basile. Nous pouvons même dire que celle-ci étant encore plus proche des fossés de la ville, par le fait même se trouvait plus exposée aux coups des ennemis, et devait subir plus de dégâts et de ruines. C’est pourquoi au cours du XVe siècle l’église Saint-Basile fut-elle en partie reconstruite. Et c’est cet édifice restauré, qui, sur l’instigation du curé Pocaire fut consacré en 1497 par Tristan de Salazar, archevêque de Sens. Nous apprenons par la charte de consécration que l’église possédait alors sept autels et que plusieurs d’entre eux avaient jusqu’à deux ou trois titulaires. Ainsi le maître-autel ou autel du chœur, était dédié en même temps à la Sainte Trinité, à la Sainte Vierge, et à Saint Basile.

     Jean Pocaire, qui était curé à cette époque, a droit à une place spéciale dans les fastes de cette période de l’histoire de Saint-Basile. Nous ne saurions dire exactement combien il fut d’années à la tête de la paroisse, mais les textes des écrits de cette époque nous permettent de dire, qu’il y demeura au moins une trentaine d’années, car on le trouve dès l’an 1487 et on l’y voit encore en 1523.

     Durant les années de son ministère on le voit donc appliqué [p.88] à la restauration et à l’embellissement de son église. Pour atteindre ce but, de nombreuses aumônes de la part des fidèles venaient soutenir et encourager son zèle. La preuve de ces pieuses libéralités se trouve soigneusement enregistrée dans un vieux manuscrit que possède les archives de l’église. En s’occupant de l’église matérielle, Jean Pocaire donna aussi ses soins à l’édifice spirituel, je veux dire à tout ce qui pouvait aider à la sanctification de ses paroissiens. C’est ainsi qu’on le voit solliciter et obtenir la concession de nombreuses et précieuses indulgences pour les fidèles qui viendraient prier dans son église. Mais ce qui nous fait plus particulièrement bénir sa mémoire, c’est qu’il eut la pensée de consigner par écrit dans un gros registre un certain nombre de pieuses donations de la part de ses paroissiens. Grâce à ce registre, auquel on donna très improprement le nom de martyrologe, nous pouvons faire revivre à la fin du XVe et au début du XVIe siècle la vie d’un prêtre de cette époque, avec ses difficultés et ses luttes.

     A ce moment, il faut bien le dire, tout n’était pas facile pour un curé, témoins les nombreux procès et les différentes difficultés supportés par le curé Pocaire. Mais dans son difficile ministère, il fut puissamment aidé par son vicaire Daniel Pavye. Celui-ci s’intitulait vicaire domestique par opposition à la charge de vicaire forain. D’ailleurs, il n’avait aucunement les allures d’un domestique. Licencié en droit, notaire apostolique, il recevait et rédigeait en latin les testaments des fidèles. Ce fut ce Daniel Pavye qui, en 1512, commença le Cartulaire qui nous reste et dans lequel le plus grand nombre de chartes sont écrites de sa main. C’est ce cartulaire ou martyrologe dont il est question au début de cet article: «lequel martyrologe et papier a été extrait de chartes, titres, enseignements, et fondations, tant anciennes que nouvelles, de ladite église, sous le commandement dudit Pocaire, curé de ladite cure et église Saint-Basile, par Messire Daniel Pavye, prêtre, vicaire domestique dudit Pocaire, en la dite église, en l’an de grâce 1512.»

     M. Pocaire ne borna pas ses efforts à la restauration matérielle et spirituelle de son église. Son presbytère réclamait aussi ses soins. Donné à Adam Saïnce, curé de Saint-Basile, en 1383, par une femme nommée La Luymande, ou encore La Galande, â la charge de quelques services religieux pour le salut de son âme, et à la condition qu’elle servirait d’habitation aux curés de Saint-Basile, cette demeure servit en effet de presbytère à la paroisse Saint-Basile jusqu’à la Révolution française. Mais au temps de Jean Pocaire, cette habitation qui servait à ses [p.89] prédécesseurs depuis tantôt un siècle, tombait en ruines. L’actif Pocaire se mit en devoir de le réparer. Il commença par bien établir son droit sur cette habitation qu’on appelait un peu fastueusement: «Hostel presbitéral de Saint-Basile». C’est grâce à lui que nous lisons dans le cartulaire ou martyrologe, non pas l’acte de donation lui-même, mais bien la difficulté qui s’éleva entre le curé Adam et un parent de la donatrice qui répondait au nom de Colin Lemaçon. Celui-ci était seul et unique héritier de la donatrice dont il n’admettait pas facilement les largesses. Cette difficulté fut terminée par une transaction en date du 11 mai 1383. Peu de temps après, en 1386, le comte d’Etampes l’amortissait, c’est-à-dire qu’il l’exemptait d’impôts.

Chevet de l'église Saint-Basile en 1905 (cate postale CLC n°21)

     Telle est l’origine du presbytère de Saint-Basile. Une fois ses droits de propriété bien établis, M. Pocaire se mit en devoir de le relever de ses ruines. Une place, d’autre part, se trouvait devant la maison et en dépendait, mais comme elle joignait la place Saint-Basile, elle formait avec celle-ci un tout qu’il était assez difficile d’entamer. Néanmoins M. Pocaire, grâce à des titres précieux et aussi je crois, grâce à la bienveillance des magistrats de la ville, parvint à faire reconnaître ses droits. Il entoura la portion de terrain qui lui appartenait, d’un mur, et devint de la sorte maître chez lui. Il fit aussi des échanges de terrain avec ses voisins et aliéna ainsi une partie de son jardin. Enfin, pour accomplir tous ces travaux, il lui fallut des sommes d’argent assez importantes. Il eut naturellement recours à la Fabrique, qu’on appelle aujourd’hui le conseil paroissial, mais les fabriciens se montrèrent récalcitrants. Pour les amener à la raison, il fallut recourir à l’autorité de l’archevêque de Sens. Celui-ci députa un prêtre nommé Hénard, muni de pouvoirs suffisants pour contraindre les fabriciens à venir en aide à leur curé. Ils furent condamnés à payer cent sous parisis sous peine d’excommunication, ce qui mit fin à la discussion. «Cet hostel presbitéral», si soigneusement réparé par M. Pocaire, fut confisqué à la Révolution et vendu comme bien national. Il est devenu aujourd’hui l’hôtel du «Grand Monarque».

     Les travaux relatifs à son église et à son presbytère ne suffisaient pas ce semble à l’activité du curé Pocaire. On le voit encore s’occuper des intérêts matériels de ses paroissiens. C’est ainsi qu’on le trouve en 1523, mêlé à cette question des marchés qui agita si vivement nos pères du XVIe siècle. M. Pocaire usa de son influence auprès du pouvoir pour mettre à la raison les habitants du quartier Saint-Gilles qui prétendaient garder pour [p.90] eux le monopole des marchés de la ville d’Etampes. II eut gain de cause, et il n’est pas étonnant que le manuscrit, où ce renseignement est puisé, malmène quelque peu le digne curé de Saint-Basile.

     Cette date de 1523 est le point extrême où nous trouvons le nom de Jean Pocaire. Nous ne saurions dire s’il fut encore longtemps à la tête de la paroisse, et s’il y mourut. M. Pocaire est qualifié, dans les manuscrits «Noble homme, seigneur des murs, prevost d’Auvers, doyen d’Etampes, délégué de l’Archeveque de Sens, etc...»

     Par sa dignité de vie, son attachement à son église, ses travaux dans la paroisse, son zèle pour ses paroissiens, il fut une belle figure de curé du XVIe siècle à Etampes.
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

Léon Guibourgé      Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président de la Société artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix], Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes, Éditions d’art Rameau, 1954.

    
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.

    
Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [réédition en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X].

    
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)» (33 pages web), in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html, 2004.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: L’église Saint-Basile d’Étampes (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes302saintbasile.html, 2004.


Toute critique ou contribution seront les bienvenues. Any criticism or contribution welcome.
Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 86-90. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004.
    
Explicit
   
SommaireNouveautésBeaux-Arts — HistoireLittératureTextes latinsMoyen Age NumismatiqueLiensRemerciementsAssociationNous écrire - Mail