LE PORTAIL, LE CLOCHER ET SES CLOCHES.
Il nous faut
maintenant décrire l’église Saint-Basile, desserte de Notre-Dame.
Regardons d’abord la façade.
Nous
avons dit que la fondation de Saint-Basile remontait au XIe siècle,
au temps du roi Robert le Pieux. Mais actuellement les parties les plus
anciennes datent du XIIe siècle. De cette époque nous avons
le portail roman de la façade. M. le comte de Saint-Périer,
archéologue éminent, nous donne des détails intéressants
sur les sculptures de ce portail. Nous empruntons les lignes suivantes
à un article paru en février 1948 dans le bulletin des «Amis
d’Etampes».
«La
deuxième voussure du portail montre un «Jugement dernier»:
au centre, la balance symbolique, le pèsement des âmes...
Un des plateaux, sur lequel un petit ange assis représente l’âme
des élus, s’incline sous la pression d’un autre ange, tandis qu’un
démon s’efforce de faire basculer l’autre plateau de son côté.
De part et d’autre de la balance, deux scènes représentent,
l’une les élus assis à une table, les bras levés vers
le ciel et la face extasiée, l’autre les damnés piétinés
par des monstres inspirés par l’Apocalypse...
«Un détail singulier que l’on observe ici doit retenir notre
attention, car il est fort rare. Dans presque tous les jugements derniers
du XIIe siècle et dans ceux du XIIIe et des époques postérieures
les élus sont placés à droite de la figure centrale:
Christ ou archange tenant la balance, et les damnés à gauche. [p.80] Cette place des
élus est d’ailleurs conforme aux Ecritures... Or, à Saint-Basile,
les damnés sont placés à droite du centre, les élus
à gauche... Comment pouvons-nous expliquer cette anomalie?... Le sculpteur
qui tailla la balance au portail de Saint-Basile plaça à sa
droite, à lui, l’ange qui représente les élus, c’est-à-dire
dans le plateau gauche de la balance, ce qui entraînait en conséquence
la position respective des élus et des damnés. L’absence dans
la composition d’une figure centrale, le Christ ou l’archange, a sans doute
aussi contribué à cette inversion. On n’y attache, semble-t-il,
aucune importance, car on ne peut admettre que le maître ès-arts
qui dirigeait les travaux ne se soit pas aperçu de l’erreur. Ainsi
s’expliquerait, d’après nous, cette disposition certainement rare
et qui constitue un détail assez intéressant de notre vieille
église.»
Cette scène
du Jugement a été restaurée vers 1842 par Auguste
Magne. La ferronnerie de la porte, sans doute refaite sur le modèle
de l’ancienne, a été exécutée en 1845 par Tabart,
serrurier à Etampes.
Après l’examen de ce curieux portail habituellement fermé,
contournons l’église sur la droite et nous arrivons au portail latéral
méridional qui est de l’époque de la Renaissance du XVIe siècle.
Au-dessus, nous voyons une fenêtre avec meneaux à jour et,
au milieu de cette fenêtre, une belle statue de la Sainte Vierge avec
l’Enfant Jésus. Sous ce portail latéral, qui forme porche,
se trouve à gauche une petite porte qui conduit aux cloches par une
tourelle octogonale contenant un escalier à vis. Prenons cet escalier
avec précaution, car il est sombre, et nous arrivons dans le clocher.
Là, il y a trois cloches qui datent de 1829. Elles sont de différentes
grosseurs, accordées en tierce majeure. Elles furent bénites
le même jour par Mgr Borderies, évêque de Versailles,
en présence des notables de la ville. Appliquons-nous à lire
leurs inscriptions. Sur la plus grosse cloche, on peut lire:
«Je
fus faite par Aimé Hildebrand et pèse 3.015 livres.»
Au-dessus on voit l’image du Crucifix avec ces mots : «Sit nomen
Domini benedictum».
A
côté, les effigies de saint Basile, de Charles X, de la Sainte
Vierge et de la Religion terrassant l’Impiété.
Autour:
«Pour l’Eglise paroissiale de Saint-Basile
d’Etampes. Le 20 octobre de l’an de grâce 1829, j’ai été
bénite par Mgr Etienne-Jean Borderies, évêque de Versailles,
assisté de M. Buffet, curé de cette paroisse, et nommée
Caroline par M. Armand-Aune-Philippe Desroys du Roure, sous-préfet
de l’arrondissement, [p.81] et
par dame Adèle-Rosalie du Tilleul, comte Mollien, épouse de
M. le Comte Mollien, pair de France, en présence de M. Boivin-Chevalier,
maire, et de MM. Polluche, Baron, Lefebvre, Roger et Lainare, marguillers.»
La
moyenne cloche porte les même effigies, légende et écussons
que la première, avec ces mots: «Je pèse 2.805
livres». Elle s’appelle Marie et a eu pour parrain Pierre-Louis-Marie
de Tullières, chevalier de Saint-Louis et de Saint-Lazare, et pour
marraine dame Angélique-Marie Cousinet de Mirebeau.
La
petite cloche, avec les mêmes dessins: «Je pèse
1.380 livres». Elle se nomme Louise. Son parrain est M. Ange-François
Gabaille, procureur du roi au tribunal d’Etampes, et sa marraine dame Marguerite-Elisabeth
Guibert, veuve de M. Picart de Noirépinay.
Ces
trois cloches remplacèrent la cloche civique de 1793, la seule qui
restait. Nous avons dit comment, à la Révolution, les autres
cloches furent dispersées et comment la plus petite de Saint-Basile
échoua dans le clocher de Chalo-Saint-Mars.
L’INTÉRIEUR, LE BAS-CÔTÉ DROIT,
LES ORGUES.
Après la visite du clocher, pénétrons
dans l’église. Nous sommes dans le transept, et nous avons une
vue générale de son intérieur. Cet intérieur
comprend une nef avec transept et deux bas-côtés doubles.
La nef a cinq travées supportées par des piliers octogonaux,
sauf ceux du chœur qui sont carrés. Ces piliers sont sans chapiteaux,
les nervures de la voûte partant directement des colonnes vers le
haut, ce qui est une caractéristique des XVe et XVIe siècles.
Faisons
le tour intérieur de l’église. Nous partons de la porte latérale
par où nous sommes entrés et nous nous dirigeons vers la
tribune des orgues par le bas-côté droit. Ce bas-côté
est garni de chapelles avec de grandes fenêtres de style gothique
flamboyant. Ces fenêtres sont une adjonction au XVIe siècle.
Nous avons vu que l’abbé Buffet, au XIXe siècle, avait de
plus enrichi ces chapelles par des bas-reliefs et des clés de voûte.
La
première chapelle que nous rencontrons dans ce bas-côté
est la chapelle de saint Joseph. A droite de l’autel est la statue de saint
Marcou, saint que l’on invoquait pour obtenir certaines guérisons.
Un tableau, près de la porte que nous avons prise pour entrer dans
l’église, le représente guérissant les écrouelles,
autrement dit les maladies lymphatiques. [p.82]
Vient
ensuite la chapelle Saint-Laurent. Le saint est représenté
en bas-relief avec son gril et sa palme de martyr. Près du confessionnal,
on remarque un tableau du Christ en croix avec Marie-Madeleine au pied de
la croix.
La
chapelle suivante est celle de Saint Alexis. Celui-ci est également
figuré en bas-relief. Il a été placé là
en souvenir du curé Alexis-Louis Buffet. En dessous, en effet, on
voit un médaillon en marbre blanc représentant le profil
de l’abbé Alexis Buffet. Ce médaillon est accompagné
d’une inscription latine qui en explique le but et l’origine. En voici
la traduction:
«Alexis-Louis
Buffet dirigea cette paroisse pieusement et saintement pendant cinquante
ans. il s’endormit dans le Seigneur le 19 du mois de janvier en l’année
1876.
«Les prêtres, ses élèves et fils dans le Christ,
ont apposé celle effigie en mémoire de leur Père bien-aimé.»
On
peut voir encore dans cette chapelle une statue en pierre de l’Ecce Homo,
un peu monumentale pour l’endroit.
La
dernière chapelle de ce bas-côté est la chapelle de
Notre- Dame de Pitié. Il y a en effet une petite pierre tombale
ancienne représentant la Vierge avec son fils mort sur ses genoux.
On y lit:
«Cy
gist honeste psône Eugénie Layard, en son vivant fème
de deffunt honorable ho.e Me Michel Poynet, Sr de Valenay, échev.
d’Estampe, laquelle décéda le XXIe ior de Jâvier mil
VCXL.
«Priez Dieu pour eux.»
La
défunte est représentée sur la pierre à genoux
priant à côté de la Vierge.
Au-dessus,
il y a un joli bas-relief, représentant la Crucifixion. Le long
du mur, sous la fenêtre, s’alignent d’autres bas-reliefs de même
style rappelant les différentes scènes du chemin de la Croix.
Six de ces bas-reliefs proviennent de l’église d’Etréchy
et les trois autres ont été faits par M. Sandrier, au temps
de l’abbé Buffet. Ils sont finement sculptés. Malheureusement
plusieurs sont détériorés par l’humidité.
A
cet endroit de l’église est l’escalier de la tribune. On rapporte
qu’en 1870, par les petites fenêtres de cet escalier, des habitants
passèrent des vêtements civils à des prisonniers français
enfermés dans l’église, pour leur permettre de s’évader.
Les
fenêtres de ce bas-côté de l’église n’ont plus
de vitraux peints. Le bombardement d’Etampes de 1944 les a soufflés.
Ils dataient du temps de l’abbé Buffet. On y voyait d’ailleurs son
portrait, des figures de saints et les noms des donateurs: [p.83] les familles de Saint-Périer,
de la Tullaye, des Varennes, etc... Nous sommes au fond de l’église
avec sa grande porte centrale et deux petites de chaque côté.
Ces portes sont protégées par des tambours sculptés de
style Louis XV. Ces tambours auraient été achetés
par l’abbé Buffet et proviendraient d’une église de Provins
et du château d’Andonville.
Les
grandes orgues, au-dessus de la porte principale, sont les plus belles
d’Etampes. Elles ont été montées en 1845. On peut
les entendre actuellement tous les dimanches, à la messe de onze
heures et demie. Me Etienne, qui en est l’organiste, les entretient avec
un soin jaloux. La soufflerie électrique vient d’y être installée.
BAS-CÔTÉ GAUCHE, LE GRAND VITRAIL DU FOND.
Traversons l’église en passant devant la tribune des Orgues. Nous
voici dans le bas-côté gauche. Ce bas-côté comme
celui de droite est double. Il en a la même élégance
avec ses minces piliers sans chapiteaux, mais il est moins décoré.
Il contient les fonts-baptismaux, il y a trois bas-reliefs en pierre dans
le même style que ceux du bas-côté droit. Ils représentent
des scènes de baptême: le baptême du Christ, encadré
du baptême de Clovis et du baptême d’un autre grand personnage,
probablement l’empereur Constantin.
En
suivant ce bas-côté, nous arrivons à l’autel de Saint-Etienne
surmonté d’un bas-relief représentant le martyre du saint
qui fut lapidé. A gauche de l’autel se trouve une petite porte donnant
dans l’escalier en tourelle qui conduit sous les toits.
Nous
sommes maintenant dans le transept. Au-dessus du portail latéral
qui donne dans ce transept et qui est habituellement fermé, nous
apercevons un grand vitrail. Une partie manque. Mais on peut reconstituer
la scène. C’est saint Basile devant le préfet romain Modeste.
Celui-ci l’a cité à son tribunal. Le juge stupéfait
de ses réponses lui dit: «Jamais homme ne m’a parlé avec
cette audace». Et saint Basile de lui répondre: «Vous
avez pour la première fois, sans doute, affaire à un évêque.»
En dessous du vitrail, à droite du tambour de porte, on remarque
une plaque mortuaire en marbre noir. Cette plaque a été brisée
et les morceaux sont recollés dans le mur. Elle vient de l’église
Sainte-Croix d’Etampes. Il s’agit de Maria Pinet, morte en 1626, des dons
faits à l’église et des prières demandées pour
le repos de son âme. [p.84]
Toujours
dans ce transept, à droite du vitrail, voici un grand tableau, représentant
l’«Ecce Homo ». Ce tableau a été donné
vers 1832 par Alexandre de la Borde, aide de camp de Louis Philippe, et
restauré en 1825 par Vassor.
Continuons
de suivre le bas-côté. Nous y voyons plusieurs tableaux, sans
grande valeur, à cause même de leur facture ou encore parce
qu’ils ne sont que des copies: Les enfants Jésus et Jean-Baptiste
avec leurs mères, Notre-Seigneur au milieu des enfants, la Cène,
Jésus et Jean-Baptiste.
Dans
le fond de ce bas-côté, l’autel du Sacré-Cœur, et derrière,
un vitrail représentant Tobie et son Ange Gardien.
Avant
de passer dans le bas-côté droit, arrêtons-nous devant
le chœur qui contient deux rangées de stalles. Signalons à
droite près de la grille du chœur, une stalle seule ou plutôt
une chaire d’officiant en bois sculpté qui est classée parmi
les monuments historiques.
Le
grand panneau du dossier figure un arbre de Jessé. Le style est de
l’époque Louis XII. L’érudit L.-Eug. Lefèvre suggère
qu’il fut offert à l’église, à l’occasion de la consécration
de celle-ci en1497 et que l’archevêque de Sens, Tristan de Salazar
l’étrenna.
Au-dessus
du maître-autel, un grand vitrail, le seul dans l’église qui
soit classé, c’est-à-dire qui ait de la valeur. La fenêtre
que le vitrail bouche agréablement est immense, elle occupe tout
le mur du fond de l’église. Nous avons emprunté l’étude
de ce vitrail à M. Lefèvre. Il faut diviser le vitrail en
deux parties. Dans le panneau de droite on a représenté saint
Basile, patron de la paroisse, en évêque. Il est debout, bénissant
un homme à genoux devant lui. Son nom est inscrit à ses pieds
en caractères anciens. Le dais et le soubassement qui l’encadre sont
bien du style de la Renaissance.
L’autre
sujet du vitrail occupe les trois autres panneaux de gauche. Il représente
un Calvaire dans la partie supérieure. Le Christ est en croix, entre
les deux larrons. Autour des croix deux soldats romains à cheval,
à gauche, deux grands personnages dont l’un n’a plus que le buste.
Cette dernière remarque montre que le tableau est coupé et
que manque la partie supérieure où il devait y avoir la Sainte
Vierge, Madeleine et saint Jean et d’autres personnages. Dans les petits
panneaux qui sont au-dessus, on voit des personnages de la scène du
Jardin des Oliviers. Toutes ces figurations du haut du vitrail sont bien
de la même époque que le panneau de Saint-Basile, c’est-à-dire
de l’époque de la Renaissance entre 1530 et 1550.
La partie
inférieure du vitrail est d’époque plus tardive. Le [p.85] vitrail s’étant trouvé
endommagé, on n’a pas voulu dans la restauration rétablir
la scène telle qu’elle existait primitivement avec tous les personnages
de la scène du Crucifiement. Les artistes traitèrent un autre
sujet: le Portement de Croix. On voit en effet Jésus courbé,
portant sa croix, entouré de peu de personnages, les teintes sont
ternes, à peine relevées par quelques couleurs vives du manteau
bleu de la Sainte Vierge, du caleçon vert du bourreau et quelques
brins d’herbe dans le bas. Cette partie du vitrail maladroitement restaurée
peut dater de l’an 1600 environ, mais n’enlève pas la valeur de la
parties supérieure.
BAS-CÔTÉ DROIT, SACRISTIE, CHAPELLE DE
LA SAINTE-VIERGE.
Du
chœur, passons dans le bas-côté droit de l’église.
Au fond de ce bas-côté, l’autel de la «Mater Dolorosa».
Derrière, deux vitraux modernes: saint Jean l’Evangéliste
et Mgr Belzunce, évêque de Marseille.
Le
long du mur, deux tableaux provenant de la Collégiale Sainte-Croix:
les disciples d’Emmaüs d’après le Titien, et l’Enfant Jésus
avec Marie devant lequel s’incline un couple princier. Suivant une tradition,
les personnages des disciples d’Emmaus seraient des figures historiques.
Le disciple qui est à la droite du Sauveur représenterait
l’empereur Charles-Quint, celui de gauche le cardinal Ximénès,
et le jeune garçon qui apporte un plat, Philippe II, roi d’Espagne.
Ce tableau est au- dessus de la porte de la sacristie. Entrons par cette
porte. La sacristie est voûtée dans le même style que
l’église. De cette pièce part un escalier de pierre en colimaçon
qui monte dans une salle située au-dessus. Un autre escalier descend
dans une deuxième sacristie plus petite. De celle-ci on pénètre
dans une grande salle accolée au chevet de l’église et de
construction récente qui servait de salle de catéchisme.
Revenons
dans l’église: nous sommes devant la chapelle de la Sainte-Vierge,
fermée par une grille en fer forgé. L’autel est surmonté
d’une statue de la Vierge portant l’Enfant Jésus. A remarquer dans
cette chapelle quelques tableaux: deux petits représentant Jésus
apparaissant à Marie-Madeleine et la Vierge Marie regardant son
enfant dormir; un plus grand, au-dessus du confessionnal, figurant l’Assomption.
A noter principalement une plaque en marbre noir, accolée au mur,
sur laquelle on peut lire en lettres dorées: [p.86]
«Extrait
du testament de IVI. Anne-Jacques-Joseph Gabaille, en date du 14 mars 1804.»
Sur
ledit testament, M. Gabaille a légué au bureau de bienfaisance,
à Etampes, cent francs de rente, «à la charge par
ledit bureau de payer à l’œuvre de l’église Saint-Basile une
somme de cinq francs pour dire chaque année une messe basse le jour
anniversaire du décès du testateur (31 octobre), prier à
cette messe pour les descendans, parens et alliés du testateur vivans
et décédés, dire après le dernier évangile
de cette messe un De pro lundis pour le repos de l’âme du testateur
et celle de Catherine-Victoire Bureau, sa femme, et pour les recommander
aux prières le dimanche qui précédera le jour où
se dira cette messe.
«A la charge en outre par ledit bureau d’employer les sommes léguées
à divers actes de charité, notamment à faire apprendre
à lire, écrire, compter et un métier à un enfant
choisi parmi trois sujets qui lui seront présentés par M. le
Curé ou desservant de l’église Saint-Basile, le tout conformément
aux dispositions contenues au dit testament, déposé chez
Me Venard, notaire à Etampes, le 31 octobre 1825.»
En
quittant la chapelle de la Sainte-Vierge, nous nous retrouvons près
de la porte latérale par laquelle nous sommes entrés. Notre
visite est terminée. L’impression de cette visite est heureuse.
L’église est belle, sa voûte est élancée, ses
piliers élégants, ses bas-côtés richement décorés.
Le mobilier, comme la chaire, le banc-d’œuvre et les stalles, don de la
famille Moizart, est de bon goût, les autels sont convenables. Ne
parlons pas des statues qui sont quelconques, ni des vitraux qui font défaut
ou sont modernes, à part le vitrail ancien du fond. Notons le Chemin
de Croix qui est curieux car il est en cuir repoussé.
Remercions
les Beaux-Arts qui, après la guerre, ont refait avec soin la toiture,
réparé le clocher, consolidé certains piliers et clos
les fenêtres. L’église Saint-Basile, par elle-même et
par son histoire, mérite d’être conservée avec soin,
comme les autres églises d’Etampes, à la postérité.
UNE PAGE DE SON HISTOIRE AU XVIe SIÈCLE: UN
CURÉ CÉLÈBRE, LE CURÉ JEAN POCAIRE.
La
période la plus brillante de la paroisse Saint-Basile est sans contredit
celle de la fin du XVe siècle et du début du XVIe, époque
où l’église a été agrandie, embellie et consacrée.
Et cette période [p.87] intéressante,
on la doit à un curé très intelligent et très
entreprenant qui s’appelait Jean Pocaire.
Jean
Pocaire était licencié en droit et doyen d’Etampes. Les archives
de l’église Saint-Basile conservent un manuscrit intitulé:
«Martyrologe, papier et registe des cens,
rentes, fondations, anniversaires et autres droits et devoirs, dus par chaque
an, aux jours ci-après déclarés à noble homme
Jean Pocaire, prêtre et curé de la cure et église paroissiale
Saint-Basile».
D’autre part, la charte de consécration de l’église nous
rapporte que c’est sous Jean Pocaire que l’Eglise fut consacrée,
le 11 mars 1497.
A
cette époque, l’église venait d’être restaurée
par les soins de Jean Pocaire. La guerre de Cent ans avait désolé
tout le pays, les épidémies avaient décimé
le clergé régulier et séculier, les églises
si belles et si prospères durant le XIIIe siècle se ressentaient
du contre-coup de ces calamités qui s’étaient abattues sur
le pays, la plupart tombaient en ruines.
Le
Cartulaire de Notre-Dame d’Etampes, qui est un témoin irrécusable
pour l’histoire d’Etampes, nous fait dans plusieurs de ses chartes, un tableau
émouvant de l’état dans lequel la guerre des Anglais avait
mis le pays. Il nous parle notamment de l’état de délabrement
où se trouvait Notre-Dame après ces épreuves. Or, ce
qui arrive à Notre-Dame arriva également à Saint-Basile.
Nous pouvons même dire que celle-ci étant encore plus proche
des fossés de la ville, par le fait même se trouvait plus exposée
aux coups des ennemis, et devait subir plus de dégâts et de
ruines. C’est pourquoi au cours du XVe siècle l’église Saint-Basile
fut-elle en partie reconstruite. Et c’est cet édifice restauré,
qui, sur l’instigation du curé Pocaire fut consacré en 1497
par Tristan de Salazar, archevêque de Sens. Nous apprenons par la charte
de consécration que l’église possédait alors sept autels
et que plusieurs d’entre eux avaient jusqu’à deux ou trois titulaires.
Ainsi le maître-autel ou autel du chœur, était dédié
en même temps à la Sainte Trinité, à la Sainte
Vierge, et à Saint Basile.
Jean
Pocaire, qui était curé à cette époque, a droit
à une place spéciale dans les fastes de cette période
de l’histoire de Saint-Basile. Nous ne saurions dire exactement combien
il fut d’années à la tête de la paroisse, mais les textes
des écrits de cette époque nous permettent de dire, qu’il y
demeura au moins une trentaine d’années, car on le trouve dès
l’an 1487 et on l’y voit encore en 1523.
Durant
les années de son ministère on le voit donc appliqué [p.88] à la restauration
et à l’embellissement de son église. Pour atteindre ce but,
de nombreuses aumônes de la part des fidèles venaient soutenir
et encourager son zèle. La preuve de ces pieuses libéralités
se trouve soigneusement enregistrée dans un vieux manuscrit que possède
les archives de l’église. En s’occupant de l’église matérielle,
Jean Pocaire donna aussi ses soins à l’édifice spirituel,
je veux dire à tout ce qui pouvait aider à la sanctification
de ses paroissiens. C’est ainsi qu’on le voit solliciter et obtenir la
concession de nombreuses et précieuses indulgences pour les fidèles
qui viendraient prier dans son église. Mais ce qui nous fait plus
particulièrement bénir sa mémoire, c’est qu’il eut
la pensée de consigner par écrit dans un gros registre un
certain nombre de pieuses donations de la part de ses paroissiens. Grâce
à ce registre, auquel on donna très improprement le nom de
martyrologe, nous pouvons faire revivre à la fin du XVe et au début
du XVIe siècle la vie d’un prêtre de cette époque, avec
ses difficultés et ses luttes.
A
ce moment, il faut bien le dire, tout n’était pas facile pour un
curé, témoins les nombreux procès et les différentes
difficultés supportés par le curé Pocaire. Mais dans
son difficile ministère, il fut puissamment aidé par son
vicaire Daniel Pavye. Celui-ci s’intitulait vicaire domestique par opposition
à la charge de vicaire forain. D’ailleurs, il n’avait aucunement
les allures d’un domestique. Licencié en droit, notaire apostolique,
il recevait et rédigeait en latin les testaments des fidèles.
Ce fut ce Daniel Pavye qui, en 1512, commença le Cartulaire qui nous
reste et dans lequel le plus grand nombre de chartes sont écrites
de sa main. C’est ce cartulaire ou martyrologe dont il est question au début
de cet article: «lequel martyrologe et papier a été
extrait de chartes, titres, enseignements, et fondations, tant anciennes
que nouvelles, de ladite église, sous le commandement dudit Pocaire,
curé de ladite cure et église Saint-Basile, par Messire Daniel
Pavye, prêtre, vicaire domestique dudit Pocaire, en la dite église,
en l’an de grâce 1512.»
M.
Pocaire ne borna pas ses efforts à la restauration matérielle
et spirituelle de son église. Son presbytère réclamait
aussi ses soins. Donné à Adam Saïnce, curé de
Saint-Basile, en 1383, par une femme nommée La Luymande, ou encore
La Galande, â la charge de quelques services religieux pour le salut
de son âme, et à la condition qu’elle servirait d’habitation
aux curés de Saint-Basile, cette demeure servit en effet de presbytère
à la paroisse Saint-Basile jusqu’à la Révolution française.
Mais au temps de Jean Pocaire, cette habitation qui servait à ses
[p.89] prédécesseurs
depuis tantôt un siècle, tombait en ruines. L’actif Pocaire
se mit en devoir de le réparer. Il commença par bien établir
son droit sur cette habitation qu’on appelait un peu fastueusement: «Hostel
presbitéral de Saint-Basile». C’est grâce à
lui que nous lisons dans le cartulaire ou martyrologe, non pas l’acte
de donation lui-même, mais bien la difficulté qui s’éleva
entre le curé Adam et un parent de la donatrice qui répondait
au nom de Colin Lemaçon. Celui-ci était seul et unique héritier
de la donatrice dont il n’admettait pas facilement les largesses. Cette
difficulté fut terminée par une transaction en date du 11
mai 1383. Peu de temps après, en 1386, le comte d’Etampes l’amortissait,
c’est-à-dire qu’il l’exemptait d’impôts.
Telle est l’origine du presbytère de Saint-Basile. Une fois ses
droits de propriété bien établis, M. Pocaire se mit
en devoir de le relever de ses ruines. Une place, d’autre part, se trouvait
devant la maison et en dépendait, mais comme elle joignait la place
Saint-Basile, elle formait avec celle-ci un tout qu’il était assez
difficile d’entamer. Néanmoins M. Pocaire, grâce à
des titres précieux et aussi je crois, grâce à la bienveillance
des magistrats de la ville, parvint à faire reconnaître ses
droits. Il entoura la portion de terrain qui lui appartenait, d’un mur,
et devint de la sorte maître chez lui. Il fit aussi des échanges
de terrain avec ses voisins et aliéna ainsi une partie de son jardin.
Enfin, pour accomplir tous ces travaux, il lui fallut des sommes d’argent
assez importantes. Il eut naturellement recours à la Fabrique, qu’on
appelle aujourd’hui le conseil paroissial, mais les fabriciens se montrèrent
récalcitrants. Pour les amener à la raison, il fallut recourir
à l’autorité de l’archevêque de Sens. Celui-ci députa
un prêtre nommé Hénard, muni de pouvoirs suffisants
pour contraindre les fabriciens à venir en aide à leur curé.
Ils furent condamnés à payer cent sous parisis sous peine
d’excommunication, ce qui mit fin à la discussion. «Cet hostel
presbitéral», si soigneusement réparé par M.
Pocaire, fut confisqué à la Révolution et vendu comme
bien national. Il est devenu aujourd’hui l’hôtel du «Grand Monarque».
Les
travaux relatifs à son église et à son presbytère
ne suffisaient pas ce semble à l’activité du curé Pocaire.
On le voit encore s’occuper des intérêts matériels de
ses paroissiens. C’est ainsi qu’on le trouve en 1523, mêlé
à cette question des marchés qui agita si vivement nos pères
du XVIe siècle. M. Pocaire usa de son influence auprès du
pouvoir pour mettre à la raison les habitants du quartier Saint-Gilles
qui prétendaient garder pour [p.90] eux
le monopole des marchés de la ville d’Etampes. II eut gain de cause,
et il n’est pas étonnant que le manuscrit, où ce renseignement
est puisé, malmène quelque peu le digne curé de Saint-Basile.
Cette
date de 1523 est le point extrême où nous trouvons le nom
de Jean Pocaire. Nous ne saurions dire s’il fut encore longtemps à
la tête de la paroisse, et s’il y mourut. M. Pocaire est qualifié,
dans les manuscrits «Noble homme, seigneur des murs, prevost d’Auvers,
doyen d’Etampes, délégué de l’Archeveque de Sens, etc...»
Par
sa dignité de vie, son attachement à son église, ses
travaux dans la paroisse, son zèle pour ses paroissiens, il fut
une belle figure de curé du XVIe siècle à Etampes.
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