p.63 et 69
DESCRIPTION
DE L’ENSEMBLE — SON ORIGINE — LE CLOCHER — LA NEF ET LES BAS-CÔTÉS
— LES CRÉNEAUX — LE PORTAIL MÉRIDIONAL.
Etampes, autrefois ville royale, devait
avoir des églises dignes de sa condition. Au début du XIe
siècle, le Roi Robert le Pieux fit construire l’église
Notre-Dame qui devait être desservie par un Collège ou Chapitre
de Chanoines, d’où le nom de « Collégiale »
donné à cette église. A la tête de ce Chapitre,
il y avait un Abbé, mais celui-ci prit le nom de Chantre ou Grand
Chantre, parce que le Roi de France se réserva le titre d’Abbé,
avec le droit de posséder, une stalle dans le chœur de l’église.
De fait, dans les grandes circonstances, à l’occasion de fêtes
religieuses ou princières, le roi présidait, dans sa stalle.
Outre les douze chanoines, il y avait un plus grand nombre de chapelains
chargés de desservir les différents autels ou chapelles de
1’église. On juge de l’importance et de l’éclat des cérémonies
quand tout le clergé, le roi et les seigneurs de la cour y assistaient.
L’église Notre-Dame, par sa beauté, son ampleur, se prêtait
magnifiquement à ces cérémonies. Nous allons brièvement
la décrire.
Cette église, dédiée à Notre-Dame, est encore
appelée Notre-Dame-du-Fort De fait, elle se trouve en partie entourée
par des murs crénelés. Ce crénelage a été
ajouté après la construction de l’église, au XIIIe
siècle, comme un moyen de défense en temps [p.40] de guerre. Il donne un caractère
curieux à cette belle église de style byzantin ou roman des
XIe, XIIe et XIIIe siècles.
C’est donc au XIe siècle, vers l’an 1015 que le roi Robert le
Pieux commença la construction de notre collégiale. Il
est probable qu’elle s’éleva à la place d’une petite chapelle
dédiée â Saint Serin, l’un des premiers apôtres
de la région. De cette Première construction du XIe siècle
il reste la base du clocher, les bas-côtés et les grosses
colonnes de la nef. Ces colonnes ont été restaurées
mais ont conservé leurs bases et leurs chapiteaux avec décorations
géométriques et figures d’animaux fantastiques.
Au XIIe
siècle, vers 1130, on agrandit l’église pour lui donner
plus d’importance. On commença le clocher sur une base déjà
existante on conservera la nef et ses bas-côtés La voûte
actuelle et les fenêtres de la nef ont été reconstruites
en 1840. Auparavant la voûte était beaucoup plus basse et
en bois. A la suite de la nef, on ajouta un double transept et au bout
du transept à gauche, une sacristie avec salle souterraine ou ossuaire,
dont la voûte est soutenue par un pilier central. Le chœur fut agrandi,
les piliers renforcés pour soutenir un clocher au-dessus du transept,
clocher qui sera démoli à la Révolution.
En plusieurs fois, les bas-côtés furent augmentés,
surélevés avec des piliers imposants par leur masse et leur
grandeur, de sorte que l’église, dans cette partie du chœur, est
vraiment imposante par la hardiesse de sa construction C’est vers la fin
de ce XIIe siècle que le clocher de la façade fut surélevé
en même temps que les Clochetons, donnant à l’ensemble une
grâce, une élégance, que l’on voit rarement dans les
clochers romans.
Au XIIIe siècle, devant le clocher, on appliqua obliquement une
façade gothique surmontée de créneaux, avec ses trois
pertes, ce qui amena de chaque côté du clocher la transformation,
dans le même style gothique, des deux entrées des bas-côtés.
Actuellement ces deux entrées sont condamnées: l’une sert
de salle de débarras et l’autre de chapelle de Notre-Dame de Lourdes.
Le portail du milieu représente des scènes de la vie de la
Sainte-Vierge, qui, malheureusement ont été mutilées:
la Visitation, la Nativité, la Fuite en Egypte, le Massacre des
Innocents et le Couronnement.
Plus remarque est le portail méridional donnant sur le Marché.
Il fut ajouté vers la première moitié du XIIe Siècle,
avant l’agrandissement des bas-côtés de l’église.
Cet admirable portail peut être attribué aux mêmes
artistes qui sculptèrent les portes occidentales de la cathédrale
de Chartres, On retrouve [p.41] en
effet, le même genre de statues. Là aussi les statues ont
été décapitées en 1562, pendant les guerres
de religion. On peut rependant reconnaître la scène représentée
le Christ dans sa gloire. Dans la suite, nous décrirons en détail
ce portail.
LA COLLÉGIALE, FRESQUES, SACRISTIE, STATUES,
VITRAUX, CRYPTE.
A côté du grand portail méridional, côté
du Marché, on voit ne porte bouchée, style roman, simple,
mais gracieuse. Au-dessus de cette porte dans le tympan, il y a une peinture
un peu abîmée par le temps. Elle représente la Vierge
assise avec l’Enfant Jésus dans ses bras. De chaque côté
des anges sont debout, en prières, tandis que deux personnages
se tiennent agenouillés. Cette peinture d’après les costumes
paraît être du XVe siècle.
Contournant l’église, nous voici au chevet formé de cinq
absides. Celle du milieu devait être ronde, mais elle a été
modifiée au moment de la construction des murs en créneaux.
Ces murs, nous les retrouvons du côté du Cloître, actuellement
une cour occupée par les tonneaux d’un marchand de vins en gros.
De ce côté, le mur de l’église est percé de
grandes fenêtres et d’une porte de style roman. Entrons par cette
porte, nous nous trouvons dans le bas-côté gauche de l’église,
à la hauteur du chœur. Dans ce bas-côté, nous pouvons
visiter la sacristie transformée au XVIe siècle en chapelle
du Saint-Sépulcre, avec une très jolie porte surmontée
d’une fresque qui représente une scène de la Passion. C’est
sous cette sacristie que se trouve l’ossuaire. A côté, nous
voyons l’autel de Saint Michel, patron de la ville d’Etampes. La statue
de Saint Michel est quelconque, mais autour de son autel vous pouvez admirer
quelques statues anciennes en bois: Saint Joseph habillé en ouvrier
du moyen âge, Saint Jean de Matha, patron des prisonniers; Saint
Vincent, patron des vignerons, et un Saint Pierre provenant de l’ancienne
église du quartier Saint-Pierre.
Un peu plus loin, au-dessus de la porte d’entrée, voici représentés
avec art dans une verrière, des personnages énigmatiques:
c’est le vitrail des Sybilles, de l’époque de la Renaissance. Si
nous levons les yeux plus haut, nous apercevons des rois et des anges formant
clefs de voûte, ce qui est très rare à l’époque
du XIIe siècle.
Cet endroit de l’église, en se resserrant, forme au fond deux
chapelles, l’une de sainte Jeanne d’Arc, avec deux statues-colonnes [p.42] très curieuses représentant
saint Pierre et saint Paul, du même style que les statues du grand
portail méridional. L’autre chapelle est celle de saint Joseph, mais
qui fut longtemps la chapelle des saints Can, Cantien et Cantienne, patrons
secondaires de la Ville d’Etampes dont les reliques ont été
rapportées d’Italie par le roi Robert le Pieux. Ces reliques se trouvent
actuellement dans la sacristie. Dans la chapelle, on voit encore deux tableaux
représentant la mort de ces saints martyrs. A remarquer en outre,
près de ces deux chapelles sur la gauche, le tombeau du Christ en
pierre, du XVIe siècle, qui faisait partie autrefois d’une mise au
tombeau dans la chapelle du saint Sépulcre.
Avant de passer dans le bas-côté droit de l’église,
pénétrons dans la crypte par un escalier tout proche. Cette
crypte est sous le chœur. Elle est petite, mais elle a belle allure avec
ses trois nefs, Son origine a suscité bien des discussions. Nous
l’étudierons spécialement. Nous pouvons la considérer
comme la partie la plus ancienne de l’église.
Retournons dans l’église. Passons dans le bas-côté
droit en traversant le chœur. Ici les collatéraux s’élargissent.
Deux absides tiennent lieu de chapelles la chapelle de la Sainte Vierge
et la chapelle du Sacré-Cœur. Entre les deux, il y a une sacristie
qui était autrefois la salle du Trésor. Celle-ci renfermait
les reliquaires, les reliques des saints. Une inscription latine au-dessus
d’une belle porte Renaissance en bois sculpté en fait foi.
Contre cette sacristie, sur la tourelle d’escalier montant à une
sacristie supérieure, on voit une peinture du XVIe siècle,
représentant le martyre de sainte Julienne, dont le culte était
en grande vogue dans la région. A signaler encore comme peinture
ancienne, les Croix de Consécration, dont l’une est bien visible
dans ce bas côté, contre le mur. Admirons également
au même endroit le vitrail du XVIe siècle représentant
la naissance de l’Enfant Jésus et le baptême du Christ. Et
nous voici près du portail donnant sur le marché. Telle est
dans les grandes lignes la description de notre belle Collégiale.
Dans la suite, nous allons revenir sur certaines parties qui méritent
particulièrement attention.
LE CLOCHER, LE BOURDON.
Quoi de plus majestueux et d’élégant que le clocher de
Notre- Dame. Entièrement bâti en pierres de tailles, il se
compose d’une base massive, comprenant la voûte d’entrée ou
narthex, qui date [p.43] de
la construction primitive, du début du XIe siècle. Remarquons
que si l’axe du porche ne coïncide pas avec l’axe de la nef, c’est
que, le mur de gauche renfermant la cage de l’escalier étant plus
épais que le côté droit correspondante, l’ouverture
comprise entre les deux murailles a dû se reporter à droite
de la nef. Sur cette base massive, où est l’entrée, a été
construit la tour du clocher ou flèche.
Cette flèche, carrée au départ, a quatre étages
de fenêtres en plein centre sur les quatre faces. Au premier étage,
deux grandes fenêtres ornées d’élégantes colonnettes.
Au-dessus, deux autres fenêtres, moins larges avec abat-sons, surmontées
du cadran de l’horloge. Le troisième étage n’a qu’une fenêtre.
Il devient octogonal afin de recevoir les quatre légers clochetons
à jour, formés eux-mêmes de trois étages ayant
chacun cinq colonnettes. Au-dessus de ce troisième étage
c’est la toiture en forme de pyramide à huit côtés,
formant quatrième étage avec une étroite fenêtre
superposée à celle du dessous.
Le tout a 55 mètres de hauteur et donne l’impression d’une construction
romane d’une grande hardiesse en même temps que d’une grande élégance.
On a dit avec raison que c’était
«un défi jeté
par l’art roman à l’art ogival à peine né».
Ce clocher renferme deux cloches que nous allons étudier: la grosse
cloche ou bourdon et la petite cloche de Jean de Berry.
La grosse cloche date de 1718. Elle pèse 4.000 kg. Voici l’inscription
qu’on peut lire sur son pourtour. Elle est en latin, mais nous la traduisons
en français pour nos lecteurs.
«Le nom de ‘Gant’ m’a été
donné par maître Jean Dansfelt, prêtre doyen des chanoines,
qui lutta plus de 65 ans pour la gloire de son église; et par
dame Marie Bredet, femme très méritante et très
illustre de Pierre Hémard Danjouan.
«J’ai été baptisée par maître Michel
Edouard Guyonnet de Rouvray, prêtre, docteur en Droit, protonotaire
apostolique, premier Chantre et conseiller du roi en la Cour d’Etampes.
Maître Julien Jacob,
prêtre, premier chanoine, étant trésorier de la fabrique
et du chapitre. An du Christ 1718.
«Joseph Mainfroy, Jean Buisson, Symphorien Rousseau, Jean Dauphin,
marguilliers.
«Nicolas de la Paix et Louis de Claudiveau m’ont fait».
Remarquons que la cloche porte le nom de «Cant», le nom de
l’aîné des martyrs, patrons secondaires de la ville d’Etampes,
dont l’église d’Etampes possède des reliques.
Jean Dansfelt, chanoine, curé de Notre-Dame au moment du baptême
de la cloche, a encore dans l’église son portrait peint [p.44] à l’huile. On le
représente en surplis, à genoux devant un crucifix. Ce tableau
se trouve dans le bas-côté gauche, le long du mur, près
de l’autel de sainte Jeanne-d’Arc.
Marie Bredet, la marraine de la cloche, était la fille de Sébastien
Bredet, magistrat d’Etampes, qui composa «La Cantiade» poème
sur les saints martyrs, patrons d’Etampes. Ce magistrat était au
XVIIe siècle, d’une famille bien connue d’avocats et de procureurs
du roi.
Quant à Pierre Hémard
Danjouan, il était le père de Charles Claude Hémard,
avocat au Parlement, et poète lui aussi. Il composa des hymnes latines
fort goûtées à son époque, entr’autres un hymne
en l’honneur des saints Cant, Cantien et Cantienne. Mais son œuvre principale
c’est «le Chien pêcheur» ou «le Barbet des Cordeliers
d’Etampes», poème héroï-comique, où il
raconte que les Cordeliers avaient un chien qu’ils plongeaient dans la
rivière d’Etampes pour recueillir les écrevisses qui s’attachaient
à ses poils, et améliorer ainsi leur ordinaire.
Rappelons que son nom à été donné à
une rue d’Etampes: la rue du Pont Danjouan, qui va de la Roche-Plate à
la rivière. La famille des Danjouan avait son hôtel près
de cette rue.
Léon Marquis, dans
son livre sur Etampes, rapporte que «cette cloche a une forte
brèche à la partie inférieure, ce qui lui a un peu
faussé le ton. L’accident est sans cloute arrivé quand la
cloche a été mise en branle trop rapidement, car la cassure
existe où frappe le battant. Il est question de la remplacer par
une autre de fabrication moderne et qui sans être plus grosse, aurait
le son plus grave, grâce à la forme perfectionnée apportée
aujourd’hui à la fabrication».
Léon Marquis écrivait ces lignes en 1881. Le projet de refondre
la cloche n’a pas été réalisé. Mais depuis
peu M. l’Archiprêtre actuel, grâce a la générosité
de ses paroissiens, a réalisé le projet de nos ancêtres
et redonné à la vieille cloche refondue le son grave et
impressionnant qu’on attend d’un bourdon.
LA CLOCHE DU DUC DE BERRY, LE CLOCHER DE PLOMB.
La deuxième cloche du clocher Notre-Dame d’Etampes est appelée
cloche de Jean de Berry. Il importe auparavant de connaître ce personnage.
Il était le frère de Charles V, roi de France. A ce titre,
le roi le nomma duc de Berry et d’Auvergne et comte d’Etampes. Ce fut
le troisième comte d’Etampes. Dilettante, il n’aimait pas la guerre,
mais il était curieux des [p.45] arts
et des lettres. De lui demeurent encore des restes de sa magnificence,
comme des monuments à Bourges et en Auvergne, comme son Livre
d’Heures, et près d’Etampes, à Marcoussis, une statue de
la Vierge qu’il avait donné aux religieux Célestins de cette
paroisse.
Il est connu en outre pour avoir donné des cloches à de
nombreuses églises et même des timbres d’horloge comme à
Niort en 1396. C’était sans doute une des formes de libéralité
qui plaisait le plus.
Notre-Dame d’Etampes lui doit donc cette cloche appelée de son
nom. Elle fut probablement fondue en utilisant une cloche ancienne plus
petite. Jean de Berry fournit une certaine quantité de métal
et devint parrain. A cette époque, en 1401, elle était la
plus belle cloche de l’église et vraisemblablement d’Etampes. C’est
l’opinion de l’historien Louis Lefèvre. Aujourd’hui ses dimensions
paraissent très moyennes: 1 m. 35 de diamètre et 1 m. 20
de hauteur.
Voici l’inscription qu’on lit sur le bas de la cloche:
Marie ay nom la Grousse engrossie et nomée
par Jehan duc de Berry, d’Estampes la Vallée
Comte, en l’an Mille CCCC et ung, fu coulée
pour Dieu céans loer et sa mère honorée
M IIII poise.
Le tout est sur deux lignes en lettres gothiques, ornementées
d’oiseaux échassiers. La dernière phrase: «pour
Dieu louer et sa mère honorer» tient lieu de formule
protectrice, puisqu’il s’agit de sonner pour la Sainte Vierge Notre Dame
d’Etampes.
Notons qu’«Etampes» dans l’inscription est dénommée
exceptionnellement «Etampes la vallée», mais c’est
sans doute pour rimer avec le mot «coulée»; et que
le mot «poise» veut dire «pèse» ce qui fait
«pèse M IIII», autrement dit pèse «4 mille»,
sous entendu «livres», ce qui donne 2.000 kilogs environ.
D’après l’usage, la cloche porte encore des petits bas-reliefs
en forme de médaillons, au nombre de six, représentant deux
sujets répétés plusieurs fois. Le premier sujet est
la Vierge et l’enfant, entourés de hérons et de perroquets.
L’autre est l’image du Christ de pitié, appelée encore «Christ
de Saint-Grégoire» parce qu’il rappelle une vision légendaire
du Pape Saint Grégoire où Jésus est représenté
mort, sortant du tombeau et entouré des instruments de la Passion
sans oublier le coq. Cette façon d’orner les tableaux ou inscriptions
est bien une des caractéristiques de cette époque. [p.46]
Autrefois dans le clocher de Notre-Dame, il y a eu plus de deux cloches.
La charpente, qu’on appelle le beffroi, pouvait contenir au moins cinq
cloches; de plus, à l’extérieur il y avait deux petites cloches
qui servaient à l’horloge et sonnaient les quarts.
Nous ne pouvons terminer cette étude sur les cloches de Notre-Dame
sans rappeler qu’il y avait avant la Révolution, un autre clocher
qui s’élevait vers le milieu de l’église, au-dessus du transept.
C’était un clocher couvert de plomb. Ce clocher fut démoli
par les révolutionnaires. C’est ce qui résulte de l’ordonnance
suivante du fameux terroriste Couturier.
Considérant qu’à l’église,
dite de Notre-Dame, il existe deux grands et beaux clochers, dont l’un
est couvert de plomb, évalué à 60 miliers pesant...
que ce clocher est garni aussi d’une grande quantité de fer, tous
objets de la plus grande utilité, arrête:
Le clocher de plomb sera démoli, vendu par adjudication.
Signé Couturier, 27 vendémiaire An II.
A en juger par les énormes pièces de bois et les assises
de pierre que l’on voit encore sous les combles de l’Eglise on peut penser
que le clocher devait être très large et très élevé.
Aujourd’hui nous pouvons nous féliciter de ce que le ministre
des Beaux-Arts, d’accord avec la commune d’Etampes, s’intéresse
à nos églises et apporte tous ses soins à les restaurer
et à les entretenir. C’est ainsi que la flèche de Notre-Dame,
bijou d’art roman, a été particulièrement entretenu
après la guerre, et nous les en remercions vivement.
LE PORTAIL MÉRIDIONAL, SON SUJET: CONCILE,
ASCENSION OU GLOIRE DU CHRIST? SON STYLE, SA DATE.
Une partie intéressante de l’église
Notre-Dame, après le clocher, est bien le portail méridional
qui se trouve à côté du Marché. Les archéologues
et les historiens ne sont pas tous d’accord sur le sujet qu’il représente.
En 1836, Montrond écrit dans son livre Essais historiques
sur la ville d’Etampes: «Il est difficile de donner l’explication
certaine d’un tel sujet. Peut-être a-t-on voulu représenter
une image des concerts du Ciel; mais serait-il trop téméraire
de croire que l’artiste a voulu plutôt consacrer ici le souvenir
du célèbre concile national tenu à Etampes sous le
règne de Louis le Gros? Pourquoi donc n’aurait-on pas cherché
à en perpétuer [p.47] la
mémoire en gravant l’image d’une réunion d’hommes, occupés
à chanter les louanges de Dieu, sur le fronton de ce même
édifice, où tout l’épiscopat des Gaules avait aussi
par des actes de justice et de sagesse, celébré la gloire
de l’Eternel?…»
En 1881, Léon Marquis, dans son ouvrage Les Rues d’Etampes
et ses Monuments semble être du même avis. Il dit en parlant
de ce portail: «Dans l’intérieur du cintre, un groupe de trente personnages,
vêtus de robes et jouant de la lyre, représentent, dit-on,
le Concile de 1130...»
En 1902, Maxime Legrand, dans son livre Etampes pittoresque
n’est pas de cette opinion. Il écrit : «Le tympan devait
représenter autrefois, car hélas tout cela est dans un état
de mutilation déplorable, l’Ascension, avec le Christ entouré
d’Anges et des douze apôtres».
En 1907, Louis-Eugène Lefèvre, dans son travail spécial
sur le portail d’Etampes, assure qu’il s’agit avec preuves à l’appui,
non pas d’une ascension mais de la glorification du Christ.
En 1938, le Comte de Saint-Périer reprend cette même explication
dans son livre La grande histoire d’une petite ville, Etampes. Il
nous dit que le portail représente le Christ dans la Jérusalem
céleste c’est-à-dire, dans le ciel: «Au tympan le
Christ se tient debout entre deux anges, et les douze apôtres mutilés
ornent le linteau. Des vieillards de l’Apocalypse, assis et tenant des
vases et des instruments de musique, ornent les voussures...»
A notre avis, cette dernière explication paraît être
la plus vraisemblable. Nous allons d’ailleurs emprunter au travail de M.
L.-Eugène Lefèvre, les descriptions du portail et la conclusion
qu’il en tire, pour essayer de convaincre nos lecteurs.
Disons d’abord que le portail n’a pas, comme le prétendent certains,
quitté la façade du devant de l’église pour être
ensuite reporté sur le côté. Certes, quand on le regarde
pour la première fois, on éprouve une impression désagréable
de voir un aussi beau monument enfoncé dans une encoignure du bâtiment,
et en partie recouvert sur la droite par un mur qui avance. Cependant,
il est bien à sa place primitive. Dans beaucoup d’églises,
en effet, l’entrée principale, comme à Chartres, est sur la
façade Occidentale. Mais ici c’est l’agrandissement de notre église
qui a été cause du resserrement de son portail latéral.
Les chanoines de Notre-Dame voulaient, vers la seconde moitié du
XIIe siècle, embellir et agrandir leur église à cause
de l’augmentation du nombre de chapellenies et dans l’obligation d’établir
un lieu de refuge pour les malades. Déjà le transept nord
avait été exécuté, il fallait ensuite faire
le transept méridional à l’opposé. A ce [p.48] moment le portail était
en place. On fut donc obligé, en construisant ce transept de couvrir
une partie du portail et même de faire une sorte d’encoche dans le
mur pour ne pas cacher complètement l’ange de droite. Le portail
est donc bien à l’en droit exigé par la tradition.
Décrivons maintenant ce portail. De suite, on voit que les personnages
sont mutilés. Cette mutilation date de 1362, au moment des guerres
de religion.
Le principal personnage, au centre, est le Christ qui apparaît debout
au milieu de ses apôtres. Nous l’avons dit, il ne s’agit pas d’une
ascension, Jésus ne monte pas au Ciel ; il est dans le Ciel avec
les apôtres. Toute la scène est inspirée du livre de
l’Apocalypse de saint Jean, qui nous décrit le triomphe du Christ
à la fin des temps.
En effet, dans les voussures sont sculptés les vieillards de l’Apocalypse
qui participent à la glorification de Jésus. Il en est de
même des anges qui sont à sa droite et à sa gauche.
De même encore les douze apôtres qui s’alignent sous les pieds
du Christ, ainsi que les deux figurines qui sont de chaque côté
représentant probablement Jean-Baptiste à gauche (du spectateur)
et la Sainte Vierge à droite.
Examinons ensuite les statues-colonnes qui sont de chaque côté
du portail. Ils représentent des personnages de l’Ancien Testament.
Allons de droite à gauche. La première statue est ta reine
de Saba; la deuxième Salomon; la troisième David, en face
la quatrième Melchisedech, la cinquième Moïse et la
sixième la reine Esther.
Ces statues sont surmontées de chapiteaux décrivant une
série de scènes prises dans le Nouveau Testament. C’est
en partant de la droite une scène cachée par le mur qui,
vraisemblablement, était le baptême du Christ, ensuite l’entrée
de Jésus à Jérusalem, la Cène, les femmes
au Tombeau, l’apparition de Jésus à Madeleine, la tentation
d’Adam et d’Eve, et Adam et Eve chassés. De l’autre côté
du portail, à gauche: la tentation de Jésus au désert,
la tentation au temple, l’Annonciation, la Visitation, Joseph rassuré
par l’ange, le bain de l’Enfant Jésus (évangile apocryphe),
la Nativité, l’Adoration des Mages, le Massacre des Innocents, Hérode
avec les princes des prêtres. A noter de chaque côté
de la porte que les scènes de la Tentation d’Adam et d’Eve ont été
mises en pendant, par analogie avec la Tentation de Jésus au désert.
Quelle est la date de notre portail? Dans sa forme, le portail lui-nième
est en ogive, mais toute la décoration en est romane. [p.49] Nous sommes bien au XIIe
siècle, époque de transition entre le roman et l’ogival.
Il est certain, en le comparant avec le portail le Chartres que ce sont
les mêmes artistes qui y ont travaillé. Or le portail de Chartres
serait de 1135. Louis Lefèvre pense que le portail d’Etampes pouvait
être fait en 1130 pour la réunion du fameux Concile national
d’Etampes. Et cela convenait bien pour Etampes ville royale, recevant
solennellement les délégués de ce Concile.
LA FRESQUE DE «L’ECCE HOMO», INTERPRÉTATIONS
DIVERSES, CONCILE, CONCORDAT, PASSION, AUTEUR ET DATE.
Entrons dans l’église, et dirigeons-nous
dans le bas-côté gauche. Nous voici devant la sacristie,
qui fut au XVIe siècle la Chapelle du Tombeau. C’est pourquoi
l’entrée de cette sacristie est surmontée d’une large
fresque de cette époque. Evidemment elle est un peu patinée
par le temps, mais elle est assez visible et nous allons essayer de la
décrire.
Comme pour le portail méridional, il y a eu des interprétations
diverses. On y a vu une représentation du Concile d’Etampes, une
entrevue du pape Léon X avec François Ier, et enfin une
scène de la Passion.
La première interprétation est de Bigot de Fouchères,
magistrat d’Etampes en son temps, En janvier 1879, dans La Revue de Champagne,
il publiait un article où il disait que cette peinture représentait
deux tableaux: à gauche, le tableau de «l’Ecce Homo»,
en souvenir d’une statue célèbre qui se trouvait à
Etampes au carrefour dit de l’Ecce Homo; et à droite, le tableau
représentant la proclamation du pape Innocent II, faite par saint
Bernard à l’issue du Concile tenu à Etampes en 1130. La partie
droite est bien l’«Ecce Homo», mais voici ce que l’auteur de
l’article disait du tableau de gauche:
«Au premier plan, un public nombreux, dans
lequel figurent quelques personnages de distinction richement vêtus,
se prosterne jusqu’à terre à la vue des membres les plus
marquants du Concile, qui apparaissent sur une élégante
galerie formant le deuxième plan du tableau; cinq personnages et
des hallebardiers occupent ce balcon, et parmi les premiers on distingue
un cardinal à la gauche du personnage que l’on suppose être
saint Bernard. Ce saint, appuyé sur la galerie du balcon, se penche
pour montrer au peuple une immense pancarte, sans doute la décision
que vient de rendre le Concile. Dans les nuages, à une [p.50] grande élévation,
au-dessus des princes du Concile, apparaît une tête vénérable
coiffée de la tiare et montrant un livre ouvert il est soutenu par
deux anges à mi-corps: c’est vraisemblablement le pape défunt
qui vient par son apparition approuver la désignation de son successeur...»
Cette explication nous paraît bien fantaisiste. Elle est sans doute
inspirée par le souvenir de saint Bernard, et elle est de nos jours
abandonnée.
Donnons maintenant la deuxième interprétation. Elle voit
dans la fresque, à droite, en dehors de l’Ecce Homo qui serait
à gauche, une entrevue du pape avec François Ier. Cette interprétation
est acceptée par certaines personnalités, comme Maxime Legrand
et l’auteur d’un livret du Syndicat d’Initiative d’Etampes.
M. Maxime Legrand dans son Etampes pittoresque écrit: «Cette fresque représente
un Ecce Homo et une scène assez énigmatique qu’on a prise
à tort pour la figure du Concile de 1130, mais qui pourrait bien
représenter l’entrevue du Pape Léon X avec François
Ier à Bologne, lors des préliminaires du Concordat de 1516.»
Quant au Syndicat d’Initiative d’Etampes, dans son guide Etampes express
dont l’édition est aujourd’hui épuisée, il écrit:
«Scène en deux parties figurant un
‘Ecce Homo’, un prisonnier et des personnages où l’on reconnaît
un Pape et François Ier.»
La troisième opinion est de M. Eugène Lefèvre, qui
nous dit: «Cette peinture représente la scène de
l’Ecce Homo et pas autre chose». Et voici comment il explique la
fresque (article paru en 1912 dans la publication de la Commission des Antiquités
et des arts de Seine-et-Oise):
«Deux inscriptions en caractères gothiques nous fixent à
propos, non seulement sur le sujet, mais encore sur l’instant précis
que l’artiste a choisi pour sa composition dans le récit de la Passion.
Ce sont simplement les deux mots que Pilate et l’auditoire échangèrent:
«Ecce Homo» (voici l’homme), placés à gauche de
la fresque, et «Crucifige eum» (crucifiez-le), placés
à droite.
«La scène se passe donc en face du Palais de Pilate, sur la
place publique. A gauche, se dresse un grand perron couvert, sorte de
porche avec des marches pour y accéder. Sur le bord de celles-ci
se tient un personnage, dont le grand bonnet à calotte noire, avec
turban blanc enroulé, marque la haute importance. C’est Pilate
ayant auprès de lui son scribe. Il s’adresse à la foule
et prononce le fameux «Ecce Homo». Par le [p.51] péristyle très ouvert
on voit assez loin à l’intérieur Jésus, de dimension
beaucoup moindre à cause de la perspective, à qui l’on
vient de mettre le manteau rouge et la couronne d’épines. Jésus
d’ailleurs n’est là que pour fournir une indication de plus, car
le véritable Christ du tableau était sculpté en pierre
et occupait le centre de la fresque sur un support au-dessus de la porte
de la sacristie. Actuellement cette statue du Christ a été
remplacée par une statue de la Vierge.
«Sous le perron, sont les cachots, et c’est par une étroite
fenêtre grillée qu’on aperçoit un prisonnier qui naturellement
est Barabbas. Près de Pilate est un animal couché qui peut
être un lion ou un chien. Et c’est à cause de ce lion que
certains voient dans le personnage qui est à côté, le
pape Léon, ‘léo’ en latin signifiant ‘Léon’ ou ‘lion’.
Mais cela n’a pas d’importance. A l’époque de la Renaissance, on
aimait beaucoup dans les tableaux, avec les personnages, mêler des
animaux domestiques ou apprivoisés.
«La foule des Juifs qui fait condamner Jésus occupe la partie
droite de la composition. Le personnage principal d’entre eux, Caïphe
lui-même, portant robe blanche, manteau rouge et bonnet, est devant
les autre au pied de l’escalier du perron. Il relève la tête
pour crier: ‘Crucifige eum’.
«A côté de Caïphe, prince des prêtres, un
personnage nu tête doit figurer le plus éminent des Pharisiens,
un des anciens du peuple. Un troisième personnage avec un grand
bonnet doit être aussi un juif important.
«Derrière eux se tiennent sergents et soldats avec chapeaux
à larges bords, manches bouillonnées et tenant en main des
piques à gonfalons. La foule du peuple se presse derrière,
représentée par quelques individus.
«Le palais s’étend vers le fond mais sur la droite se détache
une grande galerie qui tourne et ferme ainsi la place du palais sur deux
faces. Sous cette galerie on remarque également deux personnages
entourés de monde à qui l’artiste semble avoir voulu accorder
de l’importance; je croirais volontiers qu’ils figurent Hérode et
Anne, si toutefois Hérode surtout ne se trouve pas plutôt sur
la terrasse qui domine la galerie, en spectateur désintéressé,
vêtu selon la mode la plus nouvelle, entouré de seigneurs et
escorté de deux gardes dont un muni d’une lance et l’autre d’une hallebarde.
«Au-dessus, dans le ciel, Dieu le Père apparaît sur
des nuages au milieu d’une auréole, coiffé de la tiare et
entre deux anges.»
En somme, cet «Ecce Homo», ou Présentation
de Jésus [p.52] à
la foule, est traité selon la tradition des peintres des XVe
et XVIe siècles, avec des personnages en costumes de leur époque.
L’auteur de cette fresque n’est pas Léonard de Vinci, comme quelques-uns
l’ont cru, mais c’est l’œuvre de Henry, dit Requin, ce qui n’est pas pareil.
Il fut choisi par le Chapitre des chanoines de Notre-Dame, d’après
un compte de fabrique contenant les recettes et dépenses de l’église.
Sans égaler les chefs-d’œuvre des maîtres des XVe et XVIe
siècles, cette fresque n’est pas sans valeur et nous devons la considérer
comme une des richesses de notre église.
LA CHAPELLE DU SÉPULCRE: LA MISE AU TOMBEAU,
LA RÉSURRECTION, L’ENFER, AUTEUR ET DATE.
Nous avons décrit la fresque de I’Ecce Homo qui surmonte la porte
de la sacristie et qui devait devenir au XVIe siècle la Salle
du Sépulcre. A cette époque, la mode dans les grandes églises
était d’installer un tombeau du Christ. Nos chanoines d’Etampes
voulurent un beau tombeau.
Ils s’adressèrent à un sculpteur du pays, Claude Chantereau.
Ce n’était pas un artiste, mais un bon ouvrier tailleur de pierre.
On voulut faire quelque chose d’original et d’une certaine ampleur. Le tombeau
ne fut donc pas installé au petit bonheur dans un coin de chapelle,
mais il fut installé laborieusement et coûteusement dans
une salle spéciale, la sacristie. Les comptes de fabrique de cette
époque indiquent les aménagements et les dépenses faites
pour cette installation.
On coupa la salle en deux dans sa hauteur. La salle du haut, accessible
par un escalier en vis, devint la nouvelle sacristie et celle du rez-de-chaussée
devint la salle du tombeau, le saint sépulcre. On aménagea
une belle porte d’entrée de style renaissance, surmontée
de la fresque de l’Ecce Homo, et l’ancienne porte diminuée de hauteur
servit de porte de sortie les jours d’affluence.
Dans la chapelle, ainsi aménagée, on représenta
trois tableaux, ou plutôt trois scènes.
La première scène
représentait la scène même de la mise au tombeau.
Le personnage principal, c’est-à-dire le Christ couché sur
son tombeau, étendu dans son suaire, subsiste toujours. Il est
actuellement au fond de l’église dans le bas côté
gauche, le long du mur. Le tombeau est une pierre taillée en forme
de sarcophage aux bords arrondis et sans aucun ornement. Le Christ [p.53] est sculpté lourdement
et sous la couche de peinture qui le recouvre on peut deviner des mutilations
réparées avec du plâtre. Il est un peu plus grand que
nature et occupe presque entièrement le tombeau.
Les comptes de dépenses ne font pas l’énumération
des statues qui entouraient le tombeau, mais on devine qu’il y avait
les personnages habituels. On voit encore aux coins du linceul des doigts
de ceux qui le tenaient. Ces doigts très fort indiquent que tous
les personnages étaient très grands et en rapport avec la
dimension du Christ. On voit par la barbe et les cheveux du Christ peints
en brun et la blessure rouge du côté que les statues étaient
polychromées.
Quant aux deux autres scènes qui entouraient ta mise au tombeau,
ce n’est qu’à l’aide du texte des Comptes que nous pouvons les
reconstituer. Ces deux scènes étaient une Résurrection
du Christ et un Enfer.
Pour la Résurrection, les comptes sont muets sur le nombre des
statues, mais nous pouvons présumer un grand Christ. sortant du
tombeau et montant au Ciel tenant dans sa main une croix. Les comptes notent
une croix et des anges en bois. Les anges étaient sans doute destinés
à encadrer le Christ, et on les aurait faits en bois pour pouvoir
les suspendre.
Passons maintenant à la troisième scène, qui représentait
les Enfers. Ici, on peut être très hésitants [sic], pour la représenter. Il
est dit simplement dans les comptes qu’un nommé «Portas a
maçonné le roc des Enfers et que Henry dit Requin l’a peint
de diverses couleurs». Ce rocher devait être surmonté
d’une image du Christ ou de Dieu le Père, puisqu’on ajoute «qu’un
tourneur a fourni une croix pour le Dieu qui domine les Enfers.»
L’auteur de toute la sculpture des trois ouvrages, nous l’avons dit,
s’appelait Claude Chantereau. Il y a travaillé pendant environ
15 mois, à partir de Pâques 1514, et fut payé à
raison de 3 sols tournois pour chaque jour ouvrable, soit 40 livres 16
sols parisis.
En résumé, l’œuvre de Claude Chantereau ne fut sans doute
pas de bien grande valeur artistique, mais elle nous indique la bonne
volonté du chapitre de faire quelque chose de grandiose et digne
d’Etampes. Cette bonne volonté est encore prouvée par le compte
de dépenses où figure une sortie de 40 sols parisis. «Cette
somme couvrit les frais du proviseur de la fabrique, le drapier Jehan Paris,
et du tailleur d’images Claude Chantereau, qui se rendirent à Paris,
voir et visiter les sépulcres dudit lieu pour mieux conduire l’affaire
de ladite chapelle dudit Sépulcre.» [p.54]
Aujourd’hui, le sépulcre est redevenu sacristie, mais le Christ
au tombeau, que nous conservons, demeurera parmi nous comme le témoignage
de nos ancêtres pour leur dévotion à la Passion du
Christ.
LA SACRISTIE, PEINTURES, STATUETTES, RELIQUAIRES,
L’OSSUAIRE.
La sacristie était autrefois la Chapelle du Tombeau, c’est pourquoi
elle a l’allure d’une petite chapelle du XVIe siècle. Dans la suite,
elle fut restaurée et enluminée en 1873, comme un vieux Missel,
par l’abbé Delanoue, curé à cette époque.
Aux clefs de voûte sculptées on remarque la Vierge et l’Enfant
Jésus, ce qui convenait pour Notre-Dame d’Etampes, la Sainte Face
pour rappeler la Passion, et un écusson portant un sanglier, armes
de l’archevêque de Sens qui s’appelait Henry Sanglier.
Entre les arceaux allant aux clefs de voûte sont représentés
en peinture les quatre évangélistes, quatre anges avec les
attributs de la Passion et les quatre grands prophètes: Isaïe,
Jérémie, Ezechiel, Daniel.
Sur le mur, quelques fresques: Marie assise tenant l’Enfant Jésus
et à ses pieds un chanoine agenouillé, l’atelier de Joseph,
la descente de Croix.
Au-dessus des placards, des statuettes, et des reliquaires très
curieux. Un groupe de personnages intitulé Notre-Dame de Visitation
1787, qui rappelle une guérison obtenue par l’intercession des
saints martyrs d’Etampes. Un autre groupe, la Sainte Trinité, composé
de Dieu le Père, figuré par un vieillard portant la tiare,
soutenant le Christ en Croix, et le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe
placée entre le Père et le Fils. Ensuite une Pieta, ou N.-Dame
de Piété. Tous ces groupes en bois semblent être du
XVIe siècle, même le premier qui aurait été
repeint et daté au XVIIIe.
A côté de ces groupes, voici des reliquaires, également
en bois doré, et de la même époque. D’après un
vieux manuscrit, «le bras de M. Jean Chrysostome est une châsse
en forme de bras portée par un ange». Et, lui faisant pendant,
une statuette de Saint Roch. Ces deux statuettes ont perdu leurs reliques.
Entre les deux, un reliquaire en bois doré, moins ancien, contient
une relique de Saint Vincent de Paul.
En face, toujours sur les placards, près des fenêtres, deux
reliquaires modernes en cuivre doré, renferment des reliques [p.55] précieuses. Dans
le premier, ce sont des particules d’ossements de saint François-Xavier,
de saint Grégoire de Naziance [sic],
de sainte Julienne et de saint Basile. Rappelons que les chanoines de
Notre-Dame avaient une grande dévotion pour saint Basile, dont
ils avaient emprunté les règles monastiques, et c’est pour
cette raison qu’ils donnèrent le nom de saint Basile à l’église
voisine, succursale de Notre-Dame.
Pour terminer cette visite de la sacristie, jetons un dernier regard
sur un tableau du XVIIe siècle, à droite de la porte, représentant
la résurrection d’un enfant par l’intercession des saints martyrs
Gant, Cantien et Cantienne, patrons secondaires d’Etampes, dont nous parlerons
dans la suite.
Avant de quitter la sacristie, nous pouvons visiter l’ossuaire qui se
trouve exactement en-dessous. Près de la porte, il y a une autre
petite porte, à droite, dissimulée dans la boiserie, qui
donne accès à un escalier descendant dans cet ossuaire.
L’Eglise a toujours eu le respect des morts. Ce qu’on appelle aujourd’hui
la fosse commune était autrefois l’ossuaire, c’est-à-dire
un lieu, chapelle ou caveau dans lequel on déposait les ossements.
Lorsque le cimetière entourait l’Eglise, c’était le cas
le plus général, l’ossuaire était habituellement
placé contre l’église entre les contreforts de la nef. Quelquefois
il consistait en un petit bâtiment indépendant situé
le plus près possible de l’église et percé d’ouvertures
à travers lesquelles on apercevait les ossements accumulés.
Dans les cloîtres, l’ossuaire était situé dans la
galerie accolée à l’église.
Dans l’église Notre-Dame d’Etampes, à hauteur du chœur
et dans le bas-côté gauche, il y a une porte qui donne actuellement
dans le calorifère mais qui donnait autrefois à l’extérieur
dans la partie qu’on appelle le cloître. Là était le
cimetière et plus loin la demeure des chanoines, et contre l’église,
sous la sacristie, l’ossuaire.
Le cimetière et le cloître ont disparu. Mais la demeure
des chanoines subsiste. Ce sont les maisons qui bordent la cour du cloître
et qui ont gardé leur caractère ancien. Autrefois on pénétrait
de l’extérieur dans l’ossuaire par le cimetière. Aujourd’hui
il faut passer par la sacristie. On descend un escalier en pierre qui conduit
à la hauteur de la voûte. Une passerelle en fer longe cette
voûte et mène à un ancien calorifère qui chauffait
la sacristie. De cette passerelle un autre escalier en fer descend dans le
fond du caveau. La voûte est soutenue au centre par un gros pilier
avec chapiteau sans décoration. Le style est de l’époque romane,
c’est-à-dire de l’époque primitive de l’église. [p.56]
Deux soupireaux [sic] étroits
laissent passer une lumière très discrète. Le fond
de l’ossuaire reste dans une ombre mystérieuse. Mais n’ayez crainte.
Il n’y a ni ossements, ni revenants. Autrefois on y mettait les restes des
chanoines qui étaient tout d’abord enterrés dans le cimetière
du cloître. Mais ces ossements ont été retirés
il y a quelques années, en 1868 et portés au cimetière.
Maintenant l’ossuaire n’est plus qu’une sorte de cave profonde, curieuse
à visiter et qui Pourrait servir d’abri en temps de guerre. En 1940,
le bureau des hypothèques d’Etampes y avait déposé
en sûreté ses archives.
LA MA1SON NOTRE-DAME, SOIN DES MALADES, GUÉRISON
MIRACULEUSE, NOTRE-DAME DE VISITATION.
Dans notre visite de la sacristie de l’église Notre-Dame nous
avons remarqué un groupe de statuettes représentant la
Vierge qui étend sa main sur des malades couchés dans un
lit. Cette représentation rappelle un miracle de la Sainte Vierge,
Notre Dame d’Etampes, dû à l’intercession des saints martyrs
d’Etampes. Ce miracle aurait eu lieu dans l’église.
Nous avons dit précédemment que l’église Notre-Dame
a été agrandie en plusieurs fois et en dernier lieu dans
la seconde moitié du XIIe siècle par l’élargissement
du bas-côté droit, dans Je but d’y recueillir des malades.
Cette partie de l’église s’appelait alors «la Maison-Dieu».
C’est ce que dit le vieil historien d’Etampes Dom Fleureau:
«Nous apprenons, dit-il, des Saints
Conciles, qu’en divers lieux le soin des malades fait partie de celui
que les évêques doivent prendre dans leurs diocèses,
et c’est pour cela que les hôpitaux sont ordinairement bâtis
près des maisons épiscopales, comme à Paris le grand
Hôtel-Dieu... De là est venu que les chanoines des églises
cathédrales sont demeurés en partie chargés du soin
des hôpitaux. Et depuis. comme la piété des chrétiens
s’augmentant les portés à fonder dans les villes des collèges
de chanoines sur le modèle de ceux qui étaient auprès
des évêques, on leur a donné de même qu’à
ceux des cathédrales, le soin des pauvres...»
C’est ainsi qu’à Notre-Dame d’Etampes, autrefois desservie par
un collège de chanoines, la tradition rapporte qu’ancienne ment
les lits des malades étaient dans l’église même à
droite de la nef, du côté du marché. Une petite porte
aujourd’hui bouchée [p.57] permettait
d’entrer directement dans cette partie de l’église réservée
aux malades.
Mais l’expérience fit connaître que cela était trop
incommode pour beaucoup de raisons principalement pour la tranquillité
des offices. On fit alors construire un bâtiment séparé
hors de l’église, mais toutefois au-dedans de la cour des chanoines,
dans cette partie qu’on appelle encore de nos jours «le Cloître», qui était alors beaucoup
plus étendu. Ce bâtiment est nommé dans les vieux
titres: «L’Aumônerie
de 1’Hospital».
Dès lors, les chanoines n’ont plus directement le soin des malades,
mais ce soin est confié à un chevecier ou administrateur.
En 1191, on voit l’archevêque de Sens, Guy de Noyers, régler
le droit de ce chevecier. Tant bien que mal, et plutôt mal que bien,
cette situation dura jusqu’en 1537. A cette époque, les habitants
ne purent plus supporter que les biens destinés à la nourriture
des pauvres fussent mal administrés et les pauvres abandonnés
sans secours jusqu’à mourir dans les rues faute de retraite et de
secours. Ils formulèrent leurs plaintes contre Jacques de la Vallée,
administrateur de l’Hôtel-Dieu devant Louis, cardinal de Bourbon,
archevêque de Sens, afin qu’il lui plut d’apporter le remède
convenable à si mauvais gouvernement. En 1538, Jean de Salazar,
archidiacre de Sens, permit de faire des quêtes pour l’Hôtel-Dieu
dans les paroisses de la ville. Le soin des malades fut alors confié
non plus à un administrateur servi par des laïques appelés
frères, mais aux maires et échevins de la ville. Ceux-ci
pensèrent, ajoute Dom Fleureau, qu’il n’y a rien de si apte pour
le service des malades que des filles, et ils firent cri sorte d’y établir
des Religieuses hospitalières de l’Ordre de Saint-Augustin. Ils
n’en allèrent point quérir dans d’autres villes, mais il
se présenta des filles d’Etampes, qui se vouèrent à
ce service sous la juridiction de l’archevêque. Celui-ci les reçut
à la vêture et à la profession, et approuva leurs
règles en 1649.
Ces religieuses ont continué à travers les siècles
à soigner les malades, et de nos jours ce sont encore les religieuses
du même ordre, les Augustines d’Etampes, rattachées depuis
peu aux Augustines de l’Hôtel-Dieu de Paris, qui se dévouent
auprès de nos malades.
Mais revenons à l’époque où les malades étaient
hospitalisés dans l’église Notre-Dame d’Etampes et rapportons
ce fait merveilleux qui, d’après Pierre Plisson, conseiller du roi
en 1658, se passa dans l’église:
«Or, une nuit, dit celui-ci, une infirmière,
qui s’appelait Sulpice, était en oraison tandis que deux malades
reposaient [p.58] dans leur
lit commun et qu’un troisième veillait sous le porche alors ouvert
et qui est â la base du clocher. Soudain, au milieu d’une grande
lumière, Sulpice vit descendre par la fenêtre une femme richement
habillée, accompagnée de deux jouvenceaux et d’une jouvencelle.
La dame vint s’asseoir près du bénitier, et, répondant
à sa question, les trois jeunes gens lui demandaient la guérison
des malades: alors elle prit dans le bénitier le goupillon qui s’y
trouvait et aspergea d’eau bénite les trois malades. Elle promit
à ceux qui étaient couchés la guérison et au
troisième une prompte délivrance par la mort. Puis, les trois
visiteurs mystérieusement se retirèrent par la fenêtre
comme ils étaient venus ainsi que la dame. Les prédictions
de la dame s’accomplirent, et aux récits troublants de la vieille
Sulpice, le peuple étampois ne douta pas qu’elle avait reçu
la visite de la Sainte Vierge et des trois saints patrons d’Etampes, Cant,
Cantien et Cantienne. Rempli d’une dévotion enthousiaste, il fournit
les fonds pour qu’on agrandit la fenêtre miraculeuse et qu’on y
mit un vitrail représentant la Sainte Vierge et les Martyrs. Sulpice
étant morte trois ans après, elle fut enterrée dans
l’église, à l’endroit où elle priait pendant la fameuse
nuit, et on entretint sur sa tombe, ainsi qu’au pied du vitrail, des lampes
allumées.»
Cet événement merveilleux a dû se passer vers la
fin du XIIe siècle. Le groupe en bois coloré qui est actuellement
dans la sacristie de l’église et qui représente le miracle
n’est pas de ce temps-là, tant s’en faut. Il n’est que de 1787.
On peut seulement supposer qu’il a remplacé un autre tombé
en complet état de vétusté et dont l’origine pourrait
être fort ancienne. Quoiqu’il en soit, il est évident que
le sculpteur de 1787 ne s’est pas beaucoup inquiété de conserver
à l’œuvre le caractère archaïque de l’ancien.
Le groupe a 55 centimètres de hauteur avec le socle. Les trois
malades sont assis, mains jointes, dans le même grand lit de bois;
leurs corps en partie cachés par la couverture. La garde, habillée
comme une paysanne beauceronne de nos jours avec un bonnet serrant la tête,
tenant son chapelet à la main, est agenouillée près
d’une petite table ou d’une sorte d’escabeau sur lequel est posée
une lampe.
Au pied du lit, la Vierge par rapport aux autres personnages est de grande
taille. Elle est couronnée, portant l’enfant Jésus dans
sou bras gauche, et elle étend sa main droite protectrice au-dessus
des malades. Les trois saints martyrs ne sont pas représentés.
Le socle du groupe porte la date de 1787, ainsi que l’inscription: «Notre-Dame
de Visitation».
La paroisse Notre-Dame d’Etampes conserve bien précieusement ce
groupe comme un souvenir de la charité qui s’exerçait autrefois
dans notre vénérable église, et comme un gage de
la protection maternelle de la Sainte Vierge, patronne de la paroisse.
LES CORPS SAINTS, ORIGINE DES RELIQUES, DIVERSES TRANSLATIONS
ET RECONNAISSANCES JUSQU’A LA RÉVOLUTION, LEUR CULTE.
Nous savons que le patron d’Etampes est saint Michel, mais que les saints
martyrs Cant, Cantien, Cantienne en sont les patrons secondaires.
Comme souvenir de ces saints martyrs nous avons dans notre clocher la
cloche du duc de Berry baptisée «Cant», nous avons
aussi dans la sacristie de l’église un groupe de statuettes Notre-Dame
de la Visitation, un tableau rappelant la résurrection d’un enfant,
et un reliquaire, c’est le plus précieux sou venir, contenant leurs
reliques.
A cette occasion, il serait intéressant de connaître l’histoire
de ces reliques et du culte qui leur a été rendu au cours
des âges.
On sait, par dom Fleureau, que le roi
Robert le Pieux obtint du pape Benoît VIII, lors de son voyage
en Italie, entre les années 1016 et 1020, une partie notable des
reliques des Saints Cant, Cantien et Cantienne. Il importe d’abord de
savoir qui étaient ces saints.
Le martyrologe romain, au 31 mai, nous dit: «Aujourd’hui, à
Aquilée en Italie, le martyre des Saints Cant, Cantien et Cantienne,
leur sœur de l’illustre famille des Aniciens, lesquels ainsi que Protus,
leur gouverneur, eurent la tête tranchée pour leur constance
dans la foi, sous les empereurs Dioclétien et Maximien».
Le roi Robert donna donc leurs reliques à l’église Notre-Dame
pour mettre sa bonne ville sous la protection des saints martyrs qui devinrent
les patrons secondaires, saint Michel restant le patron principal.
L’église Notre-Dame était alors en construction. En attendant
son achèvement, on déposa les reliques à Etréchy.
Ce n’est qu’en 1025 que les reliques mises dans une châsse en bois
doré, furent installées solennellement par Léothéric,
archevêque de Sens. Celui-ci eut soin de prélever, en la circonstance,
quelques ossements pour la cathédrale de Sens. [p.60]
Sous le règne de Philippe le Hardy, le 4 août 1282, en présence
de Gilon, archevêque de Sens, les reliques furent transférées
dans une nouvelle châsse en argent.
On raconte que l’archevêque hésitait à venir à
Etampes, doutant de l’authenticité des reliques. Il assista cependant
à la procession où l’on portait les reliques pour obtenir
de la pluie. On était à une époque de grande sécheresse.
Au cours de la procession qui se rendait â Etréchy, le ciel
se couvrit de nuages et la pluie tomba. On était arrivé à
Etréchy. Il fallut repartir. Impossible de soulever la châsse.
C’est alors que l’archevêque prononça ces paroles:
«Ames fidèles, voici le lieu où l’on
a d’abord placé les corps des martyrs avant qu’ils soient reçus
dans votre ville. Peut-être ne leur avons-nous pas rendu les honneurs
qu’ils méritaient et sommes-nous indignes de posséder un
pareil trésor? Ils sont à Dieu, puisque ce sont vraiment
ses saints et ses amis.» L’archevêque ayant fait cet acte
de foi, la procession reprit sans difficulté le chemin de la ville.
Les reliques étaient toujours dans cette châsse en 1531.
A cette époque, on y déposa d’autres reliques, entr’autres
«le bras de M. saint Jean Chrysostome», d’après un
procès-verbal de messire Jean Guychard, prêtre-chantre et
chanoine de Notre-Dame.
En 1562, toutes les reliques furent soustraites à la fureur des
protestants qui pillèrent et saccagèrent l’église
Notre-Dame et huit ans après, on les replaça dans un nouveau
reliquaire, en présence du cardinal de Pellevé, archevêque
de Sens.
En 1620, la châsse fut ouverte pour être réparée
et enrichie et en 1621, le lundi de Pâques 16 avril, messire Henry
Chausse, évêque d’Aure, délégué par
l’archevêque de Sens, assista à la translation, dans la nouvelle
châsse dorée, merveille d’orfèvrerie. On ajouta alors
une autre châsse plus petite pour recevoir différentes reliques,
d’où la dénomination, à partir de cette époque
de grande châsse et de petite châsse.
Enfin en 1672, Henry de Gondrin, archevêque de Sens, au cours d’une
visite, se fit ouvrir les deux châsses pour s’assurer de l’importance
de leurs reliques.
A cette époque et depuis six siècles, les reliques de nos
saints martyrs étaient l’objet d’une grande vénération.
Il y avait alors deux processions instituées les mardis de Pâques
et de la Pentecôte, pendant lesquels on portait les châsses.
A ces processions, toutes les paroisses de la ville y étaient représentées.
Au moment de sortir de l’église, rapporte un vieux manuscrit, les
curés des quatre paroisses de la ville appuient une main [p.61] au coin de la châsse
qui leur est assignée par l’image du patron de leur paroisse. Cela
se fait pour conserver à la ville entière la possession de
la dite châsse. Dès qu’elle est sortie, les curés reprennent
leur rang pour suivre la procession. Et une cérémonie semblable
a lieu à la rentrée dans l’église Notre-Dame.»
Un auteur, rendant compte d’une de ces processions, en fait le tableau
suivant: «La procession la plus solennelle
a lieu le mardi de Pâques. En tête de la procession, l’on
voit les capucins et les cordeliers, dont chacun connaît le recueillement.
Ils sont suivis par les barnabites, qui précèdent le clergé
de toutes les paroisses de la ville et des environs. Ensuite arrivent
les chanoines de Notre-Dame et de Sainte-Croix qui marchent ensemble,
sur deux rangs. La châsse portée par des hommes marchant
nu-pieds et couronnés de fleurs, est entourée de torches
et de flambeaux; elle est suivie d’une autre châsse plus petite.
Il y a encore un reliquaire de saint Jean Chrysostome et une image en ronde-bosse,
dans laquelle est un morceau des vêtements de la Sainte Vierge. Le
prêtre qui doit célébrer la messe porte une croix d’argent
finement travaillée. Cette croix et le reliquaire de la Sainte Vierge
ont été donnés à l’église Notre-Dame
par Louis d’Evreux, comte d’Etampes.»
On se rendait en foule à ces processions de tous les lieux voisins.
Certains même venaient de lieux très éloignés.
Il y avait, par exemple, un officier du règne de Louis XV, qui,
en quelque lieu que fut son régiment, demandait chaque année
une permission de quelques jours, pour assister à Etampes, à
la procession des Corps Saints.
Que sont devenues les reliques des Corps Saints, au moment de la Révolution
de 1793?
Dans une note que nous avons trouvée dans les archives paroissiales,
voici ce qu’écrit M. l’abbé Baron, curé de Notre-
Dame de 1834 à 1847:
«Au moment de la persécution en
1793, la châsse de vermeil fut enlevée et les reliques livrées
aux flammes. Heureusement celui qui présidait à l’incendie
de ces objets sacrés permit aux assistants d’enlever ce qu’ils pourraient,
et une femme pieuse put sauver un petit ossement qu’on croit être
un doigt. Elle le conserva religieusement chez elle jusqu’à la cessation
de la persécution. Le commissaire qui accorda la permission d’emporter
quelque chose des reliques s’appelait Lebas.
«Sitôt que 1’Eglise commença à jouir d’un peu
de calme, un homme vraiment chrétien nommé M. Ranouard,
mort il y a [p.62] quelques
années, après avoir été trésorier de
la fabrique de Notre-Dame pendant 40 ans, apprit qu’une parcelle des Corps
Saints avait été sauvée. Alors il la demanda à
la personne qui en était la dépositaire. L’ayant obtenue,
il la fit reconnaître à Paris par M. l’abbé de l’Espinasse,
chargé avant le Concordat de l’administration spirituelle des environs
de Paris. Aussitôt que toutes les formalités voulues pour
établir l’authenticité de la relique furent accomplies, et
dès que le culte fut rétabli, il y eut une cérémonie
pour la reconnaissance et le rétablissement de la dévotion
aux Corps Saints.
«En présence de M. Boivin, curé de Saint-Basile, de
Saint Gilles et de Saint-Martin, et d’un grand nombre de fidèles,
le petit ossement fut renfermé dans une petite boîte. Le sceau
de l’ancien Chapitre de Notre-Dame fut apposé dessus, sur cire
cachetée collant un ruban rouge; puis la même petite boîte
fut renfermée dans une châsse en bois doré.
«Dès lors le culte des Corps Saints fut observé comme
avant 1793. Les processions des mardis de Pâques et de la Pentecôte,
les neuvaines, reprirent avec une nouvelle vigueur. Plus tard, par les
soins de M. Banouard, une autre châsse fut substituée à
l’ancienne qui n’était qu’en bois doré. Cette châsse
d’un très beau travail est en cuivre doré.
«On connaît tous ces détails par le récit de
M. Banouard et par des vieillards qui en furent les témoins. La
relique est bien authentique qui fasse mention de son existence, de sa reconnaissance,
de l’approbation de l’autorité spirituelle
[sic]. Il est à désirer que cette relique
soit revêtue d’une authenticité plus régulière
et plus canonique.»
signé: Baron,
curé de Notre-Dame.
Le désir de M. Baron s’est réalisé bien mieux plus
tard. Un de ses successeurs, M. l’abbé Bonvoisin, curé de
Notre-Dame de 1856 à 1867, ayant lu dans dom Fleureau que Milan
et Sens possédaient des reliques des Saints Martyrs, s’adressa d’abord
à l’archevêque de MIilan pour avoir quelques fragments des
reliques. La lettre resta sans réponse. Alors M. Bonvoisin s’adressa
à Sens en faisant remarquer que les reliques possédées
à Sens venaient d’Etampes, qu’elles avaient été données
par déférence au XIIe siècle à l’archevêque
de Sens par l’église collégiale d’Etampes, qui à
cette époque dépendait de l’archevêché de Sens
et que, si Sens avait pu conserver ses reliques à la Révolution,
il était juste que Sens partageât avec Etampes, qui avait
perdu les siennes.
Voici la réponse du chanoine Carlier, gardien du trésor
de la cathédrale de Sens. Cette lettre est datée du 23 septembre
1865.
«M. le Curé. Vous me demandez comment
les reliques du trésor de Sens ont été sauvées
de la profanation en 1793. Je m’empresse de vous transmettre ce renseignement,
qui pourra vous être très utile dans la notice que vous
préparez.
«Les membres du district vinrent un jour au trésor pour en
enlever les ornements d’or, d’argent et de pierreries qui étaient
incrustés dans les châsses sous le prétexte de les
envoyer à la monnaie, mais en réalité pour se les
partager. Tout ce qui était précieux fut arraché
et emporté. Quant aux châsses et aux ossements qu’elles contenaient,
elles n’eurent pas le privilège d’exciter la stupidité
des Vandales. Elles furent donc rejetées de côté.
Ce n’était à leurs yeux que du bois et des ossements.
«Le soir du même jour, M. Jean Hédiard, loueur de chaises
du Chapitre et Charles Derouet, sacristain, se concertèrent et
profitant des ténèbres, ils portèrent toutes les
reliques chez l’un d’eux, qui demeurait dans le voisinage de la Cathédrale.
Toutes les châsses furent cachées dans un cabinet qui se trouvait
placé au fond d’une alcôve. Et afin que ces objets sacrés
ne pussent pas être découverts par les révolutionnaires,
on masqua la porte du cabinet par un papier de tenture placé à
l’intérieur de l’alcôve et qui passait devant la porte sans
l’indiquer.
«A la restauration du culte, Monseigneur de la Tour du Pin Montauban,
replaça solennellement toutes ces reliques au trésor.
«J’aime à croire que ces renseignements suffiront pour vous
convaincre que toutes les reliques du trésor de la Cathédrale
de Sens sont parfaitement authentiques.
«Agréer [sic], M.
le Curé...»
signé: CARLIER,
chanoine, gardien du trésor.
Ainsi, assuré de l’authenticité des reliques de Sens, M.
Bonvoisin en obtint quelques parcelles. Il s’occupa alors de faire revivre
le culte des Corps Saints, à Etampes, Il édita une petite
notice historique sur les Saints Martyrs et acquit une belle et grande
châsse en bronze doré, grâce à des dons et à
l’argent recueilli par la vente de sa notice. Et on reprit les processions
traditionnelles avec la châsse. Cette châsse fort lourde fut
remplacée dans la suite par une autre plus petite, que l’on plaça
d’abord dans la chapelle des Corps Saints. Aujourd’hui cette chapelle est
devenue la chapelle de saint Joseph. L’ancienne châsse se trouve
dans le bas-côté gauche de l’église, à terre,
près de la porte de sortie sur le cloître, et le nouveau
reliquaire [p.64] est maintenant
dans la sacristie. Près de la chapelle de saint Joseph; à
droite, le long du mur, on peut voir encore deux grands tableaux représentant
la mort des Saints Martyrs.
Quant aux processions des mardis de Pâques et de la Pentecôte,
elles ont cessé après la loi de Séparation des Eglises
et de l’Etat, vers 1905. Les personnes d’un certain âge se rappellent
très bien les avoir vues. Aujourd’hui, elles n’ont plus lieu. Mais
souhaitons que nos Saints Martyrs Cant, Cantien et Cantienne, donnés
comme patrons à Etampes avec saint Michel, protègent toujours
notre ville, celle que nos rois aimaient appeler «notre bonne ville
d’Etampes».
SAINTE JULIENNE, SA FRESQUE, SA RELIQUE, SA CHAPELLE.
Dans notre église, il existe une fresque ou peinture murale, moins
importante que celle de «l’Ecce Homo», mais intéressante
à plusieurs points de vue. Il s’agit de la représentation
du martyre de sainte Julienne. Cette fresque se trouve au fond de l’église
dans le bas-côté droit, sur la tourelle d’escalier qui conduit
à l’étage supérieur de l’ancienne salle du Trésor,
aujourd’hui sacristie de la chapelle de la Sainte Vierge.
Plusieurs saintes portent ce nom de sainte
Julienne. La plus célèbre est sainte Julienne de Falconieri,
fondatrice de l’Ordre des Servites de Marie. Celle qui nous concerne est
sainte Julienne, vierge, martyrisée à Nicomédie,
en Asie Mineure, sous l’empereur Maximilien, le 16 février 311.
On l’aurait fait mourir en la mettant dans une chaudière d’huile bouillante.
Après
la prise de Constantinople en 1203 par les Croisés, son corps,
ou ce qui restait de son corps, ses reliques furent emportées par
ces derniers. D’après une certaine tradition, un chevalier breton
faisant partie de la Croisade obtint la tête de la sainte pour l’emporter
dans son pays. Au retour, en passant au Val Saint-Germain, près de
Dourdan, il fut retenu par une grave maladie, et il fit le vœu, s’il recouvrait
la santé, d’élever au Val une église en l’honneur
de sainte Julienne et d’y déposer sa relique. Il guérit
et l’église fut construite. Dès lors, pendant des siècles,
des milliers de pèlerins se donnaient rendez-vous au Val surtout
pendant la semaine de la Pentecôte. On venait de trente lieues à
la ronde, de Paris, de Chevreuse, de Saint-Michel sur-Orge, de Saint-Hilarion,
de Bouville, d’Etampes. Ce sont des noms que nous avons relevés
au hasard parmi les inscriptions sur les nombreux cierges laissés
en ex-voto par les pèlerins. [p.65]
Bien des églises dans la région voulurent avoir une statue,
vitrail, une image ou même une relique de sainte Julienne. c’est
ainsi qu’au XVIe siècle, dans l’église Notre-Dame d’Etampes,
on représenta le martyre de la sainte sur un mur. Elle y est montrée
dans sa chaudière, entourée de deux bourreaux qui attisent
le feu, en costumes de soldats du moyen âge, dans un édifice
aux colonnes surmontées de chapiteaux à volutes. D’après
ces détails, la peinture semble être du début du XVIe
siècle, comme celle de l’«Ecce Homo» de la sacristie.
En dehors
de cette peinture, nous possédons de sainte Julienne une relique,
un petit ossement.
Il est
certain au moyen âge qu’il y avait dans la paroisse une confrérie
de sainte Julienne, avec un autel dans l’église. Cet autel se trouvait
près de la peinture, car nous y voyons en-dessous de cette peinture,
une crédence, c’est-à-dire une petite niche creusée
dans la pierre où on déposait les burettes. Y avait-il à
cette époque un reliquaire de la sainte à cet endroit? C’est
possible. En tout cas, la relique que nous possédons à l’heure
actuelle vient de l’église Sainte-Croix, qui était sur la
paroisse Notre-Dame, relique qui a été sauvée à
la Révolution et remise ensuite à Notre-Dame.
Pour recevoir cette précieuse relique, M. Denervaux, alors curé,
aménagea une chapelle dite de sainte Julienne, à l’endroit
où est actuellement la chapelle de sainte Jeanne d’Arc. Le 16 février
1819 il procéda à la bénédiction de la nouvelle
chapelle dont les frais d’aménagement avaient été
assurés par les soins d’Anne Ferry, épouse Berga, habitante
de la paroisse. Il bénit également ce même jour, une
nouvelle châsse en bois doré en forme de tombeau, surmontée
d’une statue représentant sainte Julienne dans sa chaudière.
Dans ce reliquaire, il y déposa des reliques déjà existantes
de plusieurs saints.
La chapelle et le reliquaire ainsi préparés, il organisa
quelque jours après une cérémonie pour y déposer
la relique de la sainte. Voici le procès-verbal où il rappelle
cette installation ainsi que l’origine de la relique:
«L’an depuis la naissance de N. S. Jésus-Christ
1819, le 3 juin, sous le Pontificat de Pie VII, Mgr Louis Charrier de
la Roche étant évêque de Versailles, sous le règne
de Louis XVIII, roi de France et de Navarre, Nous, Jean François
Denervaux, curé de Notre-Dame d’Etampes, ayant reçu d’une
personne pieuse un reliquaire ovale d’étain, contenant une portion
des reliques de sainte Julienne, vierge martyre, avec l’authentique envoyé
de Rome le 13 janvier 1754 par Mgr l’Evêque de Porphyre, assistant
in trône pontifical, à l’Eglise collégiale de Sainte-Croix
d’Etampes, [p.66] lesquels
reliques ont été vues et permises d’être exposées
à la vénération des fidèles par Mgr Paul
d’Albert, archevêque de Sens, à Etampes le 9 mai 1758 dans
le cours de ses visites épiscopales; lesdites reliques ayant été
sauvées par une personne pieuse de la destruction avec l’authentique;
nous les avons exposées dans une châsse avec d’autres reliques
en présence du clergé et des administrateurs de la fabrique
de Notre-Dame et autres notables soussignés avec nous... »
suivent les signatures.
Voilà donc la relique installée dans sa chapelle. Au-dessus
de l’autel on mit un rétable [sic] en
bois contenant un tableau peint à l’huile représentant,
comme la fresque, le martyre de sainte Julienne. Le rétable et le
tableau provenaient de l’église Sainte- Croix et avaient échappé
comme la relique à la destruction des révolutionnaires. Le
rétable en bois a disparu. Quant au tableau, il se trouve dans le
presbytère de Notre-Dame, mais quelque peu détérioré.
En 1832,
la relique de sainte Julienne fut déposée dans un autre
reliquaire plus important, en cuivre doré. C’est ce reliquaire que
l’on sortait en procession au cours du siècle dernier avec un reliquaire
semblable contenant les reliques des Corps Saints. Ces deux reliquaires
sont actuellement dans la sacristie, témoignage de l’antique vénération
des Etampois pour leurs Saints.
LA CRYPTE DE NOTRE- DAME: ORIGINE, DESCRIPTION, DESTINATION.
Les cryptes dans les premiers siècles du christianisme étaient
des lieux souterrains où les fidèles ensevelissaient leurs
morts et honoraient les martyrs. Lorsque la religion put se montrer au
grand jour, à la suite de l’Edit de Constantin en 313, on éleva
des églises au-dessus de ces cryptes. Dès lors, elles furent
destinées à ensevelir les membres du clergé ou les
personnages de marque. Et dans la suite on prit l’habitude au moins pour
les églises importantes, de construire sous ces églises
des chapelles souterraines servant à quelques cérémonies
funéraires. Ce ne fut qu’à partir du XIVe siècle
qu’on les vit disparaître presque complètement.
Ainsi, sous le chœur de l’église Notre-Dame d’Etampes existe une
crypte très ancienne qui remonterait à l’époque
carolingienne, au IXe siècle. Elle servait de crypte à
une église de cette époque. On y descend actuellement par
deux escaliers latéraux [p.67]
donnant dans les bas-côtés de l’église.
Elle a environ 7 m. 50 de long sur 5 m. 50 de large avec le fond en demi-cercle.
Sa voûte romane s’appuie sur un double rang de trois colonnes et
sur douze demi-colonnes accolées aux murs. Les chapiteaux de ces
colonnes sont carrés à pans coupés avec quelques
dessins assez frustes. L’ensemble avec ses trois petites nefs en est très
harmonieux.
Primitivement, cette crypte n’était pas souterraine comme elle
est maintenant. Au-dessus s’élevait une église qui avait
été construite par les envoyés de l’évêque
Savinien, évêque de Sens. Elle était dédiée
à l’un d’entre eux, saint Sérin. De l’intérieur de
l’église on pénétrait dans la crypte par une porte
actuellement bouchée, située au milieu de la nef dans le
bas. La crypte était éclairée par une baie étroite
sur la gauche, dont la forme se rétrécissant vers l’extérieur
et l’élévation au niveau de la voûte, montre bien qu’il
s’agit de fenêtre romane, recevant la lumière du dehors. Quand
Robert le Pieux a fait construire la collégiale sur son emplacement,
la petite église de Saint-Sérin a été démolie
et les matériaux restés sur place ont enterré complètement
la crypte.
Actuellement, la crypte est donc enfoncée à environ trois
mètres de profondeur sous le dallage du chœur. Et de plus, il est
probable que son sol n’est pas à la hauteur primitive. Ainsi les
niches pratiquées dans le mur de chaque côté de l’autel
devaient servir de crédences et leur peu d’élévation
fait voir que le carrelage du sol a été lui-même
exhaussé.
De tout ceci on peut conclure que cette crypte appartenait à la
première église élevée à Etampes,
église fondée vers le XIe siècle [sic, coquille probable pour IIIe siècle]
par les envoyés de Sens apôtres des Carnutes, s’il faut
s’en rapporter à la tradition.
Disons toutefois que les historiens ne sont pas tous d’accord sur ce
point. C’est ainsi que M. Léon Marquis, dans son livre Les Rues
d’Etampes et ses Monuments ne fait remonter la crypte que vers l’an 1500,
en disant qu’elle n’est pas autre chose que le caveau de Jean de Foix et
en s’appuyant sur Dom Fleureau. Or voici ce qu’écrit ce dernier
à propos de Jean de Foix: «Ce seigneur, après s’être
retiré en France autant plein d’honneur qu’accablé de travaux
et de fatigues étant tombé malade, il se fit porter en la
ville d’Etampes, où il arriva le cinquième jour de novembre
1500, et quelques jours après il mourut et son corps fut inhumé
dans une petite voûte du caveau fait exprès dans le chœur
de l’église Notre-Dame, entre le grand autel et l’effigie du comte
d’Evreux.» [p.68]
Il est certain que souvent les grands personnages au moyen âge
étaient enterrés dans les églises. Mais leur tombeau
n’était pas forcément dans des cryptes. D’après dom
Fleureau, il s’agit d’un caveau entre le grand autel et l’effigie du Comte
d’Evreux. Or le grand autel n’était pas comme maintenant dans le
fond de l’église mais au milieu du chœur; et l’effigie du comte d’Evreux
qui surmontait son tombeau n’était certainement pas au milieu du chœur
mais sur le côté. Le caveau de Jean de Foix fut probablement
mis au même endroit.
D’ailleurs, au dire même de Léon Marquis, la crypte qui
avait pu dans les débuts, servir de sépulture, fut dans
la suite réservée aux offices des chanoines ou des fidèles,
Il écrit en effet : «La crypte servait aux chanoines durant
l’hiver pour y célébrer l’office canonial; et pendant la
Révolution, en 1793 et 1794, les fidèles fervents s’y rendaient
pour assister à la messe â l’abri des persécutions.»
Après la Révolution en 1811, elle fut restaurée.
On voit cette date au-dessus de l’escalier d’entrée qui est dans
le bas-côté gauche de l’église. Il y a un autre escalier
en face s’ouvrant dans le bas-côté droit. Ces deux entrées
latérales ont été aménagées bien après
la construction de l’église, quand l’autel principal a été
reporté dans le fond de l’Eglise. C’est à ce moment qu’on
boucha dans la crypte, la porte du milieu.
De nos jours, M. l’archiprêtre, curé de Notre-Dame, y a
installé un autel surmonté d’une vierge en pierre du XVIe
siècle et de temps en temps, principalement l’hiver, où
il règne une douce température dans cet endroit souterrain,
on y fait des réunions et des offices.
Si vous voulez visiter cette crypte, c’est facile. Elle est toujours
ouverte. Vous allez dans le bas-côté gauche de l’église,
à la hauteur du sanctuaire. Vous descendez un escalier de quelques
marches et pour vous éclairer vous avez deux boutons d’électricité
à votre main droite, qui donneront à la crypte, une lumière
discrète tout en vous permettant de l’admirer en détail. On
peut dire que c’est une partie de l’église très intéressante
par son architecture, en même temps la plus vénérable
parce que la plus ancienne.
LA COLLÉGIALE: LE VITRAIL DES SIBYLLES, CURIOSITÉ
DU SUJET, SA PERFECTION ET SA RICHESSE.
Le vitrail, dit des Sibylles, dans l’église Notre-Dame est remarquable
par sa facture et son sujet. Il date de l’époque de la Renaissance
du XVIe siècle. Son dessin et ses couleurs sont fort bien traités.
Léon Marquis écrit avec enthousiasme dans son livre sur Etampes:
«Par un jeu de la perspective, dû sans doute à l’étrange
irrégularité du monument, l’œil rencontre cette verrière
presque de tous les côtés de l’église. Tantôt
à demi voilée par une colonne, tantôt se découvrant
tout entière, c’est une explosion de vive lumière où
les têtes semblent s’animer et les personnages se mouvoir.»
Quant au sujet traité, il est curieux.
C’est la représentation de l’Arbre de Jessé, sujet que
l’on retrouve assez souvent au moyen âge. Ainsi, nous le voyons
à l’église Saint-Basile, non pas peint, mais sculpté
dans le dossier d’un fauteuil, qui, dit-on, aurait servi à l’archevêque
de Sens, Tristan Salazar, quand il vint à Etampes pour la consécration
de l’église le 11 mars 1497. Ce fauteuil se trouve le long du
pilier de droite, à l’entrée du chœur près de la
grille. Ailleurs, on peut voir ce sujet dans une verrière de la
cathédrale de Chartres, et de la Sainte Chapelle, à Paris.
Tout le tympan du portail septentrional de la cathédrale de Bauvais [sic] est rempli par un immense
arbre de Jessé. On trouve des arbres de Jessé jusque sur
des constructions civiles.
L’arbre de Jessé, c’est l’arbre généalogique du
Christ. Le patriarche Jessé est représenté à
terre et endormi. De sa poitrine s’élance un tronc vigoureux qui
se ramifie de chaque côté, et chaque branche porte un des
ancêtres ou un prophète qui a annoncé sa venue. La
plus haute branche se termine par la Vierge Marie tenant l’Enfant Jésus
entre ses bras.
Ce qui est remarquable dans l’arbre de Jessé du vitrail d’Etampes,
c’est que les ancêtres ou prophètes de Notre Seigneur sont
remplacés par des prophétesses ou sibylles. L’auteur de ce
vitrail a cédé à la tendance de son époque, la
renaissance du monde païen, et il a dû faire un tour de force
en attribuant aux Sibylles des prophéties concernant le Messie.
Le vitrail représente donc douze Sibylles portées sur des
branches. Elles montrent un écriteau où sont écrits
en caractères gothiques, quelques passages de leurs soi-disants
oracles. Voici les noms des personnages avec la traduction française
des oracles.
Le haut du vitrail représente la Vierge Marie et l’Enfant Jésus. [p.70] Un peu au-dessous
nous voyons deux vrais prophètes avec leurs prédictions
authentiques.
A droite, c’est Isaïe qui annonce: «Un rejeton sortira
de la race de Jessé»; à gauche c’est David qui dit
«Tu es prêtre pour l’éternité».
Voici maintenant les Sibylles. Nous mettons leurs oracles entre parenthèses.
D’abord, en partant de la gauche: la sibylle Agrippa (un grand prophète
naîtra d’une vierge par miracle); la sibylle de Cumes (ils
donneront des soufflets à Dieu de leurs mains criminelles, leurs
lèvres impures le couvriront de crachats) la Tiburtine (celui-ci
est vraiment grand, il faut l’adorer).
Au deuxième rang:
la Delphique (il reposera couché sur la paille comme un agneau,
Dieu et homme il sera élevé par les soins d’une vierge);
la Lybique (il naîtra d’une vierge dans la pauvreté et
son règne n’aura pas de fin); la Persique (une vierge naîtra
qui nourrira son fils de son propre lait).
Dans la rangée suivante: la Cimmérienne (il naîtra
d’une pauvre femme, les animaux eux-mêmes lui rendront hommage);
l’Egéenne (dans des temps très prochains un Dieu naîtra
d’une vierge juive); la Samienne (dans ce dernier âge, Dieu
se fera homme et deviendra le salut des nations); la Phrygéenne
(on touchera le Verbe invisible de Dieu, Dieu il naîtra d’une vierge);
l’Erythréenne (Jésus-Christ, fils de Dieu et Sauveur dans
la suite des siècles viendra du Ciel comme roi, plein de sainteté
il paraîtra dans sa chair pour juger le monde); enfin l’Européenne
(il viendra, il règnera dans la pauvreté et le silence).
Toutes ces prophétesses aux attitudes différentes, sont
richement habillées. Leur costume est varié. Il est éclatant
sans être criard. L’or s’y mélange agréablement avec
la pourpre; les perles brillent sur les sandales; les joyaux envoient de
doux reflets; et rien dans les plis des vêtements ne saurait choquer
la plus correcte élégance.
Ce vitrail est vraiment une merveille. Il est du temps où Anne
de Pisseleu et Diane de Poitiers furent en succession rapide duchesses
d’Etampes. Sa beauté rare laisse fort à supposer qu’il est
un présent de l’une de ces dames fameuses.
A la Révolution il subit quelques dommages. Il fut réparé
en 1873 par les soins de M. l’abbé Delanoue, le même curé
de Notre-Dame qui restaura la sacristie à la même époque.
Cette restauration porta seulement sur la partie inférieure du vitrail.
Le sujet principal avait été épargné et il
faut nous en féliciter, car c’est une œuvre d’art de haute valeur,
en même temps qu’un curieux document comme sujet religieux et profane
tout à la fois. [p.71]
VITRAIL ANCIEN DE JEAN
HUE: BAPTÊME ET NAISSANCE DU CHRIST. AUTRES VITRAUX.
Dans les comptes de dépenses de l’église Notre-Dame des
années 1513-1515, il est fait mention de six verrières
qui furent restaurées. A l’heure actuelle ces verrières n’existent
plus, sauf une seule: la verrière de Maître Jean Huë.
C’est elle que nous allons décrire. Elle se trouve dans le bas-côté
droit, non loin de l’autel du Sacré-Cœur. Elle occupe une grande
fenêtre à plein-cintre du XIIe siècle et comprend deux
sujets de deux époques différentes : le Baptême du
Christ et sa Nativité, La partie supérieure du XVe siècle,
représentant le baptême est de beaucoup plus intéressante
que la partie inférieure datée de 1571.
Parlons d’abord du tableau supérieur. Jésus et Jean-Baptiste
en occupent le centre. Ils paraissent de grandeur naturelle. Attention
de ne pas confondre Jésus avec Jean-Baptiste ou réciproquement,
parce que contrairement à la tradition Jésus est habillé
dans un grand manteau bleu et semble dominer Jean-Baptiste. Il croise les
bras sur sa poitrine. Sa tête n’est pas auréolée mais
ornée de quelques rayons dorés. Ses pieds trempent dans
l’eau du Jourdain. En face de lui Jean-Baptiste est vêtu d’un court
vêtement de peau de bête. Il lève le bras droit pour
verser l’eau sur la tête de Jésus au moyen d’une écuelle,
et son bras gauche porte un tout petit agneau, l’agneau de Dieu qu’il a
annoncé et qu’il est en train de baptiser.
Au-dessus de Jésus on aperçoit une colombe qui symbolise
l’Esprit Saint, la colombe descendue sur sa tête au moment du baptême,
et on peut lire au même endroit sur une sorte de bandelette les paroles
prononcées par le Père en cette circonstance «Hic
est filius meus dile...» (dile.., pour dilectus)
«Celui-ci est mon fils bien aimé». D’ailleurs
le Père apparaît en haut sur la droite.
Sur les bords du fleuve où a lieu le baptême on aperçoit
quatre personnages habillés comme à l’époque du vitrail
à droite, un homme âgé et une femme, et à
gauche deux jeunes gens. C’est probablement la famille de Jean Huë.
Le paysage se réduit à quelques plantes vertes sur la rive.
Mais le fond du tableau est comme tendu d’un riche tissu à fond rouge
avec des arabesques noirs. Et le tout est surmonté d’une décoration
avec niches, supportée par des colonnes à chapiteaux flamboyants. [p.72]
La donation de ce vitrail est attribuée à Maître
Jean Huë, né à Etampes, doyen de la Sorbonne, mort
en 1482. Ceci suppose que le vitrail est au moins de la seconde moitié
du XVe siècle, et nous devons nous féliciter qu’il soit
parvenu jusqu’à nous sans dommage, ce qui est assez rare pour les
vitraux de cette époque qui ont eu à subir la fureur des
Huguenots au moment des guerres de religion.
Il n’en a pas été de même pour la partie inférieure
de ce vitrail, qui représente «l’Adoration de l’Enfant Jésus».
Le choix de ce sujet avait été fait intentionnellement en
même temps que le sujet supérieur représentant le baptême
du Christ. Ces deux épisodes sont rappelés par l’Eglise à
l’occasion de la fête de l’Epiphanie. On avait donc au XVe siècle
représenté les deux sujets clans la verrière, mais
la partie inférieure seule fut détruite par les Huguenots
en 1562, parce qu’elle était plus accessible à leurs coups.
En 1571, date visible dans le vitrail même, on répara hâtivement
les dégâts après leur passage. C’est cette restauration
d’un verrier moins habile que le premier que nous avons actuellement sous
les yeux. La scène se passe non dans une pauvre étable, mais
dans un palais de style Renaissance qui paraît en ruines. L’Enfant
Jésus est au premier plan couché sur des langes, un âne
et un bœuf de taille minuscule soufflent sur lui pour le réchauffer,
suivant la tradition. Autour de l’enfant, la Vierge et saint Joseph et
un troisième personnage à peu près vêtu comme
saint Joseph. Ce troisième personnage, qui occupe une place importante,
qui n’est ni mage, ni berger, doit probablement représenter le donateur
de ce vitrail: maître Jean Huë.
Pour conclure, disons que ce vitrail en grande partie du XVe siècle
est par ce fait une curiosité rare à notre époque.
Dans notre église, nous pouvons en citer d’autres qui n’ont pas
toutefois cette valeur, mais qui ont un certain intérêt,
vitraux posés au cours des siècles suivants. Ainsi, les quatre
rosaces percées clans les murs nord et sud du transept, particulièrement
belles et riches par leurs tonalités, qui sont du XIXe siècle.
Quant au grand vitrail du chœur au-dessus du maître autel, il peut
dater du XVIIle ou même du XVIIe siècle. Il représente
l’Assomption de la Sainte Vierge, mais à la suite des bombardements
de la dernière guerre il a été fortement ébranlé
et il s’en va par morceaux. A souhaiter qu’il se trouve un bienfaiteur comme
Jean Hué pour le restaurer ou le refaire complètement dans
une facture meilleure. A signaler encore dans un vitrail de la sacristie
un Petit panneau en grisaille représentant
[p.73] saint Sébastien, très fin comme
dessin, que l’on peut dater du XVIe siècle.
En somme, l’église Notre-Dame d’Etampes peut dire qu’elle possède
quelques beaux et précieux spécimens de vitraux anciens.
SON HISTOIRE A TRAVERS LES AGES, SES CÉRÉMONIES:
«LE SALUT PAR PERSONNAGES»
L’Eglise Notre-Dame est dans son ensemble
un monument impressionnant. Le chœur, avec ses vastes dépendances,
avec ses imposants piliers aux nombreuses colonnettes, étonne le
visiteur. La beauté de la construction et ses dimensions rares
s’expliquent quand on sait que l’église était Collégiale,
c’est-à-dire administrée par un collège de chanoines,
assisté de nombreux chapelains. Il y avait douze chanoines et jusqu’à
dix-sept chapelains auxquels on peut ajouter le chapelain de la chapelle
de Saint-Jacques de Bédégond et celui de la chapelle Saint
Laurent du Château.
Il faut aussi savoir que les rois successeurs de Robert le Pieux se plurent
à enrichir la collégiale. Celle-ci profite encore de ce que
Etampes devint comté, puis duché. Les comtes d’Etampes lui
accordèrent de royales aumônes, et l’un d’eux, Louis d’Evreux
y fonda cette messe au comte, qu’on chantait tous les jours à une
heure très matinale et un autre, Jean de Berry lui donna une cloche.
La collégiale participait aux événements importants
de notre pays. C’est là que se tinrent aux XIe et XIIe siècles
plusieurs conciles provinciaux et surtout le concile national où
intervint Bernard en 1130. Qu’on se rappelle aussi les visites des papes
Calixte II et Innocent II, des archevêques de Sens parmi lesquels Tristan
Salazar. Qu’on pense aux obsèques solennelles de Jean de Foix, enterré
dans l’église, à la pompe funèbre célébrée
en l’honneur d’Anne de Bretagne, aux processions merveilleuses des Corps
Saints, mais aussi aux dévastations (les guerres étrangères,
religieuses et civiles sans oublier les entrées solennelles des rois
ou des princesses, les fêtes plus modestes des arquebusiers ou de la
Garde nationale, les éloges funèbres de Simonneau et les Te
Deum, chantés sous ses voûtes à l’occasion des victoires
de Louis XIV ou de Napoléon.
Mais, sans conteste, l’âge d’or pour la Collégiale, fut
le XVIe, l’époque de la Renaissance, période particulièrement [p.74] active et anxieuse
d’embellir l’église par des œuvres d’art. C’est ainsi qu’en 1511,
1515 et 1524 on ajoute à la grande châsse des statuettes, des
feuilles d’argent et on la fait dorer. Entre les années 1513 et 1515
des vitraux sont posés ou réparés, des statues en
bois sont remises à neuf, on fait installer la Mise au Tombeau,
on fait peindre l’Ecce Homo et on inaugure le vitrail des Sibylles.
A cette même époque, le chœur de l’église est particulièrement
aménagé. Il s’avance jusqu’à la chaire actuelle. Il
est donc plus long d’une travée, et l’entrée du chœur est
surmontée d’un Jubé. Le roi a sa place dans la première
stalle à droite à l’entrée du chœur, et des places
sont réservées pour la famille royale. A cet endroit, on
voit encore de nos jours sur les piliers, qui étaient peints, un
semis de fleurs de lis et de colliers.
Le Jubé servait pour la lecture de l’épître et de
l’évangile. On pouvait l’employer pour d’autres cérémonies,
par exemple pour une cérémonie annuelle très particulière
appelée le «salut par personnages », fondée
par Maître Jean Huë, un des bienfaiteurs de l’église.
Dom Fleureau décrit ainsi cette cérémonie:
«Le grand salut par personnage se chante
dans cette église le jour de la feste de l’Annonciation de Notre-Dame,
auquel on habille deux enfants de chœur, l’un en fille qui représente
la Sainte Vierge, et l’autre qui représente l’ange Gabriel qui leur
annonce le Mystère de l’Incarnation. Tous les prêtres vont
processionnellement au-dessous des orgues où ils chantent divers
Motets convenables à la solennité; cependant les deux enfants,
habillés comme nous avons dit, montent au Jubé. Celui des
deux qui représente l’ange se place au bout du même Jubé
du côté de l’Evangile et celui qui représente la Vierge
se met à l’autre bout du côté de l’Epître; et
après que les prêtres ont cessé, ils chantent à
leur tour en forme de dialogue l’Evangile qu’on lit à la messe de
ce jour, ensuite tous, passant par dedans le chœur, disent le De Profundis
pour le repos de l’âme du fondateur et jettent de l’eau bénite
sur sa tombe sous laquelle son corps repose près du grand autel.»
Ces sortes de cérémonies attiraient beaucoup de monde.
Pour recevoir ce monde, le chœur, nous l’avons dit, était très
grand. Il comprenait quatre travées. On appelle travée l’espace
entre deux colonnes du chœur. Dans la première travée il
y avait le lutrin avec les chantres; dans la deuxième se trouvait
le maître-autel et c’est sur cet autel qu’était exposée
la châsse des corps saints; dans la troisième travée
était un second autel garni de courtines ou rideaux. Un compte de
dépenses [p.75] donne
des détails précis sur ces courtines qui étaient tendues
sur des tringles de cuivre. Ces tringles étaient supportées
par six colonnettes de bronze surmontées d’anges. Deux autres colonnettes
portaient les statues de l’ange Gabriel et de la Sainte Vierge. Dans la
dernière travée de l’église se trouvaient les stalles
des chanoines.
On comprend
les belles cérémonies qui pouvaient se dérouler dans
un tel décor. Les temps sont changés. La Révolution
a fait disparaître en grande partie les œuvres d’art contenues dans
l’église. Le 25 novembre 1792 fut envoyée à la Monnaie
de Paris l’argenterie provenant des églises d’Etampes. Le 8 décembre
1792 la société populaire d’Etampes fit passer à
la Convention un arrêté pour que l’église Notre-Dame
d’Etampes devienne le temple de la Raison triomphante. Le Concordat avec
Napoléon ramena la liberté du culte et l’église Notre-Dame
reprit ses cérémonies avec sans doute moins de faste qu’autrefois.
De nos jours les chanoines et les chapelains ont disparu et la paroisse
doit se contenter d’un curé et de deux vicaires, qui s’efforcent
de faire aimer par les paroissiens leur belle église à la
belle histoire.
CHANOINES ET CHAPELAINS.
La construction de l’église Notre-Dame fut entreprise par le Roi
Robert au début du XIe siècle en 1020. Le roi après
avoir doté cette église y établit un collège
composé d’un abbé et de douze chanoines avec quelques chapelains.
Le chef de ce collège portait le nom d’abbé, non pas que
les clercs qui lui étaient soumis fussent religieux, mais parce
que, dit l’historien dom Fleureau, «ce nom était une marque
honorable que quelques chefs de chapître
[sic] prenaient en ce temps-là pour s’autoriser
davantage.»
Au début, le Roi Robert s’était retenu le droit de patronat,
c’est-à-dire de nommer l’abbé. A partir de 1143 les rois
se réservèrent ce titre. Mais dès 1210 ce titre fut
supprimé et le chantre remplaça l’abbé. Cependant
le Roi de France resta pourvu du titre supprimé. Et en témoignage
de ce fait la place du roi, jusqu’à la Révolution, demeura
marquée dans l’église. D’après la coutume, la première
stalle à droite dans le chœur restait vacante, celle du roi, alors
que le chantre occupait la première stalle à gauche.
Bien que dépourvu du titre d’abbé, il arriva au roi de
vouloir [p.76] nominer ses
candidats au chapitre. C’est ainsi qu’en 1553, Louis Guihourg fut canoniquement
élu par le chapitre, mais en même temps le roi présenta
Claude Sublet. Les chanoines refusèrent de recevoir ce dernier.
Le roi, à cause de ce refus, fit saisir les biens de l’église
Notre-Dame. Les chanoines lui firent remarquer que le droit d’élection
leur appartenait, et comme ils justifiaient leurs prétentions par
de bons titres, le roi ordonna de lever la saisie, et ainsi Louis Guibourg
demeura chanoine et mourut paisiblement en 1566.
Nous avons vu que le roi Robert avait établi douze chanoines.
Ce nombre fut bientôt diminué par la cession d’une prébende
vers 1140 au prieur et aux religieux de Saint-Martin-des-Champs de Paris.
L’an 1529, ce nombre de onze prébendes canoniales qui restait
fut diminué d’une autre pour l’employer à l’entretien et
à la nourriture de deux enfants d’aube ou enfants de chœur. Un des
chanoines se dévoua en abandonnant son titre et son revenu.
Les chanoines vivaient au moyen de revenus pris sur les biens de la collégiale.
Il y avait des biens affectés spécialement aux chanoines,
c’étaient les prébendes, d’autres aux chapelains, et d’autres
communs à tous les deux.
En 1231, il fut décidé que ces biens communs ou biens de
la communauté seraient distribués de la façon suivante:
«Le chantre, chef du chapitre, recevra autant que deux chanoines,
et un chanoine autant que deux chapelains; en outre ni le chantre, ni quelque
autre bénéficier que ce soit ne recevra la distribution,
c’est-à-dire sa part, pour Mâtines ou la Messe, s’il n’y assiste,
excepté qu’il aura été saigné ou malade.»
Malgré ces revenus et émoluments qu’ils touchaient, la
plupart des chanoines vivaient difficilement. Les seigneurs d’Etampes
s’en inquiétèrent, et l’un d’eux, Louis d’Evreux, comte
d’Etampes, fit une fondation de Messe, appelée la fondation de la
Messe au Comte. Le principal motif qui porta ce prince à établir
cette fondation fut donc de venir en aide aux chanoines. Il est dit dans
cette fondation: «qu’il sera chanté tous les jours à
perpétuité une messe de la Vierge à notes et plain-chant
au grand autel de cette église, avant le soleil levé ou environ,
la première avant toutes les autres messes. Et parce qu’il est très
juste que ceux qui travaillent au service de l’autel en retirent de quoi
pouvoir vivre, il donne pour la fondation et dotation de cette messe cent
livres parisis de rente converties en pain, pour être départi
et distribué chaque jour à tous ceux du Collège qui
assisteront à ladite messe et à ceux qui assisteront à
la [p.77] grand-messe
du jour qui sera célébrée en la même église,
comme on a accoutumé d’ancienneté d’y faire des distributions.»
Ces mots «à ceux du collège» sont à
noter, d’autant qu’ils renferment non seulement le chantre et les chanoines
qui se réservent le nom de chapitre, mais aussi les chapelains et
les autres officiers de la même église.
De plus, ce prince donna encore au même collège «vingt
livres parisis de rente annuelle et perpétuelle pour la fondation
et dotation d’une messe solennelle qui se doit célébrer
à perpétuité par ledit collège chaque premier
jour du mois pour le repos de son âme.»
Nous pourrions ajouter à ces revenus le droit de «chasse
à une bête» donné par Louis le Gros et le droit
de foire le jour de l’Assomption, donné par Louis VII le Jeune.
Ne pensons pas que le rôle des chanoines consistait à aller
à la chasse et à toucher des revenus. Les fonctions des
chanoines avant tout, était de rendre gloire à Dieu et de
le prier ensemble, en communauté. C’est pourquoi leur groupement
prend le nom de collège et que l’église qu’ils desservent s’appelle
collégiale. Tous les jours ils doivent assurer les principales messes
de fon dation, célébrer une messe solennelle à laquelle
tous sont tenus d’assister sous peine d’amende et ensuite chanter à
différentes heures du jour l’office canonial, c’est-à-dire
les prières du bréviaire.
Les autres cérémonies du culte, certaines messes de fondation,
les baptêmes, mariages, sépultures et prières publiques,
étaient assurées par les chapelains sous la direction du
chanoine-chèvecier, chargé de l’entretien de l’église,
lequel prendra au cours des siècles de plus en plus d’importance,
et sera considéré comme le curé de la paroisse.
Parlons maintenant des chapelains. Au début de la fondation de
la collégiale on comptait six chapelains. Dans la suite, après
le règlement de 1231, il y en eut jusqu’à dix-sept. Ces
chapelains dans l’église desservaient les chapelles ou autels suivants
de Saint-Jean-Baptiste, Saint-Denys, Saint-Macé, Saint-Michel,
patron d’Etampes, lequel avait trois chapelains, Sainte-Marie Madeleine,
Saint-Nicolas, Saint-Thomas, Saint-Guillaume, Sainte Marguerite, Saint-Eloy
et Saint-Serin. Ce dernier était le patron de la primitive église
sur laquelle fut construite la collégiale.
Plus tard, en plus de ces dix-sept chapellenies, le roi Saint Louis fonda
toujours dans l’église Notre-Dame, deux chapelles royales en 1254,
au titre de Saint Denys et l’année suivante au titre de Saint Pierre. [p.78]
De son côté, Louis Ier, comte d’Evreux en 1312, en fonda
deux autres à Saint Pierre et Saint Paul, et à Saint Denys.
D’autre part en dehors de l’église, il y avait des chapelains pour
desservir la chapelle du cimetière dédiée à
Saint Jacques de Bédégon et la chapelle du Séjour
royal. Tous ces chapelains dépendaient des chanoines de Notre-Dame.
C’est donc le chapitre qui les nommait. Mais celui-ci ne pouvait dépouiller
le prêtre pourvu d’une chapellenie sinon pour le punir d’une faute
bien constatée.
Pourquoi dans la collégiale d’Etampes au cours de l’histoire,
tous ces chanoines et chapelains?
Nous savons qu’Etampes, étant ville royale, le roi y avait une
demeure, appelé le Palais du Séjour. Naturellement quand
le roi venait à Etampes, il était accompagné d’une
grande partie de sa cour, de ses gardes et de ses serviteurs, ce qui donnait
une grande importance à la paroisse et celle-ci profitait des libéralités
royales. De nombreuses messes étaient célébrées
tous les jours et dans certaines circonstances il y avait de grandioses
cérémonies.
Qu’on se rappelle les Conciles provinciaux et surtout le Concile national
de 1130 présidé par saint Bernard, les obsèques solennelles
de Jean de Foix, comte d’Etampes, qui furent faites, dit dom Fleureau, avec
le plus de pompe et de magnificence qu’il fut possible aux habitants, la
cérémonie funèbre en l’honneur d’Anne de Bretagne, comtesse
d’Etampes, lors du passage de son corps que l’on conduisait à Blois,
le service solennel chanté en 1665 pour le repos de l’âme du
duc de Vendôme, et tous les Te Deum chantés à l’occasion
des victoires ou des conquêtes royales.
Mais la Révolution arriva et la collégiale termina son
histoire. En 1791, le 28 germinal, an II, et le 19 messidor, an IV, les
maisons terres et autres biens appartenant à la collégiale
et situés sur les terroirs d’Etampes furent vendus comme biens
nationaux, et le collège des chanoines fut dispersé.
Le 3 juin 1795 reverra l’ouverture de l’église Notre-Dame, qui
désormais n’est plus collégiale. Le seul chanoine qui la
dessert actuellement est le curé-archiprêtre. Encore n’est-il
que chanoine honoraire de Versailles, et il est assisté de deux
vicaires qui ne prennent pas le titre de chapelains.
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