ÉTAMPES, VILLE ROYALE
Étampes, chez l’auteur, 1957
chapitre II, pp. 23-35.
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Visite d’ensemble de la ville d’Étampes
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I. — QUARTIER
NOTRE-DAME
Nous supposons que,
pour la visite d’Etampes, les touristes arrivent par le train, par autocars,
ou par voitures particulières. Nous leur donnons rendez-vous place
de la Gare. Nous partons de cette place en prenant la rue du Château,
qui descend vers la ville. De suite, l’église Saint-Basile s’offre
à nos regards, et un peu plus loin, le clocher de Notre-Dame.
L’ÉGLISE SAINT-BASILE.
Nous
voici devant l’église Saint-Basile. Elle borde la rue Saint-Jacques,
qui est la route nationale N°20. Mais depuis la guerre, une partie
de cette rue porte le nom de Louis-Moreau, grand résistant d’Etampes,
mort en déportation. L’église Saint Basile date du roi Robert
le Pieux (XIe siècle). Son portail central représentant la
pesée des âmes, est de cette époque. Le clocher est
du début du XIIIe siècle. Le restant a été remanié
et agrandi au XVe et XVIe siècle et le monument n’a pas été
achevé, ainsi qu’on peut le lire sur un médaillon au chevet
extérieur de l’église : «Faxit Deus perficiar»,
ce qui signifie: «Fasse Dieu que je sois achevée».
Entrons
dans l’édifice par la porte latérale droite, de style Renaissance.
Dans le bas, admirons la tribune, avec ses [p.24]
boiseries Louis XV, la nef élancée,
les bas-côtés avec leurs pendentifs richement sculptés.
Dans le fond, un beau vitrail du XVIe siècle reproduit deux scènes
de la Passion, et Saint Basile en évêque. Ce même saint
est représenté dans un autre vitrail moderne, en partie détruit,
au transept de gauche: il comparaît devant le préfet romain,
et comme ce dernier s’étonne de ses réponses, saint Basile
de lui répondre: «C’est sans doute la première fois que
vous avez affaire à un évêque!»
DEMEURE DE DIANE DE POITIERS:
En sortant
de l’église, nous remarquons, en face, la maison dite «de Diane
de Poitiers», duchesse d’Etampes, en 1553, favorite de Henri II,
«si belle dit Brantôme, que je ne sache cœur de rocher qui
ne s’en fût ému». Actuellement, la Caisse d’Epargne est
installée dans cette belle demeure.
DEMEURE D’ANNE DE PISSELEU.
Un peu
plus bas, du même côté de la rue, à l’angle de
la place de l’Hôtel-de-Ville, voici une autre maison historique: La
maison d’Anne de Pisseleu, créée duchesse d’Etampes en 1536.
Favorite de François Ier, on l’appelait «La plus savante des
belles, et la plus elles des savantes.» Mais les contemporains la surnommaient:
«La méchante».
L’HÔTEL DE VILLE
Nous
sommes sur la place de l’Hôtel-de-Ville. En effet, à quelques
pas, nous apercevons une belle construction moyenâgeuse. Elle appartenait
à un certain Jacques Doulcet, conseiller du roi. Le roi Louis XII ayant
autorisé la municipalité à acheter une maison de ville,
la ville d’Etampes l’acheta en 1514. L’architecte Auguste Magne, enfant
d’Etampes, la restaura en 1850. Elle a fort bon air avec sa tour octogonale
au clocher pointu, son balcon ajouré, ses fenêtres fleuronnées,
et ses poivrières. Au rez-de-chaussée, ce sont les bureaux.
(Là, vous pourrez obtenir de la secrétaire du Syndicat d’initiative,
tous les renseignements concernant notre ville). Au premier étage,
sont la bibliothèque, [p.25] la
salle des séances du Conseil, et le grand salon où ont lieu
les mariages; le tout bien décoré et meublé. Etampes
est fière de son Hôtel de Ville. A côté sur la
droite, il y a un bâtiment qui avance, formant comme une aile; c’est
là que vient d’être transféré le musée
d’Etampes. Ce musée se trouvait auparavant dans la maison de Diane
de Poitiers. Pour le moment, son installation n’est pas terminée.
C’est Mme la Comtesse de Saint-Périer qui en est le conservateur et
la grande bienfaitrice. Actuellement, on peut y admirer un pavage en mosaïque,
provenant d’une villa gallo-romaine, et une grille de chœur en fer forgé
provenant de l’ancienne abbaye de Morigny.
LA RUE SAINTE-CROIX
Traversons
la place de l’Hôtel-de-Ville, sur laquelle se trouve la grande poste,
et reprenons la rue Sainte-Croix. Cette rue est ainsi appelée parce
qu’il y avait autrefois, à l’angle même de cette rue et de la
place, une église collégiale dite Sainte-Croix, édifiée
par Philippe-Auguste, pour remplacer une synagogue juive qu’il fit détruire
à la suite de son édit chassant les Juifs du royaume.
LE MARCHÉ
Nous
descendons cette rue Sainte-Croix et nous arrivons sur la place du marché
Notre-Dame. C’est ici en effet que, tous les samedis, depuis des siècles,
se tient le marché. La place est ornée d’une fontaine en forme
de vasque, surmontée d’une statue, et ornée d’animaux crachant
de l’eau à certains jours de fête c’est la fontaine Hugo, don
d’un bienfaiteur de la ville. Cette place entourée de boutiques est
très commerçante.
LA COLLÉGIALE NOTRE-DAME:
Nous
traversons la place et nous avons devant nous la belle église Notre-Dame.
Etampes étant ville royale devait avoir des églises dignes
de sa condition. Au début du XIe siècle, le roi Robert le
Pieux fit construire l’église Notre-Dame qui devait être
desservie par un collège de chanoines, d’où son nom d’Église [p.26] collégiale. Le roi se réserva
dans ce collège le titre d’abbé, titre qui lui donnait le droit
de posséder une stalle dans le chœur. Et c’est de cette stalle qu’il
assistait aux grandioses cérémonies qui se déroulaient
dans la collégiale.
Son clocher:
Essayons
en quelques lignes de la décrire. Plaçons-nous devant le clocher.
Ce qui frappe tout d’abord le visiteur, c’est ce clocher, un superbe clocher
de pur style roman. On connaît de beaux clochers romans, celui de
Saint-Germain-des-Prés, à Paris, celui de Chartres, celui
de Vendôme, et bien d’autres, ordinairement massifs, imposants; mais
aucun n’a cette élégance, cette légèreté,
comme celui de Notre-Dame d’Etampes!
Une autre
particularité remarquable qui attire les regards, est le crénelage
du mur devant ce clocher, qui a fait donner à l’église le nom
de Notre-Dame-du-Fort. En effet, c’est une église fortifiée,
comme on en rencontre quelques-unes dans le midi de la France. Ce mur surmonté
de créneaux, avec ses trois portes ogivales de façade a été
ajouté au XIIIe siècle.
Son portail:
Contournons
l’église sur la droite, cl nous voici devant une magnifique parte
de style roman XIIe siècle, garnie de nombreuses statues: c’est le
portail méridional de Chartres, en plus petit. Ce sont en effet les
mêmes artistes qui ont travaillé à ce portail. Il représente
le Christ au ciel, dans sa gloire, entouré des élus. Malheureusement,
les statues ont été décapitées en 1562 pendant
les guerres de religion.
Par ce
portail, entrons dans l’église, et plaçons-nous dans le fond,
sous la tribune. D’un coup d’œil, nous découvrons l’en semble de l’intérieur.
Tout d’abord, la nef centrale et ses bas-côtés, avec de gros
piliers romans du XIe siècle. La partie supérieure de cette
nef a été refaite et voûtée il y a seulement un
siècle.
Avançons
jusqu’au transept. L’église s’élargit, elle a maintenant des
bas-côtés doubles du XIIe siècle, époque de
transition entre les styles roman et ogival. Les voûtes de ces bas-côtés
sont presque aussi hautes que celles de la nef, demandant ainsi des piliers
très élevés, lesquels, malgré leur grosseur
restent élégants. On est surpris par la hardiesse de la construction. [p.27]
Fresque
de I’Ecce Homo:
Au bout
du transept gauche, est la sacristie refaite au XVe siècle pour devenir
à cette époque Chapelle du tombeau. C’est pourquoi la porte
est ornée d’une fresque représentant la scène de l’ecce
homo. Près de la sacristie est l’autel de saint Michel, patron de
la ville d’Etampes. Autour de cet autel, remarquons quelques statues anciennes:
un curieux saint Joseph avec l’enfant Jésus, et un saint Jean de
Matha, patron des prisonniers. Un peu plus loin, au-dessus du tambour de
porte, admirez un superbe vitrail renaissance, représentant l’arbre
de Jessé, non pas avec des prophètes comme on le représente
habituellement, mais avec des prophétesses ou sybilles païennes;
on l’appelle, pour cette raison, le vitrail des Sybilles. Du même
côté, un Christ au tombeau: C’est le seul personnage qui nous
reste de la chapelle du tombeau, autrefois dans la sacristie.
Nous
sommes au fond du bas côté gauche. Il y a deux chapelles: la
chapelle de Sainte Jeanne-d’Arc avec deux curieuses statues colonnes de
Saint Pierre et Saint Paul; et la chapelle Saint Joseph, autrefois chapelle
des Corps-Saints, c’est-à-dire, des patrons secondaires d’Etampes:
Cant, Cantien, Cantienne. Deux tableaux dans cette chapelle représentent
leur martyre.
La crypte:
Passons
dans le bas-côté droit. Il suffit de traverser le chœur. Mais
si la crypte est ouverte, nous vous invitons à la visiter. Elle se
trouve sous le chœur, et l’entrée est dans ce bas-côté
où vous vous trouvez. Descendez l’escalier, tournez le bouton d’électricité
à votre gauche, et vous vous croirez dans les catacombes. Cette crypte
est très ancienne elle date au moins du Ixe siècle. Elle est
petite, mais elle a cependant trois nefs. Elle est très intéressante
à voir. Reprenons notre escalier... sans toutefois oublier d’éteindre
l’électricité!
Fresque
de Sainte-Julienne:
Traversons
le chœur de l’église, et nous sommes dans le bas- côté
droit, où il y a deux chapelles: chapelle de la Sainte Vierge, et
chapelle du Sacré-Cœur, séparées par la salle du trésor,
salle où l’on conservait autrefois les reliquaires. Entre ces deux
chapelles, sur le mur, il y a une fresque ancienne représentant le
martyre de Sainte Julienne plongée dans une bassine d’huile bouillante. [p.28]
Vitrail
du baptême et de la nativité:
Dans
ce même bas-côté, vous verrez un autre vitrail ancien
du XVIe siècle représentant deux sujets: le baptême de
Jésus par Jean-Baptiste, avec cette particularité que le Christ
est vêtu d’une riche tunique; et la naissance de l’enfant Jésus.
Le premier sujet est remarquablement traité.
Notre
visite est terminée. Nous sortons par la même porte par laquelle
nous sommes entrés.
L’HÔPITAL:
Retournons
devant l’église pour jeter un coup d’œil sur l’Hôpital, qui
est tout à côté. Cet Hôpital est desservi par les
religieuses Augustines et administré par la ville. Primitivement,
il était dans l’église Notre-Dame, dans le bas-côté
droit. Ensuite au XIIe siècle, les chanoines firent construire un
bâtiment séparé, à côté de l’église,
qu’on appela «Aumônerie Notre-Dame», à l’emplacement
actuel de l’hôpital. Au XVIe siècle, on y ajouta un dortoir pour
les pauvres, transformé ensuite en chapelle. Cette chapelle a son
entrée sur la place. Au-dessus de la porte, il y a l’inscription «1559»
avec un texte latin ainsi traduit: «Je vous le dis en vérité,
tout le bien que vous aurez fait à un seul de mes frères les
plus humbles, c’est à moi-même que vous l’aurez fait.»
Au cours des âges, l’hôpital s’est agrandi, et actuellement,
il contient tous les services d’un hôpital moderne: hospice, médecine,
chirurgie, maternité, isolement, etc...
HÔTEL SAINT-YON:
Dépassons
l’église Notre-Dame en descendant la rue de la République,
et nous arrivons à un croisement dit communément «Les
quatre coins». Enfilons la rue de la Tannerie. Nous arrivons bientôt
à une petite place sur laquelle se trouve, à gauche, l’Hôtel
Saint-Yon. C’est une jolie construction des XVe et XVIe siècles, avec
tourelles, fenêtres à meneaux et pinacles, toitures à
arêtes garnies de crêtes de plomb. Les «Saint-Yon»
étaient jadis à la tête de l’importante corporation des
bouchers. Rappelons qu’autrefois, une partie de la rue de la République
s’appelait «rue de la Boucherie».
RUE DE LA JUIVERIE:
Traversons
la petite place, nous passons à droite devant l’Hôtel du Coq-en-pâte.
C’est là que naquit le 27 octobre 1824, la grande comédienne
Rose Chéri, ainsi qu’en témoigne une plaque sur le mur de la
maison.
Prenons
à gauche, la rue de la Juiverie. Nous sommes là, avec la rue
Sainte-Croix, dans l’ancien quartier juif du moyen age. Pendant l’occupation,
les Allemands avaient débaptisé cette rue, pour l’appeler
«rue de Beauce».
Au bout
de cette rue, nous tombons rue Saint-Antoine. Il y a là, à
gauche, le Tribunal et la Gendarmerie, établis dans les bâtiments
élevés sur l’emplacement de l’ancien palais royal appelé
«Le séjour», construit par la reine Constance, épouse
de Robert le Pieux, On aperçoit quelques vestiges à la porte
de la gendarmerie et dans la cour.
LES BARNABITES ET LE COLLÈGE:
Un peu
plus loin, du même côté, au coin de la rue Magne, il
y a une tourelle formant balcon: C’est la maison des pères Barnabites.
Cette maison fut le berceau du collège actuel jusqu’en 1750. A cette
époque, le collège fut transféré en face, dans
les bâtiments d’un hôpital dit «Aumônerie des Bretons».
Un des plus célèbres de ces pères est Dom Fleureau,
auteur d’un ouvrage historique fort rare aujourd’hui, et fort précieux
intitulé: «Les Antiquités d’Etampes». Actuellement
ce collège est municipal, et est appelé «Collège
Geoffroy-Saint-Hilaire», en l’honneur du célèbre naturaliste
Etampois.
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II. — QUARTIER SAINT-GILLES
LES
CORDELIERS:
Nous
entrons dans le quartier Saint-Gilles en prenant l’an cienne rue Basse-de-la-Foulerie,
aujourd’hui rue Paul-Doumer, avec ses curieuses vieilles maisons et ses lavoirs
alimentés par la rivière d’Etampes. Au bout, la rue tourne
à droite, puis à [p.30]
gauche, c’est la «rue de la Manivelle».
Nous voici «rue des Cordeliers», ainsi nommée en souvenir
du couvent des Cordeliers qui était dans cette rue à l’endroit
où est maintenant le cinéma.
LA PLACE SAINT-GILLES — LES PILIERS
La première
rue rencontrée à droite est la rue Simonneau, de bien triste
souvenir. C’est dans le haut de cette rue en effet, que fut assassiné
le 3 mars 1792, Eugène [sic] Simonneau,
dans une émeute causée par la taxation du blé. Par
cette rue, nous arrivons sur la place Saint-Gilles, où se tenait
au moyen âge un marché très important: «Le marché
aux grains.» C’était aussi la place des exécutions judiciaires,
où il y avait les instruments de supplices: le pilori, le carcan,
la guillotine. Au coin de cette place et de la rue Simonneau, remarquons
de vieilles maisons datant du XIIIe siècle, dites « Maisons
des Piliers ».
L’ÉGLISE SAINT-GILLES:
L’église
est toute proche. C’est l’église Saint-Gilles. Elle fut construit
la suite de l’établissement d’un marché aux grains et aux bestiaux
entre les deux quartiers déjà existants: Notre- Dame et Saint-Martin,
ce qui attira des habitants.
L’église
est romane, c’est-à-dire du XIIe siècle, comme l’indique le
style de son portail. Au XIIIe siècle, on éleva le clocher.
Au XVe et XVIe siècles, comme à Saint-Basile, l’église
fut transformée, agrandie, embellie. De gracieuses chapelles furent
ajoutées, surtout dans le bas côté droit. Mais nous savons
que le bombardement de juin 1944 a particulièrement touché
ce quartier, et l’église n’a pas été épargnée.
On est en train de la restaurer, seule une partie de l’église, le
transept et le chœur, est réservée au culte. A l’intérieur,
à noter quelques pierres tombales du XVIe siècle, sauvées
du désastre, ainsi que les bustes en bois doré de Saint Leu
et de Saint Gilles.
LE MARCHÉ-FRANC:
Après
cette visite, traversons la place, près de la fontaine, nous retrouvons
la rue des Cordeliers, prenons la rue de [p.31]
l’Abreuvoir-du-Mouton, pour atteindre le Marché-Franc. C’est sur
cet emplacement planté de grands arbres que se tenait autrefois le
marché aux bestiaux. En ce moment, il y a surtout la nouvelle et
moderne caserne des pompiers, dont la ville d’Etampes a raison d’être
fière.
LES PORTEREAUX:
Longeons
la rivière qui borde cette place, en direction du quartier Saint-Martin.
Nous sommes alors sur l’emplacement des anciens remparts de la ville. Voici
la tour du Loup, et plus loin, les Portereaux, sorte de bastion carré
garni de meurtrières et de mâchicoulis, datant du XIVe siècle.
C’est à cette porte que se forme le confluent de la Louette et de la
Chalouette, descendant de la vallée de Chalo-Saint-Mars pour former
ici une seule rivière: la rivière d’Etampes qui traverse la
ville au milieu des maisons, et va se jeter dans la Juine après Etampes,
du côté de Morigny.
Les
religieux Cordeliers, établis dans le quartier avaient leur propriété
qui donnait jusqu’à la rivière. Et c’est là que le
poète étampois, Hémard de Danjouan y place l’épisode
de son «barbet des Cordeliers», le chien pêcheur d’écrevisses.
On mettait le chien dans l’eau, et on le retirait avec ses poils couvert
d’écrevisses. C’était un moyen d’améliorer l’ordinaire
des religieux. A côté de la maison des Cordeliers, était
une autre communauté, les religieuses de la congrégation Notre-Dame,
consacrées à l’enseignement des jeunes filles. Parties à
la révolution, ces religieuses revinrent dans leur maison d’Etampes
et y restèrent jusqu’en 1900. Le souvenir de ces religieuses est encore
vivace dans le pays.
Des
Portereaux, continuons de suivre notre avenue plantée d’arbres,
et nous arrivons à la route de Saclas, devant la villa Bressault,
autrefois «moulin de l’Hospice». Ici, nous invitons les touristes
à pied à prendre le sentier pittoresque qui suit la rivière,
et qui les conduira directement à l’église Saint-Martin en
leur permettant d’admirer en passant, sur la droite, un joli portail Renaissance,
dit «porte Bressault». Les automobilistes gagneront l’église
en retrouvant la route nationale qui n’est pas loin, et qui prend à
cet endroit le nom de rue Saint-Martin». [p.32]
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III.
— LE QUARTIER SAINT-MARTIN [ET GUINETTE]
LA TOUR PENCHEE.
Nous
nous retrouvons à l’église. Ce qui étonne de suite,
c’est son clocher penché. L’inclinaison, due à des affaissements
de terrain, a été corrigée vers le haut pendant sa
construction qui date de 1532. Les portes et les ornementations sont de style
Renaissance. La tour est massive, soutenue par d’épais contre forts,
et se termine par un rang de mâchicoulis. Au-dessus, plus modeste,
est le clocher proprement dit avec ses abats-sons. Le tout a 40 mètres
de hauteur.
L’église
Saint-Martin:
Entrons
dans l’église. L’ensemble est de style de transition de la fin du
XIIe siècle. Ce monument a du être élevé sur
les ruines d’une église plus ancienne, qui était desservie
par des chanoines. En 1106, la paroisse fut confiée aux moines de
Morigny. Le changement ne se fit pas sans difficultés... Les moines
entreprirent la reconstruction de l’église. Ils l’agrandirent ensuite
en 1213, et édifièrent au-dessus de la sacristie un clocher
dit «de la reine Blanche». Ce clocher fut remplacé au
XIVe siècle par un autre, à l’extrémité du bas-côté
gauche. Comme il s’affaissait et menaçait d’entraîner cette
partie de l’église, on en construisit un autre au XVIe siècle,
non appuyé au bâtiment c’est le clocher actuel.
L’église
Saint-Martin a été consacrée en 1526. Son ensemble
est harmonieux et imposant. A remarquer notamment le triforium entre les
fenêtres, les colonnes jumelées du chœur, et surtout le pourtour
de ce chœur, avec ses trois chapelles. C’est la seule église d’Etampes
ayant ainsi un déambulatoire.
LES MATHURINS:
Après
cette visite, reprenons la route nationale, en direction de Paris. Bien des
maisons près desquelles nous passons ont des traces du XVIe siècle.
Voici, après le pont du chemin de fer, sur la gauche, une porte de
cette époque, et un grand bâtiment moins ancien: c’est la maison
des Mathurins. Ces religieux [p.33] ont
été établis pour le rachat des captifs aux pays barbaresques.
On les appelait encore les Trinitaires. Ils vinrent s’établir à
Etampes au début du XIIIe siècle, du vivant même de saint
Jean de Matha, leur fondateur.
L’ECCE HOMO:
Plus
loin, c’est un carrefour d’où part à droite la route de Saclas.
Autrefois, ce carrefour s’appelait le carrefour de l’«Ecce homo».
Il y avait là une statue représentant le Christ flagellé.
La tradition
rapporte que c’est sur le socle de cette statue que Ravaillac aurait aiguisé
son couteau avant de poignarder Henri IV.
LA CROIX «VAUX MIL-CENT»:
En ce
même lieu, une croix aurait été érigée
en 1611, à la suite de ce crime en signe de réparation. A la
révolution, elle disparut, mais fut replacée dans le quartier
Saint-Martin, pris du cimetière, à un endroit dit «Vaux
mil cent» et la croix prit le nom de ce lieu. Mais par déformation,
on écrivait encore «Vomit le sang». Sur cette croix,
il y avait les deux dates de ses installations: 1611, 1813. Actuellement,
elle se trouve avec la tête de pierre de l’ Ecce Homo dans la collection
du musée du la ville.
HÔPITAL SAINT-JEAN:
Nous
sommes toujours au carrefour de l’«Ecce Homo ». Il y avait encore
à cet endroit, au coin de la rue Saint-Jean et de la rue du Haut-Pavé,
en face de la route de Saclas, un hôpital dit «Hôpital
Saint-Jean». Une porte cintrée, avec au-dessus une niche surmontée
d’une croix, sur le toit une sorte de guérite avec fenêtre bouchée,
c’est tout ce qui reste de cet hôpital. C’était un de ces
nombreux asiles qui recevaient, au moyen âge, les malades, les voyageurs,
les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Il existait dès
le XIe siècle, sous le nom de «Refuge des pauvres». [p.34]
LA COLLINE DE GUINETTE:
Remontons
la rue Saint-Jean. Tournons à droite. Nous passons devant les établissements
de la piscine municipale qui attire beaucoup de baigneurs au moment de la
belle saison. Traversons la voie de chemin de fer sur le pont Saint-Jean,
et nous sommes sur une promenade ombragée, qui va nous conduire à
la tour de Guinette nous permettant de dominer les différents quartiers
de la ville et de jouir ainsi d’un beau panorama.
Au bout
de cette allée, nous nous trouvons au pied de l’ancien château-fort.
Robert le Pieux le construisit pour protéger les frontières
du domaine royal contre les invasions des puissantes maisons féodales
des environs: Corbeil, Montlhéry, La Ferté Alais, Méréville.
Au centre s’élevait une grosse tour, ou plutôt quatre tours
accolées. On l’appelle «La tour de Guinette». Son nom
viendrait du mot «Guigner», c’est-à-dire guetter.
Pour
la visiter, on peut s’adresser au gardien habitant à côté.
Nous
voici à l’intérieur. On peut encore y reconnaître les
endroits d’où partaient les voûtes. Au 2e étage, des
colonnes, des chapiteaux sculptés, une cheminée, et un escalier
à vis menant au 3e étage d’où l’on pouvait «guigner»
au loin.
HISTOIRE DU CHÂTEAU
Ce château
servait de défense, et faisait partie d’un ensemble de fortifications
et de murs d’enceinte qui protégeait la ville. Au besoin, il servait
de prison: Philippe Auguste y fit enfermer sa femme, l’infortunée reine
Ingeburge de Danemark, répudiée par lui, et rétablie
par le pape Innocent III dans sa dignité de reine et d’épouse.
D’autres prisonniers célèbres ont également habité
la tour. Ce sont: un sire de Imbaud en révolte contre Philippe Ier,
Robert de Leicester, prisonnier de Philippe Auguste, et Jean Britaut, grand
panetier de France, sous Louis IX.
Mais,
avant tout, le château protégeait la contrée contre
les ennemis. II tint en échec plus d’un assaillant. Toutefois, en
1411, il fut pris par les Bourguignons sur les Armagnacs. C’est dans ce fameux
siège que André Roussel, bourgeois de Paris, grâce à
un abri sous lequel les soldats pouvaient manœuvrer le bélier, amena
les assaillant au pied de la tour, et après avoir pratiqué
une brèche, enfuma les défenseurs commandés par Bosredon,
et les obligea à se rendre. Dans la suite, le château assiste
aux luttes fratricides des guerres de religion.
[p.35] Henri IV ayant enfin pris Etampes, les habitants lui
demandèrent l’autorisation de démolir le château, pensant
ainsi en finir avec les guerres. C’était en 1590. Le roi donna la permission.
On posa des explosifs qui firent quatre grandes lézardes dans le
donjon, et en même temps, on rasa les fortifications de la ville.
D’autres brèches ovales ont été faites par des boulets
lors du siège de 1652 pendant la Fronde. Des raies blanchâtres
que l’on aperçoit à l’extérieur sont des raccords de
plâtre exécutés sous Louis XVI par le propriétaire
qui avait fait de la tour un pigeonnier. Quand à la grande brèche
au pied de la tour, du côté de la ville, c’est l’ouverture faite
par les assaillants qui enfumèrent les défenseurs.
Actuellement
la tour est une grande ruine, pleine des souvenirs de l’histoire d’Etampes. [p.36]
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine, ancien
archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre
de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président
de la Société artistique et archéologique de Corbeil,
d’Étampes et du Hurepoix], Étampes, la favorite
des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos
de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de Philippe
Lejeune], Étampes, Éditions d’art Rameau, 1954.
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes,
ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs
sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez
l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.
Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes,
ville royale [réédition en fac-similé: 22
cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface
d’Henri Lemoine], Étampes, Péronnas, Éditions de
la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X].
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon
Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in
Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html
(33 pages web) 2004.
Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Visite d’ensemble de la ville d’Étampes (1957)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes200visite.html, 2004.
Toute critique,
correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution
welcome.
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Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale,
1957, pp. 110-120. Saisie: Bernard Gineste, février 2002.
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