CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
François Guizot
Chartes et pièces relatives à lhistoire d’Étampes
Cours d’Histoire moderne, 1839
   
François Guizot
     Nous extrayons du Cours d’Histoire Moderne publié par François Guizot en 1839, la partie de ses «Preuves et développements historiques» qui est consacrée à l’exemple d’Étampes, entre ceux d’Orléans et de Beauvais.

     L’intérêt principal de ce travail méritoire est de proposer une traduction française de douze chartes royales ou extraits de chartes concédées de 1082 à 1224.

     La traduction de ce genre de documents est en effet une entreprise plus délicate et périlleuse qu’on ne pourrait le croire, et ceux qui marchent sur la trace des premiers traducteurs ne manquent pas, trop souvent, d’égratigner au passage ceux qui leur ont ouvert la voie. Il faut cependant reconnaître que Guizot a beaucoup traduit, et parfois un peu trop vite, de sorte qu
il ne faut pas lui accorder une confiance sans limite: comme dhabitude, tout doit être vérifié.
 
 
 
 
COURS D’HISTOIRE MODERNE
Cours de 1830
Tome VI, pp 285-311.
Chartes et pièces relatives à
l’histoire d’Étampes

 

Cours d’Histoire moderne
Cours de 1830
PREUVES ET DÉVELOPPEMENTS HISTORIQUES.

Chartes et pièces relatives à l’histoire d’Étampes

1082
1085
1120
1123
1137
1141
1147
1155
1179
1199
1204
1224


     ORLÉANS vient de faire voir quels pouvaient être les priviléges et les développemens progressifs d’une ville qui n’était point érigée en commune proprement dite. ÉTAMPES va montrer combien peu de place tenait quelque fois une charte de commune dans l’existence d’une ville, et comment elle pouvait la perdre sans perdre, tant s’en faut, tous ses avantages et toutes ses libertés.

     Je ne conclurai point d’avance; je ne résumerai point les faits avant de les avoir présentés. Je veux rapporter les divers actes dont, à divers titres, Étampes a été l’objet, de la part des rois de France, du XIe au XIIIe siècle. On verra ce qu’était vraiment alors une ville; en quoi consistaient, comment se formaient les priviléges de ses habitans, et combien est fausse l’image historique que nous en offrent presque toujours ceux qui en parlent.
[p.286]

1082
     En 1082 le roi Philippe 1er veut se montrer favorable aux chanoines de Notre-Dame d’Étampes, comme l’avaient fait ses aïeux les rois Robert et Henri Ier, et il leur accorde cette charte:

     An nom de la sainte et indivisible Trinité, Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Français. Il est juste et très-digne de la sévérité royale de gouverner avec modération les affaires séculières, et bien plus encore de porter constamment sur les affaires ecclésiastiques des regards de religion et de piété, afin que rien ne demeure mal ordonné dans notre république; comme aussi d’observer l’affirmant, et d’affermir en l’observant, ce qui a été concédé soit par nos prédécesseurs, soit par nous-mêmes. Faisons donc savoir aux fidèles de la sainte Église, présens et à venir, que les chanoines de Sainte-Marie d’Étampes sont venus vers N. M., nous suppliant de leur accorder et confirmer à perpétuité les droits et usages à eux accordés et abandonnés par nos le roi Robert notre ayeul, et le roi Henri, notre père …….. Lesquels droits possédé par ladite église sont ainsi qu’il, suit:
     Que lesdits chanoines donnent, à ceux d’entre eux qu’ils éliront, les offices de ladite église, tels que les offices de prévôt, chevecier et chantre; et qu’ils aient et possèdent tout ce qui appartient à la dite église; sauf à la fête de sainte Marie, au milieu du mois d’août, où leur abbé aura, de none à none, des droits ainsi réglés: Les chanoines auront les pains et les essuye-mains; mais quant aux autres menues offrandes, la cire, les deniers, l’or et l’argent, s’il en est offert, l’abbé les recevra et les aura. En outre celui qui, [p.287] de la part de l’abbé, gardera l’autel pendant la fête, vivra du pain de l’autel; et le chevecier institué par les chanoines recevra, sur l’offrande commune, le vin et autres denrées nécessaires pour vivre ledit jour: .......... Que sur les terres des chanoines qui appartiennent à l’église, nos officiers n’exercent point de juridiction ni exaction quelconque, et qu’ils ne prennent uiolemment nul droit de logement dans leurs maisons ...... Ayant reçu, à leur demande et prière, et en signe de charité, vingt livres desdits chanoines, nous avons fait écrire ce mémorial de notre concession et l’avons fait confirmer par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre nom.Témoins de la présente constitution, etc., etc. (Suivent les noms de quatorze officiers du roi ou témoins laïques, et de vingt-neuf ecclésiastiques ou chanoines.) Donné publiquement, dans notre palais, à Étampes-la-Neuve, l’an de l’incarnation du Verbe 1082e; du règne de Philippe, roi des Français, le 23e. — GRIFFIED, évêque de Paris, a relu et soussigné (1).
     (1) Recueil des ordonnances, t. X, p. 174.

     Indépendamment de ce qui touche les chanoines eux-mêmes, voilà les habitans des terrains qui leur appartiennent, dans Etampes même ou dans son territoire, affrauchis de toute juridiction, de toute exaction des officiers royaux, et entre autres de cette obligation de logement, source de tant d’abus.


     Peu après, le même roi Philippe fait vœu, [p.288] on ne sait pas bien pourquoi, d’aller le casque en tête, la visière baissée, l’épée au côté, la cotte d’armes sur le clos, visiter le Saint-Sépulcre à Jérusalem, de laisser ses armes dans le temple, et de l’enrichir de ses dons; mais les évêques et les grands vassaux, consultés, s’opposent, dit-on, à cette absence du roi, comme dangereuse pour son royaume. Probablement Philippe lui-même n’était pas pressé d’accomplir sou vœu. Un de ses fidèles d’Étampes, un homme de sa maison, Eudes, maire du hameau de Challou-Saint-Mard (Saint-Médard), offrit de faire le voyage pour le roi, armé de toutes pièces, comme Philippe l’avait promis. Il employa deux années à ce pesant pélerinage, et revint après avoir déposé ses armes dans le temple du Saint- Sépulcre, où elles demeurèrent assez longtemps en vue, avec un tableau d’airain où le vœu et le voyage étaient racontés. Avant le départ d’Eudes, le roi prit sous sa garde ses six enfans, un fils nommé Ansold et cinq filles; et à son retour, en mars 1085, il leur donna, en récompense, tous les droits et priviléges contenus dans la charte suivante:

1085
     Faisons savoir qu’Eudes, maire de Challou, par l’inspiration divine et du consentement de Philippe, roi de France, [p.289] dont il était serviteur, est parti pour le Sépulcre du Seigneur, et a laissé dans la main et sous la garde dudit roi, son fils Ansold et ses cinq filles. Et ledit roi a reçu et conservé ces enfans en sa main et sous sa garde. Et il a concédé à Ansold et à ses cinq sœurs susdites, filles d’Eudes, pour l’amour de Dieu, et par seule charité, et par respect pour le Saint-Sépulcre, que tout héritier mâle, issu de lui ou d’elles, qui viendra à épouser une femme soumise au roi par le joug de la servitude, il l’affranchira par ledit mariage et la dégagera du lien de la servitude. Et si des serfs du roi épousent des femmes de la descendance des héritiers d’Eudes, elles seront, ainsi que leurs descendans, de la maison et domesticité du roi. Le roi donne à garder en fief, aux héritiers d’Eudes et à leurs héritiers, sa terre de Challou avec ses hommes; de telle sorte qu’à raison de ce, ils ne soient tenus de paraître en justice devant aucun des serviteurs du roi, mais devant le roi lui-même, et qu’ils ne payent aucun droit dans toute la terre du roi. Le roi ordonne en outre, à ses serviteurs d’Etampes, de garder la chambre de Challou (2), vu que les gens de Challou doivent faire la garde à Etampes, et que, leur chambre y étant établie, ils y feront meilleure garde. Et afin que lesdites franchises et conventions demeurent fermes et stables à toujours, le roi en a fait faire le présent mémorial qu’il a fait sceller de son sceau et de son nom, et confirmer, de sa propre main, par la croix sainte. Présens dans le palais ceux dont les noms et les sceaux suivent: Hugues, sénéchal [p.290] de l’hôtel; Gaston de Poissy, connétable; Pains, d’Orléans, chambellan; Guy, frère de Galeran, chambrier. Fait à Étampes, au mois de mars, dans le. palais, l’an de l’incarnation 1085e du règne du roi le 25e. Ont assisté à la présente franchise, pour en témoigner la vérité, Anselin, fils d’Arembert; Albert de Bruncoin, Guesner, prêtre de Challou; Gérard, doyen; Pierre, fils d’Erard ............ et Haymon, son fils (3).
     (2) On appelait camera le lieu où se conservaient les titres et actes concernant les droits du roi et de la couronne. (Fleureau, Antiquités d’Étampes, p. 83.)





     (3) Les Antiquités de la ville et du duché d’Étampes, par Fleureau, p. 78.

     Voilà donc une famille d’Étampes et ses descendans investis des plus importantes franchises, en possession d’affranchir par mariage, de n’être jugés que par le roi lui-même ou ses officiers les plus proches, de ne payer aucun subside, taille, péage, etc. Et moins de deux cents ans après, saint Louis, en déclarant les descendans d’Eudes de Challou-Saint-Mard exempts du guet de la ville de Paris, dit qu’ils sont au nombre de plus de trois mille. Et on en comptait encore deux cent cinquante-trois en 1598, lorsque le président Brisson fit attaquer leur privilége, dans un accès d’humeur contre les habitans d’Étampes qui, l’étant allés visiter dans sa maison de Grave1le, ne lui avaient pas rendu tous les honneurs qu’il prétendait. Et ce privilége [p.291] dura cinq cent dix-sept ans, car il ne fut aboli. qu’en 1602, par arrêt du parlement de Paris.


     II y avait près d’Étampes, à Morigny, une grande et riche abbaye de l’ordre de Saint-Benoît, formée par un démembrement de l’abbaye de Fleix ou Saint-Germer, près de Beauvais. En 1120, Louis VI accorda, aux moines de Morigny, divers priviléges, parmi lesquels se trouve celui-ci:

1120

     Les tenanciers (4) qui, dans la ville d’Étampes, ont été ou seront donnés aux moines du saint monastère de Morigny, nous paieront les mêmes droits qu’ils avaient coutume de nous payer lorsqu’ils étaient en des mains laïques, à moins que remise ne leur en soit faite par nous ou nos successeurs.
     (4) Hospites, c’est-à-dire les habitans de maisons tenues en censive.

     Nous accordons à tous les tenanciers des moines, en quelque lieu qu’ils résident, que notre prévôt, non plus qu’aucun homme de quelque autre seigneurie, n’exerce sur eux aucune juridiction, à moins que les moines ne manquent d’en faire justice, ou qu’ils ne soient pris en flagrant délit, ou qu’ils n’aient rompu le ban ou la banlieue (5).
     (5) Recueil des ordonnances, t.XI, p. 179.

     Louis VI résidait souvent à Étampes. Les habitans [p.292] du marché Neuf, dit plus tard marché Saint-Gilles, étaient tenus, quand le roi venait dans cette ville, de le fournir, lui et sa cour, de linge, de vaisselle et d’ustensiles de cuisine. Cette charge semblait si onéreuse que peu de gens s’établissaient dans ce quartier et qu’il demeurait presque désert. En 1123, Louis voulut y attirer des habitans, et publia dans ce dessein la charte suivante:

1123

     Au nom de la sainte et indivisible Trinité, Louis, par la grâce de Dieu , roi des Français, je veux faire savoir à tous mes fidèles présens et à venir, qu’à ceux qui habitent ou habiteront dans notre marché Neuf à Etampes, nous accordons ce privilège pour dix ans, à partir de la fête de saint Remi, qui aura été dans la 17e année de notre règne (6).
     (6) Deux ans environ après la date de cette ordonnance. Louis-le-Gros était monté sur le trône en 1108.

     1° Nous leur accordons, dans les limites dudit marché, de rester libres et exempts de tout prélèvement, taille, service de pied et chevauchée.
     2° Nous leur concédons aussi de ne pas payer d’amende pour une assignation ou une accusation mal fondée.
     3° Pour les mêmes, nous réduisons en outre et à toujours, les amendes de soixante sous à cinq sous et quatre deniers; et le droit et amende de sept sous et demi à seize deniers. [p.293]
     4° Nul désormais ne paiera le droit de minage que le jeudi.
     5° Tout homme appelé à prêter serment dans une affaire quelconque, s’il refuse de jurer, n’aura point à se racheter du serment.
     6° Tous ceux qui amèneront dans notre marché susdit, ou dans les maisons des tenanciers établis dans ce même marché, du Vin ou des vivres, ou toute autre chose, seront libres et tranquilles avec toutes leurs denrées, également durant leur venue, leur séjour et leur retour, de telle sorte que, pour leur méfait ou celui de leurs maîtres, nul ne pourra les saisir ou les inquiéter, à moins qu’ils ne soient pris en flagrant délit.
     Nous leur accordons ces priviléges à toujours, sauf l’exemption des prélèvemens, service de pied, chevauchée et tailles, dont ils ne jouiront que dans les limites ci-dessus fixées. Et pour que ladite concession ne puisse tomber en désuétude, nous l’avons fait mettre par écrit; et afin qu’elle ne soit pas infirmée par nos descendans, nous l’avons confirmée par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre nom. Fait à Étampes publiquement, l’an de l’incarnation du Verbe 1223e et de notre règne le 16e. Assistant en notre palais ceux dont les noms et les sceaux sont ci-dessous apposés: Etienne, sénéchal; Gilbert, bouteiller; Hugues, connétable; Albert, chambellan, et Etienne, chancelier (7).
     (7) Recueil des ordonnances, tom. XI, p. 183.

     Les habitans du marché Saint-Gilles formèrent dès-lors, au milieu d’Étampes, une corporation [p.294] distincte qui eut sa charte et ses franchises particulières.
     En 1137, Louis VII accorda «à tous les hommes d’Étampes, tant chevaliers que bourgeois,» une charte portant:

1137
     Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Moi Louis, roi des Français et duc des Aquitains, voulons faire connaître à tous nos fidèles présens et à venir, que nous avons accordé à tous les hommes d’Etampes, tant chevaliers que bourgeois, sur leur humble pétition et le conseil de nos fidèles, les choses qui suivent:
     1° De toute notre vie, nous ne changerons, ni n’altérerons, d’aloi ni de poids, et ne laisserons altérer par personne la monnaie présente d’Etampes, qui y circule depuis le décès de notre père, tant que les chevaliers et les bourgeois d’Étampes, tous les trois ans, à partir de la Toussaint, nous donneront pour le rachat de ladite monnaie, cent livres de même monnaie. Et si eux-mêmes s’aperçoivent que cette monnaie est falsifiée ou altérée de quel que autre façon, nous, sur leur avertissement, nous veillerons à ce qu’elle soit éprouvée et essayée. Et si elle a été falsifiée ou altérée, nous ferons justice du falsificateur ou altérateur, selon le conseil des chevaliers et bourgeois d’Étampes. Or, Luc de Malus, chevalier d’Étampes, par notre ordre et en notre lieu et place, a juré par serment que nous leur tiendrons et observerons ces conditions de la manière ci-dessus énoncée.
     2° Nous accordons aussi aux chevaliers et bourgeois d’Etampes, que nul de tous les gens d’Étampes n’aura le [p.295] droit d’interdire pendant un temps la vente du vin, et que le vin de personne, excepté le nôtre propre, ne sera vendu à Etampes par ban.
     3° En outre pour le salut de notre âme, et de l’âme de nos prédécesseurs, nous accordons à jamais aux chevaliers et bourgeois d’Étampes, que le setier de vin que les prévôts d’Étampes, et un setier que les serviteurs et le vicaire des prévôts, après eux, prenaient dans chaque taverne des bourgeois, ne sera plus pris désormais en aucune façon par aucun prévôt ou son serviteur; et nous défendons aux bourgeois eux-mêmes de le leur donner en aucune façon.
     4° Nous défendons aussi aux crieurs du vin de refuser, sous aucun prétexte, aux chevaliers, ou aux clercs, on aux bourgeois d’Étampes, la mesure pour le vin, lorsqu’ils la demanderont; et d’exiger d’eux quelque chose de plus que ce qu’on exigeait autrefois avec justice.
     Et afin que ceci soit ferme et stable à toujours, nous avons ordonné qu’il fût écrit et confirmé par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre nom. Fait à Paris, dans notre palais, publiquement, l’an de l’incarnation du Verbe 1137e et de notre règne le 4e. Assistant dans notre palais ceux dont les noms et les sceaux sont ci-dessous apposés: Raoul , comte de Vermandois, sénéchal; Hugues, connétable; Guillaume, bouteiller. Donné par la main d’Augrin, chancelier (8)

     (8) Recueil des ordonnances, t. XI, p. 188.

     Il ne s’agit plus ici d’une paroisse, ou d’une famille, ou d’un quartier. Les privilèges sont accordés à la ville entière; tous ses habitans, [p.296] chevaliers ou bourgeois, établis au marché Saint-Gilles, ou sur les terrains des chanoines de Notre-Dame, en jouiront également.
     Mais c’est là le cas le plus rare. Les priviléges accordés à des établissemens spéciaux reviennent bien plus fréquemment. En 1141 et 1147 Louis VII rend, au profit des églises de Notre-Dame et de Saint-Martin d’Étampes, et de l’hôpital des lépreux de la même ville, les deux chartes suivantes:

1141
     Au nom de la sainte et indivisible Trinité. Moi Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français et duc des Aquitains, voulons faire savoir à tous présens et à venir, que, sur le témoignage des chanoines d’Etampes nous avons reconnu pour vrai et certain que Salomon, médecin, ayant reçu du très-noble et très-illustre roi Philippe une terre à Etampes, et l’ayant possédée en propre, l’a donnée et concédée, par une donation pieuse et à charge de prières pour sois âme, et avec les mêmes droits et coutumes aux quels il l’avait tenue pendant sa vie librement et tranquillement du roi Philippe ci-dessus nominé, aux deux églises fondées dans ledit lieu d’Étampes; à savoir, à l’église de Sainte-Marie et à l’église de Saint- Martin, à la connaissance et avec l’approbation dudit roi. C’est pourquoi nous, qui devons à la fois favoriser les églises et tenir immuablement, confirmer et étendre les concessions de nos prédécesseurs, sur le voeu des tenanciers de ladite terre, et sur l’humble pétition desdits chanoines, nous avons aussi accordé et confirmé par notre autorité cette donation, ou pour mieux [p. 297] dire cette aumône, et en outre avons fait écrire dans la présente charte les coutumes de ladite terre, afin qu’on ne lui impose aucune exaction par la suite. Or voici ces coutumes.
     1° L’amende de soixante sous est de cinq sous; celle de sept sous et demi est de douze deniers. Pour du sang répandu, une oie vivante; pour avoir tiré l’épée, une poule de deux deniers.
     2° Dans l’armée du roi, à l’arrière-ban, les hommes de cette terre doivent envoyer quatre sergens d’armes.
     3° Quant au droit de place sur ladite terre, les ministres desdites églises doivent l’exiger le jeudi de chaque semaine; ou s’ils y ont manqué, ils doivent l’exiger le jeudi de la semaine suivante, ou tout autre jour, mais sans aucune poursuite en amende.
     4° A la fête de saint Remi, les sergens desdits chanoines doivent percevoir le cens sur chaque maison de ladite terre.
     5° C’est une coutume de ladite terre que, si quelqu’un veut avoir plaid avec les tenanciers de ladite terre, dans ses limites, il sera obligé de se soumettre, dans son plaid, à la justice desdits chanoines.
     6° Ladite terre est exempte de toute taxe et taille des chanoines (9).
     (9) C’est-à-dire que, lorsque le roi mettait quelque taxe sur les chanoines d’Étampes, ceux-ci ne pouvaient s’en décharger, en tout ou en partie, sur les tenanciers de ce terrain.

     7° Tout ce que dessus Godefroi Sylvestre a confirmé, en notre présence, à Étampes et par serment.
     Afin que ceci ne tombe en oubli, nous l’avons fait écrire [p.298] et confirmer par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre nom. Fait publiquement à Paris, l’an de l’incarnation du Verbe 1141e de notre règne le cinquième. Assistant dans notre palais ceux dont les noms et. les sceaux sont ci-dessous apposés: Raoul, comte de Vermandois, notre sénéchal; Guillaume, bouteiller; Mathieu, chambellan; Mathieu, connétable. Donné par la main de Cadurce, chancelier (10).

     (10) Recueil des ordonnances, t. X p. 195.
1147
     Moi Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français et duc des Aquitains, faisons savoir à tous présens et à venir que nous avons accordé et accordons, aux frères de Saint Lazare d’Étampes, une foire de huit jours, à tenir chaque année, à la fête de saint Michel, auprès de l’église dudit Saint-Lazare; avec cette franchise que nous n’y retenons pour nous absolument aucun droit, et que nos officiers n’y pourront absolument rien prendre ni arrêter personne, si ce n’est tout larron que nous ne mettons point hors de notre puissance, afin d’en faire due justice. Nous prenons sous notre sauve-garde ceux qui iront à cette foire; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, etc. (11).
     (11) Ibidem.

     En 1155, le même roi fait cesser un abus qu’avaient introduit, à leur profit, les officiers qui administraient à Étampes en son nom:

1155
     Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Moi, par la grâce de Dieu, roi des Français. Nos sergens à [p.299] Etampes, prévôt, vicaire et autres, avaient, sur les bouchers de ladite ville, cette coutume que, lorsqu’ils achetaient d’eux quelque chose, le prix était abaissé du tiers et qu’ils avaient une valeur de douze deniers pour huit, et de deux sous pour seize deniers. Faisons savoir à tous présens et à venir que, pour le salut de notre âme et le bon état de ladite ville, nous abolissons à toujours cette coutume,et ordonnons que nos sergens quelconques traitent avec les bouchers selon la loi commune à tous, de telle sorte que ni prévôt, ni vicaire, ni autres sergens n’aient, en achetant, aucune supériorité ni avantage sur les autres bourgeois. Et afin que ceci demeure ferme et stable à toujours nous l’avons fait munir de notre sceau et de notre nom. Fait en public à Paris, l’an de l’incarnation du Seigneur 1155e. Présens dans le palais ceux dont les noms et les sceaux suivent comte Thibaut notre sénéchal; Guy, bouteiller; Mathieu , chambrier; Mathieu, connétable. Donné par la main de Hugues, chancelier (12).
     (12) Recueil des ordonnances, t. XI, p. 200.

     [On notera que Guizot a négligé la charte de 1169 concernant Villeneuve sous Montfaucon, pourtant donnée par Fleureau, p. (B.G.)]


     [AVERTISSEMENT: pour la charte qui suit, Guizot a commis plusieurs erreurs d’interprétation. On peut se reporter à ce sujet à l’édition bilingue que nous en donnons dans une autre page, en Annexe au chapitre où Fleureau en a donné l’édition princeps (B.G.)]


     En 1179, il rend, sur la police et l’administration d’Étampes, un réglement général conçu en ces termes:

1179

     Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Moi Louis, roi des Français, afin de pourvoir au salut de notre âme, nous avons cru devoir abolir de mauvaises coutumes qui, dans la durée de notre règne, ont été introduites à [p.300] Etampes, à notre insu, par la négligence de nos sergens. Transmettant donc notre statut à la mémoire de tous présens et à venir, nous ordonnons:


     1° Que quiconque voudra puisse librement acheter la terre dite Octave (13), sauf nos droits accoutumés; et que pour cela l’acheteur ne devienne pas notre serf;
     2° Que nul n’achète de poissons à Étampes, ni dans la banlieue, pour les revendre à Étampes, excepté les harengs salés et les maquereaux salés;
     3° Que nul n’achète de vin à Étampes pour le revendre dans la même ville, excepté à l’époque de la vendange;

     4° Que nul n’y achète du pain pour l’y revendre;
     5° Que nul homme habitant hors des limites du marché ne soit arrêté à raison du droit de place, tant qu’il sera dans lesdites limites;
     6° Qu’il soit permis à tout homme tenant notre droit de voirie à ferme, de faire une porte ou une boutique dans sa maison, sans la permission du prévôt;
     7° Que personne ne puisse exiger quelque prix pour le prêt de la mine, sauf notre droit de minage;
     8° Qu’il ne soit permis en aucune façon au prévôt d’Étampes d’exiger d’un citoyen la remise de gages pour un duel qui n’aura pas été décidé par jugement.
     9° Les hommes d’Étampes pourront faire garder leurs vignes à leur volonté et pour le bon ordre, sauf la récompense [p.301] des gardes; et les seigneurs, à qui le cens des vignes est dû, n’exigeront rien pour cela.
     10° Aucun marchand regratier, vendant à la boutique, ne donnera de don gratuit au prévôt;
     11° Nul ne devra de don gratuit au prévôt, sauf tout marchand ayant coutume de vendre et d’acheter dans le marché.
     12° Nul ne devra une peau au prévôt, à moins qu’il ne soit pelletier par état.
     13° Nos sergens, autres que le prévôt, dans le marché ou au dehors, ne pourront exiger de don gratuit de personne.
     14° Pour l’étalonnage des mesures, le prévôt ne recevra qu’un setier de vin rouge d’Etampes, et chacun de nos sergens, qui aura assisté à l’étalonnage des mesures, un denier.
     15° Les acheteurs de vivres ne donneront, pour les exporter, nul don gratuit, mais paieront seulement le barrage.
     16° Le prévôt ne pourra exiger des marchands ni harengs, ni autres poissons de mer ou d’eau douce, mais les achetera comme les autres.
     17° Pour un duel nous n’exigerons pas plus de six livres du vaincu, ni le prévôt plus de soixante sous; et le champion vainqueur ne recevra pas plus de trente-deux sous, à moins que le duel n’ait été entrepris pour infraction de banlieue, ou meurtre, ou larcin, ou rapt, ou asservissement.
     18° Le droit de pressurage ne sera reçu que de vases d’un demi-setier; [p.302]
     19° Chaque mégissier ne donnera que douze deniers chaque année pour le don gratuit.

     (13) Il y avait le territoire d’Étampes, des terres qui portaient le nom d’octaves et dont les possesseurs, selon les anciennes coutumes, étaient serfs du roi. Peut-être ce nom d’octave avait-il été donné à ces terres parce que le seigneur y prenait la huitième gerbe.

     20° Les ciriers ne donneront par an, pour le don gratuit, qu’une dénerée de cire, le jeudi avant la fête de la Purification de sainte Marie (14).
     21° Chaque marchand d’arcs donnera par an un arc pour sa redevance.
     22° Nul ne paiera de droit de place pour avoir vendu du fruit qui ne vaut pas plus de quatre deniers.
     23° On ne saisira les biens de nul homme qui refuse de payer une dette, jusqu’à ce qu’on ait calculé combien il doit.
     24° Pour chaque loge qu’on dressera, le viguier n’aura qu’un setier de vin rouge d’Etampes.
     25° Le jour du marché, ni le prévôt des Juifs, ni aucun autre, n’arrêtera pour dette un homme venant au marché, ou revenant du marché, ou séjournant dans le marché, non plus que ses marchandises.
     26° Le marchand de lin ou de chanvre ne donnera pas d’argent pour le droit de place, mais seulement une poignée raisonnable.
     27° Pour une dette reconnue et cautionnée, le prévôt [p.303] ne fera point de saisie, si ce n’est après le nombre de jours prescrit par la loi.

     (14) Dans Fleureau (Antiquités d’Êtampes, p. 114) ce mot denariata est traduit par dix livres de cire. Mais dans le Recueil des ordonnances des rois de France, on remarque qu’il ne signifie en général qu’une dénerée ou la valeur d’un denier, ce qui semblerait confirmé par le mot tantùm qui indique cet impôt comme fort modique. Ce serait donc la valeur d’un denier en cire.


     28° Une veuve, pour relever boutique, ne donnera pas plus de vingt-cinq sous.
     29° Qu’on n’admette point de champion mercenaire.
     Afin que tout ceci soit ferme et stable à toujours, nous avons fait confirmer la présente charte par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre nom royal. Fait à Paris, l’an de l’incarnation 1179e. Assistant dans notre palais ceux dont les noms et sceaux sont ci-dessous apposés: le comte Thibaut notre sénéchal; Gui, bouteiller; Renault, chambellan; Raoul, connétable. Donné, la chancellerie vacante. (15)
     (15) Recueil des ordonnances, t. XI, p. 211-213.

     Jusqu’ici, il n’est point question de la commune d’Étampes; non-seulement nous n’avons rencontré aucune charte qui l’institue, mais aucune de celles que nous venons de citer n’y fait la moindre allusion. Une commune existait cependant à Étampes, et probablement une commune très-agitée, très-entreprenante, car en 1199 Philippe-Auguste l’abolit en disant:

1199
     Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Philippe, par la grâce de Dieu , roi des Français. Sachent tous présens et à venir qu’à raison des outrages, oppressions et vexations qu’a fait souffrir la commune d’Étampes, soit [p.304] aux églises et à leurs possessions, soit aux chevaliers et à leurs possessions, nous avons aboli ladite commune, et concédé, tant aux églises qu’aux chevaliers, que désormais il n’y aurait plus de commune à Etampes. Les églises et les chevaliers recouvreront les franchises et droits qu’ils avaient avant la commune; si ce n’est que tous leurs hommes et leurs tenanciers iront à nos expéditions et chevauchées, comme nos autres hommes. Et quant aux hommes et tenanciers, soit des églises, soit de chevaliers, qui habitent dans le château et les faubourgs d’Étampes, et qui étaient de la commune, nous les taillerons aussi souvent et comme il nous plaira. Et, s’il arrivait que quelqu’un desdits hommes et tenanciers, sur qui la taille aurait été établie, ne nous la payât point, nous pourrions le saisir, tant sa personne que tous ses meubles, n’importe de qui il fût l’homme ou le tenancier, soit de l’église, soit d’un chevalier. Afin que le présent écrit soit ferme à toujours, nous l’avons fait confirmer par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre nom. Fait Paris, l’an du Seigneur 1199e, de notre règne le 21e. Présens dans notre palais ceux dont les noms et les sceaux suivent: Point de sénéchal; Guy, houteiller; Mathieu, chambellan; Dreux, connétable. Donné pendant la vacance de la chancellerie (16).
     (16) Recueil des ordonnances, t. XI, p. 277.

     Si nous n’avions que cette dernière charte, si toutes celles que nous avons citées auparavant n’existaient pas, ne serions-nous pas tentés de croire qu’en perdant leur commune, les [p.305] habitans d’Étampes perdirent tous leurs droits, toutes leurs franchises?
     Évidemment cependant il n’en fut rien. La charte de commune abolie, toutes les autres subsistaient. Les habitans des terrains de l’église Notre-Dame ou du marché Saint-Gilles les descendans d’Eudes de Challou Saint-Mard, les tenanciers de l’abbaye de Morigny conservaient tous leurs priviléges. Et non-seulement ces priviléges demeuraient, mais d’autres encore venaient sans cesse s’y ajouter, également indépendans des destinées de la commune, également limités à tel ou tel quartier de la ville, à telle ou telle classe d’habitans. En 1204, Philippe-Auguste accorde aux tisserands d’Étampes une charte ainsi conçue:

1204
     Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen, Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Français, faisons savoir à tous présens et à venir:
     Que, par amour de Dieu, nous avons affranchi tous les tisserands qui demeurent et demeureront à Étampes, et qui tissent de leur propres mains, soit en lin, soit en laine, de tous les droits qui nous appartiennent, savoir, de la collecte, de la taille et de toute autre demande et levée d’entrée de métier; sauf le droit de tonlieu qu’ils nous paieront toujours; sauf aussi nos amendes pour effusion de sang prouvée par témoins valables, et le service en nos armées et chevauchées. [p.306]
     Pour cette franchise que nous leur concédons, ils nous donneront chaque année vingt livres, dix livres le lendemain de la fête de saint Remi, et dix livres le lendemain du carême.
     Tous les tisserands commenceront et quitteront leur travail à l’heure due.
     Ils éliront à leur gré et constitueront, aussi souvent qu’ils le voudront, quatre de leurs prud’hommes, par les quels ils se défendront en justice, et réformeront ce qui sera à réformer.
     Ces quatre prud’hommes feront serment de fidélité au roi et au prévôt, et jureront de maintenir leur droit, et livreront les vingt livres susdites.
     Ils veilleront à ce que la draperie soit bonne et loyalement faite; et s’il es manqué à cela, il y aura amende à notre profit.
     Nous leur avons aussi accordé que nous ne mettrons jamais le présent revenu hors de notre main.
     Et pour que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait confirmer le présent écrit par l’apposition de notre nom et de notre sceau. Fait à Paris l’an du Verbe incarné 1204e, de notre règne le 24e. Présens dans le palais ceux dont les noms et les sceaux suivent: Point de sénéchal; Guy, bouteiller; Mathieu, chambrier; Dreux, connétable. Donné pendant la vacance de la chancellerie, par la main de frère Garin (17).
     (17) Recueil des ordonnances, t. XI, p. 286.

     En 1224 enfin, Louis VIII confirme eu ces termes la charte d’affranchissement concédée, [p.307] par le doyen et le chapitre de l’église Sainte-Croix d’Orléans, aux hommes que cette église possédait à Étampes ou dans son territoire:

1224
     Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français, faisons savoir à tous présens et à venir que nous avons eu sous les yeux la charte de nos bien-aimés le doyen et le chapitre de Sainte-Croix d’Orléans, ainsi conçue:
     Libert, doyen, et tout le chapitre d’Orléans, à tous et à toujours:
     Faisons savoir à tous présens et avenir que tous nos hommes de Corps, tant hommes que femmes, qui habitent sur notre terre d’Étampes, et tous ceux qui tiennent et possèdent quelque portion de ladite terre, en quelque lieu qu’ils habitent, se sont liés envers nous, par un serment individuellement prêté et reçu de chacun d’eux, promettant que, si nous les déchargions de l’opprobre de la servitude, et si nous leur accordions, à eux et à leurs enfans, nés ou à naître, le bienfait de la liberté, ils accepteraient avec reconnaissance, acquitteraient fermement, et ne contrediraient jamais les redevances quelconques que nous voudrions leur imposer, à eux, à leurs descendans et à notre terre. Nous donc, touchés des nombreux avantages de tous genres qui peuvent provenir, tant pour nos hommes et leurs descendans que pour nous-mêmes et notre église, de ladite concession de liberté, nous avons jugé devoir la leur accorder; et affranchissant les susdits, tant eux que leurs femmes et leurs enfans, nés ou à naître, de toute servitude, nous avons déclaré qu’ils seraient libres, à perpétuité, sauf les redevances et charges ci-dessous relatées. [p.308]
     Et d’abord, pour extirper complètement, de notre dite terre d’Etampes, l’opprobre de la servitude, nous avons décrété que nul homme ou femme, de condition servile, n’y pourrait posséder à l’avenir maison, vigne ou champ; que ladite terre, jusqu’ici humble et accablée de l’opprobre de la servitude, brille à l’avenir de l’éclat de la liberté.


     Nul des affranchis et de leurs descendans, demeurant dans notre terre, ne pourra entrer, sans notre gré, dans la commune d’Étampes (18).
     Quiconque habite sur notre terre sera tenu de moudre à notre moulin, et ne pourra aller moudre ailleurs.
     Nul ne pourra transmettre ou transférer notre terre à une autre qu’à la charge d’acquitter toutes les redevances auxquelles il est lui-même tenu envers nous.
     Nous voulons, et c’est ici la charge que nous imposons surtout à raison du bienfait de la liberté concédée, que sur douze gerbes recueillies dans notre terre, et même sur Onze, si le champ n’en rapporte pas plus de onze, il y en ait une pour nous, laquelle sera comptée et choisie par nous, et [p.309] transportée dans notre grange par le cultivateur du champ; et elle sera dite la gerbe de liberté.
     Quant à la dîme du champ, nous n’y changeons rien en ceci; et elle subsistera comme auparavant.
     Nous aurons de même partout la dîme des bleds non liés. Par tout ce qui est spécialement exprimé dans cette charte, nous ne voulons qu’il soit apporté d’ailleurs aucun préjudice à notre droit.
     Quant à toutes nos autres redevances, coutumes, corvées,usages, et tous nos droits en général, nous ne changeons absolument rien, et nous entendons qu’ils demeurent entiers et fermes à toujours; sauf les droits de capitation que nous remettons et quittons absolument à nos dits hommes.

     (18) Cet article suppose que la commune d’Etampes, abolie en 1599 par Philippe-Auguste, avait été rétablie. Le fait est très-possible en soi , et ce texte positif le rend très-probable. Mais nous n’avons pas la charte de rétablissement de la commune d’Étampes, pas plus que celle de sa création. Peut-être avait-elle continué d’exister, malgré la charte d’abolition de 1199, et par tolérance tacite. Alors, plus souvent encore qu’aujourd’hui, les mesures ordonnées pouvaient rester sans exécution.

     Nous avons jugé devoir insérer dans le présent écrit les noms de nos hommes que nous avons affranchis comme il est dit ci-dessus; et d’abord Eudes de Marolles, etc., etc. (19).
     En sûreté, foi et témoignage de ladite franchise, nous avons fait écrire et sceller de notre sceau les présentes lettres. Fait l’an du Seigneur 1224e, au mois de février.

     (19) Suivent les noms de quatre ou cinq cents personnes, avec la désignation des lieux d’habitation.

     Nous, accordant le présent affranchissement comme ci-dessus, nous affranchissons et dégageons pareillement de toute servitude lesdits hommes. Et afin que ce soit une liberté ferme et perpétuelle, nous avons confirmé la présente charte par l’autorité de notre sceau et de notre nom. Fait à Melun, l’an du Verbe incarné 1224e, de notre règne le deuxième. Présens dans notre palais ceux dont les noms et les sceaux suivent: Point de sénéchal; Robert, [p.310] bouteiller; Barthelemy, chambrier; Mathieu, connétable. De notre propre main, sceau en cire verte. (20)
     (20) Recueil des ordonnances, t. XI, p. 322.

     Je puis me dispenser de commentaires. Les faits parlent; les actes s’expliquent d’eux-mêmes. Il est évident que ces mots une ville, une commune, une charte de commune, nous trompent en nous faisant attribuer, aux institutions et aux destinées municipales de cette époque, une unité, un ensemble qui leur manquaient absolument. Au dedans comme au dehors des murs d’une ville, dans la cité comme dans l’État, tout était spécial, local, partiel. Les divers établissemens, les divers quartiers, les diverses classes d’habitans possédaient, à des titres de nature et de date diverse, des franchises, des priviléges, tantôt divers, tantôt semblables, mais toujours indépendans les uns des autres, et dont les uns pouvaient périr sans que les autres fussent atteints. Le sort de la commune ne décidait pas toujours de celui de la ville. La charte de commune pouvait même n’être pas la source la plus féconde des libertés et des prospérités municipales. Concevons le moyen âge dans sa bizarre et vivace variété; ne [p.311] lui attribuons jamais nos idées générales, nos organisations simples et systématiques. L’ordre politique s’y est progressivement formé au sein et sous l’empire de l’ordre civil; le pouvoir y est né de la propriété et a revêtu les formes infiniment variées et souples des contrats privés. Quiconque se placera hors de ce point de vue ne comprendra point le moyen âge, ni sa féodalité, ni sa royauté, ni ses communes, et ne pourra s’expliquer ni les vices et les mérites, ni la force et la faiblesse de ses institutions.


 
Source: L’édition de 1839 numérisée en mode image et mise en ligne par la BNF, saisie et mise en page par B.G.
   
 BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
 
Éditions
 
François Guizot     François GUIZOT (1787-1874) [traducteur], «Chartes et pièces relatives à lhistoire d’Étampes», in ID., «Histoire de la civilisation en France, depuis la chute de l’Empire romain jusqu’en 1789», in ID., Cours d’histoire moderne [6 volumes in-8°; comprennent: 1) Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à la Révolution française; 2) Histoire de la civilisation en France depuis la chute de l’Empire romain jusqu’en 1789], Paris, Pichon et Didier, 1829-1832 [dont aussi une réédition (grand in-8°; 682 p.), Bruxelles, Hauman, 1839], tome VI [dont une réédition en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-92318, en ligne en 2005], pp. 293-296 (charte de 1137), 296-298 (charte de 1141), 298 (charte de 1147), 298-299 (charte de 1155), 299-303 (charte de 1179) [dont une réédition en mode texte par le Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-guizot1839etampes.html, 2006.

    François GUIZOT, «Chartes et pièces relatives à lhistoire d’Étampes», in ID., Histoire de la civilisation en France, depuis la chute de l’Empire romain. Deuxième édition [4 vol. in-8°], Paris, Didier, 1840 [Rééditions: 1843. 1846. Paris, Masson, 1851. Paris, Didier, 1857. Saint-Germain, L. Toinon, 1871. Paris, E. Perrin, 1884 (15e édition)], tome IV, notamment pp. 341-344 (acte de 1179).
 
 
     Bernard GINESTE [éd.], «François Guizot: 
Chartes et pièces relatives à lhistoire d’Étampes (1830)», in Corpus Étampoishttp://www.corpusetampois.com/che-19-guizot1839etampes.html, 2006.

Sources de Guizot

     Dom Basile FLEUREAU (1612-1674), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité vers 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683, pp. 103-104 (carte de 1137), 107 (charte de 1141), 109 (charte de 1169), 110 (charte de 1155), 111-112 (charte de 1179), 119 (charte de 1147), 349 (charte de 1160, ou bien de 1171 selon le Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes).

     Eusèbe de
LAURIÈRE (1659-1728) [premier auteur du recueil], Denis-François SECOUSSE (1691-1754)Louis-Guillaume de VILEVAULT (mort en 1786), Louis George Oudard FEUDRIX DE BRÉQUIGNY (1714-1795), Claude-Emmanuel Joseph-Pierre PASTORET (1755-1840) & Jean-Marie PARDESSUS (1772-1853) [continuateurs], Ordonnances des Rois de France de la 3e Race, recueillies par ordre chronologique, avec des renvois des unes aux autres, des sommaires, des observations sur le texte et cinq tables. - Recueil commencé par de Laurière et continué par Secousse Vilevault de Bréquigny et Pastoret [22 volumes in-f°], Paris, Imprimerie Royale, 1723-1814-1849 [recueil à explorer, ce que nous n’avons pas encore fait].

     Louis-Guillaume de
VILEVAULT (mort en 1786) & Louis-Georges-Oudard FEUDRIX DE BRÉQUIGNY (1714-1795) [éd.], Ordonnances des rois de France de la troisième race. Dixième volume, Contenant les ordonnances de Charles VI, données depuis le commencement de l’année 1411 jusqu’à la fin de l’année 1418 [X+514+CCVI p.], Paris, Imprimerie royale, 1763, p. 195 (confirmation par Charles VI des chartes de 1141 & 1147).

     Louis-Guillaume de VILEVAULT (mort en 1786) & Louis-Georges-Oudard FEUDRIX DE BRÉQUIGNY (1714-1795) [éd.], Ordonnances des rois de France de la troisième race. Onzième volume, Contenant les ordonnances de Charles VI, données depuis le commencement de l’année 1419 jusqu’à la fin du règne de ce prince [LXXVII+514+CXCV p.], Paris, Imprimerie royale, 1769, p. 188 (confirmation par Charles VI de la charte de 1137), 200 (confirmation par Charles VI de la charte de 1155), pp. 211-213 (confirmation par Charles VI de la charte de 1179).


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