COURS D’HISTOIRE MODERNE
Cours de 1830
Tome VI, pp 285-311.
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Chartes et pièces relatives à
l’histoire d’Étampes
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Cours d’Histoire moderne
Cours de 1830
PREUVES ET DÉVELOPPEMENTS
HISTORIQUES.
Chartes et pièces
relatives à l’histoire d’Étampes
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ORLÉANS vient de faire voir quels pouvaient être
les priviléges et les développemens progressifs d’une
ville qui n’était point érigée en commune proprement
dite. ÉTAMPES va montrer combien peu de place tenait quelque
fois une charte de commune dans l’existence d’une ville, et comment elle
pouvait la perdre sans perdre, tant s’en faut, tous ses avantages et
toutes ses libertés.
Je ne conclurai point d’avance; je ne
résumerai point les faits avant de les avoir présentés.
Je veux rapporter les divers actes dont, à divers titres, Étampes
a été l’objet, de la part des rois de France, du XIe au
XIIIe siècle. On verra ce qu’était vraiment alors une ville;
en quoi consistaient, comment se formaient les priviléges de ses
habitans, et combien est fausse l’image historique que nous en offrent
presque toujours ceux qui en parlent. [p.286]
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1082
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En 1082 le roi Philippe 1er veut se montrer favorable
aux chanoines de Notre-Dame d’Étampes, comme l’avaient fait ses
aïeux les rois Robert et Henri Ier, et il leur accorde cette charte:
An nom de la sainte et indivisible Trinité,
Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Français. Il est
juste et très-digne de la sévérité royale
de gouverner avec modération les affaires séculières,
et bien plus encore de porter constamment sur les affaires ecclésiastiques
des regards de religion et de piété, afin que rien ne demeure
mal ordonné dans notre république; comme aussi d’observer
l’affirmant, et d’affermir en l’observant, ce qui a été concédé
soit par nos prédécesseurs, soit par nous-mêmes.
Faisons donc savoir aux fidèles de la sainte Église, présens
et à venir, que les chanoines de Sainte-Marie d’Étampes
sont venus vers N. M., nous suppliant de leur accorder et confirmer à
perpétuité les droits et usages à eux accordés
et abandonnés par nos le roi Robert notre ayeul, et le roi Henri,
notre père …….. Lesquels droits possédé par ladite
église sont ainsi qu’il, suit:
Que lesdits chanoines donnent, à
ceux d’entre eux qu’ils éliront, les offices de ladite église,
tels que les offices de prévôt, chevecier et chantre; et
qu’ils aient et possèdent tout ce qui appartient à la dite
église; sauf à la fête de sainte Marie, au milieu
du mois d’août, où leur abbé aura, de none à
none, des droits ainsi réglés: Les chanoines auront les
pains et les essuye-mains; mais quant aux autres menues offrandes, la
cire, les deniers, l’or et l’argent, s’il en est offert, l’abbé
les recevra et les aura. En outre celui qui,
[p.287] de la part de l’abbé, gardera l’autel pendant
la fête, vivra du pain de l’autel; et le chevecier institué
par les chanoines recevra, sur l’offrande commune, le vin et autres denrées
nécessaires pour vivre ledit jour: .......... Que
sur les terres des chanoines qui appartiennent à l’église,
nos officiers n’exercent point de juridiction ni exaction quelconque,
et qu’ils ne prennent uiolemment nul droit de logement dans leurs maisons
...... Ayant reçu, à leur demande et prière,
et en signe de charité, vingt livres desdits chanoines, nous avons
fait écrire ce mémorial de notre concession et l’avons fait
confirmer par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre
nom.Témoins de la présente constitution, etc., etc.
(Suivent les noms de quatorze officiers du roi ou témoins
laïques, et de vingt-neuf ecclésiastiques ou chanoines.)
Donné publiquement, dans notre palais, à Étampes-la-Neuve,
l’an de l’incarnation du Verbe 1082e; du règne de Philippe, roi
des Français, le 23e. — GRIFFIED, évêque de Paris,
a relu et soussigné (1).
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(1)
Recueil des ordonnances, t. X, p. 174.
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Indépendamment de ce qui touche les chanoines eux-mêmes,
voilà les habitans des terrains qui leur appartiennent, dans Etampes
même ou dans son territoire, affrauchis de toute juridiction, de
toute exaction des officiers royaux, et entre autres de cette obligation
de logement, source de tant d’abus.
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Peu après, le même roi Philippe fait vœu, [p.288] on ne sait pas bien pourquoi,
d’aller le casque en tête, la visière baissée, l’épée
au côté, la cotte d’armes sur le clos, visiter le Saint-Sépulcre
à Jérusalem, de laisser ses armes dans le temple, et de
l’enrichir de ses dons; mais les évêques et les grands vassaux,
consultés, s’opposent, dit-on, à cette absence du roi,
comme dangereuse pour son royaume. Probablement Philippe lui-même
n’était pas pressé d’accomplir sou vœu. Un de ses fidèles
d’Étampes, un homme de sa maison, Eudes, maire du hameau de Challou-Saint-Mard
(Saint-Médard), offrit de faire le voyage pour le roi, armé
de toutes pièces, comme Philippe l’avait promis. Il employa deux
années à ce pesant pélerinage, et revint après
avoir déposé ses armes dans le temple du Saint- Sépulcre,
où elles demeurèrent assez longtemps en vue, avec un tableau
d’airain où le vœu et le voyage étaient racontés.
Avant le départ d’Eudes, le roi prit sous sa garde ses six enfans,
un fils nommé Ansold et cinq filles; et à son retour, en
mars 1085, il leur donna, en récompense, tous les droits et priviléges
contenus dans la charte suivante:
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1085
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Faisons savoir qu’Eudes, maire de Challou, par l’inspiration divine
et du consentement de Philippe, roi de France,
[p.289] dont il était serviteur, est
parti pour le Sépulcre du Seigneur, et a laissé dans la
main et sous la garde dudit roi, son fils Ansold et ses cinq filles. Et
ledit roi a reçu et conservé ces enfans en sa main et sous
sa garde. Et il a concédé à Ansold et à ses
cinq sœurs susdites, filles d’Eudes, pour l’amour de Dieu, et par seule
charité, et par respect pour le Saint-Sépulcre, que tout
héritier mâle, issu de lui ou d’elles, qui viendra à
épouser une femme soumise au roi par le joug de la servitude, il
l’affranchira par ledit mariage et la dégagera du lien de la servitude.
Et si des serfs du roi épousent des femmes de la descendance des
héritiers d’Eudes, elles seront, ainsi que leurs descendans, de
la maison et domesticité du roi. Le roi donne à garder en
fief, aux héritiers d’Eudes et à leurs héritiers,
sa terre de Challou avec ses hommes; de telle sorte qu’à raison
de ce, ils ne soient tenus de paraître en justice devant aucun des
serviteurs du roi, mais devant le roi lui-même, et qu’ils ne payent
aucun droit dans toute la terre du roi. Le roi ordonne en outre, à
ses serviteurs d’Etampes, de garder la chambre de Challou (2), vu que
les gens de Challou doivent faire la garde à Etampes, et que, leur
chambre y étant établie, ils y feront meilleure garde. Et
afin que lesdites franchises et conventions demeurent fermes et stables
à toujours, le roi en a fait faire le présent mémorial
qu’il a fait sceller de son sceau et de son nom, et confirmer, de sa propre
main, par la croix sainte. Présens dans le palais ceux dont les
noms et les sceaux suivent: Hugues, sénéchal [p.290] de l’hôtel;
Gaston de Poissy, connétable; Pains, d’Orléans, chambellan;
Guy, frère de Galeran, chambrier. Fait à Étampes,
au mois de mars, dans le. palais, l’an de l’incarnation 1085e du règne
du roi le 25e. Ont assisté à la présente franchise,
pour en témoigner la vérité, Anselin, fils d’Arembert;
Albert de Bruncoin, Guesner, prêtre de Challou; Gérard,
doyen; Pierre, fils d’Erard ............ et Haymon, son fils (3).
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(2)
On appelait camera le lieu où se conservaient
les titres et actes concernant les droits du roi et de la couronne. (Fleureau,
Antiquités d’Étampes, p. 83.)
(3) Les Antiquités de la ville et
du duché d’Étampes, par Fleureau, p. 78.
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Voilà donc une famille d’Étampes et ses
descendans investis des plus importantes franchises, en possession d’affranchir
par mariage, de n’être jugés que par le roi lui-même
ou ses officiers les plus proches, de ne payer aucun subside, taille,
péage, etc. Et moins de deux cents ans après, saint Louis,
en déclarant les descendans d’Eudes de Challou-Saint-Mard exempts
du guet de la ville de Paris, dit qu’ils sont au nombre de plus de trois
mille. Et on en comptait encore deux cent cinquante-trois en 1598, lorsque
le président Brisson fit attaquer leur privilége, dans un
accès d’humeur contre les habitans d’Étampes qui, l’étant
allés visiter dans sa maison de Grave1le, ne lui avaient pas rendu
tous les honneurs qu’il prétendait. Et ce privilége [p.291] dura cinq cent dix-sept
ans, car il ne fut aboli. qu’en 1602, par arrêt du parlement de Paris.
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II y avait près d’Étampes, à Morigny,
une grande et riche abbaye de l’ordre de Saint-Benoît, formée
par un démembrement de l’abbaye de Fleix ou Saint-Germer, près
de Beauvais. En 1120, Louis VI accorda, aux moines de Morigny, divers
priviléges, parmi lesquels se trouve celui-ci:
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1120
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Les tenanciers (4) qui, dans la ville d’Étampes, ont été
ou seront donnés aux moines du saint monastère de Morigny,
nous paieront les mêmes droits qu’ils avaient coutume de nous payer
lorsqu’ils étaient en des mains laïques, à moins que
remise ne leur en soit faite par nous ou nos successeurs.
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(4) Hospites,
c’est-à-dire les habitans de maisons tenues en censive.
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Nous accordons à tous les tenanciers des moines, en quelque lieu
qu’ils résident, que notre prévôt, non plus qu’aucun
homme de quelque autre seigneurie, n’exerce sur eux aucune juridiction,
à moins que les moines ne manquent d’en faire justice, ou qu’ils
ne soient pris en flagrant délit, ou qu’ils n’aient rompu le ban
ou la banlieue (5).
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(5)
Recueil des ordonnances, t.XI, p. 179.
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Louis VI résidait souvent à Étampes.
Les habitans [p.292] du
marché Neuf, dit plus tard marché Saint-Gilles, étaient
tenus, quand le roi venait dans cette ville, de le fournir, lui et sa cour,
de linge, de vaisselle et d’ustensiles de cuisine. Cette charge semblait
si onéreuse que peu de gens s’établissaient dans ce quartier
et qu’il demeurait presque désert. En 1123, Louis voulut y attirer
des habitans, et publia dans ce dessein la charte suivante:
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1123
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité, Louis, par la grâce
de Dieu , roi des Français, je veux faire savoir à tous
mes fidèles présens et à venir, qu’à ceux
qui habitent ou habiteront dans notre marché Neuf à Etampes,
nous accordons ce privilège pour dix ans, à partir de
la fête de saint Remi, qui aura été dans la 17e
année de notre règne (6).
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(6) Deux ans
environ après la date de cette ordonnance. Louis-le-Gros était
monté sur le trône en 1108.
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1° Nous leur accordons, dans les limites dudit marché, de
rester libres et exempts de tout prélèvement, taille, service
de pied et chevauchée.
2° Nous leur concédons aussi
de ne pas payer d’amende pour une assignation ou une accusation mal fondée.
3° Pour les mêmes, nous réduisons
en outre et à toujours, les amendes de soixante sous à
cinq sous et quatre deniers; et le droit et amende de sept sous et demi
à seize deniers. [p.293]
4° Nul désormais ne paiera
le droit de minage que le jeudi.
5° Tout homme appelé à
prêter serment dans une affaire quelconque, s’il refuse de jurer,
n’aura point à se racheter du serment.
6° Tous ceux qui amèneront
dans notre marché susdit, ou dans les maisons des tenanciers établis
dans ce même marché, du Vin ou des vivres, ou toute autre
chose, seront libres et tranquilles avec toutes leurs denrées,
également durant leur venue, leur séjour et leur retour,
de telle sorte que, pour leur méfait ou celui de leurs maîtres,
nul ne pourra les saisir ou les inquiéter, à moins qu’ils
ne soient pris en flagrant délit.
Nous leur accordons ces priviléges
à toujours, sauf l’exemption des prélèvemens, service
de pied, chevauchée et tailles, dont ils ne jouiront que dans les
limites ci-dessus fixées. Et pour que ladite concession ne puisse
tomber en désuétude, nous l’avons fait mettre par écrit;
et afin qu’elle ne soit pas infirmée par nos descendans, nous l’avons
confirmée par l’autorité de notre sceau et l’apposition
de notre nom. Fait à Étampes publiquement, l’an de l’incarnation
du Verbe 1223e et de notre règne le 16e. Assistant en notre palais
ceux dont les noms et les sceaux sont ci-dessous apposés: Etienne,
sénéchal; Gilbert, bouteiller; Hugues, connétable;
Albert, chambellan, et Etienne, chancelier (7).
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(7)
Recueil des ordonnances, tom. XI, p. 183.
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Les habitans du marché Saint-Gilles formèrent
dès-lors, au milieu d’Étampes, une corporation [p.294] distincte qui eut sa
charte et ses franchises particulières.
En 1137, Louis VII accorda «à tous les hommes d’Étampes,
tant chevaliers que bourgeois,» une charte portant:
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1137
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Moi Louis,
roi des Français et duc des Aquitains, voulons faire connaître
à tous nos fidèles présens et à venir, que
nous avons accordé à tous les hommes d’Etampes, tant chevaliers
que bourgeois, sur leur humble pétition et le conseil de nos fidèles,
les choses qui suivent:
1° De toute notre vie, nous ne changerons,
ni n’altérerons, d’aloi ni de poids, et ne laisserons altérer
par personne la monnaie présente d’Etampes, qui y circule depuis
le décès de notre père, tant que les chevaliers
et les bourgeois d’Étampes, tous les trois ans, à partir
de la Toussaint, nous donneront pour le rachat de ladite monnaie, cent
livres de même monnaie. Et si eux-mêmes s’aperçoivent
que cette monnaie est falsifiée ou altérée de quel
que autre façon, nous, sur leur avertissement, nous veillerons
à ce qu’elle soit éprouvée et essayée. Et
si elle a été falsifiée ou altérée,
nous ferons justice du falsificateur ou altérateur, selon le conseil
des chevaliers et bourgeois d’Étampes. Or, Luc de Malus, chevalier
d’Étampes, par notre ordre et en notre lieu et place, a juré
par serment que nous leur tiendrons et observerons ces conditions de la
manière ci-dessus énoncée.
2° Nous accordons aussi aux chevaliers
et bourgeois d’Etampes, que nul de tous les gens d’Étampes n’aura
le [p.295] droit d’interdire
pendant un temps la vente du vin, et que le vin de personne, excepté
le nôtre propre, ne sera vendu à Etampes par ban.
3° En outre pour le salut de notre
âme, et de l’âme de nos prédécesseurs, nous
accordons à jamais aux chevaliers et bourgeois d’Étampes,
que le setier de vin que les prévôts d’Étampes, et
un setier que les serviteurs et le vicaire des prévôts,
après eux, prenaient dans chaque taverne des bourgeois, ne sera
plus pris désormais en aucune façon par aucun prévôt
ou son serviteur; et nous défendons aux bourgeois eux-mêmes
de le leur donner en aucune façon.
4° Nous défendons aussi aux
crieurs du vin de refuser, sous aucun prétexte, aux chevaliers,
ou aux clercs, on aux bourgeois d’Étampes, la mesure pour le vin,
lorsqu’ils la demanderont; et d’exiger d’eux quelque chose de plus que
ce qu’on exigeait autrefois avec justice.
Et afin que ceci soit ferme et stable
à toujours, nous avons ordonné qu’il fût écrit
et confirmé par l’autorité de notre sceau et l’apposition
de notre nom. Fait à Paris, dans notre palais, publiquement, l’an
de l’incarnation du Verbe 1137e et de notre règne le 4e. Assistant
dans notre palais ceux dont les noms et les sceaux sont ci-dessous apposés:
Raoul , comte de Vermandois, sénéchal; Hugues, connétable;
Guillaume, bouteiller. Donné par la main d’Augrin, chancelier (8)
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(8) Recueil des ordonnances, t. XI,
p. 188.
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Il ne s’agit plus ici d’une paroisse, ou d’une famille,
ou d’un quartier. Les privilèges sont accordés à
la ville entière; tous ses habitans,
[p.296] chevaliers ou bourgeois, établis
au marché Saint-Gilles, ou sur les terrains des chanoines de Notre-Dame,
en jouiront également.
Mais
c’est là le cas le plus rare. Les priviléges accordés
à des établissemens spéciaux reviennent bien plus
fréquemment. En 1141 et 1147 Louis VII rend, au profit des églises
de Notre-Dame et de Saint-Martin d’Étampes, et de l’hôpital
des lépreux de la même ville, les deux chartes suivantes:
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1141
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité. Moi Louis, par la
grâce de Dieu, roi des Français et duc des Aquitains, voulons
faire savoir à tous présens et à venir, que, sur
le témoignage des chanoines d’Etampes nous avons reconnu pour
vrai et certain que Salomon, médecin, ayant reçu du très-noble
et très-illustre roi Philippe une terre à Etampes, et l’ayant
possédée en propre, l’a donnée et concédée,
par une donation pieuse et à charge de prières pour sois
âme, et avec les mêmes droits et coutumes aux quels il l’avait
tenue pendant sa vie librement et tranquillement du roi Philippe ci-dessus
nominé, aux deux églises fondées dans ledit lieu d’Étampes;
à savoir, à l’église de Sainte-Marie et à l’église
de Saint- Martin, à la connaissance et avec l’approbation dudit
roi. C’est pourquoi nous, qui devons à la fois favoriser les églises
et tenir immuablement, confirmer et étendre les concessions de
nos prédécesseurs, sur le voeu des tenanciers de ladite
terre, et sur l’humble pétition desdits chanoines, nous avons aussi
accordé et confirmé par notre autorité cette donation,
ou pour mieux [p. 297] dire cette
aumône, et en outre avons fait écrire dans la présente
charte les coutumes de ladite terre, afin qu’on ne lui impose aucune exaction
par la suite. Or voici ces coutumes.
1° L’amende de soixante sous est
de cinq sous; celle de sept sous et demi est de douze deniers. Pour du
sang répandu, une oie vivante; pour avoir tiré l’épée,
une poule de deux deniers.
2° Dans l’armée du roi, à
l’arrière-ban, les hommes de cette terre doivent envoyer quatre
sergens d’armes.
3° Quant au droit de place sur ladite
terre, les ministres desdites églises doivent l’exiger le jeudi
de chaque semaine; ou s’ils y ont manqué, ils doivent l’exiger le
jeudi de la semaine suivante, ou tout autre jour, mais sans aucune poursuite
en amende.
4° A la fête de saint Remi,
les sergens desdits chanoines doivent percevoir le cens sur chaque maison
de ladite terre.
5° C’est une coutume de ladite terre
que, si quelqu’un veut avoir plaid avec les tenanciers de ladite terre,
dans ses limites, il sera obligé de se soumettre, dans son plaid,
à la justice desdits chanoines.
6° Ladite terre est exempte de toute
taxe et taille des chanoines (9).
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(9)
C’est-à-dire que, lorsque le roi mettait quelque taxe sur les chanoines
d’Étampes, ceux-ci ne pouvaient s’en décharger, en tout
ou en partie, sur les tenanciers de ce terrain.
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7° Tout ce que dessus Godefroi Sylvestre a confirmé, en notre
présence, à Étampes et par serment.
Afin que ceci ne tombe en oubli, nous
l’avons fait écrire [p.298] et
confirmer par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre
nom. Fait publiquement à Paris, l’an de l’incarnation du Verbe 1141e
de notre règne le cinquième. Assistant dans notre palais
ceux dont les noms et. les sceaux sont ci-dessous apposés: Raoul,
comte de Vermandois, notre sénéchal; Guillaume, bouteiller;
Mathieu, chambellan; Mathieu, connétable. Donné par la main
de Cadurce, chancelier (10).
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(10) Recueil
des ordonnances, t. X p. 195.
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1147
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Moi Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français et duc
des Aquitains, faisons savoir à tous présens et à
venir que nous avons accordé et accordons, aux frères de
Saint Lazare d’Étampes, une foire de huit jours, à tenir
chaque année, à la fête de saint Michel, auprès
de l’église dudit Saint-Lazare; avec cette franchise que nous n’y
retenons pour nous absolument aucun droit, et que nos officiers n’y pourront
absolument rien prendre ni arrêter personne, si ce n’est tout larron
que nous ne mettons point hors de notre puissance, afin d’en faire due justice.
Nous prenons sous notre sauve-garde ceux qui iront à cette foire;
et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, etc. (11).
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(11)
Ibidem.
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En 1155, le même roi fait cesser un abus qu’avaient
introduit, à leur profit, les officiers qui administraient à
Étampes en son nom:
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1155
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Moi, par la grâce
de Dieu, roi des Français. Nos sergens à [p.299] Etampes, prévôt,
vicaire et autres, avaient, sur les bouchers de ladite ville, cette
coutume que, lorsqu’ils achetaient d’eux quelque chose, le prix était
abaissé du tiers et qu’ils avaient une valeur de douze deniers
pour huit, et de deux sous pour seize deniers. Faisons savoir à
tous présens et à venir que, pour le salut de notre âme
et le bon état de ladite ville, nous abolissons à toujours
cette coutume,et ordonnons que nos sergens quelconques traitent avec les
bouchers selon la loi commune à tous, de telle sorte que ni prévôt,
ni vicaire, ni autres sergens n’aient, en achetant, aucune supériorité
ni avantage sur les autres bourgeois. Et afin que ceci demeure ferme et
stable à toujours nous l’avons fait munir de notre sceau et de notre
nom. Fait en public à Paris, l’an de l’incarnation du Seigneur 1155e.
Présens dans le palais ceux dont les noms et les sceaux suivent comte
Thibaut notre sénéchal; Guy, bouteiller; Mathieu , chambrier;
Mathieu, connétable. Donné par la main de Hugues, chancelier
(12).
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(12) Recueil
des ordonnances, t. XI, p. 200.
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[On notera que Guizot a négligé la charte de 1169
concernant Villeneuve sous Montfaucon, pourtant donnée par Fleureau,
p. (B.G.)]
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[AVERTISSEMENT: pour la charte qui suit, Guizot a
commis plusieurs erreurs d’interprétation. On peut se reporter à
ce sujet à l’édition bilingue que nous en donnons dans une
autre page, en Annexe au chapitre où Fleureau en a donné
l’édition princeps (B.G.)]
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En 1179, il rend, sur la police et l’administration d’Étampes,
un réglement général conçu en ces termes:
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1179
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Moi Louis, roi
des Français, afin de pourvoir au salut de notre âme, nous
avons cru devoir abolir de mauvaises coutumes qui, dans la durée
de notre règne, ont été introduites à [p.300] Etampes, à
notre insu, par la négligence de nos sergens. Transmettant donc
notre statut à la mémoire de tous présens et à
venir, nous ordonnons:
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1° Que quiconque voudra puisse librement acheter la terre dite Octave
(13), sauf nos droits accoutumés; et que pour cela l’acheteur ne
devienne pas notre serf;
2° Que
nul n’achète de poissons à Étampes, ni dans la banlieue,
pour les revendre à Étampes, excepté les harengs
salés et les maquereaux salés;
3° Que nul n’achète de vin
à Étampes pour le revendre dans la même ville, excepté
à l’époque de la vendange;
4° Que
nul n’y achète du pain pour l’y revendre;
5° Que nul homme habitant hors des
limites du marché ne soit arrêté à raison
du droit de place, tant qu’il sera dans lesdites limites;
6° Qu’il soit permis à tout
homme tenant notre droit de voirie à ferme, de faire une porte
ou une boutique dans sa maison, sans la permission du prévôt;
7° Que personne ne puisse exiger
quelque prix pour le prêt de la mine, sauf notre droit de minage;
8° Qu’il ne soit permis en aucune
façon au prévôt d’Étampes d’exiger d’un citoyen
la remise de gages pour un duel qui n’aura pas été décidé
par jugement.
9° Les hommes d’Étampes pourront
faire garder leurs vignes à leur volonté et pour le bon
ordre, sauf la récompense [p.301]
des gardes; et les seigneurs, à qui le
cens des vignes est dû, n’exigeront rien pour cela.
10° Aucun marchand regratier, vendant
à la boutique, ne donnera de don gratuit au prévôt;
11° Nul ne devra de don gratuit au
prévôt, sauf tout marchand ayant coutume de vendre et d’acheter
dans le marché.
12° Nul ne devra une peau au prévôt,
à moins qu’il ne soit pelletier par état.
13° Nos sergens, autres que le prévôt,
dans le marché ou au dehors, ne pourront exiger de don gratuit
de personne.
14° Pour l’étalonnage des
mesures, le prévôt ne recevra qu’un setier de vin rouge
d’Etampes, et chacun de nos sergens, qui aura assisté à
l’étalonnage des mesures, un denier.
15° Les acheteurs de vivres ne donneront,
pour les exporter, nul don gratuit, mais paieront seulement le barrage.
16° Le prévôt ne pourra
exiger des marchands ni harengs, ni autres poissons de mer ou d’eau
douce, mais les achetera comme les autres.
17° Pour un duel nous n’exigerons
pas plus de six livres du vaincu, ni le prévôt plus de soixante
sous; et le champion vainqueur ne recevra pas plus de trente-deux sous,
à moins que le duel n’ait été entrepris pour infraction
de banlieue, ou meurtre, ou larcin, ou rapt, ou asservissement.
18° Le droit de pressurage ne sera
reçu que de vases d’un demi-setier;
[p.302]
19° Chaque mégissier ne donnera
que douze deniers chaque année pour le don gratuit.
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(13) Il y avait
le territoire d’Étampes, des terres qui portaient le nom d’octaves
et dont les possesseurs, selon les anciennes coutumes, étaient
serfs du roi. Peut-être ce nom d’octave avait-il été
donné à ces terres parce que le seigneur y prenait la huitième
gerbe.
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20° Les ciriers ne donneront par an, pour le don gratuit, qu’une dénerée
de cire, le jeudi avant la fête de la Purification de sainte Marie
(14).
21° Chaque
marchand d’arcs donnera par an un arc pour sa redevance.
22° Nul ne paiera de droit de place
pour avoir vendu du fruit qui ne vaut pas plus de quatre deniers.
23° On ne saisira les biens de nul
homme qui refuse de payer une dette, jusqu’à ce qu’on ait calculé
combien il doit.
24° Pour chaque loge qu’on dressera,
le viguier n’aura qu’un setier de vin rouge d’Etampes.
25° Le jour du marché, ni
le prévôt des Juifs, ni aucun autre, n’arrêtera pour
dette un homme venant au marché, ou revenant du marché, ou
séjournant dans le marché, non plus que ses marchandises.
26° Le marchand de lin ou de chanvre
ne donnera pas d’argent pour le droit de place, mais seulement une poignée
raisonnable.
27° Pour une dette reconnue et cautionnée,
le prévôt [p.303] ne
fera point de saisie, si ce n’est après le nombre de jours prescrit
par la loi.
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(14) Dans Fleureau
(Antiquités d’Êtampes, p. 114) ce mot denariata
est traduit par dix livres de cire. Mais dans le Recueil des ordonnances
des rois de France, on remarque qu’il ne signifie en général
qu’une dénerée ou la valeur d’un denier, ce qui semblerait
confirmé par le mot tantùm qui indique
cet impôt comme fort modique. Ce serait donc la valeur d’un denier
en cire.
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28° Une veuve, pour relever boutique, ne donnera pas plus de vingt-cinq
sous.
29° Qu’on n’admette point de champion
mercenaire.
Afin que tout ceci soit ferme et stable
à toujours, nous avons fait confirmer la présente charte
par l’autorité de notre sceau et l’apposition de notre nom royal.
Fait à Paris, l’an de l’incarnation 1179e. Assistant dans notre
palais ceux dont les noms et sceaux sont ci-dessous apposés: le
comte Thibaut notre sénéchal; Gui, bouteiller; Renault,
chambellan; Raoul, connétable. Donné, la chancellerie vacante.
(15)
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(15)
Recueil des ordonnances, t. XI, p. 211-213.
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Jusqu’ici, il n’est point question de la commune d’Étampes;
non-seulement nous n’avons rencontré aucune charte qui l’institue,
mais aucune de celles que nous venons de citer n’y fait la moindre allusion.
Une commune existait cependant à Étampes, et probablement
une commune très-agitée, très-entreprenante, car
en 1199 Philippe-Auguste l’abolit en disant:
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1199
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Philippe, par
la grâce de Dieu , roi des Français. Sachent tous présens
et à venir qu’à raison des outrages, oppressions et vexations
qu’a fait souffrir la commune d’Étampes, soit [p.304] aux églises et à
leurs possessions, soit aux chevaliers et à leurs possessions,
nous avons aboli ladite commune, et concédé, tant aux églises
qu’aux chevaliers, que désormais il n’y aurait plus de commune
à Etampes. Les églises et les chevaliers recouvreront les
franchises et droits qu’ils avaient avant la commune; si ce n’est que
tous leurs hommes et leurs tenanciers iront à nos expéditions
et chevauchées, comme nos autres hommes. Et quant aux hommes et
tenanciers, soit des églises, soit de chevaliers, qui habitent
dans le château et les faubourgs d’Étampes, et qui étaient
de la commune, nous les taillerons aussi souvent et comme il nous plaira.
Et, s’il arrivait que quelqu’un desdits hommes et tenanciers, sur qui
la taille aurait été établie, ne nous la payât
point, nous pourrions le saisir, tant sa personne que tous ses meubles,
n’importe de qui il fût l’homme ou le tenancier, soit de l’église,
soit d’un chevalier. Afin que le présent écrit soit ferme
à toujours, nous l’avons fait confirmer par l’autorité de
notre sceau et l’apposition de notre nom. Fait Paris, l’an du Seigneur
1199e, de notre règne le 21e. Présens dans notre palais ceux
dont les noms et les sceaux suivent: Point de sénéchal; Guy,
houteiller; Mathieu, chambellan; Dreux, connétable. Donné
pendant la vacance de la chancellerie (16).
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(16)
Recueil des ordonnances, t. XI, p. 277.
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Si nous n’avions que cette dernière charte, si toutes
celles que nous avons citées auparavant n’existaient pas, ne
serions-nous pas tentés de croire qu’en perdant leur commune, les [p.305] habitans d’Étampes
perdirent tous leurs droits, toutes leurs franchises?
Évidemment
cependant il n’en fut rien. La charte de commune abolie, toutes les
autres subsistaient. Les habitans des terrains de l’église Notre-Dame
ou du marché Saint-Gilles les descendans d’Eudes de Challou Saint-Mard,
les tenanciers de l’abbaye de Morigny conservaient tous leurs priviléges.
Et non-seulement ces priviléges demeuraient, mais d’autres encore
venaient sans cesse s’y ajouter, également indépendans
des destinées de la commune, également limités à
tel ou tel quartier de la ville, à telle ou telle classe d’habitans.
En 1204, Philippe-Auguste accorde aux tisserands d’Étampes une
charte ainsi conçue:
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1204
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen, Philippe, par
la grâce de Dieu, roi des Français, faisons savoir à
tous présens et à venir:
Que, par amour de Dieu, nous avons affranchi
tous les tisserands qui demeurent et demeureront à Étampes,
et qui tissent de leur propres mains, soit en lin, soit en laine, de tous
les droits qui nous appartiennent, savoir, de la collecte, de la taille
et de toute autre demande et levée d’entrée de métier;
sauf le droit de tonlieu qu’ils nous paieront toujours; sauf aussi nos
amendes pour effusion de sang prouvée par témoins valables,
et le service en nos armées et chevauchées. [p.306]
Pour cette franchise que nous leur concédons,
ils nous donneront chaque année vingt livres, dix livres le lendemain
de la fête de saint Remi, et dix livres le lendemain du carême.
Tous les tisserands commenceront et
quitteront leur travail à l’heure due.
Ils éliront à leur gré
et constitueront, aussi souvent qu’ils le voudront, quatre de leurs
prud’hommes, par les quels ils se défendront en justice, et réformeront
ce qui sera à réformer.
Ces quatre prud’hommes feront serment
de fidélité au roi et au prévôt, et jureront
de maintenir leur droit, et livreront les vingt livres susdites.
Ils veilleront à ce que la draperie
soit bonne et loyalement faite; et s’il es manqué à cela,
il y aura amende à notre profit.
Nous leur avons aussi accordé
que nous ne mettrons jamais le présent revenu hors de notre main.
Et pour que ce soit chose ferme et stable
à toujours, nous avons fait confirmer le présent écrit
par l’apposition de notre nom et de notre sceau. Fait à Paris
l’an du Verbe incarné 1204e, de notre règne le 24e. Présens
dans le palais ceux dont les noms et les sceaux suivent: Point de sénéchal;
Guy, bouteiller; Mathieu, chambrier; Dreux, connétable. Donné
pendant la vacance de la chancellerie, par la main de frère Garin
(17).
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(17)
Recueil des ordonnances, t. XI, p. 286.
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En 1224 enfin, Louis VIII confirme eu ces termes la charte
d’affranchissement concédée,
[p.307] par le doyen et le chapitre de l’église
Sainte-Croix d’Orléans, aux hommes que cette église possédait
à Étampes ou dans son territoire:
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1224
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Au nom de la sainte et indivisible Trinité, amen. Louis, par
la grâce de Dieu, roi des Français, faisons savoir à
tous présens et à venir que nous avons eu sous les yeux
la charte de nos bien-aimés le doyen et le chapitre de Sainte-Croix
d’Orléans, ainsi conçue:
Libert, doyen, et tout le chapitre d’Orléans,
à tous et à toujours:
Faisons savoir à tous présens
et avenir que tous nos hommes de Corps, tant hommes que femmes, qui
habitent sur notre terre d’Étampes, et tous ceux qui tiennent
et possèdent quelque portion de ladite terre, en quelque lieu
qu’ils habitent, se sont liés envers nous, par un serment individuellement
prêté et reçu de chacun d’eux, promettant que, si
nous les déchargions de l’opprobre de la servitude, et si nous
leur accordions, à eux et à leurs enfans, nés ou
à naître, le bienfait de la liberté, ils accepteraient
avec reconnaissance, acquitteraient fermement, et ne contrediraient jamais
les redevances quelconques que nous voudrions leur imposer, à eux,
à leurs descendans et à notre terre. Nous donc, touchés
des nombreux avantages de tous genres qui peuvent provenir, tant pour
nos hommes et leurs descendans que pour nous-mêmes et notre église,
de ladite concession de liberté, nous avons jugé devoir
la leur accorder; et affranchissant les susdits, tant eux que leurs femmes
et leurs enfans, nés ou à naître, de toute servitude,
nous avons déclaré qu’ils seraient libres, à perpétuité,
sauf les redevances et charges ci-dessous relatées. [p.308]
Et d’abord, pour extirper complètement,
de notre dite terre d’Etampes, l’opprobre de la servitude, nous avons
décrété que nul homme ou femme, de condition servile,
n’y pourrait posséder à l’avenir maison, vigne ou champ;
que ladite terre, jusqu’ici humble et accablée de l’opprobre de
la servitude, brille à l’avenir de l’éclat de la liberté.
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Nul des affranchis et de leurs descendans, demeurant dans notre terre,
ne pourra entrer, sans notre gré, dans la commune d’Étampes
(18).
Quiconque habite sur notre terre sera
tenu de moudre à notre moulin, et ne pourra aller moudre ailleurs.
Nul ne pourra transmettre ou transférer
notre terre à une autre qu’à la charge d’acquitter toutes
les redevances auxquelles il est lui-même tenu envers nous.
Nous voulons, et c’est ici la charge
que nous imposons surtout à raison du bienfait de la liberté
concédée, que sur douze gerbes recueillies dans notre terre,
et même sur Onze, si le champ n’en rapporte pas plus de onze, il
y en ait une pour nous, laquelle sera comptée et choisie par nous,
et [p.309] transportée
dans notre grange par le cultivateur du champ; et elle sera dite la gerbe
de liberté.
Quant à la dîme du champ,
nous n’y changeons rien en ceci; et elle subsistera comme auparavant.
Nous aurons de même partout la
dîme des bleds non liés. Par tout ce qui est spécialement
exprimé dans cette charte, nous ne voulons qu’il soit apporté
d’ailleurs aucun préjudice à notre droit.
Quant à toutes nos autres redevances,
coutumes, corvées,usages, et tous nos droits en général,
nous ne changeons absolument rien, et nous entendons qu’ils demeurent
entiers et fermes à toujours; sauf les droits de capitation que
nous remettons et quittons absolument à nos dits hommes.
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(18) Cet article
suppose que la commune d’Etampes, abolie en 1599 par Philippe-Auguste,
avait été rétablie. Le fait est très-possible
en soi , et ce texte positif le rend très-probable. Mais nous
n’avons pas la charte de rétablissement de la commune d’Étampes,
pas plus que celle de sa création. Peut-être avait-elle
continué d’exister, malgré la charte d’abolition de 1199,
et par tolérance tacite. Alors, plus souvent encore qu’aujourd’hui,
les mesures ordonnées pouvaient rester sans exécution.
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Nous avons jugé devoir insérer dans le présent écrit
les noms de nos hommes que nous avons affranchis comme il est dit ci-dessus;
et d’abord Eudes de Marolles, etc., etc. (19).
En sûreté, foi et témoignage
de ladite franchise, nous avons fait écrire et sceller de notre
sceau les présentes lettres. Fait l’an du Seigneur 1224e, au mois
de février.
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(19) Suivent
les noms de quatre ou cinq cents personnes, avec la désignation
des lieux d’habitation.
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Nous, accordant le présent affranchissement comme ci-dessus, nous
affranchissons et dégageons pareillement de toute servitude lesdits
hommes. Et afin que ce soit une liberté ferme et perpétuelle,
nous avons confirmé la présente charte par l’autorité
de notre sceau et de notre nom. Fait à Melun, l’an du Verbe incarné
1224e, de notre règne le deuxième. Présens dans notre
palais ceux dont les noms et les sceaux suivent: Point de sénéchal;
Robert, [p.310] bouteiller;
Barthelemy, chambrier; Mathieu, connétable. De notre propre main,
sceau en cire verte. (20)
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(20) Recueil
des ordonnances, t. XI, p. 322.
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Je puis me dispenser de commentaires. Les faits parlent;
les actes s’expliquent d’eux-mêmes. Il est évident que ces
mots une ville, une commune, une charte de commune, nous trompent en nous
faisant attribuer, aux institutions et aux destinées municipales
de cette époque, une unité, un ensemble qui leur manquaient
absolument. Au dedans comme au dehors des murs d’une ville, dans la cité
comme dans l’État, tout était spécial, local, partiel.
Les divers établissemens, les divers quartiers, les diverses classes
d’habitans possédaient, à des titres de nature et de date
diverse, des franchises, des priviléges, tantôt divers, tantôt
semblables, mais toujours indépendans les uns des autres, et dont
les uns pouvaient périr sans que les autres fussent atteints. Le
sort de la commune ne décidait pas toujours de celui de la ville.
La charte de commune pouvait même n’être pas la source la plus
féconde des libertés et des prospérités municipales.
Concevons le moyen âge dans sa bizarre et vivace variété;
ne [p.311] lui attribuons
jamais nos idées générales, nos organisations simples
et systématiques. L’ordre politique s’y est progressivement formé
au sein et sous l’empire de l’ordre civil; le pouvoir y est né de
la propriété et a revêtu les formes infiniment variées
et souples des contrats privés. Quiconque se placera hors de ce
point de vue ne comprendra point le moyen âge, ni sa féodalité,
ni sa royauté, ni ses communes, et ne pourra s’expliquer ni les vices
et les mérites, ni la force et la faiblesse de ses institutions.
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