GENS DE MAIN-MORTE
1. Article de l’édition de 1766
GENS DE MAIN-MORTE.
Voyez Amortissement, Communauté,
Contrôle, Fabrique, Fondation, Hôpitaux, Incapable, Indemnité,
Religieux, Vœux, &c.
L’article 8 de l’Edit de Décembre 1691,
enregistré le 2 Janvier 1692, comprend au nombre de Gens de Main-morte
“les Archevêques, Evêques, Abbés, Prieurs, Doyens, Prévôts,
Archidiacres, Chapitres, Curés, Chapelains, Monasteres, Fabriques,
Commandeurs Séculiers & Réguliers, universités,
Facultés, Colléges, Administrateurs d’Hôpitaux, Maires
& Echevins, Consuls, Syndics, Capitouls, Jurats, Manans & Habitans
des Villes, Bourgs, Bourgades, Villages & Hameaux”.
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Tous ceux de la qualité ci-dessus qui possédent des biens à
ce titre, sont réputés Gens de Main-morte relativement à
ces biens. Quelques-uns ne peuvent en acquérir qu’avec la permission
du Roi, (comme je le dirai dans un moment); & ceux qui obtiennent cette
permission, sont obligés de payer des droits d’amortissement. Voyez
Amortissement.
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Les Gens de Main-morte ne peuvent, non plus aliéner leurs biens, ni
les vendre, si ce n’est en certains cas de nécessité ou d’utilité
publique, en observant les formalités prescrites. Voyez Aliénations
,Biens d’Eglise, Union, &c.
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L’Edit du mois de Décembre 1691, je viens de parler, a pour objet
d’établir dans le Royaume des dépôts publics, où
les titres de propriété des biens des Gens de Main-morte, les
aliénations, les acquisitions & les principaux actes d’administration
de ces biens, doivent s’enregistrer, afin qu’il y ait un lieu, où ceux
qui en auront besoin, puissent les trouver. Voici quelques dispositions de
cet Edit.
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ART. VIII. “Les Gens de Main-morte de notre Royaume qui aliéneront
ou engageront ci-après aucuns immeubles dépendans de leurs
Eglises ou communautés à prix d’argent, par échange,
par baux à titre d’inféodation, cens, ou rentes par emphitéose,
& baux à gaudence, seront tenus d’en faire enregistrer les contrats
d’aliénation, & les adjudications par Sentences ou Arrêts,
au Greffe des Domaines des Gens de Main-morte du lieu où les biens
aliénés seront assis, dans les quatre mois après l’aliénation;
autrement nous déclarons lesdites aliénations nulles. Faisons
défenses à nos Juges d’y avoir égard & aux Parties
de s’en servir.
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IX. “Les baux emphitéotiques, ou à vie, ci-devant faits par
les Gens de Main-morte, ensemble ceux à gaudence, seront pareillement
enregistrés à la diligence des Preneurs auxdits Greffes, deux
mois après la publication de notre présent Edit à peine
de cinquante livres d’amende, applicable un tiers à l’Hôpital
du lieu, un tiers à l’Officier, & l’autre tiers au dénonciateur,
qui ne pourra être réputée comminatoire, ni modérée
par nos Juges;
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X. “Déclarons pareillement nulles les acquisitions qui seront ci-après
faites par les Gens de Main-morte, à titre d’achat, fondations,
donations testamentaires ou autres titres quelconques, si elles n’ont été
enregistrées au Greffe du lieu où les biens seront situés,
quatre mois après, à l’égard des contrats entre-vifs;
& six mois après la mort du teslateur, à l’égard
des donations pour cause de mort, ou teslamentaires.
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XI. “Seront semblablement sujettes à l’enregistrement audit Greffe,
les ventes & adjudications des bois de haute-futaye appartenans aux Gens
de Main-morte, les transactions & Jugemens sur procès mûs
& à mouvoir, concernant le fonds & pro priété
des biens dépendans des Eglises ou des Communautés; autrement,
& faute dudit enregistrement dans le délai de quatre mois, Nous
les réputons nulles, & de nul effet & valeur.
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XII. Les baux généraux des Archevéchés, Evêchés,
Abbayes, Prieurés & autres grands Bénéfices, &
tous les baux des autres biens appartenans aux Gens de Main-morte, sans
aucuns excepter, seront portés par les Preneurs aux Bureaux desdits
Greffiers, pour les baux courans y être enregistrés dans le
mois après [p.198] la
publication de notre présent Edit, à peine de cinquante livres
d’amende applicable comme dessus qui ne pourra être réputée
comminatoire, ni modérée par nos Juges (a). Et à l’égard
des baux qui seront faits à l’avenir, voulons pareillement qu’ils
soient portés auxdits Greffes, pour y être enregistrés
dans le terme de deux mois; & jusqu’à ce qu’ils ayent été
enregistrés, faisons défenses aux Gardes-Scels des contrats
de les sceller, à peine de privation de leurs Charges; tous Huissiers
& Sergens de les mettre à exécution, à peine de
nullité des contraintes, & d’interdiction; & à nos
Juges d’y avoir égard (b).
XIII. “N’entendons
toutefois que les sous-baux des biens compris en un bail général
registrés, soient sujets à aucun en registrement.
XIV. “Les Gens de
Main-morte qui feront valoir par leurs mains leurs Domaines en tout ou partie,
feront une déclaration de dix en dix ans pardevant Notaires, contenant
les biens qu’ils exploiteront, & la valeur; affirmeront ladite déclaration
véritable, & la feront enregistrer auxdits Greffes; & à
faute d’y satisfaire, ils y seront contraints à la diligence des
Greffiers, par saisie de leur temporel.
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(a) Ces Baux, excepté ceux à chetel;
(V. Chet. l ) doivent être passés devant Notaires, à
peine de nullité. Il y a sur cela différens Réglemens
du Conseil, des 20 Mars 1708, 4 Avril 1719, 16 Déc. 1727; &
un arrêt du 21 Nov. 1741. V. ce que je dis sur cela au mot Notaire.
Voyez aussi l’Arrêt du Conseil du 2. Sept. 1760, dans le Dictionn.
du Domaine, art. Baux des revenus des Gens de Main-morte.
(b) La Cour, par un Arrêt rendu le 4 Juillet
1735, au rapport de M. Guillier, a jugé que ce sont les Fermiers
des Gens de Main-morte qui sont chargés de faire enregistrer leurs
Baux, & d’en payer les droits, & non les Ecclésiastiques.
Cet Arrêt juge encore que
le défaut d’enregistrement au Greffe des Gens de Main-morte n’empêche
point l’exécution des Baux, & l’hypothéque qui en résulte
contre les Preneurs.
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XV. “Voulons que tous les Notaires qui passeront des contrats portant acquisition
ou aliénation d’immeubles pour Gens de Main-morte, déclarent
aux Parties à la fin du contrat, qu’il leur est enjoint par notre
Edit de les faire enregistrer au Greffe des Domaines des Gens de Main- morte;
& en attendant que nous ayons pourvu auxdits Greffes, Voulons que ceux
qui seront par Nous commis, en fassent la Charge & fonction aux droits
qui leur sont attribués”*.
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* Page 198, col. 1, à
la fin du 3e alinea, après attribués, ajoutez;
Tous les Baux dont il est parlé dans l’article
18 de l’Edit de 1691 [addition de 1768]. |
Les Greffes crées par cet Edit, ont été acquis par le
Clergé, auquel ils appartiennent encore actuellement: en conséquence
de cette acquisition, les Chambres Ecclésiastiques
de chaque Diocèse nomment le Greffier qui doit faire ces enregistremens;
mais, par Arrêt du Conseil le 13 Décembre 1695, Sa Majesté
en a exempté (de l’enregistrement) les baux des biens & droits
appartenans aux Communautés Laïques, lorsque les adjudications
sont faites devant les Intendans des Provinces.
Cette exemption a donné
lieu à une contestation entre les Syndics du Clergé d’Angers,
& le sieur Faurye, adjudicataire d’un droit Patrimonial de la Ville
d’Angers, appellé communément le droit du simple de la Cloison,
qui est un droit d’entrée, produisant dix-sept à dix-huit
mille livres par an. Le sieur Faurye disoit que l’adjudication de ce droit
lui ayant été faite par le Lieutenant Général
d’Angers en l’Hôtel-de-Ville; en présence des Officiers Municipaux,
après des affiches & des publications, une semblable adjudication
devoit jouir des mêmes exemptions, que si elle avoit été
faite par l’intendant: mais, par Arrêt du Parlement de Paris rendu
le 28 Juillet 1731, le sieur Faurye a été condamné
à faire enregistrer & contrôler son bail au Greffe du Domaine
des Gens de Main-morte.
Dans l’ancien Droit,
toutes les Communautés étoient absolument incapables de recevoir
des libéralités: elles n’avoient pas la liberté d’accepter
de simples legs particuliers, à plus forte raison des dispositions
universelles, desquelles les legs particuliers ne sont qu’une délibation.
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* A la fin du même alinea, ajouter;
Cependant lorsque l’on réfléchit
attentivement sur l’esprit de l’Edit de 1691, il paroît en résulter
que si le bail sous seing-privé étoit enregistré au
Greffe des Domaines des Gens de Main-morte, que les droits eussent été
payés au Fermier, & que ce dernier ne se plaignît ni ne
format aucune demande, le successeur du Bénéficier, ou un
tiers ne devroit pas être écouté lorsqu’il demanderoit
la nullité d’un bail, sur le seul fondement qu’il seroit passé
sous signature privée, sur-tout si ce bail avoit été
fait de bonne foi, suivi d’exécution & que l’enregistrement, ensemble
la déclaration des biens pris à ferme, eussent été
faits au Greffe, & les droits du Fermier payés, [addition de 1768].
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Le fondement de cette incapacité générale étoit
le penchant qu’ont toujours eu les Communautés, & qu’elles auront
probablement toujours d’augmenter leurs biens, & la juste crainte qu’elles
ne parvinssent à un excès funeste, si la liberté leur
en étoit laissée.
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On pouvoit cependant prévenir ce danger, sans mettre les Communautés
dans une interdiction si absolue: aussi l’attention que l’Empire Romain
crut devoir donner à l’éducation
[p.199] des enfans, fit-elle excepter les Colléges
de la sévérité de la régle, mais quant aux
legs particuliers seulement, & non quant aux dispositions universelles,
dont les Colléges, comme toutes les autres Communautés soumises
à cet Empire, sont toujours demeurés incapables.
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Constantin voulut cependant contre la régle observée de tout
temps, habiliter les Communautés Ecclésiastiques à recevoir
toutes sortes de dispositions: mais l’abus qu’on fit de la Loi donnée
par cet Empereur, parut bientôt à découvert, &
elle fut abandonnée. V. Biens d’Eglise.
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Comme dans nos mœurs le Christianisme & l’intérêt public
sont également respectés, notre Jurisprudence n’a pas toujours
mis les Communautés. approuvées dans une interdiction absolue
de recevoir des libéralités: mais elle n’a pas non plus permis
de faire à leur profit des dispositions trop étendues.
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Henry, qui a traité cette matiere, question 26, liv. 1, tome 2, &
dans son dix-septiéme Plaidoyer, distingue, par rapport aux Communautés,
les dispositions universelles d’avec les dispositions particulieres. Il
dit que celles-ci sont valables, pourvû qu’elles soient faites sans
fraude & sans excès; mais que les dispositions universelles,
si elles ne sont pas totalement réprouvées par la Loi, doivent
l’être par l’intérêt public & par le danger des conséquences;
& que si on ne les annulle pas absolument, on doit au moins les restraindre,
de maniere que les héritiers du sang n’en souffrent, pour ainsi
dire, aucun dommage.
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Ces maximes sont adoptées par la Jurisprudence des Arrêts. La
Peyrere, lettre R, n°35 & suivant; Henrys & quelques autres en
rapportent plusieurs. Il y en a trois autres des 21 Mars 1658, 19 Fév.
1691 & 6 Fév. 1692, qui sont rapportés au Journ. des Aud.
J’en cite aussi quelques-uns aux art. Communautés Ecclésiastiques,
Fabrique, Pauvres & Testament; elles sont d’ailleurs consacrées
par cinq autres Arrêts récemment rendus par le Parlement de
Bordeaux.
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Le premier qui est du 13 Décembre 1700, réduit au tiers seulement,
le legs universel fait par un Curé au profit de l’Hôpital
de la Manufacture de Bordeaux, & adjuge le surplus aux parens collatéraux.
La raison pour laquelle on accorda le tiers à l’Hôpital, au
lieu du quart que les Tribunaux sont seulement dans l’usage de donner, est
que le Curé avoit de son vivant disposé de tout son patrimoine
en faveur de ses proches.
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Le second Arrêt qui est du 7 juillet 1712, adjuge aux héritiers
de la veuve Gregoireau, les biens qu’elle avoit laissés à
l’Hôpital de S. André de Bordeaux, à la charge d’en
rendre seulement le quart à cet Hôpital; la testatrice avoit
cependant fait des legs particuliers assez considérables à
ses héritiers.
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Le troisiéme du 18 Août 1716, adjuge aux héritiers de
Jean Dubecq, les trois quarts des biens de sa succession , dont il avoit
disposé de l’universalité, au profit des Hôpitaux de
S. Eutrope & du S. Esprit de la Ville d’Acqs, & n’en réserve
qu’un quart à ces Hôpitaux.
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Un héritier du sieur Dubecq, contesta d’abord seul l’Institution universelle,
& transigea avec les Hôpitaux, qui lui firent une remise modique;
les autres héritiers contesterent après lui, & on leur
opposa la transaction: mais des vûes supérieures firent rejetter
la transaction même à l’égard de celui qui l’avoit souscrite.
Les Administrateurs se pourvurent en cassation, ils eurent pour réponse
un néant au bas de leur Requête.
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Le quatriéme est du 4 Septembre 1720: il réduit des legs particuliers,
mais considérables, faits à la Maison du Refuge de Limoge
& de l’Hôpital de la même Ville, au quart seulement de la
valeur des choses léguées.
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Le cinquiéme est du 27 Août 1731: il réduit aussi au
quart une disposition universelle faite par un testament au profit de l’Hôpital
des Pauvres de Bayonne.
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Le Grand-Conseil, en confirmant le legs de 140000 liv., fait par le sieur
Panellier à l’Hôpital Général (a), a néantmoins
réduit [p.200] ce legs
40000 liv. par Arrêt rendu le 2 Mars 1756. Le sieur Panellier qui
jouissoit d’une grande fortune, s’expliquoit ainsi dans son testament.
“Réfléchissant
sur les Bénéfices considérables que la Providence
m’a envoyés sans que j’en aye fait aux Pauvres une part proportionnée,
& voulant maintenant y suppléer, je donne, &c. J’espére
que mes enfans ne seront point blessés de cette disposition, quelque
considérable qu’elle paroisse, leur laissant d’ailleurs une succession
bien supérieure à ce que j’aurois jamais osé espérer;
au surplus, je confirme tout le contenu en mon testament, &c.”
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(a) Il est bon néantmoins de remarquer
ici que, par l’article 4 de l’Edit du mois d’Avril 1656, portant Etablissement
de l’Hôpital Général de Paris, il est permis aux
Directeurs de recevoir tous dons, legs & gratifications universels ou
particuliers, soit par testament, donations entre-vifs ou à cause
de mort. Voyez l’Arrêt de Farainvilliers, du 31 Août 1707,
au Journal des Audiences, tome 7, & ce que je dis à l’art. Hôpitaux.
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Un autre Arrêt rendu au Parlement le 14 Août 1739, en faveur
des héritiers d’un sieur de Villiers, a confirmé la Sentence
des Requêtes du Palais, du 17 Mars 1738, qui réduisoit à
80000 liv. Le legs universel fait en faveur des Freres
de la Charité, qui montoit à près de 300000 liv. pour
établir un Hôpital.
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Le Testament du sieur de Chilly, Chanoine de Noyon, a donné lieu à
un autre Arrêt, dont voici l’espéce. Par ce Testament, le sieur
de Chilly avoit laissé ses propres, qui étoient fort peu de
chose, à ses héritiers, & il avoit laissé ses autres
biens montant à 34000 liv. à l’Hôpital des Pauvres Enfermés
de Noyon. Une sœur & une niéce réclamerent: elles étoient
pauvres; mais l’Hôpital disoit que c’étoit par mauvaise conduite.
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Cependant, quoique les 34000 liv. provinssent des épargnes sur le
produit des Benéfices du Testateur, la Cour, par Arrêt rendu
le Décembre 1741, ordonna qu’il seroit distrait une somme de 6000
liv. au profit de la sœur & de la niéce.
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Ces deux Arrêts se trouvent dans les Arrêts notables de la Combe.
Il en a été rendu un autre dans des termes plus forts en
1748, contre l’Hôpital de Lagny-sur-Marne.
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Enfin, par un Arrêt rendu sur délibéré, au rapport
de M. l’Abbé Tudert, le 29 Août 1761, la Cour a, en faveur
de pauvres parens collatéraux, réduit à 1124 liv. de
rente sur la Ville un legs universel, montant en totalité à
104500 liv. fait en faveur de l’Hôtel-Dieu de Paris, par un sieur Louis
Dupré.
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Voyez d’autres exemples de semblables réductions aux articles Ecclésiastiques,
Incapables, Fabrique, Pauvres & Testament.
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Les Arrêts qui ont ainsi restraint les dispositions universelles faites
au profit de Gens de main-morte, donnoient, comme on voit, une portion
dans la totalité des biens, meubles & immeubles sans distinction:
mais nos Rois, attentifs empêcher que les Gens de main-morte
ne multipliassent des acquisitions qui mettent hors du commerce
une partie considérable des fonds & des Domaines du Royaume,
ont en 1731, 1738 & en 1739, défendu aux Ecclésiastiques
& Gens de Main-morte du Comté de Bourgogne, de la Flandres [sic] & du Pays Messin, d’accepter
des dons ou legs d’héritage, & même d’en acquérir
sans une permission expresse du Souverain. V. Colonies.
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Les mêmes motifs ont donné lieu à un Edit du mois d’Août
1749 enregistré le 2 Septembre suivant, qui contient des dispositions
très-ressemblantes, mais beaucoup plus étendues que celles
des Déclarations de 1731, 1738 & 1739. J’ai déja parlé
de cet Edit au mot Fondation. Comme il forme une Loi également
générale, nouvelle & salutaire, je ne crois pas pouvoir
me dispenser d’en rapporter ici les autres dispositions.
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Art. V. “Déclarons que nous n’accorderons aucunes Lettres-Patentes
pour permettre un nouvel établissement (de Gens de Main-morte)
qu’après nous être fait informer exactement de l’objet &
de l’utilité dudit établissement, nature, valeur & qualité
des biens destinés à le doter, par ceux qui peuvent en avoir
connoissance, notamment par les Archevêques ou Evêques Diocésains,
par les Juges Royaux, par les Officiers Municipaux, ou Syndics des Communautés,
par les Administrateurs des Hôpitaux, par les Supérieurs des
Communautés déja établies dans les lieux où
l’on proposera d’en fonder une nouvelle, sur le compte qui nous en sera
par eux rendu, chacun en ce qui peut le concerner, suivant la différente
nature des établissemens, y être par nous pourvû, ainsi
qu’il appartiendra.
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VI. “Lorsqu’il y aura lieu de faire expédier [p.201] nos Lettres-Patentes pour
autoriser l’établissement proposé, il sera fait mention expresse
dans lesdites Lettres, ou dans un état qui sera annexé sous
le contrescel d’icelles, des biens destinés à la dotation dudit
établissement, sans que dans la suite il puisse y en être ajouté
aucuns autres de la qualité marquée par l’article 14, qu’en
se conformant à ce qui sera réglé ci-après, sur
les acquisitions qui seroient faites par des Gens de Main-morte. Ce que
nous voulons être pareillement observé, même à
l’égard des établissemens déja faits en vertu de Lettres-Patentes
dûement enregistrées; & ce, nonobstant toutes clauses ou
permissions générales, par lesquelles ceux qui auroient obtenu
lesdites Lettres, auroient été autorisés à acquérir
des biens-fonds indistinctement ou jusqu’à concurrence d’une certaine
somme.
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VII. “Lesdites Lettres-Patentes seront communiquées à notre
Procureur Général en notre Parlement ou Conseil Supérieur,
dans le ressort duquel ledit établissement devra être fait,
pour être par lui fait telles réquisitions ou pris telles conclusions
qu’il jugera à propos; & lesdites Lettres ne pourront être
enregistrées qu’après qu’il aura été informé
à sa requête de la commodité ou incommodité
dudit établissement, & qu’il aura été donné
communication desdites Lettres aux personnes dénommées dans
l’article ci-dessus, suivant la nature dudit établissement; comme
aussi aux Seigneurs dont les biens seront mouvans immédiatement,
en fief ou en roture, ou qui ont la Haute-Justice sur lesdits biens: même
aux autres personnes dont nos Parlemens ou Conseils Supérieurs jugeront
à propos d’avoir l’avis ou le consentement.; & seront lesdites [p.201] formalités
observées, à peine de nullité.
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VIII. “Les oppositions qui pourront être formées avant l’enregistrement
desdites Lettres, comme aussi celles qui le seroient après ledit
enregistrement, seront communiquées à notre Procureur Général,
pour y être, sur ses Conclusions, statué par nosdits Parlemens
ou Conseils Supérieurs, ainsi qu’il appartiendra.
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IX. “Désirant assurer pleinement l’exécution des dispositions
du présent Edit, concernant les établissemens mentionnés
dans l’article premier, déclarons nuls tous ceux qui seroient faits
à l’avenir, sans avoir obtenu nos Lettres-Patentes, & les les
avoir fait enregistrer dans les formes ci-dessus prescrites; voulons que
tous les actes & dispositions qui pourroient avoir été
faits en leur faveur directement ou indirectement, ou par lesquels ils auroient
acquis des biens, de quelque nature que ce soit, à titregratuit ou
onéreux (a), soient déclarés nuls, sans qu’il soit
besoin d’obtenir des Lettres de Rescision contre lesdits actes; & que
ceux qui se seroient ainsi établis, ou qui auroient été
chargés de former ou administrer lesdits établissemens, soient
déchus de tous les droits résultans desdits actes & dispositions,
même de la répétition des sommes qu’ils auroient payées
pour lesdites acquisitions, ou employées en constitutions de rentes;
ce qui sera observé, nonobstant tonte prescription & tous consentemens
exprès ou tacites qui pour pourroient avoir été donnés
à l’exécution desdits actes ou dispositions (b).
X. “Les enfans
ou présomptifs héritiers seront admis, même du vivant
de ceux qui auront fait lesdits actes ou dispositions, à reclamer
les biens par eux donnés ou aliénés: voulons qu’ils
en soient envoyés en possession, pour en jouir en toute propriété [p.202], avec restitution des fruits
ou arrérages, à compter du jour de la demande qu’ils en auront
formée: laissons à la prudence des Juges d’ordonner ce qu’il
appartiendra, par rapport aux jouissances échues avant ladite demande.
Et le contenu au présent article aura lieu pareillement après
la mort de ceux qui auront fait lesdits actes ou dispositions en faveur
de leurs héritiers, successeurs ou ayans cause; le tout à
la charge qu’encore que la faculté à eux accordée par
le présent article, n’ait été exercée; que par
l’un d’eux elle profitera également à tous ses co-héritiers
ou ayans le même droit que lui, lesquels seront admis à partager
avec lui, suivant les Loix & Coutumes des lieux, les biens reclamés,
soit pendant la vie ou après la mort de celui qui aura fait lesdits
actes ou dispositions.
|
(a) Le Roi a dérogé à cette disposition par l’article
32 de Lettres-Patentes du 14 Juin 1761, pour la vente des biens des Jésuites.
Cet article porte que les Communautés Régulières ou
Séculieres, ou autres Gens de Main-morte, pourront enchérir
les maisons d’habitations & établissemens, lieux Réguliers
& terreins en dépendans, ci-devant occupés par les Jésuites
& s’en rendre Adjudicataire… …… …… ……… …… à la charge d’obtenir
des Lettres d’amortissement sur l’Adjudication”………
(b) L’acquisition d’un terrein vuide, situé
à Boulogne-sur-Mer, que les Jésuites Anglois avoient fait
faire par Bernard de Cleri, Echevin, sous le nom de Marie Jekins, veuve
de Thomas Patin (Angloise) a été déclarée nulle
sur le fondement du présent Edit & de celui du mois de Décembre
1666; par Arrêt du Conseil d’Etat du 4 Février 1752, rendu
sur la Requête des Mayeur & Echevins de Boulogne.
Ce même Arrêt a ordonné
aux Jésuites Anglois de sortir de Boulogne; leur a fait défenses
d’établir aucune Pension en cette Ville, ni aux environs; &
a permis aux Echevins de Boulogne de s’emparer du terrein, moyennant le
prix convenu entre les Parties, pour être (le terrein) employé
à l’usage des habitans.
|
XI. “Les Seigneurs dont aucuns desdits biens seront tenus immédiatement,
soit en fief ou en roture, & qui ne seront pas eux-mêmes du nombre
des Gens de Main-morte, pourront aussi demander à en être
mis en possession avec restitution des jouissances, à compter du
jour de la demande qu’ils en formeront; à la charge néantmoins
qu’en cas que les personnes mentionnées en l’article précédent,
forment leur demande, même postérieurement à celle
desdits Seigneurs, ils leur seront préférés: comme
aussi que lesdits Seigneurs seront tenus de leur remettre lesdits fonds,
si lesdites personnes en forment la demande dans l’an & jour, après
le Jugement qui en aura mis lesdits Seigneurs en possession; auquel cas
les fruits échus depuis ledit Jugement jusqu’au jour de ladite demande,
demeureront auxdits Seigneurs. Voulons que la propriété desdits
fonds leur soit acquise irrévocablement, s’il n’a point été
formé de demande dans ledit délai; & lorsque lesd. Seigneurs
seront du nombre des Gens de Main-morte, il y sera pourvu, ainsi qu’il
sera marqué par l’article suivant.
|
|
XII. “Enjoignons à nos Procureurs Généraux, dans chacun
de nosdits Parlemens & Conseils Supérieurs, de tenir la main
à l’exécution du présent Edit, concernant lesdits établissemens;
& en cas de négligence de la part des Parties ci-dessus mentionnées,
il sera ordonné, sur le réquisitoire de notre Procureur Général,
que, faute par les personnes dénommées en l’article 10, &
par les Seigneurs qui ne seroient Gens de Main-morte, de former leur demande
dans le délai qui sera fixé à cet effet, & qui
courra du jour de la publication & affiches faites aux lieux accoutumés,
de l’Arrêt qui aura été rendu, lesdits biens seront
vendus au plus offrant & dernier enchérisseur; & que le
prix en sera confisqué à notre profit, pour être par
Nous appliqué à tels Hôpitaux ou employé au
soulagement des Pauvres, ou à tels ouvrages publics que nous jugerons
à propos.
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XIII.“A l’égard des établissemens de la qualité marquée
par l’article premier, qui seroient antérieurs à la publication
du présent Edit: Voulons que tous ceux qui auront été
faits depuis les Lettres-Patentes en forme d’Edit, du mois de Décembre
1666, ou dans les trente années précédentes, sans
avoir été autorisées par des Lettres-Patentes bien
& dûement enregistrées, soient déclarés nuls,
comme aussi tous actes ou dispositions faits en leur faveur; ce qui aura
lieu nonobstant toutes clauses ou dispositions générales, par
lesquelles il auroit été permis à des Ordres ou Communautés
Régulieres, d’établir de nouvelles Maisons dans des lieux
qu’ils jugeroient à propos; Nous réservant néantmoins,
à l’égard de ceux desdits établissemens qui subsistent
paisiblement, & sans aucune demande en nullité formée
avant la publication du présent Edit, de nous faire rendre compte,
tant de leur objet que de la nature & quantité des biens dont
ils sont en possession, pour y pourvoir ainsi qu’il appartiendra, soit en
leur accordant nos Lettres-Patentes, s’il y écheoit, soit en réunissant
lesdits biens à des Hôpitaux, ou autres établissemens
déja autorisés, soit en ordonnant qu’ils seront vendus, &
que le prix en sera appliqué ainsi qu’il est porté par l’article
précédent.
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XIV.“Faisons défenses à tous Gens de Main-morte d’acquérir,
recevoir, ni posséder à l’avenir aucuns fonds de terre, maisons,
droits réels, rentes foncieres ou non-rachetables, [p.203] même des rentes constituées
sur des particuliers, si ce n’est après avoir obtenu nos Lettres-Patentes
pour parvenir à ladite acquisition & pour l’amortissement desdits
biens, & après que lesdites Lettres, s’il nous plaît de les
accorder, auront été enregistrées en nosdites Cours de
Parlement ou Conseils Supérieurs, en la forme qui sera ci-après
prescrite; ce qui sera observé nonobstant toutes clauses ou dispositions
générales qui auroient pû être insérées
dans les Lettres-Patentes ci-devant obtenues par les Gens de Main-morte, par
lesquelles ils auroient été autorisés à recevoir
ou acquérir des biens-fonds fictif ou jusqu’à concurrence d’une
certaine somme.
|
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XV. “La disposition de l’article précédent sera observée,
même à l’égard des fonds, maisons, droits réels
& rentes qui seroient réputés meubles, suivant les Coutumes,
Statuts & usages des lieux.
|
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XVI. “Voulons aussi que la disposition de l’article 14 soit exécutée,
à quelque titre que lesdits Gens de Main-morte pussent acquérir
les biens y mentionnés, soit par vente, adjudication , échange,
cession ou transport, même en payement de ce qui leur serait dû,
soit par donation entre-vifs pure & simple, ou faite à la charge
de service ou fondations, & en général pour quelque cause
gratuite ou onéreuse que ce puisse être.
|
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XVII. “Défendons de faire à l’avenir aucunes dispositions de
derniere volonté pour donner aux Gens de Main-morte des biens de
la qualité marquée par l’article 14 (a). Voulons que lesdites
dispositions soient déclarées nulles, quand même elles
seroient faites à la charge d’obtenir nos Lettres-Patentes; ou qu’au
lieu de donner directement lesdits biens aux Gens de Main-morte, celui qui
en auroit disposé, auroit ordonné qu’ils seroient vendus ou
régis par d’autres personnes, pour leur en remettre le prix ou les
revenus.
XVIII. “Déclarons n’avoir entendu comprendre
dans la disposition des art. 14, 15, 16 & 17 ci-dessus,les rentes constituées
sur nous (b) ou sur le Clergé, Diocèses, Pays d’Etat, Villes
ou Communautés (c), que lesdits Gens deMain-morte pourront acquérir
& recevoir, sans être obligés d’obtenir nos Lettres-Patentes;
voulons qu’ils en soient dispensés, même pour celles qu’ils
ont acquises par le passé.
XIX. “Voulons qu’à l’avenir il ne puisse
être donné ni acquis pour l’exécution des fondations
mentionnées en l’article 3, que de rentes de la qualité marquée
par [p.204] l’article précédent,
lorsque lesdites fondations seront faites par dispositions de derniere
volonté; & si elles sont faites par actes entre-vifs,il ne pourra
être donné ou acquis, pour l’exécution desd. fondations,
aucuns des biens énoncés dans l’article 14, qu’après
avoir obtenu nos Lettres-Patentes & les avoir fait enregistrer, ainsi
qu’il est porté par ledit article: le tout à peine de nullité.
XX. “Dans tous les
cas où il sera nécessaire d’obtenir nos Lettres-Patentes, suivant
ce qui est porté par les art. 14 & 19, elles ne seront par nous
accordées, qu’après nous être fait rendre compte de
la nature & valeur des biens qui en seront l’objet, comme aussi de l’utilité
& des inconvéniens de l’acquisition que lesdits Gens de Main-morte
voudroient en faire, ou de la fondation à laquelle ils seroient
destinés.
XXI. “Lesdites Lettres-Patentes,
en cas que nous jugions à propos de les accorder, ne pourront être
enregistrées que sur les Conclusions de nos Procureurs Généraux,
après qu’il aura été informé de la commodité
ou incommodité de l’acquisition ou de la fondation, & qu’il aura
donné communication desdites Lettres aux Seigneurs dont lesdits biens
seroient tenus immédiatement, soit en fief ou en roture, ou qui y
auroient la Justice, même aux autres personnes dont nosdites Cours
de Parlement ou Conseils Supérieurs jugeroient à propos de
prendre les avis ou le consentement; & s’il survient des oppositions,
soit avant ou aprés l’enregistrement desdites Lettres, il y sera
statué sur les Conclusions de nosdits Procureurs Généraux,
ainsi qu’il appartiendra.
XXII. “Défendons
à tous Notaires,Tabellions ou autres Officiers, de passer aucun contrat
de vente, échange, donation, cession ou transports des biens mentionnés
dans l’art. 14, ni aucun bail à rente ou constitution de rente sur
des Particuliers au profit desdits Gens de Main-morte, ou pour l’exécution
desd. fondations, qu’après qu’il leur sera apparu de nos Lettres-Patentes
& de l’Arrêt d’enregistrement d’icelles; desquelles Lettres &
Arrêt il sera fait mention expresse dans lesd. contrats ou autres
actes, à peine de nullité, d’interdiction contre lesdits
Notaires, Tabellions ou autres Officiers, des dommages-intérêts
des Parties, s’il y écheoit, & d’une amende, qui sera arbitrée
suivant l’exigence des cas; laquelle sera appliqué sçavoir
un tiers au Dénonciateur, un tiers à Nous & un tiers au
Seigneurs dont les biens seront tenus immédiatement; & en cas
qu’ils soient tenus directement de notre Domaine, ladite amende sera appliquée
à notre profit pour les deux tiers.
|
(a)
On a demandé la nullité d’une disposition faite par le testament
du sieur Taboureau d’Orvalle, par laquelle, apres un legs de 6000 livres
pour l’établissement de deux lits à l’Hôpital de Tours,
il avoit dit “afin que les malades soient bien soignés, je donne
200 livres de rente, c’est-à-dire, 100 livres à chaque lit....
à prendre sur tous mes biens à perpétuité”.
Sur la demande en délivrance du legs,
la Sentence du Châtelet ordonna qu’il seroit fait un fonds pour sûreté
de la rente léguée, & les héritiers en appellerent,
sous prétexte qu’elle contenoit une double contravention au présent
Edit; 1°. en ce qu’elle rendoit l’Hôpital de Tour propriétaire
de rentes sur Particuliers; 2°. en ce qu’elle obligeoit à faire
un fonds pour sûreté de ces rentes, elle exposoit ce fonds
à passer au Gens de Main-morte.
L’Hôpital répondoit que ce n’étoit,
ni une rente fonciere, ni une rente sur Particuliers qui lui étoit
léguée, mais une rente perpétuelle de la nature de
celles que les Gens de Main-morte peuvent posséder; & que l’affectation
des biens du testateur à cette rente avoir moins pour objet d’en
déterminer la nature, que d’en assurer le payement; qu’on n’avoit
qu’à lui donner des rentes sur le Roi, ou 4000 liv. d’argent, il seroit
fait emploi sur le Roi ou sur le Clergé, &c.
Par Arrêt rendu le 27 Juin 1760, au rapport
de M. Titon, le testament fut déclaré valable, & les
héritiers condamnés à fournir pour 200 livres de rente
en contrats sur la Ville ou sur le Clergé, ou autres de pareille
nature.
(b) Mercredi 19 Décembre 1762, on a plaidé
à la grande Audience de la Grand’Chambre, la question de sçavoir,
si les héritiers du Fondateur d’une Messe quotidienne, chargés
de payer 300 livres de rente à une Eglise Paroissiale de Doulens,
voulant se libérer, & offrant 300 livres de rente sur les Aides
& Gabelles, devoient être déchargés de la Fondation.
Les Marguilliers contestoient les offres, &
soutenoient que les rentes sur les Aides & Gabelles, étant payables
Paris, il falloit leur offrir plus de 300 livres, au moyen des frais de
quittance de réception &pore d’argent; mais, par Arrêt
rendu ledit jour 29 Décembre 1762, les offres des héritiers
du Fondateur furent déclarées valables.
(c) L’art. 8 de l Déclaration du 9 Juillet
1718, regist. le 14, a autorisé les Gens de Main-morte à
acquérir des rentes que la Ville de Paris étoit autorisée,
par cette Déclaration, à constituer, pour faire les fonds
destinés à acquérir du Roi les droits rétablis
par l’Edit du mois de Decembre 1743.
La même permission se trouve accordée
par l’art. 9 de la Déclaration du 10 Décembre 1738, pour
d’autres rentes constituées par la Ville de Paris, & par l’art.
de l’Edit du mois de Mai 1761, registré le 19 Juin suivant, qui
a permis à l’Ordre du Saint-Esprit d’emprunter deux millions.
On trouve encore une dispense aux Gens de Main-morte
de prendre des Lettres-Patentes pour prêts aux Syndics des Tontines,
dans l’art. de l’Edit du mois de Septembre 1760, registré le 5,
& dans les Lettres-Patentes du 4 Octobre suivant.
|
XXIII. “Il ne sera expédié à l’avenir aucune quittance
du droit d’amortissement qui seroit dû pour les biens de la qualité
marquée par l’article 14, s’il n’a été justifié
de nosdites Lettres-Patentes & Arrêt d’enregistrement d’icelles;
desquelles Lettres & Arrêt il sera fait mention expresse dans
lesdites quittances, ce qui sera exécuté, à peine de
nullité, & en outre, de confiscation au profit de l’Hôpital
Général le plus prochain, des sommes qui auroient été
payées pour l’amortissement desdits biens avant lesdites Lettres
& Arrêt. Voulons que ceux qui les auroient payées, ne puissent
être admis à obtenir dans la suite des Lettres-Patentes, pour
raison des mêmes biens. Nous réservant au surplus d’expliquer
plus amplement nos intentions sur les cas où le droit d amortissement
sera dû, & sur la quotité dudit droit.
|
|
XXIV. “Défendons à toutes personnes de prêter leurs
noms des Gens de Main-morte, pour l’acquisition ou la jouissance des biens
de ladite qualité, à peine de 3000 livres d’amende applicable
ainsi qu’il est porté par l’article 22, même sous plus grande
peine, suivant l’exigence des cas.
|
|
XXV. “Les Gens de Main-morte ne pourront exercer à l’avenir aucune
action en retrait féodal ou Seigneurial, à peine de nullité
(a) , à l’effet de quoi nous avons dérogé & dérogeons
à toutes Coutumes ou Usages qui pourroient être à ce [p.205] contraires, sauf auxdits
Gens de Main-morte à se faire payer les droits qui leur seront dûs,
suivant les Loix, Coutumes ou Usages des lieux (a).
XXVI. “Dans tous les cas dans lesquels les biens
de la qualité marquée par l’article 14, pourroient écheoir
auxdits Gens de Main-morte en vertu des droits attachés aux Seigneuries
à eux appartenantes, ils seront tenus de les mettre hors de leurs
mains dans un an, à compter du jour que lesdits biens leur auront
été dévolus, sans qu’ils puissent les faire passer à
d’autres Gens de Main-morte, ou employer le prix desdits biens en acquérir
d’autres de la même qualité; & faute de satisfaire à
la présente disposition dans ledit temps, lesdits biens seront réunis
à notre Domaine, si la Seigneurie appartenante auxdits Gens de Main-morte,
est dans notre mouvance immédiate; & si elle releve des Seigneurs
particuliers, il leur sera permis, dans le délai d’un an, après
l’expiration dudit temps, d’en demander la réunion à leurs
Seigneuries; faute de quoi, ils demeureront réunis de plein droit
à notre Domaine, & les Fermiers ou Receveurs de nos Domaines feront
les diligences & poursuites nécessaires pour s’en mettre en possession.
|
(a)
Mais ils peuvent céder leur droit, à cet égard à
qui bon leur semble. Voyez à ce sujet l’Arrêt du treize Août
mil sept cent soixante-deux, dont je parle à l’article Retrait
Féodal.
(a) Les Gens de Main-morte ne peuvent pas non
plus demander le partage ou le triage des biens communaux. L’Evêque
d’Arras n’ayant pû demander celui des marais de Vitry en Artois, dont
il étoit Seigneur, a obtenu des Lettres-Patentes, registrées
au Parlement le ……….. par lesquelles il a été autorisé
à aliéner la Justice Vicomtiere sur ces marais; & l’acquéreur
a obtenu le triage par Arrêt tendu en la Grand’Chambre, le Mercredi
20 Janv. 1761, dont je parle à l’article Communauté d’Habitans.
|
XXVII. “Pour assurer l’entiere exécution des dispositions portées
par les articles 14, 15 16, 17, 19, 20, 21 & 25 ci-dessus concernant
les biens de la qualité marquée auxdits articles: Voulons que
tout ce qui est contenu dans l’article 9, au sujet des nouveaux établissemens
non autorisés, soit observé par rapport aux dispositions
ou actes par lesquels aucuns deddits biens auroient été donnés
ou aliénés contre ce qui est réglé par le présent
Edit, à des Gens de Main-morte, Corps ou Communautés valablement
établis, ou pour l’exécution des fondations ci-dessus mentionnées.
Voulons pareillement que les personnes dénommées aux articles
10 & 11, puissent répéter lesdits biens, ainsi qu’il
est porté auxdits articles; & qu’en cas de négligence
de leur part, ils soient vendus sur la réquisition de notre Procureur
Général, suivant ce qui est prescrit par l’article 12.
|
|
XXVIII. “N’entendons rien innover en ce qui concerne les dispositions ou
actes ci-devant faits en faveur des Gens de Main-morte légitimement
établis, ou pour l’exécution desdites fondations, lorsque
lesdites dispositions ou actes auront une date authentique avant la publication
des présentes, ou auront été faites par des personnes
décédées avant ladite publication; & les contestations
qui pourroient naître au sujet desdites dispositions ou actes, seront
jugées par les Juges qui en doivent connoître, suivant les
Loix & la Jurisprudence qui avoient lieu, avant le présent Edit,
dans chacun des Pays du ressort de nosdits Parlemens ou Conseils Supérieurs
(b).
XXIX. “Toutes
les demandes qui seront formées en exécution des dispositions
du présent Edit, seront portées directement en la Grand premiere
Chambre de nosdites Cours de Parlement [p.206] ou Conseils Supérieurs,
& ce privativement à tous autres Juges (a), pour y être
statué sur les Conclusions de notre Procureur Général,
dérogeant à cet effet à toutes évocations,
Committimus, ou autres priviléges accordés
par le passé, ou qui pourroient l’être dans la suite à
tous Ordres, & même à l’Ordre de Malte & à celui
de Fontevrault, ou à toutes Congrégations, Corps, Communautés
ou Particuliers, lesquels n’auront aucun effet en cette matiere”.
L’Arrêt d’enregistrement
de cet Edit en la Chambre des Comptes, du Décembre 1749, porte que
les nouveaux établissemens des Gens de Main-morte, les nouvelles
acquisisitions par eux faites, ne pourront avoir lieu qu’en vertu de Lettres-Patentes
enregistrée en ladite Chambre, lesquelles Lettres avant d’être
enregistrées, seront communiquées aux Receveurs & Contrôleurs
Généraux des Domaines & Bois de la Généralité
où lesdits biens seront situés, pour connoître si lesdits
biens ne sont pas en tout ou partie de la mouvance directe Censive du Roi,
à l’effet de faire jouir ledit Seigneur Roi, s’il y écheoit,
de la faculté octroyée aux Seigneurs particuliers par l’article
11 dudit Edit, de réunir lesdits biens à leur Domaine, &c.
Des Déclarations
des 19 Décembre 1674, 18 Juillet 1702 & 20 Novembre 1725: autorisent
M. le Procureur Général en la Chambre des Comptes, à
faire des diligences pour contraindre les Gens de Main-morte à fournir
des déclarations de leur temporel en la Chambre des Comptes. V.
Aveu.
[Addition de 1768:] Page 206, colonne 1, à
la fin de l’article, ajoutez;
Par Arrêt du Mardi 8 Juillet 1766; rendu
en la Grand’Chambre, au rapport de M. l’Abbé Tudert, il a été
jugé qu’une disposition testamentaire de l’Abbé Linart, Docteur
en Théologie de la Maison de Sorbonne, pour la bonne œuvre dont le
testateur étoit convenu avec M. l’Evêque d’Amiens, n’étoit
point dans le cas de la prohibition de l’Edit de 1749. Cette bonne œuvre
avoit pour objet l’érection d’une Chapelle; or (disoit-on) l’Edit
ne défend de pareils établissemens, que dans le cas où
les Lettres-Patentes n’auront pas été obtenues, & il étoit
incertain si elles seroient refusées dans cette occasion. Me Charon
de S. Charles écrivoit dans cette Instance pour les héritiers
qui contestoient le testament.
|
(b) Sur l’execution de cet article, il s’est agi de sçavoir, si
les héritiers du sieur Laurenceau, (qui par acte du premier Juin
1756, avoit, pour fondation de Messe en 1’Eglise Paroissiale de S. Laurent
à Nogent-sur-Seine, constitué 100 l. de rente affectée
& assignée sur une maison & 10 arpens de terres désignés
au contrat, à condition que le rachat de cette rente ne pourroit se
faire en argent, mais seulement en donnant des héritages &
fonds equipollens à la valeur de la rente, &c.) pouvoient
se libérer de cette rente, en offrant à la Fabrique 100 l.
de rente sur les Aides & Gabelles.
La Fabrique refusoit la rente de 100 liv. sur
les Aides & Gabelles, parce que le Fondateur avoit voulu que la rente
de 100 liv. ne pût s’éteindre qu’en donnant des héritages
équipollens; elle soutenoit que c’étoit aux héritiers
qui vouloient se libérer à se retirer devers le Roi pour obtenir
des Lettres-Patentes, pour faire cesser l’incapacité prononcée
par le présent Edit.
Les héritiers répondoient que
l’incapacité d’acquérir des héritages, étant
personnelle à la Fabrique, c’étoit à elle de la faire
cesser; & qu’elle ne pouvoit refuser une rente sur l’Etat, qui tenoit
lieu de celle constituée par l’acte de Fondation.
Le Jugement de cette affaire a souffert beaucoup
de difficultés; mais, par Arrêt rendu le Mercredi 9 Juin 1761,
en la Grand’Chambre, sur les Conclusions de M. Joly de Fleury, la Cour
a déclaré valables les offres des héritier Laurenceau,
de fournir à la Fabrique de S. Laurent, 100 liv. de rente de la nature
de celles portées en l’art. 18 du présent Edit.
(a) Tout ceci n’a pas lieu relativement à l’Artois:
une Déclaration du 30 Janvier 1761, registrée le 30 Juin
suivant, porte que les Lettres-Parentes accordées en conformité
de l’Edit du mois d’Août 1749, concernant les Gens de Main-morte,
dans le ressort du Conseil Provincial d’Artois, seront adressées
au Parlement de Paris, pour y être enregistrées; & qu’en
conséquence dudit enregistrement, elles seront publiées &
enregistrées audit Conseil Provincial. Voulons au surplus , ajoute
cette Déclaration, que toutes les demandes & contestations qui
pourront naître dans ledit ressort au sujet de l’exécution
des dispositions de notredit Edit, soient portées en premiere Instance
en notredit Conseil Provincial d’Artois, à l’exclusion de tous autres
Juges, à la charge de l’appel en notre Cour de Parlement de Paris.
|
5e édition, tome 2 (1766),
pp. 197-206.
|
GENS DE MAIN-MORTE.
SOMMAIRES.
§ I. Définition: objet de l’article.
§ II. De l’existence des gens de main-morte
& de la forme légale de ces établissemens.
§ III. Des droits, obligations, & priviléges
des gens de main-morte. [p.266]
§ IV. Loix relatives aux acquisitions
& aliénations. Des remboursemens de rente.
§ V. Administration des biens des gens de main-morte.
§ I. Définition:
objet de l’article.
|
|
1.
On entend par gens de main-morte, des corps ou des établissemens
civils, ou ecclésiastiques, qui, au temps où on leur a donné
ce nom, avoient beaucoup plus de liberté pour acquérir que
pour vendre. |
|
On a voulu exprimer par le terme main-morte, l’espece d’état
de mort dans lequel demeurent les biens qui appartiennent aux corps &
aux établissemens dont est question, relativement au commerce, &
aux droits domaniaux & féodaux auxquels ils pourroient donner
lieu dans la main d’un propriétaire qui auroit la libre faculté
d’aliéner. Plusieurs auteurs ont remarqué que cette expression,
gens de main-morte, convenoit peu pour désigner
des êtres moraux, qui ne meurent jamais; mais l’usage en a fixé
le sens, de manière qu’on ne peut pas se méprendre sur l’application.
|
|
L’article
8 de l’édit du mois de décembre 1691, portant création
des greffes des domaines des gens de main-morte, fait l’énumération
des corps ou établissemens que l’on doit comprendre sous le nom de
gens de main-morte: ce sont “les archevêques, évêques,
abbés, prieurs, doyens, prévôts, archidiacres, chapitres,
curés, chapelins, monasteres, confréries, fabriques, commandeurs
séculiers & réguliers, universités, facultés,
collèges, administrateurs d’hôpitaux, maires & échevins,
consuls, syndics, capitouls, jurats, manans & habitans des villes, bourgs,
bourgades, villages, hameaux”.
|
|
2.
Les gens de main-morte peuvent se ranger dans trois classes.
|
|
La
première est composée des corps ou des établissemens
dont l’institution est purement
ecclésiastique, comme le clergé du royaume, d’une province
ou d’un diocèse; les chapitres, les monasteres, les commanderies
conventuelles, les évêques, les curés, & tout autre
titulaire de bénéfice.
|
|
La
seconde classe comprend les corps purement civils: les municipalités,
les communautés d’habitans, les universités, les collèges,
les corps & communautés de marchands ou d’artisans.
|
|
Dans
la troisieme classe, sont les établissemens dont l’institution est
en même-temps civile & ecclésiastique: les hôpitaux,
les hôtels-dieu, les fabriques & les confréries.
|
|
3.
Notre intention n’est pas d’exposer ici les règles particulières
à chacun des établissemens qui composent ces trois classes;
on les trouvera aux différens mots que nous venons d’indiquer. L’objet
unique de cet article est d’établir les principes, & de rappeler
les règles qui conviennent à tous les gens de main-morte indistinctement.
|
|
§ II. De l’existence des gens de main-morte, &
de la forme légale de ces établissemens.
1. L’existence dont nous entendons parler ici,
la seule dont les gens de main-morte soient susceptibles, comme gens de
main-morte, est une existence morale & civile, en vertu de laquelle
un corps ou un établissement est capable des mêmes effets civils
que les citoyens. La nécessité d’un culte public a donné
naissance aux premiers établissemens religieux; l’utilité
publique a formé des corps & des établissemens civils:
la première convention des peuples avec ces établissemens,
a dû être de les regarder comme formant une personne morale,
ayant tous les droits nécessaires pour conserver son existence. |
|
Pour
assurer l’existence de la plupart de ces établissemens, on est convenu
qu’ils ne pourroient pas disposer des biens qu’ils auroient une fois acquis.
L’intention étoit bonne, puisqu’il s’agissoit de perpétuer
des institutions utiles; mais on donnoit lieu à la multiplication d’une
classe de personnes, qui, ne mourant jamais, ne pouvoient que s’accroître
au préjudice des particuliers. On s’en est apperçu en France.
Un des moyens qu’on a employé pour [p.267]
y remédier, a été de ne
plus laisser se former aucun établissement par la simple tolérance
des peuples, & de les soumettre à l’approbation de la puissance
publique.
|
|
Louis
XIII, par des lettres patentes en forme d’édit du mois de décembre
1666, défendit de faire à l’avenir aucuns établissemens
de communautés séculieres ou régulieres, sans une permission
expresse du roi, accordée par des lettres-patentes enregistrées
aux parlemens, & aux bailliages, sénéchaussées,
& autres siéges royaux du ressort.
|
|
Cette
loi n’avoit pas reçu une entière exécution. Depuis
sa publication il s’étoit formé plusieurs nouveaux établissemens
qui n’étoient pas autorisés par des lettres-patentes. L’édit
du mois d’août 1749, enregistré au parlement le 2 septembre
suivant, a renouvelé les dispositions des lettres-patentes de 1666.
Dans le préambule de cette loi, qu’on peut regarder comme le code
des gens de main-morte, le roi déclare qu’il a fixé son attention
sur les inconvéniens de la multiplication des gens de main-morte;
qu’il a reconnu que la faveur que méritent des établissemens
utiles doit être conciliée avec l’intérêt des familles;
qu’il remplira ce double objet en renouvelant la défense de faire
aucun établissement sans avoir obtenu des lettres-patentes, en mettant
des bornes aux acquisitions de ceux qui sont déjà établis,
& en se réservant d’autoriser ceux des établissemens qui
pourroient être fondés sur des motifs suffisans de religion,
de charité & d’utilité publique.
|
|
Les
treize premiers articles de cet édit sont relatifs aux nouveaux établissemens
des gens de main-morte. Les articles 1, 5 & 7 renouvellent la disposition
de l’édit de 1666, sur la nécessité des lettres-patentes,
en y ajoutant la formalité d’une information faite à la requête
du procureur-général, sur l’utilité ou les inconvéniens
du nouvel établissement. Ces trois articles sont cités en
entier au mot Erection de de bénéfice, § II tom.
7, pag. 739.
|
|
Par
l’article 2, on défend de fonder aucun établissement par disposition
de dernière volonté, quand même ce seroit à la
charge d’obtenir des lettres-patentes.
|
|
II
est ordonné par l’article 4 à ceux qui voudront fonder de
nouveaux établissemens de la qualité marquée par l’article
1, de présenter le projet de l’acte de fondation, afin qu’il ne puisse
être rien changé ni ajouté à la nature de la
fondation. On a rapporté ces articles au mot Fondation, §
II, tom. 8 , pag. 706. L’article 6 prescrit de faire mention expresse
dans les lettres-patentes, ou dans un état qui y sera annexé,
des biens destinés à la dotation du nouvel établissement,
afin qu’on ne puisse rien y ajouter sans observer les formalités
exigées par la suite de l’édit pour les acquisitions. L’article
8 attribue aux parlemens & aux conseils supérieurs la connoissance
des oppositions qui pourroient être formées, soit avant, soit
après l’enregistrement. |
|
On doit remarquer qu’on ne peut former opposition aux lettres-patentes
après l’enregistrement, qu’autant qu’on n’a pas été
appelé auparavant, ainsi qu’il est marqué dans l’article
8 des lettres-patentes de 1738, adressées au parlement de Douai.
Ces lettres contiennent pour la province de Flandre les mêmes dispositions
à l’égard des gens de main-morte, que l’édit de 1749
pour tout le reste du royaume.
|
|
L’article
9 & les trois suivans ont pour objet d’assurer l’exécution des
dispositions précédentes. Ils déclarent nuls tous les
établissemens qui seroient faits à l’avenir sans s’être
conformés aux conditions qui viennent d’être rappelées,
autorisent les enfans & présomptifs héritiers, & en
cas de silence des héritiers, les seigneurs desquels les biens relèvent,
à réclamer ceux qui auroient été donnés
ou aliénés à ces établissemens, même du
vivant de ceux qui en auroient disposé. Dans le cas où les
uns & les autres garderoient le silence, les cours sont autorisées
à vendre ces biens au profit des hôpitaux, ou pour être
employés aux ouvrages publics.
|
|
3.
En même temps que le législateur soumet à des conditions
rigoureuses, & surtout à la nécessité de l’obtention
des lettres-patentes, les nouveaux établissemens de gens de main-morte,
il fait une exception pour certaines institutions, dont l’utilité
évidente mérite la protection &
[p.268] l’encouragement de la puissance publique: voyez l’article
3 de l’édit cité en entier au mot Fondation, ubi supra.
|
|
Nous
remarquons que, quoique les fabriques ne soient pas comprises dans les établissemens
exceptés par cet article de l’édit, elles ne sont pas du nombre
des établissemens qui ne peuvent s’ériger qu’en vertu de lettres-patentes.
Plusieurs loix ont ordonné qu’on formât des fabriques dans
toutes les paroisses où il n’y en auroit pas d’établies: elles
ont donc un motif d’utilité reconnu, qui doit être encouragé.
D’ailleurs ces établissemens sont une suite nécessaire &
un accessoire de l’établissement des cures. Il doit y avoir une fabrique
par-tout où il y a une cure existante sous la protection de la puissance
publique.
|
|
4.
Enfin le même édit détermine quels sont les biens qui
peuvent servir a doter les nouveaux établissemens dont la fondation
est autorisée, sans avoir recours à la formalité des
lettres-patentes: ce sont les rentes sur le roi, le clergé, les
pays d’état, les villes & communautés: Art. 18 &
19 de l’édit de 1749.
|
|
5. La jurisprudence des cours est absolument conforme aux dispositions de
l’édit, soit pour les établissemens qu’il est défendu
de fonder, soit pour ceux qui sont dans le cas d’exception prévu par
la loi. Le sieur Hémard de Danjouan, clerc tonsuré du diocèse
de Sens, originaire de la ville d’Etampes, où il demeuroit, avoit,
par son testament du 18 août 1760, légué le quint de ses
propres, qu’il fixoit à 50,000 livres, & tout son mobilier, pour
commencer la fondation & dotation d’un hôpital-général
à Etampes. Il avoit nommé deux exécuteurs testamentaires,
qu’il chargeoit de faire remplir ses intentions, & mis l’établissement
de l’hôpital sous la protection de M. le premier président,
& du procureur-général.
|
|
Les
héritiers demandèrent la nullité du testament, comme
contraire à l’article 1 de l’édit de 1749, qui défend
de faire aucun nouvel établissement, si ce n’est par lettres-patentes;
& à l’article 2, qui interdit toute disposition de dernière
volonté pour fonder un nouvel établissement. Ils firent observer
qu’aux termes du dernier article, la prohibition s’étendoit jusqu’aux
personnes qui seraient chargées de former l’établissement,
quand mêm ce seroit à la charge d’obtenir des lettres-patentes.
|
|
Les
habitans de la ville d’Etampes, qui demandoient la délivrance du
legs, soutinrent que la fondation d’un hôpital-général
à Etampes n’étoit pas un établissement nouveau; qu’en
1710, les officiers de cette ville avoient reçu ordre de travailler
aux moyens d’établir un hôpital où l’on pût renfermer
les mendians; que le sieur de Danjouan avoit rappelé dans son testament
le vœu du gouvernement. II n’est pas fondateur, disoient-ils, il a voulu
seulement accélérer l’exécution de l’établissement,
dont le projet étoit suspendu. On ne peut donc opposer la prohibition
de l’article 2, qui regarde les fondateurs.
|
|
Cette
défense des habitans d’Etampes étoit contredite par les expressions
dont l’abbé de Danjouan s’étoit servi dans son testament;
il y déclarait qu’il léguoit pour commencer la fondation.
D’ailleurs, comme l’observoient les héritiers, l’ordre envoyé
par le roi, en 1720, à Etampes, comme dans les autres villes du royaume,
de concerter les moyens de renfermer les mendians, ne pouvoir pas être
regarde comme la fondation d’un hôpital-générale [sic], capable de recevoir des dispositions
prohibées par la loi; c’étoit un simple projet d’établissement.
La ville d’Etampes soutenoit encore, que si le legs ne pouvoit pas avoir
lieu pour le quint des propres, il étoit valable pour le mobilier,
dont on pouvoit disposer aux termes de l’édit; & que s’il n’étoit
pas valable au profit de l’hôpital, on devoit l’appliquer aux pauvres.
Cette derniere prétention étoit écartée par
les mêmes moyen : le legs du mobilier étoit caduque, parce
qu’il étoit fait a un établissement qui n’existoit pas; il
étoit nul aux termes de l’article 9 de l’édit, & les héritiers
seuls pouvoient en profiter, conformément aux dispositions de l’article
10. Par arrêt du mercredi, 8 août 1764, conforme aux conclusions
de M. l’avocat-général Joly de Fleury, les dispositions [p.269] concernant la fondation d’un
hôpital à Etampes , contenues dans l’acte de dernière
volonté du sieur de Danjouan, ont été déclarées
nulles & caduques, dépens compensés: Plaidoyeries,
fol. 259-267, n°35, coté 3251. |
|
Voyez
au mot Communauté d’habitans, § IV, n°6, tom.
4 , pag. 737, l’arrêt du 22 février 1766, au sujet d’un
établissement de professeurs dans la ville de la Marche.
|
|
6.
Plusieurs arrêts, au contraire, ont confirmé des dispositions
faites en faveur des établissemens exceptés par l’article
3 de l’édit de la formalité des lettres-patentes.
|
|
Le
sieur Renaudin, curé de Martigué, près Mayenne au Maine,
avoit, entr’autres dispositions, légué par son testament olographe,
du 3 octobre 1746, une somme de 600 livres, devant porter 30 livres de
rente annuelle, pour augmenter le revenu trop modique de l’école
des garçons. Les héritiers
du sieur Renaudin refusèrent la délivrance du legs, mais elle
fut ordonnée par arrêt du mercredi 23 avril 1760, conforme
aux concluions de M. l’avocat-général Joly de Fleury, à
la charge par la fabrique, de faire emploi de la somme en acquisition de
rentes, de la même nature de celles exprimées en l’article
18, de l’édit du mois d’août 1749: Plaidoyeries, fol. 23-30,
coté 3123.
|
|
Le
même arrêt déclare nul, comme contraire à la disposition
de l’édit, le legs de 44 livres de rente foncière, & d’un
héritage, fait par le même curé, pour la fondation d’une
maîtresse d’école; il annule aussi la donation du 24 janvier
1749 des mêmes rentes & fonds pour le même objet, comme
contraire à l’ordonnance des donations de 1731.
|
|
Ces
deux dispositions du même arrêt, si différentes, quoique
pour le même objet, ont chacune leur fondement dans l’édit
de 1749. La première est fondée sur l’article 3 de cet édit,
qui permet les fondations particulières, sur-tout celles qui ont
pour objet des écoles de charité, & autorise par
conséquent les legs qui leur sont faits; la seconde a pour bâse
l’article 14, qui défend à tous gens de mainmorte de recevoir
ou acquérir aucuns droits réels, rentes foncières
ou fonds de terre; & l’article 19, qui défend de donner pour
les fondations exceptées par l’article 3, lorsqu’elles sont faites
par acte de dernière volonté, autre chose que des rentes
sur le roi, le clergé, les pays d’état, les villes & communautés.
Ainsi on peut fonder de nouveaux établissemens, de la nature de ceux
marqués par l’article 3, comme des maîtres d’école;
mais il faut que les fonds destinés à la dotation soient du
nombre de ceux que les gens de main-morte sont capables de posséder.
|
|
7.
L’arrêt dont nous allons donner l’espece, a aussi confirmé
un établissement qui se trouvoit dans le cas de l’exception prononcée
par l’article 3 de l’édit; mais la manière dont la fondation
étoit faite, donnoit lieu à une difficulté sérieuse.
La marquise de Saint-Georges avoit institué le marquis de Saint-Georges,
son mari, son héritier universel (la testatrice étoit domiciliée,
& ses biens situés en pays de droit écrit), “à
la charge par lui d’établir solidement, suivant les loix du royaume,
la fondation suivante; de manière que l’exécution en fût
assurée, à compter d’un mois après le décès
du sieur de Saint-Georges, sauf les changemens qui pour- roient y être
faits par la cour du parlement, que la marquise de Saint-Georges supplioit
de favoriser la fondation, & d’en assurer l’exécution le plus
solidement qui se pourroit, selon les maximes de l’état”. Cette fondation
avoit pour objet, aux termes du testament, la nourriture de trente pauvres
incurables, ou vieillards de l’un & de l’autre sexe, choisis dans les
douze paroisses désignées par la testatrice, à chacun
desquels elle vouloit qu’il fût assuré 200 livres de rente viagère
par chaque année, exempte de toute retenue. Les communautés
& habitans des douze paroisses demandoient la délivrance du legs.
Le marquis de Saint-Georges y donnoit son consentement; mais il falloit
que le ministere public donnât ses conclusions. M. l’avocat-général
Joly de Fleury, après avoir rendu compte des dispositions de l’article
premier relatives à la prohibition de tout nouvel établissement,
& des exceptions apportées par l’article 3, [p.270] ajouta: “La fondation dont
il s’agit paroît être dans le cas de l’exception de l’article
3. Ce n’est point un nouveau corps ni un hôpital qu’on veut fonder,
c’est la nourriture de trente pauvres incurables, auxquels on donnera à
chacun 200 livres par an pour les consommer chacun chez eux; c’est là
une de ces œuvres pieuses, de la même nature que la susbsistance
de pauvres écoliers, que le soulagement des prisonniers ou incendiés,
désignées par l’article 3 de l’édit”.
|
|
La
difficulté ne peut donc porter, continua M. l’avocat-général,
que sur l’article 19 par lequel le roi veut qu’il ne puisse être donné,
ni acquis pour l’exécution des fondations mentionnées en l’article
3, que des rentes de la qualité marquée par l’article 18,
(c’est-à-dire, des rentes sur le roi, le clergé, &c. )
lorsque les fondations seront faites par des dispositions de derniere volonté,
& que lorsque les dispositions seront faites par acte entre-vifs, il
ne puisse être donné des biens-fonds, qu’après avoir
obtenu des lettres-patentes enregistrées”.
|
|
“Or dans
l’espece, la testatrice a fait sa fondation par un acte de dernière
volonté; elle n’avoit pas de biens de la nature de ceux qu’il est
permis de donner; elle n’a laissé que des biens-fonds; le mari institué
héritier, demande à la vendre, pour acquérir des biens
de la qualité marquée par l’édit, & assurer la
fondation”.
|
|
“L’esprit & la lettre de l’édit sont-ils qu’on puisse faire de
pareilles fondations, à la charge d’acquérir, ex post facto,
des biens de la qualité de ceux qu’il est permis de donner? C’est-là
la seule difficulté de la cause”.
|
|
L’extrait
du plaidoyer de M. l’avocat-général nous laisse dans l’incertitude
sur les moyens employés par ce magistrat, pour donner la solution
de cette question. Nous voyons seulement qu’il donnat [sic] ses conclusions en faveur de
la fondation. Il paroît que la faveur de l’établissement, &
le consentement que donnoit l’héritier, ont pu seuls déterminer
à accueillir la fondation.
|
|
Le
marquis de Saint-Georges pouvoit vendre des biens-fonds, pour acquérir
des biens avec lesquels il auroit fait lui-même la fondation; puisque
telle étoit son intention, il n’y avoit aucune difficulté
à ordonner l’exécution du testament. Ces circonstances particulières
ont sans doute été le motif de l’arrêt, qui a été
rendu conformément aux conclusions de M. l’avocat-général,
le 12 mai 1761.
|
|
“La
cour ordonne que le testament de la dame marquise de Saint-Georges, du 25
juin…. 1761 demeurera homologué, pour être exécuté
selon sa forme & teneur, & en consequence fait délivrance
aux habitans & communautés des douze paroisses y dénommées,
parties de de la Goutte, du legs de fondation & pensions viagères
y portées, condamne la partie de Jouhanin, (le marquis de Saint-Georges),
suivant ses offres, à établir ladite fondation, en
délivrant auxdits habitans & communautés un ou plusieurs
contrats de rente de la qualité marquée par l’article 18
de l’édit du mois d’août 1749…… produisant un revenu propre
& suffisant pour fournir annuellement & à perpétuité
sans aucune diminution…. excepté dans le cas prévu par le
testament dont est question (c’étoit celui de la perte d’un procès,
auquel cas la testatrice réduisoit la fondation), à chacun
des trente vieillards ou incurables, qui sont l’objet de ladite fondation,
200 livres de pension viagère, dont ils auront la jouissance un mois
après le décès de la partie de Jouhanin, conformément
audit testament, ensemble les frais & dépenses qui seront nécessaires
pour l’exécution & entretien de ladite fondation; comme aussi
sera tenue la partie de Jouhanin de subvenir aux frais faits & à
faire pour l’entière exécution, assurance & établissement
de la fondation”.
|
|
Le
même arrêt règle à qui appartiendra la nomination,
comment se fera la recette & la distribution des fonds appliqués
à cette bonne œuvre, prescrit de tenir des assemblées générales
de tous ceux qui ont droit à la nomination, pour entendre le compte
du trésorier & du receveur, & ordonne qu’un exemplaire de
l’arrêt imprimé, sera déposé, tant dans le dépôt
des titres de fabriques des douze paroisses pour lesquelles la fondation
est [p.271] destinée,
que des consuls, si aucuns dépôts ils ont: Plaidoyeries,
fol 99-104, n°35, coté 3181.
|
|
8.
Il s’étoit encore élevé, depuis l’édit, des
difficultés par rapport à d’autres fondations sur lesquelles
cette loi ne s’étoit pas expliquée. On doutoit si on devoit
les placer dans la classe des établissemens qui ne peuvent avoir
lieu qu’en vertu de lettres-patentes, ou bien dans celle des établissemens
non assujétis à cette formalité. La déclaration
du roi, du 26 mai 1774, a levé une partie de ces difficultés.
Ses principales dispositions sont citées au mot Fondation, ubi
supra. Il suffit ici de faire remarquer les expressions de l’article
3 de la déclaration, par lesquelles on dispense de la nullité
des lettres-patentes, toutes les fondations, qui ayant
pour objet des œuvres de religion & de charité, ne tendent
point à établir un nouveau corps, collège, ou communauté,
ou un nouveau titre de bénéfice. C’est à ces derniers
caracteres qu’il faut s’attacher pour savoir si un nouvel établissement
doit être érigé ou non, en vertu de lettres-patentes,
& s’il peut avoir lieu en vertu d’une disposition de dernière
volonté.
|
|
9.
Les dispositions dont nous avons rendu compte jusqu’ici, ne concernent que
les nouveaux établissemens des gens de main-morte. La vigilance du
gouvernement s’est étendue aussi sur ceux qui subsistoient au moment
de l’édit de 1749. On a distingué également entr’eux,
ceux qui étoient corps, colléges, communautés, ou titres
de bénéfices, d’avec ceux qui ne formoient point un corps
ou un titre subsistant par lui-même. On a reconnu la légitimité
des derniers; parmi les autres on a déclaré nuls tous ceux
qui étoient faits depuis les lettres-patentes, en forme d’édit,
du mois de décembre 1666, ou dans les trente années précédentes,
sans avoir été autorisés par des lettres-patentes bien
& duement enregistrées: Art. 13 de l’édit de 1749.
|
|
Cette
disposition rigoureuse doit néanmoins souffrir exception à
l’égard des établissemens utils, subsistans paisiblement &
sans aucune demande en nullité antérieure à l’édit,
le roi s’étant réservé par le même article de
les autoriser par des lettres-patentes, s’il le jugeoit convenable, après
examen fait de leur constitution & de la nature de leurs biens. L’autorisation
dont il s’agit a été donnée à plusieurs établissemens,
par la déclaration du 26 mai I774.
|
|
§. III. Des
droits, obligations & privilèges des gens de main-morte.
1. Les gens de main-morte , à
les considérer toujours comme des établissemens qui ont reçu
une existence légale, sont membres de l’état & personnes
civiles; ils ont par conséquent tous les droits attachés à
cette qualité, & ils doivent en jouir autant qu’une personne
morale en est susceptible.
|
|
Il
y a en effet une différence entre l’existence d’un citoyen, d’un
individu, membre de l’état, & l’existence d’un établissement
de gens de main-morte. L’existence civile du citoyen étant attachée
à son existence naturelle, on ne peut la lui enlever qu’autant qu’il
s’en rend indigne par un crime envers la société, au lieu
que l’existence civile d’un établissement de gens de main-morte n’étant
fondée que sur la nécessité ou l’utilité, il
peut la perdre s’il devient dangereux ou inutile, ou s’il cesse d’être
nécessaire. Mais pour priver ainsi de son existence un établissement
de gens de main-morte, il faut un jugement de la puissance publique, accompagné
des mêmes formalités qui seroient nécessaires pour lui
donner l’exigence, & même plus rigoureuses encore. Quelques occasions
rares, où le vœu public demande la suppression d’un établissement,
ne peuvent que fournir une exception à cette règle: voyez
Union de bénéfices.
|
|
2.
De ce droit de défendre & de maintenir leur existence civile,
naissent en faveur des établissemens de gens de main-morte, plusieurs
conséquences. Ils ont droit d’ester en jugement, d’intenter ou de
soutenir tous les procès qui concernent les établissemens,
ou les membres qui les composent. Ils peuvent se multiplier, s’étendre,
si leur nature le comporte; enfin ils prennent part à tous les avantages [p.272] de la ville, de la province
où ils sont institués, du corps dont ils font partie, &
ont dans tous les objets où ils ne sont pas expressément gênés
par la puissance publique, les mêmes droits que les autres membres
de l’état. On verra dans le § suivant, qu’il est nécessaire
de mettre cette restriction à la capacité des gens de main-morte,
par rapport aux biens qu’ils peuvent posséder.
|
|
Par
ce droit des gens de main-morte, on peut juger quelles sont leurs obligations.
Les unes leur sont communes avec tous les citoyens; les autres leur sont
particulières.
|
|
3.
On doit comprendre parmi les devoirs qui leur sont communs avec tous les
citoyens, l’obligation de contribuer comme eux aux charges de l’état.
La forme d’acquitter cette dette envers la patrie peut être différente,
suivant la classe à laquelle appartiennent les gens de main-morte.
Les uns ont toujours contribué, comme tous les citoyens. Les autres,
jusqu’à présent, se sont réparti l’imposition dans
une forme particulière. Mais l’obligation est toujours la même;
elle a la même cause, la qualité de membre de l’état:
voyez Impôt.
|
|
4.
Les obligations particulières aux gens de main-morte sont, 1°
de remplir le but d’utilité pour lequel ils sont destinés;
2° d’être comptables à la puissance publique.
|
|
Il
n’y a pas d’établissement de gens de main-morte qui n’ait pour condition
de son exigence d’être utile; c’est-là le but de la convention
tacite ou exprimée à laquelle il est soumis par le titre de
sa fondation. Les loix communes aux établissemens de la même
classe, les loix particulières que l’établissement a reçues,
lorsqu’il a été expressément approuvé, déterminent
quelle est la nature & l’étendue de cette obligation: voyez Fondation.
|
|
5.
Les gens de main-morte sont toujours mineurs, & comme tels, dans une
dépendance
particulière de la puissance publique. Dans tout ce qui est réglé
par les loix générales ou par les loix particulières
que l’établissement a reçues, lors de sa fondation, les gens
de main-morte n’ont pas besoin d’une autorisation spéciale pour agir;
mais lorsqu’il s’agit d’une opération qui passe les bornes de l’administration
ordinaire, s’il faut par exemple, changer la loi de la fondation, ou y déroger,
toucher à la constitution qui détermine la forme & la
maniere (d’ ????)ter, les gens de main-morte doivent obtenir l’autorisation
du souverain. Le magistrat chargé des fonctions du ministere public
est le tuteur ordinaire des gens de main-morte. De-là vient que toutes
les contestations qui les сoncernent ne peuvent être jugées
que sur ces conclusions: voyez Communication (???) gens du roi, §
II, n°4, tom ??, pag. 170.
|
[La colonne
de droite de la page 272 a été mal numérisée
par Google, et quelques mots y manquent en fins de lignes.
Si quelqu’un peut nous aider à rétablir ces quelques mots, merci
d’avance.]
|
6. Les
raisons d’intérêt public qui ont donné lieu à l’édit
de 1749, ont fait (?imp?)poser aux gens de main-morte, par le même
édit, une obligation qui leur est commune avec tous ceux qui peuvent
(?être?) vis-à-vis d’eux dans le cas prévu par la loi:
c’est celle que toutes les demandes qui seront formées en exécution
des dispositions de l’édit, seront portées directement
(?devant?) grand’chambre, ou aux premières chambres des parlemens
ou des conseils supérieurs privativement à tous autres juges,
(????) être statué sur les conclusions du procureur général:
art. 29 de l’édit de 1749.
|
|
7. Un privilège des gens de main-morte qui est une conséquence
de leur é(???) minorité, est la faculté de se pourvoir
contre les jugemens qui n’auroient pas été rendus sur les
conclusions du ministere public: voyez Mineurs. Un autre privilége
commun à tous les gens de main-morte est de pouvoir revenir conttre
(?les?) aliénations qui auroient été faites des (?biens?)
appartenans à leurs établissemens: Aliénation.
|
|
8.
Les gens de main-morte ont (?d’au)tres privilèges, mais qui ne leur
sont pas communs à tous, & qui sont la ??? ou de la destination
de l’établissement ou de la loi de la fondation, ou de la concession
des peuples, & de la f(?aveur?) qui leur a été accordée
par le souverain. Tels sont la participation à la puissance publique,
qui appartient à des corps de ville, ou à des communautés
d’habitans, l’exemption de certaines charges publiques, comme des corvées;
les immunités, [p.273] les
franchises & les exemptions données certains établissemens.
Ces privilèges ont tous une origine particulière. Tel est
encore le privilège des titulaires de
bénéfice, de n’être pas tenus d’entretenir les baux
faits par leur prédécesseur; mais il n’entre pas dans notre
plan de les rappeler ici.
|
|
§ IV. Loix relatives aux
acquisitions & aliénations. Des remboursemens de rentes.
1. Les gens de main-morte ayant une fois reçu
leur existence dans l’état, doivent avoir les moyens d’y subsister,
& par conséquent la faculté d’y posséder des biens.
Cette faculté tient au droit naturel.
|
|
Mais
les gens de main-morte forment dans l’état des familles qui ne peuvent
s’accroître comme les familles particulieres. Il y a plus. Suivant
leur institution, ce sont des familles de mineurs, qui ne peuvent aliéner
que difficilement, De-là, deux inconvéniens; 1° les gens
de main-morte acquérant toujours sans jamais aliéner, peuvent
posséder des biens au-delà de ce qui est nécessaire
pour le but leur établissement, & devenir par succession de temps,
propriétaires de tous biens qui existent dans le royaume. Brevi, dit
Dargentré, sur l’article 346, la coutume de Bretagne, totius orbis
domini fierent, si eo influerent omnia & reflueret nihil, interdictâ
alienatione acquisitorum. 2° Les biens des gens de main-morte leur
étant attachés pour toujours, & ne pouvant sortir de leurs
mains, le roi & les seigneurs particuliers sont privés des droits
& des profits qu’ils en retireroient si ces biens étoient dans
le commerce.
|
|
“L’abus
d’acquérir sans cesse tient au droit naturel d’acquérir, que
les loix civiles doivent respecter; il faut respecter le droit réprimer
les abus…. rendre fixe & éternel l’ancien domaine du clergé,
mais mettre des entraves à toute nouvelle acquisition, & laisser
sortir de ses mains les nouveaux domaines. Il faut violer la regle (qui
defend au clergé d’aliéner) puisqu’elle est devenue un abus,
& souffrir l’abus qui grève le clergé de taxe extraordinaire
sur ses acquisitions, lorsqu’il rentre dans la regle”. Esprit des loix, liv.
25, chap. 5.
|
|
Le
but dе l’édit de 1749, ainsi que l’annonce le préambule, est
de concillier [sic] le
droit naturel d’acquérir, qui appartient aux gens de main-morte,
avec l’interêt des familles, qui contredit cette
liberté indéfinie d’acquérir; & de remédier
par conséquent à l’abus que fait remarquer l’auteur de l’Esprit
des loix, en respectant le droit. Les dispositions de l’édit remplissent
ce double objet; il n’y en a pas une seule qui ne suppose ou ne reconnoisse
dans les gens de main-morte la faculté d’acquérir. On voit
seulement que le législateur a voulu limiter l’usage de cette faculté,
& la restreindre dans de justes bornes.
|
|
On
peut rapporter à trois objets principaux les dispositions de cet
édit, relatives aux biens que peuvent acquérir les gens de
main-morte: nécessité de formes rigoureuses pour acquérir
des immeubles réels ou des rentes sur particuliers, liberté
à l’égard des biens d’une nature ou moins précieuse,
ou privilégiée, interdiction d’exercer personnellement certains
droits, qui tendroient à faire rentrer des immeubles entre leurs mains.
|
|
Premier
objet. Les gens de main-morte ne peuvent plus acquérir à
quelque titre que ce soit, même par échange, cession, ou transport,
ni recevoir par donation entre-vifs des fonds de terre, maisons, droits réels,
rentes foncières on non rachetables, même des rentes constituées
sur des particuliers, si ce n’est après avoir obtenu des lettres-patentes
pour parvenir à l’acquisition, & pour l’amortissement de ces
biens, art. 12, 15, 16. Ils sont absolument incapables de les recevoir
par disposition de dernière volonté: art. 17.
|
|
Les
lettres-patentes, dans les cas où on peut les demander, ne peuvent
être accordées qu’après une information sur la nature
& la valeur des biens, sur l’utilité & les inconvéniens
de l’acquisition que les gens de main-morte en voudroient faire: art.
20. Si les lettres-patentes sont accordées, elles doivent être
communiquées au procureur-général. On doit alors procéder [p.274] à une seconde information
sur la commodité ou l’incommodité de l’acquisition, communiquer
les lettres-patentes aux seigneurs desquels les biens relèvent, juger
les oppositions s’il en survient, & obtenir enfin l’enregistrement des
lettres- patentes, sur les concluions du procureur-général:
Article 21.
|
|
La
chambre des comptes n’a enregistré l’édit de 1749, qu’à
la charge que les lettres-patentes, par lesquelles le roi autoriseroit des
gens de main-morte à faire quelqu’acquisition, seroient enregistrées
en la chambre. L’arrêt d’enregistrement de la chambre est rapporté
dans le Dict. de dr. Canon., de Durand de Maillane, tom. 1, pag. 87,
au mot Acquisition.
|
|
Nous
croyons que la formalité exigée par la chambre des comptes
ne s’observe pas exactement.
|
|
Toutes
ces formalités doivent rendre plus rares les acquisitions que les
gens de main-morte peuvent faire des biens mentionnés, qui sont les
plus précieux. Les frais seuls auxquels elles donneroient lieu, sont
une raison suffisante pour les empêcher. Il faut néanmoins remarquer
une exception apportée à l’article 17, qui interdit absolument
toute disposition de ces biens, en faveur des gens de main-morte, par acte
de dernière volonté. Cette exception a lieu en faveur des
hôpitaux & des autres fondations, qui ayant pour
objet des œuvres de charité, ne tendent point à établir
un nouveau corps, collège ou communauté, ou un nouveau titre
de bénéfice. Elle consiste en ce que ces sortes d’établissemens
sont déclarés capables de recevoir des rentes, biens fonds
& autres immeubles, de quelque nature que ce soit, lorsqu’ils leur seront
donnés par disposition de dernière volonté. Telle est
la disposition précise de l’art. 9 de la déclaration du roi,
du 26 mai 1774, enregistrée au parlement de Paris le 1 juin de la
même année, & adressée aux autres parlemens ou enregistrée
par eux dès 1762.
|
|
Cet
article 9 contient dérogation expresse à l’article 17 de l’édit.
La même loi soumet les établissemens auxquels elle accorde
ce privilège, aux conditions suivantes: d’être forcés
au remboursement par les débiteurs des rentes qui leur seroient léguées,
de souffrir le rachat des immeubles qui leur seraient pareillement légués
par les héritiers ou representans des testateurs, ou d’en vuider
leurs mains dans l’an & jour, à compter du jour de l’expiration
de l’année accordée aux débiteurs ou héritiers
pour les rembourser ou retirer, de pouvoir être contraints de recevoir,
pour prix du rachat ou du remboursement, des rentes de la nature de celles
qu’ils peuvent posséder: voyez les articles 10, 11, 12 & 13 de
la déclaration de 1774.
|
|
2.
On a prévu que les gens de main-morte pourroient éluder la
rigueur de la loi, en acquérant sous un nom emprunté. Pour
y remédier autant qu’il est possible, on a défendu à
toutes personnes de prêter leurs noms à des gens de main-morte,
pour l’acquisition ou la jouissance des biens, de la qualité marquée
par l’article 14, à peine de trois mille livres d’amende: Edit. de
1749, art. 24.
|
|
Ces
fraudes doivent être réprimées avec d’autant plus de
sévérité, qu’elles sont plus faciles à pratiquer.
Les Jésuites Anglois, après avoir loué sous le nom d’une
famille Angloise, une maison de campagne à une demi-lieue de la ville
de Boulogne, y avoient établi un pensionnat pour de jeunes Anglois,
où tous les François qui s’y présentoient étoient
aussi admis. Ils avoient ensuite loué, dans la ville même,
une maison où ils avoient construit une chapelle. En 1751, le propriétaire
leur fit signifier qu’il entendoit habiter sa maison à l’expiration
du bail. Il fut impossible aux Jésuites de trouver d’autres propriétaires,
qui consentissent à leur louer. Alors ils jetèrent les yeux
sur un grand terrein vuide, qu’ils firent acheter par le sieur Bernard Clery,
négociant & échevin, sous le nom de Marie Jenkins, veuve
de Thomas Panting, Angloise, qui avoit actuellement son fils unique au noviciat
des Jésuites Anglois, à Wast, près Saint-Omer. Les mayeur
& échevins de la ville de Boulogne ayant eu connoissance de cette
acquisition, firent dresser un procès-verbal, qui constatoit les manœuvres
pratiquées par les Jésuites pour parvenir à l’acquisition
de ce terrein, & présenterent leur requête au conseil du
roi, dans laquelle ils établissoient qu’une pareille entreprise étoit
une contravention formelle aux loix du royaume,
[p.275] notamment à l’édit de 1666, & à
l’article 14 du mois d’août 1749, qui défend aux gens de main-morte
d’acquérir sous un nom emprunté.
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|
Par
arrêt du Conseil d’Etat, du 4 février 1751, les Jésuites
Anglois ont été condamnés à sortir de Boulogne
& à se retirer dans leur maison de Wast ou de Saint-Omer; l’acquisition
faite par Bernard Clery, au nom & pour la dame Jenkins, a été
déclarée nulle, & les mayeur & échevins autorisés
à prendre le terrein, moyennant le prix convenu entre les parties,
pour être employé à l’usage des habitans.
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|
3.
La disposition de l’article 14 de l’édit de 1749, par laquelle il
est défendu entr’autres choses aux gens de main-morte d’acquérir
des rentes sur particuliers, comprend aussi bien celles qui sont constituées
avec les deniers provenans du remboursement des capitaux des anciennes rentes,
que celles dont la constitution seroit faite avec des deniers provenant d’épargnes
& d’économie, ou de toute autre cause nouvelle. La jurisprudence
n’a pas toujours été constante sur cette interprétation
de l’édit. On avoit pensé assez généralement
que dans le cas où l’on forcoit les gens de main-morte à recevoir
le remboursement d’une rente constituée sur particuliers, antérieurement
à l’édit, ils pouvoient acquérir une rente de la même
nature, sans obtenir de lettres-patentes pour l’acquisition. Ce n’est pas
alors, disoit-on, une nouvelle acquisition, c’est un replacement, une réconstitution,
pour laquelle l’édit de 1749 n’oblige pas les gens de main-morte
à obtenir les lettres-patentes. L’édit du 24 août 1780,
enregistré au parlement le 1 septembre suivant, a expressément
rejeté cette interprétation. Il porte, que les gens de main-morte
ne pourront acquérir, recevoir, ni posséder aucunes rentes
constituées sur des particuliers…., même par voie de reconstitution
des deniers provenans du remboursement des capitaux d’anciennes rentes,
si ce n’est après avoir obtenu des lettres-patentes pour parvenir
à cette acquisition. Le roi valide néanmoins par le même
édit les reconstitutions faites jusqu’au moment de l’édit d’interprétation,
pourvu qu’il soit énoncé expressément dans les contrats,
que les deniers proviennent de l’extinction & du remboursement des anciennes
rentes.
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4.
Second objet. Les biens que les gens de main-morte sont autorisés
à acquérir & à recevoir, sans être assujétis
à la formalité des lettres-patentes, sont, les rentes constituées
sur le roi, le clergé, les dioceses, pays d’état, villes &
communautés: Article 18 de l’édit de 1749. On doit mettre
aussi dans cette classe, les sommes mobiliaires que les gens de main-morte
peuvent recevoir par donation ou par disposition de dernière volonté.
L’édit ne s’en explique pas; mais il suffit pour qu’elles puissent
être données ou léguées aux gens de main-morte,
qu’elles ne soient pas du nombre des biens dont l’acquisition leur est interdite
par l’article 14 du même édit. Nous ne prétendons pas
pour cela que les gens de main-morte puissent recevoir des donations ou
des legs, excessifs de sommes mobiliaires, au préjudice des héritiers
légitimes. Nous disons seulement qu’ils sont capables de recevoir
des biens de cette nature. Sur la question de savoir si les libéralités
faites aux gens de main-morte, peuvent être réduites lorsqu’elles
sont trop considérables, voyez Legs.
|
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La
nature des biens que les gens de main-morte sont autorisés à
acquérir & à recevoir, sans avoir besoin de l’autorisation
de la puissance publique, tandis qu’ils sont comme frappés d’incapacité
pour des biens d’une autre nature, indique quel est le but de la loi. Les
meubles n’ont pas une valeur durable; l’argent lui-même n’est pas
toujours destiné à faire des acquisitions qui augmentent la
richesse; il peut être employé à des réparations,
à des reconstructions, à des emplois dont l’objet est d’entretenir
un établissement, sans porter aucun préjudice aux particuliers.
Il auroit été contre l’ordre d’interdire aux gens de main-morte
ces moyens de subsister ou d’entretenir leur existence, lorsqu’il n’en résultoit
aucun dommage pour les particuliers. A l’égard des rentes constituées
sur le roi, le clergé, les dioceses, les pays d’état, les
villes & les communautés, pour lesquelles on laisse aux gens
de main-morte la même liberté d’acquérir & de recevoir,
il n’y a, comme l’on voit, aucun inconvénient. Les [p.276] gens de main-morte acquièrent-ils
sur le clergé, les dioceses, les pays d’état? alors le créancier
& le débiteur étant des gens de main-morte, il y a pour
l’état compensation, & le corps des gens de main-morte n’en devient
pas plus riche. Acquièrent-ils au contraire des rentes constituées
sur le roi? alors il est utile que les sommes mobiliaires dont ils sont
propriétaires, ne soient pas dissipées ou perdues pour l’état,
& qu’elles servent à l’utilité générale.
D’ailleurs la puissance publique peut toujours veiller à ce que les
gens de main-morte ne deviennent pas trop riches, même de cette espece
de biens. C’est donc très-sagement que l’on a conservé aux
gens de main-morte la liberté d’acquérir & de recevoir
des biens de la nature de ceux dont nous avons parlé, sans être
assujétis à aucune formalité. On reconnoîtra encore
les mêmes motifs d’utilité publique, conciliée avec le
droit naturel d’acquérir, dans la close insérée dans
presque tous les edits d’emprunts, par laquelle les gens de main-morte, sont
autorisés à placer avec la même liberté que les
particuliers.
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|
5.
Troisieme objet. Une dernière disposition de l’édit
de 1749, qui a remédié au progrès excessif des acquisitions
des gens de main-morte, est celle qui leur interdit d’exercer à
l’avenir aucun retrait féodal ou seigneurial, à peine de nullité:
Edit de 1749, art. 25. Il auroit pu arriver que par la voie du retrait,
les gens de main-morte se seroient rendus propriétaires de toutes
les terres d’une seigneurie ou d’un fief, ensorte qu’il n’auroit plus existé
dans certains endroits que des fermiers. La disposition dont on vient de
parler a prévenu cet abus.
|
|
L’interdiction
faite aux gens de main-morte d’exercer le retrait, emporte-t-elle l’interdiction
de traiter de ce droit avec un étranger? Comme la prohibition d’exercer
le retrait étoit prononcée sans aucune autre modification,
il s’est trouvé quelques personnes qui ont prétendu que cette
prohibition étoit absolue, que les gens de main-morte ne pouvoient
pas traiter du droit de retrait, & en faire la cession. La jurisprudence
a rejeté cette prétention presque dans sa naissance; on a
vu que le but de la loi étoit rempli, lorsque les gens de main-morte
ne devenoient pas propriétaires du fonds sur lequel s’exerce le retrait.
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|
Un
arrêt du 13 août 1762 a déclaré valable la cession
faite par un commandeur de l’ordre de Malte, de ses droits au retrait féodal
sur des héritages étant dans sa mouvance: Conseil, fol
184-191, n°2, coté 2956.
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|
Un
second arrêt du 9 mai 1767, rendu sur les conclusions de M. de Barentin,
a fait main- levée d’une opposition formée à l’enregistrement
de lettres-patentes, par lesquelles le prieur de Baumont-la-Chartre, au diocese
de Mans, étoit autorisé à abandonner le fief &
châtellenie de Baumont-la-Chartre, mouvant du roi, ayant haute, moyenne
& basse-justice, moyennant cinq cents livres de rente foncière.
Le principal motif de l’opposition étoit que la seigneurie de Baumont,
possedée par des gens de main-morte, venant à l’être par
un particulier, celui-ci pourroit exercer le retrait féodal, ou le
retrait censuel, ce qui affaibliroit le prix des ventes faites par les vassaux
ou censitaires. M. l’avocat-général obsrva que ce moyen n’étoit
pas fondé; que si les gens de main-morte ne pouvoient pas exercer
le retrait, ils pouvoient le céder; qu’autrement le fief seroit dégradé
au préjudice du seigneur dominant: il rappela l’arrêt du 12
août 1762, qui avoit déjà jugé la question: Non
trouvé sur les registres.
|
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La
déclaration du 26 mai 1774 a prévenu les difficultés
qui pourroient encore s’élever à ce sujet. “N’entendons, porte
l’article 6, empêcher que les gens de main-morte ne puissent céder
le retrait féodal ou censuel, ou droit de prélation à
eux appartenant, dans les lieux où….., cette faculté leur
a appartenu jusqu’à présent….” Mais aux termes du même
article, les gens de main-morte ne peuvent recevoir pour prix de la cession
que des effets mobiliers, ou des rentes de la nature de celles qu’il leur
est permis d’acquérir.
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6. On doit mettre au nombre des moyens employés pour rendre moins
fréquentes les acquisitions des gens de main-morte, les taxes extraordinaires
auxquelles ces acquisitions étoient assujéties , même
avant l’édit [p.277] de
1749: Voyez Amortissement, Indemnité, Nouvel acquet. |
|
C’est ici le lieu de rendre compte d’un règlement important, relatif
au droit d’amortissement, publié depuis que nous avons donné
au public le volume où le mot Amortissement est imprimé.
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Plusieurs
réglemens, & particulièrement l’arrêt du conseil
du 21 janvier 1738, avoient déterminé le droit d’amortissememt
auxquels pouvoient donner lieu les constructions & reconstructions faites
par les gens de main-morte, & les formalités qu’ils devoient observer
avant d’y procéder. Les gens de main-morte devoient communiquer aux
commissaires départis dans les provinces, les plans & devis de
toutes leurs constructions & reconstructions, & envoyer ensuite au
conseil ces plans & devis avec l’avis du commissaire départi.
Le droit d’amortissement devoit être ensuite payé d’après
le prix du premier bail qui en auroit été passé. On
a pensé qu’on pouvoit éviter dans plusieurs circonstances les
frais de l’envoi au conseil des plans & devis, & autoriser les intendans
à permettre les constructions & reconstructions, sans en référer
au conseil; mais en même-temps dans la crainte que les gens de main-morte
ne passassent des baux à un prix au-dessus de la juste valeur, &
ne diminuassent ainsi la somme à payer pour le droit d’amortissement,
on a exigé que les baux des constructions & reconstructions fussent
passés devant le commissaire départi par voie d’adjudication
aux enchères. Tel est l’objet des dispositions d’un arrêt du
conseil du 7 septembre 1785.
|
|
Avant de faire aucune construction ou reconstruction, les gens de main-morte
doivent communiquer les plans & devis aux intendans dans les provinces,
& dans Paris au lieutenant de police, & obtenir leur autorisation
à l’effet de construire. S’ils ont omis de le faire, ils sont soumis
à payer l’amende qui est un second droit d’amortissement dans le
cas où l’amortissement est dû; & si l’amortissement n’est
pas dû, à payer la somme à laquelle ce droit seroit
monté, s’il avoit été exigible: art. 1 & 2.
|
|
Les gens de maint-morte sont tenusd’imposer à ceux auxquels ils donnent
bail des terrains à la charge de faire des constructions ou reconstructions,
la condition de se conformer à l’article premier pour la communication
des plans & devis, sur peine, par les gens de main-morte, de payer l’amende
du principal du droit d’amortissement: Art. 3. |
|
Le premier bail après les constructions doit être passé
devant l’intendant ou le lieutenant de police, ou devant une personne par
eux commise, après trois affiches & publications de huitaine en
huitaine, & copie desdites affiches & publications remises au directeur
des domaines, ou au contrôleur des aides, le tout à peine de
300 livres d’amende, de nullité du bail, & d’être procédé
à un nouveau bail: Art. 4. |
|
Les mêmes formalités sont exigées des gens de main-morte
pour le premier bail qui suit la rentrée en possession des biens par
eux affermés, &c sur lesquels il y a eu des constructions ou reconstructions:
Art. 5.
|
|
Elles
sont aussi ordonnées dans le cas où les gens de main-morte
mettent dans le commerce des biens, qui, attendu leur destination à
l’utilité personnelle des religieux, comme les biens compris dans
la clôture; ou à l’utilité publique, comme les cazernes,
n’avoient pas été amortis lors des constructions, ou n’avoient
payé qu’une partie des droits qui auroient été dus:
Art. 6. |
|
Enfin l’article 7 porte que les peines prononcées par l’arrêt
ne pourront, en aucun cas, être réputées comminatoires,
&c qu’il n’en sera fait aucune remise ni modération. En effet
ce règlement est exécuté à la rigueur. Les gens
de main-morte ont éprouvé un léger adoucissement à
la rigueur de ce règlement, par l’arrêt du conseil du 5 décembre
de la même année 1785, qui modère le droit de marc d’or
sur les lettres-patentes qu’ils doivent obtenir pour recevoir des biens de
la nature de ceux dont l’acquisition leur est interdite par l’édit.
Cet arrêt ordonne que lorsque les biens seront destinés à
la subsistance des étudians, ou des
pauvres, aux écoles ou établissemens de charité,
au soulagement des prisonniers, [p.278] ou
autres œuvres pieuses de cette nature, le droit qui étoit perçu
à raison du quarantieme de la valeur des fonds, sera réduit
au centième seulement de ladite valeur, & que la fixation en
sera faite sur ce pied par les arrêts du conseil qui continueront
d’être rendus avant que les lettres-patentes puissent être scellées.
|
|
7. Les dispositions de l’édit de 1749, que l’on vient de rappeler
sur les biens que les gens de main-morte peuvent recevoir ou acquérir,
ont donné lieu à plusieurs contestations, jugées par
des arrêts du parlement de Paris, que nous allons rapporter.
|
|
Pierre
Blanchard, huissier audiencier au bailliage de Vitry-le-Francois, avoit,
par son testament du 16 mai 1751, laissé aux religieux de la Charité
de Vitry une somme de huit cents livres, pour célébrer tous
les ans à perpétuité, le jour de son décès,
un service de trois messes hautes. Par codicile du 1 novembre de la même
année, il réduit à cinquante livres le legs fait aux
religieux de la charité, & lègue aux pauvres de l’hôpital-général
de Vitry les biens-fonds, contrats de confutation, droits & actions à
son profit, dont le détail étoit rapporté au codicile,
à la charge d’une rente perpétuelle de cent cinquante livres,
& d’une rente viagère de cinquante livres. Le testateur ajoutoit:
& si la “présente disposition paroissoit contraire à l’esprit
de l’édit
du mois d’août 1745”, en ce cas seulement je veux & entends
que tous les biens-fonds légués audit hôpital, ainsi
que les contrats, soient vendus par mon exécuteur testamentaire, &
le prix en provenant employé en acquisition de rentes sur le roi,
ou le clergé; & dans le cas où la disposition seroit admise,
je veux que les administrateurs puissent vendre & disposer de la maison
que je leur laisse grévée d’usufruit”. Demande en délivrance
de legs, par l’hôpital-général de Vitry, les héritiers
Blanchard y avoient formé opposition. On se fondoit pour les héritiers
sur la disposition précise de l’article 17 de l’édit, qui
défend aux gens de main-morte, de recevoir ancun legs de fonds, ou
de contrats de constitution sur particulier. L’hôpital se défendoit
en excipant des articles 13 & 14 des lettres-patentes de son établissement,
du mois de septembre 1686, enregistrées en la cour le 25 juillet
1687, qui non-seulement lui pcrmettoient d’acquérir, mais encore
d’aliéner & échanger ce qu’il auroit pu acquérir.
Or comme on ne peut pas dire que le roi ait eu intention de toucher au privilège
d’aliéner, on doit conclure que l’hôpital de Vitry n’est pas
assujéti à la prohibition de l’édit de 1749.
|
|
Par
arrêt du 8 novembre 1755 , (on doit remarquer sur cette date, qu’après
une suspension de la justice, le parlement avoit obtenu de reprendre son
service, sans qu’il y eût de chambre de vacations,) conforme aux conclusions
de M. l’avocat-général Joly deFleury, “La cour déclare
les dispositions du testament dont est question, faites au profit de l’hôpital
de Vitry, nulles en ce qui concerne les biens légués marqués
dans l’article 14 de l’édit de 1749, dépens compensés»:
Plaidoyeries, fol. 129-131, n°16, coté 3023. |
|
M. l’avocat-général avoit observé que l’intention du
législateur avoit été d’interdire également
& les legs de biens-fonds, & ceux du prix des fonds dont le testateur
ordonnoit la vente. Il faut remarquer, pour ne pas faire une fausse application
de cet arrêt, que les hôpitaux n’avoient pas encore été
déclarés capables de recevoir des biens-fonds, par disposition
de dernière volonté. Ils le sont depuis la déclaration
du 26 mai 1774, que nous avons rapportée plus haut, n°1.
|
|
8.
La dame Faure avoit ordonné par son testament, qu’après son
décès la demoiselle Faure sa fille, affligée d’une
infirmité qui lui avoit fait perdre l’usage de la raison, seroit
transférée au couvent de Braines; qu’une partie des meubles
détaillés au testament y seroit transportée avec elle;
que le reste seroit vendu & employé en acquisitions d’héritages,
dont le produit, aussi bien que le revenu de tous ses biens, seroit touché
par les religieuses, tout le temps que la demoiselle Faure demeureroit dans
leur maison. La dame Faure chargeoit les religieuses de réparer &
entretenir les biens, elle les autorisoit à passer tous les baux
& en toucher le montant, elle vouloit que tous les titres & papiers
concernant les biens, fussent remis aux religieuses, après qu’il en
auroit été dressé inventaire; enfin elle [p.279] vouloit que les
religieuses ne fussent tenues à rendre aucun compte des revenus, &
qu’elles demeuroient propriétaires des meubles. Elle déclaroit
ensuite les obligations que les religieuses seroient tenues de remplir à
l’égard de la demoiselle Faure. |
|
Les religieuses de Braines ayant demandé l’exécution du testament,
il fut résolu dans
une assemblée des parens de la demoiselle Faure, de défendre
à la demande des religieuses.
Parmi les moyens que la famille employoit pour contester l’exécution
du testament, étoit celui-ci, que la dame Faure avoit fait aux religieuses
un legs d’usufruit, droit réel & immobilier, dont les religieuses
étoient incapables aux termes de l’article 4 de l’édit de
1749. On répondoit pour les religieuses, que la dame Faure ne leur
avoit donné la jouissance des biens qu’autant que la demoiselle Faure
demeureroit dans leur maison, & que l’infirmité de la demoiselle
Faure venant à cesser, la jouissanсе des religieuses pourrait cesser
par sa retraite dans une autre maison; que ce n’étoit pas un legs
d’usufruit, mais une estimation faite par la mère des charges &
des dépenses que sa fille causeroit, évaluées au montant
du revenu. C’étoit une pension que la dame Faure stipuloit pour sa
fille. Il n’y avoit donc pas lieu à l’application de l’édit
de 1749. |
|
Par arrêt du 6 juillet 1763, conforme aux conclusions de M. Joly de
Fleury, la cour a ordonné, que la demoiselle Faure seroit transférée
dans le couvent de Braines, où elle pourroit être visitée
tant par son tuteur, que par le substitut du procureur-général
au bailliage de Soissons, que les effets énoncés au testament
seroient également portés au monastere; que le tuteur seroit
tenu seulement d’aider, à la premiere requisition, les religieuses
qui seront tenues d’en donner leur récépissé, des titres
nécessaires pour recevoir les revenus des biens de la demoiselle
Faure, à titre de pension & d’alimens, le dit tuteur pareillement
tenu de remettre aux religieuses une expédition de l’inventaire fait
après le décès d’Anne-Marie Dufour, veuve Faure; &
veilleront, tant ledit tuteur, que ledit substitut, à ce que les
biens soient bien & fidélement entretenus. Sur le surplus, met
les partie [sic] hors de cour;
condamne le tuteur aux dépens qu’il ne pourra employer en frais de
tutele”: Plaidoyeries, fol. 274-281, n°39, coté 3216.
|
|
6. Le sieur Le Moine, curé de Berneuil, avoit par son testament olographe
légué à la fabrique de Berneuil, pour le soulagement
des pauvres malades, & pour l’instruction gratuite des enfans, douze
mille livres en principal: (savoir) à prendre aussi-tôt
son décès, en argent, chez Me Savin, procureur au châtelet,
six mille livres, & pareille somme de six mille livres, chez Me Le Brun,
avocat. |
|
Ces deux sommes étoient aliénées. Me Le Brun &
Me Savin en avoient donné des reconnoissances portant promesse de
passer contract. |
|
Au bas de chacune des deux reconnoissances, le sieur Le Moine avoit dressé
un codicile, par lequel il léguoit le billet à la fabrique,
pour être employé au profit des pauvres, a l’acquit des charges
portées au testament. Ces circonstances fournirent au sieur Pigory,
héritier, un moyen de nullité contre le testament. On n’a
pas pu, disoit-il, léguer pour l’acquit de la fondation, des biens
qui, suivant l’édit de 1749, ne sont pas disponibles pour cet usage.
Les deux codiciles démontrent que ce n’en pas une somme de douze
mille livres que le testateur a léguée mais deux billets portant
promesse de passer contrat, c’est-à-dire, des rentes constituées
sur particulier. La fabrique de Berneuil demandoit la délivrance du
legs. Ce legs, disoit-elle, est d’une somme mobiliaire aux termes du testament.
On ne doit pas, pour appliquer contre des gens de main-morte, l’édit
de 1749, donner à des promesses de passer contract les caracteres
des conntacts de constitution. D’ailleurs le legs est favorable, il est fait
par un curé , pour un objet d’utilité, civile & religieuse
tout ensemble.Une déclaration du 30 juillet, 1762, enregistrée
à Rouen, à Rennes, à Bordeaux, à Toulouse, permet
de donner aux fabriques, hôpitaux, écoles de charité,
des rentes & des immeubles, aux conditions que les héritiers pourront [p.280] retirer l’immeuble, en en
payant le prix, sinon que les gens de main-morte le
mettront hors de leurs mains.
|
|
M.
l’avocat-général, Joly de Fleury, fit voir que si le testament
étoit susceptible d’une interprétation favorable, les codiciles
ne permettoient pas de s’y arrêter; qu’ainsi le curé de Berneuil
avoit légué un bien que la fabrique ne pouvoit pas recevoir
d’après l’édit de 1749, que la considération tirée
de la qualité du testateur, de la destination de l’objet, ne pouvoient
aussi bien que la déclaration dont on s’appuyoit, & qui n’avoit
pas été enregistrée en la cour, militer contre le texte
de la loi de 1749.
|
|
Par
arrêt du mercredi 8 février 1764, conforme aux conclusions
de M. l’avocat-général, les legs faits à la fabrique
ont été déclaré nuls “notamment le legs des
deux billets de six mille livres, chacun fait au profit dudit Le Moine”:
Plaidoyeries, fol. 35-40, n°34, coté 3234.
|
|
10.
Un autre arrêt du 22 août 1764, aussi rendu sur les conclusions
de M. Joly de Fleury, a jugé la même question, presque dans
les mêmes circonstances.
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La
dame Cocqueriat avoit lègue à la fabrique d’Aillant, diocèse
d’Áuxerre, trois mille quatre cents livres, pour l’aider à
faire un fonds pour l’entretien d’un vicaire, savoir, deux mille quatre cents
livres à prendre sur ses immeubles, & mille livres sur ses meubles.
|
|
La
fabrique demandoit la délivrance du legs, les héritiers soutenoient
qu’il devoit être déclaré nul.
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L’objet,
disoit M. l’avocat-général, est favorable; il n’y auroit pas
difficulté, si le testament ne contenoit pas la désignation
d’une somme à prendre sur les immeubles. |
|
On peut dire que cette désignation nе change pas la nature du legs
qui est d’une somme d’argent, & qu’elle n’est faite que pour fixer la
part contributoire des hériters des propres, & des héritiers
mobiliers; mais l’édit défend de donner directement ou indirectement
des immeubles réels ou fictifs, ainsi le legs de deux mille quatre
cents livres est nul.
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|
Ainsi jugé par l’arrêt , conformément aux conclusions
de M. l’avocat- général: Plaidoyeries, fol. 50-51, n°48.
|
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Il
faut observer que depuis la déclaration du 26 mai 1774, qui, comme
on l’a déjà observé, est la même, que celle de
1762, dont s’appuyoit la fabrique de Berneuil, des legs qui seroient faits
dans les circonstances marquées par ces deux derniers arrêts,
seroient valables. |
|
11. Par l’article 28 de l’édit de 1749, les actes contenant des dispositions
en faveur de gens de main-morte, mais dont la date authentique seroit antérieure
à la publication de l’édit, ou assurée par le décès
de leurs auteurs avant la publication de la loi, sont déclarés
n’être pas sujets aux formalités prescrites par l’édit.
Cette disposition a donné lieu à plusieurs contestations,
& à des arrêts qui paroissent contraires les uns aux autres.
Des héritiers ont soutenu, par exemple, qu’un testament n’avoit une
date authentique antérieure à l’édit, qu’autant qu’il
étoit reçu par un officier public, ou que la date en étoit
constatée par un acte de dépôt antérieurement
à la promulgation de l’édit. Les gens de main-morte, au contraire,
ont demandé l’exécution de testament olographes qui n’avoient
qu’une date privée, mais assurée, selon eux, par plusieurs
circonstances qui avoient accompagné ou suivi la rédaction
de l’acte, de manière qu’on ne pouvoit douter qu’ils eussent été
faits antérieurement à l’édit. |
|
La veuve Lambert avoit, par un testament olographe daté du 18 février
1744, légué aux Cordeliers de Saint-Maixent, une métairie
pour l’exécution de la fondation de sept messes basses рar semaine.
La veuve Lambert était décédée le 11 janvier
1750, son testament n’avoit pas été déposé avant
son décès. Les héritiers demandèrent en la cour
la nullité du legs, comme contraire à l’édit de 1749.
Leur principal moyen étoit fondé sur ce que le testament étant
olographe, n’ayant pas été déposé, & la
testatrice étant morte depuis la publication de l’édit, rien
n’assuroit la date que la veuve Lambert lui avoit donné. Ce n’est
pas-là, disoient-ils, la date authentique exigée par l’article
28 de l’édit. On [p.281] éluderoit
aisément les sages prohibitions de l’édit, s’il étoit
libre au testateur d’antidater l’acte qui contient ses dernieres volontés.
On répondoit pour les religieux, que la date du testament de la veuve
Lambert étoit assurée par le testament même; qu’elle
y déclaroit léguer la métairie, ainsi qu’en jouissait
à présent Jean Sachaud, & on rapportoit le bail fait
à ce fermier le 16 avril 1740. Les énonciations du bail &
les charges avoient été rapportées dans le testament,
elles étoient les mêmes. Dans ce bail étoit compris
le sous-fermage des terres d’une chapelle dont la veuve Lambert avoit cessé
d’être fermière en 1748. Enfin par le même testament
la veuve Lambert disposoit de deux rentes dues par les sieurs Sarrat &
Aireault, & on rapportoit les extraits mortuaires de ces deux particuliers,
qui étoient d’une date antérieure à l’édit.
Ces circonstances étoient-elles suffisantes pour donner au testament
de la veuve Lambert une date certaine, antérieure à l’édit?
|
|
Par arrêt du 27 juin 1752, conforme aux conclusions de M. l’avocat-général
Joly de Fleury, l’exécution du testament fut ordonnée: Plaidoyeries,
fol. 193-208, n°15, coté 2970.
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Les religieuses de Notre-Dame de la ville de Tournon avoient été
instituées héritières pour la totalité des biens
de la demoiselle Suzanne Garde, par son testament du 17 juillet 1745. La
contestation engagée entr’elles & le sieur Dubellet, oncle &
héritier de la testatrice, sur la demande en maintenue de l’hérédité,
étoit pendante au parlement de Toulouse. L’héritier demandoit
la nullité du testament, comme contraire aux dispositions de l’édit
de 1749. Il soutenoit que les religieuses étoient incapables au temps
du décès de la testatrice. Il proposoit aussi des moyens de
captation. Par arrêt du 6 juin 1754, la cour... sans avoir égard
a la requête des religieuses,.... déclare nul le testament
de ladite Suzanne, Garde, du 17 juillet 1745, décédée
le 31 décembre 1752, a maintenu & maintient le sieur Dubellet…..
sur le surplus des demandes.... du sieur Dubellet, met les parties hors de
cour. Par les expressions du dispositif de l’arrêt, il paroît
qu’il a été jugé que le testament n’avoit pas la
date authentique exigée par l’article 28 de l’édit, mais seulement
celle du décès de la testatrice: Vu l’arrêt imprimé.
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Sallé, dans son commentaire sur l’édit de 1749, art. 28, rapporte
l’espece d’un arrêt du 7 septembre 1758, rendu au parlement de Paris
au rapport de M. Bochard, qui a déclaré nul le legs universel
fait au profit de la bourse commune des pauvres de la ville d’Aire, par
le curé de Saint-Martin de la même ville. Le testament étoit
antérieur à l’édit; mais le testateur n’étoit
mort qu’en 1755, sans que son testament eût été déposé.
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|
On faisoit valoir en faveur des pauvres une circonstance qui paroissoit
assurer la date du testament: c’est qu’il contenoit un legs fait à
un particulier qu’on prouvoit par son extrait mortuaire être mort
dès le mois de mai 1748, avant l’édit. Les juges n’eurent
aucun égard à cette circonstance.
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Par
son arrêt, “La cour, en infirmant la sentence dont étoit appel,
déclare le legs fait par défunt Henry Leroi par ses testament
& codicile des 15 juin 1746 & 26 octobre 1749, à la
pauvreté de la ville d’Aire, quant à ses immeubles
& rentes seulement, nul & caduc; ordonne que ledit testament sera
exécuté eu égard au legs du mobilier seulement, déclare
le présent arrêt commun avec François Leroi, Lage &
sa femme... tous dépens compensés”: Conseil, fol. 148-155,
n°10, coté 2828. |
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Une question de ce genre s’est encore présentée à juger
au parlement de Paris en 1783. |
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La demoiselle Thibaut étoit décédée en 1744.
Par son testament fait en 1735; elle avoit institué le sieur Liber,
son petit-neveu, son légataire universel, & légué
deux arpens de terre à la table des pauvres d’une paroisse de Saint-Omer,
deux autres arpens à la chapelle de la Sainte-Trinité, &
à la confrérie du luminaire de la paroisse, deux arpens &
demi à la fabrique , pour le revenu être employé en
messes. La testatatrice avoit en outre fondé 40 messes [p.282] à perpétuité
par chaque аnnéе, dont la rétribution de 15 sous se prendroit
sur le revenu d’une maison qui lui appartenoit sur la paroisse.
|
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Le
11 août 1745, tous les légataires avoient obtenu en l’échevinage
de Saint Omer une sentence contradictoire avec le tuteur du mineur Liber,
qui prononcoit la délivrance du legs, & condamnent le tuteur
à payer le droit d’amortissement. |
|
Après une jouissance paisible de plus de 23 ans, le sieur Liber,
majeur depuis plus de dix ans, se rendit appelant de cette sentence au conseil
provincial d’Artois; il y obtint le 2 mars 1769 une premiere sentence qui
confirmoit la délivrance du legs fait à la fabrique &
à la table des pauvres par la sentence de Saint-Omer, mais à
la charge de justifier dans l’année des lettres-patentes qui les autorisoient
à posséder des immeubles légués. Et avant faire
droit sur l’appel en ce qui touche la confrérie du luminaire, &
la chapelle de la Sainte-Trinité, ordonnoit qu’ils justifiassent de
leur établissement légal. Cette sentence fut suivie d’une
seconde du 15 janvier 1778 par défaut, qui, faute par la confrérie
du luminaire & la chapelle de la Trinité d’avoir fait la preuve
ordonnée par la première sentence, les condamne à restituer
au sieur Liber tout ce qu’ils avoient touché, & même les
sommes payées pour l’amortissement & l’indemnité.
|
|
Les légataires se rendirent appelans de ces sentences en la cour.
Le sieur Liber étoit lui même appelant de la premiere sentence,
en ce qu’elle ne déclaroit pas un legs nuls, & n’ordonnoit pas
la restitution des fruits.
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|
Les
légataires opposoient au sieur Liber qu’il étoit non-recevable
à interjeter appel de la sentence qui accordoit la délivrance
du legs, l’ayant exécutée pendant plus de dix ans, depuis sa
majorité; qu’il étoit mal fondé à leur reprocher
une incapacité qui n’avoit été prononcée que
postérieurement même à la délivrance du legs par
l’édit de 1749. |
|
Le sieur Liber, se don côté, soutenoit qu’il avoit toujours
été à temps pour se pourvoir contre une sentence qui
blessoit l’ordre public; qu’il étoit fondé à opposer
à la fabrique qu’elle ne pouvoit pas posséder des immeubles
sans avoir obtenu des lettres-patentes qui le lui permissent; &c à
la table des pauvres, à la confrérie, & à la chapelle
de la Trinité, qu’elles n’étoient capables d’aucune disposition,
parce qu’elles n’étoient pas légalement autorisées.
Il ajoutoit que ces moyens d’incapacité n’étoient pas fondés
sur l’édit de 1749, qui, dans l’espece, ne recevoit pas d’application,
mais sur les édits de 1659 & 1666, & aussi sur les loix particulières
à la province d’Artois, & notamment sur la célèbre
Caroline donnée en 1520, qui contenoient les mêmes prohibitions,
& soumettoient les nouveaux établissemens aux mêmes conditions. |
|
M. l’avocat-général Seguier, après avoir démontré
qu’aucun des établissemens qui se trouvoient légataires dans
l’espece, n’avoit à prouver son existence légale, les uns
parce qu’ils partagoient l’existence de la fabrique & faisoient corps
avec elle; la chapelle de la Trinité, parce qu’un établissement
pour la rédemption des captifs étoit un établissement
utile, & parce qu’elle avoit des rapports avec l’ordre des Mathurins
légalement autorisé, examina le moyen de nullité du
legs fait des immeubles à cause du défaut de lettres-patentes.
M. l’avocat-général pensa que ces établissemens, quoiqu’ayant
une existence légale, avoient été incapables de recevoir
des immeubles; que l’édit de 1749 n’avoit fait que confirmer les
loix précédentes, notamment l’édit de 1659 & celui
de 1666 qui avoient été enregistrés en la cour , qui
déclaroient les gens de main-morte, même légalement établis,
incapables de recevoir des dons & legs , s’ils n’y étoient expressément
autorisés. La Caroline de 1510, loi particulière à l’Artois,
contient les mêmes dispositions, dit M. l’avocat-général;
elle doit être exécuter. Le consentement donné par l’héritier
à la sentence de délivrance du legs pendantplus de dix ans
depuis sa [p.283] majorité,
ne peut couvrir une nullité d’ordonnance, une nullité de droit
public.
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|
M.
l’avocat-général conclut à la nullité des legs,
à la restitution des fruits, du jour de la demande, & aussi à
la restitution des sommes payées pour amortissement & indemnité.
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Par son arrêt du 16 juillet 1783, “La cour infirme les sentences du
conseil provincial d’Artois, ordonne l’exécution de la sentence de
l’échevinage de Saint-Omer, déclare la partie de Gauthier
(le sieur Liber) non-recevable dans ses appels & demandes; faisant droit
sur les conclusions du procureur-général, ordonne que les
parties de Marnier & Parisot, (les légataires) seront tenus de
mettre hors de leurs mains les biens dont il s’agit, & de les convertir,
dans le délai d’une année, en effets qu’il leur est permis
de posséder suivant l’édit de 1749; & condamne la partie
de Gauthier aux dépens”: Plaidoyeries, vu la feuille, pag. 14.
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|
Il existe une contradiction apparente entre les deux premiers arrêts,
que nous venons de rapporter, de 1751 & 1758. Pour les concilier, il faut
observer que dans l’espece du premier arrêt de 1752, le motif de décision
a pu être qu’il s’étoit écoulé très-peu
de temps entre l’enregistrement de l’édit de 1749 & le décès
de la testatrice arrivé le 11 janvier 1750; d’où il résultoit
que la testatrice n’avoit pas eu le temps de changer ses dernières
dispositions pour les rendre conformes à la loi nouvelle.
|
|
12.
Les obstacles multipliés, apportés aux acquisitions des gens
des main-morte, doivent leur naissance à l’incapacité où
sont les gens de main-morte d’aliéner. Si cette incapacité
étoit seulement l’effet d’une prohibition faite par les loix civiles,
il auroit suffi de donner aux gens de main-morte la liberté d’aliéner
comme tout autre propriétaire d’immeubles; mais elle a sa source
dans une sorte d’impossibilité morale, qu’il est a peine au pouvoir
des loix civiles de faire cesser. Cette incapacité tient à
la constitution même du corps qui, tendant à durer toujours,
est sans cesse intéressé à ne pas faire sortir de ses
mains le fonds qu’il a acquis. L’état ne doit pas en permettre l’aliénation,
encore moins l’ordonner, puisqu’il doit défendre & perpétuer
les établissemens utiles qu’il a une fois reconnus & admis dans
son sein. Il résulte delà, qu’il n’y a qu’une cause de la même
nature que celle qui détermine l’incapacité d’aliéner,
qui puisse autoriser les aliénations des gens de main-morte: c’est-à-dire,
l’avantage évident du corps ou de l’établissement qui fait l’aliénation,
& l’utilité publique. On trouvera les principes & les règles
sur l’aliénation des biens des gens de main morte, & les exceptions
qui peuvent avoir lieu au mot Aliénation de biens ecclésiastiques.
|
|
On peut
voir aussi au mot Hôpitaux, les dispositions de l’édit du mois
de janvier 1780, qui autorise les hôpitaux à aliéner leurs
immeubles. |
|
13. Le débiteur d’une rente remboursable de laquelle des gens de
main-morte sont créanciers, peut-il les forcer dans toute sorte de
cas à recevoir une rente sur le Roi, pour remplacer & éteindre
celle dont il est personnellement débiteur? Cette question s’est
présentée dernièrement, entre la fabrique de la paroisse
de saint André, à saint Quentin, & la dame de la Mèche.
Me Camus défenseur de la fabrique a soutenu qu’il falloit distinguer
deux especes de rentes: les unes acquises par les gens de main-morte, antérieurement
à l’édit de 1749, en vertu de la liberté générale
d’acquérir qu’ils avoient anciennement; les autres acquises depuis
& malgré les défenses portées par cet édit,
mais dans la possession desquelles, les gens de main-morte ont été
maintenus, ou qu’ils ont été autorisés à acquérir
dorénavant par la déclaration du 26 mai 1774.
|
|
Quant
aux premières, les gens de main-morte doivent être remboursés
en argent, de même que des particuliers auroient droit de l’exiger.
Ce sont seulement les rentes de la seconde espece qui peuvent être
remboursées aux gens de main-morte, au moyen de [p.284] rentes sur le
roi, données en remplacement. |
|
Dans l’espece dont il s’agit, la dame de la Mèche, pour éteindre
deux rentes dont le capital étoit de six mille quatre cent vingt-trois
livres, avoit offert les six dixièmes d’un contrat sur les aides
& gabelles, lesquels ne lui avoient coûté que trois mille
cent quarante-deux livres, à cause de la perte que ces effets éprouvoient
sur la place. |
|
Le capital de ces six dixièmes de rente sur le roi étoit bien
de six mille quatre cent vingt-trois livres; mais d’après la perte
que le contrat éprouvoit suivant le cours des effets royaux, il ne
valoit réellement que la moitié de cette somme.
|
|
Voici
comment Me Camus a établi les moyens de la fabrique. |
|
Par l’article 9 de la déclaration de 1774 , le roi déroge
en faveur des hôpitaux & de quelques autres établissemens,
à la défense rigoureuse portée par l’édit du
mois d’août 1749, de leur donner aucunes rentes ou immeubles; il veut
que les dispositions de dernière volonté, par lesquelles on
leur en auroit donné depuis l’édit, ou on leur en donneroit
à l’avenir, soient exécutées. |
|
L’article 10 met une condition a cette grâce, en ce qui concerne les
rentes: c’est qu’elles pourront être remboursées par les débiteurs
& retirées par les héritiers ou représentans des
donateurs, dans le délai d’une année.
|
|
L’article
11 accorde aux héritiers des donateurs d’immeubles autres que les
rentes, pareille faculté de les retirer dans le délai d’un
an. |
|
L’article 12 veut que si le retrait des immeubles, ou le remboursement des
rentes n’a pas été fait dans l’année, les établissemens
qui auront reçu ces dispositions soient tenus de mettre les rentes
ou les immeubles hors de leurs mains. |
|
L’article 13 revient au remboursement des rentes léguées depuis
1749, dont il a permis le remboursement par l’article 10, & c’est en
disposant à cet égard qui porte: Les débiteurs des
rentes & les héritiers & représentans des donateurs
& testateurs qui auraient donné ou légué LESDITES
RENTES…… seront admis a donner en paiement du remboursement DESDITES RENTES……
Il est évident que le Législateur ne s’occupe & ne parle
que des rentes dont il étoit question dans les articles antérieurs;
des rentes que, par une grâce spéciale & en dérogeant
à l’édit de 1749, il venoit d’autoriser à léguer
aux hôpitaux & autres établissemens qu’il avoit voulu favoriser.
C’est une condition qu’il appose à sa grâce, & qu’il est
libre d’y apposer, puisque la grâce est toute entière dans sa
main.
|
|
Il
n’en est pas de même des rentes acquises par les gens de main-morte,
antérieurement à l’édit de 1749. Les gens de main-morte
les possedent par un droit qui leur est propre, par une suite de la capacité
générale dont ils jouissoient avant que l’édit de 1749
l’eût restreinte & limitée. Il n’a pas été
possible d’apposer des conditions
à la faculté d’acquérir ces rentes parce qu’on n’accordoit
point cette faculté, & qu’il n’étoit pas même possible
de l’accorder à raison de rentes acquises & possédées
depuis long-temps. On avoit bien pu limiter, en 1749, la faculté d’acquérir;
on avoit pu modifier cette limitation en 1774: mais c’eût été
toucher à la propriété, que de forcer les gens de main-morte
à recevoir des contrats sur le Roi pour des rentes qu’ils possédoient
avant 1749. On n’a point fait ce qui auroit été injuste. Il
n’y a rien dans la Déclaration de 1774 qui soit relatif à ces
rentes.
|
|
Passons,
continuoit Me Camus, à l’examen des quatre arrêts, qu’on oppose
à la dame de la Mèche. Le premier est du 17 juin 1760. Il a
été rapporté dans l’ancienne édition de la Collection
de Denisart, verbo Gens de main-morte, n°33. |
|
Le sieur Taboureau d’Orval, par un testament postérieur à
l’Edit de 1749, avoit légué aux Hôtels-Dieu de Tours
et de Saumur deux rentes de 200 livres chacune à prendre sur tous
ses biens à perpétuité. Les héritiers prétendirent
que la disposition étoit contraire à l’Edit, parce qu’elle
établissoit une rente sur les biens d’un particulier. L’Hôpital
répondit que le testateur n’ayant point désigné quelle
rente [p.285] il vouloit donner,
on devoit entendre sa disposition d’une rente du nombre de celles que les
gens de main-morte sont capables de posséder. L’Arrêt condamne
les héritiers à fournir 200 liv. de rente en contrats sur
la Ville, ou autres de pareille nature: Conseil, fol. 65-91 n°1,
coté 2883. Il est clair que cet Arrêt n’a aucune application
au remboursement forcé, en contrats, d’une rente possédée
par des gens de main-morte avant l’Edit de 1749.
|
|
Le
second Arrêt est du 9 juin 1761. II a été rapporté
au même lieu que le précédent, n°37. |
|
On avoit donné, pour fondations, à l’Eglise de Saint-Laurent
de Nogent-sur-Seine, 100 liv. de rente assignées sur des terres;
la rente rachetable, non en argent, mais en héritages &
fonds équipollens à la valeur de la rente. Postérieurement
à l’Edit de 1749, le débiteur de la rente voulut la racheter;
& ne pouvant plus donner des fonds, il offrit des contrats. Refus de
la part de la Fabrique. L’Arrêt jugea le le refus mal fondé:
Plaidoyeries, fol. 260-261, n°31, coté 3183.
|
|
La rente
pouvoit être rachetée; le rachat ne devoit donc pas être
refusé par la Fabrique. On ne pouvoit pas demander de l’argent pour
le rachat; le fondateur avoit expressément défendu de le faire
de cette manière. Il avoit ordonné de fournir des fonds; mais
depuis l’Edit de 1749, les gens de main-morte ne peuvent posséder
d’autres fonds que des contrats sur le Roi.
|
|
Il
falloit donc prononcer, comme le fit l’Arrêt, que la fabrique accepteroit
des contrats sur le Roi: mais il n’y a aucune analogie entr’une espece où
la faculté de racheter en argent étoit prohibée, &
l’espece présente, où les titres portent au contraire que le
rachat ne pourra être fait qu’en argent. |
|
Le troisieme Arrêt est du 29 Décembre 1762, il a été
rapporté au même lieu que les précédens, n°34.
Il étoit dû à la Fabrique de Doulens 300 liv. pour une
fondation. On lui offrit un contrat de 300 liv. de rente sur les Aides &
Gabelles. Les Marguilliers contesterent la légitimité des
offres sur le seul motif, que les rentes sur les Aides & Gabelles étant
payables à Paris, on devoit offrir les frais de quittance & de
port d’argent. L’Arrêt a condamné les Marguilliers de Doulens:
Plaidoyeries, fol. 219-223, n° 17, coté 3198. |
|
Il a jugé que des minuties, telles que celles qui fondoient leur
refus, ne devoient pas occuper la justice; mais il n’a pas jugé que
la Fabrique de Doulens pût être contrainte à recevoir
des contrats lorsqu’il lui étoit dû de l’argent. Les Marguilliers
ne refusoient point les contrats & ne demandoient pas de l’argent: ainsi
nulle application encore à l’espece présente.
|
|
Le
dernier Arrêt a été rendu pour une des Paroisse de la
ville de Saint-Quentin, celle de Saint-Rémi. La dame de la Mèche
auroit dû en faire connoître l’espece à son défenseur;
& alors celui-ci ne se seroit pas contenté de dire, sans entrer
dans aucun détail, que l’Arrêt avoit jugé la question
in terminis. Cet Arrêt est précisément dans la
même espece que celui de Doulens. Une femme avoit créé
sur son bien une rente de 20 liv. pour fondation, dans l’Eglise de Saint-Remi.
Le 30 Octobre 1783, la Fabrique fait assigner le sieur Deschamps, mari &
donataire de la fondatrice, pour qu’il indique un immeuble situé dans
le Bailliage de Saint-Quentin, sur lequel la rente puisse être assise.
Le sieur Deschamps offre un contrat de 20 liv. de rente sur les Aides &
Gabelles. La Fabrique accepte l’offre du contrat; mais elle demande
à être indemnisée de tous les frais & loyauts-coûts,
si mieux on n’aime lui donner 100 liv. Le sieur Deschamps déclare
qu’il abandonne les six mois d’arrérages qui se trouvent échus,
& il y ajoute 14 liv. Refus de la Fabrique. On plaide. L’Avocat du Roi
s’oppose au remboursement; toutes les Parties sont déclarées
non-recevables dans leur demande. Appel. La Fabrique persiste à se
plaindre uniquement de l’insuffisance de l’indemnité; le sieur Deschamps
persiste, de son côté, à soutenir que l’indemnité
est suffisante. L’Arrèt rendu le 14 Janvier 1786, infirme la Sentence,
& condamne la Fabrique à recevoir en remboursement un contrat
de 20 livres de rente au principal de 500 livres
[p.286] sur les Aides & Gabelles, création de
février 1770, à la charge par Delchamps de payer a la Fabrique
14 livres pour les indemniser des frais de quittance réception &
port d’argent, de leur abandonner six mois d’intérêt de ladite
rente courus à son profit, &c de leur faire la remise de la grosse
du contrat, même de payer le coût des cession & transport;
condamne la Fabrique aux dépens”: Plaidoyeries, vu la feuille,
pag 20.
|
|
On a jugé que, quand des gens de main-morte demandoient un fonds
pour l’assiette d’une rente; qu’on leur offroit un contrat & qu’ils
l’acceptoient, le ministere public ne pouvoit pas s’opposer à cette
opération volontaire de toutes parts. Ce n’est certainement pas avoir
jugé que l’on puisse forcer des gens de main-morte à recevoir
des contrats sur le roi, en échange de rentes remboursables en argent.
|
|
Aucun des arrêts cités dans le mémoire de la dame de
la Mèche n’a donc jugé cette question; mais il en est un autre
dont elle ne parle pas, quoiqu’il se trouve dans la même Collection,
au mot Remboursement, n°26.
|
|
M.
le président Dubois avoit acquis, en 1717, de l’hôpital de
Laon une ferme, moyennant 8000 liv. produisant 400 liv. d’intérêts,
avec condition qu’il ne pourroit se libérer du capital que quand
l’hôpital trouveroit à acquérir des fonds pour pareille
somme de 8000 liv. Après l’édit de 1749 il voulut se libérer,
en offrant 400 liv. de rente sur le roi ou sur le clergé. L’hôpital
contesta ses offres, & par arrêt du 28 mars 1760, au rapport de
M. Lambelin, la prétention de M. le président Dubois fut rejettée.
|
|
Par cet arrêt , qui avoit été daté par erreur
du 27, “La cour ordonne l’exécution de l’arrêt qui homologue
la vente en question; condamne le scieur Dubois à payer la rente
de 400 livres au principal de 8000 livres, tant & si longuement que
ledit hôpital n’aura pas trouvé à faire d’emploi dudit
principal en fonds à la bienséance, produisant audit hôpital
un revenu égal à ladite rente”: Conseil, fol. 252-259 n°
4, coté 2774.
|
|
II
n’y a donc ni loi, ni jurisprudence qui favorise le systême que la
dame de la Mèche voudroit introduire, que les gens de main-morte peuvent
être contraints à recevoir des contrats sur le roi, pour l’extinction
de leurs rentes. Ce systême est faux, parce que, comme nous l’avons
démontré, il est contraire aux principes. Il est dangereux,
d’ailleurs, parce qu’il tendroit à anéantir les revenus des
fabriques, qui consistent, pour la plupart, en rentes données pour
obits & fondations. Ces moyen, ont été adoptés
par M. l’avocat-général Héraut , qui s’est décidé
uniquement d’après les principes , en écartant les circonstances
particulières qui étoient favorables à la fabrique.
Par arrêt du 7 février 1789 , conforme aux concluions de M.
l’avocat-général, La cour a confirmé la sentence dont
étoit appel, qui, en déclarant les offres de la dame de la
Mèche insuffisantes, l’avoit déclarée non-recevable
dans sa demande: Plaidoyeries, vu la feuille, pag. 19.
|
|
§ V. Administration des
biens des gens de main-morte.
1. Les principes que nous avons posés
sur la nature des établissemens des gens de main-morte, sont le fondement
des obligations qui leur sont imposées pour la régie de leurs
biens. C’est parce que chacun de ces établissemens doit être
utile autant qu’il est destiné à l’être, qu’il est enjoint
à tous d’affermer les biens suivant leur juste valeur, d’en passer
des baux devant des officiers publics, & de les faire contrôler;
qu’il leur est interdit de faire aucune convention privée, ou aucune
contre-lettre (arr. 1, 2, 3 & 4, de l’arrêt du conseil du 2 septembre
1760); qu’il leur est défendu sur-tout de passer des baux par anticipation,
& ordonné d’entretenir & réparer les batimens, de
manière que les charges actuelles n’absorbent pas le revenu à
venir. |
|
C’est parce que les établissemens des gens de main-morte sont dans
la dépendance de la puissance publique, que les uns sont obligés
de rendre compte de l’emploi de leur revenus, aux archevêques &
évéques, comme les fabriques; que d’autres comme les [p.287] collèges,
& les hôpitaux; aux principaux officiers des villes, ayant la
puissance publique; que tous sont soumis à la surveillance du ministere
public, qui peut éclairer leur administration. |
|
Enfin, c’est parce que les particuliers qui composent les établissemens
des gens de main-morte, ne sont qu’administrateurs, qu’il n’est permis a
aucun d’eux de distraire les revenus de leur destination, pour les appliquer
ou à leur utilité personnelle, ou à un usage qui ne
seroit pas autorisé. |
|
2. Nous nous bornons ici à ces notions, les principes ayant été
développés au mot Administration des biens ecclesiastiques,
tom. 1, pag. 247; & leur application faite dans tous les détails,
au mot Bail à ferme, § VI, tom. 3, pag. 38. On peut voir
aussi l’article Réparations. Les règles particulières
à l’administration des biens de certains établissemens se trouveront
aux articles qui les concernent. On ne peut qu’indiquer les principaux:
Collége, Corps & Communautés, Fabriques,
Hôpitaux, Séminaire.
|
|
8e édition, tome 9 (1790),
pp. 265-287.
|