CORPUS HISTORIQUE ETAMPOIS
 
 Dom Basile Fleureau 
Des choses memorables arrivées à Estampes,
sous le Regne de Philippe Premier, & Louis VI. surnommé le Gros.

Antiquitez d’Estampes I, 23
1668
     
Philippe Ier et sa famille (enluminure des Grandes Chroniques de France, XVe sièce)
Philippe Ier et sa famille (Grandes Chroniques de France, XVe siècle)

     Contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser, ce chapitre ne traite que du règne de Philippe Ier, période à la fin de laquelle le Prince Louis, associé au trône, joua un rôle militaire important. Le règne propre de Louis VI sera traité dans la deuxième partie du chapitre suivant, lui aussi assez mal intitulé: De la franchise de Chalo Saint-Mard, et que nous découperons pour cette raison en deux pages.
     Fleureau n’aime pas Philippe Ier. Sa source principale, la Vie de Vie Louis le Gros, par Suger, abbé de Saint-Denis, en donnait déjà un portrait peu favorable. Mais le Barnabite force ici le trait et manque nettement de rigueur. Il est visiblement dans la lignée d’une certaine historiographie d’inspiration biblique, où chaque règne doit constituer une leçon de morale, soit que tel roi soit agréable à Dieu, ou qu’il lui fasse horreur.

      La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
     
Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes
Paris, Coignard, 1683
Premiere Partie, Chapitre XXIII,
pp. 75-77.
Des choses memorables arrivées à Estampes,
sous le Regne de Philippe Premier,
& Louis VI. surnommé le Gros.

 
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PREMIÈRE PARTIE, CHAPITRE XXIII.
Des choses memorables arrivées à Estampes,
sous le Regne de Philippe Premier,
& Louis VI. surnommé le Gros.

Depuis l’an 1060. jusques 1137. [sic]
 
PHilippe I. ne se contentant pas de Berthe, sa legitime épouse, passant à Tours l’an 1091. fit enlever par un de ses Gentils-hommes, Bertrade de Monfort, femme de Fouques Rechin, ou l’Aspre, Comte d’Anjou laquelle il épousa, au grand scandale de la France, & de toute l’Europe, aprés la mort de son mary, qui ne pouvant se venger de l’affront qu’il avoir receu de l’enlevement de sa femme, en mourut bien-tost aprés de déplaisir. Il y a de nos Historiens, qui ont laissé par écrit que de ce mariage Philippe eut quatre enfans, deux garçons Philippe, & Fleury, & deux filles, Cecile, & Eustache. Dieu ayant eu en horreur l’incestueux adultere du Roy; a voulu que la memoire de ces deux Princes, soit entierement éteinte, sans qu’il reste d’eux, ny de posterité, que le seul nom. Cecile leur sœur* fut mariée deux fois, la premiere, elle épousa Tancrede, Prince d’Antioche, neveu de [p.76] Boëmond, qui s’est si fort signalé dans les Croisades; & la seconde Bertrand, Comte de Tripoly, en Syrie. Belle-forest en ses Annales, assure qu’Eustache fut mariée à Jean, Seigneur d’Estampes, qui en faveur de ce mariage, en fut fait le premier Comte: Mais il se trompe; parce que cette Eustache est surnumeraire, entre les enfans de Philippe, & de Bertrade, que la plus commune opinion de nos Historiens, & Genealogistes reduit feulement à deux garçons, & une fille. Et j’ay cy-devant remarqué, qu’il n’y a point eu de Comte, ny de Seigneur proprietaire de la ville d’Estampes que le Roy. Et nous verrons en traitant de l’Abbaye de Morigny, que le Roy Philippe & Louis le Gros son fils, ont toûjours joüy de la ville d’Estampes: même du vivant de Jean, surnommé d’Estampes, qui fut mary d’une Eustache, non pas de France, mais de la maison de Corbeil, laquelle dans toutes les donations qu’elle a faites, avec son mary, à l’Abbaye d’Yerre en Brie, où elle est inhumée, n’a jamais pris la qualité, ni de fille, ni de sœur de Roy, ni de Princesse, ni de Comtesse: non plus que son mary celle de Comte d’Estampes.
Philippe Ier selon un camée des années 1630
Philippe Ier (1060-1108)
Camée des années 1630
*Guill. de Tyr, lib.  XI. c. 4.
     L’Abbé Sugger raconte dans la vie de Louis le Gros**, que ce jeune Prince, meu des plaintes que le Roy Philippe son pere faisoit souvent, des peines que les Comtes de Corbeil, de Mont-l’Hery, & plusieurs autres Seigneurs des environs de Paris luy avoient fait, se resolut de les exterminer, les assiegea dans leurs places, & les vainquit, au moins la plus grande partie, procurant par ses belles actions du repos au Roy son pere sur la fin de sa vie: de sorte que toute la France jetta deslors la veuë sur luy, comme sur un Hercule dompteur des monstres de l’Etat: & tous ceux qui souffroient quelque opperssion [sic], commencerent à avoir recours à luy pour en étre délivrez. Les Berruiers le prierent de les garentir de celle de Humbault, Seigneur de sainte Severe, Château assis aux confins des païs de Limosin , & de Berry, contre lequel le Prince Louis marcha aussi-tôt, avec son armée victorieuse, devant laquelle le petit Tiran eut la hardiesse de se presenter, avec ce qu’il avoir pû ramasser de troupes, y ayant une petite riviere entre-deux, qui avoit les bords fort escarpez , & n’étoit pas gayable. Le Prince Louis, ayant apperceu un des ennemis sortir de leurs retranchemens par un certain passage, picqua promptement son cheval contre luy, le perça tout outre, & en terrassa encore un autre d’un même coup de lance: puis poursuivant sa victoire, il entra dans le Camp des ennemis par le même endroit, par où l’autre [p.77] étoit sorty: & aidé de ses gens, qui le suivirent aussi-tôt, il defit ses ennemis, & les mit en fuite, en laquelle Humbault fut pris, & amené prisonnier à Estampes, où le Prince Louis le laissa sous bonne garde, & s’en alla victorieux, & triomphant à Paris. Cette Histoire est rapportée par Sugger en la vie de ce Prince comme j’ay dit.

**Tom. 4. Hist. Franç. pag. 292. & 293.
 
Louis VI selon un camée des années 1630
Louis VI (1108-1137)
   
 

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TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT
NOTES  (Bernard Gineste, novembre 2005)


Depuis l’an 1060. jusques 1137. Il y  là une erreur de léditeur posthume, parce que le chapitre tel quil est découpé ne traite que du règne de Philippe Ier, qui mourut en 1108.

Berthe. Berthe dite de Hollande, née 1055, mariée à Philippe Ier en 1072, morte en 1094.

Bertrade de Monfort. Fille de Simon de Montfort et d’Agnès d’Évreux, sœur d’Amaury III de Montfort, née vers 1070.
Foulques IV d’Anjou la remarque en 1089, répudie sa deuxième épouse et l’épouse en troisièmes noces, d’où un fils, Foulques V, qui sera roi de Jérusalem. Elle séduit ensuite, en 1091, Philippe Ier, qui l’épouse alors qu’ils ont tous deux des conjoints encore vivants. Ils sont excommuniés en 1095 par Urbain II et Philippe Ier exclu de la première croisade.

Fouques Rechin ou l’Aspre, Comte d’Anjou... mourut... de déplaisir. Ailleurs, Fleureau traduit autrement Rechin, p. 563: Foulques, dit Rechin, ou le Rude, Comte d’Anjou. D’autres historiens portent
le Hargneux.

Mourut bien-tost aprés de déplaisir. Fleureau ici fabule et na pas lu Suger très attentivement. Foulques resta en réalité en très bons termes avec Philippe, ainsi qu’avec Bertrade, même après la mort de Philippe Ier, selon Suger lui-même qui en est fort étonné et songe à un sortilège: «Il la respectait comme sa Dame» (tamquam dominam veneratur). Waquet ajoute même, d’après Louis Halphen (Le Comté d’Anjou au XIe siècle, p. 171 et n.3), ce détail qui aggrave l’erreur de Fleureau: «Philippe Ier et Bertrade furent reçus par Foulques lui-même à Angers avec beaucoup d’honneurs le 10 octobre 1106»; c’est-à-dire quinze ans après l’enlèvement dont nous parle Fleureau. Et voici pour finir ce qu’était en réalité le premier mari de Bertrade, selon Henri Waquet (Vie de Louis le Gros, 1929, p. 124): «Né le 14 avril 1043, il était beaucoup plus âgé que Bertrade, qu’il avait épousé en troisième noce. Il mourut en 1109, laissant une réputation détestable: ‘ivrogne, débauché, paresseux’ (Chroniques des comtes d’Anjou, éd. Halphen et Poupardin, p. 169)». Quant à Bertrade, elle finit par prendre le voile à l’abbaye de Fontevraud où elle donna encore jeune des marques de piété qui firent l’admiration de Guillaume de Malmesbury.

Philippe et Fleury. Fleureau ici aussi force le trait, d’une manière assez peu sympathique à un esprit moderne, et qui frappe surtout son côté archaïque et simpliste. On n’a guère de données il est vrai sur Fleury, qui s’appelait plutôt d’ailleurs Floire, en latin Florus. On lit çà et là qu’il fut fut seigneur de Nangis et père d’Élisabeth (Isabelle) de Nangis (née vers 1118 et mariée vers 1136 à Anseau de Vénisy
) et donc grand-père d’Adelais de Vénisy, etc.; mais je ne sais pas pour l’heure s’il s’agit d’un fait avéré ou de l’hypothèse gratuite d’un généalogiste, comme dans le cas de sa prétendue sœur Eustache (Voyez infra). Nous sommes mieux renseigné sur Philippe de Mantes, notamment par Suger. Son père le maria en 1104 à Élisabeth de Montlhéry, fille de Guy Trousseau et petite-fille de Milon de Montlhéry; il fut fait à cette occasion, avec l’accord du futur Louis VI, seigneur de Mantes autant que de Montlhéry. A la mort de Philippe Ier, sur le conseil d’Yves de Chartres, on précipita le sacre de Louis VI pour parer aux prétendues velléites d’une caballe qui aurait voulu mettre son demi-frère sur le trône; dès l’année suivante, Louis assiègea Philippe dans Mantes, qu’il lui retira, avant d’aller prendre Montlhéry, qui était tenue par un affidé de Bertrade, Hugues de Crécy. Ce n’est donc pas tant Dieu que Louis VI lui-même qui paraît avoir pris soin d’éliminer son beau-frère, au moins politiquement parlant.

Cecile.. Tancrede... Bertrand... Guillaume de Tyr... Fleureau dépend ici de l’Histoire des croisades par Guillaume de Tyr, qu’il connaît sans doute par l’édition qu’en avait donnée Jacques Bongars en 1611. Il utilisera cette source encore dans ses
«Remarques sur la Cronique de l’Abbaye de Moigny», pp. 562-563. Nous donnons en annexe la traduction des passages considérés par Guizot. Voyez notre bibliographie.

Belle-forest. Les Annales de Belleforest (1530-1583), ouvrage singulièrement dépourvu d’exprit critique, avaient connu une édition en 1629. Voyez notre bibliographie.

Eustache... mariée à Jean
.  L’idée que qu’Eustache (ou Eustachie) de Corbeil, épouse de Jean d’Étampes, aurait été une fille de Philippe Ier est une erreur de généalogiste qui se perpétue encore de nos jours dans les génélaogies non critiques qui fleurissent sur Internet en se recopiant l’une l’autre indéfiniment. Fleureau fera plus loin justice de la très suprenant légende de Jean d’Étampes, au chapitre XXVIII, pp. 120-121.

J’ay cy-devant remarqué, qu’il n’y a point eu de Comte...
A la fin du chapitre XVI.

Nous verrons en traitant de l’Abbaye de Morigny...
Dans la troisième partie de l’ouvrage, pages 473 et suivantes: mais Fleureau n’y reviendra pas expressément sur cette question.

L’Abbé Sugger raconte... Dans sa Vie de Louis le Gros, que Fleureau connaît par l’édition des Duchesne, parue en 1641. Voir notre bibliographie.

Les exterminer. Le mot semble avoir ici son sens originel de chasser ou de déloger plutôt que celui que de tuer massivement.

Un Hercule dompteur des monstres de l’Etat.
Je n’ai pas trouvé pour l’heure quel est le premier auteur de cette métaphore qui paraît ancienne puisque d’autres auteurs que Fleureau l’appliquent à Louis VI.

Les Berruiers. Les Berrichons.

Le petit Tyran. Ce vocable est emprunté à Suger qui qualifie ainsi plusieurs des grands seigneurs matés ou combattus par le Prince Louis.

Bernard Gineste, novembre 2005.

Toute critique ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
ANNEXE 1
PASSAGES DE GUILLAUME DE TYR ALLÉGUÉS PAR FLEUREAU
(dans la traduction Guizot de 1824)

     Livre XI, chapitre 1 [traduction Guizot, 1824, t. II, p. 111] Arrivé dans la Pouille, Boémond ne s’y arrêta que peu de temps, et prenant à sa suite une honorable escorte de ses fidèles, il traversa les Alpes et se rendit auprès de l’illustre Philippe, roi des Français. Entre autres bienfaits de ce souverain, il reçut de sa main ses deux filles, l’une qui s’appelait Constance, issue d’un mariage légitime, et avec laquelle Boémond s’unit des mêmes nœuds; l’autre nommée Cécile, que le roi avait eue, du vivant même de sa femme, de l.a comtesse d’Anjou, après que celle-ci eut abandonné son mari pour se réfugier auprès de lui. Boémond la destinait à son neveu Tancrède, et la conduisit dans la Pouille, d’où il l’envoya en Orient.

     Livre XI, chapitre 4 [Guizot, t. II, p.156] Vers le même temps, le seigneur Tancrède guerrier de pieuse et illustre mémoire, acquitta sa dette envers la mort. Toute l’Église des Saints racontera à perpétuité les 
œuvres charitables et les libéralités qui honorent son souvenir. Tandis qu’il était étendu sur son lit de mort, il avait auprès de lui et à son service le jeune Pons, fils du seigneur Bertrand, comte de Tripoli. Lorsqu’il se vit près de son dernier jour, il fit appeler sa femme Cécile, fille du roi des Français Philippe, ainsi que le jeune homme que je viens de nommer, et leur conseilla, dit-on, à tous les deux de s’unir après sa mort par les liens du mariage. En effet, après la mort de Tancrède et après celle du seigneur Bertrand, comte de Tripoli, Pons, fils de ce dernier, épousa Cécile, veuve de Tancrède.
 
ANNEXE 2
PASSAGE DE LA VIE DE LOUIS LE GROS PAR SUGER RÉSUMÉ PAR FLEUREAU
(texte et traduction de 1929 par Henri Waquet)

Texte latin établi par Henri Waquet (1929) Version française de Henri Waquet (1929)
XII. DE CAPTIONE CASTRI SANCTE SEVERE

     Sicut ergo nobiles innobiles, gloriosos inglorios reddens pigritia desidiam comitata imo deprimit, sic noblies nobiliores, gloriosos gloriosiores virtus animi, corporis exercicio agitata, superis attollit et quibus oblectata strenuitas perfruatur, preclara facinora undecumque terrarum viris offerendo reponit.

     Assistunt equidem qui magnificis exorent suppliciis, multo etiam et sumptuoso servitio, ad partes Bituricensium dominum Ludovicum transmeare, ea in parte qua confinia Limovicensium conterminant, ad castrum videlicet Sancte Severe nobilissimum et hereditaria militie possessione famosum, pedite multo populosum, dominumque illius virum nobilem Hunbaldum aut ad exequendum justiciam cogere aut jure pro injuria castrum lege salica amittere.

     Rogatus vero non cum hoste, sed domesticorum militari manu fines illos ingressus, cum ad castrum festinaret, prefatus castellanus, multa militia comitatus (erat enim generosi sanguinis, bene liberalis et providus), ei occurrit rivumque quendam repagulis et palis preponens — nulla enim alia succedebat via — exercitui Francorum resistit. Cumque ibidem mediante rivo utrique hererent, dominus Ludovicus, unum eorum audacius ceteris indignatus repagula exisse, equum calcaribus urget, et, ut erat vir pre ceteris cordatus, insiliens in eum, lancea percussum, nec eum solum sed per eum alium uno ictu prosternit et, quod regem dedeceret, in eodem rivo copiosum usque ad galeam balneum componit successusque suos urgere non differens, quo ille arto exierat iste intravit et pugilli congressione hostes abigere non desistit. Quod Franci videntes, mirabiliter animati, repagula rumpunt, rivum transiliunt hostesque multa cede persequentes, ad castrum usque coactos repellunt.

     Fama volat, oppidanos totamque viciniam percellit quod dominus Ludovicus et sui, ut fortissimi milites, donec funditus subverterit castrum et nobiliores castri aut patibulo affigat aut oculos eruat, recedere dedignetur. Eapropter consulte agitur ut et dominus castri se dedere regie majestati non differat castrumque et terram ejus dicioni subitiat. Rediens itaque dominus Ludovicus predam dominum castri fecit et subito triumpho, eo Stampis relicto, Parisius felici successu remeavit.

XII. DE LA PRISE DU CHÂTEAU DE SAINTE-SÉVÈRE

     De même que la paresse, compagne du désœuvrement, en ôtant aux hommes nobles leur noblesse, aux hommes pleins de gloire leur gloire, le rabaisse, de même la force du cœur, stimulée par l’exercice du corps, élève très haut les hommes nobles en ajoutant à leur noblesse, les hommes pleins de gloire en ajoutant à leur gloire et, en retour, offre de toutes parts aux héros l’occasion de brillants exploits que leur vaillance puisse goûter avec plaisir.

     Il comparut par-devant monseigneur Louis des gens qui le supplièrent et conjurèrent, en se mettant largement et non sans frais à son service, de se transporter dans le Berry, dans la région qui est limitrophe du Limousin, c’est-à-savoir vers le château de Sainte-Sévère, château très noble et fameux par la chevalerie qui s’y perpétuait héréditairement. Les gens de pied y abondaient. Il fallait que le seigneur, un noble personnage, Humbaud, fût mis en demeure de pratiquer la justice ou bien, juste châtiment de ses injustices, qu’il perdît son château, conformément à la loi salique.

     Cédant à ces prières, monseigneur Louis s’engagea sur ce territoire, non pas avec un ost entier, mais à la tête d’une troupe de chevaliers de sa maison. Il se hâtait vers le château quand le susdit châtelain, accompagné d’une chevalerie nombreuse (il était en effet naturellement généreux, fort libéral et prévoyant), accourut à sa rencontre. Se plaçant derrière un ruisseau garni de fortes barres et de pieux — il n’y avait pas d’autre chemin — le voici qui tient tête aux Français. Comme les deux partis restaient arrêtés de part et d’autre du ruisseau, monseigneur Louis, indigné à la vue de l’un des ennemis qui, plus audacieusement que les autres, avait franchi la barrière, donne de l’éperon à son cheval et, en homme de cœur qu’il était plus que les autres, saute sur son adversaire, le frappe de sa lance, le renverse à terre d’un seul coup avec un autre en plus derrière lui et, geste peu séant à un roi, il leur fait prendre dans le ruisseau un grand bain, jusqu’au heaume; ensuite, il presse sans délai ses succès, entre par l’étroite ouverture qui avait servi à son adversaire pour sortir et ne s’arrête pas d’en venir aux prises comme un vaillant champion avec les ennemis et de les faire reculer. A cette vue les Français, animés d’une merveilleuse ardeur, rompent les barrières, traversent le ruisseau et, poursuivant les ennemis dont ils font un grand massacre, les repoussent par la force jusqu’au château.

     Bien vite le bruit se répandit, frappant de terreur la garnison et tout le voisinage, que monseigneur Louis et les siens, en chevaliers de grand cœur qu’ils étaient, dédaignaient de se retirer avant d’avoir mis sens dessus dessous tout le château et accroché au gibet les plus nobles de ses occupants ou de leur avoir crevé les yeux. Aussi, après réflexion, des négociations s’engagèrent-elles, afin que le maître de la place se rendît sans différer à la majesté royale et soumît à l’autorité du roi son château et sa terre. Monseigneur Louis, s’en retournant, prit pour butin le maître du château et, après ce triomphe rapidement remporté, laissant son prisonnier à Etampes, revint heureusement à Paris.

 
Source: Basile Fleureau, Les Antiquitez de la ville et du Duché d’Estampes, pp. 75-77. Saisie: Bernard Gineste, juillet 2004-septembre 2005.
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

 
     Édition princeps, posthume: Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite, 1612-1674), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité vers 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683.

     
Réédition en fac-similé: Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [23 cm sur 16; XIV+622+VIII p.], Marseille, Lafittes reprints, 1997.

     
Réédition numérique en ligne (en cours depuis 2001): Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, 2001-2011.

     Ce chapitre: Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, 2001-2005.


Guillaume de Tyr: éditions et traductions antérieures à Fleureau

     Nombreux manuscrits.

     Vieille version française manuscrite dont la BN conserve 18 exemplaires manuscrits, selon Guizot.

     Première édition: PHILIBERTUS POYSSENOTUS (Philippert POYSSENOT de Dôle) [éd.], GULIELMUS TYRIUS (GUILLAUME DE TYR, vers 1130-1186) [auteur], Belli sacri historia, libris XXIII comprehensa, de Hierosolyma ac terra promissionis... per... principes christianos recuperata... narrationis serie usque ad regnum Balduini quarti... Opus... Philiberti Poyssenoti opera in lucem editum, Gulielmo Tyrio,... autore... [in-f°], Basileae [Bâle], J. Oporinum, 1549.

     Deuxième édition: Heinrich PANTALEON [2e éd.], PHILIBERTUS POYSSENOTUS (Philippert POYSSENOT de Dôle) [2e éd.], GULIELMUS TYRIUS (GUILLAUME DE TYR, vers 1130-1186) & JOANNES HEROLD [continuateur de Guillaume de Tyr], Belli sacri historia, libris XXIII comprehensa, de Hierosolyma ac terra promissionis... per... principes christianos recuperata... narrationis serie usque ad regnum Balduini quarti... [a Joanne Herold continuata]. Opus... Philiberti Poyssenoti opera in lucem editum, Gulielmo Tyrio,... autore... [2 parties en 1 vol. in-f°; la 2e partie a pour titre particulier: «De Bello sacro continuatae historiae libri VI p. c. Johanne Herold authore. Adjecimus de Expugnatione urbis Ptolemaidos Monachi,... archiepiscopi Acconensis rythmum. Insuper etiam de Sarracenis profligatis ab Alphonso X... rescriptum, cum epistola procerum eorum, quorum opera... Albigenses haeretici deleti fuerunt»], Basileae [Bâle], per N. Brylingerum et J. Oporinum, 1549-1560. Autre édition, Basileae, apud N. Brylingerum, 1560-1564.

     Giuseppe OROLOGGI (1520-1576) [traducteur], Historia della guerra sacra die Gierusalemme... raccolta... da Guglielmo, arcivescovo di Tiro,... tradotta in lingua italiana da M. Gioseppe Horologgi... [in-4°; 703 p.; table], Venetia, V. Valgrisi, 1562.

     Gabriel DU PRÉAU (1511-1588) [traducteur], Johann HEROLD Basilius & GUILLAUME DE TYR, Histoire de la guerre saincte, dite proprement la Franciade orientale contenant ce que les françois et autres princes occidentaux ont heureusement exécuté contre les turcs, sarrasins pour le recouvrement de la Ste Cité &c faite latine par Guillaume, archevesque de Tyr,... [et par J. Herold], traduite en françois par Gabriel Du Préau [in-f°; pièces liminaires; 688 p.; table; le livre XXIII est la traduction du livre Ier de la suite publiée par Johann Herold], Paris, Nicolas Chesneau, 1573. Autres éditions: Paris, Nicolas Chesneau, 1573. Paris, R. Le Mangnier, 1574 [«édition pleine d efautes et maintenant illisible», dit Guizot dans la préface de sa traduction].

    Thomas BAGLIONI [traducteur], autre version italienne [in-4°], Venise, 1610 [selon Guizot].

     
Troisième édition: Jacobus BONGARSIUS (Jacques BONGARS, 1546-1612), Gesta Dei per Francos, sive orientalium expeditionum et regni Francorum hierosolymitani historia, à variis, sed illius aevi scriptoribus litteris commendata, nunc primum aut editis, aut ad libros veteres emendatis (Edidit J. Bongars) [2 tomes en 1 vol. in-f°; t.1: «orientalis historiae tomus primus»; t.2: «Liber secretorum fidelium crucis super Terrae Sanctae recuperatione et conservatione... cujus auctor Marinus Sanutus, dictus Torsellus (Marino Sanudo Torsello), patricius Venetus... ex mss. veteribus editus»], Hanoviae, heredes J. Aubrii, 1611 [Réédition: 1614], t. 2 [source de la traduction de Guizot].

     Yvo DUCHATIUS [éd.], Yvonis Duchatii,... belli sacri a Francis aliisque christianis adversus barbaros gesti pro sepulchro et Judaea recuperandis narrationes quatuor, ex latinis Guilelmi Tyri,... sed maxime Benedicti de Acoltis,... excerptae [in-8°; pièces liminaires; 411 p.], Parisiis [Paris], apud P. Petit-Pas, 1628.

Belle-Forest

     François de BELLE-FOREST (ou BELLEFOREST, 1530-1583), Les Grandes Annales et Histoire générale de France, depuis la venue générale des Francs en Gaule, jusqu’au règne du roi Henri III [in-f°], Paris, 1629 [c’est probablement l’édition connue de FLEUREAU, qui écrit vers 1668].

La Vie de Louis VI le Gros par Suger: édition de Duchesne utilisée par Fleureau

 
    Andreas DU CHESNE (alias André DUCHESNE, DUCHÊNE, CHESNIUS, DUCHESNIUS, QUERNEUS, QUERCETANUS, 1584-1640; surnommé le Père de l’Histoire française) [éd.] & Fransciscus DU CHESNE (François, son fils & continuateur, 1616-1693) [Duchesne envisageait un recueil de 34 volumes mais la mort l’arrêta avant que ne parût le 3e; son fils alla jusqu’au tome 5; l’ensemble fut ensuite entièrement recommencé par Dom Bouquet et les Mauristes], Historiae Francorum scriptores coaetanei... quorum plurimi nunc primum ex variis codicibus mss. in lucem prodeunt, alii verò auctiores et emendatiores; cum epistolis regum, reginarum, pontificum, ducum, comitum, abbatum et aliis veteribus rerum Francicarum monumentis opera ac studio Andreae Du Chesne [tom. I-II; «Auteurs de l’Histoire des Francs contemporains des faits… dont la plupart sont édités pour la première fois à partir de divers ouvrages manuscrits, tandis que les autres le sont plus au long et plus correctement; avec les lettres des rois, des reines, des évêques, des ducs, des comtes, des abbés et les autres anciens monuments des affaires de la France, par les soins et le travail d’André Duchesne»] — Historiae, etc., opera ac studio filii post patrem Francisci Du Chesne [tom. III-V] [5 vol. in-f°; «Auteurs, etc., par les soins et le travail du fils d’André Duchesne, François, après la mort de son père»], Lutetiae Parisiorum [Paris], sumptibus S. Cramoisy [Sébastien Cramoisy], 1636-1649, tome IV (1641), pp. 292-293.

     Henri WAQUET (archiviste du département du Finistère) [éd.], Suger. Vie de Louis le Gros, éditée et traduite [XXVII+332 p.; texte latin et version française en regard; index; bibliographie pp. XXIV-XXVII], Paris, Les Belles Lettres [
«Les Classiques de l’Histoire de France»], 1929. Réédition, 1964.

Sur le règne de Philippe Ier.

     Augustin FLICHE (1884-1951) [historien, spécialiste d’histoire ecclésiastique, membre de l’Institut, Académie des Inscriptions et belles-lettres (1941)], Le Règne de Philippe Ier, roi de France (1060-1108). Thèse pour le doctorat ès lettres présentée à la Faculté des lettres de l’Université de Paris [in-8°; XXIII+600 p.; bibliographie pp. VII-XXIII; index], Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1912.
     Réimpression: Genève, Slatkine & Megariotis & Paris, Champion, 1975.


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